Un plaidoyer enthousiaste pour l’Union maghrébine

Outre l’examen des relations entre les deux pays et les discussions sur les nouveaux enjeux induits par les changements intervenus dans la région (problèmes sécuritaires aux frontières avec la Libye), la visite du nouveau président tunisien en Algérie est largement dominée par l’idée de relance du projet de l’Union maghrébine.
Depuis sa prise de fonction en tant que président par intérim de la Tunisie au lendemain de l’élection de l’Assemblée constituante, Moncef Merzouki n’a eu de cesse de clamer partout sa volonté de travailler à refonder ce projet d’union régionale sur des bases solides agréées de tous les acteurs. La dernière tribune qui lui a permis, avant son déplacement à Alger, de marteler puissamment ses convictions maghrébines a été la capitale Nouakchott où il était en visite la semaine passée. Dans l’allocution qu’il a prononcée devant la presse, et au cours du débat qui l’a suivie, le président tunisien s’est lancé dans un plaidoyer où la raison et l’effusion, la stratégie régionale et le dessein national se sont entremêlés pour aboutir à la nécessité impérieuse de réinvestir le champ de l’union régionale sur tous les plans: politique, économique, commercial et culturel. Il y a insisté particulièrement sur les enjeux économiques et sécuritaires d’un tel travail de regroupement en expliquant que, les cinq pays, pris individuellement, n’ont pratiquement aucune chance de faire valoir leurs droits ou leur vision dans un monde de plus en plus globalisé. S’agissant du problème du Sahara occidental, présenté souvent comme étant le handicap majeur qui se dresse sur le chemin de l’union, Merzouki appelle à ne pas en faire un préalable pour prospecter et lancer les segments qui ne présentent aucun aspect de friction.Quant à l’ « expérience » de la révolution tunisienne ayant entraîné la chute du régime Benali, le nouveau locataire du palais de Carthage n’entend pas donner, en la matière, la leçon aux autres peuples arabes; cependant, à défaut de vouloir s’inspirer de l’exemple tunisien, il en appelle au  »bon sens » du président Assad pour se retirer au moins à la manière de Ali Abdallah Salah du Yémen.
En tout cas, les changements politiques qu’a eu connaître, en l’espace de quelques mois, l’aire géoculturelle arabe n’ont pas été sans effets sur les relations bilatérales ou multilatérales entre les pays composant cet espace géographique. Rien qu’entre l’Algérie et la Libye, la  »mauvaise humeur » et le climat de suspicion ont duré plusieurs semaines, voire des mois.
De même, sans que le problème ait pu atteindre une telle dimension, la frontière entre l’Algérie et la Tunisie a connu des moments de flottement dans la gestion des flux humains et de certains échanges clandestins (contrebande par la vente de carburant algérien dans des villages tunisiens).Bien que la frontière terrestre avec le Maroc soit fermée depuis 1994, ce genre de commerce illicite n’a jamais cessé. Pire, il est accompagné de rentrées de drogue en quantités industrielles destinée parfois à son acheminement vers l’Europe ou vers d’autres pays arabes. 
Sur le plan des intentions exprimées publiquement par les souverains maghrébins, il n’y aurait apparemment aucun obstacle majeur dans l’idée d’édification du grand Maghreb. Souvenons-nous, sur ce point, des déclarations du président Bouteflika au début de son premier mandat à la tête du pays. Il parlait d’un déterminisme historique soutenant le projet du grand Maghreb. « L’Algérie et le Maroc n’ont pas d’autres patries d’échange. Ils sont voisins et frères et sont condamnés à s’entendre », disait-il en substance. 
Dans l’état actuel de l’évolution politique de chaque pays maghrébin, l’on peut se poser la question de savoir dans quelle mesure la révolution des uns (Tunisie, Lybie), les réformes politiques des autres (Algérie, Maroc) et la transition démocratique d’un de ses membres (la Mauritanie) ont préparé chaque Etat à appréhender et à relancer sérieusement le processus de construction maghrébine.
Rappelons que l’Algérie vient de perdre, en la personne de Abdelhamlid Mehri, l’un des défenseurs acharnés de l’Union maghrébine, attitude qu’il a adoptée et fait valoir depuis la Révolution armée. Cependant, les élites éclairées des cinq pays ne manquent pas de compter en leur sein des partisans convaincus de l’idée du grand Maghreb. Ces derniers font valoir non seulement l’indéniable historicité de l’entité maghrébine, mais également, comme l’argumente Moncef Merzouki, les grands enjeux économiques et stratégiques charriés par les crises successives qui prennent en tenaille la quasi-totalité des pays du monde.
Par Saâd Taferka
Les Débats, 14/2/2012

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