Catégorie : Algérie

  • Algérie – Sale temps pour Mouâd Bouchareb : Indésirable

    En prononçant son fameux « ceux qui pensent qu’il n’y aura pas de cinquième mandat rêvent », Mouâd Bouchareb, était à mille lieues de soupçonner que ce malheureux propos allait se retourner, moins de deux mois après contre lui. Cela pour devenir une accusation, voire une marque d’infamie contre lui.

    Il est vrai que dans l’euphorie du moment, dédiée au cinquième mandat de « Fakhamtouhou » , il était difficile d’imaginer le renversement de la situation que nous vivons depuis le 22 février.

    Mouâd Bouchareb, arrivé à la tête du FLN, suite à un putsch contre le président légitime Said Bouhadja, était présenté comme l’avenir chanteur du FLN, le porte flambeau de la nouvelle génération qui marque la rupture avec la gérontocratie du parti incarnée par Djamel Ould Abbès.

    Hier à l’APN, où il a tenté de reprendre la main, après avoir été dégagé du FLN par la nouvelle direction, Mouâd Bouchareb a vécu sans doute une des pires humiliations dans son parcours politique de jeune premier.

    Voulant mettre à profit la commémoration des événements du 8 mai 45, en organisant une cérémonie à laquelle tous les députés étaient conviés, le président de l’APN n’a pas eu beaucoup de monde pour écouter son laïus. Pas de députés de l’opposition, dont une partie avait déjà démissionné. Ni aussi ceux du FLN et du RND qui avaient soutenu sa candidature au perchoir.

    C’est connu, au FLN les hommes n’ont pas de convictions mais des postures, en fonction des conjonctures. Symbole de l’ancien pouvoir comme Bensalah, Bedoui, Bélaiz, Mouâd Bouchareb est un personnage politique devenu infréquentable traversant un moment difficile.

    La question est de savoir s’il est capable de faire le dos rond en espérant un retournement de situation. Pas si sûr, car il pourrait être sacrifié sur l’autel de l’expiation des pêchés commis par Saïd Bouteflika, son mentor.

    Du FLN, où il était appelé à diriger une instance de coordination avec son ami Mustapha Rehiel, il vient d’être éjecté sans autres formes de procès par Mohamed Djamai, élu nouveau secrétaire général du FLN. « Dégagé » du FLN, Mouâd Boucherb risque de l’être de la présidence de l’APN.

    Chaque vendredi, les manifestants réclament sa tête, comme tous les autres « B » du système. Saïd Bouhadja, évincé de son poste de président de l’APN, veut profiter de l’affaiblissement de Mouâd Bouchareb pour récupérer son « bien ».

    Depuis quelques jours, il multiplie les déclarations pour dire qu’il reste « le président légitime de l’APN ». Un message subliminal à destination du nouveau pouvoir pour se faire rendre son perchoir perdu. Saïd Bouhadja, qui joue à fond la carte victimaire, a déclaré qu’il déposerait prochainement deux requêtes au Conseil d’Etat et au Conseil Constitutionnel contre Mouâd Bouchareb, qu’il accuse par ailleurs de « dilapider les deniers de l’APN », avec la complicité du secrétaire général.

    D’une pierre deux coups, veut faire le vieux Saïd Bouhadja qui veut solder son compte avec ces deux responsables de l’APN, c’est-à-dire le SG dont les jours semblent bien comptés.

    H.Khellifi

    L’Est Républicain, 10/05/2019

    Tags : Algérie, transition, armée, Mouaad Bouchareb, Hirak, APN,

  • Algérie : L’armée s’en prend aux partisans de la transition à travers la revue El Djeïch

    L’armée réitère son rejet ferme et sans équivoque de toute possibilité de recours à une transition en dehors de ce que prévoit la Constitution. Elle considère même que cette « proposition » défendue par « certaines voix » fait partie du complot visant « à entraîner le pays vers l’anarchie et le chaos ». C’est ce que l’institution militaire a fait savoir, encore une fois, à travers son organe central, la revue El Djeïch dans son édition de mai 2019, parue hier mercredi.

    Kamel Amarni – Alger (Le Soir) – Dans son éditorial intitulé « Clairvoyance et sagesse pour faire avorter tous les complots », le Haut Commandement de l’Armée nationale populaire s’en prend violemment à ceux qu’il accuse d’être derrière « ces complots », mais aussi à l’opposition et à certaines « voix » qui rejettent « toutes les solutions disponibles et possibles ».

    Dans cet éditorial qui reprend les grands axes de la position de l’ANP défendue régulièrement par le chef d’état-major, le général de corps d’armée Ahmed Gaïd Salah, faisant clairement allusion au général Toufik, surtout, mais aussi à des partis de l’opposition et à certaines personnalités , on lira en effet que « notre pays traverse une crise que certains parmi ceux qui ont vendu leur conscience, qui n’en ont cure de l’intérêt supérieur du pays et qui vont même jusqu’à tramer des complots contre la patrie , voudraient voir perdurer en rejetant toutes les solutions disponibles et possibles, à même de permettre à notre pays de surmonter cette épreuve , et donc de couper la route aux aventuriers qui concoctent des plans et projettent de les exécuter à tous les échelons , dans le but d’entraîner le pays vers l’anarchie et le chaos ».

    Reprenant les déclarations précédentes sur ce points précis de Gaïd Salah, l’éditorialiste d’El Djeïch ajoutera : « Aujourd’hui, nul n’ignore que les exécutants de ce plan machiavélique, ceux qui leur ont confié cette tâche et ceux qui gravitent dans leur giron ont attendu, durant toutes les années passées, la moindre occasion pour le mettre à exécution en ayant recours à diverses voies et moyens .»

    Un peu plus précis encore, l’éditorialiste poursuit : « Après que le peuple algérien les a démasqués et rejetés fermement et définitivement, ils ont fait de certains canaux d’information connus et des réseaux sociaux un moyen pour tenter de réaliser des agendas douteux , en menant des campagnes méthodiques autant que tendancieuses dans le but d’abuser l’opinion publique pour distiller leurs mensonges et leurs élucubrations dans une vaine tentative de porter atteinte au lien existentiel et étroit qui unit le peuple à son armée , d’ébranler sa cohésion et la confiance mutuelle qui les anime .»

    S’en prenant à certaines parties dans l’opposition, l’éditorial d’El Djeïch affirmera : « Aussi, il n’est pas surprenant de voir que ce sont les mêmes voix qui avaient sollicité l’intervention de l’armée dans le champ politique durant les précédentes décennies qui tentent aujourd’hui, sournoisement, de l’entraîner sur cette voie en cette étape cruciale. Ceci par des voix multiples dont la plus courante est de faire pression à travers « des messages ouverts », « débats », « avis », et « points de vue » publiés dans les colonnes de certains médias , appelant à une période de transition calquée à leur mesure, durant laquelle ils se conduiront comme il leur plaira et feront passer leurs projets et les agendas de leurs parrains qui vouent à l’Algérie et à son peuple une haine et une rancœur infinies .»

