L’officier déserteur de l’armée du Makhzen, Abdelilahou Issou, dans une déclaration exclusive au journal Echorouk
Abdelilahou Issou était un officier dans l’armée marocaine qui a servi au Sahara Occidental et qui a vécu la guerre contre le Front Polisario. Il vit comme refugié politique à Madrid en Espagne depuis qu’il s’est enfui de son pays en mois de janvier 2002. Il est poursuivi par les services de renseignement du Makhzen depuis plusieurs années. Ces services ont tenté de le kidnapper. Il a été accusé d’espionnage au service de l’Espagne. Abdelilahou Issou est né le 08/06/1965 à Titouan au nord du Maroc. Dans cet entretien, le premier qu’il accorde à un journal arabe, il dévoile à Echrouk plusieurs affaires sur l’armée marocaine, le Sahara Occidental, le trafic de drogue et les droits de l’homme.
Anouar Malek : Comment avez-vous rejoint l’armée marocaine ?
Abdelilahou Issou: Après les massacres commis par l’armée marocaine en mois de janvier 1984 à Titouan et d’autres villes pour réprimer la grève générale déclenché à l’époque, j’ai décidé de rejoindre l’académie militaire pour tenter de changer la situation de l’intérieur. A cette époque là, j’étais convaincu qu’il y avait de « nobles » personnes qui pourraient changer le cours des événements. Je suis sorti de l’académie en septembre 1988 avec le grade de sous-lieutenant et j’ai été affecté à l’infanterie. Il y a un détail important dont j’aimerai parler, c’est que mon père était un ami du feu général Elhadj Abdelsalam Ben Omar, appelé aussi Nigra. Ce dernier m’a remis une lettre et m’a demandé de la transmettre à son ami le général Abdelnabi Brital le chef de l’académie à cette époque là. L’objectif de cette correspondance était de me designer dans un bon poste. Toutefois, cela était et est contre mes principes, alors je ne lui ai pas remis la lettre. Je suis sûr que beaucoup de mes camarades de l’époque auraient, s’ils étaient à ma place, profite de cette occasion en or.
Le pacte de cessez-le-feu a sauvé l’armée marocaine du Front Polisario.
Anouar Malek : Vous avez servi au Sahara Occidental en tant qu’officier de l’armée marocaine, pouvez-vous nous parler de ce que vous avez vécu ?
Abdelilahou Issou: En tant que sous-lieutenant puis lieutenant j’ai été désigné chef de section, puis chef de compagnie. Les unités d’infanterie au Sahara Occidental sont divisées en deux catégories. La première catégorie est basée au niveau de la ceinture sécuritaire mise en place sous la supervision d’experts israéliens sur une longueur de 2 700 km. Cette catégorie n’a pas de véhicules (ni camions, ni autres véhicules). La compagnie dans cette catégorie est divisée en plusieurs sections. Entre les sections il y avait toujours des espaces non contrôlés, mais ils sont minés et clôturés par du fer barbelé. Cependant, cela n’empêchait pas les unités de commandos du Polisario de s’infiltrer dans ces zones. La deuxième catégorie de l’infanterie est composée des forces d’intervention rapide mobiles. Ces dernières avaient des véhicules de transport, des armes sophistiquées et sur le plan tactique elle dispose d’un commandement de haut niveau. Les unités basées sur la ceinture sécuritaire se retiraient et s’enfuyaient lors des grandes attaques vu qu’elles ne disposaient pas de moyens pour faire face aux blindés du Front Polisario. En tant que chef de section j’ai déjoué plusieurs infiltrations des unités de commandos du Polisario entre 1988 et 1990. En dépit de mes exploits, on ne m’a jamais félicité par mes supérieurs. Je les voyais exposer fièrement leurs torses pleins de médailles et de grades militaires alors qu’ils n’ont jamais posé leurs pieds sur le sol du Sahara Occidental. C’est l’amère vérité.
Entretien réalisé par Anouar Malek à partir de Madrid/ Version française M.D
Echourouk Online, 22/11/2010
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