Catégorie : Algérie

  • Algérie : La voie immuable de la légalité

    Deux jours après la démonstration de force, traduisant un engagement sans réserve pour un changement radical et une transition démocratique pacifique, une manifestation nocturne a secoué la capitale pour sceller la symbiose totale entre le peuple et son armée «khawa khawa», scandée haut et fort dans toute l’Algérie tournant le dos aux surenchères d’une frange de la classe politique disqualifiée et prenant leur distance avec l’article 102 qu’elle n’a eu de cesse de professer, redoutant l’épreuve des urnes révélatrice de la réelle représentativité dûment contestée par les manifestants. Elle constitue la meilleure réponse aux manœuvres sournoises de déstabilisation, alimentées par les fake news.

    La sortie du général de corps d’armée Ahmed Gaïd-Salah, vice-ministre de la Défense nationale et chef d’état-major de l’Armée nationale populaire (ANP), renseigne clairement sur les plans de «certaines parties malintentionnées» organisant des «réunions suspectes» destinées à mener une campagne attentatoire à la crédibilité de l’armée et à contourner les revendications légitimes du peuple.

    Tout en dénonçant les agissements néfastes des «individus connus» de tous et dont l’identité sera dévoilée «en temps opportun», le général de corps d’armée Gaïd-Salah a estimé que ces tentatives qui vont à l’encontre de «la légalité constitutionnelle» ou portant atteinte à l’ANP «sont totalement inacceptables et auxquelles l’ANP fera face par les moyens légaux».

    Face à une dérive inquiétante à plus d’un titre, l’union sacrée entre le peuple et l’armée républicaine est le meilleur rempart pour préserver la stabilité et amorcer la sortie de crise par la voie légale.

    Cette union se manifeste par une adhésion populaire à l’article 102, présentée comme «l’unique garantie» pour préserver la stabilité et prémunir notre pays de «toute situation malencontreuse», d’autant que le président de la République a, lors de son message à la nation le 11 mars dernier, affirmé : «Mon état de santé et mon âge ne m’assignant comme ultime devoir envers le peuple algérien que la contribution à l’assise des fondations d’une nouvelle République en tant que cadre du nouveau système algérien que nous appelons de tous nos vœux.» .

    La voie légale est confortée par le recours aux articles 7 et 8 de la Constitution qui stipulent respectivement que «le peuple est la source de tout pouvoir» et que «le pouvoir constituant appartient au peuple».

    La solution constitutionnelle «idoine», plaidée par d’éminents juristes, fait de plus en plus consensus dans la classe politique.

    Horizons, 31 mars 2019

    Tags : Algérie, Boutelfika, transition, article 102, Gaid Salah,

  • Prince Hicham : La démocratisation de l’Algérie va mettre le Maroc dans une situation difficile

    Prince Hicham : La démocratisation de l’Algérie va mettre le régime marocain dans une situation difficile

    Le prince marocain Hicham Alaoui souligne que l’institution militaire algérienne pourrait apprendre de la méthodologie/manœuvre du Makhzen marocain pour répondre aux exigences démocratiques du peuple algérien. Rappelant que si les Algériens parviennent à instaurer la démocratie, le Maroc sera dans une situation difficile.

    Hicham Alauí a exposé ces idées lors d’une conférence à l’Université Duke le 28 mars 2018. Le titre était “Le monde arabe entre révolution et contre-révolution”. Cette conférence coïncide avec le retour du printemps arabe dans des pays comme le Soudan, la Jordanie et surtout l’Algérie. Les idées principales de cette conférence sont :

    1 : Le printemps arabe et ses conséquences ressemblent beaucoup aux révolutions européennes de 1848. Une différence, cependant, est que la réaction contre-révolutionnaire contre le printemps arabe produit une version rénovée et non éclairée de l’autoritarisme qui ignore la nouvelle réalité sociale et au lieu de cela réduit son pouvoir patriarcal et despotique.

    Alors que les despotes éclairés de l’Europe ont cherché à absorber et à détourner le changement en offrant aux citoyens un nouveau type d’ordre politique, ou du moins des réformes conçues pour intégrer des formes croissantes de conscience nationaliste, l’ordre du printemps post-arabe offert par les autocrates régionaux est différent. Il tente d’écraser le changement en éliminant toute dissidence.

    2 : Situation au Maghreb. Comme l’Egypte, l’armée algérienne est l’épine dorsale de l’Etat. L’ère Bouteflika a été une modeste reconfiguration de cette formule, alors que le président civil grignotait cette hégémonie en faisant appel à de nouvelles élites commerciales et en réorganisant les services de sécurité. La chute de Bouteflika marque le retour de l’armée sur le devant de la scène politique algérienne. Ce moment politique est une transition, mais pas nécessairement démocratique. L’armée algérienne tentera d’apprendre de son ennemi juré, le makhzen marocain, en recyclant le système et ses élites. A l’inverse, le Makhzen marocain regarde l’Algérie avec appréhension. Les deux régimes, monarchique et militariste, ont des caractéristiques communes ; ce sont des autocraties libéralisées avec des élites pluralistes et des processus décisionnels opaques. Si le régime algérien fait de véritables pas vers la démocratisation, le système marocain se trouvera dans une position délicate.

    3 : La Chine et la Russie sont des puissances internationales qui n’ont aucun intérêt à promouvoir la démocratisation. Cependant, ils utilisent des stratégies différentes pour ce faire. La Russie fournit une couverture diplomatique aux autocraties, comme en Syrie et en Ukraine, et est même disposée à intervenir militairement pour renforcer leurs régimes favoris. La Chine est plus subtile, soutenant les autoritaires du Moyen-Orient par des ressources économiques et financières, ainsi que par une augmentation prometteuse du commerce et des investissements.

    Source : AlifPost

    Tags : Maroc, Algérie, Makhzen, Hicham Alaoui, Prince Hicham, Moulay Hicham, Bouteflika, article 102,

  • Algérie – La deuxième république n’est pas un vain mot, mon général, ministre de la république.

    Mon général, monsieur le ministre,

    Je m’adresse à vous en tant que citoyen libre dans sa pensée (libre penseur), universitaire, écrivain, enfin intellectuel, si mes capacités me le permettent de l’affirmer. Aussi, enfant ayant aiguisé son amour à la patrie dans le berceau de notre armée. Je n’ai pas connu le classique collège du théorème de Pythagore, ni la cour et le dortoir du respectable lycée des années soixante dix. J’étais dans un monde où la rigueur faisait foi dans notre éducation multidimensionnelle. Je vivais dans l’espace du clairon qui annonçait l’extinction des feux et le réveil matinal en l’absence de la douce voix maternelle.

    J’avais à peine neuf ans quand on m’a extirpé de mon environnement parental pour une éducation complémentaire et un rude apprentissage dans les salles de cours. J’étais le cadet de notre glorieuse révolution, le cadet de ceux qui ont défié la mort pour la liberté, le cadet de l’indépendance, héritier de ces valeureux hommes. Heureusement que cet héritage demeure un gène inextirpable, du fait qu’il n’est pas matériel.

    J’appartiens au peuple auquel vous vous êtes adressé du pupitre d’une caserne militaire .Du coup, vous avez accepté de vous soumettre à la critique citoyenne issue du mouvement de la liberté, celui du changement radical . Le discours de la « République démocratique et populaire » n’a pas plus sa place, et ce depuis la révolte citoyenne des jeunes du 22 février 2019.

