Catégorie : Maroc

  • Maroc : Aucun militant ne fait le poids de Hicham Alaoui

    Mustapha Adib, l’ancien officier de l’armée marocaine qui vient de s’installer aux Etats-Unis après avoir été harcelé par le Makhzen en France, vient de publier une photo de lui avec Hicham Alaoui, le cousin germain du roi du Maroc, Mohammed VI.

    « Si tu as envie d’entendre les insultes les plus vilaines de la part de la presse jaune, tu n’as qu’à publier cette photo avec moi », lui a dit M. Alaoui.

    En effet, moins de 24 heures après, les deux personnages ont été violemment attaqués par l’un des principaux sites de la DGED marocaine, Le360.

    Cela prouve que Hicham Alaoui dérange au plus haut point. Une vérité que les prétendus démocrates et militants marocains ne veulent pas voir.

    Selon un vieux dicton, « les arabes se sont mis d’accord de ne pas se mettre d’accord ». Un dicton parfaitement applicable aux militants marocains dont les divisions sont devenus légendaires et constituent un véritable atout pour le régime médiéval de la monarchie alaouite.

    Nageant dans les contradictions et la médiocrité, ces militants, après s’être vilipendiés entre eux, ils se sont tournés vers une grande figure du combat démocratique au Maroc : Hicham Alaoui, qui a été chassé du palais à cause de ses honorables positions et principes.

    Ces prétendus milieux démocratiques et opposants sont largement infiltrés par les services secrets marocains. Ce sont ces derniers qui véhiculent certaines idées du genre que « Hicham Alaoui doit rendre l’argent qu’il a volé au peuple ». La DGED a réussi à les aveugler jusqu’au point de devenir incapables d’apercevoir le grand travail qu’il fait depuis sa position de prince, de cousin germain du roi et de grand intellectuel dont les conférences sillonnent le monde entier, notamment aux Etats-Unis, un des plus grands alliés de la monarchie marocaine.

    Aucune personnalité ni parti ni organisation au Maroc ne fait le poids de Hicham Alaoui lorsqu’il parle de son pays d’origine. Aucune action militante ne fait le poids d’une conférence ou d’un discours prononcé par cet honorable monsieur.

    Hicham vient de parler de la prétendue « exception marocaine ». Pour lui, il s’agit d’une invention française pour faire échec aux aspirations démocratiques du peuple marocain. La seule exception marocaine, c’est lui. Il est haï et par le Makhzen et par les opposants du Makhzen. Un cas inédit et insolite.

    Tags : Maroc, Makhzen, Hicham Alaoui, Moulay Hicham, Mustapha Adib,

  • Tunisie, Algérie, Maroc – Hicham Alaoui : Pour un pacte entre tous les acteurs, en leadership Maghrébin dans le monde arabe

    Le Maghreb après le Printemps arabe : tel était le thème d’une conférence tenue jeudi dernier 25 avril 2019, à l’Université de Georgetown, Wahington DC. Elle couronne un long travail de recherche et d’analyse consigné dans un ouvrage collectif de 12 universitaires intitulé ‘The Maghreb after the Arab Spring : The Lure of Authoritarianism‘.

    Introduisant les travaux de la conférence, Hicham Alaoui (Harvard University), a livré sa lecture de l’évolution dans les pays du Maghreb, se concentrant particulièrement sur le Maroc, son pays, l’Algérie et la Tunisie. Sa description de chacun de ces pays est intéressante à lire. La thèse de Hicham Alaoui est de favoriser, dans une singularité maghrébine (et non un caractère exceptionnel), un pacte consacrant un compromis entre tous les acteurs significatifs, y compris les islamistes. C’est ce qui consacrera un leadership démocratique dans le monde arabe. Extraits. (Traduction non-officielle)

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    Tunisie : pour la première fois la Ligue arabe a tenu son sommet dans une démocratie qui fonctionne

     »Il y a beaucoup à dévoiler ici au croisement de la singularité maghrébine. Je voudrais me concentrer sur un seul aspect, à savoir les possibilités de changement démocratique au niveau macro-analytique. Permettez-moi d’envisager un sous-ensemble du Maghreb, à savoir le Maroc, l’Algérie et la Tunisie, que je connais intimement. Comme on le sait il existe en Tunisie, une démocratie électorale en cours de processus de consolidation alors qui a du mal à institutionnaliser l’Etat de droit et les responsabilités. Sa démocratisation en 2011 n’était jamais supposée se produire, étant donné les revendications répétées de l’exceptionnalisme maghrébin ou tunisien utilisé par les élites françaises, en soutien à Ben ‘Ali.

    Tout comme la troisième vague de démocratie, la démocratie tunisienne a été conçue à travers pactes entre acteurs politiques concurrents. Dans ce cas, ces acteurs concurrents étaient Islamistes et laïcs. Divisés par la discorde idéologique mais incapable de l’emporter les uns contre les autres.

    En Tunisie, les partis islamistes et non islamistes ont coopéré par le biais d’une coalition de gouvernance afin de jeter les bases de sa transition démocratique, y compris des élections et une nouvelle constitution. Ce chemin n’était ni facile ni parfait. Islamistes et laïcs ont dû négocier constamment en pleines tensions et leur alliance a failli s’effondrer plusieurs fois. De plus, les problèmes économiques, les revendications sociales, les problèmes de justice transitionnelle et la corruption ont pesé sur l’Etat tunisien.

    Néanmoins, la Tunisie pourrait bien révéler que le mode de transition politique le plus avantageux en Europe le Moyen-Orient est une démocratie pactée. En tant que tel, il peut être bénéfique intellectuellement de relancer l’étude comparative des pactes et des transitions pactées. Les gains de la Tunisie ont a également produit un fait extraordinaire non mentionné dans les médias arabes. Quand Tunis a accueilli 30ème sommet de la Ligue arabe le mois dernier, c’était la première fois que la Ligue arabe ne s’était jamais réunie auparavant dans une démocratie arabe qui fonctionne.

    (…)

    Tunisie, Algérie et Maroc : pluralisme et leadership

    Ces trois vignettes de la Tunisie, de l’Algérie et du Maroc montrent un fil conducteur. Avant le printemps arabe, ils avaient tous des États de type «jacobin» définis par un degré élevé de centralisation autoritaire. Dans le même temps, ils ont également générés à des frais très limités, un pluralisme qui a été exploité à bon escient. Ainsi, ces vieilles stratégies de survie ne fonctionnent plus. En effet, une question intelligente est de savoir non pas si à grande échelle changements politiques viendraient à se produire, mais quand et comment, ainsi qu’à quel coût en fonction des tendances tunisiennes et algériennes relevées.

    Ma conviction, enracinée dans la singularité maghrébine et sa représentation de la politique arabe au sens large, est que cette démocratisation peut s’accomplir si elle est pactée. La démocratie sera poussée d’en bas, mais doit finalement être façonnée et institutionnalisée par le biais d’un compromis entre acteurs. Il existe de nombreux groupes et forces rivaux qui revendiquent le pouvoir dans les pays du Maghreb. Certains ont été historiquement supprimés, tandis que d’autres sont restés au pouvoir depuis des décennies. En cas de rupture populaire, il appartiendra à ces concurrents de se forger une compréhension mutuelle afin de créer un ordre politique commun.

    Si nous voyons de tels changements positifs catalysés de cette manière, peut-être dans quelques années ne parle pas d’exceptionnalisme maghrébin, ni de singularité maghrébine, mais plutôt de leadership maghrébin pour le monde arabe en termes de caractère démocratique. Et c’est une réalité mérite d’être étudié. »

    Source : Leaders

    Tags : Maroc, Tunisie, Algérie, Hicham Alaoui, Printemps arabe,

  • Maroc : Lalla Salma dévoile le vrai visage du roi Mohammed VI

    Tous les médias sont unanimes : La princesse Lalla Salma a donné une nouvelle image à la monarchie marocaine. Sa beauté, formation, élégance, style et activités sociales ont contribué a effacer l’image d’une monarchie archaïque dont les femmes du roi étaient invisibles et prisonnières dans le palais royal. Lalla Salma était ambassadrice d’honneur de l’Orgnisation Mondiale de la Santé et présidente de la Fondation Lalla Salma pour le cancer.

    Cependant son effacement de la scène publique et médiatique a laissé un goût amer auprés de tous ceux qui l’ont connue et qui avaient parié pour « une nouvelle ère de la monarchie au Maroc ».

    Après les rumeurs sur sa disparition, elle a été de nouveau aperçue le 10 avril dans le centre oncologique de Beni Mellal. Elle n’a pas eu le droit de l’inaugurer malgré qu’elle était derrière sa construction. Elle a juste posé avec le personnel du centre pour démentir les rumeurs sur son assassinat et annoncer qu’elle est bien vivante. Cette visite a été considérée comme une inauguration parce que c’est la première visite que le centre reçoit depuis la fin de ses travaux.

    Pourquoi autant de mystère autour de l’ex-première dame du Maroc ? Pourquoi le palais royal refuse de communiquer sur le sujet ? Pourquoi Salma Bennani n’a pas le droit à une vie libre et sans contraintes ? Autant der questions qui précisent d’une réponse de la part du souverain marocain.

    Au mois de juillet, la version people du journal El Español avait annoncé, citant des sources proches du palais royal, qu’elle était enfermée dans une zone résidentielle de la capitale marocaine après la nouvelle de son divorce.

    L’histoire de Lalla Salma a mis à nu le vrai visage du roi Mohammed VI et a dévoilé la vérité sur la monarchie marocaine : elle n’a pas fait de progrès dans le traitement des femmes et le palais est toujours sous le poids de la tradition médiévale. La modernité et le changement doivent encore attendre de meilleurs jours.

    Tags : Maroc, Mohammed VI, Lalla Salma, Makhzen, palais royal, divorce, monarchie marocaine,

  • L’affaire Ben Barka : Le point de vue des services de renseignement

    NOTE HISTORIQUE N°43 / MAI 2015

    Gérald Arboit

    Aborder l’Affaire Ben Barka du point de vue des services de renseignement revient à délaisser les interrogations et les suspicions de la querelle politicienne, dans laquelle l’Affaire s’est enferrée depuis la pantalonnade des deux procès de 1966 et 1967. De cette analyse, reposant sur l’abondante bibliographie publiée 1 et quelques documents d’archives provenant des services français 2, 1965-II, 1966-I et 1966-II, Paris/Bruxelles, Ministère des Affaires étrangères/Peter Lang, 2004 et 2006 ; Roger Faligot, Pascal Krop (RFPK), La Piscine. Les services secrets français 1944-1984, Paris, Seuil, 1985, p. 390-405 ; Pascal Krop (PK), Les secrets de l’espionnage français de 1870 à nos jours, Paris, Lattès, 1993, p. 798-821 (dans les deux cas, il s’agit de documents provenant du dossier de Marcel Le Roy, colonel du SDECE contraint de démissionner suite à l’Affaire).] et américains 3, Washington, United States Government Printing Office, 1995.], le mystère politique ne sera certainement pas levé. Toutefois, l’Affaire sera rétablie dans son double contexte géopolitique. La disparition du dirigeant révolutionnaire internationaliste El Medhi Ben Barka doit en effet être replacée dans son époque, à savoir le Maroc des lendemains de l’indépendance et de l’accession d’Hassan II au trône. Elle doit aussi l’être en regard du « Grand Jeu » des services de renseignement au milieu des années 1960. Aussi, cette analyse n’entend pas apporter une réponse à la polémique entourant la disparition du responsable politique marocain, mais bien montrer comment les services de renseignement du Royaume chérifien et d’Israël ont pu monter une opération et comment le ministère de l’Intérieur français se servit de la révélation de l’enlèvement de Ben Barka pour mener une opération de déstabilisation à l’encontre du Service de documentation extérieure et de contre-espionnage (SDECE).

    LE RENSEIGNEMENT MAROCAIN ET BEN BARKA

    Pour bien comprendre les ressorts de l’Affaire Ben Barka, il convient de se pencher dans un premier temps sur la structure de renseignement marocaine. Celle-ci est moins héritée de la période du protectorat, comme le suggérerait son nom de Sûreté nationale, que des conceptions personnelles du pouvoir de Mohamed V et surtout de son fils, le futur Hassan II, à qui il laissa la haute main sur les affaires de sécurité nationale (police et armée). Les deux souverains connaissaient la fragilité de la cohésion nationale autour de leur trône et utilisèrent les possibilités offertes par la police et les Forces armées royales, créées le 13 mai 1956, pour contenir les tentations sécessionnistes (opération franco-hispano-marocaine Ecouvillon-Ouragan 4 dans le Sahara espagnol, 1957-1958 ; insurrection du Moyen-Atlas, février 1960) et la guérilla urbaine, comme le Croissant noir (proche du Parti communiste), à laquelle s’ajoutait l’agitation étudiante et syndicale créée par une situation économique et sociale indigente. Pour garantir l’efficacité de sa police, Mohamed V entreprit une radicale politique de « marocanisation », qui se traduit par le renvoi, à compter du 1er juillet 1960, des quelques trois cents policiers français restés à la Sûreté nationale 5. Confiée depuis l’indépendance à Mohamed Laghzaoui, riche homme d’affaires proche de l’Istiqlal (parti nationaliste), la Sûreté nationale dépendait pour administration du ministre de l’Intérieur par le laconique dahir (décret royal) du 16 mai 1956 6. Mais, Laghzaoui, spécialiste des « coups tordus », resta avant tout l’homme-lige du prince héritier. A partir de janvier 1958, il commença à organiser une série de brigades spéciales confiées à des fidèles et dépendant uniquement de son cabinet, d’où leur dénomination de CAB. Véritables polices politiques autant que commandos urbains, ils furent créés en fonction des besoins sécuritaires du moment. Le CAB1 fut ainsi dirigé contre la subversion de la gauche nationaliste, comme l’Union nationale des forces populaire (UNFP), de Ben Barka 7. Sept autres suivirent jusqu’au dahir du 17 juillet 1958, le CAB7 étant chargé des interrogatoires ; selon les canons de la lutte contre-insurrectionnelle développée en Indochine et en Algérie 8, la « Septième » devint l’antre de la torture à laquelle furent soumis les différents opposants au régime alaouite.

    A partir de l’accession d’Hassan II à la plénitude du pouvoir royal, au décès de son père le 26 février 1961, cette structure de sécurité intérieure devint la colonne vertébrale du régime jusqu’en 1972. A compter du 13 juillet 1960, un fidèle parmi les fidèles, son compagnon d’armes au cours d’Ecouvillon-Ouragan, le lieutenant-colonel Mohamed Oufkir remplaça Laghzaoui, tout en gardant les sept CAB créés par son prédécesseur, qui avait jugé prudent d’emmener avec lui leurs personnels 9. Brillant officier « français » – huit citations, deux croix de guerre (1939-1945 et théâtres opérations extérieures) avec palmes et étoiles, officier de la Légion d’honneur (1949) -, Oufkir ne fut versé que le 28 février 1957 seulement dans les Forces armées royales. Toutefois, il navigua à compter du 1er mars 1950 dans les sphères royales. Jusqu’en novembre 1955, cet ancien lieutenant du régiment de marche du 4e régiment de tirailleurs marocains en Indochine fut affecté au cabinet militaire du commandant supérieur des troupes françaises, le général Maurice Duval. Il devint ensuite l’aide-de-camp des derniers résidents généraux, puis de Mohamed V à son retour d’exil 10. Il s’affirma rapidement comme un familier du prince-héritier, au point que l’ambassadeur de France, Alexandre Parodi, nota perfidement que « sa femme [était] la maîtresse du roi. A diverses reprises, on l’a[vait] vu sortir du harem royal. Il fermerait les yeux complaisamment sur son infortune » 11. Homme de confiance d’Hassan II, promu colonel le 1erjanvier 1962, il s’avéra un fidèle exécutant de la volonté royale, à l’image du nationaliste Laghzaoui qu’il remplaçait. Après lui avoir fait suivre un stage dans le renseignement militaire, Oufkir s’entoura du lieutenant de parachutiste Ahmed Dlimi, qu’il avait rencontré au cours d’Ecouvillon-Ouragan. Il confia à ce « Français » la direction du premier CAB 12.

