Libre échange au Maghreb : Un accord commercial ne peut résoudre un problème politique

LA PREFERENCE MAGHREBINE N’EXISTE PAS 
Il n’a pas fallu attendre longtemps pour avoir la confirmation que l’annonce par Habib Ben Yahia, secrétaire général de l’UMA, d’une zone de libre-échange maghrébine pour 2011 était prématurée.

 L’Algérie, par la voix de son ministre du Commerce, Mustapha Benbada, a exprimé de lourdes réserves à l’égard du projet de convention relative à la création d’une zone de libre-échange commerciale maghrébine.

 A deux reprises au cours de cette année, le secrétaire général de l’UMA, apparemment soucieux d’apporter de bonnes nouvelles, a versé dans la précipitation. Ainsi avait été annoncé le lancement de la Banque maghrébine pour octobre 2010. Depuis, elle semble avoir disparu sans laisser de traces, hormis peut-être le siège qui serait déjà prêt à Tunis. Quant à la zone de libre-échange envisagée pour 2011, le forcing était perceptible. En douchant cet enthousiasme prématuré, l’Algérie se retrouve ainsi, et bien malgré elle, à jouer le rôle de rabat-joie… du Maghreb.

 En réalité, quand M. Benbada émet des réserves sur la question de la libre circulation des personnes, il signifie clairement à ses pairs qu’un accord commercial ne peut, par effraction, résoudre un problème politique qui se trouve entre les mains des plus hautes autorités politiques.

 La question de l’ouverture de la frontière entre l’Algérie et le Maroc se pose bien en termes politiques et il n’est pas surprenant que le ministre du Commerce ait décidé d’exprimer des réserves. M. Benbada a donc logiquement proposé que le «projet se limite à la zone de libre-échange commerciale», au lieu d’interférer sur les questions politiques en suspens.

 Mais les réserves algériennes ne se sont pas limitées à cette question politique, elles portent aussi sur des questions économiques. On a appris par la voix du ministre du Commerce que deux pays maghrébins ont demandé que leurs entreprises bénéficient des mêmes avantages accordés aux entreprises nationales dans le cadre de l’octroi des marchés publics. La demande aurait été logique s’il y avait chez les pays voisins une préférence «maghrébine» qui dépasserait la préférence nationale. On a beau chercher, on n’a pas connaissance d’un quelconque pays maghrébin qui octroie de telles largesses à des entreprises d’autres pays. Les opérateurs algériens se contenteraient d’être mis sur un pied d’égalité avec les Européens et – ce n’est pas un secret – c’est loin d’être le cas.

 Il est tout à fait normal et même souhaitable que les entreprises des pays maghrébins puissent profiter du plan quinquennal algérien de 286 milliards de dollars pour obtenir des débouchés. Il est beaucoup moins normal de demander un traitement préférentiel dont les entreprises algériennes ne bénéficient pas… Dans ces conditions, rien n’interdit aux pays arabes membres de la Zale de formuler les mêmes exigences. Il ne faut jamais perdre de vue que le principe des zones de libre-échange est fondé sur la réciprocité. Sans cette base, le libre-échange perd tout son sens.

 Reste une question de fond. L’Algérie, selon M. Benbada, veut une communauté économique qui joue sur la complémentarité et non sur l’idée que l’espace maghrébin est un marché à conquérir. Il y a dans cette position un trait de culture, sans doute, mais aussi le constat que l’Algérie n’a rien à gagner dans un arrangement déséquilibré. Le ministre a cité le cas de l’industrie du sucre où l’industrie algérienne est à même de couvrir les besoins du marché maghrébin, alors qu’un important investissement se prépare en Tunisie dans la même filière.

 En l’absence d’une volonté sincère de complémentarité, l’Algérie, en arguant du droit de protection de sa production, défend naturellement ses intérêts. 

M. Sâadoune
Le Quotidien d’Oran, 15/12/2010

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