    La « RADP », un slogan vide de son réel contenu philosophique, ne pouvait enfanter un cadre juridique à travers lequel le peuple espérait mettre en œuvre les outils avérés dans la construction d’une société moderne. Un rappel historique est nécessaire pour vous rappeler que lors du congrès de Tripoli en 1962, et devant le forcing instauré sur le GPRA par l’Etat Major Général présidé par feu colonel Boumédiène, pour la désignation du bureau politique du FLN qui avait pour tâche de préparer la phase de transition avec l’élection de l’assemblée constituante, et devant l’absence du consensus sur les personnalités qui devaient constituer le dit bureau politique, feu Seddik Benyahia, ne pouvant plus gérer la réunion, suspend les travaux du congrès le 05 juin de la même année. La suite est connue pour arriver au 22 février 2019 et voir le peuple s’extérioriser pacifiquement en lançant haut et fort : « Système dégage ». Ce système est né lors de ce congrès dont les travaux sont restés suspendus à ce jour.

    Mon général, monsieur le ministre, cette lettre est destiné au vice ministre de la défense nationale, à l’homme politique, l’homme public, et non pas au chef d’état major. La distinction est de taille. C’est une réponse à vos discours destinés au peuple à partir de casernements militaires. Je refuse d’impliquer l’institution militaire populaire dans le fond et la forme et qui est en dehors de la « République » hégémoniste que le peuple subi depuis la disparition du GPRA. La première « RADP »n’est qu’un slogan imprégné du Baathisme, pour pérenniser un pouvoir qui ne sort nullement du cadre de la « monarchie » archaïque habillée en costume de « république » dont le tissu est de très mauvaise qualité. D’une façon générale Quand la maturité politique fait défaut, l’erreur est omniprésente.

    Mon Général, monsieur le ministre, vous avez rendu visite au « Président » Bouteflika lors de son hospitalisation à l’hôpital militaire français ‘Val De Grâce’ , et où vous avez constaté de visu l’état de santé tout en prenant certainement acte des rapports médicaux inquiétants. C’était à ce moment précis que vous auriez du déposer votre démission du gouvernement, refusant d’emblée le fait accompli. À cet instant, vous auriez du proposer comme vous venez de le faire tardivement, l’application de l’article 102 de la constitution. Malheureusement, votre attitude s’est confondue au silence du consentement jusqu’à vous taire sur le ridicule, à savoir garantir un quatrième mandat à un candidat invalide, éclipsé par son état de santé.

    Mon général, monsieur le ministre,

    Lors de votre dernière déclaration publique vous avez précisé que l’institution militaire se limitera à ses prérogatives constitutionnelles .Cela veut dire tout simplement que votre proposition sur l’application de l’article 102 de la constitution sortait du cadre de vos prérogatives en tant que chef d’état major de l’ANP. Seulement, votre déclaration n’était pas fortuite je pense, car depuis l’avènement du congrès de Tripoli, l’institution militaire est toujours garante dans la désignation ou la destitution du président de la république.Tous les présidents qui ont géré le pays ont fait partie de l’institution militaire, mis à part le défunt Boudiaf.

    Mon général, monsieur le ministre, le peuple est fier de ses enfants qui garnissent les rangs de notre armée populaire, et ne peut s’éloigner de cette dernière pour assurer la stabilité et la sécurité de notre pays. Il existe une véritable symbiose entre le peuple et son armée. Toutefois, l’institution militaire ne saurait être indifférente, lorsque l’instabilité politique est en mesure de déchiqueter les repères de la nation et provoquer un enlisement sans précèdent. Le mouvement du 22 février 2019 entame la marche pacifique pour aboutir à l’éradication du système mafieux qui a marginalisé les compétences au profit de la médiocrité source de dilapidations des richesses du peuple .

    Une véritable mafia micro-régionaliste s’est emparée de l’appareil judiciaire pour faire taire les voix militantes au profit des mains sales. Même leurs enfants se sont gambadés sur le dos de la « République » devant les yeux meurtris d’une jeunesse accablée par la HOGRA, préférant et dans le désespoir, offrir leur corps à la faune marine méditerranéenne que de disparaître à petit feu dans leur pays natal.

    En conclusion, je dois vous assurer que la peur a changé de camp, et le peuple uni dans sa démarche pacifique, mettra fin à l’hégémonie de ce système qui agonise, qui étouffe et qui n’arrive plus à tenir debout. FAKHAMATOUHOU, « le roitelet » de la république écorchée n’existe plus. Enfin, la naissance de la deuxième république n’est pas un vain mot monsieur le ministre, car les articles 7 et 8 de la constitution sont les garants dans sa construction.Vive l’Algérie Horra Dimocratia, Allah yerham Echouhadas et GLOIRE à notre jeunesse, symbole du HIRAK du 22 février 2019.Que dieu tout puissant protège notre ANP.

    Mes sincères respects.

    Dr Driss Reffas , le 31 mars 2019

    31 mars 2019

    Bel-Abbas Info

  • Algérie: Urgence signalée

    » Dans un mois à peine, il sera trop tard pour agir, sauver le pays des graves dérives qui le menacent « .

    Par Mohamed Abdoun :

    La protesta populaire a fait mieux que ne pas faiblir. Elle a, en effet, pris un regain de vigueur qui annonce des vendredis tous plus agités et animés les uns que les autres. Comme il fallait s’y attendre, et comme je le prédisais dans un édito commentant la proposition du chef d’état-major pour la sortie de crise, je peuple répond massivement non.

    La proposition de Gaïd Salah, outre le fait qu’elle provoque une sorte d’immixtion de l’institution militaire dans les questions politiques, intervient bien trop tardivement. Les partis, organisations, et médias qui se sont empressés de s’aligner derrière cette tardive proposition, sans doute par opportunisme, en auront ainsi pris pour leur grade, si je puis dire.

    Cette proposition, comme je l’écrivais le jour-même de sa formulation, aurait été la bienvenue si elle était intervenue à peine deux ou trois semaines plus tôt. A présent, son obsolescence a clairement été démontrée par les manifestations monstres intervenues partout dans le pays, avec des mots d’ordre et des slogans quasi-identiques.

    Excédé, et chauffé à blanc face à la sourde oreille du pouvoir, le peuple a fini par placer la barre de ses revendications aussi haut que possible. Désormais, il ne veut rien moins que le départ du système. Tout le système. Celui-ci n’a pas d’autre choix que d’y donner suite, s’il ne veut pas mettre en péril la stabilité-même du pays.

    La rupture passe forcément par une urgente convocation d’une élection présidentielle. Mais pas avant d’avoir révisé la loi électorale afin de permettre la mise en place d’une commission d’organisation des élections absolument indépendante, et acceptée par tous.

    Parallèlement, un gouvernement technique, et réduit au minimum, sera également mis en place. Le président de la République, toujours en poste, et dont le mandat court toujours, jouit de toutes les prérogatives constitutionnelles et régaliennes pour accomplir tout cela, et sortir par la grande porte.

    Dans un mois à peine, il sera trop tard pour agir, sauver le pays des graves dérives qui le menacent. Il n’est pas difficile d’inscrire son nom au panthéon de l’histoire de l’Algérie.

    Pour cela, il suffit juste de savoir être à l’écoule de son admirable et glorieux peuple. L’exercice est à la portée de tous. Les manifestants répètent inlassablement les mêmes slogans et les mêmes revendications.

    M. A.

    Tribune des Lecteurs, 30 mars 2019

  • Algérie – Entre insinuations et non-dits : Gaïd Salah, vise-t-il le Général Toufik ?

    Entre insinuations et non-dits : Gaïd Salah, vise-t-il le Général Toufik ?

    Le communiqué émanant hier, du ministère de la défense nationale, au moment où on s’attendait à une déclaration de la présidence de la république ou du conseil constitutionnel ; vient jeter plus de flou sur la situation de crise politique que vit l’Algérie, avec ses insinuations et ses non-dits.

    Le Chef d’Etat-Major, a en effet dit que «certaines parties malintentionnées s’affairent à préparer un plan visant à porter atteinte à la crédibilité de l’ANP et à contourner les revendications légitimes du peuple».