    L’ancien chef de gouvernement Abdallah Ibrahim, donna une vision plutôt juste du mandat et de la latitude de cet officier à la tête de la Sûreté nationale :

    « Oufkir (…) était un homme façonné par l’armée, et dont le cerveau ne fonctionnait que par les vertus de l’armée (…). Il a transformé le Maroc tout entier en centre de renseignement, y compris au sein de l’UNFP. Pas de morale, pas d’éthique. C’est un lourd handicap qui a ouvert la porte à une politique de violence officielle. 13 »

    Par « armée », il fallait d’abord entendre l’armée française. Aussi bien Oufkir que son adjoint Dlimi firent, directement pour l’un, à l’instruction pour l’autre 14.], l’expérience des guerres de la décolonisation et de leurs déviances en termes de maintien de l’ordre 15. S’il n’était pas certain qu’Oufkir eût un rôle actif dans l’opération visant à arrêter les chefs du Front de libération nationale algérien du 22 octobre 1956, ni qu’il fut approché, cinq ans plus tard, par les « Barbouzes » chargées par Roger Frey de lutter contre l’Organisation de l’armée secrète (OAS) en Algérie (novembre 1961-mars 1962), il était clair que le directeur de la Sûreté nationale jouât un rôle dans les missions de « la Main rouge », faux-nez du SDECE et de la DST, au Maroc 16. Cette violence importée se retrouva bien vite inscrite dans un cycle proprement marocain enclenché bien avant son accession à ce poste. La menace intérieure ne fut jamais jugulée, les conjurations se succédant sans que jamais l’on sache si elles étaient avérées ou imaginées (février 1960, juin-juillet 1963 contre l’UNFP ; mars 1965 contre les étudiants et les syndicats), et qui finirent par emporter jusqu’à Oufkir (août-septembre 1972). Entre temps, Hassan II proclama l’état d’exception (7 juin 1965), interrompant pour cinq ans un difficile processus de dialogue politique et social ouvert par son Mémorandum aux partis politiques et aux organisations syndicales (20 avril 1965). Dans ce contexte se produisit l’enlèvement du principal opposant politique qu’était El Medhi Ben Barka. Décidée au printemps par Oufkir, promu général le 6 septembre 1963 et devenu ministre de l’Intérieur le 20 août 1964, cette opération fut confiée au CAB1.

    LE RENSEIGNEMENT ISRAÉLIEN ET BEN BARKA

    Pour mener une telle mission contre un homme qui parcourait le monde entier, les capacités du renseignement chérifien ne suffisaient pas. Les inspecteurs du CAB1 n’avaient d’ailleurs pas réussi à éliminer Ben Barka via un banal accident de la route, le 15 novembre 1962 ; l’opposant principal d’Hassan II s’en tira moyennant la fracture d’une vertèbre cervicale qui nécessita la pose d’un plâtre dans un hôpital allemand. Pour réussir l’enlèvement d’une cible aussi mouvante que médiatisée, il fallait disposer d’un réseau que la brigade spéciale de la Sûreté nationale marocaine n’avait évidemment pas. Ni ses missions de renseignement intérieur, ni la formation de ses personnels n’avaient été prévues pour opérer à l’étranger. Inévitablement, il fallut se tourner vers un service étranger. Mais Oufkir ne pouvait décemment pas demander au SDECE ou à la CIA d’intervenir. Certes, ils bénéficiaient des compétences pour mener à bien la mission, mais ils n’avaient aucun intérêt à le faire, surtout pour la minuscule Sûreté nationale. Pourtant, tous deux s’intéressaient aux activités du dirigeant internationaliste Ben Barka ; le premier le faisait depuis septembre 1959, le plaçant par intermittence pendant la guerre d’Algérie sur la liste des personnes à éliminer 17, tandis que la seconde semblait ne l’avoir découvert que deux ans plus tard à l’occasion d’un colloque florentin 18. Mais, au « grand Jeu » des services, Oufkir n’était qu’un pion permettant à ces deux centrales d’obtenir des informations et des facilités sur le théâtre africain, comme au Congo, contre une simple aide technique, notamment en contre-insurrection. Le « premier flic » du Maroc n’était pas de ceux qui traitaient à égalité avec ces grandes maisons, si tant est que l’on pût traiter ainsi avec elles. Il fallait donc qu’Oufkir trouvât un partenaire à sa hauteur.

    Depuis août 1961, Oufkir avait également succédé à Laghzaoui dans la liaison avec le Ha-Mossad le-Modi’in u-le-Tafkidim Meyuhadim (Institut israélien pour le renseignement et les opérations spéciales). Son prédécesseur l’avait inaugurée à l’occasion de sa volte-face consécutive à l’arrestation d’un agent, Amos Ravel, à Casablanca, aux lendemains de l’indépendance : la découverte des filières d’évasion de la communauté juive marocaine en direction du jeune Etat hébreu avait conduit le directeur de la Sûreté nationale à ordonner la fermeture de la structure d’immigration, Qadimah, et la fin de l’aliya. L’action du représentant britannique de l’Agence juive mondiale, Alexander Easterman, avait permis, le 19 juin 1956, de faire revenir sur sa décision Laghzaoui, vraisemblablement contre une part des sommes versés par l’Agence juive pour chaque émigrant. Ayant mis officiellement fin à l’action de Qadimah (1949-1956), il accompagna l’opération clandestine pilotée par le Misgeret (1956-1961), la nouvelle structure mise en œuvre au sein du Mossad, malgré les vicissitudes de la vie politique marocaine 19. Laghzaoui resta un acteur de la stratégie israélienne, rencontrant dans un premier temps Easterman 20, puis des responsables du Mossad, Jo Golan et Akiva Lewinsky 21.

    Dans le même temps, Easterman, puis un agent personnel des Affaires étrangères israéliennes, André Chouraqui, enfin des agents du Mossad, Yaagov Caroz et Lili Castel, entretinrent une liaison avec Ben Barka ; il s’agissait de trouver une solution au blocage de l’opération du Misgeret consécutif au raidissement marocain. Avant même le renvoi de Laghzaoui, les Israéliens cherchèrent à trouver un interlocuteur dans l’entourage du prince héritier Moulay Hassan. La réussite de cette liaison, en août 1961, marqua également la fin de celle avec Ben Barka, devenu trop instable pour jouer encore un rôle au Maroc 22. Au moment où le Mossad se détachait de lui, en mars 1960, l’ancien président de l’Assemblée consultative se laissa approcher par la Státní Bezpečnost (Sécurité d’Etat, StB) tchécoslovaque. Mieux, le 28 mars, il rencontra à 11 h 30 Caroz, qui ne lui laissa aucune illusion quant au soutien israélien à ses projets, et à 20 h 30, se rendit au dîner auquel le second secrétaire tchécoslovaque, le capitaine du StB Zdeněk Mičke, rencontré une semaine plus tôt au Fouquet’s, l’avait convié 23.

    Instruit de ses contacts avec les Israéliens, Ben Barka va chercher à obtenir la même chose de la part des Tchécoslovaques. Ainsi fait-il aux deux parties, le 28 mars 1960 pour le Mossad 24et entre le 12 mars et le 1er juillet 1961 pour le StB, la même proposition : un soutien financier et un approvisionnement en armes pour ses partisans quand l’heure du soulèvement arriverait. Comme les Israéliens, les Tchécoslovaques lui offrirent de venir visiter leur pays ; il s’y rendit onze fois à compter de septembre 1961. Ils le stipendièrent en outre pour son voyage en Guinée, à la deuxième Conférence de solidarité des peuples afro-asiatiques, où Ben Barka prononça un discours encore très favorable à Israël. Pourtant, s’enferrant dans sa relation avec le StB, il lui offrit des informations sur la France, en provenance du SDECE, du Quai d’Orsay et du ministère des Armées. Dans le langage du renseignement de l’Est, il fut d’abord un verbovka agenta (agent en recrutement), puis devint, à l’issue de son second séjour à Prague, en février 1963, un důvěrným stykem (contact confidentiel). Le changement qui suscita ce déclassement aux yeux du StB tenait au changement de la donne politique marocaine. Ben Barka retourna dans son pays le 15 mai 1962, suspendant ses rapports avec le capitaine Mičke. Lors d’un bref séjour à Prague, en février suivant, il se vit affecter deux nouveaux officiers traitants, Karel Čermák et Jiřího Vančuru, du siège du StB 25. Ben Barka continua encore ses allers-retours vers Prague de juillet 1963 à octobre 1965. Entre temps, il fut notamment invité à remplir une mission de bons offices entre les amis tchécoslovaques et ses amis baasistes en Syrie en mai 1963, mais il ne trouva pas « le moment approprié pour une telle intervention de l’emporter, propos[ant] d’attendre un certain temps » 26.

    Ces activités clandestines de Ben Barka finirent par alarmer les services d’Oufkir, notamment le CAB1. Ou, du moins, les révélations du représentant du Baas syrien à Genève, l’étudiant Atef Danial, à Abdelkrim el Khatib, ministre d’Etat chargé des Affaires africaines, dans la chambre d’un hôtel genevois qu’Oufkir et Dlimi mirent sur écoutes 27. Ben Barka jugea plus prudent de s’exiler le 23 juin 1963, tandis qu’Oufkir lançait une nouvelle série d’arrestations dans les rangs de l’UNFP dans le cadre du « complot de juillet ». Dlimi continua son enquête sur l’ancien président de l’Assemblée constituante et mis à jour les liaisons avec le StB. La Rezidenturatchécoslovaque de Rabat l’apprit le 15 octobre 1963 :

    « Le Maroc [sut] que [Ben Barka] était en Tchécoslovaquie. Dans les milieux de la police, on estim[ait] que le but de sa visite était de discuter du développement de formation et de divers groupes marocains destinés à être déployés sur la frontière Maroc-Algérie 28. »

    Le CAB1 ne se trompait qu’à moitié, puisque Ben Barka ne suivit un stage de formation aux techniques conspiratives qu’à compter du 9 au 17 mars 1965 à Prague 29, Prague, Ústav mezinárodních vztahů, 2009, p. 220-225.]. Une quinzaine plus tard, au Caire, dans le cadre d’un colloque sur la Palestine, il prononça un discours critiquant « le rôle d’Israël en Afrique » 30. Il est peu probable, compte tenu du « besoin d’en savoir » qui régit les relations dans le monde du renseignement, que le Mossad fit part de cette évolution à son homologue marocain.

    Pourtant, le service israélien n’avait pas tardé à établir une liaison avec Oufkir. Comme pour Laghzaoui, son entrée en jeu se concrétisa par l’arrestation de vingt membres du Misgeret, marquant la fin de leur opération, et en inaugura une nouvelle, Yakhin (1961-1966). Mais la liaison avec Oufkir n’intervint qu’en toute fin des démarches d’Easterman et de Golan 31. Et encore se contenta-t-il dans un premier temps que de signer les passeports collectifs et de demander à son ami, le général Ben Aomar Driss, gouverneur de Casablanca, d’en finir avec le rançonnage des émigrants 32. Au cours d’un temps d’observation (1961-1963) équivalent à celui que connut Laghzaoui (1956-1958) avant son premier contact direct, Oufkir fut d’abord mis en relation avec le commissaire divisionnaire de la Sûreté nationale parisienne, Emile Benhamou. Il est difficile de dire si les deux hommes se connaissaient depuis la Seconde Guerre mondiale, comme il est généralement établi, ou si le policier spécialisé dans les affaires financières, né à Tlemcem, rencontra son collègue marocain à propos des trafics de devises entre l’Afrique du Nord et la métropole aux lendemains de la décolonisation. Toujours est-il qu’en février 1963, Behamou organisa un déjeuner entre le directeur de la Sûreté national marocaine et Yaagov Caroz. Suivirent la réception par Hassan II du directeur du Mossad, Meir Amit, accompagné de Caroz et à laquelle assista évidemment Oufkir, à Marakech, en avril, puis une série de rencontres de ce dernier avec son officier traitant, David Shomron, dans les hôtels genevois Beau Rivage et Cornavin 33. Mi-décembre, le chef des opérations du Mossad, Rafi Eitan, et Shomron se rendirent à Rabat pour rencontrer Oufkir. Tandis que Shomron faisait connaissance de Dlimi, Eitan et Oufkir établirent les bases de la coopération entre leurs services respectifs. Dans le contexte de guerre avec l’Algérie, soutenue par l’Egypte nassérienne et Cuba 34, la Sûreté nationale marocaine était demandeuse de formation à la protection de ses ambassades et au renseignement électromagnétique, tandis que le Mossad recevait un accès aux prisonniers égyptiens qui combattaient aux côtés des Algériens. Le service israélien obtint d’ouvrir une station par laquelle transiteraient les renseignements échangés entre les deux partenaires ; Shomron en prit la direction. Cette information fut confiée à Oufkir lors de son premier voyage à Tel Aviv, le 3 janvier suivant, que confirma Hassan II 35.

    Quant le CAB1 comprit que Ben Barka complotait avec le StB, il chercha à le localiser. Mais l’opposant marocain se déplaçait sans cesse, changeant d’identité à chacun de ses voyages entre Alger, où il avait sa résidence, et Le Caire, où il bénéficiait de complicités. De là, il s’évaporait vers des destinations que les compétences du service de renseignement intérieur marocain ne pouvaient identifier. Le 25 mars 1965, au soir des manifestions de Casablanca trop sévèrement réprimées par la police d’Oufkir, un conseil restreint se tint à Rabat en présence d’Hassan II ; outre le souverain et le ministre de l’Intérieur, se seraient trouvés ainsi réunis le directeur-adjoint (Oufkir en était toujours le directeur en titre) de la Sûreté nationale, le commandant Ahmed Dlimi, le chef de la maison royale, le colonel Moulay Hafid, et le directeur général du cabinet royal, Driss M’Hammedi. L’objet de cette conférence fut d’évoquer « le cas Ben Barka » dont le rôle à l’étranger pouvait être plus nocif que s’il était dans le pays 36. Avant de pouvoir l’amener à rentrer, encore fallait-il réussir à savoir où il se trouvait.

    Il fallut donc demander l’aide des Israéliens. Début mai, David Kimche, de l’unité Tevel (Monde), chargée des relations avec les services étrangers, vint à Rabat étudier avec Oufkir les attentes marocaines, puis les deux hommes s’envolèrent pour Tel Aviv, via Rome, afin d’obtenir l’accord de Meir Amit. Rapidement, le Mossad localisa Ben Barka à Genève. La capitale économique helvétique formait la plaque tournante à partir de laquelle le dirigeant de l’UNFP planifiait ses déplacements en Europe et dans le monde ; ses contacts au sein du SDECE, au temps des opérations françaises en Algérie, lui avaient conseillé d’éviter la France. Un kiosque de presse genevois lui servait de boite aux lettres. Mais il s’y faisait réexpédier différents journaux et revues internationaux, dont The Jewish Observer. Le Mossad fit aussi la découverte qu’un autre service surveillait le Marocain et suspendit ses opérations en sa direction. Cette décision signifiait que le service en question était un allié, comme la CIA, avec lequel la Centrale israélienne collaborait depuis octobre 1952 37. En aucun cas, le Mossad n’aurait suspendu sa surveillance s’il s’était agi du StB. Toujours est-il que les agents de la Sûreté nationale marocaine durent remplacer ceux du service israélien pour « planquer » autour du kiosque genevois. En deux semaines, ils retrouvèrent Ben Barka.

