Catégorie : Maroc

  • Maroc : « Le Makhzen est un animal » (Prince Hicham)

    Dans une émission de la télévision française, le Prince Hicham Alaoui, a qualifié le Makhzen marocain d’animal. « Je savais que le Makhzen est un animal, qu’il va se venger et qu’il va me demander de sortir du palais. C’est ce qui est arrivé ! », a-t-il déclaré.

    L’activiste marocain connu sous le nom de « Prince Rouge » a précisé que le titre de « Roi des Pauvres » est une invention des bureaux français de communication. « Ils ont cherché dans la littérature française et ils ont trouvé cette appellation qui était attribuée à certains rois français et qui était aussi d’un autre titre. Celui de « roi paresseux ».

    « L’introduction de ce titre dans la littérature politique du Maroc est un scandale et un acte irresponsable », a-t-il martelé.

    Tags : Maroc, Makhzen, Moulay Hicham Hicham Alaoui, Prince Rouge,

  • Maroc : Mokadem, l’oeil et l’oreille du Makhzen

    Quand le dissident marocain Ahmed Benseddik a eu son accident cérébral, la première personne, à part ses amis, à se pointer devant son domicile a été le mokadem de quartier.

    Les amis de Benseddik sont formels. Ils n’ont pas prévenu le mokadem, et s’il avait été question de prévenir les autorités, ils seraient montés plus haut dans la hiérarchie.

    Mais alors comment le mokadem a été prévenu aussi vite ?

    Tous les Marocains, du nord au sud, et de l’ouest à l’est, savent que le mokadem, un fonctionnaire subalterne du ministère de l’intérieur, est tenu informé par tout ce qui se passe dans son quartier. Pour cela, il compte sur un réseau d’informateurs incroyablement bien fourni. Ces informateurs sont en fait ces voisins, aimables et courtois qu’on croise à la porte de l’immeuble, ce gardien de voitures toujours prêt à garer votre véhicule, ce cireur insistant ou ce coiffeur bavard, quand il ne s’agit pas de ce garçon de café si serviable.

    C’est que le Maroc est l’un des rares pays au monde, à l’instar des dernières dictatures communistes, où existe encore un chef de quartier. Ailleurs, ils ont d’autres noms, chez nous on l’appelle le mokadem.

    Leur mission, comme celle de leurs homologues des pays totalitaires, est de contrôler les habitants de leur circonscription et d’informer sur le champ et souvent verbalement leur patron, le caïd, de tout ce qui se trame dans le quartier. Naissances, décès, habitudes notables de tel, « déviation », sexuelle ou politique, de tel autre, fréquentations de M. X, et manigances de Mme Y. Même la situation financière de ses administrés est connue par le mokadem.

    Celui-ci commence son travail matinal par faire le tour dans son quartier. Après, il s’installe dans son bureau pour le travail proprement administratif. Ce qui ne l’empêche pas de refaire un petit tour dans son quartier. On ne sait jamais.

    Les dissidents sont particulièrement surveillés par le mokadem. Et là, ce pauvre fonctionnaire travaille pour plusieurs patrons. Premièrement, pour son chef direct, le caïd. Mais il informe aussi les Renseignements généraux (RG) et la DST de tout mouvement considéré comme suspect. Un résident de sa circonscription qui se laisse pousser la barbe devient un suspect en puissance, un habitant qui reçoit un étranger devrait passer à la mokataâ pour s’expliquer.

    Un exemple que Demain peut prouver avec des vidéos et des enregistrements, quasiment tous les voisins du journaliste Ali Lmrabet dans la vieille médina de Tétouan ont le portable de deux mokadems (deux et pas un seul puisque le journaliste habite à la limite de deux quartiers) à appeler d’urgence à la moindre alerte.

    Ces mokadems se plaignent souvent. Pour ce cas précis, ils doivent travailler même pendant leur week-end.

    Certains des voisins du journaliste ont même reçu un appareil pour photographier et filmer discrètement les faits et gestes du journaliste… qui les a à son tour filmés et recueillis leurs précieux témoignages.

    A tout ce beau monde, en échange de leur collaboration, le caïd, les RG et la DST promettent souvent de régler leurs petits litiges avec l’administration, la police ou la justice. Rares sont ceux qui obtiennent réellement satisfaction.

    Mais, il ne faut pas qu’ils perdent espoir.

    Demain

    Source : AlgérieDZ.com, 4 nov 2011

    Tags : Maroc, Makhzen, Moqadem, caïd, cheikh, chef de quartier,

  • L’Emir de Dubaï accablé par le témoignage d’un membre de la famille

    Selon des informations publiées par Hellomagazine.com, la Cour a publié une déclaration au nom de l’Emir et de son épouse. Le procès attendu concerne « le bien-être de deux enfants issus du mariage et non pas le divorce ou les finances ».

    « Je ne me soucie pas de savoir si tu vis vivs ou tu meurs » fait partie des messages sous forme de poèmes envoyés par Mohammed bin Rashid al-Maktoum (69 ans) – Emir de Dubaï ainsi que Premier ministre et ministre de la Défense – à son épouse en fuite. Haya bint-al Hussein, la plus jeune de ses six femmes, âgée de 45 ans, a déménagé à pour Londres avec ses deux enfants et 35 millions d’euros. Le cheikh, qui est également le vice-président des Émirats arabes unis, change probablement de tactique.

    Sur une photo publiée sur Instagram, on voit voir un père à l’air sympathique qui joue avec ses enfants: Pendant que le cheikh est étendu sur le sol, trois de ses 30 enfants joue dans une ambiance qui semble joyeuse. Il regarde la caméra comme pour dire: « Vous voyez, je suis un être humain ». La publication sur les réseaux sociaux est peut-être liée à la bataille qui va être livrée pour la garde des deux enfants et la récupération de l’argent que la princesse a mis sur con compte.

    Pour la garde des enfants, l’Emir évoquera l’infidélité supposée de la princesse Haya accusée par son mari d’avoir eu une liaison avec un ancien officier de la marine qui exerçait comme garde du corps. Mais les accusations contre lui pourraient aussi peser lourd. A titre d’exemple, ses deux filles qui ont tenté d’échapper de ses griffes : sa fille Shamsa de 38 ans qui avait tenté de fuir en 2001 et a depuis lors, disparu de la scène publique. Sa fille Latifa (33 ans) aussi a échoué en essayant de quitter l’emprise de son père. Cette dernière a, peu de temps avant sa disparition, posté une vidéo dans laquelle elle accusait son père d’avoir été cruel avec sa famille.

    La Cour pourra compter avec le témoignage de Marcus Essabri, le neveu de Rashid al-Maktoum, de 48 ans, qui vient de briser le silence en tant que premier membre de la famille à comparaître dans le procès. Selon le site « dailymail.co.uk », il a déclaré dans une émission télévisée australienne que la seule personne qui connaisse la vérité sur ce qui est arrivé à ses cousines ​​Latifa et Shamsa, est la princesse Haya. « J’espère qu’elle profitera du procès pour parler au monde de comment elles ont été traitées. Elle a la l’occasion de faire quelque chose de bien pour ces pauvres femmes ». Selon a même source, il affirme que Cheikha Latifa la jeune femme a été droguée, détenue et torturée.

    Tags : princesse Haya de Jordanie, Emir de Dubaï, Cheikha Latifa, Cheikha Shamsa,

  • Le colonialisme marocain tue au Sahara occidental

    Une jeune fille mortellement blesée à El Ayoun

    Quelle que soit la raison des manifestations des Sahraouis, occuper la rue, crier sa joie et brandir des drapeaux… même algériens, la réplique est la même : la répression avec un usage démesuré de la force.