    Et de préciser qu’en date du 30 mars 2019, une réunion a été tenue par des individus connus, dont l’identité sera dévoilée en temps opportun, en vue de mener une campagne médiatique virulente à travers les différents médias et sur les réseaux sociaux contre l’ANP et faire accroire à l’opinion publique que le peuple algérien rejette l’application de l’article 102 de la Constitution.

    Ce communiqué intervient le jour même où les réseaux sociaux et certains sites électroniques, faisaient état d’une réunion qui aurait regroupé Saïd Bouteflika avec un groupe de personnes autour de l’ex patron du DRS, le Général Toufik. Une information relayée également par le N° 1 du RCD sur sa page facebook.

    Est-ce de cela que parle Ahmed Gaïd Salah ?

    Bouteflika, ne se laissera pas embarquer dans une quelconque aventure avec le clan présidentiel. Avec qui se serait-il alors réuni, si tant est, il l’ait fait ?

    Pour Gaïd Salah «toutes les propositions découlant de ces réunions suspectes, qui vont à l’encontre de la légalité constitutionnelle ou portent atteinte à l’ANP, qui demeure une ligne rouge, sont totalement inacceptables et auxquelles l’ANP fera face, par tous les moyens légaux».

    Gaid Salah, rappelé en fin de message que «la position de l’ANP demeure immuable, dans la mesure où elle s’inscrit constamment dans le cadre de la légalité constitutionnelle et place les intérêts du peuple algérien au-dessus de toute autre considération, en estimant toujours que la solution de crise ne peut être envisagée qu’à travers l’activation des articles 7, 8 et 102».

    Evacue-t-il par là, une solution à la Al Sissi pour l’Algérie ?

    Les quelques jours à venir, nous éclairerons certainement.

    C.Mechakra

    Le Provincial, 30 mars 2019

    Tags : Algérie, article 120, Gaid Salah, Toufik, armée, ANP,

  • Livres interdits au Maroc

    Marrakech: C’est un Marrakech qui est loin d’être le symbole de la simplicité et de la quiétude, un Marrakech qui enfouit parmi ses arcanes les secrets du monde politique: des réseaux, des alliances, des pactes dont restent témoins muets les murs rougeâtres de la cité !

    C’est ce Marrakech dont parle le livre de Ali Amar et Jean-Pierre Tuquoi « Paris-Marrakech: Luxe, pouvoir et réseaux » (Calmann-Lévy). C’est « une enquête fouillée, menée sur place et côté français, les auteurs de ce Paris-Marrakech dévoilent les relations quasi incestueuses et extravagantes qui unissent la France et le Maroc. », selon la présentation faite au livre.

    La relation entre la capitale des lumières et la cité ocre date de bien longtemps. L’on parle de « Marrakech, le XXIe arrondissement de Paris? «Le Paris du Sahara», comme le disait Churchill qui adorait ses moments passés à peindre dans le balcon de sa suite à la Mamounia.

    Marrakech est le lieu de rencontre des grands « décideurs » dans le monde politique, économique, même artistique. « De Nicolas Sarkozy à Dominique Strauss-Kahn, de Bernard Henri-Lévy à Jean-René LIVRES CENSURES ET INTERDIT AU MAROC 1ere PARTIEFourtou, le président du conseil de surveillance de Vivendi, les hommes politiques, de droite comme de gauche, les intellectuels de tous bords, les patrons du CAC 40, sans parler des vedettes du show-biz, se retrouvent à Marrakech. »

    Les auteurs du livre dévoilent aussi le côté « luxe » de la cité, et ce « Marrakech qui, sur fond de misère, offre des plaisirs sexuels interdits en Europe. »

    L’ouvrage de Ali Amar et Jean-Pierre Tuquoi s’interroge, toutefois, sur le devenir de « l’engouement des Français pour Marrakech » après l’attentat meurtrier du café l’Argana et l’arrivée des islamistes au pouvoir au Maroc.
    Pour rappel, Ali Amar est l’un des fondateurs de l’ancien hebdomadaire marocain indépendant Le Journal. Il collabore aujourd’hui au site d’information Slate. Il a publié « Mohammed VI, le grand malentendu » (Calmann-lévy, 2009).

    Jean-Pierre Tuquoi, ancien journaliste au Monde, est l’auteur de plusieurs ouvrages sur les pays du Maghreb dont « Majesté, je dois beaucoup à votre père » (Albin Michel, 2006).

    Le dernier combat du captain Ni’mat

    Mettre en lumière le meilleur de la littérature marocaine francophone. La Mamounia, mythique palace de Marrakech, s’y emploie en décernant un prix, attribué cette année à Mohamed Leftah (1946-2008) pour son dernier roman, publié il y a quelques mois. L’histoire d’un officier de l’armée de l’air égyptienne, menant une vie bourgeoise paisible au Caire, entre sa femme et le club privé où il retrouve ses anciens collègues.

    Jusqu’au jour où le captain Ni’mat tombe sous le charme d’Islam, son jeune boy nubien. C’est l’Egypte de Moubarak qu’ausculte ici Leftah. Un monde de classes et de privilèges tenu par les militaires, hanté par les défaites contre Israël, gangrené par les islamistes. Mais derrière ce roman à l’écriture érotique raffinée se cache surtout une œuvre hautement subversive. Car l’homosexualité est considérée en Egypte – et dans le reste du monde arabe -, « comme une perversion extrême, grave, mettant en cause les fondements de la religion et de la société, une diffamation insultante pour la virilité des Egyptiens ». Le « Printemps » y changera-t-il quelque chose ? Dommage que Leftah, installé au Caire depuis 2000 avant d’être emporté par un cancer, ne soit plus là pour le dire.

    Le captain Ni’mat, réserviste de l’armée égyptienne vaincue par les Israéliens en 1967, se retrouve vieillissant et désoeuvré à passer ses journées dans un luxueux club privé du Caire avec d’anciens compagnons. Une nuit, le captain Ni’mat fait un rêve magnifique et glaçant : il voit la beauté à l’état pur sous la forme de son jeune domestique nubien. Eveillé par ces images fulgurantes, il se glisse jusqu’à la cabane où dort celui-ci. La vision de son corps nu trouble si profondément le captain Ni’mat que son existence monotone en est brusquement bouleversée. Il découvre, en cachette de son épouse, l’amour physique avec le jeune homme ; cette passion interdite dans un pays où sévit chaque jour davantage l’intégrisme religieux va le conduire au sommet du bonheur et à la déchéance.

    Mohammed VI, le grand malentendu

    En fait, dans Mohammed VI, le grand malentendu, Ali Amar ne révèle rien de fondamental sur la gouvernance, la politique et autres faits économiques et sociaux du Maroc, se limitant le plus souvent à des anecdotes qui, si elles ont savoureuses, n’apprennent au final, aux lecteurs, rien qu’ils ne sachent déjà et souvent secret de Polichinelle. Une fois refermé, le livre nous laisse malgré tout sur une certaine faim, du fait que le mystère Mohammed VI demeure entier.

    Un portrait du roi du Maroc, mais aussi celui de son père dont Mohamed VI n’a pas totalement renié l’héritage. Une partie du livre est en effet consacrée à Hassan II, décrit (ce qui a rarement été fait) dans son univers quotidien. Le livre analyse aussi les espoirs déçus par l’arrivée d’un nouveau roi, ainsi que l’avenir de la dynastie (sous-titre : Crépuscule d’une dynastie).
    La meilleure partie du livre, et la plus inattendue, est sans doute celle qui évoque l’ancien roi.

