Catégorie : Maroc

  • Scènes de vie des enfants dans le Royaume du bon Roi Mohammed VI du Maroc

    Cela ne se passe pas dans les années 1950, mais à notre époque dans un douar à quelque 50 km de Marrakech, la ville ocre enchantée des Mille et une Nuit !

    Non ces images ne sont pas prises en Somalie, mais bien dans un Marocqui mène depuis trop longtemps une politique irresponsable en matière des soins de santé. Pendant que la classe sociale makhzénienne et ultra libérale envoie leurs enfants faire des course chez Zara, où font la fête au Festival Mawazine, où encore quand les touristes français se cultivent au Festival de Fès, nous nous contenteront d’observer ici que tous ces enfants qui ont les dents abimées par la pollution de l’eau par les phosphates exploités pas très loin de là…Ces phosphates qui enrichissent les amis du Roi Mohammed VI et qui servent à la fabrication d’engrais chimiques puissants.

    Leur santé ne préoccupent guère les élites corrompues du Makhzen et ne réagissent pas aux conséquences des dangers des nombreuses maladies qu’il ne pourront de toute manière jamais être soignées par manque de moyens financiers principalement, mais aussi par manque d’un abandon des infrastructures….

    Soulignons également les coûts exorbitants des médicaments et des soins au Maroc est un handicap majeur à l’état alarmant des soins de santé dans ce pays. Ces médicaments sont vendus au Maroc 3 fois le prix qu’ils sont vendus en Europe. Les hausses sur les médicaments, encore récentes, quant à elles, persistent malgré le discours humanitaire de solidarité. Des zones d’apartheid, dans les douars crasses et les no man’s lands subsistent et offensent ! Et à long terme toute l’industrie marocaine du médicament perdra en compétitivité laissant le marché de ce pays aux flibustiers des multinationales du médicament.

    Last Night in Orient

    Tags : Maroc, Mohammed VI, Makhzen, enfance, pauvreté, misère, précarité, analphabétisme,

  • Mohamed VI ou la cupidité du trône

    Le magazine américain Forbes, dans son classement spécial des monarques les plus riches du monde, en 2009, faisait apparaître le roi Mohammed VI à la septième place devançant curieusement l’émir du Qatar et celui du Koweït pourtant plus richement dotés. L’information est consternante d’autant que le Maroc, en 2007-2008, sur le plan du développement humain, était classé au 126e rang (sur 177 Etats) et affichait un taux de pauvreté de 18,1%.

    Sofiane Meziani

    La plus belle des ruses du diable, affirmait au 19ième siècle, le poète maudit, Baudelaire, est de nous faire croire qu’il n’existe pas. La prédation du prince héritier d’Hassan II dissimulée sous le masque de la bienveillance semble faire parfaitement écho à cette parole éloquente de l’auteur des fleurs du mal. En effet, le point fort de Mohammed VI est d’être parvenu à faire plonger une bonne partie du peuple dans l’illusion chatoyante d’une rupture avec l’absolutisme ravageur de son père.

    En apportant plus d’esthétique et de confort au paysage urbain du Maroc, notamment dans le Nord – tant méprisé par son prédécesseur – , il a donné l’image d’un gouverneur à la fois moderne et proche du peuple, des pauvres en l’occurrence, rompant ainsi – surtout en apparence – avec la politique traditionnaliste et conservatrice d’Hassan II qui avait le réel souci de pérenniser la monarchie marocaine.

    Cette poudre narcotique jetée aux yeux du peuple, au lendemain de son ascension au pouvoir, visait sans aucun doute à entretenir la population dans une opacité distrayante afin de jouir confortablement des richesses titanesques chapardées aux marocains. Seulement, le Maroc nécessite davantage une réforme sociale et politique profonde pour améliorer la condition du peuple et lutter contre la corruption que la rénovation des routes et des façades urbaines. Au fond, l’actuel souverain du Maroc, n’a fait qu’embellir la vitrine du pays, pour mieux nous aveugler sur la réalité obscure de son absolutisme économique et de sa soif pantagruélique et inextinguible d’argent.

    En termes métaphoriques, c’est un joli palmier qui dissimule un désert politique tarissant une population presque déshydratée socialement…Vive le roi ?! Pour rien au monde. Plutôt vive le peuple ! L’heure est d’ailleurs venue de saluer la désormais patente résistance des marocains plutôt que de baiser la main en or massif du roi. La masse populaire a décidé de lever dignement la tête quand certains bouffons de la Cour continuent d’avoir le corps lâchement incliné…

    Le magazine américain Forbes, dans son classement spécial des monarques les plus riches du monde, en 2009, faisait apparaître le roi Mohammed VI à la septième place devançant curieusement l’émir du Qatar et celui du Koweït pourtant plus richement dotés.1 L’information est consternante d’autant que le Maroc, en 2007-2008, sur le plan du développement humain, était classé au 126e rang (sur 177 Etats) et affichait un taux de pauvreté de 18,1% !2

    Les journalistes Catherine Graciet et Eric Laurent, au terme d’un véritable travail d’investigation, rapporte dans leur ouvrage censuré au Maroc, le roi prédateur, un certain nombre de faits alarmants et ahurissants sur l’absolutisme économique de Mohammed VI et de ses chiens de garde, notamment Fouad Ali El Himma, ministre délégué à l’Intérieur, et Mounir Majidi, secrétaire particulier du roi, affirmant que selon les experts de la banque mondiale, les disparités entre riches et pauvres se sont davantage creusées durant le règne de l’actuel monarque que sous le pouvoir de son père.

    Cela dit, lorsque le prince héritier d’Hassan II arrive au pouvoir en 2000, il s’entoure aussitôt de ses amis du Collège Royal dans l’économie la plus totale de leur incompétence ! Le régime de Mohammed VI s’est ainsi bâti sur du copinage ! En l’espace d’une dizaine d’années, le roi et ses deux bouffons en particuliers ont mis la main sur l’ensemble des secteurs privés allant jusqu’à mettre sur la touche, arbitrairement, des partenaires français, notamment Auchan qui avait une large part de marché dans la grande distribution de Marjane.

    A ce titre, le souverain a, dans un dédain persiflant, escamoté un rendez-vous avec un notoire économiste, Michel Camdessus, ancien directeur du Fonds monétaire international, vivement conseillé par l’Elysée pour une meilleure gouvernance économique de son pays. Pas surprenant pour un roi capricieux qui prend plus de plaisir à côtoyer des stars comme Johnny Hallyday qu’à fréquenter des dirigeants politiques comme Chirac.3

    Cet arbitraire royal et cette stratégie de contrôle consistaient principalement à broyer et à réduire à néant quiconque les confronterait, inconfortablement, au respect des lois régissant l’économie du pays. Ainsi, usant de la prédation pour dévorer les éventuels concurrents, Mohammed VI est devenu le premier banquier – attijariwafabank étant, entre les mains du monarque, une véritable source de puissance économique -, premier assureur, premier agriculteur et joue un rôle considérable dans l’immobilier, les télécoms, la grande distribution etc. Autrement dit, il a monopolisé, à travers une dictature économique des plus sombres, l’ensemble des marchés au Maroc.

    Nous ne ferons pas l’économie, par ailleurs, de noter le style de vie démesurément luxueux du roi, dans un pays profondément atteint par la pauvreté et la misère sociale. En effet, Mohammed VI n’hésite pas, dans une impudence exécrable face à un peuple vivant avec dix dirhams par jours, à dépenser des sommes faramineuses – sur le compte de l’Etat ! – pour ses déplacements – touristiques en l’occurrence – sans compter les millions de dollars déboursés par le Trésor public pour l’entretien de ses douze palais à travers le Maroc alors qu’il n’en occupe régulièrement que deux ou trois ! Hideux !

    Plus encore, ce dernier dispose d’une panoplie de véhicule de très haute gamme et un Boeing affichant un luxe exorbitant quand la grande majorité de la population se donne corps et âmes pour se payer un beignet ! Halte donc à cet absolutisme économique et à cette opulence presque insolente du roi et de ses chiens de garde qui s’en mettent plein les poches sur le dos d’un peuple spolié, délaissé, complètement appauvri. Le cynisme du Palais – protégé, soit dit en passant, par le silence de l’Elysée – exprimé par l’indécence d’un souverain complètement à la marge des préoccupations sociales des marocains en dit long sur la réalité socio-économique du pays.

    Totalement inerte sur le plan politique, au niveau international surtout, Mohammed VI a fait une fixation presque obsessionnelle sur les affaires fructueuses du pays pour satisfaire ses caprices de premier âge ! La préoccupation qui, autrement dit, anime notre monarque est davantage la rentabilité du trône que l’épanouissement du peuple.