    Sabah Othman Hmeida avait 23 ans, elle était étudiante à la l’université d’Agadir où elle préparait un diplôme d’anglais. Elle fêtait le 19 juillet au soir la victoire de l’équipe d’Algérie consacrée championne d’Afrique de foot-ball avec les milliers de Sahraouis descendus dans les rues d’El Ayoun comme dans les autres villes du Sahara occidental et du Sud du Maroc. Les escadrons étaient prêts autour des cafés où les gens étaient venus assister à cette finale. Quand la joie a éclaté la charge s’est mise en branle sur les porteurs de drapeaux algériens et sahraouis qui criaient « Vive l’Algérie ». Un véhicule des forces auxiliaires qui roulait à vive allure a écrasé la jeune fille qui a attendu longtemps avant qu’un véhicule de secours l’emmène à l’hôpital où elle est décédée. Des dizaines de blessés ont renoncé à aller se faire soigner à l’hôpital où ils risquent l’arrestation.

    Les vidéos qui nous sont parvenues démontrent une sauvagerie des divers corps de police, gendarmerie, armée utilisant les canons à eau. Les enfants sont également tabassés et arrêtés ; la répression ne s’est pas arrêtée au lever du jour ; ce sont alors les habitations sahraouies qui ont été forcées et le matériel détruit.

    Dans une lettre au Secrétaire général de l’ONU le Président de la République sahraouie a demandé une enquête indépendante sur les circonstances de cet assassinat. Il réclame, dans l’attente du référendum d’autodétermination, que la MINURSO soit dotée d’un mécanisme efficace pour la protection des droits de l’homme.

    AFASPA, 25 jui 2019

    Tags : Maroc, Sahara Occidental, Front Polisario, répression, territoires occupés, Sabah Athman Hmeida,

  • Maroc : « Interdit de conférences académiques, censuré, diffamé, je vis sous la pression permanente de la police politique »

    Communiqué de Maâti Monjib, historien, politologue marocain, journaliste et défenseur des droits de l’Homme. En, mai dernier, Mediapart soutenait l’universitaire « interdit de quitter le territoire et soumis à des pressions du Ministère de l’Enseignement marocain et à des «épreuves kafkaïennes» pour avoir participé à une soutenance à l’Ecole normale supérieure, à Paris.»

    Un cas parmi des dizaines d’autres subit par Maâti Monjib qui dénonce par ce communiqué un bilan d’un an entre harcèlement, censure et diffamation.

    « Il y a ainsi une sorte de complicité obligée des censeurs et censurés. Et c’est dommage car cela empêche l’éclatement de la vérité : la presse est, dans sa grande majorité, sous contrôle. Ceux qui n’acceptent pas la censure, soit disparaissent, soit s’autocensurent. »

    Communiqué de Maâti Monjib

    En l’espace d’une semaine, j’ai été interdit de conférence deux fois.

    La première conférence organisée par une grande école d’ingénieurs de Casablanca qui est une université privée. Cette conférence devait porter sur l’Etat marocain à travers l’histoire.

    La seconde intitulée: « Développement politique et système national d’intégrité en Afrique » était organisée dans le cadre d’une université d’été au bénéfice de quelques dizaines de jeunes activistes et intellectuels sub-sahariens.

    Bravo la diplomatie parallèle chantée tous les jours par les médias de propagande officiels!

    Cette même semaine, une interview dans un quotidien de grande diffusion a été censurée. Je tais le nom de la journaliste (d’ailleurs professionnelle et courageuse) ainsi que le nom du journal car j’ai été critiqué par des amis pour les avoir dévoilés il y a quelques jours. Cela représente des risques pour les concernés.

    Il y a ainsi une sorte de complicité obligée des censeurs et censurés. Et c’est dommage car cela empêche l’éclatement de la vérité : la presse est, dans sa grande majorité, sous contrôle. Ceux qui n’acceptent pas la censure, soit disparaissent, soit s’autocensurent.

    Dans cette petite interview censurée, j’avais essayé de montrer le caractère tendancieux et « sécuritaire » du rapport officiel sur le Hirak du Rif. Ce rapport soi-disant « droits-humaniste » justifiait honteusement et maladroitement la répression du Hirak et les lourdes condamnations de ses activistes et leaders (jusqu’à 20 ans).

    Même pour le régime ce rapport était contre-productif puisqu’il était sans aucune valeur ajoutée par rapport aux communiqués de la Direction Générale de la Sûreté Nationale. Et que dire des décisions, manipulations et condamnations par une justice aux ordres contre les braves activistes pro-démocratiques du Rif, l’une des rares régions qui lève la tête courageusement pour dire non au despotisme et au système des copains et des ripoux.

    Ce rapport officiel montre clairement que le régime se ferme de plus en plus, les voix de la raison sont étouffées même en son sein. Tout le monde à l’intérieur du système (y compris les institutions de gouvernance) se met au service des Services. C’est dangereux pour le pays, c’est dangereux pour les libertés publiques et c’est dangereux pour le régime lui-même qui n’a plus essentiellement que deux piliers de soutènement: la répression –comme moyen d’action et la corruption -comme ciment de l’élite au pouvoir.

    Pour résumer, je viens de passer, chers ami-es une année universitaire très dure : un exemple, j’étais invité depuis octobre à sept conférences qui ont toutes été interdites. Sauf à Agadir où une personne courageuse a résisté aux pressions.

    L’administration « universitaire » refuse aussi de m’autoriser à participer à des colloques ou soutenances de thèse à l’étranger, comme cela m’est arrivé plusieurs fois cette année. Or de telles activités scientifiques sont partie intégrante du travail de tout professeur de l’Enseignement supérieur et impacte énormément l’évolution de sa carrière et le jugement de ses pairs.

    En même temps et comme par hasard, la presse des Srabs (Services) mène contre moi une abjecte campagne de diffamation et de mensonges qui dit entre autres que je suis un Fonctionnaire-Shabah (fantôme). Or mes étudiants, mes collègues et les administratifs de l’établissement où je travaille savent que je me suis acquitté cette année, et comme toujours, de mes devoirs professionnels normalement malgré les obstacles semés sur mon chemin par les collaborateurs des Services.

    Imaginez ! Je suis actuellement, et cela depuis février, dans une situation insoutenable. L’administration centrale me considère (par écrit et par le moyen de missives officielles signées et cachetées) comme absent depuis cinq mois et demi. Quelques responsables de base, aussi professionnels que courageux leur répondent, parfois par écrit, que non, autrement dit que je suis présent…

    Mais l’administration centrale continue à ignorer leurs réponses (officielles signées et cachetées) en leur demandant toujours si j’ai repris mon travail comme si j’étais en abandon de poste. Le but apparent est de me maintenir sous pression pour que j’arrête de m’exprimer sur la nature du régime qui est passé –je le redis ici à toute fin utile-, depuis les dernières élections législatives, du « statut » d’un régime semi-autoritaire à un régime, académiquement qualifié par les spécialistes, d’autoritaire.

    Ils veulent aussi m’empêcher par le moyen de ces pressions lâches de m’exprimer en tant que responsable de l’Association Liberté Maintenant illégalement interdite (Freedom Now الحريةالآن) sur les abus de pouvoir et les violations des droits humains et des libertés d’expression et de presse.

    A chaque fois que je prends position ou que je publie un article qui ne plait pas aux décideurs dans la presse qui parait à l’étranger, une campagne mensongère de dénigrement me « crucifie ».

