Rabat parle d’une nouvelle vision, le Polisario en wait and see

Par Abdelkrim Ghezali
A chaque changement politique au Maroc, le Polisario espère un changement d’attitude de Rabat à l’égard de la question sahraouie. Mais à chaque fois, c’est la désillusion. Le palais royal gagne du temps et repousse indéfiniment les échéances inéluctables de la seule solution possible au conflit : le référendum d’autodétermination du peuple sahraoui, reconnu par l’ONU.A ce propos, le président saharaoui a réaffirmé à Séville, l’attachement du Front Polisario à une solution juste et démocratique au conflit, à travers, a-t-il dit, l’organisation d’un référendum d’autodétermination qui permette au peuple sahraoui de s’exprimer librement sur tous les choix qui lui seront soumis. 
Il a, également, appelé le gouvernement du Parti de la justice et du développement de Abdelillah Benkirane à respecter les droits de l’homme dans les territoires sahraouis occupés, insistant sur «l’exigence» d’ouvrir les territoires occupés aux journalistes, aux militants des droits de l’homme et aux observateurs indépendants. Le président sahraoui a assimilé, par ailleurs, les récents appels à la redynamisation de l’Union du Maghreb arabe (UMA) qui ignorent la question sahraouie à «un reniement du droit du peuple sahraoui à choisir son destin librement». «Nous nous interrogeons sur les appels de certains gouvernements issus des révoltes populaires, qui évoquent les valeurs de liberté et de respect de la dignité des peuples pour la construction de l’UMA dans un contexte marqué par l’occupation illégale par un de ses membres d’un territoire situé dans la même région», a-t-il ajouté. 
Le président sahraoui a émis, en outre, le vœu de voir les gouvernements issus de ce qui est appelé le «Printemps arabe», œuvrer dans le sens de convaincre le Maroc que son occupation des territoires sahraouis est illégale. Il a mis en garde, d’autre part, contre le fait que les autorités marocaines et des partis européens «tentent de faire passer de nouveaux accords de coopération (UE-Maroc) incluant les territoires sahraouis occupés». Le secrétaire général du Front Polisario a qualifié ces tentatives de «manœuvres» visant à contourner la décision «historique» du Parlement européen jugeant illégale l’inclusion des eaux sahraouies dans l’accord de pêche UE-Maroc. 
Dans le même ordre d’idées, le Front Polisario s’attend à ce que le nouveau gouvernement espagnol issu du Parti populaire (PP) joue un «rôle positif» dans la solution du conflit du Sahara occidental, a indiqué samedi à Séville le président sahraoui Mohamed Abdelaziz. «Nous prédisons un rôle positif des nouvelles autorités espagnoles issues du PP pour résoudre la question sahraouie, à travers un soutien clair à l’organisation d’un référendum d’autodétermination au Sahara occidental», a déclaré, M. Abdelaziz lors d’une conférence de presse organisée en marge des travaux de la 37e conférence européenne de coordination de la solidarité avec le peuple sahraoui (EUCOCO). 
Le PP s’est «clairement» exprimé sur la question sahraouie lors des récentes élections législatives en Espagne, en rappelant la dette historique de l’ancienne puissance coloniale (l’Espagne) envers le peuple sahraoui, a-t-il relevé. «Le PP a inscrit dans son programme électoral le droit du peuple sahraoui à l’autodétermination», s’est félicité le président sahraoui qui a qualifié la position de ce parti dans le conflit sahraoui de «positive». M. Abdelaziz, qui participe aux travaux de la 37e EUCOCO à Séville, a également pris part à l’ouverture des travaux du congrès national du Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE). 
La question de décolonisation et l’Occident
Le Sahara occidental et la Palestine sont l’indicateur par excellence de l’attitude des deux poids, deux mesures de l’Occident vis-à-vis des questions de décolonisation. Face aux souffrances de ces deux peuples, les démocraties occidentales restent de marbre, usent d’euphémismes et de subterfuges pour éviter toute position et toute action de nature à mettre un terme à ces deux conflits qui bloquent l’évolution normale du Maghreb et compromettent la stabilité du Moyen-Orient. Les Etats-Unis, la France et l’Espagne sont les principaux responsables du pourrissement de la situation dans les deux régions. Les positions de chacun de ces pays influents au plan international sont mues non pas par le droit international auquel eux-mêmes ont activement participé à l’élaboration au sein des Nation unies, mais par leurs propres intérêts économiques et géostratégiques. Ces trois pays, notamment la France et les Etats-Unis considèrent que la problématique du Sahara occidental est sous-tendue par une bataille de leadership régional entre l’Algérie et le Maroc. 