    Cet affairiste est, en outre, quasi-inexistant sur l’échiquier politique international et semble ainsi totalement désintéressé des défis et des enjeux que le monde doit actuellement relever. Ce dionysiaque indolent pense encore à satisfaire ses plaisirs personnels quand le monde est entrain de connaître un bouleversement presque décisif !

    Au même titre que dans le domaine de l’économie, il fait preuve d’absolutisme dans l’inertie et l’amateurisme politique. Pas un mot, en effet, sur les soulèvements arabes, la Syrie, la Palestine, l’Iran et semble briller par son absence aux grands sommets internationaux. Pas étonnant, au demeurant, pour quelqu’un qui, tel un adolescent bridé par son insouciance, pense encore à se pavaner avec une ostentation insultante sur un jet-ski ou au volant d’une Ferrari !

    Le temps est au changement. La liberté et la justice finiront, dans un avenir proche, espérons-le, par avoir raison du despotisme, de l’absolutisme et de la dictature ! L’histoire, nous semble-t-il, est sur le point de connaître une profonde mutation illustrée notamment par le soulèvement des pays arabes et particulièrement par la révolution tunisienne qui sous le souffle du vent printanier ayant redonné de la verdure et des couleurs à son paysage politique, finira par apporter, espérons-le encore, sa suave odeur porteuse d’espoir et de liberté au peuple marocain. Une conscientisation politique s’est d’ailleurs cristallisée autour d’une jeunesse marocaine éveillée et déterminée à devenir sujet de sa propre histoire. En effet, les mobilisations massives ici et là dans certaines villes du Maroc ont relativement bousculé les choses…

    Le train est en marche, timidement, mais, gardons espoir, sûrement. Le peuple marocain doit poursuivre son élan et son aspiration à la justice et à la liberté en demeurant lucide quant aux éventuelles diversions politiques du Palais particulièrement illustrées par la prétendue démarche aveuglante de « démocratisation » via la pseudo réforme de la Constitution ! La mobilisation doit persister dans le sens d’un avenir plus juste et plus commode sans jamais se laisser anesthésier par les agissements enjôleurs de la Cour afin de dire stop à l’absolutisme économique ! Stop à la corruption ! Plus clairement, pour dire encore plus haut ce que le peuple marocain pense déjà assez fort : Mohammed VI et ses chiens de garde : dehors !

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    Tags : Maroc, Mohammed VI, Makhzen, roi des pauvres, roi prédateur,

  • Maroc : L’administration est un réel handicap pour le développement

    Tout le monde est d’accord sur le fait que l’administration marocaine est un obstacle au développement économique : elle ne fait qu’aggraver la situation sociale qui est déjà encombrée.

    Elle fait peur aux investisseurs nationaux et internationaux.

    Elle démotive les jeunes marocains quand ils veulent légaliser au moins un document.

    Elle participe énormément au gaspillage du budget étatique, vu l’absence de la conscience professionnelle et de sentiment d’appartenance à la nation mère, dont l’aboutissement est le sous-développement.

    On sait ce qu’on veut mais on n’arrive pas le réaliser vu le manque d’expérience, on a les moyens et les ressources mais lorsqu’on entre dans les détails, on voit les hypocrites se manifester sans arrêt et se disputer pour en tirer les meilleurs profits.

    On se demande parfois si l’Etat participe effectivement dans cette anarchie et dans la prolifération des idées stressantes au sein des milieux juvéniles ? Lorsque l’on voit qu’il n’y pas de contrôle permanent de la part de ceux qui se nomment autorités locales, on se dit que tout est planifié pour ralentir le processus économique du Maroc.

    En fait, on peut dire que le staff de l’administration marocaine est une gamme de paresseux vu leurs actes vis-à-vis des citoyens :

    mauvais accueil (violences verbale, physiques)

    perte du temps

    Absence de communication

    Ralentissement des procédures administratives et fiscales

    Corruption

    Cherté des dossiers (beaucoup de timbres au détriment des pauvres)

    Selon vous : Quelle est la solution pour remédier aux dérapages de l’administration ? Je ne crains que cela soit irréalisable, le changement est une étape difficile, mais espérons un changement positif.

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    Tags : Maroc, administration, corruption, gabégie,

  • La gauche marocaine, défenseure du trône. Sur les métamorphoses d’une opposition institutionnelle

    « La société tribale dont nous traitons ici […] produit des leaders potentiels légèrement en surnombre et les place dans une situation où ils ne peuvent rivaliser que modérément : ils ne peuvent pas s’emparer des instruments du pouvoir, d’une part parce que ces instruments n’existent pas et d’autre part parce que les normes afférentes à leur rôle les en empêchent1

    Abderrahim El Maslouhi

    er en tant que variable analytique indépendante capable d’éclairer les dynamiques du pouvoir dans les régimes arabes16. Mieux, on observera que la marginalité de cette catégorie est décelable jusque dans les enceintes de la science politique internationale où d’autres catégories (mouvements sociaux, action collective, démocratisation, etc.) saturent les agendas de recherche quitte à en chasser les vieux crédos de facture libérale (polyarchie, opposition parlementaire…) ou marxiste (lutte de classes, révolution, domination…). L’autre raison, de loin la plus prégnante, a trait à la structure des pouvoirs d’État dans les régimes arabes. De nos jours, la consolidation autoritaire est inséparable dans ces régimes d’une consolidation du monolithisme politique dont on sait qu’il ne s’accommode que peu ou plus des approches en termes de contre-pouvoirs et de multipolarité du politique. Si bien que, dans les régimes dits « hybrides », les tenants de l’État ne doivent pas la stabilité du rapport de force à leur seule capacité de manipuler des oppositions, mais aussi à leur capacité de contrôler et, si nécessaire, d’empêcher certains types d’interactions entre ces partis et les citoyens17. À quelques exceptions près (filière islamiste), le contexte actuel d’éradication, de domestication, voire de fonctionnarisation des oppositions radicales, anciennes et nouvelles, est à l’origine d’un glissement notable des formes d’opposition vers des pratiques protestataires et des mobilisations collectives inédites où les arènes partisane et parlementaire sont manifestement en perte de vitesse par rapport aux mouvements sociaux politisés. Chemin faisant, une bonne partie de la science politique sur le monde arabe s’est résolue à changer de site d’observation. Comme nous le montre une littérature désormais florissante sur le Maroc18 et le monde arabe19, ce retournement d’optique a été jusqu’à redimensionner les pratiques de recherche sur des hypothèses qui évoquent celles de Foucault sur la Microphysique du pouvoir20 ou James C. Scott sur Les Arts de la résistance21. D’où l’essoufflement aujourd’hui évident des perspectives macrologiques centrées sur la seule déconstruction herméneutique des corpus discursifs et des manœuvres des seules oppositions institutionnelles au détriment des mobilisations de la rue, des trajectoires de l’informel et de la militance associative de plaidoyer. Dans les années 1960 et 1970, il arrivait, certes, à certains outsiders observant le Maroc politique de rapporter, plus ou moins fortuitement, des mobilisations dans la rue, au sein du mouvement étudiant comme dans les périphéries du Maroc central. Le contexte narratif laisse cependant comprendre que les auteurs n’attachaient à ces événements qu’une valeur d’épiphénomène de l’opposition partisane, sinon celle d’un simple fait anecdotique sans portée analytique majeure22. Le postulat sous-jacent voulait que les vraies batailles se jouent exclusivement entre la monarchie et les partis du mouvement national.

    8Le présent texte n’a pas l’ambition de dresser le bilan politique de la gauche ittihadia(USFP), une des rares formations socialistes arabes à « passer aux affaires » après quatre décennies d’opposition, pas davantage qu’il ne se projette comme une synthèse des travaux sur la gauche marocaine et ses diverses nuances politiques. Il ne s’enferme pas non plus dans l’hypothèse d’une notabilisation avérée d’un parti de militants23, laquelle notabilisation n’étant que l’aboutissement morphologique d’une métamorphose qui s’origine dans la sociohistoire de la gauche. Il est question dans les développements qui suivent de capter les différentes déterminations qui ont travaillé la trajectoire politique de l’USFP. Pour ce faire, l’analyse s’organisera autour des concepts de « sinistrisme » et de « multipositionnalité » pour capter la mobilité de la gauche marocaine dans le temps et l’espace du pouvoir, ainsi que ses conséquences en termes de « relookage idéologique », voire de « métamorphose identitaire ». Encore faut-il préciser que cette métamorphose, loin de se résumer à une pure « dialectique du même », s’entend, dans le cas d’espèce, de l’ensemble des mutations identitaires – sinistrisme plutôt que radicalisme, corporatisme plutôt que transformisme –, que le jeu de l’exclusion/inclusion a fait subir à l’opposition de gauche. La loi du sinistrisme, qui désigne de façon générique un glissement vers le centre24, ne recouvre pas pour l’USFP la même signification qu’elle a revêtue dans le contexte du socialisme européen. Davantage que d’un relookage idéologique plus ou moins inévitable (chute du mur de Berlin, troisième voie,…), il s’est agi pour l’ancienne opposition ittihadia de se réinventer politiquement pour survivre à un rapport de force qui commençait à lui devenir manifestement défavorable depuis la Marche verte. Le « désenclavement idéologique du socialisme marocain et son insertion dans le libéralisme social dirigé par l’État stratège25 » s’inscrit dans une stratégie de survie autant individuelle que collective. Ce dilemme de la gauche au pouvoir ne s’en révèlera pas moins lourd d’effets pervers, les gains individuels et collectifs engrangés du fait de l’évolution vers le sinistrisme ont produit des effets inversement proportionnels en termes de « capital partisan collectif26 » et de capacités de mobilisation de la gauche.