    A la fin de l’été 1965, Hassan II prit la résolution d’en finir avec cette question. Lors de sa demande de participation au compromis proposé par le souverain, l’opposant en exil répondit qu’il fallait renvoyer « les opportunistes et les traitres », désavouant l’UNFP autant qu’il courrouçât le souverain. Le roi demanda à Oufkir de conclure un marché avec le Mossad : en échange de son accès à la conférence de la Ligue arabe, qui devait se tenir à Casablanca du 13 au 18 septembre 1965, le service israélien aiderait le CAB1 à mettre la main sur Ben Barka. L’objectif était de lui donner l’alternative entre un poste ministériel, donc un ralliement à la monarchie honnie, et un procès pour trahison, sur la base des informations relatives à ses tractations avec le StB, devant une cour marocaine. Ce marché, courant entre services de renseignement, révélait un changement de sens dans la relation entre le Mossad et la Sûreté nationale marocaine : l’opération Yakhin prenait fin et les transferts financiers se faisaient anecdotiques 38.

    Début septembre, des membres de l’unité Tziporim (unité de recherche opérationnelle), dont Rafi Eitan et Zvi Malkin, se rendirent à Casablanca, que le CAB1 installa, sous bonne garde, au niveau de la mezzanine de l’hôtel accueillant la conférence. Le 12 septembre pourtant, Hassan II se ravisa et ordonna aux agents israéliens d’abandonner le site, craignant qu’ils ne fussent reconnus par leurs confrères de la partie adverse arabe. Le CAB1 utilisa les moyens d’écoute installés par le Mossad et, immédiatement après la conférence, transmit toutes les informations nécessaires, ainsi que le matériel électromagnétique israélien. Dans l’affaire, le service israélien obtint un aperçu de l’état d’esprit des plus grands ennemis d’Israël, notamment que les armées arabes n’étaient pas préparées à une nouvelle guerre. Quant à Nasser, dont le Gihaz al-Mukhabarat al-Amma (Service de renseignement général) détecta la présence israélienne, il eut la preuve de la duplicité marocaine 39…

    La partie du marché en faveur du Mossad ayant été tenue, il fallait que le service israélien tînt sa part. Il n’est pas inutile de voir une relation entre cette responsabilité prise par Meir Amit envers Mohamed Oufkir et le nom que le Premier ministre israélien, Levi Eshkol, qui aimait citer les sources religieuses, donna à l’opération : « Baba Batra » était autant une référence à l’ordre talmudique relatif à la responsabilité individuelle qu’un jeu de mots autour des initiales de Ben Barka. « Baba Batra » prit la forme d’une intoxication. Elle consistait à faire croire à la cible que son conseil et son aide seraient décisifs pour un projet de film sur les mouvements révolutionnaires dans le monde. Depuis cinq ans, le Mossad connaissait la propension insurrectionnelle de celui qui, depuis le printemps, présidait le comité préparatoire de la conférence Tricontinentale, ce qui l’amenait à travailler avec la Dirección de Inteligencia cubaine. La réalisation opérationnelle et le recrutement de l’équipe de cinq membres, dont le service israélien fournissait les passeports, furent laissés à l’initiative marocaine. Le Mossad n’apporta que quelques éléments ciblés. Le premier consista certainement dans celui de crédibilité : un producteur débutant de films 40suisse, Arthur Cohn, collaborateur du Shin Bet, le service israélien de renseignement intérieur, et gendre du ministre israélien de la Justice Moshe Haïm Shapira. Le second fut plus décisif : plutôt qu’une action auprès d’un fonctionnaire de la police fédérale des étrangers, le Mossad fit pression, certainement contre espèces, sur un avocat suisse, évidemment connu de Ben Barka pour lui faire comprendre, le 28 octobre, que « son autorisation de séjour et son visa seraient arrivés à expiration et le fonctionnaire chargé de les renouveler serait parti se reposer en vacances en Israël » 41.

    Le 4 octobre 1965, sans en dévoiler les attendus opératifs, Amit fit part à Eshkol de la nouvelle demande marocaine. Les deux dirigeants se montrèrent dubitatifs quant à la sincérité des Marocains. Leur sentiment sembla être confirmé lorsque le capitaine Dlimi demanda, le 12 octobre, de fausses plaques de voiture et du poison. Treize jours plus tard, Amit se rendit à Rabat pour une visite de routine. Il tenta de dissuader les Marocains de remettre à plus tard l’assassinat prévu, « de sorte que leurs préparations [fussent] plus parfaites. » Mais le chef du CAB1 le surprit en lui annonçant que l’opération était « déjà en cours ». Placé devant le fait accompli, le directeur du Mossad réalisa qu’il ne pouvait plus louvoyer et se devait d’apport un soutien à l’opération 42.

    LE RENSEIGNEMENT FRANÇAIS ET BEN BARKA

    Le CAB1 lança son opération dès le printemps 1965 en dépêchant à la suite de Ben Barka un agent sous couverture. Elle fut même lancée depuis Paris par le ministre de l’Intérieur en personne ; le général Mohamed Oufkir organisa une réunion avec des « amis français », le 21 avril ; neuf jours plus tard, une note du service de la recherche au SDECE ne précisait pas qui ils étaient. Tout juste était-il mentionné son objet :

    « Le général Oufkir, ministre marocain de l’Intérieur, qui est arrivé à Paris le 21 avril a été chargé par le roi du Maroc d’entrer en contact avec Mehdi Ben Barka pour tenter de le convaincre de rentrer au Maroc avec ses compagnons. Hassan II est décidé, en effet, à lever la procédure de contumace pris à l’encontre du leader de l’UNFP » 43.

    Si l’on considère la réunion du 25 mars 1965 à Rabat comme lançant la première phase de l’opération, cette réunion semblait antérieure à la réponse israélienne. Elle correspondait à cette époque où les Marocains pensaient pouvoir retrouver Ben Barka facilement. Aussi Oufkir vint-il à Paris dans un état d’esprit différent de celui avec lequel il se rendait moins de deux mois plus tard à Tel Aviv. Cette fois, la réunion du 21 avril, aux accents informels puisqu’elle se tînt au Crillon, où descendit le ministre de l’Intérieur, se contenta d’obtenir de ses « amis français » l’autorisation de mener une opération dans la capitale. Parmi les « amis » présents, peut-être se trouvait-il son homologue français, Roger Frey, le chef de cabinet de ce dernier, Jacques Aubert, l’avocat Pierre Lemarchand et le directeur général de la Sûreté nationale, Maurice Grimaud ? Outre leur implication précédente dans les opérations barbouzardes contre l’OAS, ces quatre hommes, à diverses étapes de l’opération marocaine, eurent un rôle éminent à jouer. Le premier connaissait son collègue de Rabat depuis qu’ils avaient été présentés peu après son accession à l’Intérieur, le 6 mai 1961 ; certains prétendent que les deux ministres se fréquentaient depuis cette date, le Français se rendant en famille chez le Marocain 44. Le second, directeur de la Sûreté nationale en Algérie (janvier 1960-novembre 1961), puis en métropole (janvier-décembre 1962), eut des relations avec son homologue marocain à l’occasion d’affaires aussi diverses que la prostitution, le trafic de devises et la lutte contre l’OAS. Lutte que coordonna le troisième, à la demande de son ami Frey, rencontré en 1947 au service d’ordre du Rassemblement pour la France (RPF), avant de mettre en musique l’opération dessinée par le Mossad. Ces trois hommes figurent parmi la fine fleur des réseaux de renseignement gaulliste. Grimaud était plus atypique, proche de François Mitterrand. Le 7 janvier 1963, Oufkir lui présenta « son messager », le commissaire El Ghali El Mahi 45.

    Un cinquième homme était un habitué du Crillon et de la famille Oufkir, mais dont le rang social ne permit probablement pas de figurer parmi ces « amis français » du ministre marocain de l’Intérieur : Antoine Lopez. Inspecteur principal d’Air France (1963), il méritait à tout point de vue son surnom de « Savonnette ». Approché par le SDECE lorsqu’il n’était encore que chef de trafic à l’aéroport de Tanger (1953-1956), il devint, peu après sa mutation à Orly, un « honorable correspondant d’infrastructure (HCI) » (1958) du service VII (service de recherche opérationnelle). Cette ascension rapide en disait long sur son entregent pour recueillir des informations brutes, comme en attesta sa progression professionnelle de sous-chef, puis chef du service passages, puis du centre de permanence. Au SDECE, Lopez fut considéré comme une source généralement fiable, c’est-à-dire qu’il était côté B. Courant 1962, il devint « collaborateur » de la brigade mondaine ; il fut traité par Louis Souchon, chef de groupe de la section chargée de la répression des trafics de stupéfiants. Mais ce « combinard-type » 46 cacha bien son changement de légitimité, effectif au début de l’été 1965, pour devenir un agent marocain. Ce processus avait été entamé dès l’époque que Lopez passât à Tanger 47. Le 29 juin 1965, Dlimi lui octroya un laissez-passer du ministère de l’Intérieur marocain 48. Depuis le printemps, il cherchait à se faire détacher d’Air France, où il était sur une voie de garage, vers la direction des relations extérieures de Royal Air Maroc, avec l’appui d’Oufkir et, à Paris, du SDECE 49. Dans l’opération marocaine, le rôle de Lopez fut double. D’une part, il désinforma son officier traitant au SDECE, le colonel Marcel Leroy (Finville), lui distillant suffisamment de données pour pouvoir justifier son rang d’HCI, photographiant les documents de la réunion du Caire de la Tricontinentale, contenus dans la serviette d’un agent marocain le 5 septembre 50, mais omettant les éléments qui auraient permis d’identifier l’opération en cours 51.]. D’autre part, il assura la logistique (hommes du milieu et domiciles privés) de l’opération marocaine en France.

    Si Oufkir mobilisa son réseau de soutien, Dlimi choisit d’envoyer, sous fausse identité, son collaborateur, le jeune commissaire Miloud Tounsi (Larbi Chtouki), infiltrer l’entourage parisien de Ben Barka. Rapidement, courant avril, son choix se porta sur Philippe Bernier, un jeune journaliste autant gauchiste qu’impécunieux. Il figurait peut-être sur les tables du CAB1, tant il s’agissait d’une figure connue au Maroc : outre sa proximité avec l’ancien président de l’Assemblée consultative, il fut producteur-directeur des programmes de Radio Maroc (1954-1956), puis anima un réseau de soutien à la résistance algérienne (1958-1960), avant d’occuper brièvement un poste de chargé de mission à la présidence algérienne (printemps 1962) 52. Soupçonné d’être un agent de la Sécurité militaire algérienne aussi bien que du Mossad, il ne fut qu’un idéaliste, « un journaliste parfaitement intègre » 53 embarqué dans une affaire qui le dépassa. S’il fut choisi initialement pour son contact avec Ben Barka, contre des fonds qui lui permirent de mettre en chantier le n° 0 d’un nouveau magazine destiné à la jeune génération, L’Inter Hebdo, il présenta un nouvel intérêt lorsqu’au début de l’été 1965 le CAB1 dut mettre en œuvre le scénario israélien de film sur les mouvements révolutionnaires dans le monde. En effet, son entreprise éditoriale était adossée sur la Société d’étude de presse L’Inter, 17 rue Joubert, dans le 9e arrondissement parisien ; cette dernière offrit une couverture idéale pour héberger la tentative d’approche de Ben Barka 54.

    La mise en œuvre de l’opération imaginée par les Israéliens commença le 30 août 1965. A cette date, Chtouki se vit délivrer le passeport de service n° 551 par le ministère marocain de l’Intérieur 55. Le lendemain, il arriva à Paris et rencontra Bernier et Lemarchand. Après explication du scénario, l’avocat entreprit de rédiger, sous la dictée de Chtouki, un questionnaire qui servirait à l’interview de Ben Barka, pour la partie du tournage liée au Maroc et aux événements de mars 1965. Puis il invita Bernier à rencontrer un de ses amis de collège, qui avait ses entrées dans le monde du cinéma français, Georges Figon. Omit-il de dire qu’il ne fût qu’un petit délinquant, sorti d’hôpital psychiatrique au printemps, et impliqué dans les trafics de dinars ? Chtouki, et à travers lui, le CAB1, le savait, puisqu’il traitait les truands chargés des « procédés non-orthodoxes », signalés par Lopez à Leroy le 12 mai ; ces procédés ne consistaient en rien d’autre que l’enlèvement. Avec l’opération marocaine, Lemarchand retrouva les échos de ses activités barbouzardes contre l’OAS. Figon fut son intermédiaire avec le milieu interlope qui prit ses quartiers, en attendant Chtouki, à la résidence Niel. Lemarchant intervint également auprès du commissaire des Renseignements généraux de la Préfecture de Police de Paris, Jean Caille, pour faire octroyer un passeport à son « adjoint », celui-ci étant toujours soumis au contrôle judiciaire. Par contre, Figon utilisa les services de l’inspecteur Roger Voitot, adjoint de Souchon à la brigade mondaine, pour remplacer le passeport périmé de Bernier. Ainsi, Chtouki, le journaliste Bernier et le « producteur » Figon purent-ils se rendre au Caire le 2 septembre 1965.

    Le lendemain, le trio rencontra Ben Barka. Il lui soumit le projet de film, au titre évocateur de Basta !, évoqua le cinéaste Georges Franju, très en vue à l’époque pour son réalisme sans concession. Malgré ses multiples occupations, qui l’avaient obligé à repousser les demandes répétées au printemps et à l’été de Moulay Ali, ambassadeur du Maroc à Paris, de revenir au pays, le président du comité préparatoire de la conférence Tricontinentale s’emballa pour ce documentaire. Il accepta de revoir ses promoteurs à Genève, entre deux voyages à travers le monde, le 20 septembre et le 6 octobre suivant. Pour cette dernière réunion, Figon fit le voyage seul. Bernier lui confia une lettre d’introduction à entête de la Société d’étude de presse L’Inter, datée de la veille à Paris, ainsi qu’un contrat, daté de Genève, le jour de la rencontre avec Ben Barka. Une troisième rencontre fut prévue à Paris, en présence du réalisateur. La date fut fixée au 29 octobre, à Paris.

    La veille, apprenant ses difficultés à renouveler son autorisation de séjour en Suisse, Ben Barka joignit le cabinet de Roger Frey pour s’enquérir de deux choses : la présence d’Oufkir à Paris et son libre accès au territoire français. Comme il lui fut assuré que rien ne s’opposait à sa venue en France, l’opposant marocain refusa les mesures de protection qui lui furent offertes 56. S’il est impossible d’identifier le correspondant français – Jacques Aubert ? -, ou d’affirmer que la conversation eut véritablement lieu au ministère de l’Intérieur parisien, et encore moins d’assurer l’authenticité de ce coup de fil, il semble toutefois qu’il s’agît de la seconde partie de la manipulation du Mossad sur l’avocat suisse.

