par Demba Moussa Dembélé
Lâché par la France et les Etats Unis, Wade découvre que l’impérialisme n’a pas d’amis, juste des intérêts. Après qu’il les servis contre Gbagbo et contre Khadafi, voilà que les Etats Unis et la France le lâchent face à la pression populaire d’un peuple qui ne veut plus de lui. Mais que les Sénégalais se détrompent. Ni Obama ni Sarkozy ne se soucient de la démocratie et du respect des Droits de l’homme. Ils cherchent surtout à préserver leurs intérêts géostratégiques dans une région où l’instabilité du Sénégal pourrait avoir des conséquences graves.
Après les déclarations des représentants du Département d’Etat des Etats-Unis et celle de M. Alain Juppé, ministre français des Affaires étrangères, on a vu M. Sérigne Mbacké Ndiaye, le porte-parole du président Wade, et Me Madické Niang, ministre des Affaires étrangères, se relayer pour fustiger l’ingérence de la France et des Etats-Unis dans le processus électoral au Sénégal et en appeler « au patriotisme » des leaders de l’opposition pour condamner cette ingérence. Me Madické Niang ajoutera même que le Sénégal est un « pays souverain » qui n’acceptera « aucun diktat ».
UNE SERVILITE A TOUTE EPREUVE A L’EGARD DE L’OCCIDENT
On peut penser que ces déclarations traduisent la grande amertume que leur patron, le président Wade, a dû ressentir. Voilà un homme, «complexé de la tête aux pieds » comme aime à le dire Amath Dansokho, l’un des hommes politiques sénégalais qui le connaît le mieux, dont tous les faits et gestes, tout le comportement, toutes les déclarations et prises de positions visent à plaire aux dirigeants occidentaux, surtout Obama et Sarkozy.
Tous les prétextes sont bons pour soutenir leurs politiques en Afrique et ailleurs dans le monde, même au détriment des intérêts fondamentaux du Sénégal. En témoignent la rupture des relations diplomatiques avec l’Iran, la position ambigüe du Sénégal sur l’admission de la Palestine à l’ONU, le soutien inconditionnel à Sarkozy dans sa guerre contre le régime de Gbagbo en Côte d’Ivoire. Le cap dans la servilité de Wade sera franchi avec la trahison de Kadhafi et de la position de l’Union africaine sur l’agression impérialiste de l’OTAN contre la Libye
Pendant que l’Afrique cherchait à arrêter cette agression, Wade lui, préféra se mettre au service de celle-ci et trahir Kadhafi dont il fut l’un des courtisans les plus zélés. Le monde se souvient de son voyage à Benghazi pour aller soutenir les « rebelles » libyens alors que l’OTAN était en train de détruire la Libye et cherchait à assassiner Kadhafi et sa famille. Le voyage de Benghazi avait été préparé à partir de Paris et Wade et son fils avaient été accompagnés par des avions de combat français. Il est le seul chef d’Etat qui se soit rendu en Libye avant la fin de la guerre !
Allant toujours plus loin dans la servilité à l’égard de ses « amis » occidentaux, Wade avait dit lors d’un déplacement à Paris que contrairement aux autres chefs d’Etat africains, il était pour « le droit d’ingérence » contre les « dictateurs » qui répriment leurs peuples. Tant qu’il s’agissait des autres, tout va bien. Mais voilà que ce « droit d’ingérence » lui tombe sur la tête comme une massue. Comme les autres dictateurs, il est en train de réprimer son peuple qui lui demande tout simplement de respecter la Constitution. Il a déjà sur la conscience la mort de 6 personnes et plusieurs dizaines de blessés. Malgré tout cela, il croyait avoir droit à un traitement « spécial » vu sa carrière de larbin au service de l’Occident. C’est pourquoi Abdoulaye Wade doit certainement ressentir les injonctions de la France et des Etats-Unis comme une véritable « trahison ».
LES SEULS « AMIS » DE L’IMPERIALISME SONT CEUX QUI SERVENT SES INTERETS
Ainsi donc, le président Wade apprend-il à ses dépens que l’impérialisme n’a pas « d’amis », surtout dans les pays dominés. Aussi longtemps qu’il pouvait servir les intérêts géostratégiques, économiques et politiques de la France et des Etats-Unis, il avait droit aux sourires convenus et pouvait prétendre être leur « ami ». Mais aujourd’hui qu’il est vomi par la majorité de son peuple, que son régime est à bout de souffle, il ne peut plus leur être utile. C’est pourquoi ils lui montrent la porte dans le but de sauver leurs intérêts au Sénégal et dans la sous-région.
Les Sénégalais ne sont pas dupes et savent bien que les déclarations des Etats-Unis et de la France, demandant le départ de Wade, n’ont rien à voir avec la défense de la démocratie ou des droits de l’homme. Ce qu’ils craignent, c’est la déstabilisation de la sous-région consécutive à de troubles graves qui pourraient se produire au Sénégal suite à l’entêtement de Wade. Une telle déstabilisation pourrait nuire à leurs intérêts. C’est pourquoi ils pensent que la « stabilité » passe par le départ de Wade. Or dans leur jargon, « stabilité » veut tout simplement dire rester dans le giron de l’impérialisme occidental et continuer à servir ses plans géostratégiques.
Comme on le voit, ni au Sénégal ni en Côte d’Ivoire, ni en Libye ni en Egypte, les interventions des Etats-Unis et de la France, tout comme celles des autres pays occidentaux, n’ont été motivées par les « droits de l’homme » ou la « démocratie ». L’impérialisme est un système tyrannique et cynique qui n’hésite pas à semer la terreur et la mort partout pour atteindre ses objectifs. Il n’utilise le langage des droits de l’homme et de la démocratie que comme instrument de propagande au service de sa stratégie de domination et de contrôle des ressources de la planète. .
UN REGIME AUX ABOIS
Les gesticulations ridicules des porte-parole de Wade traduisent le profond désarroi d’un régime et d’un homme lâché par ses principaux parrains occidentaux. Il avait nourri l’illusion qu’il pouvait obtenir leur soutien ou du moins leur « compréhension » dans son ambition insensée de placer son fils à la tête du Sénégal. C’est l’échec de ce plan qui l’a amené à vouloir violer la Constitution en briguant un troisième mandat. Il croyait pouvoir compter sur Sarkozy et Obama pour faire accepter cette violation et organiser un coup d’état électoral pour se maintenir au pouvoir contre la volonté du peuple sénégalais.
Un journal sénégalais a dit récemment que le voyage de Benghazi et la trahison de Kadhafi avaient pour contrepartie un tel soutien. Apparemment, il a été floué par ses parrains qui ne veulent plus s’encombrer d’un président et d’un régime au bout du rouleau. Lâché par ses parrains et vomi par la majorité du peuple sénégalais, le président Wade doit se rendre à l’évidence : son régime est fini, bien fini, quoi qu’il arrive, quoi qu’il fasse.
Pambazuka News, 2012-02-12, Numéro 222
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