    La gauche dans l’opposition : la longue marche vers le sinistrisme
    9Sans correspondre littéralement à une classe sociale aux profils identitaires et socioprofessionnels homogènes, la gauche marocaine de l’après-protectorat s’identifiait vaguement à une formation « petite-bourgeoise » en quête de ressources politiques pour se tailler un certain rôle dans la direction du Maroc indépendant. Sa composition accusait un certain degré d’hétérogénéité qui permettait d’identifier à la fois des éléments de la jeune bureaucratie, du négoce urbain, du monde ouvrier et accessoirement des familles caïdales ou traditionnelles. La scission fondatrice du 6 septembre 1959 en dit long sur ce caractère composite. Les congressistes fondateurs de l’UNFP ont été recrutés principalement dans trois filières différentes : l’Armée de la libération nationale et de la résistance (ALNR), les sections autonomes du parti de l’Istiqlal et les militants syndicalistes de l’Union marocaine du travail (UMT). Au tournant des années 1960, l’administration, l’université et les professions libérales allaient grossir les rangs de la gauche socialiste confortant ainsi ses chances de s’identifier à la société globale. Ont aussi contribué à la cristallisation politique de la gauche les stratégies matrimoniales de certains de ses membres qui ont choisi de s’apparenter avec des lignages traditionnels connus ou certains foyers de l’ex-colonat français. Ces effets de composition sont aussi repérables à travers le statut politique de la gauche marocaine des premières années de l’indépendance. Celle-ci intriguait alors par son double statut à la fois de rouage intermédiaire lubrifiant les rapports État/société et de mouvement social travaillant à l’autonomisation de la société vis-à-vis du pouvoir d’État. Les ancêtres de l’USFP donnaient la mesure de cette double identité. Jusqu’en 1965, les cadres de la gauche peuplaient les institutions, figuraient au premier rang des festivités curiales, tissaient des compromis avec le pouvoir.

    10Les allégeances idéologiques de l’UNFP n’avaient pour autant ni la clarté ni l’unité que lui prêtaient les discours fondateurs et les exégèses postérieures. L’attitude envers les communistes était des plus ambiguës. C’est sous le gouvernement Abdallah Ibrahim que le Parti communiste a été interdit au Maroc. Sur le plan extérieur, c’était le nationalisme et l’unité arabe qui, davantage que le socialisme, généraient les sympathies envers Nasser, le Baath syrien ou le gouvernement Ben Bella. Politiquement, un des faits marquants de la première gauche marocaine est d’avoir préjugé de ses capacités de mobilisation et pensé le changement politique en dehors de ses conditions sociales et instrumentales. Les tenants de la gauche pensaient, à la différence des composantes modérées du mouvement national, que l’action nationaliste et l’indépendance étaient le prolongement d’une lutte sociale mettant en cause aussi bien les structures politiques et économiques hérités du protectorat que la situation des anciennes élites marocaines27. Contrairement au parti de l’Istiqlal et aux notabilités traditionnelles qui auraient œuvré à la conservation de la monarchie comme symbole et caution de l’autorité imposée aux autres groupes sociaux, les animateurs de la gauche prônaient une politique de la table rase. Ils pensaient, alors qu’ils pouvaient, une fois l’indépendance acquise, continuer à fédérer sous leur direction les autres forces du pays – la bourgeoisie commerçante et le paysannat notamment – pour entrainer la monarchie et le Maroc tout entier dans un processus de transformation sociale et politique28. Ben Barka ne tarda pas à se ressaisir dans un élan d’autocritique mettant à l’index les « trois erreurs mortelles » que la gauche aurait commises dans son « combat » pour la transformation du pays. Dans Option révolutionnaire au Maroc, rapport soumis au secrétariat de l’UNFP à la veille de son deuxième congrès (1962), le leader socialiste identifia ces erreurs, à savoir la posture de compromis passé avec « l’adversaire », la lutte « en vase clos » en dehors de la participation populaire et l’ambivalence des positions idéologiques de la gauche29.

    11En réalité, à en faire une lecture à l’envers, ce manifeste révolutionnaire, repris et immortalisé par les exégèses de l’intelligentsia marocaine de gauche, renferme un « aveu inavoué » du déclin du mouvement national et de l’impossibilité pratique d’associer désormais opposition parlementaire et action subversive. La disparition de Ben Barka et l’exil de ses principaux compagnons (Basri, Youssoufi…) allaient aussitôt frayer la voie à une espèce d’hybridité identitaire et organisationnelle de l’UNFP. L’externalisation du blanquisme d’un côté, la cristallisation d’un mouvement insufflé par Abderrahim Bouabid avec un gage avéré de participation au pouvoir, de l’autre, ont jeté les prémices du sinistrisme au sein de la gauche marocaine. Ces relents de sinistrisme se feront plus certains lorsque les dirigeants de l’UNFP décidèrent de renouer avec le parti de l’Istiqlal avec lequel on créa la Koutla Watania (27 juillet 1970)30. Rémy Leveau, sous le pseudonyme d’Octave Marais, a restitué, en des termes d’une actualité étonnante, l’état de conscience politique qui travaillait alors les acteurs du mouvement national :

    « Les élites marocaines, anciennes ou nouvelles, ne jouent plus un rôle actif dans la transformation de la société. Elles se bornent à des activités gestionnaires dans un système dont la conduite leur échappe. Elles sont conscientes du fait que leurs revenus proviennent plus de la qualité de leur rapport avec le pouvoir politique que de leur place dans la production. La grande majorité ne cherche pas trop à analyser la situation, pour éviter les déchirements31. »

    12La monarchie marocaine et l’opposition de gauche tiraient en revanche de leur antagonisme des bienfaits politiques. La longue trajectoire de la gauche socialiste indique, ainsi qu’en convient Abdelkébir Khatibi, que celle-ci n’était utile au pouvoir que dans la mesure où elle demeurait dans l’opposition32. Dès 1960, l’UNFP avait déjà acquis le label d’adversaire de la monarchie. Pour celle-ci, c’était là autant un risque existentiel qu’une opportunité politique. L’existence d’une formation de gauche ouvertement subversive a donné à la royauté de solides arguments pour remonter au créneau et sortir de l’ombre politique dans laquelle elle avait été plongée au lendemain de l’indépendance. À l’aube des années 1960, l’impératif de circonscrire les nouvelles « siba-s » (dissidences) politiques s’est soldé par une série de dispositifs de gouvernement qui avaient pour cible la gauche partisane, adversaire patenté de la monarchie. Le renvoi du cabinet Abdallah Ibrahim, l’appropriation du pouvoir constituant, le rejet de l’option industrielle, la promotion d’un socialisme partisan de rechange (PSD), la répression et la mobilisation des pouvoirs exceptionnels, etc. ont préfiguré ce que Claude Palazzoli allait nommer à la veille de la Marche verte « la mort lente du mouvement national33 ». Chemin faisant, la politique de quadrillage idéologique poursuivie tout le long de la décennie 1960 avec, comme axes majeurs, la retraditionalisation de l’espace social, la réactivation du réflexe segmentaire et le réaménagement des solidarités extérieures (ancrage à l’Occident) et intérieures (alliance avec les élites rurales), a fourni de puissants antidotes à toute percée du socialisme dans la société.

    13On s’apercevra, par-delà ces verrouillages, que la gauche n’a pas été jusqu’à perdre de son efficacité en tant que filière de sélection et de promotion élitaire. Du temps du roi Hassan II, les entrepreneurs politiques avaient le choix entre deux trajectoires : la filière d’État qui recrutait dans les filons traditionnels ruraux et urbains du royaume et celle du mouvement national qui, incontournable pendant l’intermède 1955-1965, connut un essoufflement significatif à la veille de la Marche verte sans que se soient affaiblies pour autant ni ses assises organisationnelles, ni sa force de captation politique auprès des mouvements sociaux, étudiant et syndical en particulier. C’est au lendemain des consensus et des pactes scellés au milieu des années 1970 que ces deux filières allaient crescendo fusionner pour former un creuset unique de promotion élitaire et d’articulation du politique. Corollaire immédiat : une frontière encore plus flottante entre posture oppositionnelle et posture participationniste.

