Algérie: Le compte à rebours a commencé pour Bouteflika ?

Rue et opposition rejettent les ‘‘engagements’’ pris dans sa lettre- testament
Le compte à rebours a commencé pour Bouteflika ?

C’est curieux comme le destin des malades du pouvoir se ressemble. L’histoire des nations nous fournit plein d’exemples d’autocrates décapités, pendus, lynchés ou passés pour les armes. Mais pour rester dans notre ère géographique, rappelons le cas des président Moubarak, Benali, El Guedhafi et Ali Salah. Les deux derniers ont été assassinés de la façon la plus sauvage, alors que les deux autres, Moubarak et Benali ont dû fuir dans la précipitation que dicte l’urgence leurs palais pour sauver leur peau.

Moubarak et Benali ont multiplié les ruses. « The game was over » et la messe était dite pour les deux zains qui était restés plus de vingt ans au pouvoir. Il y a de troublantes ressemblances entre la fin de Benali et Moubarak et ce qui risque d’autre aussi celle de Bouteflika.

Confrontée à la colère fulgurante et éruptive de la rue à Tunis et au Caire, lors du fameux « Printemps arabe » et après avoir échoué à opposer la force militaro-policière, c’est à dire le bâton, les deux ont cru pouvoir s’en sortir avec la carotte des réformes politiques. Souvent les mêmes d’ailleurs avec promesse d’ouverture démocratique, révision de la constitution et tout le toutim.

C’est à peu de choses près, ce que propose Bouteflika, dans sa lettre- testament, dans laquelle il quémande une prolongation de son mandat pour assouvir ses dernières lubies. Conférence nationale, révision de la constitution, référendum, présidentielle anticipée et passage de témoin à la génération de la postindépendance.

A priori, le package est de nature à séduire, même les plus sceptiques des opposants. Quand bien même Bouteflika, serait pour une fois de bonne foi, lui pour qui pouvoir a toujours rimé avec ruse, est-ce que ce n’est pas déjà trop tard ? Car en politique, le temps est une donnée cardinale, ce qui était possible hier ne peut plus l’être aujourd’hui. La réaction de la rue dimanche soir, après le dépôt de candidature de Bouteflika au Conseil constitutionnel est sans appel.

« Vingt ans ça suffit », criaient les jeunes manifestants qui ont envahi en un coup de cuillère à pot la place Maurice Audin d’ Alger. Pour eux les choses sont claires, le cinquième mandat, niet! Si les citoyens s’arrêtent à la candidature, les partis politiques ont considéré le contenu du message lu par Abdelghani Zaâlane qui était visiblement dans ses petits souliers face aux nombreux journalistes présents au Conseil constituonnel.

Pour Zoubida Assoul, qui s’exprimait en direct sur France 2014, les « engagements » de Bouteflika ne seraient qu’ « une ruse pour chercher à gagner du temps pour assurer ses arrières et celles de sa famille » Pour sa part, le RCD qui accuse Bouteflika d’avoir « spolié » les propositions de l’oppositon contenues dans la plate-forme de Mazafran datant de 2015 : Bouteflika n’est plus digne de confiance.

« Qui peut croire qu’un homme dont l’action politique se confond avec la longue liste des coups de force, des reniements et des intrigues qui ont mutilé la nation peut se transformer en son contraire pour réaliser – maintenant que les forces l’ont abandonné et que les caisses sont vides – ce qu’il a scrupuleusement et méthodiquement combattu sa vie durant », observe le RCD. Peuple et classe politique sont d’accord pour dire à Bouteflika « c’est déjà trop tard ».

Il lui appartient d’entendre ce message et de renoncer à la présidentielle. Autrement, il risque au mieux une fin comme celle de Moubarek et Benali et au pire celle de Gadhafi et Abdellah Salah. Qu’il accepte donc de rentrer chez lui pour épargner à l’Algérie une nouvelle tragédie, alors que les séquelles de la précédente sont encore visibles.

H.Khellifi.

L’Est Républicain, 5 mars 2019