Il y a quelques jours, nous avons contacté un militant du Rif pour lui demander d’exprimer son opinion sur le sujet du Sahara Occidental dans son blog. Sa réponse fut la suivante : « En tant qu’Amazighs et tous les marocains mécontents , nous devons beaucoup au Polisario dans la mesure où c’est grâce à lui que le Maroc propose l’autonomie du Sahara sous la souveraineté marocaine et le mouvement amazigh va , tôt ou tard , si ce n’est déjà fait , je pense ici au mouvement autonome du Rif, exiger sa généralisation dans le pays , ce qui favorisera le développement de notre langue et culture et la prise en charge de nos régions respectives dans un Etat de droit. L’histoire vous reconnaitra cette victoire qui profite pour l’ensemble des marocains (…) Mais force est de constater que la reconnaissance de la langue et de la culture amazighes et la proposition de l’autonomie du Sahara sont des choses impossibles à envisager sous le règne de Hassan II : c’est un grand pas vers le Maroc dont nous rêvons tous et nous espérons que d’autres actions plus avantageuses seront bientôt entreprises. J’attends avec impatience le discours de la Fête du Trône fin juillet 2009 dans l’immédiat. »
La première fois dans son histoire que le mouvement amazigh fait référence dans ses débats, et souligne, même en des termes pas très clairs, qu’il s’oppose à la constitution d’un Etat propre au Polisario. Le mouvement amazighe le fait, non pas parce qu’il défend l’unité territoriale, mais parce qu’il défend l’unité de « tamazgha » (zone d’habitation des berbères). Une trentaine d’associations amazighes marocaines, le Congrès Mondial Amazigh, présidé par l’algérien Lounèss Belkacem, des associations installées en Europe ont soulevé cette question lors d’un débat à propos de la transition démocratique, organisé du 16 au 18 février 2006 à Al Hoceima… Les participants se sont prononcés contre l’installation d’un Etat autonome au sud du Maroc. Le premier argument mis en avant par ces amazighes c’est que le Polisario veut installer une république arabe (RASD).
En avril 2007, le gouvernement marocain présentait son plan d’autonomie pour le Sahara. L’annonce est immédiatement exploitée par des militants associatifs amazighes pour mettre la réclamation de l’autonomie du Rif au devant de la scène. « Le mouvement culturel amazighe dans le Nord du Maroc réclame l’autonomie pour le Rif ». C’est là l’appel écrit en gros caractères que comportait une banderole brandie le 1er mai 2007 dans la plus grande artère de la ville de Nador par des jeunes qui défilaient aux côtés des travailleurs affiliés à l’UMT. Cet act revendicatif est le premier du genre dans cette région. Ses revendications se résument à :
Article 1. Le plan du Maroc pour un statut d’autonomie pour la région du Sahara, tel que remis aux Nations Unies pour servir de base de négociation, est une initiative sérieuse et louable à même de permettre de répondre aux aspirations légitimes des populations concernées qui pourront concrétiser leur droit à la libre et authentique autodétermination.
Article 2. L’autonomie des régions, au Maroc, est à même de renforcer l’unité et l’intégrité territoriale du Maroc par le recouvrement de ses frontières authentiques.
Article 3. En cas d’échec des négociations avec l’Algérie et le Polisario, le Maroc doit sans tarder, en toute souveraineté, décider de mettre en place l’autonomie des régions sur l’ensemble du territoire national.
Article 4. L’option d’autonomie ne doit en aucun cas être comprise comme la réponse politique de conjoncture à un problème précis, en l’occurrence celui du Sahara. Le choix de l’autonomie des régions provient de la conviction qu’il s’agit là d’un instrument juridique et politique à même de répondre aux contraintes du sous-développement, de l’exclusion, de la marginalisation, de la pauvreté et de l’ignorance, ainsi qu’aux aspirations des populations à une vie meilleure et au plein exercice des principes démocratiques.
Pour la concrétisation du principe de l’autonomie des régions du Maroc, le peuple marocain doit être appelé à voter par voie de référendum pour l’insertion de l’autonomie des régions dans la constitution marocaine.
Article 6. Le Grand Rif, dans le sens géographique du terme, depuis l’Atlantique jusqu’aux frontières avec l’Algérie doit bénéficier d’un statut d’autonomie en rapport avec ses spécificités historiques, géographiques, linguistiques et culturelles, et en rapport avec les contraintes qu’il subit depuis l’indépendance du Maroc ainsi que les aspirations légitimes de ses populations.
Article 7. Afin de sortir le Rif du sous-développement, il est urgent de définir et exécuter un plan d’urgence de reconstruction et de mise à niveau économique, sociale et culturelle. Ce plan d’urgence pour la reconstruction et le développement, dont l’idée avait été exprimée par le souverain en mars 2004 n’a toujours pas vu le jour.
