par Kharroubi Habib
Dans les programmes officiels des visites de la secrétaire d’Etat américaine Hillary Clinton à Alger et à Rabat, il a été prévu qu’elle devait rencontrer des représentants des sociétés civiles algérienne et marocaine.
A Alger, Mme Clinton s’est effectivement entretenue avec un groupe de citoyens qu’elle a présenté à la presse comme étant représentatif de la société civile algérienne. A Rabat, elle s’est abstenue de ce type de rencontre, sans que ni elle, ni des membres de sa délégation, ni l’ambassade américaine au Maroc n’explique le pourquoi de cet accroc à son programme officiel. Il faut croire que le mobile qui lui a fait faire l’impasse d’une rencontre avec des représentants de la société civile marocaine n’est pas avouable pour la VRP américaine de la démocratie dans le monde. A Rabat, une telle rencontre aurait été inconcevable sans la présence parmi les interlocuteurs de la secrétaire d’Etat de porte-parole du Mouvement du 20 février, à l’origine de la contestation citoyenne qui a contraint le monarque marocain à concéder des réformes politiques.
En les recevant, Mme Clinton se serait vu exposer par eux une vision de la situation au Maroc qui aurait contredit celle que développe l’administration américaine, donnant à entendre que le Royaume a réussi la mue démocratique avec les réformes royales et les élections législatives organisées dans leur sillage. Son parti pris étant celui-ci, la secrétaire d’Etat américaine a, nous semble-t-il, jugé inutile une rencontre dont la crédibilité aux yeux de l’opinion marocaine ne pouvait s’imposer en l’absence de représentants du Mouvement du 20 février.
L’entorse au programme a été aussi faite pour ne pas irriter le Palais royal pour qui le Mouvement du 20 février est la bête noire. Cela est plus que probable, car Hillary Clinton n’a pas dû être dans l’ignorance du déplaisir royal à voir des opposants aussi déterminés aux réformes octroyées par le Palais être conviés par elle lors de sa visite à Rabat. Pour le cas où elle se serait avisée de maintenir la rencontre, Mohammed VI a anticipé en se rendant absent du Royaume durant son séjour à Rabat.
Ce qu’il faut retenir de cela, c’est que quand il s’agit du Maroc, Washington prend des gants et se soucie de ménager la susceptibilité de son souverain. A Alger, Hillary Clinton n’a pas fait dans le même registre, tout en sachant les autorités algériennes allergiques à ce que leurs hôtes étrangers rencontrent chez elles d’autres parties qu’elles.
Le plus étrange que sa visite à Alger a donné à constater est que Mme Clinton a intronisé représentants de la société civile algérienne des personnes dont nul, y compris au sein de la presse nationale, n’a entendu parler auparavant. Bien sûr que du côté américain l’on récuse l’accusation d’ingérence qui peut être portée contre cette intronisation. Cela ne vide pas l’accusation de sa véracité.
La visite à Alger de Mme Clinton s’est vendue officiellement comme démonstration du bon climat des relations algéro-américaines et du soutien accordé par Washington au processus des réformes politiques engagées en Algérie. Elle n’a pas pour autant masqué la réalité que le pouvoir algérien est sous haute et défiante surveillance américaine. Autant les Etats-Unis ont décidé de fermer les yeux sur l’inconsistance des réformes opérées au Maroc, autant ils se montreront censitaires du pouvoir algérien si ses réformes engendrent de la contestation, fût-elle animée par des forces au poids marginal dans la société algérienne.
Le Quotidien d’Oran, 28/2/2012
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