    Je suis aussi parfois objet de filature sans parler du fait, Ô combien gênant, que mon téléphone est sous écoute active depuis mai 2015. C’est d’ailleurs par ce moyen qu’ils savent que je suis invité par tel ou tel établissement ou que j’ai un entretien avec un périodique…. Aussi durant avril-mai derniers, des dizaines d’articles, de vrais articles pas des brèves, m’ont honteusement insulté et diffamé, photos à l’appui sur le plan de ma vie privée et publique, de mon travail, de mes convictions…etc.

    Des caricatures calomnieuses de moi sont publiées, elles m’affublent des cornes de Satan, de costumes de mafieux avec des dollars tombant de leurs poches… Des centaines de pages Facebook y ont participé l’année dernière par exemple suite à un article que j’ai publié en mars 2018 sur l’affaire du journaliste Bouachrine. La campagne s’est ralentie depuis mi-juin 2019, et c’est bon à prendre. Tout y passe, du sexe à l’argent, du service de l’étranger à la trahison de la patrie, de la vaste ferme à la villa cossue…

    Honte sur vous! Vous laisserez une mauvaise image de l’Etat marocain pour les générations futures. Vous contribuez par ces moyens vils à la dégradation de l’image de notre pays chéri qui pourtant nous lie tous. Je n’ai jamais su que dire la vérité vous met dans une colère aussi noire!

    Source : L’oeil de la maison des journalistes, 23 jui 2019

    Tags : Maroc, Maati Monjib, droits de l’homme, répression,

  • Epouses au Maroc et prostituées en Italie

    Ils organisaient des mariages fictifs entre citoyens italiens et femmes d’origine marocaine, qui pouvaient ainsi obtenir la citoyenneté italienne et qui, une fois entrées sur le territoire italien, étaient obligées de se prostituer. Une attention particulière a été portée à l’égard d’une «clientèle» composée de personnes âgées susceptibles d’être arnaqués et d’être dépouillés de leurs biens. La police a procédé à trois arrestations, tous des citoyens marocains, deux femmes et un homme. L’enquête menée par la police a révélé qu’il s’agissait d’une véritable organisation criminelle opérant sur le territoire de Siniscola.

    L’enquête a duré six mois et tous les acteurs de l’affaire ont été poursuivis. Cette enquête s’appuie sur une plainte d’une parente lointaine d’une jeune femme venue en Italie qui se livrait à la prostitution. Les prisonniers de longue date résidant en Sardaigne désignaient des Italiens disposés en échange de sommes d’argent et de faveurs sexuelles à se rendre au Maroc pour se marier avec de très jeunes femmes en vue de les amener en Italie et à se livrer à la prostitution pour un cercle restreint de clients italiens âgés, certains d’entre eux souffrent également d’infirmité, en profitant de leur état de prostration et de solitude et en leur offrant la possibilité de passer du temps avec des jeunes femmes en échange de sommes d’argent.

    Col tempo le giovani prostitute riuscivano a conquistare la fiducia delle anziane vittime inducendole a compiere atti di disposizione patrimoniale di ingente valore a favore del gruppo criminale. Non solo, dalle indagini è emersa anche l’intenzione di far arrivare in Italia minori di 14 anni per soddisfare le richieste di alcuni clienti e che il gruppo criminale operava da diversi anni.

    Au fil du temps, les jeunes prostituées parvenaient à gagner la confiance des victimes âgées en les incitant à accomplir des actes de disposition de patrimoine de grande valeur en faveur du groupe criminel. En outre, l’enquête a révélé l’intention de faire venir en Italie des enfants de moins de 14 ans pour répondre aux demandes de certains clients et que le groupe criminel opérait depuis plusieurs années.

    Source : La Stampa, 24 jui 2019

    Tags : Maroc, prostitution, Italie, visa, mafia,

  • Guerre des Six Jours : Le Maroc a-t-il fait perdre les armées arabes ?

    Alors que l’UNESCO vient de voter une résolution controversée sur Jérusalem-Est, portée notamment par le M a r o c , d e s r é v é l a t i o n s d ’ u n a n c i e n g é n é r a l d e s renseignements militaires israéliens sont venues semer le doute sur la position et le rôle exacts du royaume dans la Guerre des Six jours. Yigal Bin-Nun, historien spécialiste des relations israélo-marocaines, nous livre sa version des faits.

    Dans un article publié dernièrement par Yediot Aharonot, le Général Shlomo Gazit, ancien directeur du département de la recherche des services de renseignement de l’armée israélienne, révéla qu’en septembre 1965, Meir Amit, chef du Mossad à l’époque, a réussi à recevoir les enregistrements des discours des chefs d’Etats arabes, réunis au Maroc à la Conférence de Casablanca (septembre 1965) présidée par Jamal Abdennasser (juin 1956 – septembre 1970). Ces enregistrements déchiffrés et traduits par son département révélaient l’enthousiasme des pays arabes à combattre leur voisin israélien.

    En Israël, ces enregistrements furent perçus comme une réussite exceptionnelle révélant l’état d’esprit belligérant de l’ennemi, qui obligeait le pays à se préparer à une guerre. Parallèlement, les renseignements israéliens savaient pertinemment que les armées arabes n’étaient pas encore équipées pour remporter une victoire. Dans cet article, le nom de Hassan II n’a pas été prononcé. Ce n’est que quand il fut repris par la presse internationale que le nom de l’ancien roi du Maroc fut ajouté, comme si Hassan II avait lui-même remis les enregistrements aux Israéliens, ce qui n’a pas été dit par Gazit.

    Selon mes recherches, basées entre autres sur les témoignages des agents du Mossad responsables des relations avec le Maroc à cette époque, voici l’éclairage que l’on peut donner sur cette affaire. De 1962 jusqu’en février 1967 à la veille de la Guerre des Six Jours, tous les services israéliens étaient persuadés que l’armée égyptienne de Nasser était trop embourbée dans sa guerre au Yémen pour ouvrir un nouveau front. Si une guerre allait quand même éclater, elle n’aurait pas lieu avant 1970.

    Même après le redéploiement de l’armée égyptienne au Sinaï, nul n’imaginait Nasser fermer le détroit de la mer Rouge. Cette conférence n’était pas la première occasion de la venue de Nasser au Maroc. En effet, le 3 janvier 1961, le président égyptien avait participé à une précédente conférence de la Ligue Arabe à Casablanca qui provoqua une liesse au sein de la population de la ville.

    Cependant, il est important de rappeler que toute la classe dirigeante marocaine, le Palais surtout, mais aussi l’Istiqlal et l’UNFP, étaient loin d’être enthousiasmés par celui qui destituait les monarchies et haranguait les foules.

    En outre, les discours diplomatiques lors de la conférence de 1965 n’avaient rien d’un mot d’ordre adressé à un Etat-major militaire interarabe en vue d’une attaque imminente. Ils ne pouvaient tout au plus qu’avertir d’une atmosphère de belligérance envers Israël et ne firent que provoquer quelques polémiques entre le Mossad et les unités de combats de Tsahal.

    Je tiens à préciser que ces enregistrements de la Conférence interarabe à Casablanca n’avaient rien d’exceptionnel, pour la simple raison que les relations israélo-marocaines dans le domaine diplomatique, débutèrent déjà le 7 janvier 1963, et qu’elles étaient sans rapport avec « l’accord de compromis » pour l’émigration collective des Juifs du Maroc. C’est à cette date que par l’intermédiaire de l’officier de police français Emile Benhamou, le Colonel Oufkir rencontra Yaacov Karoz, le bras droit du chef du Mossad, à la rue Victor Hugo à Paris.

    Cette rencontre reçut sans aucun doute l’approbation préalable du roi Hassan II. Ces rapports avec le Palais survenaient alors que des relations étroites avaient auparavant lié Mehdi Ben Barka et Israël. Relations qui prirent une mauvaise tournure lorsque l’exilé politique marocain a demandé des armes à Israël, lors de son entretien avec le numéro 2 du Mossad le 28 mars 1960.