    14Dans la période postérieure à la création de l’USFP et au consensus saharien (1975), la gauche marocaine se maintient dans son statut d’opposition tout en officialisant son glissement vers le sinistrisme en tant que choix du moindre mal. Le légalisme, introduit dans le discours de l’opposition socialiste à travers le Rapport idéologique du Congrès extraordinaire de l’USFP (10-12 juin 1975), a marqué une rupture définitive avec « l’option révolutionnaire » de 1962 et mis l’accent sur la construction de l’État de droit et de justice sociale comme plate-forme prioritaire. Les références au « socialisme scientifique » et aux classes sociales ont beau saturer les statuts et les textes référentiels du parti, il se trouve qu’elles n’impliquent plus, comme le voudrait une tradition remontant à Lénine, une transformation de la classe laborieuse en parti. La stratégie élue fut nettement plus éclectique car visant à orienter les activités du parti vers une mobilisation des différentes catégories sociales aux fins de constituer un bloc des forces, orientation qui s’est révélée plus réformiste que révolutionnaire, plus nationaliste qu’internationaliste34. Certes, l’USFP se revendiquait encore, à l’époque, comme une opposition au régime, mais elle cultivait des postures qui évoquaient celle de l’opposition sous l’Ancien Régime en France. Sous ce dernier, l’opposition n’était pas inexistante, mais, elle se manifestait au travers de remontrances qui agaçaient le roi davantage qu’elles ne l’influençaient réellement35. Les parlementaires USFP exerçaient une certaine forme d’opposition pacifique, de dialogue à distance avec le pouvoir royal, au moment où leurs chevilles ouvrières – syndicat (CDT) et mouvement étudiant (UNEM) – prenaient le chemin de la mobilisation protestataire. Ce réalignement de la pratique oppositionnelle sera enrichi, au plus haut de la crise financière et socioéconomique qui sévit dans le pays à partir de 1980, d’un changement tactique de thèmes et de vocabulaire. Les thématiques de portée systémique qui émaillaient d’ordinaire le discours de l’opposition dans les années 1960 et 197036 allaient marquer une certaine éclipse au profit d’un travail de sape critique ciblé et subtilement sectorisé. Dans cette optique, le choix d’épargner ou de sermonner modérément le « régime » n’a été assumé que pour attaquer avec des coudées plus franches les modes d’administration et les pratiques gestionnaires de l’État. En ont décidément témoigné à cette époque la grève générale décrétée par l’USFP/CDT à l’issue des hausses vertigineuses des prix des denrées de base (1981), le communiqué mettant en cause l’acceptation par le Maroc de l’organisation d’un référendum d’autodétermination au Sahara (1981), le refus de l’opposition ittihadia (USFP) de siéger au parlement suite à la prolongation par le roi de la troisième législature (1983) et le mémorandum rejetant le Plan d’ajustement structurel préconisé par le FMI (1984)37.

    15Face à ces flottements de l’opposition ittihadia entre dissidence politique et participation au débat national, le pouvoir monarchique était partagé entre deux attitudes : laisser les choses en l’état pour profiter du calme généré par cette rupture ou renouer les contacts, mais à partir d’une initiative de l’USFP et d’une manifestation solennelle de son loyalisme à l’égard du pouvoir38. Une stratégie de cooptation intuiti personnae a été ébauchée, en contrepoint, pour compenser les difficultés de rallier l’USFP en tant que bloc oppositionnel. Avant cette époque, les cadres de l’opposition n’étaient pas rares à associer le refus des responsabilités en tant que groupe politique à la participation individuelle au pouvoir39. La place exceptionnelle de la monarchie était pour les élites une excuse de poids, si bien qu’il était quasiment impossible aux personnes pressenties de décliner les offres de cooptation royale. Les alternatives que fournissaient l’émigration ou le secteur privé – d’autant plus qu’il n’existait pas à l’époque un secteur privé à l’abri de l’emprise de l’État – demeuraient limitées. Mais, ces éléments ne fournissent qu’une explication somme toute mineure. La participation individuelle au pouvoir trouve son fondement dans des transactions intuitu personae conclues le plus souvent en marge du débat politique formel entre le pouvoir d’État et les candidats de l’opposition. Cette pratique s’est fait constater de façon plus récurrente à la fin des années 1980, peu avant que le régime politique eut entamé un nouveau cycle consensuel. Mais, le pouvoir royal, qui avait bien conscience des sensibilités idéologiques de la gauche marocaine, n’a pas été jusqu’à mobiliser les prébendes traditionnelles. L’ouverture à l’adresse des cadres de l’opposition tranchait, dans le contexte critique du PAS (1983-1993), par son caractère prudent et discontinu. Se limitant dans la plupart des cas à une offre d’inclusion au débat national sur les réformes institutionnelles40, les contacts sporadiques avec l’opposition de gauche ont fourni au pouvoir d’État le cadre idoine pour (pré)sélectionner, dans les antichambres du parlement et de l’université notamment, les individualités de gauche pressenties pour occuper des charges publiques. Depuis la désignation de Habib El Malki, membre du bureau politique de l’USFP, à la tête du CNJA41, le profil archétypal des candidats de gauche est soumis à un pré-requis fondamental : une vocation technocratique quitte à afficher ses distances par rapport à l’agenda et aux instances du parti. Sélectifs et individualisés dans un premier temps, ces rapprochements vont augmenter, par-delà les labyrinthes du jeu de consensus (1993-1998)42, la « désirabilité réciproque » des protagonistes et articuler le discours politique sur la crise pour en extraire un argumentaire pour l’alternance consensuelle.

    La gauche gouvernementale : sinistrisme et effets pervers
    16Nous adoptons ici, pour cerner la signification de la dynamique inclusion/modération dans le contexte marocain d’alternance, la perspective stimulante suggérée par Ellen Lust-Okar. Dans un livre récent43, l’auteure examine comment les tenants de l’État (Incumbents) dans le monde arabe (dont le Maroc) utilisent les règles et les ressources institutionnelles pour gérer leurs oppositions. Par contraste avec les perspectives classiques ramenant la dynamique du binôme opposition/gouvernants au seul pouvoir de coercition ou de cooptation qu’exercent les tenants de l’État à l’égard de leurs adversaires politiques, Lust-Okar suggère de porter l’attention sur l’effet des règles institutionnelles s’imposant à l’opposition. Comme pourraient l’illustrer les trajectoires transitionnelles du Maroc, de la Jordanie et de l’Égypte, les mobilisations des différentes oppositions partisanes ont été axées sur les opportunités de développer un nouveau rapport aux ressources institutionnelles (alternance au pouvoir, réformes institutionnelles, etc.), entraînant ainsi un glissement de ces oppositions du « transformisme » vers le « corporatisme44 ». En fait, la sélectivité de règles institutionnelles dans ces pays a le mérite d’accroitre l’intelligibilité des dualités inclusion/exclusion et inclusion/modération : pourquoi des oppositions sont incluses et d’autres exclues de l’arène politique formelle ? Sous quelles conditions une formation politique censément radicale accepte de basculer vers des postures idéologiquement modérées ?

    17L’hypothèse inclusion/modération se vérifie dans le cas de l’USFP. L’inclusion politique produit la modération idéologique45 : les distances que l’opposition ittihadia s’imposait, sur les plans idéologique et politique, par rapport au pouvoir d’État se sont diluées aussitôt que ce dernier a présenté une offre ouvrant un accès autorisé aux ressources institutionnelles. On comprendra alors pourquoi, dans le sillage de leur compromis, l’opposition socialiste et le pouvoir royal ont convenu implicitement d’abandonner ou de sous-utiliser leurs capacités de se nuire mutuellement. Mieux, les deux protagonistes ont fait jouer leurs statuts respectifs en se livrant à un formidable troc de capital politique : la présence de l’ancienne opposition aux affaires a augmenté les indices de démocratisation du Royaume au regard des bailleurs de fonds et des chancelleries occidentales. De son côté, la gauche gouvernementale, transformée en « pouvoir national » avec un accès autorisé aux ressources institutionnelles, s’est vue augmenter ses capacités de rétribution de sa clientèle partisane et électorale. Cette constellation d’intérêts, précaire et asymétrique, n’a duré en revanche qu’aussi longtemps que la gauche était aux affaires. L’usure du pouvoir et les désillusions de l’alternance consensuelle n’ont affecté que le « capital partisan collectif » de l’ancienne opposition. Ne pouvant plus puiser, comme par le passé, dans le répertoire de la lutte nationale ni spéculer sur la fibre de la démocratisation, l’USFP se trouve en panne de ressources pour se donner un nouveau souffle politique et électoral. Les élections législatives de septembre 2007 ont, certes, mis au grand jour la dissolution du « capital partisan collectif » de l’USFP. Ce capital qui avait fait, par le passé, le bonheur de candidats « anonymes » sans capital individuel propre, a été bien en peine de fonctionner comme un support de mobilisation électorale, si bien qu’il a constitué un handicap pour certains candidats étiquetés USFP46. Les candidats élus sous cette étiquette le doivent désormais soit à leur capital social propre, soit à leur stature militante exceptionnelle, soit au capital qu’ils ont personnellement engrangé :

