L’honneur d’un colonel

Pour avoir rédigé une lettre au roi Mohammed VI, un ancien pilote a été condamné à douze ans de réclusion


Farid Aichoune
 
Depuis quinze mois, Kaddour Terhzaz, 72 ans, ancien numéro deux de l’armée de l’air marocaine, croupit dans une cellule de la prison de Rabat, à l’isolement. Il a été condamné à douze ans de réclusion par un tribunal militaire pour « atteinte à la sûreté de l’Etat ». Son crime : avoir rédigé en 2006 une lettre au roi Mohammed VI l’implorant de s’occuper de centaines de soldats marocains laissés à l’abandon, anciens prisonniers détenus pendant plus de vingt ans par le Polisario. C’est sous ses ordres que les pilotes bombardaient les colonnes des guérilleros sahraouis du Front Polisario. Lui-même avait été l’un des douze pilotes de la première promotion de l’aviation de la monarchie alaouite formée à Salon-de-Provence.

Marié à une française, père de quatre enfants, le colonel major, devenu inspecteur de l’armée de l’air, avait attendu l’âge de la retraite, en 1995, pour demander la nationalité française. « Très respectueuse à l’égard de Sa Majesté Mohammed VI, sa lettre ne dévoilait aucun secret militaire, assure Annie Terhzaz, mais l’armée n’a pas aimé que mon époux se soucie du sort de ses anciens camarades de combat. » Déjà, sous le règne d’Hassan II, le silence était de rigueur à propos de ces prisonniers. Car le Maroc refusait d’admettre la réalité d’une guerre d’indépendance au Sahara occidental, ancienne colonie espagnole, jusqu’en 1975.
 

Kaddour Terhzaz avait remis un brouillon de sa lettre au capitaine Ali Najab, l’un de ses anciens subordonnés resté prisonnier du Polisario pendant vingt-cinq ans. En 2006, dans un entretien à «Maroc Hebdo », le capitaine avait affirmé que, « à l’époque, nos avions n’étaient pas équipés de moyens électroniques antimissiles », sans s’attirer les foudres de la justice militaire. Or c’est précisément ce rappel, dans son courrier au roi, qui a valu au colonel Terhzaz sa condamnation. A-t-il été victime d’un règlement de comptes au sein de l’état-major ? A l’époque, le colonel était souvent consulté par Hassan II sur la conduite à tenir contre les rebelles sahraouis. Or le roi critiquait alors l’armée de terre, comme le colonel aviateur, ce qui a sans doute nourri les rancunes de certains officiers, devenus aujourd’hui généraux. Ce n’est sans doute pas un hasard si c’est le général Bennani, autrefois commandant de la zone sud, qui est à l’origine des poursuites contre Kaddour Terhzaz.

Le Nouvel observateur

 

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