    Aussi, lit-on encore dans cet éditorial, et « afin de concrétiser leurs vils desseins, ces revanchards tentent de mettre la main sur ce ‘’Hirak’’ pacifique et de prendre le train en marche pour servir leurs intérêts étroits en s’autoproclamant porte-parole du peuple, dans l’espoir de brouiller les cartes et de semer la confusion. Dans leurs manœuvres criminelles, ces mêmes parties n’oublient pas de lancer des campagnes féroces à travers certains porte-voix qui véhiculent toute leur rancœur à l’encontre de l’ANP, en lui reprochant son attitude patriotique et novembriste dont elle ne s’écartera jamais .»

    L’éditorialiste d’El Djeïch assènera même cette grave accusation : « Le comportement hystérique qui a fait perdre le nord à ces parties est essentiellement dû au refus catégorique du Commandement de notre armée de verser une seule goutte de sang de notre peuple, depuis le début des marches pacifiques, et sa détermination à faire barrage à tous ceux qui tenteraient d’ébranler la stabilité du pays et d’attenter à l’unité du peuple » rappelant , au passage, que cette position avait également été réaffirmée par Gaïd Salah.

    Dans ce même ordre d’idées, l’éditorial d’El Djeïch évoquant la grande campagne « mains propres » en cours depuis quelques jours, fera cette autre remarque , en citant une autre déclaration du chef de l’état-major : « (…) ces mêmes parties tentent de faire accroire aux Algériens que cette démarche de la justice de dépoussiérer les dossiers de corruption intervient sur ordre de l’institution militaire , dans une tentative sournoise d’entraver l’action de la justice et de saper sa détermination à continuer d’accomplir les missions qui lui sont assignées, conformément au droit et et aux lois de la République. Comment expliquer sinon que dès le lancement par la justice de l’opération d’investigation sur ces dossiers, une campagne de dénigrement a vu le jour émettant des doutes sur le sérieux de l’opération et jetant le discrédit sur l’intégrité de la justice, en prétendant qu’il s’agit d’une campagne de vengeance et de règlement de comptes .»

    L’éditorialiste conclura par réaffirmer la détermination de l’armée . « En tout état de cause, les projets et plans concoctés par cette poignée de comploteurs sont inéluctablement voués à l’échec, y compris celui visant à briser la cohésion entre le peuple et son armée. Pour sa part, l’ANP demeurera aux côtés du peuple jusqu’à ce qu’il atteigne ses objectifs et concrétise le changement attendu , comme elle demeurera mobilisée en permanence pour accompagner le peuple et le protéger des agissements d’individus dont le temps a fini par dévoiler les contours du vil complot qu’ils ont mis en œuvre contre la patrie des chouhada .»

    K. A.

    Source : Le Soir d’Algérie, 09/05/2019

    Tags : Algérie, Armée, El Djeïch, Gaid Salah, transition, Hirak,

  • Un diplomate américain explique pourquoi le Maroc s’oppose à un référendum au Sahara Occidental

    Dans un télégramme envoyé le 17 août 2009, le Charge d’Affaires de l’ambassade américain à Rabat, Robert P. Jackson, souligne que le Maroc ne fait pas confiance aux votants qui sont originaires de la région de Guelmim et Tan-Tan et qui ont été enregistrés dans les listes électorales.

    Le diplomate américain rappelle que « depuis que le roi Hassan II a lancé la Marche Verte en 1975, la question du Sahara Occidental a été intimement liée à la stabilité du trône et du Maroc lui-même, en raison des « tentatives de coup d’État » et de sa « guerre contre la gauche » . Il a. ajoute-t-il « utilisé le Sahara Occidental pour renforcer le nationalisme et garer son armée loin dans le désert ».

    Ensuite, il précise que « après avoir pris le contrôle du Sahara Occidental, le Maroc a essayé d’influencer tout vote en favorisant l’immigration par ses nationaux, qui représentent maintenant plus de la moitié des quelque 385.000 résidents du territoire. Peut-être la moitié des immigrants, cependant, étaient eux-mêmes sahraouis, originaires de régions situées juste au nord de la ligne de démarcation qui abritait également certains des Sahraouis les plus nationalistes. Dans un référendum qui pourrait inclure l’indépendance, ils ne sont pas considérés par le gouvernement comme des électeurs fiables, expliquant en partie la réticence du gouvernement marocain au vote ».

    Jackson ajoute, dans un commentaire, que « curieusement, nous ne connaissons aucun défenseur de l’indépendance qui ait déjà revendiqué les territoires sahraouis au Maroc, en Algérie ou en Mauritanie dans le cadre d’une patrie nationale, bien que certains membres du CORCAS aient tenté sans succès d’inclure les parties marocaines (les territoires sahraouis sous occupation marocaine, ndlr) dans la région autonome, au moment où elle a été proposée pour la première fois. L’absence d’un nationalisme plus vaste, avec la guerre du Polisario dans les années 1970 contre la Mauritanie — le seul Etat saharien au monde — suggère que le conflit est moins nationaliste que géopolitique, lié à un conflit beaucoup plus ancien entre l’Algérie et le Maroc, et ne favorise guère la création d’un État indépendant ».

    L’argument du diplomate américain rejette en block la thèse de la prétendue intégrité territoriale brandie par les marocains en vue de justifier leur agression contre les sahraouis. Hassan II a envahi le Sahara Occidental parce qu’il voyait son régime en danger avec la présence d’un Etat sahraoui indépenant proche de l’Algérie.

    Jackson propose de résoudre le problème des réfugiés sahraouis en leur octroyant la nationalité espagnole et leur permettant d’émigrer . « Compte tenu, dit-il, de la faible population en jeu, l’Espagne, en octroyant la nationalité espagnole, avec la possibilité de migrer vers l’Espagne, ses îles Canaries voisines ou ailleurs en Europe, est significatif et, même dans un temps plus opportun, la réinstallation pourrait être un moyen simple de régler le sort des réfugiés ».

    Tags : Sahara Occidental, Maroc, Front Polisario, Hassan II, Marche Verte, Algérie, Guerre Froide, Mauritanie,

  • Algérie : Les certitudes de l’armée

    Le Quotidien d’Oran, 9 mai 2019

    par Moncef Wafi

    L’état-major de l’ANP persiste et signe dans son refus de toute période de transition à laquelle appellent l’opposition et la rue. Dans son éditorial du mois de mai, la revue El Djeich, organe officiel de l’armée, dénonce ceux qui rejettent «toutes les solutions disponibles et possibles» qui permettront à l’Algérie de surmonter la crise politique qui la secoue.