    Pendant que Chtouki, Bernier et Figon appâtaient Ben Barka, le commissaire El Ghali El Mahi vint officiellement s’inscrire à l’Ecole des Hautes études commerciales. En fait, l’« ordonnance » de la famille Oufkir lorsqu’elle prenait ses quartiers à Paris avait une autre mission, celle d’ordonnance de Chtouki, qui ne connaissait pas la capitale française. Il représenta donc ce dernier auprès des truands, abrités à la résidence Niel à compter du 21 septembre. A peine remis de sa stupeur en apercevant Lemarchand accompagnant Figon à l’avion de Genève deux jours plus tôt, Lopez s’imagina que les Marocains étaient en train de le doubler. Son détachement pour Royal Air Maroc était au point mort, malgré les contacts pris par Leroy à Air France, auprès d’Henri Barnier, un ancien du SDECE reconverti chef du cabinet du directeur général de la compagnie nationale, et avec la secrétaire de Roger Frey, Henriette Renaud, au cours d’une réception donnée à l’occasion du mariage de sa fille, en juillet. « Savonnette » connaissait aussi les truands recrutés par Chtouki. Il était même l’interlocuteur privilégié de Georges Boucheseiche, proxénète bien connu des deux côtés de la Méditerranée et ancien de la Gestapo française de la rue Lauriston et du gang des tractions avant. Il partageait leurs doutes quant à la sincérité du CAB1 : il ne s’agissait pas de la mission, bien sûr, mais de la rémunération. Cette question les agita du 10 au 27 octobre, Figon se montrant finalement le plus instable et menaçant d’utiliser ses contacts journalistiques pour déverser sa bile dans les jours qui suivirent 57. Lopez préféra dévoiler l’opération Bernier-Figon à Leroy 58. Il fit de même après l’enlèvement, taisant naturellement son rôle, en téléphonant au chef du service VII… alors qu’il savait qu’il serait absent de chez lui ou de son bureau.

    Si le SDECE fut maintenu consciemment sous embargo, hormis peut-être le directeur de la recherche, le colonel René Bertrand (Jacques Beaumont), il n’en alla pas de même du cabinet du ministre de l’Intérieur. Outre la conversation téléphonique du 28 octobre avec Ben Barka, son implication apparut sous deux aspects. Le premier était le plus connu, toujours au téléphone, à 10 heures et demie, à travers l’autorisation imputée à Jacques Aubert, bien que la voix perçue par l’auditeur fut différente de celle de l’orateur, donnée à Louis Souchon de répondre à la réquisition de Lopez. Le 28 octobre, le « collaborateur » de la brigade mondaine offrit à son officier traitant une tricoche, c’est-à-dire une rémunération pour services rendus à des intérêts privés. Il n’aurait qu’à « interpeller un bic », ainsi que Souchon l’expliqua le lendemain au commissaire-adjoint Lucien Aimé Blanc, responsable du parc automobile de la brigade. Le second aspect est moins connu : du 10 septembre au 25 octobre, le cabinet du ministre de l’Intérieur autorisa le commissaire Gaston Boué-Lahorgue, un ancien des barbouzeries anti-OAS devenu chef de la Brigade de documentation et de recherche criminelle de la Direction générale de la police nationale (DGPN), à mener des écoutes à Paris, en contradiction avec la procédure qui voulait que seule la Préfecture de Police fût compétente dans le ressort de la capitale. La cible était la résidence Niel, un hôtel de rendez-vous assez bien agencé et dirigé par le proxénète parisien Marius Chataignier. Tous les truands sélectionnés par Chtouki et Boucheseiche y résidèrent jusqu’au 23 octobre 59. Ces écoutes signifiaient soit, que Roger Frey se méfiait aussi de Mohamed Oufkir, soit qu’il tenait à anticiper un mauvais coup de ces criminels, armés depuis le 21 septembre. Dans un cas comme dans l’autre, il savait qu’une opération marocaine était en cours et que la structure de soutien était la Préfecture de Police.

    Evidemment, il ne soupçonna pas l’implication du Mossad. Lorsque le décès de Ben Barka fut constaté, le 29 octobre, la panique prit toute l’équipe marocaine, les truands, Chtouki et même Lopez ; ce dernier ne savait que trop quelle était sa responsabilité dans l’affaire, lui qui avait désigné, camouflé derrière d’épaisses lunettes noires et de fausses moustaches, à Souchon et Voitot la personne de Ben Barka sur le trottoir de l’avenue des Champs-Elysées. Après avoir été ramené à Paris, vers 13 h 30 par les deux policiers, Lopez rejoignit Boucheseiche à Fontenay-le-Vicomte. Entre temps, il téléphona à Leroy, laissant un message laconique à son officier-traitant qu’il savait pertinemment en réunion, comme tous les vendredis 60. Ben Barka décédé, il dut regagner Orly pour téléphoner au Maroc, mais à entre 17 h 32 et 17 h 38, il ne toucha que les directeurs de cabinet de Dlimi, le commissaire principal Abdelhaq Achaâchi, et d’Oufkir, Hajj Ben Alem. Le général rappela seulement vers 22 h 30, annonçant son arrivée par l’avion de nuit ; seulement, il dut passer par Fès, pour « rendre compte au patron », c’est-à-dire à Hassan II. Si le décès avait été prévu, il est clair que l’avis du souverain n’aurait pas été nécessaire pour poursuivre l’opération ! Et Dlimi n’aurait pas eu besoin d’abandonner la préparation du déplacement du roi à Alger, pour le sommet afro-asiatique du 1er novembre. Lui aussi annonça tardivement son arrivée avec l’avion du lendemain. Mais l’un et l’autre durent repousser leur venue à la fin d’après-midi et au début de soirée du 30 octobre.

    Dlimi profita de ce délai aérien pour se concerter avec Oufkir et appeler Naftali Keinan, chef de la section Tevel du Mossad. Ils convinrent de se retrouver à Orly, où après quelques propos, ils préférèrent se revoir après l’arrivée d’Oufkir, à la porte de Saint Cloud ; leur rencontre fut surveillée par Eliezer Sharon et Zeev Amit, un cousin du chef de Meir Amit. Là, Dlimi lui indiqua la route pour gagner la maison de Lopez où Ben Barka fut conduit après son enlèvement et où il trouva la mort. Keinan demanda à Emanuel Tadmor, le chef de poste du service israélien à Paris, d’y envoyer en urgence une équipe de quatre personnes (Eliezer Sharon, Zeev Amit, Rafi Eitan et Shalom Baraq) couverte par d’autres agents planqués dans deux voitures diplomatiques, s’occuper de la dépouille. Ils l’enveloppèrent, le mirent dans le coffre de la voiture diplomatique de Baraq et se dirigèrent vers le périphérique pour quitter Paris. Le corps de Ben Barka fut enterré nuitamment dans un bois au nord-est de Paris, en un lieu où les agents du Mossad avaient l’habitude de faire des pique-niques avec leurs familles. Ils versèrent ensuite sur et sous le corps un produit chimique, acheté en petites quantités dans plusieurs pharmacies de Paris, puis versèrent de la chaux et enfin recouvrirent la dépouille. Quelques heures plus tard, la pluie activa les produits chimiques et le corps se dissout. En l’absence de corps, l’enquête n’en serait que plus difficile. Le lendemain matin, à cinq heures, Oufkir, Dlimi et Chtouki quittaient Paris, l’un pour Genève, les autres pour Casablanca. Le 31 octobre, Boucheseiche s’envola à son tour pour Casablanca. Peu après, Lopez rendit compte à Leroy de ces allers et retours, n’en sachant à vrai dire pas plus. Sinon, il tut la mort de Ben Barka, s’évitant de quelconques poursuites ultérieures 61.

    LES SERVICES DE RENSEIGNEMENT ET L’AFFAIRE BEN BARKA

    Dès le 30 octobre au soir, des bruits entourant la disparition de dirigeant de l’UNFP se répandirent dans Rabat 62, alors que l’événement passa presque inaperçu dans les premiers jours à Paris. Toutefois, l’annonce par Europe 1 de la disparition de Ben Barka, à 19 heures, alerta Leroy. Mais il ne put rien faire en raison du long week-end qui s’annonçait. Néanmoins, il nota « mentalement de rappeler au général Jacquier, après les fêtes de Toussaint, le mardi suivant, nos deux rapports des 19 mai et 22 septembre », puis d’en rédiger un nouveau suite à la conversation qu’il aurait avec Lopez 63. Le chef du service VII imaginait déjà avoir été dupé par son HCI. Il en eut le pressentiment dès le 22 septembre, lorsque Lopez lui dévoila l’opération israélienne. Leroy ne dit-il pas à cette occasion à son rédacteur pour les questions arabes, Marcel Chaussée (Marc Desormes) : « Je crois que les Marocains viennent plutôt à Paris pour flinguer (sic) Ben Barka ». Ces propos furent prononcés trois quarts d’heure après que le chef du service VII eût demandé à son subordonné de rédiger une note sur la politique d’Hassan II après les révélations de Lopez 64. Leroy tint-il ces propos d’une conversation qu’il eût, le 22 septembre, avec son supérieur, le colonel Bertrand (Jacques Beaumont) ?

    La question ne fut jamais posée car le SDECE fut emporté dans une vaste « opération d’intoxication » 65. Dès l’annonce de la disparition de Ben Barka, les « amis français » d’Oufkir s’ingénièrent à distiller dans la presse une vérité incriminant le service de renseignement extérieur. Le 3 décembre, l’ambassadeur britannique Cynlais Morgan James, put ainsi noter :

    « Prétendument corrompu, véreux, dépourvu d’une bonne direction ou d’un vrai contrôle, le SDECE va prendre une dérouillée très sévère » 66.

    A ce petit jeu médiatique, ce dernier répondit par le plus grand mutisme, permettant toutes les hypothèses, en premier lieu celle de l’implication du SDECE dans cette disparition. Ce silence extérieur se traduisit à l’intérieur du service dans une note du directeur général, le 3 novembre, prescrivant à son directeur de la recherche – qui répercuta dans les services – de « ne rien faire dans l’histoire Ben Barka (pas d’initiative) » et surtout pas « orienter particulièrement nos sources » 67, en l’occurrence le poste de Rabat. Dans sa dépêche du 3 décembre, Cynlais Morgan James établissait dans cette ville l’élaboration du complot « par le service de sécurité marocain et des représentants régionaux du SDECE. Les deux agents du SDECE ne sembl[ai]ent pas être haut placés »68 ; l’information venait d’une « source sûre », mais rien ne dit que cet ancien officier de renseignement dans la Royal Air Force pendant la Seconde Guerre mondiale ne fut pas également intoxiqué par les mêmes « amis français » du Maroc qui attaquèrent le SDECE. Un fonctionnaire du Foreign Office, lui-aussi ancien officier de renseignement jusqu’en septembre 1956, tenta « de résumer ce que [la diplomatie britannique] sav[ait] de l’affaire Ben Barka ». Il conclut que « mis à part [un] télégramme de Paris (…) et deux lettres de Rabat, nous dépendons d’articles de presse, dont certains sont peu fiables »69. Les télégrammes déclassifiés de la CIA, entre le 2 novembre 1965 et le 1er janvier 1967, relayèrent également, à 77 %, les publications de la presse 70.

    Pour autant, le 3 novembre 1965, Jacquier se méfia-il de ses agents sur le terrain, dont un d’eux, le capitaine Jarry, était très lié à Oufkir 71 ? Ou bien de son responsable géographique Monde arabe (III/A), le colonel Tristan Richard ? Ou encore du colonel René Bertrand (Jacques Beaumont), véritable chef du SDECE et premier recruteur, à Tanger, de Lopez ? Ou bien comprit-il que tout cela fut attaque en règle de la part des parties à cette affaire, aussi bien à la Préfecture de Police qu’au ministère de l’Intérieur, et que la meilleure des positions fût de laisser le réseau marocain du service en état de léthargie afin de voir ce qu’il se passerait ? Le directeur-général du SDECE, le général Paul Jacquier, qui n’était pas un homme du renseignement, ne se prononça jamais sur ses doutes et options. Néanmoins, ces questions s’éclairaient à la lumière du climat régnant au sein du service, au lendemain du long week-end de Toussaint. Comme à chaque fois depuis 1958, les officiers de renseignement, personnels militaires et civils, s’attendirent à une nouvelle purge. Leroy devint bientôt la victime expiatoire idéale. Lui-même chercha vainement à se défausser sur ses subordonnés, réputés proches de l’OAS, comme Marcel Chaussée (Marc Desormes).

    Cette solution à courte vue s’imposa en raison des élections présidentielles qui allaient se dérouler, le général de Gaulle, président sortant n’ayant pas encore annoncé s’il se représentait. Un scandale impliquant la police, et à travers elle l’Etat, ne pouvait être que désastreux pour sa réélection. Qui plus est, ce coup de projecteur sur le service de renseignement permettrait de faire le ménage. D’une part en éliminant la tendance pro-OAS qui rendait cette administration particulière difficilement commandable depuis 1961. D’autre part en réaffectant administrativement le service. Ces grandes décisions furent repoussées à après les élections, tant il était clair que le général de Gaulle fût réélu. Le 18 janvier 1966, Leroy fut suspendu de ses fonctions ; son arrestation et sa mise sous écrou intervint le 10 février suivant. Le lendemain, le Conseil des ministres retira le SDECE à l’autorité du Premier ministre pour la confier au ministre des Armées. Le général Jacquier fut admis à faire valoir ses droits à la retraite. Bertrand resta en place encore quatre ans. Le 10 novembre 1970, suite au soupçon d’être un « agent de l’Est », il fut remplacé furtivement (un an) par le colonel Richard. Le service VII fut supprimé, son personnel et ses fonctions opérationnelles réparties entre les autres services, notamment Action. Pour sa part dépossédé du SDECE, le Premier ministre Georges Pompidou nota que :

    « les chefs de service ne [semblaient] pas avoir couvert le moins du monde leurs subordonnés ; ni le préfet de Police Papon, ni le général Jacquier qui n’étaient pas au courant eux-mêmes ».

    Toutefois, il pointa l’absence de « coopération entre les services. Les polices 72 se détest[aient] ensemble elles détest[aient] les services spéciaux, et ce monde détest[aient] la justice » 73.

    En Israël également, la révélation de la disparition de Ben Barka tourna à l’affaire politique. Les quelques personnes qui connaissaient l’implication du Mossad pensèrent d’abord pouvoir l’éviter. Au fond, le service n’avait offert qu’« une assistance technique minimale », selon un télégramme envoyé de la station parisienne du Mossad à Amit. Le 5 novembre, ce dernier put dire au Premier ministre Eshkol que « les Marocains [avaient] tué Ben Barka. Israël n’avait aucune connexion physique à l’acte en lui-même. » Seulement, cette vision ne fut qu’une description partielle, voir évasive, des évènements. Pour Amit,

    « La situation [était] satisfaisante (…) Si des erreurs [avaient] été faites ici et là, [elles] n’étaient pas dus à l’inattention, mais à l’absence de moyen de prédire ce qui se passerait. Les gens sur le terrain, qui [avaient] travaillé sous la pression du temps et dans les circonstances les plus difficiles, [firent] quelques erreurs, et je prends toute la responsabilité sur moi. Malgré les erreurs, nous sommes encore dans les limites de sécurité que nous nous sommes fixés. »

    Mais Amit oubliait l’histoire interne de son service. Se dressa contre lui son prédécesseur, Isser Harel, connu comme le « père du renseignement israélien », et à ce titre se croyant détenteur de droit sur le Mossad. Surtout, il avait été forcé de quitter son poste suite à un différend avec David Ben Gourion. Consultant pour les affaires de renseignement d’Eshkol, il n’attendait qu’un faux pas d’Amit pour montrer que son successeur n’était pas digne de ses fonctions. La médiatisation internationale de la disparition de Ben Barka en était une et il entendait s’en saisir. Mais, contrairement à ce qui se passa à Paris, le Premier ministre soutint son directeur du service de renseignement. Harel ne démissionna qu’en juin 1966, suivit par son plus grand allié à l’intérieur du Mossad, l’artisan de la liaison avec le Maroc, Yaakov Caroz 74. Aigri par la tournure des événements, il confia à Maxime Ghilan et Schmuel Mohr, tous deux journalistes à Bul (Cible), un magazine semi-pornographique, une documentation présentant l’apport technique du Mossad(appartement de repli, passeports, matériel de maquillage, fausses plaques, poison), mais taisant l’opération de manipulation, même si l’implication d’Arthur Cohn était mentionnée. L’auditeur militaire israélien fit saisir le numéro du 11 décembre 1966 de Bul, mais cinq cents exemplaires avaient déjà quitté le pays. L’article « Des israéliens dans l’affaire Ben Barka » fut publiée dans The New York Times du 19 février 1967, et repris dans Le Monde et France Soir du 22 février suivant.

