La société nationale norvégienne d’énergie Equinor « regrette » les exportations de gaz vers le Sahara Occidental et promet de ne plus recommencer.
En avril, un navire contenant du gaz liquéfié est arrivé au port d’El Aaiún, au Sahara Occidental occupé, expédié directement depuis le terminal de la société norvégienne d’énergie Equinor (anciennement « Statoil ») à Kårstø, en Norvège. L’incident a été couvert aujourd’hui par le quotidien norvégien Dagsavisen.
Il s’agit du premier cas jamais documenté d’exportations de gaz norvégien vers le territoire occupé. Le 20 avril à 5 h 41, le navire a jeté l’ancre en rade du port d’El Aaiún. Plus tard dans la même journée, il s’est rendu dans la capitale du Sahara Occidental pour décharger ses 4900 tonnes de gaz.
Dans un courrier adressé au Comité norvégien de soutien au Sahara Occidental le 24 avril, le vice-président d’Equinor confirme la cargaison. La société a déclaré qu’elle « regrettait » de ne pas avoir suivi les conseils commerciaux du gouvernement norvégien.
« Nous […] sommes en train de modifier nos procédures pour saisir la position norvégienne », a écrit le vice-président d’Equinor, Tor Martin Anfinnsen, au Comité de soutien norvégien au nom du président de la société, Eldar Sætre.
Equinor est la 12e plus grande compagnie d’énergie au monde et contrôlée au ⅔ par le gouvernement de la Norvège. Le ministère norvégien des Affaires étrangères exhorte les entreprises à ne pas s’impliquer sur le territoire.
En avril de l’année dernière, le ministre norvégien des Affaires étrangères a déclaré au Parlement d’Oslo que son gouvernement souscrivait aux décisions de la Cour de justice de l’UE : le droit international requiert le consentement préalable du peuple sahraoui sur les questions relatives aux affaires au Sahara Occidental . Equinor a désormais une position alignée sur celle d’autres sociétés détenues tout ou partie par le gouvernement norvégien, telles que Yara, Cermaq et Mesta.
La clarification d’Equinor répond à un courrier du Norwegian Support Committee au président de la société le 21 avril. Plusieurs questions du Comité norvégien de soutien n’ont pas reçu de réponse d’Equinor, notamment en ce qui concerne la personne qui a autorisé l’entreprise à expédier la cargaison dans le territoire occupé. Un deuxième courrier a donc été envoyé à Equinor le 25 avril. Sans encore de réponse.
Equinor a expliqué que le navire contenait une cargaison de butane à son client Gulf Petrochem – ou GP Global, dont la société a changé de nom. Le 24 avril, Western Sahara Resource Watch a écrit à GP Global pour savoir s’ils avaient obtenu le consentement du peuple sahraoui pour importer le gaz et si Equinor les avait interrogés sur l’aspect du consentement avant la transaction. La cargaison a été transportée à bord du pétrolier Gas Cerberus battant pavillon libérien. Le 25 avril, WSRW Grèce et le Norwegian Support Committee ont écrit à l’exploitant du navire, Stealth Corp. Aucun n’a reçu de réponse.
Equinor a précisé aujourd’hui au journal Dagsavisen que la cargaison avait été vendue à GP et que « cette cargaison a ensuite été revendue de GP à un autre client pour être livrée à Laayoune, et nous y avons expédié la cargaison pour GP ».
Les données du bureau norvégien des statistiques Statistics Norway révèlent la valeur des exportations de gaz de la Norvège vers le Maroc au cours de la dernière décennie : en 2019, la valeur des exportations de butane était de 290 millions de couronnes (26 millions d’euros au taux de change de 2020), tandis que les exportations de propane ont atteint 357 millions de couronnes (32 millions d’euros). Les exportations se sont également poursuivies au cours des premiers mois de 2020. Il y a eu de petites exportations de condensats de gaz vers le Maroc en mai 2019, pour une valeur de 7 millions de couronnes.
On ne sait pas encore si le gaz exporté de la Norvège vers le Maroc est réexporté vers le Sahara Occidental.
Selon les chiffres publiés par Western Sahara Resource Watch la semaine dernière, 15 cargaisons de gaz sont arrivées sur le territoire au cours de l’année civile 2019. Toutes venaient soit du Maroc, soit des alliés les plus proches des occupants – l’Espagne et la France. 5 des 15 transports sont entrés au Sahara Occidental en provenance du Maroc – qui n’est pas lui-même un pays producteur de gaz. Le 21 avril, le Comité norvégien de soutien a demandé à Equinor quel type de « diligence raisonnable » Equinor menait sur ses clients et comment elle envisageait une éventuelle réexportation de gaz du Maroc vers le Sahara Occidental. Ces questions n’ont pas reçu de réponse le 24 avril.
Source : WSRW, 10 mai 2020
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