    « Jamais l’ordinaire des jours du feu roi n’avait été révélé avec un tel luxe de détails; jamais sa personnalité intime n’avait été placée sous un jour aussi cru. L’auteur nous fait entrer jusque dans les appartements secrets du monarque, peuplés de dizaines de femmes, concubines et servantes, et nous initie à un cérémonial qui  » emprunte à la cour du Grand Moghol autant qu’à celle de Louis XIV « . Où J.-P. Tuquoi a-t-il trouvé des informatrices aussi sûres ? Comment a-t-il su les convaincre de parler ? Les nombreux services de sécurité du royaume s’emploieront, les prochaines semaines, à obtenir les réponses, avec, on l’espère, le plus vif insuccès. Au détour de ces promenades époustouflantes dans les arcanes du palais (quel romancier oserait imaginer pareilles intrigues ?), une révélation dont les historiens feront leur miel : la preuve, document à l’appui, que le général Dlimi, successeur d’Oufkir dans la confiance royale et dans la rébellion, ne mourut pas d’un fâcheux accident de voiture, comme l’affirme la version officielle, mais fut bel et bien assassiné après avoir été interrogé en présence de Hassan II. » (extrait de la critique de Gilles Perrault, Le Monde, 1er novembre 2001).

    « Tuquoi évoque longuement les premiers pas du jeune roi Mohamed VI  » condamné à une jeunesse impossible sous la férule d’un père jupitérien, drapé dans l’étiquette figée du Palais et un mode de vie anachronique « .

    Dans un chapitre sur le  » Printemps de Rabat « , le journaliste raconte les premiers espoirs des Marocains en ce jeune roi qui pratique le jogging et le jet-ski,  » règle par chèque l’addition comme un client ordinaire  » au restaurant et limoge les  » barons  » en place sous le règne d’Hassan II. Mais, selon l’auteur, l’opinion  » petit à petit (…) comprend que Mohamed VI endosse volontiers les habits de son père  » et plusieurs  » entailles au contrat moral entre le roi et son peuple font douter de la réalité d’un changement « . » (extrait de la critique de l’AFP, 27 octobre 2001).

    La réaction des autorités marocaines a été plus mesuré que lors de la parution de Notre ami le roi de Gilles Perrault, en 1990, le livre de Jean-Pierre Tuquoi n’en a pas moins été interdit.

    « L’hebdomadaire indépendant marocain Le Journal, qui a récemment publié des extraits du livre, soulignait avec raison, dans son commentaire, que la réaction des autorités en dirait davantage sur l’évolution du Maroc que la prose de Jean-Pierre Tuquoi. Et les autorités ont d’ailleurs plutôt bien réagi : les journaux, marocains ou étrangers, qui ont choisi d’évoquer l’ouvrage ont jusqu’ici pu le faire sans être inquiétés. » (extrait de la critique de Dominique Lagarde, L’Express, novembre 2001).

    « Selon les informations recueillies par RSF, le numéro de l’hebdomadaire français Le Canard enchaîné, daté du 31 octobre 2001, est retenu chez le distributeur Sochepresse depuis le 31 au soir. Ce numéro contenait un article intitulé Sa Majetski M6 qui commentait le dernier ouvrage de Jean-Pierre Tuquoi sur le Maroc Le dernier roi (Grasset). Le journaliste écrivait notamment :  » Après deux ans et demi de règne, son fils n’a pas fait grand-chose sinon réprimer la presse, céder aux islamistes sur les droits des femmes, gérer son immense fortune et faire du sport… » »

    En novembre 2001, Ali Lmrabet était poursuivi pour « diffusion de fausses informations portant atteinte à l’ordre public ou susceptibles de lui porter atteinte ». Selon lui, les véritables raisons de ces poursuites sont, entre autres, la publication (dans le numéro du 27 octobre) des bonnes feuilles du dernier ouvrage de Jean-Pierre Tuquoi sur le Maroc, Le Dernier roi. L’hebdomadaire Demain Magazine a été saisi par la police après sa mise en vente. Ali Lmrabet, directeur de la publication, avait pourtant payé l’amende de 30 000 dirhams à laquelle il avait été condamné.

    À une année du cinquantième anniversaire de l’indépendance du Maroc, Les Trois Rois retrace l’histoire politique du royaume depuis la fin du Protectorat, histoire qui se confond avec celle des trois derniers représentants de la dynastie alaouite. C’est que, au centre du système marocain, comme le souligne l’anthropologue Abdallah Hammoudi, se trouve  » la figure bipolaire du monarque qui, selon les circonstances, peut aussi bien incarner la sainteté qu’être source de violence, et cela sans transition aucune ni contradiction apparente « .  » Père de l’indépendance « , Mohammed V vénéré par ses sujets, a laissé le souvenir d’un saint homme.

    La réalité, si l’on se fie à ceux qui l’ont bien connu ou aux archives diplomatiques, est beaucoup plus complexe. Hassan II, au contraire, a longtemps véhiculé une image déplorable.  » L’image que j’avais au départ de Hassan Il était tellement négative que j’ai confondu l’immoralité et l’inintelligence « , note jean Daniel dont l’opinion a beaucoup évolué en rencontrant régulièrement le monarque. Chez Hassan II, la réalité est donc également plus nuancée. Chez lui, le meilleur – la  » Marche verte « , les médiations au Proche-Orient, une certaine vision du monde – a côtoyé le pire : un déficit social considérable, la corruption, le bagne de Tazmamart et les multiples atteintes aux droits de l’homme. En fait, Hassan II a surtout conforté l’institution monarchique mais, malheureusement, le progrès social n’a pas accompagné la stabilité politique. Quant au chef actuel de la dynastie, Mohammed VI, il n’a pas encore été véritablement confronté aux épreuves de la vie. Appelé à ses débuts  » roi des pauvres « , il a depuis rectifié le tir en affirmant qu’il était le roi de tous les Marocains,  » y compris des riches « . Des entretiens avec quelques-uns des hommes qui ont le plus marqué la vie politique marocaine (les femmes n’y ont fait que tardivement leur entrée) ainsi qu’avec un certain nombre d’hommes politiques et de diplomates étrangers nourrissent abondamment ce travail qui a bénéficié par ailleurs des recherches et des multiples contributions de politologues, d’historiens ou de journalistes, marocains en majorité, mais aussi européens ou américains. Enfin, la consultation des archives du Quai d’Orsay, hélas limitée dans le temps puisque les dernières trente années ne sont pas encore ouvertes, a permis à l’auteur de mieux mesurer le poids de la France dans les années décisives qui ont suivi l’indépendance. Une synthèse irremplaçable sur un demi-siècle d’histoire du royaume chérifien, maillon fort de  » l’Occident arabe « .

    Les Trois Rois

    A une année du cinquantième anniversaire de l?indépendance du Maroc, Les Trois Rois retrace l?histoire politique du royaume depuis la fin du Protectorat, histoire qui se confond avec celle des trois derniers représentants de la dynastie alaouite. C?est que, au centre du système marocain, comme le souligne l?anthropologue Abdallah Hammoudi, se trouve « la figure bipolaire du monarque qui, selon les circonstances, peut aussi bien incarner la sainteté qu?être source de violence, et cela sans transition aucune ni contradiction apparente ».

    « Père de l’indépendance », Mohammed V, vénéré par ses sujets, a laissé le souvenir d?un saint homme. La réalité, si l?on se fie à ceux qui l?ont bien connu ou aux archives diplomatiques, est beaucoup plus complexe.

    Hassan II, au contraire, a longtemps véhiculé une image déplorable. « L?image que j?avais au départ de Hassan II était tellement négative que j?ai confondu l?immoralité et l?inintelligence », note Jean Daniel dont l?opinion a beaucoup évolué en rencontrant régulièrement le monarque. Chez Hassan II, la réalité est donc également plus nuancée. Chez lui, le meilleur – la « Marche verte », les médiations au Proche-Orient, une certaine vision du monde – a côtoyé le pire : un déficit social considérable, la corruption, le bagne de Tazmamart et les multiples atteintes aux droits de l?homme. En fait, Hassan II a surtout conforté l?institution monarchique mais, malheureusement, le progrès social n?a pas accompagné la stabilité politique.