    L’« opération d’intoxication » toucha également, dès le 2 novembre 1965 75, la CIA qui, comme le SDECE, n’avait rien à voir dans ces événements. « Il n'[était] toujours pas connu au juste de quoi il en retourne exactement, et nous ne voulons pas y être mêlés » fut la réponse que le service américain entendit faire passer par le biais du département d’Etat 76. Mais le désordre qui toucha ces services de renseignement fut aussi l’occasion pour les services de l’Est, guerre froide obligeait, d’exploiter les difficultés de la partie adverse. Dès le 12 novembre 1965, le StB décida de lancer une Opération Départ dont les objectifs étaient d’attirer les soupçons sur le gouvernement américain et la CIA, pour faire croire qu’ils étaient les organisateurs directs du rapt, tout en dénonçant d’une part pour compromettre autant que possible la police, les services de renseignement français et Charles de Gaulle, et d’autre part Hassan II, Oufkir, Dlimi, les cadres du régime, tous présentés comme des « larbins actifs de l’impérialisme » ou des agents de l’espionnage américain. En France, un journaliste du Canard enchaîné (Pipa) contribua à l’opération de déstabilisation du StB 77.

    Bien que du point de vue marocain l’opération fut un ratage total, ni le ministre de l’Intérieur, ni le directeur-adjoint de la Sûreté nationale, ni le chef du CAB1 ne furent ennuyés par l’enquête judiciaire qui se déroulait en France. Dès le 3 novembre, l’ambassadeur marocain à Paris, Moulay Ali, fut remplacé par Laghzaoui. Hassan II optait pour le conflit avec Charles de Gaulle. Quant aux truands, ils furent placés sous surveillance du CAB1. Les inculpations d’Oufkir et de Dlimi restèrent non seulement lettre morte, mais le ministre de l’Intérieur devint l’enjeu des rapports diplomatiques 78 entre les deux pays pour quinze ans. Lorsque le procès des protagonistes français débuta le 5 septembre 1966, le souverain marocain tenta une dernière manœuvre dilatoire : le 19 octobre, le commandant Dlimi se présenta au palais de justice et se constitua prisonnier. Cette « initiative personnelle » lui valut cent vingt jours d’arrêt de rigueur et une promotion au grade de lieutenant-colonel. Interrompu le temps de la nouvelle instruction, le procès reprit le 17 avril 1967. Le 5 juin, Dlimi fut blanchi par la cour d’assise de Paris, tandis qu’Oufkir et les truands furent pour leur part condamnés par défaut à la réclusion à perpétuité. Antoine Lopez et Louis Souchon écopèrent de six et huit ans de réclusion. Leroy fut libéré mais sa carrière dans le renseignement était finie. Quant à Oufkir, son aura grandit dans la population autant que son étoile pâlit aux yeux de son souverain. Il sombra dans la boisson et finit par tenter de renverser Hassan II. Il fut exécuté le 16 août 1972. Quelques heures plus tard, les truands furent éliminés. Dlimi mourut dans un accident le 22 janvier 1983. Ainsi s’acheva, du point de vue du renseignement, l’affaire Ben Barka.

    [52] Roger Muratet, op. cit., p. 169-174.
    [53] Philippe Bernert, op. cit., p. 328.
    [54] World’s Press News and Advertisers’ Review, 18 juin 1965, p. 14 ; Roger Muratet, op. cit., p. 221.
    [55] Bernard Violet, op. cit., p. 153.
    [56] Zakya Daoud, Maâti Monjib, op. cit., p. 347.
    [57] Maurice Buttin, op. cit., p. 239, 282.
    [58] Note VII/1912/R, op. cit..
    [59] Lucien Aimé Blanc, L’indic et le commissaire, Paris, Plon, 2006, p. 242-244.
    [60] Philippe Bernert, op. cit., p. 348.
    [61] Ibid., p. 350-352 ; Ronen Bergman, Shlomo Nakdimon, op. cit. ; Yigal Bin-Nun, « Les agents du Mossad et la mort de Mehdi Ben Barka », La Tribune juive, 1er avril 2015.
    [62] DDF, 1965-II, télegr. N° 3671, 31 octobre 1965.
    [63] RFPK, p. 395-397, et PK, p. 807-809, Leroy à Bertrand, sd.
    [64] Archives privées, M. Chaussée-Desormes, 13 février 1981.
    [65] Philippe Bernert, op. cit., p. 350, 353.
    [66] The National Archives, Kew (TNA), Foreign Office, 371/184006, James à Brown.
    [67] Philippe Bernert, op. cit., p. 368, RFPK, p. 398, et PK, p. 801, Bertrand à Leroy, 3 novembre 1965.
    [68] TNA, op. cit..
    [69] Ibid., 16 novembre 1965.
    [70] FOIA CIA, série 75-00149R.
    [71] Maurice Buttin, op. cit., 434.
    [72] Police judiciaire, DST, RG, Préfecture de Police de Paris.
    [73] Alain Peyrefitte, op. cit., p. 43.
    [74] Ronen Bergman, Shlomo Nakdimon, op. cit. ; Ian Black, Benny Morris, op. cit., p. 204-205.
    [75] FOIA CIA, CIARDP-75-00149R000100360072-6.
    [76] FRUS, p. 179, McCluskey à Ball, 25 janvier et Rusk à Johnson, 12 février 1966.
    [77] AÚZSI, 43802-100.
    [78] Cf. DDF 1965-II, télégr. 2299/2300, Couve de Murville à Gillot, 6 novembre 1965.
    1 Jean-Paul Marec, La ténébreuse affaire Ben Barka. Les grandes affaires de ce temps, Paris, Les Presses noires, 1966 ; François Caviglioli, Ben Barka chez les juges, Paris, La Table ronde de Combat, 1967 ; Roger Muratet, On a tué Ben Barka, Paris, Plon, 1967 ; Daniel Guérin, Les assassins de Ben Barka, dix ans d’enquête, Paris, Guy Gauthier, 1975 et Ben Barka, ses assassins, Paris, Syllepse & Périscope, 1991 ; Bernard Violet, L’affaire Ben Barka, Paris, Fayard, 1991 ; René Gallissot, Jacques Kergoat (dir.), Medhi Ben Barka. De l’indépendance marocaine à la Tricontinentale, Paris, Kerthala/Institut Maghreb-Europe, 1997 ; Zakya Daoud, Maâti Monjib, Ben Barka une vie une mort, Paris, Michalon, 2000 ; Maurice Buttin, Ben Barka, Hassan II, De Gaulle, ce que je sais d’eux, Paris, Karthala, 2010 ; Mohamed Souhaili, L’Affaire Ben Barka et ses Vérités, Paris, La Procure, 2012… ↩

    2 Archives de la Préfecture de Police de Paris, E/A 1390 (articles de presse) et HB3 1-9, Renseignements généraux (1965-1967)* ; Archives nationales, Pierrefitte, 19870623/41-42, dossier de la Section des étrangers et des minorités des Renseignements généraux*, 2003327/2, enquête judiciaire (1965-1967), 19920427/42-44, dossier de la Direction générale de la Police nationale (1965-1967) ; Documents diplomatiques français [DDF ↩

    3 FOIA CIA et David S. Patterson, Nina Davis Howland (Dir.), Foreign Relations of the United States, 1964-1968, XXIV, Africa [FRUS ↩

    4 Service historique de la Défense, Département de l’armée de Terre, Vincennes, 6 Q 32/3. ↩

    5 Ignace Dalle, Les trois rois. La monarchie marocaine de l’indépendance à nos jours, Paris, Fayard, 2004, p. 203. ↩

    6 Juris-classeur marocain, Paris, Editions techniques, 1972, p. 219. ↩

    7 Maurice Buttin, op. cit., p. 68. ↩

    8 Gérald Arboit, Des services secrets pour le France. Du dépôt de la Guerre à la DGSE (1856-2013), Paris, CNRS Editions, 2014, p. 269-274. ↩

    9 Stephen Smith, Oufkir. Un destin marocain, Paris, Calmann-Lévy, 1999, p. 204. ↩

    10 Bureau central des archives administratives militaires, Pau, 134953. ↩

    11 Cité par Ignace Dalle, op. cit.. ↩

    12 Roger Muratet, op. cit., p. 160. ↩

    13 Cité par Ignace Dalle, op. cit., p. 288. ↩

    14 Dlimi était à Pau à l’automne 1956, comme adjoint au commandant de la 1re Compagnie de parachutistes marocains à l’instruction [Jamila Abid-Ismaïl, Calvaire conjugal, Casablanca, Eddif, 2007, p. 53 ↩

    15 Avec les précautions d’usage relatif à tout travail journalistique et éludant les effets sur les forces de sécurité marocaines, cf. Marie-Monique Robin, Escadrons de la mort. L’Ecole française, Paris, la Découverte, 2004. ↩

    16 Maurice Buttin, op. cit., p. 72 ; Gérald Arboit, op. cit., p. 278-279 ; Raymond Aubrac, Où la mémoire s’attarde, Paris, Odile Jacob, 1996, p. 233. ↩

    17 Philippe Bernert, SDECE Service 7. L’extraordinaire histoire du colonel Le Roy-Finville et des clandestins, Paris, Presses de la Cité, 1980, p. 89, 268. ↩

    18 FOIA CIA, 51966ec6993294098d509ff5, note de criblage, 19 mars 1963 ; 51966ec6993294098d509ff5, Ugo Antonio Emanuele Dadone (Desdemone), « « colloquio Mediterraneo » Firenze 3/6 octobre 1958 », p. 14. ↩

    19 Yigal Bin-Nun, « La quête d’un compromis pour l’évacuation des Juifs du Maroc », Pardès, n° 34, 2003/1, p. 75-98. ↩

    20 Archives de l’Etat d’Israël (AEI), Jérusalem, Ministère des Affaires étrangères, 2525/9, Easterman à Goldmann, 1er juillet 1957 ; 4317/10/II, télégr. Shneurson suite à sa conversation avec Easterman, 19 janvier 1958 ; 4318/10/II, Easterman à Laghzaoui, 26 novembre 1958. Cf. Yigal Bin-Nun, « The contribution of World Jewish Organizations to the Establishment of Rights for Jews in Morocco (1956-1961) », Journal of Jewish Modern Studies, n° 9/2, 2010, p. 251-274. ↩

    21 Ibid., 4317/10/II, Levinsky lors d’une rencontre d’agents du Mossad à Paris, 7 novembre 1958. ↩

    22 Ibid., 4319/4/1, rapport de Chouraqui, Chouraqui à Castel et Gazit à Castel, 24 mars 1960. Cf. Yigal Bin-Nun, « Chouraqui diplomate. Débuts des relations secrètes entre le Maroc et Israël », Perspectives, Revue de l’Université hébraïque de Jérusalem, n° 15, 2008, p. 169-204. ↩

    23 Archives de l’Úřad pro zahraniční Styky a Informace (AÚZSI), Prague, 43802-20, rapport de Mičke, 1er avril 1960. ↩

    24 AEI, op. cit., 4319/4/2, Caroz à Gazit, 3 avril 1960 ; 2052/84/2, Verad à Maroz, 13 juillet 1960. ↩

    25 AÚZSI, op. cit., Čermák, 25 février 1963. ↩

    26 Ibid., Rezidentura Rabat, 23 mai 1963. ↩

    27 Ignace Dalle, op. cit., p. 288. ↩

    28 AÚZSI, op. cit., Rezidentura Rabat, 23 octobre 1963. ↩

    29 Petr Zídek, Karel Sieber, Československo a Blízký východ v letech 1948-1989 [La Tchécoslovaquie et le Moyen-Orient, 1948-1989 ↩

    30 Medhi Ben Barka, Ecrits politiques 1957-1965, Paris, Syllepse, 1999, p. 199-218. ↩

    31 Ian Black, Benny Morris, Israel’s Secret Wars. A History of Israel’s Intelligence Services, New-York, Grove Press, 1992, p. 179 ; Yigal Bin-Nun, « La quête d’un compromise…, op. cit., p. 83-95. ↩

    32 Stephen Smith, op. cit., p. 232. ↩

    33 Raouf Oufkir, Les invités, Vingt ans dans les prisons du Roi, Paris, Flammarion/J’ai lu, 2005, p. 370-373, citant Y. Bin-Nun, Les relations secrètes entre le Maroc et Israël, 1955-1967, manuscrit et cycle de conférences au Centre Communautaire de Paris, 2004 ; Yigal Bin-Nun, « Les agents du Mossad et la mort de Mehdi Ben Barka », La Tribune juive, 1er avril 2015. ↩

    34 Cf. Karen Farsoun, Jim Paul, « War in the Sahara: 1963 », Middle East Research and Information Project, n°45, mars 1976, p. 13-16 ; Piero Gleijeses, « Cuba’s First Venture in Africa: Algeria, 1961-1965 », Journal of Latin American Studies, vol. 28, n° 1, février 1996, p. 159-195. ↩

    35 Michel Bar Zohar, Nissim Mishal, Mossad les grandes opérations, Paris, Plon, 2012, p. 178-179 et Ronen Bergman, Shlomo Nakdimon, « The Ghosts of Saint-Germain Forest », Yediot Aharonot, 23 mars 2015. ↩

    36 Ahmed Boukhari, Raisons d’Etats. Tout sur l’affaire Ben Barka et d’autres crimes politiques au Maroc, Casablanca, Maghrébines, 2005, p. 89 [ce livre, bourré d’affabulations, doit être manié avec précautions, malgré des éléments issus des permanenciers du CAB1 toujours classifiés ↩

    37 Ephraim Kahara, « Mossad-CIA Cooperation », International Journal of Intelligence and Counterintelligence, vol. 14, n° 3, 2001, p. 409-420. ↩

    38 Yigal Bin-Nun, « La négociation de l’évacuation en masse des Juifs du Maroc », Shmuel Trigano (dir.), La fin du Judaïsme en terres d’Islam, Paris, Denoël, 2009, p. 357. ↩

    39 Muhammad Hassanein Haykal, كلام في السياسة (Propos politiques), Le Caire, Al-Misriyya linarch, 2001, cité par Abdelhadi Boutaleb, Un demi siècle dans les arcanes du pouvoir, Rabat, Az-Zamen, 2002, p. 274. ↩

    40 Il n’a produit que deux documentaires, Le ciel et la boue (1961) et Paris secret (1965). ↩

    41 Zakya Daoud, Maâti Monjib, op. cit., p. 347. ↩

    42 Ronen Bergman, Shlomo Nakdimon, op. cit.. ↩

    43 Citée par Maurice Buttin, op. cit., p. 230-231. ↩

    44 Ahmed Boukhari, op. cit., p. 103. ↩

    45 Maurice Grimaud, Je ne suis pas né en mai 1968. Souvenirs et carnets (1934-1992), Paris, Tallandier, 2007, p. 270-271. ↩

