«L’Europe fait preuve de lâcheté vis-à-vis du Maroc» (Eurodéputée)

Interview – L’eurodéputée Paloma Lopez Bermejo : «L’Europe fait preuve de lâcheté vis-à-vis du Maroc»

Algeriepatriotique : Vous avez dénoncé le manque de fermeté de la part du Conseil de sécurité de l’ONU vis-à-vis du Maroc dans l’affaire de la Minurso. Par quoi expliquez-vous cette permissivité ?
Paloma Lopez Bermejo :Tout comme Israël, le Maroc à des amis puissants au Conseil de sécurité. Les intérêts commerciaux et militaires de l’Occident ont sans doute lourdement pesé dans ce manque de réaction.
L’Union européenne aussi fait preuve d’une certaine mollesse face aux provocations de Rabat. Quelle en est la raison ?
La lâcheté. On l’a déjà vu après la suspension des relations Maroc-UE à Rabat : Bruxelles proteste, mais très peu. Surtout, elle tient à protéger ses investissements –surtout ceux de la France et de l’Espagne. Cela passe avant le respect du droit international.
D’aucuns pensent que le Parlement européen est «phagocyté» par des lobbyistes «entretenus» par le Maroc et dont le rôle est de maintenir le statu quo par rapport à la question du Sahara Occidental et de couvrir les atteintes au droit international par le régime de Rabat… Qu’en dites-vous ?
Le Maroc à une présence très visible au Parlement européen, mais il est aussi vrai qu’une majorité des députés européens se prononce régulièrement en faveur de l’autodétermination du peuple sahraoui. Dans ce sens, il y a dans les politiques de l’UE une déconnexion entre volonté populaire, que le Parlement représente, même imparfaitement, et celle menée par les autres institutions.
Où en est le litige autour de l’accord agricole entre le Maroc et l’UE, jugé non conforme au droit par la Cour de justice européenne ?
On attend un jugement définitif après l’appel du Conseil européen, mais il n’y a pas de raison juridique pour que l’arrêt de décembre ne devienne pas définitif. La Cour devra aussi se prononcer sur le Traité de pêche après le recours d’un juge britannique. Là aussi, on s’attend à un jugement de non-conformité.
Comment, selon vous, l’Europe démocratique a-t-elle pu, ainsi, se rendre coupable de complicité dans la spoliation et le pillage des richesses du peuple sahraoui colonisé ?
Tristement, la politique extérieure de l’Union européenne n’est qu’une extension du colonialisme d’antan. Du moment que l’occupation du Sahara Occidental par le Maroc sert à l’enrichissement de ses élites, l’Europe se garde bien d’une condamnation plus explicite.
Bruxelles vient de subir une série d’attentats terroristes. Vous attendiez-vous, au sein de l’UE, à un tel acte de violence en plein cœur de la capitale européenne ?
J’avoue que non. Mais il n’est pas surprenant que Bruxelles devienne un objectif terroriste vu les aventures impérialistes de l’UE au Moyen-Orient, et la marginalisation de sa propre population islamique, première victime des politiques économiques néo-libérales.
L’Algérie met en garde contre l’hydre terroriste depuis le début des années 1990. 26 ans plus tard, l’Occident est frappé de plein fouet par ce phénomène transnational. Comment expliquez-vous l’absence de réaction aux mises en garde de l’Algérie ? 
L’Occident entretient des relations proches avec des groupes terroristes dans un nombre des conflits impérialistes dans lesquels il est plus ou moins ouvertement engagé. C’est à cause de ces contradictions qu’on en est arrivés à la situation actuelle.
L’ensemble des pays européens ont fait preuve d’un laxisme inexplicable vis-à-vis des extrémistes islamistes qu’ils ont accueillis, hébergés, voire protégés. Qui est responsable de cette indulgence envers ces criminels qui massacraient les civils en Algérie et qui assassinent chez vous maintenant ?
Il me semble que le mot «laxisme» ne tient pas compte de la répression et de la dérive sécuritaire de bon nombre de pays européens. Je dirais plutôt que les politiques impérialistes de l’Occident, combinées à l’inégalité structurelle de leurs sociétés, sont à tenir responsables pour la radicalisation de certains individus.
L’Occident veut une Syrie sans Bachar Al-Assad qu’il accuse d’avoir commis les pires crimes, et entretient des relations amicales avec le régime wahhabite des Al-Saoud qui vient d’exécuter par pendaison plus de quarante opposants politiques et qui finance le terrorisme. Comment expliquez-vous ce paradoxe ?
L’Occident choisit ses alliances régionales pour mieux contrôler les gazoducs et les ressources pétrolières de la région. Dans ce jeu, on ne peut pas vraiment s’attendre à une quelconque cohérence sur le thème des droits humains.
Interview réalisée par M. Aït Amara

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