    Quant au chef actuel de la dynastie, Mohammed VI, il n?a pas encore été véritablement confronté aux épreuves de la vie. Appelé à ses débuts « roi des pauvres », il a depuis rectifié le tir en affirmant qu?il était le roi de tous les Marocains, « y compris des riches ».

    Des entretiens avec quelques-uns des hommes qui ont le plus marqué la vie politique marocaine (les femmes n?y ont fait que tardivement leur entrée) ainsi qu?avec un certain nombre d?hommes politiques et de diplomates étrangers nourrissent abondamment ce travail qui a bénéficié par ailleurs des recherches et des multiples contributions de politologues, d?historiens ou de journalistes, marocains en majorité, mais aussi européens ou américains.

    Enfin, la consultation des archives du Quai d?Orsay, hélas limitée dans le temps puisque les dernières trente années ne sont pas encore ouvertes, a permis à l?auteur de mieux mesurer le poids de la France dans les années décisives qui ont suivi l?indépendance.

    Une synthèse irremplaçable sur un demi-siècle d?histoire du royaume chérifien, maillon fort de « l?Occident arabe ».

    Les officiers de Sa Majesté

    Pour la première fois depuis l’indépendance du royaume, voici cinquante ans, un officier marocain ose parler de l’armée marocaine. Avec une franchise brutale, à la mesure de ses désillusions Créées au printemps 1956 et placées immédiatement sous les ordres du Prince héritier Moulay Hassan, futur Hassan II, les Forces armées royales (FAR) comptent alors de nombreux officiers de valeur, monarchistes sans états d’âme. Mais, rapidement, un profond malaise s’installe dans cette armée de qualité dont une partie importante de la hiérarchie supporte de plus en plus mal les excès et dérives du jeune Hassan II. Ces fortes tensions sont à l’origine des deux tentatives de coup d’Etat en juillet 1971 et en août 1972. C’est à cette époque que le lieutenant Mahjoub Tobji, alors âgé de 26 ans, entend avec stupéfaction un monarque miraculeusement épargné « conseiller » à plusieurs centaines d’officiers de « faire de l’argent, pas de la politique ». Un nouveau type d’officier, affairiste et opportuniste, fait ainsi son apparition. Patriote exigeant, Mahjoub Tobji assiste, impuissant et révolté, à la lente dégradation d’une institution qui représentait toute sa vie. Sur le front du Golan ou au Sahara occidental, il tente d’oublier la triste réalité, mais est presque toujours rattrapé par les combines et les petites ou grandes lâchetés de sa hiérarchie. Aide de camp, à son corps défendant, du très puissant général Dlimi, il est arrêté quelques jours après l’assassinat de ce dernier en janiver 1983. Il découvre alors la face la plus sombre du régime : tortures, harcèlement, manipulations, corruption… Une rencontre étonnante avec Hassan II, à Paris où il a réussi à fuir, lui permet de regagner le Maroc en décembre 1985. Mais sa carrière militaire est terminée. Il ne recevra plus jamais d’affectation ou de promotion et restera commandant plus de vingt-cinq ans jusqu’à sa retraite, en 2002. Ces vingt dernières années ont laissé à Mahjoub Tobji beaucoup de temps pour réfléchir à son expérience passée. Les contacts qu’il a conservés avec différents camarades lui ont permis d’être tenu régulièrement informé de l’état de la troupe. Pour pouvoir écrire librement, il s’est installé en Europe. Il espère de tout coeur que le jeune roi Mohammed VI, fort de sa légitimité, pourra enfin donner un coup d’arrêt aux calamités qui frappent le pays et menacent ses institutions les plus représentatives, à commencer par son armée.

    Le Roi prédateur 

    Mohammed VI, roi du Maroc, est désormais le premier banquier, le premier assureur, le premier entrepreneur de bâtiments de son pays. Il y joue un rôle dominant dans l’agro-alimentaire, l’immobilier, la grande distribution, l’énergie et les télécom. La fortune personnelle du souverain a quintuplé depuis son accession au trône, et le magazine Forbes le classe désormais parmi les personnalités les plus riches du monde. Que s’est-il donc passé au Maroc depuis l’avènement du fils d’Hassan II ?

    Par le biais des holdings que contrôle la famille royale, avec l’aide du secrétaire particulier de Sa Majesté et la complaisance de la Cour, c’est à une véritable mise en coupe réglée de l’économie du royaume que l’on assiste depuis plus de dix ans. Et si l’absolutisme royal selon Hassan II visait à assurer la pérennité de la monarchie, la structure de gouvernement mise en place par son fils est tout entière tendue vers l’accaparement privé.

    Au terme d’une minutieuse enquête de terrain, d’un examen fouillé des dossiers sensibles, de nombreuses rencontres avec les principaux témoins de cette royale prédation, voici ce système, et les hommes qui en tirent les ficelles, pour la première fois mis au jour. Voici comment le souverain d’un des régimes désormais les plus menacés par la vague démocratique dans les pays arabes a transformé ses sujets en clients, l’Etat en machine à subventionner les intérêts de la famille royale, et notre pays en complice d’un désastre politique et moral auquel contribue, à son corps défendant, le contribuable français.

    Catherine Graciet et Eric Laurent sont journalistes. Elle est l’auteur (avec Nicolas Beau) de Quand le Maroc sera islamiste (2006) et de La Régente de Carthage (2009). Il a notamment publié La Guerre des Bush (2003) et La Face cachée du pétrole (2005).

    Tags: Maroc, Mohammed VI, Hassan II, livres interdits, censure, presse,

  • Algérie : L’exploit

    L’Algérie qui a écrit de belles pages de son Histoire qui ont émerveillé le monde, est en passe, actuellement, d’en réaliser une autre, de toute beauté. Nous vivons effectivement des instants Historiques. N’était-ce le sort politique d’un homme qui a beaucoup compté dans le parcours de la République qui se termine un peu en queue de poisson, on pourrait qualifier ces instants de magiques.

    Voilà donc un peuple qui, par la force de son engagement pacifique et sa détermination dans l’unité, la bonne humeur et un sens élevé du patriotisme, a réussi là où beaucoup d’autres ont dû sacrifier des centaines de vies humaines et traverser de grandes crises.

    Les Algériens sont en passe de réussir leur grande révolution pacifique, justement parce qu’ils ont déjà vécu des épisodes douloureux de leur histoire. Une douleur qu’il fallait vivre pour arracher l’indépendance, puis pour accéder à la démocratie, ensuite pour se réapproprier leur dimension identitaire millénaire.

    La somme de toutes les expériences qui, chacune en son temps, avait suscité l’admiration de la planète entière, a mis les Algériens sur la voie de la maturité politique. Ce peuple qui retient les leçons de l’Histoire et avance résolument en prenant en compte ses expériences passées, a unanimement pris la forte résolution de renforcer sa démocratie, en optant pour une République plus juste et qui s’inspire véritablement du droit. Il a réussi à passer un cap essentiel de la vie de la nation, sans effusion de sang, ni de débats stériles et encore moins de disputes byzantines.

    Le peuple Algérien uni dans sa lutte pacifique, a réussi l’extraordinaire exploit de sortir par millions 5 vendredis de suite pour dire sa volonté de changement.

    Il faut dire que cet exploit magnifique que les peuples de la planète le reçoivent comme une autre leçon de courage et d’abnégation pour la nation, a été réalisé grâce à un Etat qui, lui aussi, a appris de ses erreurs. Les institutions de la République, notamment, celles chargées de l’ordre public et de la sécurité, ont appliqué à la lettre près, l’article 7 de la Constitution, à savoir que la souveraineté revient au peuple et qu’il est en définitif le seul à l’exercer.