    « Aujourd’hui, clame un célèbre dissident ittihadi, l’USFP gère son appartenance à la gauche tel un capital historique. Pour le reste, elle est en mutation, dans le mode de recrutement, de gestion, de réflexion. Sa base électorale est essentiellement rurale. Quand des notabilités proches du Makhzen adhèrent à l’USFP, elles ne le font pas pour son idéologie proclamée mais pour sa capacité à s’adapter, à se rapprocher du modèle de pragmatisme istiqlalien47. »

    18En toute hypothèse, les dernières législatives ont accrédité l’idée que l’arène électorale est le site d’observation idoine depuis lequel on pourrait mieux percevoir les transferts de positions et de statuts politiques. Pour une fois, ces élections ont mis au grand jour que la « fonction tribunitienne » qu’assurait l’opposition de gauche a changé de pôle partisan. Autant dire qu’il incombe pour qui voudrait capter les dynamiques de l’opposition au Maroc de grossir le spectre des interactions politiques observables pour y inclure, non seulement les interactions entre l’opposition et le pouvoir d’État, mais aussi les relations entre les différentes composantes de l’opposition. Allusion est faite ici au binôme USFP/PJD. L’entrée en lice d’un parti islamiste modéré (PJD), dont la présentabilité politique et les scores électoraux n’ont cessé de se renforcer au tournant du millénaire au point de frôler la participation gouvernementale, ne pouvait laisser insensible une USFP en perte de vitesse politique et électorale. La mise en scène politique des nombreuses réformes institutionnelles promues ou défendues par la gauche gouvernementale avait déjà livré des avant-goûts crispés de cette confrontation. Le débat public engagé sur ces réformes a correspondu, dans ses principales séquences, à un clivage idéologique USFP/PJD où les autres protagonistes, y compris la monarchie, semblaient souvent se satisfaire d’un statut de témoin plus ou moins distant. L’USFP dut, dans le sillage de cette bipolarité partisane, faire face à un sérieux déficit de ressources idéologiques. À la différence du PJD qui a opté pour une stratégie d’autosuffisance référentielle, la formation socialiste semble avoir tragiquement hésité entre ses propres lignes idéologiques – avec lesquelles une bonne partie de l’intelligentsia ittihadia a clandestinement rompu – et l’attitude « suiviste48 » consistant à se reporter sur les argumentaires royaux (« projet sociétal moderniste et démocratique », « nouveau concept de l’autorité », « Initiative nationale pour le développement humain », « classes moyennes », etc.). Dans ces conditions, il n’est guère étonnant que, du point de vue de leur inspiration doctrinale, et à quelques rares exceptions près, les chantiers de la réforme « ne déclinent que faiblement une véritable identité politique de gauche49 ». Le comportement politique des dirigeants socialistes ne semble plus amarré à la seule horloge du pouvoir monarchique avec ses agendas et ses gestuelles ; il l’est quasi corrélativement à « l’horloge islamiste » qui lui assigne des « sorties » politiques ou médiatiques à la carte. De mars 1998 à septembre 2007, le débat national sur des réformes comme celles portant sur « l’intégration de la femme dans le développement », la Moudawwana ou la loi anti-terroriste, a donné à mesurer combien la gauche gouvernementale était en passe de perdre de sa polarité idéologique pour se confiner dans un statut d’« opposition à l’opposition » islamiste. Ce déplacement de statut de l’ancienne opposition socialiste s’est par ailleurs matérialisé dans le rapport au temps politique. La temporalité de la gauche gouvernementale s’est laissée dissoudre dans la « dimension anxiogène d’un présent qui impose irrésistiblement sa propre logique pour surdéterminer les champs d’intérêt et les attitudes des politiques50 ». Depuis son arrivée aux affaires, la gauche marocaine a développé un rapport asthénique au « présent », quitte à le réduire à un synonyme de « pression du quotidien51 » et à reléguer toute interrogation sur les finalités collectives et toute tentative de figuration de l’avenir.

    19Les effets pervers du sinistrisme sont d’abord repérables en termes de pouvoir de négociation et de conduite du changement. En amont des tractations pré-alternance, le parti socialiste s’est consenti à la « méthodologie consensuelle » et son corollaire procédural, la marginalisation de la légalité constitutionnelle52, dans l’espoir de transcender sa condition d’associé minoritaire et de faire passer des réformes qu’il jugeait pressantes. Ce choix s’est révélé, à terme, peu porteur ; du moins au regard du premier objectif. La participation à des commissions extra-parlementaires pour l’élaboration de certaines lois, la pratique des mémorandums pour la révision de la constitution, l’« alternance pour la minorité » sans caution autre que « la parole du roi »53, loin de conforter les positions de la gauche, ont ouvert la voie à une pratique institutionnelle enfermant l’USFP ainsi que les autres composantes de la « Koutla démocratique » dans un rapport d’étroite dépendance vis-à-vis de l’agenda politique de l’État. Le verrouillage institutionnel de l’alternance n’a pas été sans embrouiller la tâche du cabinet Abderrahmane Youssoufi et à ses successeurs. Très souvent des arrangements politico-institutionnels ont ôté à la gauche gouvernementale une part non négligeable de ses capacités d’agir : côté exécutif, l’étroitesse de la marge de manœuvre des ministres politiques face aux départements dits « de souveraineté », la mobilisation de fondations s’adjugeant les principaux réseaux de proximité et faisant largement ombre au gouvernement ; côté parlement, l’institution d’une seconde chambre quasiment égale à la première, l’entrée en lice d’un islam parlementaire détournant à son propre actif les difficultés politiques de la gauche gouvernementale, l’avènement d’une concentration partisane dite de « l’authenticité et de la modernité » (PAM) que les fondateurs voudraient un antidote à la gauche socialiste et à ses « défaillances ». Bien des cadres de l’USFP ont fait grief à la direction du parti de consentir à l’hypothèque politico-institutionnelle grevant l’alternance consensuelle et de sacrifier ainsi l’identité politique du parti au profit d’une identification à l’agenda de l’État. Au jugement de Ali Bouabid et Larabi Jaidi, la politique du profil bas adoptée par les dirigeants de l’USFP et l’illisibilité du jeu politique ont eu :

    « pour effet majeur de porter à son paroxysme la dissociation entre l’autorité et la responsabilité, l’asymétrie dans le périmètre des attributions réelles entre les deux têtes de l’exécutif (le Roi et le Premier ministre) étant inversement proportionnelle à l’asymétrie dans le champ de la responsabilité politique. La pratique institutionnelle lestée des survivances de la culture makhzenienne n’est pas parvenue à organiser, sous forme de compromis dynamique, la coexistence fonctionnelle entre ces deux sources de légitimité. Elle a au contraire organisé l’opacité et la confusion dans le processus de prise de décision et engendré une oscillation permanente entre la paralysie et la politique du plus petit dénominateur commun54. »

    20Le sinistrisme et le jeu inclusion/modération ont étendu leurs effets pervers jusqu’aux organes de presse de l’USFP. Le quotidien arabophone, Al-Ittihad Al-Ichtiraki, est passé de la moyenne de 100.000 exemplaires vendus par jour entre 1990 et 1997 à 8000 en 2008. Sur le terrain électoral, la déroute du parti socialiste a été un choc. Les élections législatives du 7 septembre 2007 en ont fait un « parti sans fiefs ». Après avoir occupé la tête du classement successivement pendant trois législatures (1993, 1997, 2002), le parti dégringole à la cinquième position au moment où la majorité de ses dirigeants et ténors ont échoué ou remporté de justesse leurs sièges au parlement. L’USFP perd une bonne partie de ses fiefs électoraux dans les villes de grande et moyenne tailles (Rabat, Casablanca, Agadir..). En contrepoint de ce repli urbain, elle réalise des percées électorales dans les campagnes, esquissant ainsi un processus inédit de « notabilisation » de ses effectifs parlementaires55. Comme permet de le constater l’étude sociographique de Bennani-Chraïbi56, le parti connut, dans l’interstice des deux dernières élections législatives (2002, 2007), une diversification de ses filières de recrutement, la composante « hommes d’affaires » des élus socialistes ayant marqué une nette propension à la hausse contre une régression significative des autres filières socioprofessionnelles (enseignants, professions « modernes »…).

