par M. Saadoune
Les islamistes «light» du PJD arrivent en tête dans des élections législatives marocaines très balisées par une révision constitutionnelle qui a permis au Roi de maintenir et de renforcer l’essentiel de ses pouvoirs. C’est, au point de vue du marketing politique, une excellente opération à destination de l’extérieur pour le Palais. La précision est de mise.
Depuis l’annonce des «réformes constitutionnelles», la démarche du Palais marocain consiste à donner une impression de mouvement sans changer l’ordre des choses. L’opération a été appuyée par des médias occidentaux et précisément français qui ont forcé les lectures en présentant comme «révolutionnaires» des changements constitutionnels purement sémantiques. Et ceux qui connaissent le Maroc ne s’étonnent guère du décalage entre la manière dont les réformes sont rapportées par ces médias et la manière dont elles sont perçues par les Marocains.
Il en est de même pour les élections législatives. Les islamistes royalistes du Parti Justice et Développement sont bien devenus le premier parti au Maroc à l’issue des élections de vendredi dernier. On ne reviendra pas sur le fait relevé par les partisans du boycott que le taux de participation de 45%, annoncé officiellement, est fondé sur des listes électorales où des millions de Marocains en âge de voter ne figurent pas. Le discours officiel peut toujours avancer qu’il n’est pas responsable de ceux qui ne vont pas s’inscrire. Certes. Mais quand ce sont des millions d’électeurs potentiels qui manquent, il n’est pas illégitime d’en tirer la conclusion que le jeu politique balisé marocain suscite une désaffection profonde chez les Marocains. C’est ce qui donne de l’allant au Mouvement du 20 février qui, avec beaucoup de courage, refuse de cautionner une opération cosmétique.
C’est cela qui fait que l’opération marketing qui marche à l’extérieur n’a pas une incidence décisive au niveau interne. Cela reste une image extérieure qui se construit avec l’aide des médias occidentaux. Ainsi, défiant l’arithmétique, l’avancée des islamistes (ils obtiennent, selon des résultats encore partiels, 80 sièges sur 395 et ils pourraient aller jusqu’à 100) est présentée comme un raz de marée. Il ne sert à rien de relever que cela ne donne au mieux que 25% des sièges. Le marketing politique joue sur un autre registre, celui de la « frayeur» présumée que susciteraient les islamistes. Pourtant, le PJD devra nécessairement construire une alliance et composer avec d’autres forces qui ne sont pas censées faire de la figuration.
L’un des rares petits changements introduits dans la Constitution – le Roi choisit le Premier ministre au sein du parti arrivé en tête – va donc être mis en œuvre. Il est déjà présenté comme une avancée « majeure». C’est indéniablement une bonne opération de marketing. Il n’est pas sûr que cela permettra de changer la réalité, même si elle peut constituer, pour un temps, une couverture à l’accentuation de la répression de ceux qui défendent le vrai changement et ne se contentent pas d’un substitut.
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