    Les policiers et les militaires ont parfaitement compris le sens de l’expression «Djeich, Chaab, Khawa Khawa». Ils se sont mis au service de leur peuple et de leur nation. Le résultat est cette très belle démonstration de révolution totalement et parfaitement pacifique.

    Il est cependant clair que la marche vers la démocratie n’est pas finie. Il reste encore du chemin à faire, peut être même que le plus dur reste à réaliser. Les uns et les autres ne sont pas encore d’accord sur les détails. Mais le peuple souverain, saura les guider. En grand timonier de son propre navire.

    Par Nabil.G

    Ouest Tribune, 27 mars 2019

    Tags : Algérie, présidentielles 2019, Bouteflika, transition, article 102,

  • Algérie : Mobilisation intacte

    DES MILLIONS D’ALGÉRIENS À NOUVEAU DANS LES RUES :
    Mobilisation intacte

    Au sixième vendredi de manifestations nationales populaires contre Abdelaziz Bouteflika, son régime et l’ensemble du système, la mobilisation reste extraordinairement forte et la détermination des Algériens toujours aussi intacte quant à rejeter toutes les propositions émanant du pouvoir. Après le cinquième mandat, le prolongement du quatrième contenu dans « le plan de travail » proposé par Bouteflika le 11 mars dernier, c’était au tour de la proposition de Gaïd Salah de subir l’épreuve de ce qui est devenu un référendum national hebdomadaire.

    Kamel Amarni – Alger (Le Soir) 

    Et d’ores et déjà, l’on notera que l’appel du chef de l’état-major de mardi dernier n’a en rien influé sur « le taux de participation » aux marches du vendredi. Ce 29 mars aussi, ils étaient des millions à battre le pavé, pour réclamer le changement et, en l’occurrence, à juger que, globalement, l’application de l’article 102 de la Constitution n’est plus dans l’agenda de la rue !

    Trop peu, trop tard, estime, en quelque sorte, la population qui conteste son application par le personnel politique du pouvoir. Plus précisément, l’actuel président du Conseil de la Nation, Abdelkader Bensalah, et le gouvernement de Nouredine Bedoui. L’un comme président intérimaire et l’autre comme exécutif en charge des affaires publiques jusqu’à l’élection d’un futur président de la République, comme le stipule effectivement l’article 102, s’il est appliqué en l’état actuel des choses.

    A l’arrivée, le pays s’englue encore davantage dans une crise politique sans précédent et qui est d’autant plus inextricable, que les manifestations que vit l’Algérie en ce printemps 2019 sont nationales, générales, incluant toutes les catégories de la société et toutes les générations et ne sont chapeautées par aucune tutelle partisane ou politique.

    C’est un face-à-face direct entre le pouvoir et le peuple et donc, sans aucune possibilité de concevoir un dialogue « à l’ancienne ». Une situation d’impasse inédite et qui explique l’intervention de l’institution militaire dans le débat, à travers la proposition de Gaïd Salah. Mardi, à partir du sud-est du pays, l’homme fort de l’ANP avait affirmé qu’« afin de prévenir notre pays de toute situation incertaine, il est du devoir de tout un chacun d’œuvrer avec patriotisme et abnégation, et de privilégier les intérêts suprêmes du pays, afin de trouver, dans l’immédiat, une solution de sortie de crise.

    Une solution qui s’inscrit exclusivement dans le cadre constitutionnel, qui constitue l’unique garantie pour la préservation d’une situation politique stable ». Pour le pouvoir donc, le cadre doit être « exclusivement constitutionnel », à travers l’article 102, excluant de fait, toute autre option, autrement dit, une période de transition.

    Devant le rejet exprimé hier vendredi, le pouvoir est encore appelé à davantage de concessions pour faire accepter sa feuille de route. A en croire des sources crédibles, il a été convenu entre Bouteflika et l’armée d’un agenda qui prévoit la nomination d’un nouveau gouvernement et d’un remplaçant pour l’actuel président du Sénat, Abdelkader Bensalah , voire même, aussi, pour Tayeb Belaïz, préalablement à une démission de Bouteflika ; démission qui enclencherait la procédure de la mise en application de l’article 102 de la Constitution par le Conseil constitutionnel.

    Epargnée par la colère populaire, l’institution militaire aura, dans tous les cas, un rôle central à jouer dans les jours et les semaines à venir. Un rôle qui sera déterminé par l’évolution de la situation politique générale sur le terrain.

    Gaïd Salah avait d’ailleurs prévenu, mardi dernier, à partir de Djanet, qu’«en dépit du caractère pacifique et du civisme qui caractérisent ces marches jusqu’à présent, qui démontrent la grandeur du peuple algérien, sa conscience et sa maturité, et qui a tenu à préserver l’image de marque dont jouit l’Algérie parmi les nations, il est de notre devoir de souligner que ces marches pourraient être exploitées par des parties hostiles et malintentionnées, aussi bien de l’intérieur que de l’extérieur, qui usent de manœuvres douteuses visant d’attenter à la stabilité du pays. Des desseins abjects que ce peuple conscient et éveillé saura mettre en échec ».

    Il est également à prévoir d’autres sorties médiatiques du général de corps d’armée Ahmed Gaïd Salah dans les jours à venir.

    K. A.

    Le Soir d’Algérie, 30 mars 2019

    Tags : Algérie, présidentielles 2019, Bouteflika, transition, article 102,

  • Algérie : Quels scénarios pour une sortie de crise ?

    Manifestations pour un changement de régime: Quels scénarios pour une sortie de crise ?

    par Ghania Oukazi

    Le chef d’état-major, le général de corps d’armée, vice-ministre de la Défense nationale est depuis mardi dernier dans l’œil du cyclone. «Il doit partir !» ont scandé vendredi dernier marcheurs et nombreux autres milieux.

    Une telle revendication est une suite évidente de toutes celles exprimées depuis 6 vendredis consécutifs. Elle devait être au centre dans tout ce que le mouvement populaire met en avant depuis son soulèvement contre le pouvoir en place. Elle devait apparaître en même temps que celles revendiquant le «départ immédiat de Bouteflika», «système dégage !» et «irouhou gaâ !». Il fallait juste attendre que le chef d’état-majeur s’implique officiellement et publiquement dans la gestion de la crise politique du pays pour être pris au piège.

    Les appels incessants à une intervention de l’armée pour faire partir le pouvoir en place étaient certainement pour le pousser à le faire en vue de le pointer directement du doigt au même titre que le président de la République. Prévoir de le faire tomber des hauts des Tagarins n’est pas une chose nouvelle. Il est clair qu’elle était inscrite sur la feuille de route des hommes de l’ombre au même titre que la gronde de la rue. Mais sa mise en évidence attendait le moindre faux pas que Gaïd Salah allait faire. Sa «proposition» du recours à l’article 102 en a été un. L’appel à sa chute est devenu public depuis quelques jours. Le slogan est tout trouvé. «Bouteflika rayah, rayah, edi maâk Gaïd Salah !» scandait vendredi dernier des marcheurs et des voix bien éclairées.

    Reste à savoir comment Gaïd sera-t-il «cueilli». Une petite polémique a tout de suite levé le doute sur le procédé. Dès qu’elle a été exprimée par des politiques, la demande de son limogeage a été jugée «étonnante» par des observateurs avertis. «Mais qui doit limoger le chef d’état-major, le président que la rue veut limoger ?» ont-ils interrogé jeudi dernier. La parade est trouvée. «Ce sont les militaires qui doivent eux-mêmes le faire partir, d’ailleurs ils ne l’aiment pas», soutiennent des voix proches des anciens responsables des services secrets. Le verdict devrait être sans appel au regard de sa préparation bien réfléchie par ceux qui connaissent depuis longtemps les rouages du système.