    21L’ancienne opposition dut parallèlement faire face à des déperditions politiques en termes de qualité de rapport avec les mouvements sociaux politisés, viviers traditionnels de la gauche marocaine, déperditions perceptibles à travers les modalités d’occupation de l’espace public par des mouvements sociaux catégoriels (féminisme, ethnicité, sans-emploi, droits humains, émigration…) et un secteur médiatique désormais plus vindicatifs que par le passé. Comme le montrent les ruptures avec certains collectifs de défense des droits humains (AMDH, FVJ…)57, le relâchement des liens avec les associations de plaidoyer a souvent conduit au « divorce », à « l’autonomisation sectorielle et locale », voire à « la scission pure et simple58 ». On notera en revanche que cette entrée en lice des nouvelles pratiques protestataires au Maroc a été bien loin de renverser les statuts politiquement signifiants de l’opposition partisane, celle de l’USFP en particulier ; pas davantage qu’elle n’a réussi à s’affirmer en tant que modalité « alternative » et « légitime » de contestation politique face aux arènes partisane et parlementaire. « L’espace public institutionnel », encore fort de ses dispositifs de filtrage, profite davantage aux intervenants accrédités par les partis ou le gouvernement, quand bien même la prise de parole et les stratégies d’occupation de « l’espace public autonome » (presse écrite, forums civils, cyberdémocratie,…) par les mouvements sociaux ont fait des progrès spectaculaires.

    22Les effets pervers de la dynamique inclusion/modération se sont enfin fait sentir à l’intérieur même de l’USFP. En pleine épreuve d’alternance, le parti dut faire face à un nouveau cycle de scissiparité politique. La formation socialiste perdit ainsi le soutien de son ancien bras syndical, la Confédération démocratique du travail (CDT) qui avait fait scission au 6e congrès (mars 2001) au moment où Mohammed Sassi, ancien patron de la jeunesse ittihadia, se retira du même congrès pour créer « l’Association Fidélité à la Démocratie ». Son successeur, Mohamed Hafid, ne s’en est pas moins révélé frondeur : rangeant autour de lui la majorité du bureau national de la jeunesse socialiste, il a été jusqu’à taxer l’organisation mère de « parti de l’administration59 ». Après le départ du cabinet Youssoufi, le courant « anti-légitimiste », toujours en peine de se faire reconnaître par les instances dirigeantes du parti, connut une percée majeure au sein de la jeunesse ittihadia60 et d’autres structures parallèles. Ces dissonances intestines iront crescendopour culminer à l’approche du septième congrès (juin 2005) lorsque les rédacteurs d’un manifeste libellé Pour une nouvelle USFP61 revendiquent de « requinquer » le parti pour l’arracher à sa crise et à son essoufflement électoral et politique. Un courant des « nouveaux socialistes », mené par Hassan Tarik, ex-secrétaire général de la jeunesse itihadia, vit le jour au lendemain du même congrès. Plus récemment, Mohammed El Gahs, membre du bureau politique de l’USFP, présenta sa démission le 6 février 2007. Les scores du parti aux élections législatives du 7 septembre 2007, tout en confortant l’argumentaire des pessimistes, ont réduit le bureau politique à ouvrir le débat à la vielle du 8e congrès. L’opération Refondation-USFP62, lancée à l’occasion de ce congrès/marathon, organisa trois pistes de discussion, idéologique, politique et organisationnel, où les échanges ont pris tour à tour des intonations critiques, autocritiques ou auto-justifiantes.

    Opposition, multipositionnalité et rationalité instrumentale
    23Dans un vieux texte, Robert Dahl avait suggéré une typologie de l’opposition basée sur six critères tirés de la cohésion organisationnelle de la formation politique, de son caractère compétitif, du « site » d’où elle guette ou contrôle le gouvernement, de son identité propre, de ses objectifs et de ses stratégies63. Cette typologie, outre qu’elle n’est pleinement opérante que dans l’hypothèse des systèmes polyarchiques, demeure incomplète. Elle ignore en effet la « flexibilité positionnelle » ou « multipositionnalité » comme opérateur autorisant une plus large mobilité de l’opposition dans le champ politique. Saisie sous un angle téléologique, la trajectoire d’une formation partisane peut alterner successivement entre trois formes d’opposition : opposition « non structurelle » comprenant les partis de type corporatiste cherchant simplement des postes et orientés vers une politique – au sens de policy – ; opposition « structurelle limitée » tournée vers un certain réformisme politique qui ne va jamais jusqu’à bouleverser les structures ; opposition « structurelle » définie par son transformisme politico-structurel étendu, voire révolutionnaire64. L’USFP présente l’originalité d’avoir expérimenté ces trois postures. Et pour cause. Empiriquement et même théoriquement, il serait difficile de concevoir une opposition politique s’auto-confinant ou consentant à être confinée dans un statut d’éternelle opposition, gardant indéfiniment ses distances à l’égard du pouvoir et de ses ressources et condamnée à seulement réagir aux stimuli des tenants de l’État. Considéré au prisme de son degré de « multipositionnalité », la trajectoire de l’USFP peut être chronologiquement scindée en quatre séquences : la gauche gouvernementale (1959-1960), la gauche subversive (1960-1974), la gauche opposition institutionnelle (1974-1998) et la gauche gouvernementale (1998-2007). L’étirement relatif des deuxième et troisième séquences (1960-1974 et 1974-1998 soit un total de 38 ans) et les différentes contraintes institutionnelles et politiques que la « gauche au pouvoir » devait gérer tout le long des première et quatrième séquences (1959-1960 et 1998-2007) confortent l’hypothèse selon laquelle le sort politique de la gauche marocaine serait plus « oppositionnel » que « gouvernemental ». Mieux, que cette trajectoire ait été inaugurée et bouclée par une « posture gouvernementale » ne saurait accréditer une interprétation circulaire où l’alternance apparaitrait simplement comme une reprise du pouvoir par l’opposition socialiste. Sur une trajectoire d’un demi-siècle, la gauche n’a « gouverné » ni pour longtemps ni de façon solitaire. Pas plus que ses hommes politiques n’ont réussi à faire passer les programmes qui étaient les leurs ni à insuffler à la politique gouvernementale un cachet « socialiste ».

    24Cela dit, la bifurcation « contre-révolutionnaire » ou « sinistrisme » de la gauche marocaine n’intrigue personne. Le citoyen lambda en sait au moins autant que le meilleur sociologue ou historien du mouvement national. Encore est-il que le nœud de l’intrigue réside dans le mode d’objectivation sociologique du phénomène. Plus explicitement, le problème se pose comme suit : quelle grille d’interprétation – qui ne soit surtout ni holiste ni fragmentaire – mobiliser pour capter cette métamorphose de l’identité politique des socialistes marocains ? Comment interpréter le passage de la gauche marocaine d’une figure d’adversaire avoué du trône à celle de défenseur actif de ce dernier ? Comment une décennie passée aux affaires en a gommé quatre tout au long desquelles l’identité de la gauche avait tendance à se dissoudre dans une revendication matricielle : la transformation des structures politiques du Royaume ?

    25Le marché des sciences sociales sur le Maroc politique est si étroit que les réponses qu’il nous propose se révèlent, dans la plupart des cas, interchangeables et univoques. D’Ibn Khaldoun aux analyses marxistes, en passant par la théorie segmentaire, le néo-patrimonialisme et l’anthropologie du patronage autoritaire chez Hammoudi, les réponses ont tendance à faire la part trop belle aux structures auxquelles on reconnaît des facultés qui sont en réalité celles des agents sociaux. Sauf peut-être pour ce qui est de Clifford Geertz et sa métaphore du « souk », les rationalités subjectives et les compétences individuelles (d’appropriation du réel, de production du sens, de transgression de l’ordre, etc.) sont déniées ou minorées au profit de matrices explicatives macrologiques, voire déterministes. En bon adepte de la segmentarité, John Waterbury65 rationalise à sa manière les rapports, en apparence incohérents, entre la monarchie et les partis du mouvement national en s’appuyant sur l’hypothèse invérifiée d’un système politique figé et clos sur lui-même. Certes, l’analyse ne saurait se priver d’arguments aussi stimulants que celui de path dependence pour expliquer, par exemple, pourquoi, au Maroc et dans les autres pays arabes, aucune opposition partisane n’a jusqu’ici honoré sa mission d’agent de démocratisation ou de transformation sociale. La thèse de la résilience des schèmes culturels développée par Hammoudi66 trouve un puissant argument dans les régimes d’autorité à l’œuvre, de façon symétrique, dans les sphères sociales, les interstices de l’État et les organisations partisanes. La littérature sur les partis politiques au Maghreb67 est, de son côté, unanime à noter que les rapports de clientèle et de cooptation, la médiation charismatique de l’autorité, la circularité du temps politique, le caractère méta-procédural du droit et des institutions, etc. figent le potentiel transformateur des oppositions qui se voient, pour ainsi dire, réduits à « jouer le jeu » des structures.