Leur requête est jugée inadmissible. Chakib El Khyari, président de l’association du Rif pour la défense des Droits de l’Homme s’attaque aux jeunes qui ont brandi la banderole à Nador. Il qualifie leur revendication d’inadmissible. « Ce n’est vraiment pas sérieux que la réclamation de l’autonomie pour le Rif tombe au même moment où l’on parle d’autonomie du Sahara », regrette-t-il. Et d’ajouter : « C’est là à l’évidence du chantage ». El Khyari précise qu’il n’est pas du tout de l’intérêt du Rif de demander, même dans le cadre d’une régionalisation, une gestion autonome de ses affaires. « La région manque encore de tout », insiste-t-il. De nombreux Rifains estimaient que la demande d’autonomie dans les circonstances actuelles n’est qu’un coup d’épée dans l’eau de la part de jeunes excités.
Les extrémistes du MCA se disent contre « la création d’une entité panarabe raciste et fasciste sur un territoire amazigh et combattra le Polisario et le makhzen si ce dernier complote contre les intérêts légitimes et historiques du Maroc sur ce territoire qui est le Sahara dit occidental. Les soient disant étudiants sahraouis sont des marocains, ils doivent servir les intérêts du Maroc. Ceux qui pensent être des séparatistes doivent quitter le Maroc et rejoindre le Polisario aux camps de Tindouf. Ils doivent réclamer leur droit de partir à Tindouf et les autorités actuelles du Maroc doivent les refouler après avertissement de leurs familles. Tous ceux qui complotent contre le Maroc doivent le quitter et rejoindre l’Etat fantoche de la RASD créé à Tindouf. Le Sahara est un territoire amazigh et si les petits arabes de ben Maaqil veulent créer un Etat arabe raciste ils n’ont qu’à revenir chez eux dans la péninsule arabique. Le Maroc est un pays amazigh dont les frontières s’étendent de la méditerranée jusqu’au fleuve Sénégal. Le pouvoir actuel à Rabat doit agir avec force contre les étudiants séparatistes qui doivent être refoulés à l’enfer de Tindouf. Sinon le MCA ne cessera jamais de les combattre. »
Le plan d’autonomie marocain n’était qu’une manoeuvre dilatoire et une façade pour amener la communauté internationale à reconnaître la souveraineté du Maroc sur le territoire sahraoui. Deux ans après, personne n’ignore que ce plan a échoué après le départ de Bush, et avec lui, le fonctionnaire onusien Peter Van Walsum et le retour de l’instance onusienne au principe sacré du droit à l’autodétermination. A la fin du mois de juillet, auront lieu les premiers contacts informels entre marocains et sahraouis. L’Etat sahraoui indépendant n »est plus qu’une question de temps. L’autonomie recherché par les amazighs n’était qu’un mensonge dont on ne parle plus. Le rêve amazigh d’autonomie après le Sahara s’est dissipé dans les montagnes de Nador. Ils ont sacrifié les aspirations du peuple sahraoui pour s’aligner à côté de son oppresseur dont le but de « profiter » de cet alléchant cadeau appelé autonomie. Chakib Khayari a fait confiance à Mohamed VI. Actuellement, il paie sa faute avec trois ans de prison et une amende de 753.930 DH (soit 68000 €)
La question d’or est : Que feront les militants amazighs maintenant que l’autonomie n’est qu’un mirage qui s’est dissipé au désert du Sahara Occidental? Demander l’indépendance? C’était pourtant le rêve de leur brave ancêtre, Abdelkrim Khattabi. Après la victoire spectaculaire d’Anoual, 21 juin 1921, Abd el-Krim renforça son pouvoir en créant un Etat, la République du Rif, avec un gouvernement et une administration centralisée. Cette question est restée taboue dans le Maroc d’aujourd’hui. Feu Mohamed V avais donné son approbation à l’intervention des français pour appuyer les espagnols qui etaient mis en échec. Lors de la réintégration du Maroc espagnol à l’indépendance, des soulèvements eurent lieu au motif de revendications républicaines et démocratiques qui furent atrocement réprimées.
Le combat d’Abdelkrim a été porté comme exemple par les combattants vietnamiens et malgaches et tous les mouvements de libération des années 60 et se sont inspirés de ses méthodes de guerrilla. Partout dans le monde, on a suivi son exemple, sauf dans son fief, dans les montagnes du Rif. Les militants amazighs n’ont pas embrassé l’esprit d’Abdelkrim et se sont allignés avec le régime de Mohamed VI en oubliant ce que son père fait à leur ancêtres.
Le peuple sahraoui sera toujours solidaire de ses frères Rifains qui sont les premiers à avoir connu le vrai visage de la monarchie marocaine. Seulement, les sahraouis resteront à jamais fidèles à l’esprit d’Abdelkrim, au moins dans ce qui concerne la proclamation d’une république qui ne soit pas sous les commandes de la dynastie alaouite.
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