    Commença alors une coopération fructueuse entre les délégués du Mossad à Rabat – surtout David Shomron – et les chefs des services de sécurité marocains, Mohammed Oufkir et Ahmed Dlimi. Ce dernier effectua un premier voyage en Israël à la mi-février 1963, pour des pourparlers entre les deux services. Par la suite, après l’aide fournie par Israël au Maroc dans le cadre de la Guerre des Sables au mois d’octobre de la même année, les relations maroco-israéliennes prirent une ampleur considérable. Elles s’étendirent à divers domaines : formation des services secrets, communication, entrainement militaire, coopération agricole et bien d’autres aspects.

    A ma question de savoir si en contrepartie Israël recevait du Maroc des renseignements sur ses voisins arabes, les agents concernés m’ont précisé que c’était plutôt Israël qui fournissait des renseignements aux Marocains, surtout par rapport à tout ce qui concernait l’Egypte nassérienne. Ceci explique comment les services de sécurité d’Oufkir ont permis aux agents du Mossad en fonction au Maroc d’installer euxmêmes du matériel d’écoute dans la salle de réunion de la Conférence de Casablanca de septembre 1965.

    Ainsi, les Israéliens pouvaient savoir en temps réel ce qui se disait dans les débats entre Etats arabes contre leur pays. Cet événement n’est qu’un exemple parmi tant d’autres dans les relations entre les services d’Oufkir et Israël, avec l’accord tacite de Hassan II.

    A relever que toutes ces tractations survinrent un mois à peine avant une certaine implication du Mossad dans l’enlèvement de Ben Barka à la demande de Dlimi. Juste après le début des hostilités, le 7 juin 1967, Hassan II décida d’expédier en grande pompe trois bataillons des Forces Armées Royales pour « sauver » l’armée de Nasser.

    Les bataillons avaient à leur tête le commandant Bouazza Boulhimez, ancien gouverneur de Casablanca. Avec un groupe d’officiers, Boulhimez prit l’avion pour le Caire. Mais les Egyptiens ne voulaient point coopérer avec lui, il dût attendre en vain deux semaines sur place sans rien faire. Entre temps, des centaines de soldats marocains empruntèrent la voie terrestre jusqu’au désert libyen, où ils campèrent jusqu’à ce qu’ils comprirent que les Egyptiens ne voulaient pas d’eux dans cette guerre.

    Apres la défaite éclair des armées arabes, les autorités marocaines voulurent rapatrier leurs troupes par voie terrestre. Mais le gouvernement algérien s’opposa fermement au passage de l’armée marocaine sur son territoire. Le Maroc dut envoyer un bateau à Tripoli pour évacuer ses soldats. Un deuxième contingent marocain arrivé plus tard en train jusqu’en Algérie se rendit compte que la guerre était déjà finie. Lorsqu’ils voulurent faire demi-tour, les Algériens ne leur permirent de se rapatrier qu’après leur avoir confisqué leurs armes et tout leur équipement.

    Ces renseignements ont été fournis juste après la guerre par le colonel Boulhimez au conseiller de l’Ambassade de France, Debroise, qui les transmit à Walter Eytan, alors ambassadeur d’Israël à Paris, le 18 juin 1968. Le colonel Boulhimez trouva la mort lors de la tentative de coup d’Etat militaire du 10 juillet 1971 au palais d’été de Skhirat, imputée au lieutenant-colonel Mohamed Ababou et au général Medbouh.

    * Conférence de Casablanca (septembre 1965) : du nom de l’hôtel Casablanca, actuel Hyatt Regency.

    Yigal Bin-Nun

    Source

    Tags : Maroc, Israël, Guerre des six jours, Mossad, trahison, Hassan II, 

  • Le Maroc malade du Sahara occidental

    Depuis le 3 octobre 2014, un mystérieux hacker publie des centaines de documents. Cette abondante littérature mise à disposition de tout internaute confirme la centralité de la question du Sahara occidental dans la sphère politique marocaine. La priorité accordée à ce dossier a été réaffirmée dans le discours du roi, prononcé le 6 novembre 2014 à l’occasion du 39e anniversaire de la « marche verte ».

    Le Sahara occidental constitue une véritable obsession du pouvoir. Érigé en « cause nationale » selon la phraséologie officielle, il est au centre des préoccupations politiques du pays depuis près de quatre décennies. Mais à mesure que le conflit s’enlisait et que la « récupération des provinces du Sud » rencontrait de multiples obstacles, l’obsession du régime devenait plus importante encore. Le poète marocain Abdellatif Laâbi ne s’est pas trompé en considérant son pays « malade du Sahara ».

    Lorsqu’elle éclate, au milieu des années 1970, cette « affaire du Sahara » — ainsi que la nomment les Marocains — est assez banale dans le contexte de l’époque. Quelque peu décalée par rapport à l’ère des décolonisations, la revendication d’une ancienne colonie espagnole par le Maroc et par un groupe d’indépendantistes ne surprend pas. Elle est perçue comme une lutte entre des États-nations qui se construisent en affirmant leur souveraineté sur des territoires aux frontières incertaines et aux populations partagées et somme toute peu concernées.

    Compte tenu de la disproportion des forces entre le Maroc et la poignée de guérilleros du Front Polisario, le conflit ne devait être que de courte durée dans l’esprit de Hassan II. Le temps qu’un formidable consensus politique se fasse autour du trône alaouite dans ce Maroc miné par des tensions et des divisions politiques, et après deux coups d’État perpétrés par l’armée contre la personne du roi en 1971 et 1972.

    Hassan II, qui avait d’abord opté pour la stratégie du dossier clos était loin d’imaginer que ce conflit, qui s’est engouffré dans la brèche du contentieux entre son pays et le voisin algérien, serait long et coûteux. Le coût est d’abord politique, le Maroc ayant hypothéqué la vie du pays à la cause sacrée de la récupération de ce que les Marocains appellent les « provinces sahariennes ». C’est précisément ce lien entre le succès du régime et la propriété du Sahara reconnue par la communauté internationale qui est en cause. Hassan II, qui pensait que le temps jouerait forcément en faveur de son pays, aimait à dire que « tôt ou tard, il faut que notre titre de propriété du Sahara soit déposé à la conservation foncière des Nations unies » [1]. L’incapacité du pouvoir à obtenir ce titre de propriété explique sa nervosité, palpable dans les documents révélés par le hacker qui se fait appeler Chris Coleman, comme dans le discours sur le Sahara prononcé par Mohammed VI le 6 novembre 2014.

    Dans son allocution, le monarque annonce une réorganisation de sa politique saharienne, désigne nommément l’Algérie comme responsable du blocage actuel et somme ses sujets de faire preuve de patriotisme en défendant la cause sacrée du Sahara considéré comme marocain. Quant aux États alliés, et en particulier les États-Unis, ils doivent nécessairement « sortir de l’ambiguïté ». Les documents dévoilés par celui que l’on appelle le « Wikileaks marocain » révèlent les méthodes et moyens qu’utilise Rabat pour mettre en œuvre cette politique.

    UNE RÉVISION RADICALE

    « Nous avons appelé à une révision radicale du mode de gouvernance de nos provinces du Sud » déclarait le roi Mohammed VI dans son discours prononcé à l’occasion du 39e anniversaire de la « marche verte » [2]. Si implicitement les propos insinuent l’échec des politiques précédentes, le roi égrène malgré tout les multiples actions conduites par le Maroc au Sahara : investissements massifs et années de sacrifices de la part des Marocains pour recouvrer « l’intégrité territoriale » de leur pays.