    La même source qualifie d’«aventuristes» les tenants de cette option, les accusant de concocter des plans et projeter de les exécuter «à tous les échelons, dans le but d’entraîner le pays vers l’anarchie et le chaos». L’armée évoque ni plus ni moins un complot qui remonte, selon elle, à plusieurs années et qui comprend plusieurs niveaux de responsabilité allant des exécutants aux commanditaires en passant par leurs alliés. Et pour l’éditorial d’El Djeich, ces personnes sont connues et ce sont les mêmes «qui avaient sollicité l’intervention de l’armée dans le champ politique durant les précédentes décennies».

    L’état-major rejette, donc, catégoriquement une période de transition réclamée par le truchement de voies multiples dont la plus courante, détaille la revue, est de faire pression, à travers des «messages ouverts», «débats», «avis» et «points de vue» publiés dans les colonnes de certains médias.

    L’armée identifie ainsi et clairement ses adversaires, les partisans d’une transition en dehors des 3B (Bensalah, Bedoui et Bouchareb) qu’elle associe à des complices du complot visant à conduire le pays vers le chaos.

    A travers ces graves accusations, Gaïd Salah semble restreindre drastiquement le champ politique et le débat contradictoire, excluant de facto toute autre solution que celle de la présidentielle du 4 juillet prochain.

    Même s’il est plus que probable que le président de l’APN va être sacrifié, la feuille de route imposée par le pouvoir est refusée par les partis de l’opposition et la rue qui exigent la chute du régime en place.

    Devant ces positions tranchées, il est fort à craindre une confrontation frontale entre les deux camps retranchés et un changement dans les attitudes des uns et des autres.

    On peut aussi appréhender une restriction des libertés individuelles et des tentatives de musellement de la parole contradictoire, comme cela a été le cas avec Me Bouchachi, interdit de conférence à Blida et à Oran.

    Ce qui est certain par contre, c’est que le mouvement populaire ne donne aucun signe d’essoufflement, comme craint ou attendu, à cause du Ramadhan, et les marches des étudiants, mardi dernier, consacrent toute la détermination du Hirak d’aller au bout de ses revendications.

    Tags : Algérie, Hirak, Armée, Gaïd Salah, transition, complot,

  • L’Algérie embarrasse le Makhzen marocain

    Le gouvernement de transition fait tout pour convaincre la rue de sa bonne foi. Dans ce but, il a procédé à des mesures draconiennes pour combattre le fléau qui ravage le monde arabe : la corruption.

    Ainsi, les autorités algériennes se sont attaquées aux têtes du régime précédent : Saïd Bouteflika, Ahmed Toufik et Bachir Tartag. Deux gros moutons qui seront sacrifiés au nom de la nouvelle république et au nom desd revendications populaires.

    Le courage des algériens embarrasse le Makhzen du Maroc. Malgré que le royaume voisin détient le record à tous les niveaux : corruption, pauvreté, analphabétisme, répression, les dirigeants marocains, au lieu de prendre des mesures visant à prévenir un soulèvement majeur, ils ont fait tout l’opposé : augmenter les prix des carburants et les impôts sur les revenus, ce qui risque d’accélérer le printemps marocain.

    Au même temps, les médias au service de la DGED mène une campagne de désinformation dans le but d’enflammer davantage la situation en Algérie. Les marocains rêvent de voir la situation dégénérer dans le pays voisin en vue de récolter des dividendes dans la question du Sahara Occidental. Ils sont convaincus qu’un nouveau régime à Alger pourrait lâcher les sahraouis. Comme d’habitude, le Makhzen toujours rêveur et arrogant. Mais l’arroseur pourrait très bien être arrosé, ce n’est qu’une question de temps.

    Tags : Maroc, Algérie, Makhzen, DGED, désinformation, Sahara Occidental,

  • Algérie : Bensalah s’accroche au dialogue

    Dialogue et élections présidentielles: Bensalah S’accroche

    par Ghania Oukazi

    Abdelkader Bensalah a appelé dimanche «tous les acteurs nationaux à se mobiliser pour la réalisation de cet objectif stratégique national, seul à même de mener notre pays vers des lendemains sûrs et prospères».

    L’objectif étant, en évidence, les élections présidentielles fixées au 4 juillet prochain. Le chef de l’Etat est ainsi déterminé à aller jusqu’au bout de la logique constitutionnelle de l’article 102 qui oblige à organiser des élections présidentielles 90 jours après sa nomination en tant que chef de l’Etat en remplacement du président de la République destitué le 2 avril dernier. Bensalah a parlé dimanche comme l’a fait Gaïd Salah le mardi 30 avril dernier. L’un vient compléter l’autre.

    «Je demeure entièrement convaincu qu’adopter le dialogue constructif avec les institutions de l’État est l’unique moyen pour sortir de la crise, étant conscient que le dialogue est l’un des moyens les plus civilisés et les plus nobles dans les relations humaines et la voie la plus judicieuse pour présenter des propositions constructives, rapprocher les points de vue et atteindre un consensus autour des solutions disponibles », a dit le chef d’état-major de l’ANP.

    Bensalah lui emboîte le pas pour lancer un appel à «tous les acteurs nationaux, à l’ensemble des composantes de la classe politique, aux mouvances qui structurent la société civile et à tous ceux qui sont considérés comme exprimant les sentiments d’une frange de la société, ou de ses élites, à l’intérieur comme à l’extérieur du pays, notamment les jeunes et les femmes, pour se mobiliser pour la réalisation de cet objectif stratégique national, seul à même de mener notre pays vers des lendemains sûrs et prospères».

    Le dialogue «la solution idéale»

    Gaïd Salah a nommé avant lui «cet objectif stratégique national» qui est «des élections présidentielles le plus tôt possible» parce qu’elles représentent à ses yeux «la solution idéale pour sortir de la crise politique». Pour le vice-ministre de la Défense, le dialogue dont il est question a été amorcé le 22 avril dernier, date où le chef de l’Etat a commencé à recevoir des personnalités et chefs de partis. Il a d’ailleurs «salué l’adhésion de nombreuses personnalités et partis à l’idée de l’importance d’adopter le principe de dialogue, qui doit aboutir à des mécanismes raisonnables de sortie de crise».

    Gaïd Salah leur promet même que «c’est là une position qui leur sera reconnue durant cette phase, où l’intérêt de la Nation doit être le dénominateur commun entre toutes les parties». C’est sûrement cette phrase qui a poussé certains des opposants politiques à réviser leur position de refus qu’ils ont adoptée depuis l’appel de Bensalah.