    26Mais, « jouer le jeu » des structures n’est-il pas là, par excellence, un acte de volonté et de raison instrumentale ? Comme en convient Alain Touraine, « la classe dirigeante gère l’historicité, mais l’identifie aussi à ses intérêts particuliers68 ». L’analyse du « sinistrisme » de la gauche marocaine et du processus de désappropriation identitaire qui en est résulté mérite de faire une place plus grande aux postulats de la théorie du choix rationnel. Nous considérons, à la suite de Raymond Boudon, que comprendre le social revient à analyser les rationalités subjectives à l’œuvre dans les actions des individus, puis saisir leurs « effets de composition », c’est-à-dire la façon dont l’ensemble des actions individuelles s’agrègent pour constituer un phénomène social. Raymond Boudon a développé, dans le sillage de sa théorie, ce qu’il appelle des « effets pervers », c’est-à-dire des « phénomènes de composition » où l’addition d’actions individuelles subjectivement rationnelles produit des effets inattendus et souvent contraires aux desseins de chacun69. Les paniques boursières au rythme desquelles vit le monde aujourd’hui fournissent l’archétype de tels effets pervers. La crainte d’une chute des cours conduit un grand nombre d’individus de vendre leurs actifs, provoquant ainsi ce qu’ils craignaient : une baisse des prix des actions.

    27Si le passage de la gauche aux affaires n’a pas rempli ses promesses (ce qu’il est possible de considérer comme un effet pervers de l’alternance consensuelle), la raison devrait en être donnée, non point à partir d’arguments systémiques focalisant sur les seuls sentiers de dépendance autant institutionnels que culturels, mais en interrogeant la raison instrumentale des acteurs majeurs de l’alternance dont celle des dirigeants de la gauche. Le pacte scellé avec la monarchie au milieu des années 1990, la conversion du consensus en rente politique et l’incrémentalisme en mode opératoire unique trouvent leur explication dans des agendas qu’on pourrait qualifier prosaïquement d’individuels. Le vieillissement des cadres de la gauche et l’épuisement de la rente idéologique (socialisme), mais aussi l’attractivité des statuts institutionnels promis et la crainte de l’usure politique face aux conquêtes électorales, syndicales et associatives de l’islam politique ont surdéterminé les tendances de l’ancienne opposition au sinistrisme et à la multipositionnalité.

    28Cette multipositionnalité de la gauche marocaine n’est pas sans évoquer le modèle geertzien du « souk »70 : les agents animés par une quête permanente de l’optimalité, cherchent, chacun à travers les interactions personnelles et les transactions conclues, à tourner les mouvements du « souk » en leur faveur. Selon le paradigme sociologique individualiste sous-tendu par l’approche interprétative, tout agent social négocie activement ses relations de façon opportuniste et il n’est point simplement le jouet de ces structures ou carcans sociaux postulés par les divers courants objectivistes. Là où Gellner, par exemple, croit identifier des « structures structurantes », Geertz ne voit que des effets de représentation et des réseaux d’interrelations personnelles plus ou moins erratiques. Le « souk », archétype de la rationalité limitée, met en présence des « antagonistes intimes71 », des acteurs qui mettent constamment en jeu leurs propres statuts personnels. Les transactions qu’ils concluent dégagent un rapport de dépendance mutuelle, une espèce de « clientélisme égalitaire » : plutôt que de lier verticalement clients et patrons, la complicité des intérêts érige le souk en un lieu de troc entre clients et clients, obligés et obligés, fournisseurs de services et fournisseurs de services. Le souk est ici moins structurant que structuré par les choix des agents. Les rapports de clientèle y sont nécessairement flexibles, situationnels et, surtout, réversibles. Loin de mettre en péril le principe du « souk », les oppositions aléatoires d’intérêts et les réajustements tactiques des comportements marchands l’enrichissent par une sorte d’équilibre entropique. Dans son livre dédié aux partis politiques marocains à l’épreuve de l’alternance, Abdelkébir Khatibi fait sienne cette logique du « souk » et ses conséquences en termes de multipositionnalité des organisations de gauche. Il présente ainsi le spectre des combinaisons qui peuvent en résulter :

    « Dans le jeu de la contigüité idéologique, plusieurs positions sont à conquérir : une concurrence déclarée ou suspendue, une alliance tantôt ouverte, tantôt fermée et réservée à quelques partis ; une complémentarité où chacun a sa place réelle ; le regroupement par séries de différences ou par une simple juxtaposition ; une fédérationcomme horizon ou comme projet fiable. Le jeu est ouvert, mais limité aussi72. »

    29En bonne logique du « souk », les protagonistes du marché peuvent, dans des contextes spécifiques, se résoudre soit à la résistance, soit à la cooptation, soit au renversement des alliances. Geertz prend appui sur ce dernier cas de figure pour expliquer comment les zawiyas (islam maraboutique), d’abord en dissidence par rapport au Protectorat, choisissent au lendemain de la Pacification de s’allier avec lui pour contrer l’influence d’une nouvelle zawiya qui risque de les dissoudre : le parti nationaliste de l’Istiqlal (islam scripturaliste)73. Le renversement d’alliance entrepris par l’opposition de gauche au milieu des années 1990 est-il justiciable de la même grille d’analyse : s’allier avec la monarchie, son ancien adversaire, pour faire pièce au fondamentalisme religieux, son fossoyeur potentiel ? L’affirmative s’impose tant il est vrai que, à ce jour, le parti socialiste n’a orchestré aucune « transaction collusive » ni affiché aucun gage de rapprochement en direction de son rival islamiste (le PJD), quand bien même la trajectoire politique de la gauche ittihadia est riche en coalitions interpartis souvent taxées de « contre-nature » (avec l’Istiqlal et le RNI en particulier). Cela dit, faut-il voir là une limite idéologique à la multipositionnalité ?

    30En toutes hypothèses, l’USFP gère aujourd’hui une transition idéologique et politique difficile. Par-delà le diagnostic auto-consolant du 8e congrès, le parti vit une crise de métamorphose au sens de Gramsci : l’ancien est en train de disparaître alors que le nouveau peine à naître. En 2009, le flottement entre la « défense du trône » comme source de rente politique et les velléités d’un retour à l’opposition pour se requinquer sur le plan électoral domine encore la stratégie du parti pour l’occupation de l’espace politique. Tout compte fait, l’avenir de l’USFP demeure sous le signe de l’incertitude. N’étant plus aussi indispensable à la monarchie que par le passé, sérieusement gêné dans ses fiefs électoraux par de nouveaux arrivants politiques (PJD, PAM…), n’étant pas au cœur de la dynamique unitaire lancée par les autres organisations de gauche (PSU, PADS, CNI, PS), affichant ses distances sur bien des dossiers74 à l’égard de l’Istiqlal, son allié historique aujourd’hui à la tête du gouvernement, le parti socialiste semble se condamner à l’insularité, sinon à un cycle d’hibernation politique pour le moins comparable à celui que vivent toujours les partis de la droite (dits de l’Entente, UC, PND) qui peuplaient le gouvernement et la haute administration dans les années 1980-1990.

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  • Un dîner à $12000 pour le prince Moulay Rachid du Maroc

    Le Prince Rachid Alaoui, connu sous le nom de Moulay Rachid partage avec son frère le roi du Maroc le goût pour le luxe et, lui aussi, dépense sans compter.

    En 2000, il a loué un jet privé pour se rendre de Paris à Acapulco pour des vacances sous le soleil méxicain.

    Selon des informations rapportées par des responsables de l’hôtel où il logeait, Rachid avait loué une suite impériale et 24 chambres dans le luxueux hôtel Quinta Real (Ferme Royale) pour un montant total de 10.200$ par jour pour lui et sa suite de 16 personnes, dont trois ravissantes mannequins.

    Le prince, apprécie aussi, comme son frère le roi Mohammed VI, les sports aquatiques et notamment le jet-ski.

    En 2014, dans des vacances à Puerto Rico, Moulay Rachid a payé $12.000 pour un dîner au Restaurant Mi Casa dont le propriétaire est José Andrés, un chef espagnol reconnu par la revue Time comme une des 100 personnalités les plus influentes au monde. Et dans la ville d’Orcvis, il n’a pas hésité à réserver, pour usage exclusif, le parc éco-touristique Toro Verde et à louer un hélicoptère pour arriver au parc.

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  • Maroc : Pour Nasser Zefzafi les partis sont des « boutiques politiques marocaines » pour se remplir l’estomac et les poches

    Nasser Zefzafi n’aime pas les partis politiques au Maroc et nous le fait savoir. Pour le leader du mouvement Hirak, la situation dans le Rif ne concerne que le gouvernement marocain, « personne d’autre ».

    Dans une note partagée par son père sur les médias sociaux, Zefzafi affirme que la clé de la solution aux problèmes du Rif la détient l’Etat marocain.