En conséquence, si Washington et Paris soutenaient ouvertement le droit du peuple sahraoui à l’autodétermination et contraignaient ainsi le Maroc à mettre en œuvre un référendum dans ce sens, ce serait l’Algérie qui en sortirait vainqueur ce qui risque de déséquilibrer les rapports de force politiques dans la région. En fait, cette thèse machiavélique vise plus à justifier une position non conforme à la légalité internationale et à voiler les vraies raisons qui expliquent cette attitude injuste : le Maroc est le principal allié militaire et stratégique des Etats-Unis et de la France et par extension, le précieux gardien des intérêts occidentaux dans la région. A ce titre, le soutien au Maroc se fait au détriment du droit du peuple sahraoui, tout comme le soutien inconditionnel à Israël se traduit par plus de souffrances et de privations pour le peuple palestinien. En 2009, Ahmed Boukhari, représentant du Polisario à l’ONU disait : «S’il n’y a pas aujourd’hui de solution politique ou de référendum au Sahara (occidental), c’est principalement à cause de la France.» Lorsque le Conseil de sécurité a décidé de prolonger le mandat de la Minurso en avril 2009, il a été demandé au Maroc et au Front Polisario de «négocier sans condition préalable et de bonne foi». Le mois dernier, Christopher Ross, l’envoyé spécial de Ban Ki-moon, avait préconisé «des discussions informelles» et des «préparatifs minutieux», avant l’ouverture de négociations officielles. Le Conseil de sécurité soutient cette recommandation. Mais au sujet du respect des droits de l’homme, en raison de l’opposition de la France, il a juste adopté un texte mentionnant la nécessité de «réaliser des progrès concernant la dimension humaine du conflit». Mais dès l’annonce des premières rencontres de Manhasset, le Maroc a imposé un préalable : seule l’autonomie du Sahara occidental peut être discutée avec le Polisario. La France, qui a pleuré la situation des droits de l’homme en Libye et aujourd’hui en Syrie, a adopté une attitude indigne au Conseil de sécurité lorsque les atteintes aux droits de l’homme au Sahara occidental ont été évoquées. 
En Mars 2009, lorsque le rapport de la délégation ad hoc pour le Sahara occidental du Parlement européen s’est inquiété de la situation des droits de l’homme qui prévaut dans ce territoire et a suggéré que la Minurso s’occupe de ce problème dans la région, la France s’y est opposée avec force. Plusieurs autres organisations, parmi lesquelles l’ONG Human Right Watch, avaient déjà fait des recommandations similaires après avoir dénoncé la situation déplorable des droits de l’homme au Sahara occidental. Pour justifier la position de son pays, l’ambassadeur de la France aux Nations unies, Jean-Maurice Ripert, interrogé par Le Monde, a déclaré qu’il a privilégié «un texte consensuel qui évite les sujets controversés entre les parties ». La France, pro-marocaine, est favorable au plan d’autonomie proposé par le Royaume chérifien en 2007. Cette proposition qui écarte toute idée d’indépendance est catégoriquement refusée par le Front Polisario. Les Etats-Unis n’ont pas fait mieux. Hillary Clinton, la chef de la diplomatie américaine, a confirmé le soutien des Etats Unis au plan marocain d’autonomie du Sahara occidental. «Nous croyons que le plan d’autonomie marocain est sérieux, réaliste et crédible», a-t-elle déclaré aux côtés de son homologue marocain Taieb Fassi Fihri. Le Maroc soutient l’option d’une autonomie sous sa souveraineté, refusant toute idée d’indépendance. Pourtant, des membres du Congrès américain ont tenté d’infléchir la position de la Maison-Blanche. Quatre membres de cette institution ont appelé, dans une lettre adressée à Barack Obama et à son administration, à soutenir le peuple du Sahara occidental, territoire non autonome situé au sud du Maroc, dans l’exercice de son droit à l’autodétermination «à travers un référendum libre, juste et transparent». Pour donner plus de poids à leurs propos, les sénateurs Russel D. Feingold, James M. Inhofe, Edward M. Kennedy et Patrick J. Leahy ont, par ailleurs, rappelé que la Cour internationale de justice avait déjà reconnu en 1975 le droit à l’autodétermination du peuple sahraoui. Ce dossier épineux traîne donc sur le bureau ovale depuis un certain temps. Sous l’ère Bush, la secrétaire d’Etat américaine, Condoleeza Rice, lors de sa tournée d’adieu en septembre dernier, avait souligné la nécessité de régler au plus vite le conflit au Sahara occidental. Ces mêmes puissances s’indignent aujourd’hui du veto russe et chinois contre la résolution présentée par le Marco au nom de la ligue arabe condamnant la répression en Syrie et demandant le départ de Bachar El Assad. Washington oublie ainsi l’usage abusif de son droit de veto contre des résolutions condamnant Israël et ses agressions contre le Liban et contre les populations palestiniennes à Ghaza. Ces puissances discréditent ainsi l’organisation onusienne et ses instances ainsi que le droit international qui n’est invoqué que pour défendre des dossiers bien sélectionnés. Le Sahara occidental et la Palestine ne semblent pas faire partie des priorités de la France et des Etats-Unis qui s’intéressent plus à défaire des régimes qui les dérangent qu’à considérer tous les peuples égaux devant le droit international et les droits de l’homme. Palestiniens et Sahraouis ne doivent compter désormais que sur eux-mêmes pour changer la donne et les rapports de force. Si les premiers n’ont pas d’autre choix que d’unifier les rangs et d’aller de l’avant vers une véritable réconciliation interpalestinienne, les Sahraouis se disent prêts à reprendre les armes, si la communauté internationale continue à ignorer le droit du peuple à l’autodétermination.

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