    Malgré cela, le monarque reconnaît des dysfonctionnements dans la gestion du Sahara — qu’il entend corriger. Mais il s’agit moins d’un changement de cap que de la mise en œuvre d’une nouvelle méthode, même si la « rupture » avec le mode de gouvernance précédent est clairement affirmée.

    En exprimant sa volonté de substituer un système fondé sur le « respect de l’égalité des chances et de la justice sociale » à une « économie de rente et de privilèges indus », Mohammed VI se réfère au schéma d’intégration des Sahraouis à la société marocaine qui avait été adopté par son père. Hassan II s’était en effet appuyé sur une élite sahraouie pour gouverner ce territoire que le Maroc administre depuis le milieu des années 1970, sans que l’ONU n’ait statué sur sa souveraineté. En contrepartie de leur allégeance et de leur fidélité, les Sahraouis qui lui sont venus en aide ont été associés aux activités les plus dynamiques de la région (pêche, bâtiment, commerce). Des postes de fonctionnaires ou de conseillers du roi leur ont également été attribués. Le souverain avait ainsi réussi à constituer une élite cooptée qui lui servait à la fois d’appui et de vitrine, dans la mesure où ces Sahraouis triés sur le volet symbolisaient à la fois la réussite possible et l’intégration des Sahraouis à l’intérieur du système politique marocain.

    Mohammed VI sait que ces liens clientélistes, qu’il n’a pas su entretenir, ne répondent plus aux attentes des jeunes générations sahraouies. Imprégnés par le changement politique amorcé dès la fin des années 1990 au Maroc, les jeunes Sahraouis se sont exprimés différemment pour revendiquer du travail, un accès au logement et davantage de justice quant à la redistribution des richesses du Sahara. C’est pour mieux répondre à ces demandes puisées dans un nouveau registre référentiel, celui des droits humains, des libertés individuelles et politiques et de la légalité internationale, que le souverain entend modifier son offre en proposant une régionalisation qualifiée d’avancée. Cette régionalisation correspondrait à « des zones et des régions solidaires, complémentaires, qui s’entraident et se soutiennent mutuellement ». Régulièrement annoncée, cette régionalisation, qui concerne d’abord le Sahara, n’est pas mise en œuvre. Le projet est pourtant censé favoriser la gestion des affaires sahariennes par les populations de cette région.

    DES DROITS FONDAMENTAUX DANS LE COLLIMATEUR

    L’annonce faite par le souverain en 2014 d’une réorganisation de la politique saharienne a pour objet de tirer un trait sur la mauvaise gestion de la région, essentiellement en matière des droits humains. Depuis près de dix ans, en effet, de nombreuses affaires attestent des mauvais rapports politiques entre Sahraouis et pouvoir marocain. Prenant en compte ces tensions récurrentes, les États-Unis ont, en avril 2013, demandé l’élargissement du mandat de la Mission des Nations unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental (Minurso) aux droits humains, avant de se rétracter. Un document officiel publié par le hacker Chris Coleman révèle l’accord tenu secret entre Barack Obama et le roi Mohammed VI en novembre 2013. Les États-Unis auraient ainsi abandonné leur requête moyennant trois conditions : que les Sahraouis ne soient pas jugés par des tribunaux militaires [3] ; que Rabat facilite les visites au Sahara des fonctionnaires du Haut Commissariat aux droits de l’homme et qu’il accepte de légaliser les associations qui revendiquent l’indépendance du Sahara.

    Face à ces revendications, le monarque décide d’établir un cadre rigide. Dans son discours, il appelle à l’ouverture d’un dialogue sur les différentes façons dont il est possible de répondre aux « préoccupations des populations de la région ». L’offre royale porterait notamment sur des conditions de vie plus dignes, mais en retour l’ordre public doit être respecté et la souveraineté du Maroc sur le Sahara n’est en rien négociable. Le monarque est clair : « L’autonomie est le maximum que le Maroc puisse offrir dans le cadre de la négociation pour trouver une solution définitive à ce conflit régional. »

    PATRIOTES OU TRAÎTRES

    Plus qu’un cadre dessiné à l’adresse des Sahraouis, les propos du roi s’apparentent à une véritable sommation lorsqu’il qualifie de « traître » quiconque le dépasserait : « ou on est patriote ou on est traître, il n’y a pas de juste milieu », précise le souverain dans le même discours. Ce jeu d’inclusion et d’exclusion ne vaut pas uniquement pour les Sahraouis et les Marocains. Le roi désigne l’Algérie comme principal responsable du blocage. Il demande également aux États-Unis, aux Nations unies et aux puissances internationales de « sortir de leur ambiguïté ». Dans son esprit, les éloges formulés au sujet des avancées marocaines en matière d’ouverture politique ou du rôle joué par le Maroc dans la lutte internationale contre le terrorisme doivent nécessairement se traduire par un appui inconditionnel aux positions marocaines sur le Sahara.

    Cette posture est une constante dans la politique étrangère du Maroc, en particulier en ce qui concerne le Sahara. L’image du pays et son rôle joué dans la géopolitique régionale sont monnayés pour obtenir des alliances sur le Sahara. Comptabilisés avec minutie, les États qui ne reconnaissent pas la République arabe sahraouie démocratique (RASD) autoproclamée par le Front Polisario et reconnue par l’Union africaine doivent également condamner l’Algérie et soutenir le plan d’autonomie proposé par Rabat en 2007. Quiconque contrevient à cette politique s’expose aux foudres du pouvoir en se voyant reprocher d’être à la solde d’Alger. L’accusation, qui vaut pour les chercheurs et les journalistes, s’applique aussi aux fonctionnaires des Nations unies qui osent transgresser les règles dictées par Rabat en matière d’intrusion dans le conflit saharien.

    TENSIONS AVEC L’ONU

    En avril 2004, Rabat avait rejeté le plan de paix proposé par l’envoyé personnel du secrétaire général des Nations unies pour le Sahara occidental, James Baker. L’ancien secrétaire d’État américain avait en effet proposé un plan qui maintenait le principe d’autodétermination avec élection d’une autorité locale à l’intérieur d’un Maroc souverain. Mais le statut final du Sahara devait être déterminé par un référendum au terme de 4 à 5 ans après son entrée en vigueur. Le Maroc, qui avait écarté tout projet d’autodétermination a alors évoqué une proximité entre Baker et le régime algérien.

    Le 17 mai 2012, le Maroc décidait unilatéralement de retirer sa confiance à l’émissaire de l’ONU pour le Sahara, Christopher Ross, l’accusant de conduire un travail partial et déséquilibré. Un mois plus tôt, le rapport du secrétaire général des Nations unies — fondé sur les rapports de Chris Ross — épinglait en effet sans ménagement les entraves au bon fonctionnement de la Minurso par le Maroc. Le rapport interrogeait très justement ce qui est légitime et ce qui est légal dans l’action au Sahara. Il interpellait également sur la crédibilité de la Minurso au Sahara. Malgré cela, le diplomate n’a pas été désavoué par sa hiérarchie. Bénéficiant ouvertement du soutien de Ban Ki-moon, il fut maintenu à son poste.

    Cet appui, devenu possible dans le contexte régional de l’après-2011 donnait un caractère inédit aux relations entre le Maroc et l’ONU. Les documents mis en ligne révèlent les stratégies déployées par la diplomatie parallèle marocaine pour marginaliser Ross. Dans un fax du 22 août 2014, Omar Hilale, le représentant du Maroc auprès des Nations unies à New York, évoque une stratégie pour « isoler Ross, l’affaiblir et le pousser dans ses derniers retranchements au sujet de son agenda caché sur le Sahara ».

