Au plan politique, il ne faut évidemment pas s’attendre à des évolutions spectaculaires, en bien comme en mal, pour ce qui est des questions brûlantes à travers le monde, d’ici la tenue de la présidentielle américaine, qui désormais n’est plus qu’à une encablure. On aurait pu d’ailleurs faire la même remarque il y a plusieurs mois déjà, depuis que la campagne électorale aux Etats-Unis a pris le pas sur tout ce qui est susceptible de se produire sur la scène mondiale. A une exception près toutefois : la pandémie de Covid-19 qui elle par contre domine nettement le débat y compris aux Etats-Unis, le pays qu’elle a frappé et qu’elle frappe encore le plus durement. Le fait est qu’il n’y en a aujourd’hui que pour elles deux, la pandémie et l’élection américaine. Tout le reste, dont des crises particulièrement intenses, est en stand-by. Leurs protagonistes en ont profité pour se mettre d’accord sur une trêve, il est vrai pas toujours respectée, mais que néanmoins ils observent dans l’ensemble. Les derniers à s’accorder un répit en attendant que les Américains choisissent entre Donald Trump et Joe Biden, ce sont les belligérants au Haut-Karabagh, les seuls pourtant à se déclarer les hostilités au beau milieu d’une crise sanitaire mondiale d’une ampleur sans précédent. Un répit qui n’a pas tardé à voler en éclats, sans doute, mais il pourrait se renouveler, et vraisemblablement tenir plus longtemps que la première fois.
En effet, il peut ne servir à rien de se faire la guerre quand la première puissance au monde, dont beaucoup dépend, est elle-même indécise sur son sort immédiat. Il se trouve que sur le front économique non plus il ne faut pas s’attendre à un tournant majeur, dans le bon ou le mauvais sens. Mais cela, ce n’est pas à la crise présidentielle américaine qu’on le doit, mais à la pandémie. La récession actuelle n’étant pas due à une cause endogène, mais à une pandémie, à quelque chose d’extérieur par conséquent, à la différence par exemple de celle de 2008, il ne serait possible d’en sortir que si la pandémie prend fin, ou du moins passe mais sans retour possible sur sa pente décroissante. C’est loin d’être le cas une dizaine de mois après son apparition. Ce serait pourtant une erreur de croire que l’économie mondiale renouerait avec la croissance dès la fin de la pandémie. Comme elle n’était pas déjà florissante au moment où cette dernière est intervenue, elle ne passerait pas directement de la récession à l’expansion dès lors que le Covid-19 se serait essoufflé. Mais jusque-là, l’économie dont il a été question n’est qu’une partie de l’économie, l’économie réelle. Dans un tout autre moment de l’histoire, il n’aurait pas été nécessaire de le signaler. Par le passé, quand il y avait une crise, récession ou dépression, l’une ou l’autre s’étendait à l’économie dans son ensemble. On n’imaginait même pas que les marchés financiers puissent prospérer quand l’économie réelle est plongée dans la récession. La pandémie a fait s’affaisser l’économie réelle, c’est-à-dire la production des biens et services, mais fait grimper les indices boursiers. Un âge d’or pour la Bourse dans la débâcle générale. Or ce découplage, cette scission, ce divorce entre la sphère financière et la sphère réelle n’est pas un produit de la pandémie, il lui est même antérieur de plusieurs années. Il a commencé en 2008, avec la crise de l’immobilier américain, qui en un rien de temps a diffusé dans le monde entier, pour aller ensuite s’élargissant. Rien n’est parvenu depuis à le réduire, pas même la pandémie, qui au contraire l’a amplifié.
Le Jour d’Algérie, 13 oct 2020