    Le chef de l’Etat ne s’en lasse pas et clarifie cette fois ce qui ne semblait pas l’être dans le discours du chef d’état-major. Il explique alors à propos de l’élection présidentielle du 4 juillet prochain que « c’est la seule à même de permettre au pays de sortir de la crise définitivement et durablement de l’instabilité politique et constitutionnelle ». Election qui permet aussi, dit-il, d’élire d’une manière « incontestable » un président de la République qui aura «toute la légitimité nécessaire et toutes les prérogatives requises pour concrétiser l’aspiration profonde au changement et satisfaire l’ensemble des revendications populaires légitimes».

    Bensalah, l’institution à laquelle tient Gaïd

    A défaut de n’être pas arrivé à ce jour à mettre en place une commission indépendante d’organisation, de contrôle et de suivi des élections comme visé par son appel au «dialogue et à la concertation» du 22 avril dernier, Bensalah revient sur le sujet pour affirmer que tous ces aspects seront encore une fois «au cœur de ce dialogue» pour en «faire l’objet d’un large consensus».

    Il conforte Gaïd et souligne que cet objectif (l’élection) «est le seul à même de mener notre pays vers des lendemains sûrs et prospères pour notre peuple et seul à même de lui permettre de déjouer les dangers et les desseins hostiles visant à le conduire vers le vide constitutionnel et l’absence de l’État et à l’entraîner ainsi dans la spirale de l’anarchie et la déstabilisation».

    Son hommage sera ainsi à l’ANP qui active, dit-il, pour «préserver la conception constitutionnelle de l’État, assurer sa continuité et garantir la sécurité et la stabilité du pays». Il rendra d’ailleurs un -particulier- au Commandement de l’armée pour « la lucidité de son engagement aux côtés de notre peuple, dans cette phase cruciale de son histoire, et sa détermination à faire face aux agissements hostiles à la patrie, à son intégrité territoriale ainsi qu’aux tentatives visant à porter atteinte à la sécurité nationale du pays et à mettre en danger son unité nationale». Il met en avant l’état-major militaire pour avoir fait, selon lui, en sorte que «le processus de changement connaît au quotidien des avancées incontestables».

    «Des dossiers qui ont défrayé la chronique»

    Il note à cet effet qu’« au cœur des revendications populaires, la lutte contre la corruption et la dilapidation des deniers publics a ainsi connu une accélération qui laisse entrevoir une prise en main déterminée par la justice des dossiers qui ont défrayé la chronique, mais aussi et surtout une action méthodique, inscrite dans la durée et induisant un impact salutaire sur l’économie nationale, débarrassée de l’impact néfaste des pratiques qui ont profondément gangréné son fonctionnement ».

    Pour le chef de l’Etat, « la voix du peuple a été entendue ». Une voix qui, dit-il encore, «a trouvé en l’Etat réactivité positive, promptitude et compréhension à l’égard des revendications, aspirations et attentes de notre population». Il pense du «hirak» qu’il est une étape «qualitativement nouvelle, qui se déroule dans le calme et de façon pacifique, une étape durant laquelle notre peuple a fait montre d’un haut niveau de conscience et de maturité, manifestant ses revendications et ambitions légitimes à travers un comportement civilisé, qui a forcé l’admiration du monde entier». Mais, affirme le chef de l’Etat, «il va sans dire (cependant) que l’intérêt suprême du pays impose la préservation de l’État, le respect des institutions, ainsi que la sauvegarde de la sécurité et de la stabilité du pays et ce quelles que soient les circonstances».

    Gaïd Salah et Bensalah défendent avec la même conviction «les institutions de l’Etat». Pour l’heure, les deux responsables civil et militaire maintiennent le cap sur la présidentielle du 4 juillet prochain et appellent encore une fois «tous les acteurs nationaux» à venir dialoguer avec la présidence de la République dans sa configuration actuelle. Le chef d’état-major ne veut pas se passer du chef de l’Etat et le met en avant pour trouver «une solution à la crise politique».

    Les figures incontestables du système

    Ceux des opposants qui refusent de discuter avec Bensalah « parce que c’est une figure du système», acceptent curieusement et insistent pour le faire avec Gaïd Salah que le système Bouteflika a mis en avant pour contrer des forces qui lui étaient hostiles, notamment par sa fidélité et sa complaisance. Il les a prouvées puisqu’il est resté à ses côtés bien longtemps. Jusqu’au 2 avril dernier qui lui a fait comprendre que sa tête était mise à prix. Le vrai-faux communiqué est venu comme pour le réveiller et lui dire que la décision de son limogeage était signée. De « la proposition » qu’il avait faite trois jours avant, il est passé à l’ordre « immédiat » d’appliquer l’article 102 de la Constitution.

    Il démit Bouteflika de son poste de président et déclenche une avalanche d’arrestations des membres de son clan. La toute récente, celle de son frère Saïd Bouteflika et des généraux Toufik et Tartag, a fortement étonné au plan national et même à l’étranger de par la rapidité de son exécution.

    Les trois ex-responsables ont été arrêtés, quelques heures après présentés devant le juge d’instruction militaire qui a ordonné leur mise en détention préventive. Après Gaïd qui dénonçait les comploteurs, Bensalah hier a affirmé que «l’affaiblissement et la déstabilisation de l’Algérie constitue, pour certaines parties, une option stratégique (et) nier cette réalité ou tenter d’en minimiser la dangerosité, serait au mieux faire preuve de naïveté et au pire de complicité». Au «hirak» qui revendique depuis le 22 février dernier le départ des B (Bensalah, Bedoui, Bouchareb), Gaïd est prêt à faire tomber bien d’autres têtes mais celles-là représentent pour lui «le cadre constitutionnel» auquel il tient pour ne pas subir la foudre des «légalistes» d’ici et d’ailleurs. Sans ça, les institutions internationales considéreront que la destitution du président Bouteflika est un coup d’Etat.

    Il attendra encore quelques jours pour réviser sa feuille de route en lui accolant des décisions qui frapperont les esprits. Il compte certainement sur l’usure du peuple pour gagner le temps qu’il lui faudra pour désamorcer ce qu’il a qualifié de «bombes à retardement». La préparation d’une personnalité «neutre» comme Taleb El Ibrahim pour assurer une transition bien contrôlée suit son cours.

    Tags : Algérie, Abdelkader Bensalah, Gaïd Salah,

  • L’hymne national de l’Algérie

    Le Kassaman ou Qasaman (arabe : قَسَمًا, « nous jurons » ; berbère : Tagallit, « le serment ») est l’hymne nationalde l’Algérie. Ses paroles ont été écrites par le poète nationaliste Moufdi Zakaria.

