Tout en décodant le discours, lors de la visite éclair, qu’a effectuée la secrétaire d’Etat américaine, Mme Hillary Clinton, en Algérie, Hanoune a affiché une posture nationaliste et un verbe franc et direct : «Nous sommes contre toute ingérence dans notre région. Ni par le biais des Américains ni par le biais du Qatar ou de l’Arabie Saoudite», lâche-t-elle. Ouvre-t-elle une parenthèse sur la réunion de ce qu’on a appelé la «conférence des amis de la Syrie» qui se déroule en Tunisie ? Pour rappel, des partis d’opposition tunisiens ont vivement critiqué cette conférence ainsi que l’expulsion de l’ambassadeur syrien. L’un des principaux partis tunisiens d’opposition, le Parti démocrate progressiste (PDP), s’est étonné dans un communiqué de ce pas inhabituel aux traditions de la diplomatie tunisienne.
Louisa n’a pas manqué non plus de faire allusion au financement occulte des islamistes. «Nous n’en voulons pas, parce que ce sont des agences de la CIA qui le font. Nous ne voulons pas d’immixtion dans nos affaires.»
Parlant de l’ouverture du secteur privé algérien, comme insinué par la secrétaire d’Etat américaine, Hanoune dira que c’était l’ouverture aux produits américains qu’il fallait décoder. «Ils veulent le libre-échange du plan Eisenstat et des offensives économiques américaines au Maghreb.» «Nous n’en voulons pas», dira Hanoune, tout en encourageant la construction de relations et des échanges avec les pays du Maghreb, dans le respect de la souveraineté, conclue-t-elle. Hillary Clinton remet sur rails, donc, le programme de renforcement de la coopération avec le Maghreb, mais dans un cadre élargi aux pays du Moyen-Orient appelé MEPI (Middle East Partnership Initiative).
Une initiative initiée lors du déplacement en 2010 de Jose W. Fernandez, afin de mettre en place le plan «U.S.-Maghreb Entrepreneurship Conference» (Conférence sur l’entrepreneuriat Etats-Unis-Maghreb). Islamistes ou pas au pouvoir, l’intérêt suprême de l’administration américaine est de favoriser des réformes économiques, l’encouragement de l’investissement, la libre entreprise… ce qui n’est certainement pas possible dans la région, vu les démêlés politiques qui abondent dans la région, principalement l’autodétermination du peuple sahraoui.
Elle démontre aussi que l’ouverture des frontières n’est pas d’ordre politique uniquement. Même si Hillary a évité les sujets qui fâchent (aucune déclaration sur l’échec de la mission de l’ONU concernant le problème sahraoui), sa tournée au Maghreb va dans le sens d’une construction économique qui favoriserait une zone de libre-échange entre les Etats-Unis et les pays du Maghreb et du Moyen-Orient, souhaitée avant la fin 2013, selon Jose W. Fernandez. Pour ce faire, la réouverture des frontières a été le souci principal de la secrétaire d’Etat américaine.
Vu sous cet angle, la mission du premier émissaire des Etats-Unis, le président tunisien, n’aura pas été concluante. «La volonté d’ouvrir cette frontière ne se limite pas aux aspects économiques et aux principes politiques. Elle est aussi dictée par des considérations d’ordre stratégique et géopolitique «, nous a déclaré Mme Finan, chercheur à l’Université Paris VIII, lors d’un entretien (Voir l’édition du Jeune Indépendant du 14 août 2011). Cet ordre stratégique est un ordre forcément américain.
Mme Finan concluait l’entretien en ces termes : «Néanmoins sur certains dossiers comme celui des frontières et plus globalement la relation entre les deux grands pays du Maghreb, la présidence de la République ne peut s’écarter de la ligne de conduite dessinée il y a quelques années. Cette ligne est inhérente au nationalisme algérien tel qu’il a été mis en avant par le personnel politique «.
Concernant les louanges à l’adresse de la Tunisie, un confrère tunisien y répond bien dans son édito d’hier : « La Tunisie post-révolutionnaire et l’ensemble des Tunisiens, par-delà leurs diverses convictions et visions du monde, ont grandement besoin de voir leurs amis de toutes les contrées et de tous les intérêts et obédiences traduire concrètement leur sympathie en autant de gestes palpables sur le terrain de l’économie et des finances.
Si chaque déclaration bienveillante pouvait être convertie sur le marché des changes, notre pays se serait sans doute propulsé en tête des économies les plus prospères».
Samir Méhalla
Le Jeune Indépendant, 28/2/2012
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