    46 Roger Muratet, op. cit., p. 163-164. ↩

    47 Cf. les propos d’Ali Benjelloun, in DDF, 1966-1, Beaumarchais, 20 août 1966. ↩

    48 Pièce déclassifiée par la DGSE le 12 novembre 2004, citée par Maurice Buttin, op. cit., p. 407. ↩

    49 Philippe Bernert, op. cit., p. 320-321. ↩

    50 Roger Muratet, op. cit., p. 144-145. ↩

    51 PK, p. 798-800, « Compte rendu de voyage effectué du 8 au 10 mai 1965 », annexé à la note VII/102/010/100 du 17 mai 1965 de Leroy à Richard. Note VII/1912/R du 22 septembre 1965 de Leroy à Bertrand (non publiée) reprise dans RFPK, p. 391-393, note 5140/DG/CAB du 22 décembre 1965 de Jacquier à Zollinger ; Ibid., p. 395-397, Leroy à Bertrand, sd [3 novembre 1965 ↩

    52 Roger Muratet, op. cit., p. 169-174. ↩

    53 Philippe Bernert, op. cit., p. 328. ↩

    54 World’s Press News and Advertisers’ Review, 18 juin 1965, p. 14 ; Roger

    55 Muratet, op. cit., p. 221. ↩

    56 Bernard Violet, op. cit., p. 153. ↩

    57 Zakya Daoud, Maâti Monjib, op. cit., p. 347. ↩

    58 Maurice Buttin, op. cit., p. 239, 282. ↩

    59 Note VII/1912/R, op. cit.. ↩

    59 Lucien Aimé Blanc, L’indic et le commissaire, Paris, Plon, 2006, p. 242-244. ↩

    60 Philippe Bernert, op. cit., p. 348. ↩

    61 Ibid., p. 350-352 ; Ronen Bergman, Shlomo Nakdimon, op. cit. ; Yigal Bin-Nun, « Les agents du Mossad et la mort de Mehdi Ben Barka », La Tribune juive, 1er avril 2015. ↩
    62 DDF, 1965-II, télegr. N° 3671, 31 octobre 1965. ↩

    63 RFPK, p. 395-397, et PK, p. 807-809, Leroy à Bertrand, sd. ↩

    64 Archives privées, M. Chaussée-Desormes, 13 février 1981. ↩

    65 Philippe Bernert, op. cit., p. 350, 353. ↩

    66 The National Archives, Kew (TNA), Foreign Office, 371/184006, James à Brown. ↩

    67 Philippe Bernert, op. cit., p. 368, RFPK, p. 398, et PK, p. 801, Bertrand à Leroy, 3 novembre 1965. ↩

    68 TNA, op. cit.. ↩

    69 Ibid., 16 novembre 1965. ↩

    70 FOIA CIA, série 75-00149R. ↩

    71 Maurice Buttin, op. cit., 434. ↩

    72 Police judiciaire, DST, RG, Préfecture de Police de Paris. ↩

    73 Alain Peyrefitte, op. cit., p. 43. ↩

    74 Ronen Bergman, Shlomo Nakdimon, op. cit. ; Ian Black, Benny Morris, op. cit., p. 204-205. ↩

    75 FOIA CIA, CIARDP-75-00149R000100360072-6. ↩

    76 FRUS, p. 179, McCluskey à Ball, 25 janvier et Rusk à Johnson, 12 février 1966. ↩

    77 AÚZSI, 43802-100. ↩

    78Cf. DDF 1965-II, télégr. 2299/2300, Couve de Murville à Gillot, 6 novembre 1965. ↩

    Source: Centre Français de renseignement

  • Pour l’AFP, le Sahara Occidental ne fait pas partie du Maroc

    Il n’y a que les marocains qui croient à la prétendue souveraineté du Maroc sur le Sahara Occidental. Même l’AFP, l’agence officielle du principal allié de Rabat dans le contentieux sahraoui, refuse de dire que ce territoire appartient au Maroc.

    Dans une dépêche publiée vendredi sur le crash d’un hélicoptère militaire marocain, l’AFP précise que l’accident a eu lieu « au Sahara Occidental sous contrôle de Rabat ».

    Ainsi, 43 ans après l’invasion militaire du Sahara Occidental, aucun pays ni entité internationale ne reconnaît aux marocains un droit quiconque sur l’ancienne colonie espagnole. Une réalité que les citoyens marocains, aveuglés par la propagande noire du régime médiéval de Mohammed VI, refusent d’admettre. Pire encore, le pouvoir peut compter sur leur plein soutien dans sa politique de répression brutale contre la population autochtone. Même ceux qui se disent « démocrates » et de la « gauche ». De la même façon, ils refusent d’admettre que la responsabilité de la fermeture des frontières avec l’Algérie revient aux réactions schizophréniques de Hassan II lors de l’attentat de l’hôtel Hasni de Marrakech en 1994.

    L’aveuglement du peuple marocain et son soutien aux follies aveturières de son régime constituent l’un des principaux obstacles devant la construction du Maghreb. Une autre vérité que les sujets de Mohammed VI ne reconnaîtront jamais.

    Tags : Sahara Occidental, Maroc, Front Polisario, AFP, souveraineté,

  • Maroc : poussé par la panique, Mohammed VI augmente les salaires des fonctionnaires

    Première répercussion de la situation algérienne sur le Maroc. Les sbirs de Mohammedf VI paniquent et décident d’augmenter les salaires des fonctionnaires. Du moins, une augmentation symbolique et étayée sur deux ans à cause de la situation financière catastrophique.

    Cependant, selon certains observateurs, quoi qu’il fasse, le régime du Makhzen a perdu toute crédibilité après avoir épousé la répression tout azimuth et érigé la violence comme réponse à toute revendication sociale.
    Les années de plomb ressucitées par le roi du Maroc ont poussé les rifains à se retrancher dans l’idéal républicain comme seule sortie pour réaliser leur rêve d’améliorer la situation sociale précaire qui ravage la région.

    C’est ainsi que des militants rifains ont annoncé jeudi la création d’une nouvelle entité pour défendre leurs intérêts : Le Congrès des Républicains Rifains.

    La naissance de cette nouvelle organisation vient comme réponse à la vague de répression aveugle qui a été clôturé avec des sentences de 20 ans de prison pour le simple fait d’avoir revendiqué un hôpital et une université.

    L’Emir Abdelkader El Khattabi l’avait clairement dit : « Je le déclare solennellement, mon plus grand désir, mes aspirations les plus élevées tendent vers la paix, et pour arriver à ce résultat, il n’y a qu’un seul moyen logique : l’indépendance du Rif ». Ses descendants en sont maintenant convaincus. Pendant des décennies, les rifains ont tourné le dos à l’idéal indépendantiste de leur leader spirituel. Maintenant, ils payent le prix de cette trahison. Les esprits superstitieux auront tendance à dire qu’il s’agit d’une malédiction du Polisario. D’autres diront qu’ils n’ont que ce qu’ils méritent après avoir traité les sahraouis de « mercenaires » alors que ces derniers ont donné un exemple de courage et détermination dans la défense de leurs droits légitimes contre un régime dont le seul souci est de défendre les intérêts de la France.

    De leur part, les sahraouis diront : « Rira mieux qui rira en dernier ». Alors que les militants rifains croupissent en prison, le Makhzen est obligé à s’asseoir sur la même table que les responsables sahraouis en vue de négocier une solution basée sur le droit à l’autodétermination, un droit interdit aux rifains à cause de leur historique dépantalonnade.

    Tags : Maroc, Makhzen, Rif, Hirak, Sahara Occidental, Congrès des Républicains Rifains,

  • Maroc : Le Makhzen se réjouit de la fermeture du site Algérie Patriotique

    Le site d’information Algérie Patriotique se retire de la toile après sept ans d’existence. Les actionnaires ont décidé, aujourd’hui 24 avril, de fermer le site, en précisant que le pas fatal est franchi pour « éviter un amalgame dangereux qui dénature [ la ] ligne éditoriale ».

    « Les actionnaires d’Algeriepatriotique qui confectionnaient le site avec le précieux concours d’une équipe de professionnels émérites, en faisant leur le principe cardinal du respect de l’intelligence et de l’acuité exceptionnelles des lecteurs et amis du journal, ont décidé que cette riche aventure doit cesser pour que cesse avec elle l’ambiguïté autour de l’indépendance du site. Par cette décision mûrement réfléchie, nous voulons éviter qu’à cette contraction douloureuse que vit notre pays s’ajoute un amalgame dangereux qui dénature notre ligne éditoriale ; lequel amalgame rend absconse la grille de lecture des événements actuels et pourrait servir à entretenir à dessein des thèses contraires aux intérêts de l’Algérie », ont écrit les actionnaires du site dans leur dernier papier mis en ligne ce matin.

    Sans le dire directement, les actionnaires du site veulent éviter que le général Khaled Nezzar soit confondu avec les écrits de ce site d’information du fait que le fils de l’ancien ministre de la défense est l’actionnaire majoritaire. « Une situation nouvelle s’est créée qui veut qu’aujourd’hui la confusion mène à des tiraillements et des manipulations nuisibles pour la stabilité et la sécurité du pays », précise  les actionnaires d’Algérie patriotique.

    Le Makhzen n’a pas résisté à la tentation d‘exprimer sa joie de voir le site Algérie Patriotique fermer boutique. « Un site internet de propagande algérien ferme boutique », écrit Le Desk sur le site algérien qui a attiré le plus de haine des marocains à cause de son soutien ferme à la cause sahraouie et ses nombreux écrits qui mettent à nu les conspirations des services secrets marocains et de leurs mentors français contre les aspirations légitimes des peuples de la région.

    Les lecteurs du site sont conscients du rôle d’avant-garde joué par Algérie Patriotique contre les manœuvres du Maroc visant à déstabiliser l’Algérie dans l’espoir de voir réaliser ses rêves expansionnistes et accomplir les ordres de ses maîtres de l’Elysée.

    « Ainsi vous faites le bonheur du Makhnez », écrit Slimou, alors que Mohamed El Maadi se demande « qui va répondre à ce torchon haineux et marocain qu’est le 360 MAG », un site proche du palais de Mohammed VI et de la DGED.

    Ziad Alami, pour sa part, apporte une « moralité : On pousse à la sortie un site patriotique pour laisser le champ médiatique libre au site Makhnazi TSA-Tout Sauf l’Algérie ».

    Pour M’Hamed Hamrouch, le départ d’AP n’est pas définitif. « Je sais que ce n’est qu’un au-revoir comme je sais aussi que les Patriotes DZ et le peuple du Sahara Occidental vous attendent déjà avec impatience », dit-il.

    « Nous souhaitons un retour rapide de ce site AP qui a toujours été à l’avant-garde du combat de la défense des peuple opprimés et de ceux qui luttent pour leur indépendance comme notre peuple et celui du Sahara Occidental », écrit Le Rifain.

    Les lecteurs du site sont conscients du rôle joué par AP dans la lutte contre les manœuvres du Maroc visant à créer la zizanie ainsi que celle de son principal protecteur, la France, qui l’a poussé à l’aventure saharienne dans le but de faire du Maghreb sa chasse gardée.

    Si beaucoup d’algériens sont tristes de voir AP disparaître, ce n’est pas le cas des marocains en général dont les sentiments envers les voisins sont régulés et synchronisés par la mamchine de propagande du Makhzen.

    Tous les marocains, qu’ils soient makhzéniens ou pas, monarchiques ou pas, de gauche, de droite, du centre, intellectuels, analphabètes, partagent la haine de l’Algérie à cause de sa position contre les velléités expansionnistes de la monarchie alaouite et ses maîtres de Paris. Après avoir offert leur pays, leurs femmes et leurs enfants aux français, ils veulent que l’Algérie et la RASD fassent de même.

    Tags : Algérie, Maroc, Sahara Occidental, Algérie Patriotique, article 102, armée,

  • Algérie – France: Le Maroc pris en flagrant délit d’intox

    Suite à la publication par Maghreb Intelligence d’une information sur une intervention officielle des autorités françaises auprès de leurs homologues algériennes concernant le cas de l’homme d’affaire Issad Rebrab, l’ambassade de la République Française en Algérie dément, dans un communiqué envoyé aux rédactions, toute « demande de renseignements sur les éléments du dossier judiciaire de l’homme d’affaires Issad Rebrab ».

    L’ambassade de la république française à Alger rappelle que la France « respecte la souveraineté de l’Algérie et celle de son peuple ami » et qu’elle ne s’ingère pas dans ses affaires intérieures et qu’elle n’a aucune volonté de le faire.

    Le communiqué de l’ambassade de France en Algérie a poussé Maghreb Online à supprimer la flagrante fake news dont le but était de semer la zizanie dans les relations franco-algériennes dans l’espoir de ralentir le rapprochement entre les deux pays initié par l’ancien président Abdelaziz Bouteflika. Rabat craint que ce rapporchement n’affecte la position de la France sur le conflit du Sahara Occidental. Paris assure les intérêts du Maroc au Conseil de Sécurité lors des débats sur le processus de paix entamé par l’ONU il y plus de 30 ans en vue de régler ce contentieux qui dure depuis plus de 43 ans.

    Le Sahara Occidental étant une « cause sacrée » pour le Maroc, tous les coups sont permis, y compris l’intox.

    Pour rappel, Issad Rebrab est le PDG de la société Cevital et l’une des plus grosses fortunes de l’Algérie. Il a été arrêté dans la nuit du 30 au 31 mars pour « suspicion de fausses déclarations relatives au transfert de capitaux de et vers l’étranger et de surfacturation dans des opérations d’importation de matériel et importation de matériels usagés alors qu’il avait bénéficié des avantages douaniers, fiscaux et bancaires ».

    Les frères Kouninef et Ali Haddad sont d’autres hommes forts du monde algérien des affaires qui ont aussi été arrêtés pour différents motifs.

    Tags : Maroc, Algérie, Sahara Occidental, Front Polisario, France, ONU,

  • Mémoire : Un « Snowden » marocain jette un pavé dans la mare du Makhzen du Maroc

    Derrière un pseudo pas du tout Nord-africain et un compte Twitter, Chris Coleman24 alias « Le Makhzen », distille depuis le 3 octobre, des informations plus que sensibles sur le réseau social à l’oiseau bleu. D’entrée, il marque son appartenance au mouvement de libération du Sahara Occidental en s’abonnant à quelques profils Sahraoui puis se met immédiatement à la tâche.

    Son but, donner le maximum d’informations sur le Makhzen marocain, le plus rapidement possible, car, selon son aveu même, Twitter (https://twitter.com/chris_coleman24) risque de se plier aux pressions de Rabat et fermer son compte, comme ce fut le cas sur Facebook et Gmail.

    Une semaine après, c’est un flot continu de documents secrets, de correspondances bancaires et de fac-similés de pièces d’identités qui défilent. Avec une thématique centrale : quelles méthodes adoptent les services marocains (DGED) pour acheter des journalistes internationaux et même monter de faux sites internet d’information algériens.

    Avis de transfert de 60 000 dollars au profit du journaliste Richard Miniter
    Ce n’est donc pas de la « diplomatie de la Mamounia » qu’il s’agit, mais de véritables opérations de guerre psychologiques et de déstabilisation à l’encontre du voisin de l’Est. Des exemples ? Coleman en fournit plusieurs : les virements de plusieurs dizaines de milliers de dollars à un certain Ahmed Charai, patron de presse, et au Think Tank Républicain Center for the National Interest. Puis 10 000 dollars pour une supposée insertion publicitaire au profit d’une ONG spécialisée dans la résolution pacifique des conflits, 25 000 pour le think tank FPRI et des sommes aussi importantes au profit de titres de presse américains et britanniques. Mieux, un journaliste du New York Post est accusé, avis de virement à l’appui, d’avoir touché 60 000 dollars pour des articles anti-algériens et faisant le lien entre le Polisario et Al Qaida. (Lien de l’article publié par le journaliste Richard Miniter en 2010 dans le New-York Post et présentant les camps de réfugiés sahraouis de Tindouf comme un bastion d’Al Qaida.