    Moufdi Zakaria, militant nationaliste pendant la guerre d’Algérie, est approché en 1955 par Rebah Lakhdar à la demande d’Abane Ramdane et Benyoucef Benkhedda, qui lui demandent d’écrire un hymne national. Zakaria propose très vite un poème, Fach’hadou (« Témoignez-en ! »), qu’il aurait, selon une version répandue, écrit avec son sang sur les murs de la cellule 69 de la prison Barberousse, le 25 avril 1955 ; celui-ci est immédiatement adopté, puis renommé Kassaman (« Nous jurons ! »).

    La première composition musicale de l’hymne est écrite par l’Algérien Mohamed Touri, à Alger. Cette composition n’étant pas jugée satisfaisante, on demande alors au Tunisien Mohamed Triki de composer la musique, avec l’aide d’une chorale algérienne, à Tunis. Son résultat n’ayant lui aussi pas été retenu, on demande finalement à Mohamed Fawzi, compositeur égyptien, d’écrire la partition musicale de l’hymne. Cette dernière composition reste, aujourd’hui, la musique de l’hymne algérien.

    Kassaman a été officiellement adopté comme hymne national peu après l’indépendance de l’Algérie, en 1963.

    Moufdi Zakaria était très attaché à l’unité du Maghreb sur la base de l’Islam, de la berbérité et de l’arabité au delà de tous les clivages aussi bien national que religieux.

    En plus de cette volonté d’unir le Maghreb face à l’impérialisme militaire, politique, économique et culturel de la France; il a aussi manifesté les liens qui lie le Maghreb au Proche et Moyen Orient, et la nécessité de ne jamais l’oublier: « Notre patrie est l ‘Afrique du Nord, patrie indissociable de l‘Orient arabe dont nous partageons les joies et les peines, les ardeurs et la quiétude. Nous unissent à lui, pour l’éternité, les liens de la langue, de l’arabisme et de l’Islam ».

    La version définitive du chant révolutionnaire algérien « Qassaman » en 1957 aura été une belle démonstration de cette union du Machrek et du Maghreb avec une musique composée par l’égyptien Mohamed Fawzi le tout enregistré dans un studio tunisien.

    Par les foudres qui anéantissent,

    Par les flots de sang pure et sans tache,

    Par les drapeaux flottants qui flottent

    Sur les hauts djebel orgueilleux et fiers,

    Nous jurons nous être révoltés pour vivre ou pour mourir,

    Et nous avons juré de mourir pour que vive l’Algérie !

    Refrain : Témoignez ! Témoignez ! Témoignez !

    Nous sommes des soldats pour la justice, révoltés,

    Et pour notre indépendance nous avons engagé le combat,

    Nous n’avons obéi à nulle injonction en nous soulevant.

    Le bruit de la poudre a été notre mesure

    Et le crépitement des mitrailleuse notre chant favori.

    Et nous avons juré de mourir pour que vive l’Algérie !

    Refrain : Témoignez ! Témoignez ! Témoignez !

    Ô France ! le temps des palabres est révolu

    Nous l’avons clos comme on ferme un livre

    Ô France ! voici venu le jour où il faut rendre des comptes!

    Prépare toi ! Voici notre réponse!

    Le verdict, notre Révolution le rendra

    Et nous avons juré de mourir pour que vive l’Algérie !

    Refrain : Témoignez ! Témoignez ! Témoignez !

    Sur nos héros nous bâtirons une gloire

    Et sur nos corps nous monterons à l’immortalité,

    Sur nos âmes, nous construirons une armée

    Et de notre espoir nous lèverons l’étendard.

    Front de la Libération, nous t’avons prêté serment

    Et nous avons juré de mourir pour que vive l’Algérie !

    Refrain : Témoignez ! Témoignez ! Témoignez !

    Le cri de la patrie monte des champs de bataille.

    Écoutez-le et répondez à l’appel.

    Écrivez-le dans le sang des martyrs

    Et dictez-le aux générations futures.

    Nous t’avons donné la main, ô gloire,

    Et nous avons juré de mourir pour que vive l’Algérie !

    Refrain : Témoignez ! Témoignez ! Témoignez !

  • Algérie : L’armée passe à la vitesse supérieure

    L’arrestation d’Ali Haddad, une des plus grandes fortunes de l’Algérie, fait partie d’une opération anti-corruption plus étendue qui a affecté une douzaine de grands entrepreneurs algériens parmi lesquels certains sont très proches du clan Bouteflika, Saïd en particulier.

    Selon Carlos Ruiz Miguel, professeur à l’Université de Saint-Jacques de Compostèle, « avec la détention de Saïd Bouteflika, Tartag et Toufiq, l’armée vient d’offrir un gage de sincérité et sérieux dans la lutte contre la corruption et la système implanté par l’entourage de l’ancien président ».

    Dans une interview accordée au journal espagnol La Razón, Carlos Ruiz Miguel, grand connaisseur du Maghreb, a signalé qu’il y aura des acteurs qui voudront provoquer une situation similaire à celle de l’Egypte (la France ou le Maroc). « Cependant, dit-il, l’armée ne le permettra pas. D’ailleurs, elle l’a déjà fait en 1991. Si les islamistes remportent le processus électoral, l’armée interviendra pour l’empêcher. Et pour éviter ce scénario, l’on procédera à filtrer les candidatures électorales et les islamistes seront bloqués ».

    Selon d’autres sources, il s’agit d’une guerre ouverte entre l’armée et le clan Bouteflika qui avec son argent finançait les campagnes électorales de l’ex-président. Au centre de ce système se trouvait celui qui était jusqu’à hier le président du FCE, Ali Haddad.

    Régler les comptes aux entrepreneurs qui ont bénéficié pendant longtemps de ses relations étroites avec la classe dirigeante du pays faisait partie des revendications des manifestants du Hirak. L’armée y a répondu favorablement avec cette campagne d’arrestations. Maintenant, c’est à la justice de prouver qu’elle est capable d’être sufisamment indépendante pour poursuive l’opération d’assainissement entamée. Surtout qu’elle jouit du soutien de l’homme fort du pays, le général Gaïd Salah.

    Tags : Algérie, article 102, armée, Gaïd Salah, corruption, Saïd Bouteflika, Tartag, Ali Haddad, Toufik,

  • Algérie : «L’armée a tout à gagner en accompagnant une transition négociée» (Yahia Zoubir)

    Directeur de recherche en géopolitique à la Kedge Business School (Marseille, France), le professeur Yahia Zoubir estime que l’institution militaire doit se défaire de son attitude paternaliste et s’engager dans un processus d’accompagnement d’une « transition négociée ».

    Le Soir d’Algérie : Vous avez assisté, vendredi dernier, à la marche d’Alger. Quelles sont vos impressions ?