    Sur l’ensemble des questions relatives au dossier très sensible du Sahara, les documents révélés ces derniers mois recoupent et rejoignent les propos du souverain sur la politique saharienne du Maroc. Bien plus qu’un protagoniste dans ce vieux conflit régional, le Maroc définit les acteurs, dicte la politique des puissances étrangères et exclut la négociation en vue du règlement de la question.

    Khadija Mohsen-Finan

    Politologue, enseignante (université de Paris 1) et chercheuse associée au laboratoire Sirice (Identités, relations internationales et civilisations de l’Europe).

    Dernière publication (avec Pierre Vermeren) : Dissidents du Maghreb (Belin, 2018).

    Khadija Mohsen-Finan

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    P.S.

    Orient XXI, 15 jan 2015

    Footnotes

    [1] Entretien au Monde, 2 septembre 1992.

    [2] Le 6 novembre 1975, Hassan II lance une marche pacifique de 350 000 hommes pour occuper le Sahara occidental, territoire qui fut une colonie espagnole.

    [3] Référence à la condamnation à de lourdes peines, par un tribunal militaire marocain, de 24 Sahraouis accusés sans preuves dans l’affaire Gdeim Izik. À l’automne 2010, des Sahraouis avaient dressé un campement pacifique pour dénoncer leurs conditions de vie au Sahara occidental. Après avoir mis en place un comité mixte maroco-sahraoui, les autorités marocaines ont démantelé le camp par la force, au prétexte qu’il était tombé sous les mains de groupes de trafiquants et de criminels qui retenaient une partie de la population sahraouie contre sa volonté.

    Tags : Maroc, Mohammed VI, Chris Coleman, marocleaks, wikileaks marocain, Sahara Occidental,

  • Mohammed VI, Louis XIII du Maroc

    L’orientation sexuelle de Mohammed VI a suscité bien des polémiques. Jusqu’à son intronisation en 1999, il est resté chaste à l’égard de l’homme qu’il a aimé depuis sa plus tendre enfance, le fils d’un ancien esclave de son père, Abderrahman Bihmane.

    Par crainte de ses impulsions agréssives, les marocains n’osent pas poser la question de l’homosexualité de Mohammed VI alors que c’est un secret de polichinelle. Les témoignages à ce propos sont pourtant nombreux dont des célèbres écrivains français et Abdelilah Issou, un officier de l’armée marocaine exilé en Espagne. Ce dernier en parle dans son livre « Mémoires d’un soldat maroain ». Il affirme être l’auteur d’un rapport sur les tendances sexuelles du monarque: «Pour ma part, j’ai présenté à J.M. un rapport sur l’orientation sexuelle du prince héritier, l’actuel roi Mohamed VI, et son amitié avec Abderrahmane Alaoui, Bihmane pour ses proches, qui était mon collègue de promotion à l’Académie royale militaire ». Selon lui, l’homme de main de Hassan II a tué Bihmane dans le but de mettre fin à leur liaison sentimentale.

    Pour une grande majorité des marocains, les tendances homosexuelles du souverain ne font aucun doute. Très tôt, le prince ne se complaisait que dans un groupe masculin qu’il accueillait dans son palais princier de « Les Sablons » à Salé, près de Rabat. Les plus proches sont aujourd’hui ses conseillers et adjoints. Il n’est guère possible de dire si le jeune prince a été attiré par une passion homosexuelle à l’égard de tous ceux qui sont ainsi devenus ses amis intimes, à l’exception d’Abderrahman Alaoui qui a exercé sur lui une véritable emprise, dont le fondement a été, sans aucun doute, nettement sensuel. C’est la raison pour laquelle il a été éliminé sous ordres du roi Hassan II qui s’en doutait des penchants féminis de celui qui était son prince héritier. Sinon comment on explique qu’il est resté célibataire jusqu’à son intronisation ?

    Après avoir obtenu en 1985, sa licence en Droit et son diplôme en Science politique, et afin de compléter sa formation, le prince effectue en novembre 1988 un stage de quelques mois à Bruxelles dans le cabinet de Jacques Delors, alors président de la Commission européenne. Les rapports que Hassan II reçoit sur le séjours de son fils ne sont guère relouisants, il apprend que Mohammed VI fréquente les bars gays du centre de la capitale européenne.

    Vis-à-vis de cette question, les marocains pratiquent la politique de l’autruche lorsqu’elle elle creuse un petit trou dans le sol pour cacher sa tête laissant le reste de son corps à découvert. Ils prétendent que c’est un sujet qui releve de la vie privée du roi et que ses pratiques sexuelles lui appartiennent. Cela est vrai dans la mesure qu’il s’agit de personnes privées mais que dans ce cas précis, il s’agit d’un personnage public, chef d’Etat de surcroit. Que les tibunaux du maroc prononcent des peines de 6 mois a 3 ans de prison pour « homosexualité » et que ces tribunaux les prononcent  » Au nom du Roi ». Qu’il est également « Commandeur des Croyants » d’une religion qui condamne l’homosexualité et qu’au Maroc bon nombre de lois sont basées sur la religion. Que son homosexualité se trouve derrière ce tabou appelé divorce royal. Lalla Salma est encore jeune et revigorante dont les besoina sensuels ne peuvent pas être assurés par un conjoint qui n’a aucune attirance pour les femmes et dont le corps est meurtri par les cortisones.

    Tags : Maroc, Mohammed VI, homosexualité, Lalla Salma, divorce,

  • Maroc : Le Fléau De La Prostitution

    Depuis l’interdiction du dernier long-métrage de Nabil Ayouch, «Much Loved», le thème de la prostitution au Maroc fait couler beaucoup d’encre. Le magazine américain Newsweek a publié un reportage sur le plus vieux métier du monde en suivant le quotidien de trois prostituées marocaines: deux à Tanger et une à Rabat, et en recueillant quelques chiffres clés. On y apprend que les villes de Rabat, Agadir, Tanger et Fès à elles seules abritent quelque 19.000 femmes qui vivent d’amours tarifées. La moitié d’entre elles est divorcée ou séparée, et environ la moitié a des enfants à charge, révèle le magazine qui se base sur une étude réalisée par le gouvernement marocain et rendue publique en mai dernier.

    Autre révélation cette fois-ci sur le salaire. Selon Azzouz Ettoussi, président de la section de Rabat de l’Organisation Panafricaine de Lutte Contre le Sida (OPALS), les prostituées de luxe qui partent à l’affût de portefeuilles bien garnis dans les bars et boîtes de nuit empochent de 300 à 2.000 dirhams par soirée. Les autres, celles qui fréquentent les cafés et les lieux publics, agissent en général de manière indépendante et sans aucun intermédiaire. Elles gagnent environ 200 dirhams par jour, toujours d’après Azzouz Ettoussi. Mais cette somme paraît dérisoire lorsque l’on sait que la prostituée n’en bénéficie pas toujours pour elle seule. En effet, l’article souligne que la plupart des prostituées marocaines subviennent aux besoins d’au moins une autre personne dans leur entourage, que ce soit leurs enfants, leurs parents ou un proche. «L’Etat préfère la prostitution à la pauvreté», déclare pour sa part Abdessamad Dialmy, un chercheur spécialisé sur la sexualité et l’identité de l’Université Mohammed V à Rabat.

    Selon lui, le gouvernement marocain ferme les yeux sur la prostitution parce qu’elle permet de diminuer le chômage. » La loi est là, mais elle n’est pas toujours totalement appliquée», poursuit-il.Le plus vieux métier du monde a encore de beaux jours devant lui. On n’a plus le «bousbir» (célèbre quartier de maisons closes) d’antan, cette antre de la prostitution légalisée du temps du Protectorat installée dans l’ancienne médina de Casablanca, où les soldats français, et autres marocains en mal de plaisir, venaient se divertir, mais le commerce du sexe fleurit toujours dans toutes les villes du pays.

