Après trois semaines de mouvements de protestation populaire réprimés sauvagement par le makhzen et dont le bilan s’élève à plusieurs martyrs et à un nombre non défini de blessés, sans parler de verdicts très sévères et prononcés à la hâte contre les manifestants détenus, le discours du Roi est venu pour annoncer une mesure officielle, au sujet de laquelle nous apportons les observations suivantes :
1. Le discours a annoncé un amendement constitutionnel qui sera opéré selon le même schéma adopté aux constitutions précédentes, ce qui en fait une constitution octroyée par décision individuelle ; et ce depuis la désignation de la commission, jusqu’à la définition de ses conditions, de ses critères et ses restrictions, comme de son champ d’action, de ses délais et de l’évaluation de ses résultats. Ce qui veut dire qu’elle est démunie des plus simples exigences requises pour une constitution démocratique, qui veulent que la commission émane du peuple, qu’elle ait une liberté d’action et de réflexion sans lignes rouges, ni restrictions, que ses décisions soient indépendantes et qu’elle puisse se référer au seul peuple pour trancher. Ceci, bien-sûr, après avoir ouvert la possibilité à toutes les composantes pour participer librement au débat.
Ceci n’étant pas le cas, et cette condition étant décisive, elle a été la grande absente dans la gestion officielle de l’affaire. Comment peut-on alors concevoir une constitution populaire démocratique alors qu’elle demeure octroyée par une seule partie qui s’en accapare la conception et la médiatisation, tout en y interdisant aux opposants d’agir et de s’exprimer librement. C’est là exactement le même climat qui a vu naître les constitutions précédentes taillées sur mesure et dont les résultats étaient connus d’avance. Dans ce climat où règne cette mentalité de tutelle exercée sur le peuple, et où l’on continue à spolier la volonté du peuple, le référendum ne serait autre chose qu’une carte muette déposée dans une fausse urne qui illustre cette obstination à produire une constitution pérennisant l’hégémonie et le despotisme.
Ce qui a été annoncé démontre l’absence de toute volonté de changement réel, comme il prouve une volonté affirmée de compter sur des promesses et des vœux qui ont déjà fait leurs preuves pour absorber les colères populaires.
Ce qui est demandé clairement : une assemblée constituante, émanant du peuple, dans sa forme comme dans son contenu et sa composition, et qui produirait un changement constitutionnel essentiel sur lequel s’accorderaient toutes les composantes du peuple marocain, sans exclusion aucune.
2. Les prérogatives du roi et les comportements politico-économiques de l’institution royale et de son entourage constituent l’essence du problème, sinon le problème même. Comment donc seraient-elles la solution, toute la solution ?
3. Dans ce qui a été annoncé, il y a pérennisation de la sacralité qui constitue un véritable problème, au niveau religieux comme aux niveaux légal et rationnel. Ce principe est le seul apanage de Dieu, comme l’est celui de l’infaillibilité pour Son Messager – Prière et Salut sur lui.
4. Le discours passe sous silence la question du makhzen économique, celle du pillage de la richesse nationale, la paupérisation du peuple et la confiscation de son droit au travail, à l’enseignement, à la médication et au logement. Comment peut-on alors concevoir une quelconque réforme alors qu’une hégémonie effroyable est exercée sur les richesses du pays ?
5. En l’absence des principes précités qui constituent les composantes essentielles d’une véritable volonté de changement, il n’y aura aucun autre objectif de ce qui a été annoncé que celui de gagner du temps pour contenir la colère du peuple et de lui faire perdre une opportunité véritable de faire aboutir ses réclamations très légitimes.
Aljamaa.net, 10/03/2011
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