    Pr Yahia Zoubir : C’était un moment très fort. J’ai pu constater une continuité dans les revendications des manifestants. Il y a un élément important auquel ne se sont pas réellement intéressés les observateurs et les chercheurs, c’est le lien établi entre les générations actuelles et celle de Novembre 54. C’est un lien important car il signifie qu’il y a une déligitimation du régime actuel. Les manifestants disent clairement : notre mouvement fait la jonction avec les vrais révolutionnaires.

    Les manifestants se reconnaissent en les « pères fondateurs »…

    Parfaitement, nous le voyons clairement dans les photos de Didouche Mourad, Mustapha Ben Boulaïd et d’autres encore. Cela prouve que l’appel à une nouvelle République est bien pensé puisqu’il prend pour référence les pères fondateurs. La seconde chose qui m’a impressionné, c’est le caractère pacifique de ces manifestations.

    La haine des citoyens envers ceux qui représentent le régime est bien réelle, toutes ces personnes qui ont dilapidé les ressources du pays. La surprise n’est pas dans le fait que les Algériens soient sortis protester, car on avait atteint la dignité du peuple algérien. Je réside à l’étranger depuis de nombreuses années, et je dois reconnaître que j’avais honte de voir que le Président de ce beau pays était l’objet de moqueries. Ce sentiment de honte nous l’avions également ressenti en entendant les propos de certaines personnalités algériennes, censées être très sérieuses, qui disaient que Bouteflika était en bonne santé.

    La protestation était inéluctable, mais c’est son caractère pacifique qui est exceptionnel. Nous voyons également des slogans d’une grande maturité politique et qui représentent tous les griefs à l’encontre du régime et envers une situation qui perdure depuis 15 années, c’est-à-dire depuis la première maladie d’Abdelaziz Bouteflika.

    La goutte qui a fait déborder le vase, c’est cette tentative d’imposer ce cinquième mandat. Mais la population n’est pas dupe et elle le dit clairement aux dirigeants actuels : vous êtes en train de poursuivre le cinquième mandat de Bouteflika mais sans Bouteflika. Les gens sont conscients des enjeux mais aussi des ruses utilisées pour se maintenir au pouvoir.

    Le mouvement citoyen va se poursuivre tant que ses revendications légitimes ne seront pas prises en compte. Le constitutionnalisme dont fait preuve le chef d’état-major de l’armée est en fait une approche fausse car cette Constitution fabriquée spécialement pour l’ex-Président n’est plus valable.

    Il y a une nouvelle situation, il faut donc penser sérieusement à une transition ordonnée. Il existe plusieurs exemples dans le monde, des transitologistes ont travaillé sur des cas concrets. J’ai moi-même travaillé sur la période de transition post-Octobre 88. En collaboration avec un spécialiste brésilien, nous avions réalisé une étude sur les possibilités d’accompagnement de la transition par l’institution militaire.

    Quelles étaient les propositions de cette étude ?

    Nous avions proposé un pacte négocié qui prenait en compte l’instauration d’un nouveau système politique et de nouvelles procédures électorales. Nos propositions ont cessé d’être valables dès la tenue de l’élection du FIS en 1990.

    Ce concept de pacte négocié peut être appliqué dans la situation actuelle ?
    Bien entendu. Sauf que les messages du mouvement sont clairs, les Algériens refusent que les négociations soient menées par Bensalah, Bedoui et tous les autres personnages honnis par la population. Pour l’heure, le régime ne donne pas l’impression de vouloir créer un cadre nouveau pour surmonter la crise. Il ne faut pas perdre de vue que le danger est la radicalisation de la jeunesse. Pour le moment, elle nous montre le meilleur, mais elle pourrait être capable du pire.

    Le slogan khawa-khawa (frères-frères) avec l’armée tient à un fil depuis que le premier représentant de cette institution a commencé à menacer les manifestants.

    L’armée s’est impliquée activement dans la situation politique, depuis les premiers jours de la crise. Mais l’état-major était-il préparé à assumer cette responsabilité ?

    Il ne faut surtout pas que l’état-major donne l’impression que c’est lui qui dirige le pays et qu’il souhaite aller vers une solution à l’égyptienne. C’est-à-dire de remettre l’armée au pouvoir. En tant qu’académicien, j’estime que l’armée a tout à gagner en accompagnant une transition négociée et organisée où l’institution militaire ne s’immiscerait plus dans la politique.
    Plus cette situation perdurera plus les risques de fissures au sein de l’armée seront réels. L’ANP, dans sa composante essentielle, est issue du peuple. Elle s’identifie au peuple. Il est dans l’intérêt national que l’armée, qui est l’ossature du système, joue le rôle d’accompagnateur de la transition.
    Les Algériens ne sauraient se contenter de quelques changements cosmétiques. Il faut éviter la situation de 1988 où quelques têtes ont été écartées sans que le système change réellement. Il s’était juste renouvelé à travers le multipartisme.

    Nous sommes face à une armée qui a un comportement paternaliste envers le peuple et la classe politique. Les militaires sont-ils prêts à changer ?
    Oui et c’est une grave erreur. Cette attitude n’a pas changé depuis l’indépendance. Sauf que la jeunesse algérienne n’est plus dans ce contexte-là. Les jeunes sont très en avance, ils sont conscients de ce qui se passe ailleurs et savent utiliser les médias sociaux. La jeunesse algérienne constate le rajeunissement dans le monde, elle a vu Obama et voit aujourd’hui Macron. De plus, ce paternalisme est un paternalisme méchant qui souffle le chaud et le froid. Nous devons nous mettre dans une logique de retrait progressif de l’armée du champ politique, sans être pour autant désintéressé de l’évolution et de la sécurité de l’Etat.
    De plus, en voyant les dissensions actuelles, nous avons l’impression que l’armée est divisée.

    Le fait que des conflits entre le chef d’état-major et d’anciens hauts responsables de l’ANP, notamment les généraux Mediene et Hamel, se retrouvent sur la place publique ne risque-t-il pas de ternir l’image de marque de l’armée ?

    Parfaitement. Et plus ça continuera, plus l’image de l’armée sera impactée. En octobre 1988, l’armée avait perdu sa réputation après avoir tiré sur le peuple. Il lui a fallu du temps, avec la lutte antiterroriste, pour redorer son image. Elle est devenue par la suite l’institution la plus respectée du pays. Des études ont démontré que la population respecte l’ANP bien plus que les partis politiques ou les politiciens.

    Il est très important de préserver, au sein des jeunes officiers qui ne sont pas politisés, l’esprit de corps qui est requis pour une armée.