    «Durant les années 1970, raconte ce témoin sexagénaire, il n’existait pas de quartier où il n’y avait pas une maison close, sous la houlette d’une entremetteuse, pour accueillir les clients à longueur de journée. La passe ne coûtait pas plus de dix dirhams, et les jeunes y venaient vivre leur première expérience sexuelle. Les hôtels avaient aussi leur lot de prostituées, jeunes, belles et moins belles, l’entremetteuse les présentait au client, qui faisait son choix. On y proposait même des garçons». La loi interdisait, comme d’ailleurs de nos jours, la prostitution, mais, comme à l’époque, elle était pratiquée à grande échelle, pauvreté et précarité obligent. Mais pas seulement.

    La nouveauté en effet en ce début de XXIe siècle est que le plus vieux métier du monde devient un business lucratif et une voie facile et rapide d’enrichissement, pour celles et ceux qui offrent leur corps comme marchandise, sur un marché de plus en plus demandeur. Ceci dit, la pratique de la prostitution comme on le sait est condamnée par les mœurs, abhorrée par la religion, interdite par la loi. Cela va de l’article 497 à l’article 504 du code pénal. Les peines d’emprisonnement vont de deux à dix ans et les amendes de 5 000 DH à un million de dirhams.

    La prostituée et le client sont punis selon les dispositions de l’article 490 du code pénal, qui stipule que «toute relation sexuelle extraconjugale entre un homme et une femme est considérée comme prostitution et punie d’une peine d’emprisonnement ferme allant d’un mois à un an». Si une des personnes est mariée, c’est l’article 491 qui est appliqué et qui «punit d’une peine d’emprisonnement ferme d’un an à deux ans tout conjoint impliqué dans une affaire d’adultère». La poursuite est annulée si la conjointe annule la plainte. D’un autre côté il n’existe pas d’étude sur le sujet pour éclairer nos lanternes d’une manière scientifique, ni de statistiques officielles pour estimer le nombre de ces vendeurs de sexe.

    «A défaut de ces statistiques officielles, nous ne disposons que de monographies préparées par nos étudiants sur le sujet, et elles montrent, toutes, que la prostitution est pratiquée partout au Maroc. Nouveauté : elle a changé de forme. La précarité et la pauvreté constituent toujours la cause principale, mais les choses ont évolué ces dernières années avec une société de consommation qui crée de plus en plus de frustrations», remarque Jamal Khalil, sociologue (voir entretien).

    Le phénomène touche désormais toutes les catégories sociales, milieu estudiantin compris, et la misère n’en est plus le principal moteur. Les quelques fines études sur le sujet dont on dispose sont le produit d’associations de lutte contre le sida, car, elles savent que le principal facteur de propagation de cette maladie est la prostitution, et les enquêtes qu’elles mènent sur ce milieu sont riches d’enseignements. L’une d’elles, menée en 2008 par l’Organisation panafricaine de lutte contre le sida (OPALS), a révélé des réalités insoutenables. D’abord le jeune âge des prostituées : sur un échantillon de 500 travailleuses du sexe ayant fait l’objet de cette enquête, 32,6% ont eu leur premier rapport sexuel entre 6 et 15 ans (peut-on parler de rapport sexuel à cet âge ?), 59,4% ont été payées pour la première fois entre l’âge de 9 et 15 ans, et 90% des interrogées déclarent avoir intégré le monde de la prostitution avant l’âge de 20 ans. Ensuite, sur la manière dont des enfants sont exploités sexuellement : 13% de l’échantillon, ajoute l’enquête, sont des petites filles vierges qui proposent sodomie, fellation ou encore «coups de pinceaux» à la va-vite.

    Maroc : le fléau de la prostitution

    L’enquête de l’OPALS a touché la catégorie démunie de la population qui vend son corps pour gagner sa vie. On la trouve dans toutes les villes du Maroc, c’est la plus courante. «La grande majorité des prostituées ne l’est pas devenue par choix, ni par goût de luxe. Elles y ont échoué après une longue dérive et n’ont que leur corps comme source de revenus», coécrivent les deux sociologues, Soumia Naâmane et Chakib Guessous dans leur livre Grossesses de la honte (Ed. Afrique Orient, 2011). Mais, selon la catégorie sociale des vendeuses de sexe et de leurs clients, cette prostitution peut être «bon marché», comme elle peut être de luxe.

    Commençons par la première, la prostitution dite «bon marché» : Casablanca, Boulevard Mohammed V. Les travaux du tramway ont eu un impact négatif sur les commerces de cette artère principale du centre-ville. Mais, s’il y a une activité qui n’a pas été touchée par ce remue-ménage, c’est bien la prostitution. Sur l’artère principale mais également dans les ruelles adjacentes, vers Mers Sultan, le centre-ville historique et ses multiples cafés sont les endroits du business de la chair. «A la terrasse des cafés, une clientèle normale vient s’attabler. Pour le reste et à l’étage, ce sont des lieux de marchandage pour des passes», explique Rachid, serveur dans une crémerie de Mers Sultan. Dans cet univers, le prix d’une passe est de 100 DH et les ébats se déroulent en majorité dans des appartement à proximité du café. Dans chaque quartier, c’est une entremetteuse qui assure le bon fonctionnement de ce système et qui se fait payer également la transaction sexuelle. «C’est 60 DH pour moi et 60 DH pour l’entremetteuse», avoue, Hanane, 30 ans, qui vend sa chair depuis déjà plusieurs années. Mais, d’où viennent ces femmes qui se prostituent pour moins de 100 DH la passe ? Qui les a poussées à devenir des professionnelles de la prostitution ? En fait, on trouve de tout dans ce marché de la chair. Notamment des quadragénaires, voire des quinquagénaires, qui travaillaient, plus jeunes, dans des bars, mais que la flétrissure de l’âge a fait dégringoler au bas de l’échelle. Une marchandise usée, à prix bas. On y retrouve également des mères célibataires, des filles violées et abandonnées par leurs familles… «Moi, je travaillais dans une usine de textile à Lissasfa pour 1 200 DH par mois. Mais je devais coucher impérativement avec le chef pour garder mon boulot. Coucher pour coucher, autant le faire pour de l’argent», explique Hanane, qui habite encore le même quartier. Les prostituées qui exercent au centre-ville vivent en général dans les quartiers périphériques de Casablanca, souvent à plusieurs sous un même toit. Elles choisissent également de vivre dans les zones surpeuplées, une façon de se noyer dans la masse et passer inaperçues.

    Au centre de Casablanca, tout près du Marché central, nous avons rencontré Najiba, la quarantaine, affublée d’une djellaba. Elle y vient chaque jour chercher du «travail» : «Si c’est pour le ménage, c’est tant mieux. Mais si c’est pour une passe, je ne dis jamais non», lance-t-elle. Elle est de mèche avec une entremetteuse du quartier qui lui assure le gîte pour la passe. Cette dernière «arrose» les policiers et ces derniers ferment les yeux. Najiba, mère célibataire, deux enfants, vit avec cinq autres femmes dans une même maison à Sidi Elkhadir, à Sidi Maârouf. «Nous avons toutes des enfants. On doit payer 300 DH pour la propriétaire, 300 DH pour la personne qui nous garde les enfants. Il faut nourrir ces enfants, leur acheter des vêtements, les envoyer à l’école… Vous comprenez pourquoi je vends mon corps à 100 DH la passe», avoue Najiba, dépitée. Le lieu de la passe ? Chez l’entremetteuse, chez le client, ou encore dans certaines salles de cinéma. Les séances de l’après-midi servent à accueillir les ébats sexuels de ceux qui ne peuvent se payer une chambre chez l’entremetteuse. Une bonne partie des salles de cinéma, du moins celles encore ouvertes, sont concernées par ce business. D’ailleurs, il n’est pas rare de trouver à proximité de ces salles des femmes reconnaissables à leurs regards aguichants et à leur démarche provocante.

