Par Ahmed Halfaoui
Les Débats, 31/1/2012
On peut vous le donner en mille, les Etats-Unis ne respectent plus leurs satellites européens et ne s’en cachent même pas. De plus en plus, ils démontrent que l’Afrique doit entrer dans leur espace vital. La Guerre Froide n’a plus cours et la crise ne permet plus de céder le moindre centimètre carré, en retour d’une allégeance aux attendus dépassés par l’histoire. En Tunisie, l’USAID établit ses quartiers et le département d’Etat suit de près, pour ne pas dire pilote, la reconfiguration des relations algéro-marocaines. On ne sait pas qui a appelé qui, mais un entretien téléphonique a bien eu lieu entre Hillary Clinton et Saad Eddine Othmani, le ministre marocain des Affaires étrangères. Le sujet de la conversation a été la visite de M. Othmani en Algérie, pour laquelle il a été félicité par la dame.
Le ministre doit être content d’avoir bien travaillé, son roi aussi. Ça roule ! Doit se dire Mohammed VI, je suis dans le tempo qui plaît. Encore un bon point d’engrangé et puis Mme Clinton va continuer le boulot lors de son voyage à Alger en février, pour que tout soit bouclé au plus tôt et que l’Oriental, au moins, soit redynamisé par les centaines de milliers d’Algériens férus du Maroc. Du côté de Paris, on n’a pas entendu grand-chose, pourtant on doit être pas mal dépité de la chose et encore plus stressé, dans l’appréhension de la suite des événements. Un fait tout aussi significatif a concerné le Sénégal où Abdoulaye Wade, le président en exercice, veut briguer un troisième mandat. La dame Clinton a intimé à Wade de renoncer à son ambition, parce que sa candidature «n’était pas conforme à la Constitution sénégalaise». Cela s’est passé au Liberia, en marge de l’investiture de Hélène Johnson Sirleaf à la présidence de ce pays. Tout chef d’un Etat souverain, s’il en ait, notre président au lieu de lui demander de quoi elle se mêlait, a plutôt joué sur son terrain à elle : «Vous ne connaissez pas bien la Constitution sénégalaise, c’est pour cela que vous dites ça ! Vous vous laissez manipuler et intoxiquer par des politiciens sans aucune base populaire au Sénégal». Devant cette naïveté, Hillary Clinton a été obligée d’être plus explicite. Si le monsieur se présente, il sèmera le trouble, c’est ce qu’elle a tenté de lui faire comprendre. Une information qui tient lieu d’avertissement. Le Sénégalais lui répondit qu’il n’en sera rien. La discussion prit ainsi fin. Chacun restant sur ses positions. Ce n’est que le lendemain que Abdoulaye Wade a eu les mots qu’il faut : «Il ne revient pas à des pays étrangers de déterminer qui sera candidat ou pas au Sénégal», en même temps qu’il devait, douloureusement, se remémorer d’avoir dit à Kadhafi de s’en aller, sans qu’il entre en retour dans les bonnes grâces des puissants. En écho, sans préjuger du lien avec la mise en garde de la secrétaire d’Etat, un Mouvement daté, le Mouvement du 23 juin (M23), a pris la tête de la contestation qui agite Dakar et plusieurs autres villes, avec deux revendications : l’invalidation de la candidature de Wade et, accessoirement, la validation de celle du chanteur Youssou N’dour. Mme Clinton doit être ravie que sa prédiction se réalise, comme un argument qu’elle ne manquera pas d’utiliser le cas échéant. Encore une fois, la France reste à l’écart, en s’exprimant tout de même en se disant «rester neutre».
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