    Il ne faut pas oublier que les conflits opposent le premier représentant à d’anciens chefs militaires qui étaient hauts responsables au sein du régime.
    D’où la nécessité pour l’armée de se démarquer du régime, quelle que soit sa nature. Dans cette nouvelle République, l’armée devra être une institution républicaine. Cela prendra sûrement du temps, mais il sera possible de voir un jour un civil comme ministre de la Défense nationale et où l’armée pourra voir son budget décidé par le Parlement. Ce n’est pas d’être contre l’armée que de dire ça, bien au contraire.

    En cas de mise en œuvre d’une solution politique qui aboutirait à l’avènement d’une nouvelle République, pensez-vous que le général Ahmed Gaïd Salah accepterait d’être sous les ordres d’un chef hiérarchique civil en la personne du futur président de la République ?

    Nul n’est éternel. Il est le plus vieux soldat du monde et il sera obligé de composer avec le futur chef de l’Etat. En sa qualité d’ancien moudjahid, s’il a le pays à cœur, il devra laisser s’installer cette nouvelle République exigée par le peuple.

    Si aujourd’hui les critiques à son égard sont encore limitées, c’est dû au fait qu’une grande majorité du peuple est convaincue de son patriotisme. Il se doit de satisfaire les demandes légitimes de ce mouvement citoyen.
    Nous sommes à la croisée des chemins, la situation est très critique. Pour l’instant on ne parle pas beaucoup d’économie, mais dans cette situation de transition, la situation économique est très complexe.

    Nous assistons depuis quelques semaines à une campagne anticorruption sans précédent. Quelle doit être la place de la justice dans une phase de transition ?

    Les pays qui ont fait une transition vers la démocratie ont temporisé pour mettre en œuvre la justice transitionnelle. Mais vu les conditions de l’Algérie, il est parfaitement acceptable que les anciens responsables rendent des comptes durant cette phase. Encore faut-il que cela se fasse de manière rationnelle et crédible. Actuellement,nous avons l’impression d’assister à une certaine sélectivité dans le choix des responsables qui sont poursuivis. Il ne faut pas que cela tourne au règlement de comptes.

    La France est au centre de toutes les critiques depuis le début de ce mouvement. Il y a une forme d’unanimité puisque ces critiques proviennent de la population mais aussi du chef d’état-major de l’ANP…
    Il est possible que le chef d’état-major fût au courant que la France avait accepté le principe d’un 5e mandat. Il est également possible que ce soit un avertissement adressé aux Français afin qu’ils ne s’immiscent pas dans les affaires internes de l’Algérie. C’est aussi un message adressé au peuple algérien visant à apparaître comme un personnage qui ne reçoit pas ses ordres de Paris, car il est évident que les manifestants ont montré dès le début leur rejet de toute interférence étrangère. Cela est valable pour la France, les Etats-Unis ou encore la Russie et les pays du Golfe.
    Les Algériens ont compris que ce sont les interférences étrangères qui ont conduit à la destruction de la Libye, de la Syrie et du Yémen. Sur ce plan, il me semble que le général Gaïd Salah s’est posé sur la même ligne que les revendications populaires.

    Est-ce là une occasion pour redéfinir les relations algéro-françaises ?

    Oui, car même les accords économiques signés ces dernières années entre les deux pays suggéraient des tendances pro-françaises.

    Une transition démocratique pour l’instauration d’une nouvelle République pourra assainir les relations algéro-françaises et aller enfin vers des relations d’égal à égal.

    Les Français ont toujours dit que les relations changeraient quand l’ancienne génération de responsables algériens partira. Mais c’est valable aussi du côté des Français car il existe toujours des nostalgiques de l’Algérie française et qui voudraient tirer profit de cette situation.

    Comment la Chine et les Etats-Unis, deux pays que vous connaissez très bien, perçoivent ce mouvement citoyen et les changements qu’il provoque ?

    J’étais en Chine lorsqu’il y a eu les premières marches en Algérie. Les médias chinois se sont focalisés sur la situation au Soudan mais ont très peu montré l’Algérie. La position chinoise est constante : aucune ingérence. La non-ingérence est un des principes fondamentaux de la politique étrangère de la Chine. C’est d’ailleurs un point commun avec la politique étrangère algérienne, un principe hérité de la conférence de Bandung en 1955.
    Les Chinois ont une relation particulière avec l’Algérie. Malheureusement, nous n’avons pas su l’utiliser à sa juste valeur. Pour peu qu’il n’y ait pas de corruption, les Algériens ont tout à gagner à renforcer leurs rapports économiques avec la Chine. Ils permettront de contrebalancer les relations avec d’autres pays, car il faut miser sur la diversification.

    Pour ce qui est des Etats-Unis, la politique de Trump est très claire : elle consiste à soutenir les États autoritaires. Le souci majeur des Américains ce sont les contrats majeurs qui étaient en phase de signature dans le domaine des hydrocarbures. Ils vont tenter de comprendre quelles sont les implications de la situation actuelle dans les relations économiques.

    Je ne pense pas que les Etats-Unis souhaitent voir l’anarchie s’installer en Algérie, comme c’est le cas en Libye ou en Syrie. Bien sûr, ils souhaiteraient avoir des dirigeants qui leur sont favorables. Ils se positionneront en temps voulu lorsque les choses seront plus claires. Je n’anticipe pas de changement dans les relations avec l’Algérie, les Américains vont observer de façon très étroite les événements futurs.

    C’est également valable pour la Russie ?

    La Russie, c’est autre chose. Moscou et Alger entretiennent des liens très forts dans le domaine militaire. La Russie considère que le régime est stable, qui ne lui est pas défavorable et qui peut l’aider à trouver une solution dans le conflit libyen. Tout comme la Chine, ils sont contre toute ingérence, notamment occidentale, en Algérie.

    L’instauration d’une nouvelle République aura-t-elle des conséquences sur le Maghreb et les pays arabes ?

    Je peux parier que certains pays du Golfe ne souhaitent pas voir une république démocratique, dans le sens propre du terme, en Algérie. Ces pays estiment que cela pourrait déstabiliser le Maroc. Ce dernier souhaite la chute du régime algérien mais refuse de voir une démocratie authentique se développer à ses frontières.

    Mais les Marocains ont besoin d’une Algérie stable…

    Effectivement, ils veulent la fin du régime actuel, refusent l’idée d’une Algérie démocratique mais craignent une instabilité généralisée. Rabat est toujours dans le même concept développé par Hassan II lorsqu’il avait parlé « d’Algérie laboratoire de l’islamisme ». Il ne faut surtout pas que les citoyens marocains soient tentés de copier leurs voisins algériens.
    Et la monarchie souhaite surtout voir se diluer le soutien au Sahara occidental à la faveur de la crise actuelle.

    L’Egypte voit, elle aussi, d’un œil inquiet ce qui se passe en Algérie, surtout qu’un mouvement similaire se déroule au Soudan, à sa frontière sud. Abdel Fattah al-Sissi ne sera rassuré que si l’armée prend réellement le pouvoir en Algérie et au Soudan.