    (Re)déploiement des wilayas historiques

    Il est demandé «aux troupes» de se révolter contre leur chef. A l’intervention militaire dans le champ politique décidée par Gaïd et qui a l’air d’un coup d’Etat à blanc contre le président de la République, il est apposé l’exigence d’un putsch à l’intérieur même de l’institution militaire pour le faire partir. C’est l’implosion des rangs qui est recherchée alors que jusque-là ils sont en principe unis face aux dangers des frontières. Des voix le réclament publiquement depuis jeudi dernier. «Bouteflika et Gaïd doivent partir, ce sont les deux piliers du système», plaident-elles.

    Les pièces du puzzle recherché sont ainsi placées au fur et à mesure que la rue marche. Le scénario de faire chuter le pouvoir en place n’est cependant pas totalement dévoilé. Reste la réponse définitive qui doit être donnée à la question «à qui remettre les clefs du pays s’ils doivent tous partir (irouhou gaâ) ?»

    Aux quelques noms de personnalités qui ont été avancés dès les premières marches pour prendre les commandes du pays, il est susurré depuis peu mais non encore au grand jour, celui de Abdelghani Hamel, l’ex-directeur général de la sûreté nationale limogé en mai dernier par Bouteflika dès l’éclatement de l’affaire El Bouchi ou les 701 kg de cocaïne.

    Depuis ses déclarations fracassantes sur la gestion de cette affaire et surtout sa phrase «celui qui veut lutter contre la corruption doit être propre», Hamel s’est imposé le silence. Aujourd’hui, des officines des services avancent que son nom figure parmi ceux qui doivent revenir «pour assainir les lieux». D’autant que, selon eux, «il fait partie de ceux qui ont des revanches à prendre sur le pouvoir en place». Mais il n’est pas question de le placer avant Zeroual ou autres personnalités qui sont proches à l’ancien président de la République de par son positionnement passé et présent. Il est fait état d’alliances «étroites» entre wilayas historiques qui ne pouvaient se faire il y a à peine quelques années ou même durant la guerre de libération nationale pour des raisons évidentes de leadership.

    Recompositions des pouvoirs anciens

    Un casting minutieux est entrepris en parallèle des joyeux «Silmia !Silmia !(pacifique)» qui sont clamés par la rue depuis le 22 février dernier. Il est fait en sorte que tout soit bien synchronisé pour que la chute programmée des gouvernants intervienne au moment jugé opportun par ses concepteurs. Des restructurations sont menées sur la base de recompositions de pouvoirs anciens.

    De nouveaux visages devraient apparaître pour faire croire au changement sans qu’il ne se produise véritablement. Il est certain que ce ne sont pas des incultes des manœuvres tactiques qui planifient l’exécution d’un tel scénario. L’enchaînement des revendications, leur cohérence et leur profondeur sont trop bien faits pour être une simple œuvre d’une rue dont la majorité sort pour se retrouver dans une ambiance festive. C’est cet air de «liberté» qui en dessine chaque vendredi les différentes phases. Scénario qui ne peut avoir été monté sur un coup de tête d’un ras-le-bol populaire.

    L’on se demande comment le clan présidentiel et le chef d’état-major n’ont-ils rien vu venir de la programmation de leur chute alors qu’il est affirmé par des sources du renseignement qui leur sont proches qu’ils avaient reçu il y a plus d’une année des rapports détaillés prévoyant de fortes protestations populaires.

    Services de renseignement, police militaire, gendarmerie nationale ont, selon ces sources, tous tiré la sonnette d’alarme mais le clan Bouteflika a fait la sourde oreille. Il importe peu de savoir aujourd’hui si une telle attitude résulte de la prétention ou de l’ignorance, la chute est bien organisée. Elle concerne en premier un homme que la maladie ronge depuis plusieurs années. Ainsi affaibli physiquement, son départ ne devrait se faire en principe ni par la force des bras ni par celle de la violence.

    L’Algérie aura tout à gagner à observer la sérénité loin des haines dévastatrices comme celles qui ont marqué les années 90 où près de 200.000 de ses enfants avaient péri. «Mais il faut bien que des têtes tombent et que les marches s’arrêtent», nous disent des anciens responsables. Tout dépendra de l’entêtement des antagonistes en faction, les uns pour garder le pouvoir et les autres -tapis dans l’ombre- pour le récupérer quelques années après en avoir été éjectés.

    Le Quotidien d’Oran, 31 mars 2019

    Tags : Algérie, présidentielles 2019, Bouteflika, transition, article 102,

  • Les relations franco-algériennes : La solidarité dans la nécessité et l’hypocrisie

    MAGHREB. L’Algérie est, pour la France, une douleur et une nécessité. Partenaire économique qui finit par privilégier nos concurrents ou terre d’islam avec qui il faut lutter de concert contre le terrorisme, l’allié algérien est un facteur d’instabilité nationale.

    L’élection présidentielle algérienne a finalement été ajournée ce 11 mars par le président Bouteflika, qui a annoncé, dans la foulée, la préparation d’une nouvelle constitution. Ceci nous importe dans la mesure où la France et l’Algérie sont liées par des relations complexes qui les enchaînent mutuellement.

    Des relations d’interdépendance

    Au plan économique, cette dépendance mutuelle est criante : la France est le premier fournisseur de l’Algérie en matériels divers et son cinquième partenaire commercial. Notons, à ce sujet, la régression de la France, au départ à la première place, puis dépassée par les États-Unis, l’Italie l’Espagne, et la Chine, nouvelle venue, dont les importations de produits algériens représentent, depuis 2014, 8 197 milliards d’euros, contre 6 342 milliards pour notre pays. Les États-Unis, eux, ont un volume d’échanges commerciaux avec l’Algérie qui s’élève à 19 milliards de dollars. Il importe d’ailleurs de remarquer que le maintien de la France à cette cinquième place découle en bonne partie de son appartenance à l’Union européenne, laquelle absorbe 50% des exportations algériennes.

    Depuis longtemps, la France cherche à sauver sa prééminence en Algérie et en Afrique du nord. Rappelons ici son rôle déterminant dans le lancement du Processus de Barcelone (27-28 novembre 1995), à l’initiative de Jacques Chirac, puis dans la constitution de l’Union pour la Méditerranée, fondée à Paris le 13 juillet 2008 à l’initiative de Nicolas Sarkozy, et regroupant 43 pays du pourtour méditerranéen, dont les trois États maghrébins et les 27 membres de l’UE, et dont le but officiel consistait à construire « un espace de paix, de sécurité et de prospérité partagée », étayé sur le libre-échange, le développement des ressources humaines et des échanges culturels, et le respect des Droits de l’Homme. Saluée comme un grand succès de la diplomatie française, l’Union pour la Méditerranée a accouché de projets ambitieux, mais de peu de réalisations pratiques.

    Le renforcement des relations franco-algériennes viendrait plutôt de la lutte commune contre le djihad. Ministres, hauts fonctionnaires et généraux français et algériens se consultent, depuis 2017, pour coordonner leurs opérations, échanger leurs analyses et leurs expertises. Les ministres des Affaires étrangères et de l’Économie des deux États se rencontrent régulièrement. Chacune des deux nations ne peut se passer de l’autre : toutes deux sont condamnées à s’entendre et à s’épauler.

    Des relations tumultueuses

    Or, depuis cinquante-sept ans, cette association nécessaire est émaillée de tensions, de ruptures, de refroidissements et de raideurs. L’ancien président algérien Houari Boumedienne disait justement : « Les relations entre la France et l’Algérie peuvent être bonnes ou mauvaises, mais elles ne peuvent pas être banales ». Et, de fait, non seulement elles n’ont jamais été ni banales, ni normales, mais toujours fortement empreintes de rancœur, de haine latente, de méfiance, d’oppositions.