    «La passe varie selon la tête du client et la nature de la prestation. Une salle de cinéma, c’est pas ce qu’il y a de plus confortable», explique le serveur d’un café à proximité d’une salle de cinéma au centre-ville. Les filles de joie, on les trouve aussi, la nuit, du côté du boulevard d’Anfa, à l’affût de clients potentiels. Le racolage bat son plein : des voitures s’arrêtent et disparaissent dans le noir à la recherche d’une «planque» où pratiquer, si ce n’est dans les voitures mêmes, ou dans les taxis en contrepartie d’un pécule pour le chauffeur. Parmi ces prostituées, quelques-unes sont des SDF. Là, l’ambiances est glauque, elles se contentent de montants dérisoires pour une passe (15 ou 20 DH), pour se procurer de quoi s’acheter de la drogue, ou leur bouteille de vin. Il leur arrive d’être brutalement agressées et poursuivies par la police. D’autres, un peu plus «préservées», se placent près des hôtels longeant le boulevard d’Anfa où elles se querellent constamment pour un meilleur emplacement. Ce même type de prostitution est répandu dans les quartiers populaires. A Sidi Bernoussi extension, là où de nouveaux immeubles poussent chaque jour, des prostituées vivant dans les bidonvilles avoisinants se rabattent sur les maçons et autres ouvriers des chantiers; la passe va de 20 à 50 DH et l’acte est consommé sur le chantier même.

    La prostitution masculine, aussi, est en expansion. Cette prostitution bon marché n’est pas exclusivement féminine. Des hommes se travestissent et essaient de de se faire une place dans le milieu. Mais la clientèle n’est pas la même. «Ce sont des hommes ayant un goût affiché pour leurs semblables, et qui aiment ressembler aux femmes. Nous ne sommes pas en concurrence avec nos amies femmes prostituées», lance Foulla, Mohamed de son vrai prénom. Parmi leurs clients, on trouve bisexuels et hétérosexuels amateurs de ces homos travestis, mais on y trouve également «des personnes tellement ivres qui ne font plus la différence entre un homme et une femme», souligne Foulla, sur un ton amusant. La passe dépend du client, de 50 DH à 200 DH selon le physique du travesti et le portefeuille du client. Les travestis bas de gamme du parc de la Ligue arabe et des boulevards sont souvent une cible des agressions des clochards et des rafles policières. Les passes ont lieu là où l’on peut le faire, à l’abri des regards : dans un jardin, le bas d’un immeuble, dans le noir d’une ruelle ou d’une impasse.

    En général, travestis et femmes prostituées s’entendent bien, et ne se livrent pas de concurrence. «Il m’arrive de passer le numéro de téléphone de mes copines prostituées à un client à la recherche d’une femme. Il ne faut pas oublier que nous sommes dans la même galère, et qu’il faut bien qu’on s’entraide», conclut Foulla.

    Direction Tanger. La ville du détroit, la nuit tombée, vit au rythme de visiteurs venus goûter aux délices d’une chair, pas trop chère, assez attirante, abondante à satiété. Lieu : un hôtel trois étoiles, sur la corniche, face à la mer. Les passes y sont quotidiennes, dans un cadre plus feutré, plus confortable. A proximité : une discothèque. Une clientèle masculine diversifiée : nationaux, Espagnols, Français, Hollandais, MRE, ressortissants de pays du Golfe. De l’alcool à profusion, on s’amuse. La clientèle féminine : des prostituées, de 18 à 30 ans, venues en majorité d’autres villes (Fès, Meknès, Taounate, Azrou, Sefrou, Asilah, Larache…), pour être plus discrètes et pour rencontrer des clients plus généreux. Chacune a son histoire.

    Là encore, c’est la misère qui pousse la fille à vendre son corps, mais ce n’est pas la seule raison. Il y a même des filles qui ont fait des études, certaines ayant des diplômes universitaires. Siham et Malika, deux sœurs, 30 et 22 ans, viennent de Sefrou. La première a une licence en langues, sa cadette a laissé tomber les études au niveau du collège. «Je me suis mariée à 16 ans avec un homme que je n’aimais pas, mes parents me l’ont imposé. Ça n’a pas duré plus de deux ans, j’ai eu avec cet homme une fille, elle a maintenant 12 ans. J’ai repris mes études après le divorce, mais une fois diplômée, pas de travail», se désole Siham. La suite coule de source : de Fès, elle met le cap sur Tanger, pour vendre son corps et gagner de l’argent.

    «Ici, les clients sont généreux, et on passe inaperçues. On ne se plaint pas, nos corps sont encore jeunes et séduisants pour attirer une bonne clientèle, ce qui nous a permis de louer un appartement pas loin de cet hôtel à 3 500 DH le mois», reprend Siham. Malika, la cadette, était elle aussi, mariée, mais à un Saoudien. Pas pour longtemps. Juste ce qu’il fallait à ce dernier pour profiter d’une chair fraîche, et pour elle de se faire offrir quelques bijoux. Elle ne parle pas, écoute sa sœur raconter leur histoire, sans broncher. L’ambiance s’échauffe dans la boîte. Par grappes, les filles sont réunies en cercles autour de tables, en train de boire, et d’attendre un signe du client. La discothèque n’est qu’un lieu de rencontres, et la soirée qui dure jusqu’à trois heures du matin est égrenée par des passes dans l’hôtel d’à côté, ou dans d’autres. La passe coûte de 400 à 1 000 dirhams, c’est en fonction de l’heure de la nuit à laquelle elle a lieu, et selon sa durée. La moisson journalière de la fille peut atteindre jusqu’à 1 500 DH par jour, mais il y a des jours où elle ne gagne pas le moindre sou.

    «Les filles ont des charges liées à leur activité, raconte un client habitué du lieu. Les intermédiaires sont nombreux, et pour continuer à fréquenter cette boîte elle se doit de s’acquitter des pourboires au serveur, à la préposée au vestiaire, au videur, au chauffeur de taxi et au réceptionniste de l’hôtel. A chacun d’eux elle donne entre 50 et 100 DH. Mais les clients mettent souvent la main à la poche pour les aider. Ici, les filles préfèrent l’hôtel à l’appartement, elles se méfient de clients agressifs et brutaux, elles y sont plus à l’aise. Il faut ajouter à ces charges la dîme de la police quand la fille est arrêtée lors d’une rafle, c’est pourquoi elles préfèrent ne jamais s’afficher dans la rue avec un client, mais que ce dernier les rejoint à l’hôtel». La prostitution de ce niveau bat son plein dans toutes les grandes villes. La clientèle est souvent constituée de cadres de sociétés, de fonctionnaires, de commerçants plus ou moins fortunés, et d’étrangers qui font miroiter leurs devises en échange de jeunes filles à peine pubères. Elle se pratique dans des hôtels moyenne gamme, ou dans des appartements appartenant à des entremetteuses.

    Quant à la prostitution de luxe, c’est une autre affaire. Là, on passe à une autre catégorie sociale, à un autre standing, où le métier devient très rentable, et où beaucoup de filles ne s’avouent pas prostituées.

    Source : decryptnewsonline, 29 mai 2016

    Tags : Maroc, prostitution, pauvreté,