    Lettre de Laurent Fabius adressée au ministre Marocain des Affaires étrangères, Salahddine Mezouar. (Document non-authentifié)
    Certaines correspondances mises en ligne sur ce compte indiquent un lien entre les services secrets marocains et le site d’opposition ************, dont la totalité de l’effectif proviendrait des rangs du Makhzen.

    Sur un plan plus interne, Chris Coleman montre la collusion entre Salaheddine Mezouar, le ministre des Affaires Etrangères et secrétaire général du Rassemblement National des Indépendants et le bureau de consulting McKinsey. Ce dernier a été chargé par Mezouar de réaliser une étude sur la relance de l’économie marocaine. Coleman utilisera le terme de « trafic d’influence » car la fille du chef de la diplomatie marocaine est employée de ladite entreprise.

    Pour le moment, les personnes incriminées par ce corbeau numérique bottent en touche, crient au faux ou pointent du doigt pour ainsi dire « la main de l’étranger ». Ahmed Charai, à travers les colonnes de son journal L’Observateur, en appelle même aux Hackers marocains pour détruire le compte Twitter en question et effacer toutes traces du forfait.

    Kamel Abdelhamid

    impact24info, 19 oct 2014

    Tags : Maroc, Makhzen, Chris Coleman, hacker, piratem informatique,

  • Ahmed Dlimi : l’homme des basses besognes de Hassan II

    A la mort du général Oufkir, Ahmed Dlimi est le personnage le plus puissant du pays après Hassan II. Il devient le patron de l’armée mais aussi le responsable des services de sécurité et l’homme de toutes les missions secrètes. Enquête sur le mystère Dlimi.

    par Hicham Bennani

    «Dlimi est un Machiavel doublé d’un Richelieu version moderne». C’est ainsi que le qualifie le commandant Mahjoub Tobji qui a été sous ses ordres de 1980 à 1983, dans son livre Les officiers de Sa Majesté. Homme fort des années 1970, Ahmed Dlimi a été un acteur et un témoin essentiel des années de plomb. «Ses adversaires politiques voient parfois en lui un homme plus redoutable qu’Oufkir, un technicien des interrogatoires poussés qui n’hésite pas à opérer lui-même et en éprouve du plaisir», pouvait-on lire dans les colonnes du journal Le Monde en 1966. Excellent tireur, d’un calme intrigant, «il explose en colères brusques et assez terrifiantes», ajoutait le quotidien français. Dlimi est également le dernier militaire qui avait la confiance de Hassan II. Beaucoup pensent qu’il était l’oreille des services secrets français et britanniques. Ou encore qu’il collaborait avec le Mossad israélien. Ami du prince Moulay Abdallah, homme à tout faire de l’ancien monarque et diplomate à ses heures, Ahmed Dlimi ne parlait pas des gens en bien ou en mal. Discret, il était connu pour être l’homme des basses besognes. Bon vivant et amateur de femmes, fan de Jil Jilala, il a amassé une des plus importantes fortunes du pays. Au sommet de sa réussite, Dlimi avait donc tout pour lui. Est-ce pour cela qu’il est mort dans des circonstances douteuses ? Au même titre que la disparition de Mehdi Ben Barka en octobre 1965, la mort de ce haut gradé demeure une véritable énigme. Pourquoi le cas Dlimi n’a-t-il pas fait l’objet de plus d’intérêt ?

    Le livre de Tobji est à ce jour le seul ouvrage qui souligne suffisamment l’importance du rôle de Dlimi sous le règne de Hassan II. Et pourtant, Tobji n’est pas un historien, mais un ancien militaire, victime, de surcroît, de la toute-puissance de son supérieur hiérarchique. Tous les autres documents de référence qui s’attardent sur les hommes-clés de l’ère hassanienne se focalisent surtout sur l’opposant Mehdi Ben Barka, le général Mohamed Oufkir et le ministre de l’Intérieur Driss Basri.

    Aucun livre n’insiste sur le parcours de Dlimi qui a été l’homme le plus important du Maroc (après le roi) après la mort d’Oufkir.

    Le journaliste Ignace Dalle, qui s’est intéressé de près à l’histoire politique du royaume, voit en Dlimi un personnage sulfureux. «Il est mort officiellement d’un “accident de voiture” et a eu des funérailles officielles.

    Mais tout porte à croire qu’il complotait contre la monarchie et qu’il a été liquidé. Difficile d’écrire sur un personnage aussi mystérieux, aussi brutal et cruel que secret».

    En dehors du Maroc, et notamment en France où Oufkir a toujours eu des admirateurs pour avoir combattu avec «héroïsme» en Indochine en tant qu’officier de l’armée française, Dlimi n’a jamais intéressé grand monde parce que ses faits d’armes se sont pour l’essentiel limités à torturer et à réprimer ses compatriotes, conclut Ignace Dalle.

    L’EXECUTANT DU MAKHZEN

    Militaire pure souche, Ahmed Dlimi a patiemment gravi les échelons du pouvoir pendant trente années, pour devenir, à la mort d’Oufkir, le bras droit de Hassan II. Portrait d’une icône des années de plomb restée longtemps dans l’ombre.

    Ahmed Dlimi voit le jour dans un milieu modeste en 1931 à Sidi Kacem, dans le Gharb. Il est issu de la tribu arabe Ouled Dlim qui est originaire du Sahara. Après des études au lycée Moulay Youssef de Rabat, il se lance, dès l’âge de vingt ans, dans une carrière militaire. En 1953, il devient major de sa promotion à l’académie militaire Dar El Beida de Meknès. Il connaît en 1958 une première union avec la fille de Messaoud Chiguer, ancien ministre de l’Intérieur. Cette même année, le Lieutenant Dlimi répudie sa femme et épouse en secondes noces Zahra Bousselham, fille du chef des services secrets. Mécontent de cette attitude, Mohammed V l’expédie aussitôt en garnison à Fès. Il ne revient sur le devant de la scène qu’à l’intronisation de Hassan II en 1961. Après un bref passage aux renseignements militaires, il prend la tête du Cab1, spécialisé dans la sécurité de l’Etat et connu pour ses pratiques moyenâgeuses. Appréciant son côté fonceur, Mohamed Oufkir le prend sous son aile, aussi bien dans le travail que dans la vie privée. Début 1959, Dlimi participe à la sanglante répression menée par le général Oufkir contre la révolte dans le Rif et à l’écrasement de l’Armée de libération du Sud. Alors directeur général de la Sûreté nationale, Oufkir en fait son adjoint trois ans plus tard, grâce à ses bons et loyaux services. A cette époque, Dlimi obéit au doigt et à l’œil à Oufkir. La torture fait partie du système de gouvernement. Le 13 juin 1963, il capture l’opposant Moumen Diouri avec une centaine de gendarmes. Diouri sera ensuite emmené à Dar El Mokri pour y être torturé comme beaucoup d’autres opposants du régime. L’affaire Mehdi Ben Barka, membre dirigeant de l’UNFP, est le premier événement qui propulse Dlimi sous le feu des projecteurs.

    Notre ami Dlimi

    Dans la soirée du 29 octobre 1965, jour de l’enlèvement de Ben Barka, Boucheseiche et Lopez, deux malfrats qui ont conduit le leader de l’opposition dans une villa de Fontenay-le-Vicomte, tentent en vain de joindre Oufkir et Dlimi. Ce dernier se trouve à Alger où il prépare la participation du roi au Sommet afro-asiatique qui a lieu le 1er novembre. Le commandant Dlimi atterrit finalement à Orly à 14h30, soit trois heures avant Oufkir et vingt-neuf heures après le kidnapping de Ben Barka. Le 31 octobre, à 9h35, soit une heure et demie après Oufkir, Dlimi embarque pour Casablanca. Il aura passé dix-neuf heures en France contre quatorze pour son supérieur. Les versions concernant la culpabilité de Dlimi dans cette affaire abondent. La dernière émane du journaliste israélien Shmouel Seguev qui raconte que «Ben Barka était encore en vie le 1er novembre… Dlimi ne voulait pas le tuer, mais lui faire avouer son intention de renverser le roi Hassan II», dans une interview accordée à l’AFP au moment de la parution de son livre Le lien marocain. «Ben Barka avait les chevilles entravées et les mains nouées dans le dos. Dlimi lui a plongé la tête dans un bac rempli d’eau. A un moment donné, il a pressé trop fort sur ses jugulaires, l’étranglant ainsi à mort», poursuit Seguev. Ce dernier affirme enfin que Dlimi aurait été informé par le Mossad des activités de Ben Barka.

    Le premier procès ouvert dans les assises de la Seine a lieu le 19 octobre 1966. Il est interrompu par un coup de théâtre : Dlimi se constitue prisonnier et déclare au roi dans une lettre : «Mon pays voit son nom injurié, blasphémé, traîné dans la boue. Et cela à cause de moi. Dans le but de mettre un terme à toutes ces infamies et laver l’honneur de mon pays et le mien, j’ai décidé de me présenter devant la cour. Je supplie Votre Majesté de ne point me tenir rigueur du fait de ne l’avoir point consulté au préalable. Connaissant les sentiments paternels que me porte Votre Majesté, je suis sûr qu’elle m’aurait empêché de me rendre à Paris». Après cet épisode, Hassan II infligea symboliquement cent vingt jours d’arrêt de rigueur à Dlimi pour ­­être parti sans autorisation. Mais pour lui montrer sa reconnaissance, il le nomme colonel. Le 5 juin 1967, Dlimi est finalement acquitté alors que les mêmes charges avaient été retenues contre Oufkir. «En accablant Oufkir, la justice sauvait les apparences de l’honneur, en acquittant Dlimi, elle préservait l’avenir des relations franco-marocaines», analyse le journaliste Gilles Perrault dans Notre Ami le Roi. Dlimi est alors nommé gouverneur, sans affectation au ministère de l’Intérieur. Puis directeur du cabinet militaire de Hassan II. C’est à ce moment-là qu’en fin stratège il prend de plus en plus la place d’Oufkir. Tant qu’il est dans son ombre, Dlimi est très respectueux et protecteur avec le ministre de l’Intérieur. Avec sa femme, il fait partie de la famille Oufkir. En 1970, Dlimi est désigné chef de la Sûreté nationale. «De 1966 à 1970, Hassan II lâche la bride à Oufkir… ce dernier, ministre de l’Intérieur est aussi directeur de la Sûreté nationale, mais dans les faits, c’est son adjoint Dlimi, lequel ne répond que du roi», souligne Raouf Oufkir dans Les Invités.

    Le double jeu

    Le 9 juillet 1971, la tentative de coup d’Etat contre Hassan II éclate à Skhirat. Pendant la fusillade, le Colonel Dlimi, qui fait partie des proches du roi, est étrangement impuissant. Par chance, il réussit tout de même à appeler des renforts par téléphone. Mais les deux compagnies mobiles d’intervention qui lui obéissent sont vite éliminées par les assaillants. Au lendemain du putsch, dont il sort miraculeusement indemne, Hassan II fait d’Oufkir son ministre de la Défense et chef d’état major de l’armée. Dlimi prend également du galon puisqu’il est confirmé dans son poste mais ne dépend plus que d’une seule personne : le roi. «Mais trop de fils invisibles le relient à son ancien protégé pour qu’il dispose à son égard d’une réelle liberté d’action», explique le journaliste Stephen Smith dans Oufkir, un destin marocain. Plutôt que de l’affronter directement, il le dépouille de son autorité. Tout le personnel mis à la porte par le ministre de la Défense est recruté par Dlimi. Oufkir est de plus en plus isolé. Les incessantes disputes entre leurs deux épouses n’arrangent pas la donne. «Cette pauvre parvenue voulait me faire sentir que Dlimi n’était peut-être pas aussi puissant qu’Oufkir, mais peut-être bien plus riche», déclarera Fatima Oufkir des années après. En janvier 1972, l’opposant au régime Abraham Serfaty est arrêté. Il sera relâché un mois plus tard sous la pression de manifestations d’étudiants. En mars de cette même année, Maurice Serfaty, fils d’Abraham, est arrêté par les hommes de Dlimi, ce qui entraîne la colère d’Oufkir, car ses enfants sont des amis de Maurice. «C’est de la routine, mon Général, on veut juste savoir où est son père, tous deux sont des ennemis de la monarchie, je ne fais qu’exécuter les ordres du roi», lui rétorque Dlimi. Calme et ferme, Oufkir profite encore de son statut : «Je te donne l’ordre de le relâcher immédiatement. Quant à Sa Majesté, je m’en charge». Cette période est marquée par un bras de fer de plus en plus tendu entre Dlimi et Oufkir. Le 16 août 1972, un Boeing royal qui revenait d’Europe avec à son bord le roi est attaqué par quatre F5 de l’armée de l’air marocaine. Ils échappent miraculeusement aux tirs aériens et atterrissent en catastrophe sur le tarmac de l’aéroport de Salé. En fin d’après-midi, le Colonel Dlimi, qui se trouvait dans l’avion, reçoit au côté de Hassan II les membres du gouvernement et les officiers. Ils croisent Hassan Lyoussi, chef d’état-major de l’armée de l’air. Dlimi veut l’abattre mais Hassan II l’en dissuade. Bien que condamnant les événements, Oufkir n’affronte pas les deux hommes. Le cortège du monarque quitte ensuite l’aéroport. Il ne comprend que cinq fidèles dont Dlimi. Dans la même journée, vers minuit, Oufkir se rend au palais de Skhirat où Dlimi et le général Moulay Hafid l’attendent. Il est tué le soir même. Pour l’épouse d’Oufkir, c’est Dlimi qui l’aurait assassiné. Mais pour sa fille Malika, Dlimi n’aurait pas eu besoin de tirer cinq fois, puisqu’il était excellent tireur. Le 25 novembre 1972, Jeune Afrique publie les propos du colonel Amokrane devant le tribunal militaire de Kénitra : «Les chefs de l’armée comme Sefrioui et Dlimi devaient siéger au conseil national de régence», avoue cet aviateur ayant attaqué le Boeing. Dlimi ne se souciera point du devenir de la famille Oufkir.