    La défense des peuples opprimés et le soutien au principe d’autodétermination, notamment au Sahara Occidental et en Palestine, seront-ils des principes que portera la nouvelle République ?

    Cette question est importante. Un des éléments extraordinaires dans les manifestations, c’est le fait que le drapeau palestinien soit brandi depuis plusieurs semaines. Idem pour le drapeau sahraoui qui commence à apparaître.

    Les intellectuels algériens ont souvent cru, mais de façon erronée, que la question du Sahara Occidental est une question de régimes.
    Cette façon de voir les choses est le résultat d’un manque de communication du régime algérien qui n’a pas su expliquer que le soutien au Front Polisario est avant tout une question d’autodétermination.
    Je suis très optimiste quant à la question de la préservation des valeurs et des principes fondateurs de l’Etat algérien.

    T. H.

    Bio express

    Yahia H. Zoubir est professeur senior en études internationales et de management international et directeur de recherche en géopolitique à la Kedge Business School, France. Avant de rejoindre Kedge en septembre 2005, il a enseigné dans différentes universités aux Etats-Unis. Il a été professeur invité dans diverses universités en Chine, en Europe, aux États-Unis, en Inde, au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. Ses nombreuses publications comprennent des livres, tels que North African Politics : Change and Continuity (Routledge, 2016) ; Building a New Silk Road : China & the Middle East in the 21st Century (World Affairs Press, 2014) ; Global Security Watch-The Maghreb : Algeria, Libya, Morocco et Tunisia (ABC/CLIO, 2013) ; North Africa : Politics, Region, and the Limits of Transformation (Routledge, 2008) et des articles dans des revues scientifiques telles que Third World Quarterly, Mediterranean Politics, International Affairs, Journal of North African Studies, Middle East Journal, Journal of Contemporary China, Arab Studies Quarterly, Africa Today, etc.). Il a également contribué à de nombreux chapitres d’ouvrages et à diverses encyclopédies. Il a récemment terminé des travaux sur les rivalités au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, et sur les puissances du Moyen-Orient dans la région Mena, ainsi que sur les questions de sécurité au Sahel et en Méditerranée.

    En 2019, il a réalisé une importante étude intitulée «Civil Strife, Politics, and Religion in Algeria» pour l’Oxford Research Encyclopedia of Politics.

    Source : Le Soir d’Algérie, transition, article 102, armée, Gaïd Salah, Yahia Zoubir,

  • Algérie : Justice et ANP aux premières lignes dans la lutte contre la corruption

    Lors de sa visite à la 5e Région militaire, le Chef d’état-major de l’ANP est revenu sur la situation qui prévaut actuellement dans le pays, traitant pêle-mêle les dossiers de la corruption, de la justice et insistant, encore une fois, sur le soutien de l’armée aux revendications du peuple.

    Par Amirouche El Hadi 

    Réitérant que le Haut Commandement de l’armée veille à l’accompagnement de la justice dans l’accomplissement de ses missions, loin de toute démarche sélective et conjoncturelle, il a assuré que » les services du ministère de la Défense nationale détiennent des informations avérées concernant plusieurs dossiers lourds de corruption, dont je me suis enquis personnellement. »

    Ces dossiers, affirme encore le vice-ministre de la Défense nationale, dévoilent « des faits de spoliation des fonds publics avec des chiffres et des montants faramineux ».

    Il a souligné que « l’armée assumera sa responsabilité face à l’Histoire » et cette opération qui n’est qu’à ses débuts se déroulera, selon le chef d’état- major, « loin de toute démarche sélective et conjoncturelle, sans exclure aucun dossier et en se gardant de toutes mesures arbitraires ou de règlement de comptes. Nous insistons également sur la nécessité d’éviter tout retard dans le traitement de ces dossiers, sous le prétexte de révision des procédures légales, laquelle requiert beaucoup de temps, ce qui donne la possibilité à certains d’échapper à la justice ».

    Pour le vice-ministre de la Défense « l’armée a été le précurseur dans ce domaine en présentant de hauts cadres militaires par-devant la justice militaire, à savoir les anciens commandants des 1ère, 2e et 4e RM et de la Gendarmerie nationale et l’ancien directeur des Services financiers, dont l’implication dans des affaires de corruption a été confirmée par des preuves tangibles ».

    Dans le deuxième volet de son intervention en présence des haut cadres et le personnel de l’ANP à Biskra où il avait assisté à un exercice, le général de corps d’armée a mis l’accent sur l’attachement de l’Armée nationale populaire à la voie constitutionnelle, qui exige de réunir les conditions appropriées pour l’organisation de l’élection présidentielle dans les meilleurs délais possibles, dans la mesure où elle constitue la solution idoine pour sortir de la crise.

    A ce propos il affirme, « l’attachement profond du Commandement de l’Armée nationale populaire à la Constitution, cautionnée par le peuple à travers ses représentants au Parlement ».

    En tout cas la position de l’ANP, ajoute le général de corps d’armée est une « position de principe et est un signe manifeste et constant de la détermination de l’institution militaire à ne pas s’écarter de la voie constitutionnelle, quelles que soient les conditions et les circonstances, et quiconque prétend le contraire fait preuve d’ingratitude envers l’Armée et ses positions de principe constantes, en particulier ces arrivistes qui ont profité des richesses du pays à bien des égards et veulent aujourd’hui donner des leçons à l’Armée nationale populaire et son Commandement ».

    Dans cette optique, et dans le respect de la Constitution et des institutions de l’Etat, il nous incombe d’oeuvrer à réunir les conditions idoines pour l’organisation de l’élection présidentielle le plus tôt possible, du fait qu’elle constitue la solution idéale pour sortir de la crise, faire face à toutes les menaces et dangers qui guettent notre pays et déjouer les desseins hostiles visant à nous mener vers le vide constitutionnel et entraîner le pays dans les spirales de l’anarchie et la déstabilisation.

    Pour lui, « Ce mécanisme constitutionnel permettra d’élire un président de la République ayant la légitimité et les prérogatives pour concrétiser le reste des revendications populaires légitimes et constitue la règle de base pour que notre pays reprenne le cours du développement et de l’édification.»

    Il accuse « j’ai affirmé dans une rencontre antérieure que nous étions en cours de démantèlement des bombes à retardement que le peuple algérien sait pertinemment qui les a plantées au sein de toutes les institutions de l’Etat, et que cette crise, dont nous n’avions guère besoin, a été inventée dans le but de semer les graines de la déstabilisation en Algérie, en créant un environnement propice au vide constitutionnel ».

    Source : La Tribune des Lecteurs, 04/05/2019

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