    Les accords d’Évian du 18 mars 1962 devaient tenir lieu de base à l’ensemble des relations entre la France et l’Algérie indépendante. On sait ce qu’il advint. La guerre d’Algérie se termina dans des bains de sang et les accords ne furent acceptés ni par l’aile radicale du FLN, qui les considérait comme « une plate-forme colonialiste », ni par une bonne partie de la classe politique française, encline à les interpréter comme une défaite humiliante et une amputation du territoire national. Les désaccords entre les deux pays éclatèrent dans le domaine militaire (les Algériens s’accommodant mal de la libre disposition par les Français, pendant cinq ans, des installations de In Ecker, Reggane, Colomb-Béchar et Hammaguir) et au plan économique, au niveau de l’exploitation des ressources pétrolières du Sahara. La crise culmina avec la décision du président Boumédiène de nationaliser les ressources pétrolières et d’en confier l’exploitation à une société nationale, la Sonatrach (24 février 1971). Elle connut un moment d’arrêt avec la visite de Giscard d’Estaing à Alger (10 avril 1975). Le président français déclara alors : « Aujourd’hui, nos deux peuples travaillent ensemble », ce qui semblait relever d’une bonne volonté coopérative fondée sur l’oubli du passé. Mais rien ne fut sérieusement tenté pour lancer cette coopération, et la collaboration entre les deux pays continua à relever de la contrainte mutuelle, et resta défiante. D’autant plus qu’à partir de 1976, le soutien diplomatique apporté par la France au Maroc, lors de la crise du Sahara occidental, empoisonna les relations politiques entre Paris et Alger.

    Notre prudence sans panache et sans génie s’efforce de préserver un avenir bien incertain.

    Les deux États semblèrent pourtant opérer un sérieux rapprochement au début de la décennie 1980. Ils étaient dirigés par deux nouveaux présidents, Chadli en Algérie, Mitterrand en France, décidés à aller dans la voie d’une collaboration étroite et confiante. Dès la fin de 1979, Chadli avait affirmé, à la télévision française, que les deux pays pouvaient oublier le passé et entretenir les meilleurs rapports, à l’exemple des relations franco-allemandes ; de son côté, Mitterrand, galvanisé par son très pro-arabe ministre des Relations extérieures, Claude Cheysson, rêvait d’instaurer entre la France et les pays du Tiers Monde des rapports exemplaires. Ce qui l’amena à conclure, à la suite de son séjour à Alger (30 novembre-1er décembre 1981), une série d’accords commerciaux, dont l’achat par la France du gaz algérien à un prix supérieur de 25% au cours mondial ! Initiative typique des bouffées délirantes de Mitterrand, qui présenta l’inconvénient d’alourdir notre facture énergétique sans que l’Algérie ne nous renvoyât l’ascenseur par des préférences ou des facilités accordées à nos entreprises ou des avantages douaniers sur nos produits. Le « coup de passion » entre Paris et Alger, suivant l’expression de Cheysson resta sans lendemain. Et les relations franco-algériennes poursuivirent leur fatal chemin, cahin-caha. Maintenues par la seule nécessité et le poids de l’histoire, insuffisantes pour générer un réel avantage politique ou économique, elles suffirent, en tout cas, à entraîner des conséquences néfastes pour notre pays. Celui-ci, en raison de ses liens avec le pouvoir FLN d’Alger, devint, à partir des années 1990, la cible du terrorisme islamiste, en lutte contre ce dernier… avec lequel les relations tendaient à se dégrader. En effet, des décennies durant, la France avait fermé les yeux sur le caractère autoritaire, clanique et corrompu de l’État et du système politique algériens. D’autant plus que le régime avait été institué par les « patriotes » algériens vainqueurs du colonialisme français au nom du droit des peuples, ce qui rassérénait la bonne conscience qui imprègne toute notre classe politique et nos gouvernements successifs.

    Mais l’irruption, sous la forme du terrorisme, de la guerre civile entre l’État FLN et ses adversaires djihadistes obligea nos dirigeants, volens nolens, à prendre position dans ce conflit. Ainsi, la France se permit-elle de critiquer les entorses faites à la démocratie en Algérie et le caractère irrégulier de l’élection d’Abdelaziz Bouteflika en 1999. Le président algérien fut reçu cordialement par son homologue français, Jacques Chirac en juin 2000, lequel lui rendit la pareille à Alger en mars 2003, mais les relations entre la France et l’Algérie se tendirent de nouveau, lorsque en février 2005 le Parlement français vota une loi rappelant les aspects positifs de la colonisation. La visite de Sarkozy à Bouteflika, en décembre 2007, permit la conclusion de contrats pétroliers et gaziers de cinq milliards de dollars. Mais cette rencontre au sommet frôla l’échec cuisant, le président algérien persistant à manifester sa rancune anticolonialiste envers la France.

    Une nouvelle crise éclata avec l’arrestation, en août 2008, du diplomate Mohamed Ziane Hasseni, accusé d’avoir commandité le meurtre d’un opposant algérien, et ne fut que très difficilement surmontée, notamment par la visite à Alger de l’ancien Premier ministre français Raffarin, en avril 2015. Dans l’intervalle, Sarkozy ignora Bouteflika lors de la réunion du G20 à Nice, en novembre 2011, et le président algérien attendit ostensiblement l’élection de François Hollande, le 6 mai 2012, pour accréditer le nouvel ambassadeur français à Alger, nommé par son prédécesseur.

    Un avenir incertain qui condamne l’hypocrisie de la diplomatie française
    Décidément, le passé ne veut pas passer, et il se complique, aujourd’hui, des répercussions sur les relations franco-algériennes de la montée des oppositions au pouvoir FLN. Pénible dilemme pour la France : elle aurait intérêt à se démarquer d’un État FLN toujours plus contesté, qui ne se maintient que par la force militaire et qui ne peut plus, comme il l’a longtemps fait, acheter la paix sociale en distribuant (aux entreprises, en particulier aux jeunes entrepreneurs) des subventions prélevées sur la manne des revenus du pétrole et du gaz, en raison de la baisse des cours mondiaux de ces sources d’énergie ; mais elle ne peut miser sur une opposition très émiettée, encore loin du pouvoir, et qui risque de se montrer exigeante lorsqu’elle y accédera ; et tout cela avec le danger de voir croître en influence le radicalisme musulman. Actuellement, elle se tient à une attitude expectative. Benjamin Griveaux a affirmé que le gouvernement, dont il est le porte-parole, souhaite que l’élection « réponde aux aspirations du peuple algérien ». Précisant ce pont de vue tout en évitant d’engager son gouvernement dans le débat politique algérien, il a déclaré : « C’est au peuple algérien et à lui seul qu’il revient de choisir ses dirigeants, de décider de son avenir, et cela dans la paix et la sécurité […] Nous formons le vœu que cette élection donne à l’Algérie l’impulsion nécessaire pour faire face aux défis qui sont les siens et pour répondre aux aspirations profondes de sa population ». Compréhensible, cette prudence ménage la chèvre et le chou, et s’efforce, sans panache et sans génie, de préserver un avenir bien incertain. Une incertitude encore accrue par la décision de Bouteflika de renoncer à briguer un cinquième mandat tout en demeurant à la tête de l’État jusqu’à la réforme de la constitution préparée par une « convention nationale », dont on ignore tout de la composition. Nos dirigeants actuels sont manifestement dépassés par la situation politique de l’Algérie d’aujourd’hui. On peut néanmoins se demander s’ils le seraient autant si leurs prédécesseurs, depuis 1962, avaient donné aux maîtres d’Alger l’exemple d’une politique nationale lucide, ferme et réellement constructive, au lieu d’une attitude hypocrite et bassement calculatrice mal dissimulée par une rhétorique et des postures tiers-mondistes dont aucun des deux pays n’a tiré un bénéfice réel et durable.

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    Tags : Algérie, France, Bouteflika, Présidentielles 2019, article 102,