    L’enfant du sérail

    La disparition d’Oufkir hisse Dlimi au coeur du sérail. Il fonde la DGED (Direction Générale des Etudes et de la Documentation) en 1973. Opportuniste, il récupère tous les dossiers d’Oufkir et les perfectionne pour diriger l’Etat d’une main de fer. Il détient alors toutes les manettes du pouvoir. Incontournable, il contrôle le ministère de l’Intérieur, la gendarmerie et tous les départements liés au renseignement. Dlimi et ses hommes passent même au peigne fin tout ce qui concerne l’entourage royal : chambellans, gardes du corps et même les standardistes du roi ! «Avec Dlimi, le choix était restreint. Ou l’on était avec lui, ou l’on disparaissait : au minimum de l’entourage du monarque, au maximum de manière définitive», témoigne le commandant Mahjoub Tobji. Tout le gouvernement devait lui obéir. Sur le plan international, Dlimi envoie des armes, des munitions et des hommes dans plusieurs pays d’Afrique. Beaucoup de caporaux comme Benayech ou Skirej courbent l’échine devant lui. A titre d’anecdote, Dlimi envoie Skirej au Sahara pour le sanctionner. «Si Skirej boitait à vue d’oeil c’est parce qu’au début des années 1960, après avoir transmis un dossier confidentiel à Ben Barka, on lui aurait tiré dessus dans la rue sur ordre de Dlimi», rapporte un témoin de l’époque encore en vie.
    Durant la guerre du Kippour (octobre 1973), Hassan II envoie Dlimi à plusieurs reprises en Syrie afin de contrôler les soldats marocains. Il commande officiellement la zone sud de novembre 1975 à mai 1976 et de mars 1980 jusqu’à sa mort. Le roi le charge de la protection militaire du Sahara contre les incursions de l’armée algérienne sous couvert du Polisario. «Dlimi a libéré le Sud en 1975 lors de la Marche verte. Celle-ci s’est arrêtée après que quelques hommes eurent franchi symboliquement la frontière. Ce sont Dlimi et ses hommes qui sont rentrés les premiers dans ce territoire», écrit Tobji, alors aide de camp de Dlimi. On retient aussi la construction du «mur de sable» sur une cinquantaine de kilomètres en 1980 qui comptait un poste marocain tous les 20 à 30 kilomètres pour sécuriser la région. Dlimi se déplace régulièrement à Genève pour s’entretenir avec les militaires algériens. D’après Tobji, il avait, dans sa ferme de Sidi Kacem, un émetteur-récepteur qui lui permettait de communiquer avec l’état-major algérien. L’enfant du sérail finit par devenir général. Ses ambitions ne cessent de grandir. Il projettera même, deux ans plus tard, d’évacuer le pétrole saoudien par pipe-line jusqu’au Maroc. Plus que jamais sûr de lui, il se permet même le luxe de ne pas toujours répondre aux appels du roi. Alors qu’il est à Laâyoune, les émeutes de juin 1981 éclatent à Casablanca. Contacté par Hassan II, il met du temps à se rendre sur les lieux. Selon Tobji, il n’était pas impliqué dans la sanglante répression de ces manifestations populaires.

    Le 25 janvier 1983, après avoir été reçu par Hassan II au palais de Marrakech, «le général Ahmed Dlimi est mort dans un accident de circulation contre un camion dont le chauffeur a pris la fuite», annonce la télévision. Une version contestée en long et en large. Mijotait-il un attentat ou était-il tout simplement trop puissant ? Au lendemain de sa mort, Hassan II présente ses condoléances à la famille du défunt. Contrairement aux Oufkir, les membres de la famille Dlimi ne seront jamais inquiétés.

    LA MORT DE DLIMI

    Officiellement, Ahmed Dlimi se rendait à sa villa de la Palmeraie de Marrakech lorsqu’il a été percuté par un camion. La route qui le conduisait à sa demeure était étroite et peu fréquentée. Au même titre que la mort d’Oufkir, l’accident de voiture de Dlimi reste un mystère. Plusieurs thèses, basées sur la préparation d’un coup d’Etat, pourraient expliquer la disparition soudaine du Général. Selon un article d’Ignacio Ramonet, spécialiste en stratégie internationale, publié en 1984 dans Le Monde diplomatique, Dlimi concoctait avant sa mort un coup d’Etat afin de se rapprocher des Sahraouis. Dlimi fut questionné et tué au palais de Marrakech, puis placé dans une voiture pleine d’explosifs. Autres versions, avancées dans le livre de Gilles Perrault : voyant un rapprochement entre le roi et l’Algérie, Dlimi aurait décidé de l’éliminer pour éviter tout «bradage» du Sahara. Ou au contraire, il aurait peut-être envisagé de négocier lui-même avec les algériens face au positionnement trop fort de Hassan II. Mais pour Mahjoub Tobji, «la thèse selon laquelle Dlimi voulait se débarrasser de Hassan II ne repose sur rien de sérieux… Son coup d’Etat, je le dis et l’affirme, Ahmed Dlimi l’a réussi en 1976 en mettant l’armée sous sa coupe». L’ancien aide de camp de Dlimi explique que même si le Général ne lui confiait pas tout, il ne lui aurait jamais caché qu’il montait un coup d’Etat. Il ajoute que Hassan II a conforté la thèse de l’accident et n’a pas touché un cheveu de la famille Dlimi, ce qui est «une preuve supplémentaire que Dlimi a été liquidé à cause de différends d’ordre privé». La mort de Dlimi a été suivie, quelques heures après, de la visite dans la même ville du Président François Mitterrand. Etrange coïncidence.

    LES HOMMES DE DLIMI

    Basri, l’élève

    «Dlimi ne fut pas un traître, absolument pas. C’était un patriote. Un patriote jusqu’au bout», déclarait à Jeune Afrique Driss Basri au lendemain de la mort de Dlimi. Chef de cabinet de Dlimi au début des années 1960, il est nommé secrétaire d’Etat à l’Intérieur dans les années 1970. Dlimi avait ainsi convaincu Hassan II de ne pas confier l’Intérieur à un militaire. Tout comme Dlimi, qui a longtemps attendu son heure de gloire dans l’ombre d’Oufkir, Basri est devenu l’homme fort de Hassan II après la mort de Dlimi.

    Médiouri, le bodyguard

    «Na’am, sidi». En bon serviteur, Mohamed Médiouri s’adressait ainsi à Dlimi. Après le coup d’Etat manqué contre le Boeing de Hassan II, en 1972, Dlimi, alors nouveau bras droit du roi, cherche une personne pour protéger ce dernier. Il fait appel à Médiouri, membre des Compagnies mobiles d’intervention. Médiouri devient ensuite chef de la protection royale. Dix années après sa nomination, il est le plus haut gradé de la police. Il demeurera le plus fidèle garde du corps de l’ancien monarque.

    Benslimane, le dinosaure

    Il était sous les ordres de Dlimi au Cab1 le jour de l’enlèvement de Mehdi Ben Barka. A la mort de Dlimi, il gère le pays avec Basri. Plus que tous les autres dirigeants, il a su rester le plus discret possible pour ne pas être écarté. Le départ de Basri en 1999 lui ouvrira encore davantage la voie du pouvoir. Il est tour à tour Commandant des Compagnies mobiles d’intervention, haut commissaire de la jeunesse et des sports, ministre des PTT, directeur de la Sûreté nationale et, enfin, commandant de la Gendarmerie.

    Transcription de l’émission ‘Dimanche magazine’ du 23/01/1983 Intitulée ‘L’ombre du roi’ sur Antenne 2

    Auteurs : Paul Nahon et Jean-Louis Saporito

    D : Dlimi

    J : commentaires du journaliste

    N : Nahon en interview (à aucun moment on ne le voit)

    Agadir au sud du Maroc, sur une base militaire.

    J : Voici le personnage le plus puissant du pays. Il ne s’est jamais laissé filmer, n’a jamais donné d’interview. C’est le patron de l’armée mais aussi le responsable des services de sécurité et l’homme de toutes les missions secrètes.

    Base militaire, Agadir Coucher de soleil Plusieurs avions sont stationnés sur le tarmac

    Dlimi et ses officiers présents

    J : Cet homme c’est le Général Dlimi. Mais pour mieux comprendre l’irrésistible ascension de ce militaire, il faut remonter 17 ans en arrière. L’affaire Ben Barka : le lieutenant Dlimi est mêlé aux côtés du Général Oufkir à l’enlèvement sur le territoire français du leader marocain. Il a accepté de parler pour la première fois de cet épisode douloureux des relations franco-marocaines.

    Dlimi assis répond aux questions du journaliste

    Sous titre expliquant l’identité de l’interviewé ‘Général Dlimi, Chef des aides de camps du roi du Maroc’

    Dlimi se promène dans le grand jardin d’une résidence (probablement la sienne)

    D : Cette affaire m’a déjà coûté assez cher puisque j’ai passé huit mois en tant que euh… pensionnaire de la Santé à Paris, et que euh, heureusement, à la suite euh d’un procès public euh à Paris, en cours d’assises, euh j’ai été totalement blanchi et acquitté par la justice française. Euh… (Silence) Cette affaire malheureusement a été trop exploitée à mon avis. (Silence) et euh… personnellement comme je l’ai dit – parce que cette affaire avait éclaté lorsque je me suis retrouvé à Paris – dans le box des accusés, j’étais l’un de ceux qui regrettaient la disparition de Mehdi ben Barka. Air affecté quand il évoque Ben Barka

    Parce que d’abord c’était un Marocain, c’était un Marocain prestigieux, c’était un nationaliste, un patriote… euh personnellement je l’avais très très peu connu mais que je déplorais réellement, non pas seulement sa disparition mais sa disparition pour le Maroc, parce que c’était un élément qui pouvait apporter beaucoup de choses euh à son pays.

    Dlimi passe en revue des troupes sur une base militaire

    J : Des propos sans risque 17 ans après. Mais le Général Dlimi c’est aussi et surtout celui qui a rétabli la situation au sud marocain, face aux troupes du Polisario qui ont infligé par le passé de sévères défaites aux soldats du roi Hassan II

    Dakhla, différents plans de la ville

    Psalmodie du Coran en fond

    J : Nous sommes ici à Dakhla, à 3000 kilomètres de Rabat, près de la frontière mauritanienne, dans ces territoires cédés à la Couronne du Maroc il y a 8 ans par les Espagnols et revendiqués par le Polisario. Aujourd’hui les populations du Sud se sentent en sécurité. Mais c’est une véritable guerre d’usure que doit poursuivre le pays. L’économie et toutes les forces de la Nation y sont engagées. Une guerre qui coûte très cher, au minimum six millions de Francs par jour. Deux pays financent : l’Arabie Saoudite et l’Amérique. On comprendra mieux, que dans tout le pays, les tensions sociales restent toujours vives car toute la vie politique reste conditionnée par la situation dans le sud.

    Dlimi et ses officiers, base militaire dans le sud

    J : Pour le Général Dlimi et ses officiers, un souci constant, le renouvellement des armes de plus en plus sophistiquées qui ont fait leur apparition sur le terrain. Cependant, la supériorité actuelle de l’armée marocaine a été obtenue en grande partie grâce à l’aviation. Les avions américains F15 et surtout les Mirage 3 français font la différence. Chaque jour, les troupes marocaines lancent des opérations de ratissage pour mettre à l’abri les populations civiles.

    Avions F15 et Mirage 3

    Dlimi et ses officiers au bord d’un hélicoptère.

    J : Hélicoptères, chars, artillerie lourde, blindés légers. But de ces opérations : repousser le plus loin possible en territoire algérien les troupes du Polisario qui continuent de s’infiltrer au Maroc

    D : Il y a quatre jours, euh, nous avons eu, euh, un euh… un accrochage qui s’était très très bien terminé pour nous. Nous avons pu prendre trois prisonniers. Et ils ont eu trois morts et nous nous…

    N : Un accrochage avec le Polisario ?

    D : Avec le Polisario

    N : C’était à combien de kilomètres d’ici ? Est-ce qu’on sait ?

    D : A euh… une quinzaine de kilomètre d’ici N : Donc si ce n’est pas un exercice fictif, vraiment…

    D (l’interrompant): Non, non, la la (dialecte marocain). Absolument.

    Plans du Sahara vu du ciel

    Tanks et blindés marocains dans le désert

    Voix de Dlimi : C’est une guerre au fond assez classique qui euh surtout euh…une guerre comme celles qui se déroulent dans cette deuxième moitié du XXe siècle où nous voyons soi-disant des mouvements de libération installés dans un pays voisin, qui est en l’occurrence pour nous l’Algérie, qui à partir de ses bases, menait des actions euh de guerre euh… Parce qu’on ne peut pas parler de guérilla au moment où on en emploie des chars de part et d’autre. Mais l’apparition de ces armes est venue d’abord de l’autre côté malheureusement.

    (Donne des ordres à ses officiers, puis le monologue de la voix reprend)

    D : Pour qu’une guerre s’arrête, il faut ou une défaite de l’un, une défaite totale de l’un des deux adversaires, ou qu’il y ait consensus ou pression amicale sur les uns et sur les autres pour les amener à une table de négociation et aboutir à un compromis. (Long silence) Je pense que cette guerre pourrait s’arrêter assez rapidement si les uns et les autres, je parle de nos adversaires quand je parle des uns et des autres parce que vous avez l’Algérie et la Libye et le soi-disant Polisario manipulé par les deux. Donc s’ils se mettaient une fois pour toutes d’accord pour l’application des résolutions qui ont été euh… acceptées par l’ensemble à Nairobi et qui consistaient en un cessez-le-feu d’abord, et ensuite en l’organisation d’un référendum pour consulter les populations du Sahara sur leur avenir, je pense que la guerre pourrait s’arrêter.

    Dlimi adossé à un blindé

    Dlimi remonte dans le blindé et met fin à l’entretien. On l’entend donner des indications au conducteur

    Célébrations dans un village sahraoui. Fantasia. Femmes chantant. Tribune des officiels. Tentes du banquet

    J : Nous sommes toujours ici au sud du sud et cette fantasia en plein hiver n’est pas une manifestation touristique. Cette fantasia c’est au contraire la marque, le sceau du royaume sur les territoires qu’il contrôle. C’est aussi la démonstration que, grâce aux militaires, les populations sahraouies peuvent désormais commercer et se déplacer en toute sécurité. Les routes sont ouvertes. Du nord au sud, l’armée est omniprésente. Cette armée, plusieurs fois putschiste, tentée par le passé par des aventures politiques. Avant cette guerre, le roi Hassan en avait peur. Aujourd’hui, il doit compter avec elle et surtout sur elle. Les militaires restent les gardiens de la monarchie mais tout le monde a encore en mémoire les tentatives de coup d’Etat de Skhirat.

    D : Non, l’armée n’a pas de prétention politique, absolument pas. Euh… l’armée actuellement, je dois dire que même si elle est engagée dans ce conflit du Sahara, est fière de remplir les missions qui lui est confiée. Actuellement, que ce soient les officiers, les sous-officiers, les hommes de troupes qui la composent, euh… sont fiers et dignes de la confiance qui a été placée en eux. Euh… (Silence) Et je dois ajouter que toute armée, que ce soit l’armée marocaine ou toute armée, qui est heureuse de faire son travail, qui est heureuse…euh (court silence) de faire le métier que les uns et les autres ont choisi, euh… cette armée, on ne peut pas attendre d’elle des problèmes sur le plan intérieur dans un pays.

    N : Donc donc pas de danger de coup d’Etat comme ça s’est passé auparavant ?

    Visage de Dlimi en gros plan

    D : Non, absolument pas, absolument pas. Et d’ailleurs, les coups d’Etat qui ont eu lieu avant ne concernaient absolument pas l’ensemble des FAR, concernaient euh quelques éléments qui se comptaient euh sur les doigts d’une main. (Court silence) Et n’oubliez pas que c’est l’armée qui a rétabli l’ordre euh après l’affaire de Skhirat ! Retour dans le jardin.

    J : Toujours Dlimi, cette fois aux côtés du roi, qui recevait à Ifrane, une délégation d’ambassadeurs arabes. L’ombre du monarque est devenue, au fil des années, l’ami personnel et le conseiller le plus écouté. Craint et admiré, il symbolise aujourd’hui parfaitement l’ambigüité qui a toujours existé au Maroc entre le souverain et son armée.

    Le roi Hassan II reçoit à Ifrane une délégation d’ambassadeurs arabes. Dlimi est présent On entend les journalistes français lui demander ‘Montrez-nous mon Général !’ Il s’exécute, fier. (Rires)

    Dlimi et ses officiers pêchent depuis un bateau.

    Dlimi arrive à pêcher un gros poisson puis un deuxième

    DOSSIER PUBLIE DANS LE JOURNAL HEBDOMADAIRE – NUMÉRO 390 – du 4 au 10 avril 2009

    Tags : Maroc, Hassan II, Ahmed Dlimi, armée, Driss Basri,