« Le colonialisme n’est pas, dans leur discours, le catalyseur de la construction identitaire sahraouie, qui demeure l’apanage exclusif du mouvement nationaliste et du Front Polisario. » Francesco Correale, « Le Sahara espagnol: histoire et mémoire du rapport colonial, un essai d’interprétation »
La lecture juridique du problème du Sahara occidental ne suffit pas à gommer les contradictions des différentes interprétations faites en matière de droit. Néanmoins, au profit d’une meilleure connaissance des populations de la région, les ethnologues familiers du terrain fournissent des outils forts à l’analyse.
Pour le moins, Attilio Gaudio (1), bien que formé par l’Ecole d’Anthropologie de Paris, s’est évertué à donner une version journalistique des liens unissant cette partie du Sahara au royaume chérifien. D’autant que l’étude de S. Caratini (2) sur les Reguibats démontre la manifestation territoriale d’un groupement nomade revendiquant un devenir politique. Plus incisive, dans un de ses articles, elle affirme son soutien au projet d’un Etat sahraoui.
En seconde main d’une étude sur les Tekna, tribu occupant les deux parties de l’Oued Noun, M… (3) aborde les relations intertribales du Sud marocain et le nationalisme marocain. Cette lecture, quoique que biaisée, donne la dimension singulière de la chefferie sahraouie qui par certains aspects était rongée par des rivalités de personnes. Le moins que l’on puisse dire, c’est que le récit rapporté par M…démontre que les tribus du Sahara n’étaient pas toutes acquises au roi.
Par bien des aspects, la connaissance du monde ancien du Sahara est rudimentaire pour fournir des éléments d’analyse qui permettent d’appuyer telle ou telle thèse. Certes, l’archéologique proto et historique fournit quelques éléments de réponse qui invalide quelques concepts comme par exemple le mot « nullius », hérité de la romanité. Loin s’en faut de croire à un espace vide du désert, pure production de l’imaginaire de la civilisation des villes, le Sahara a bien abrité à Germa l’Etat garamantique avec ses propres institutions(4).
Cette vision du vide s’attache à diffuser, par le biais de la religion, la sauvagerie des hommes et des femmes qui l’habitent. A plus forte raison que la tension anthropologique au sein de l’africanisme explique les divergences des écoles de la science historique. Mais ça c’est une autre affaire. Même si nous nous plaçons du point de vue des Etats qu’ils soient antiques, égyptiens, berbères et romains dans l’antiquité, du Maghreb médiéval et de la colonisation ou de la décolonisation, nous constatons pour les deux périodes antique et médiévale, une large indépendance des tribus du Sahara. Ni le système de défense des pharaons, ni le limes romain, pas plus que la bay’a qui s’illustre par la prière faite au nom du Sultan, ne suffisent à décréter la souveraineté sur les tribus nomades et mobiles sur des milliers de kilomètres-carrés.
Par certains aspects, cette allégeance confirme les subterfuges adoptés par les vaincus pour garder le pouvoir et leurs privilèges sociaux et économiques. Et ce qui c’est vraiment passé au Mali (5) après l’invasion marocaine. Il reste que la lecture moderne due principalement pour les besoins de la colonisation rivale de l’Espagne et de la France, le territoire et les frontières sont l’objet à d’interminables débats entre ces deux puissances pour la surveillance et la circonscription des mouvements des tribus nomades sur de vastes étendues.
Par ailleurs et au-delà de toute considération idéologique, il est certain que l’histoire du Sahara du nord-ouest, est jumelle à celle de la Mauritanie parce que la composition sociologique de la population, joue un rôle prépondérant dans l’élaboration du pouvoir chérifal (6) qui classe et déclasse les groupes sociaux du Sahara. Il en est autrement de la hiérarchisation de la population par le pouvoir du Makhzen qui reste par essence méditerranéen.
Mais quoique l’on dise, le Sahara occidental est toujours une affaire de décolonisation.
Bibliographie
1- A. Gaudio, « Les populations du Sahara occidental », Karthala, Paris, 1993.
2- S. Caratini, « Les Rgybats » (1610-1934), L’Harmattan, 2 volumes, Paris, 1989.
3- M. , « L’ouest saharien », Karthala, Paris,
4- D. Mattingly, « Nouveaux aperçus sur les Garamantes; un Etat saharien, Antiquités africaines », T 37, Paris, 2004.
5- Boubou Hama, « Histoire des Songhay », Présence africaine, Paris, 1968.
6- P. Bonté, « L’Emirat de l’Adrar mauritanien », Karthala, Paris, 2008.
F.HAMITOUCHE
Be the first to comment