    Si l’Etat veut contribuer aux solutions, il ne pourra le faire qu’en dialoguant avec les « activistes du Hirak populaire ». Les partis politiques ne sont donc pas les bienvenus lors de ces pourparlers, si jamais ils devaient avoir lieu.

    Zefzafi appelle donc tous les militants à éviter les discussions avec les partis politiques sur l’avenir du Rif. Selon lui, ah Maroc, le seul but des partis politiques est de profiter de la situation pour « remplir leurs estomacs et leurs comptes bancaires ».

    Le leader du mouvement Hirak, un titre qu’il dit refuser de porter, rappelle  qu’il n’est qu’un prisonnier politique qui porte le numéro 74823.

    Tags : Maroc, Hirak, Rif, Nasser Zefzafi, partis politiques,

  • Sahara occidental : l’envoyé de l’ONU appelle à continuer à rechercher un compromis

    A l’issue d’une table ronde de deux jours à Genève, l’Envoyé personnel du Secrétaire général pour le Sahara occidental, Horst Köhler, a souligné vendredi qu’il fallait continuer sans relâche à rechercher un compromis pour mettre fin au conflit au Sahara occidental.

    Cette table ronde, à laquelle le Maroc, le Front Polisario, l’Algérie et la Mauritanie ont participé, intervient après celle organisée à Genève en décembre 2018.

    « Cette fois, mon intention était de consolider la dynamique positive créée par la première réunion et de commencer à aborder des questions plus substantielles », a dit M. Köhler lors d’un point de presse à l’issue de la table ronde.

    « Cela ne surprendra personne si je vous dis que cela n’est pas et ne sera pas facile. Il reste encore beaucoup de travail pour les délégations. Personne ne devrait s’attendre à un résultat rapide, car de nombreuses positions divergent toujours fondamentalement », a-t-il ajouté.

    Selon l’envoyé de l’ONU, « des efforts réels sont nécessaires pour créer la confiance nécessaire pour progresser ». Il a donc encouragé les délégations à explorer des gestes de bonne foi et des actions concrètes qui vont au-delà de la table ronde.

    Les coûts du conflit sont trop élevés

    « Cette réunion a montré que toutes les délégations sont conscientes que de nombreuses personnes, en particulier celles qui sont directement touchées par le conflit, placent leur espoir dans ce processus », a dit M. Köhler. « Les coûts de ce conflit, en termes de souffrance humaine, d’absence de perspectives pour la jeunesse et de risques pour la sécurité, sont beaucoup trop élevés pour être acceptés. Par conséquent, nous devons poursuivre sans relâche notre recherche d’un compromis. Avec tous les hauts et les bas inévitables, nous ne devons pas perdre de vue que la population du Sahara occidental a besoin et mérite que ce conflit prenne fin. C’est dans cet esprit que je suis reconnaissant aux délégations d’avoir accepté de poursuivre ce processus et de se réunir à nouveau dans ce format ».

    A l’issue des discussions, les quatre délégations se sont mises d’accord sur un communiqué conjoint. Dans ce communiqué, elles ont salué le nouvel élan créé par la première table ronde de décembre dernier et se sont engagées à continuer de s’impliquer dans ce processus avec sérieux et respect. Les délégations ont convenu qu’il fallait renforcer la confiance.

    « Les délégations ont eu des discussions approfondies sur les moyens de parvenir à une solution politique, mutuellement acceptable, de la question du Sahara occidental, qui soit réaliste, réalisable, durable, fondée sur un compromis juste, durable et assurant l’autodétermination du peuple du Sahara occidental, conformément à la résolution 2440 (2018) du Conseil de sécurité », souligne le communiqué conjoint.

    « À cet égard, elles ont décidé de poursuivre la discussion afin d’identifier les éléments de convergence. Il y a eu un consensus sur le fait que l’ensemble du Maghreb bénéficierait grandement d’une solution à la question du Sahara occidental. Les délégations ont également reconnu que la région avait la responsabilité particulière de contribuer à une solution », ajoute le communiqué.

    ONU INFO, 22 mars 2019

    Tags : Sahara Occidental, Maroc, Front Polisario, ONU, Horst Kohler,

  • Algérie : Cinq partis politiques lancent une initiative

    Rassemblement pour une nouvelle République: Cinq partis politiques lancent une initiative

    Cinq partis politiques ont lancé, mardi à Alger, une initiative le « Rassemblement pour une nouvelle République », à travers laquelle « ils ont exprimé leur attachement à la poursuite du processus électoral et appelé à la dissolution du parlement et son remplacement par une assemblée constituante ».

    Lors d’une conférence de presse, les représentants du Parti national algérien (PNA), du Parti national libre (PNL), du Front de la bonne gouvernance (FBG), du Front du militantisme national (FMN) et du Mouvement El-Infitah ont annoncé la création du « Rassemblement pour une nouvelle République », une initiative en faveur du « respect de la volonté du peuple qui a revendiqué, lors des marches pacifiques, le respect de la Constitution et exprimé son attachement à la poursuite du processus électoral ».

    A travers cette initiative, ces cinq partis ont proposé « la dissolution des deux chambres du Parlement et son remplacement par une assemblée constituante qui supervisera la gestion de la période de transition et aura pour missions la formulation de la nouvelle Constitution et l’élaboration de la nouvelle loi relative au régime électoral ».

    Dans ce contexte, les partis ont salué les marches pacifiques populaires, organisées à travers le pays, depuis le 22 février, mettant en exergue « la conscience politique du peuple algérien ».

    Ils ont exprimé, à cette occasion, « leur soutien à la volonté populaire aspirant au changement de manière à préserver l’intérêt suprême du pays et leur rejet de toutes tentatives d’ingérence étrangère dans les affaires internes du pays, quels que soient les circonstances et les motifs ».

    Houda. H

    L’Echo d’Algérie, 20 mars 2019

    Tags : Algérie, Présidentielles 2019, Bouteflika, Transition,

  • Déclaration de presse de M. Horst Köhler tal sur la deuxième table ronde sur le Sahara occidental

    Transcription quasi textuelle de la conférence de presse de M. Horst Köhler, Envoyé personnel du Secrétaire général de l’ONU pour le Sahara occidental sur la deuxième table ronde sur le Sahara occidental

    (21,03 ONU)

    Mesdames, messieurs, messieurs,

    Je suis heureux de vous informer que nous venons de terminer la deuxième table ronde sur le Sahara occidental.

    Je tiens à féliciter toutes les délégations d’avoir fait preuve de leur engagement et de leur détermination à se réunir à nouveau à cette occasion. Je tiens également à remercier le gouvernement suisse pour son généreux soutien dans l’organisation de cette table ronde.

    A l’issue de nos discussions de ces deux derniers jours, les délégations se sont mises d’accord sur un communiqué commun que je vais vous lire immédiatement. Mais d’abord, permettez-moi de faire quelques remarques personnelles.

    La première table ronde qui s’est tenue ici à Genève en décembre a été considérée comme une étape modeste mais encourageante dans la recherche d’une solution au conflit du Sahara occidental. Cette fois-ci, mon intention était de consolider la dynamique positive créée par la première réunion et de commencer à aborder des questions plus substantielles. Ce ne sera une surprise pour personne, quand je vous dis que ce n’est pas et ne sera pas facile. Il reste encore beaucoup de travail à faire pour les délégations. Personne ne devrait s’attendre à une issue rapide, car de nombreuses positions sont encore fondamentalement divergentes. En même temps, être capable de s’écouter les uns les autres, même lorsque les choses deviennent controversées, est une étape importante pour bâtir la confiance. De véritables efforts sont nécessaires pour instaurer la confiance nécessaire pour progresser. J’ai donc encouragé les délégations à explorer les gestes de bonne foi et les actions concrètes qui vont au-delà de la table ronde.

    Cette réunion a montré que toutes les délégations sont conscientes que de nombreuses personnes, en particulier celles dont la vie est directement affectée par le conflit, placent leur espoir dans ce processus. Les coûts de ce conflit, en termes de souffrances humaines, de manque de perspectives pour les jeunes et de risques pour la sécurité, sont beaucoup trop élevés pour être acceptés. Par conséquent, nous ne devons pas céder à la recherche d’un compromis. Avec tous les hauts et les bas inévitables, nous ne devons pas perdre de vue que le peuple du Sahara occidental a besoin et mérite que ce conflit prenne fin. C’est dans cet esprit que je suis reconnaissant aux délégations d’avoir accepté de poursuivre ce processus et de se réunir à nouveau sous cette forme.

    Je vais maintenant lire le communiqué commun adopté par les quatre délégations.

    l’invitation de l’Envoyé personnel du Secrétaire général pour le Sahara occidental, l’ancien Président allemand Horst Köhler, les délégations du Maroc, du Front POLISARIO, de l’Algérie et de la Mauritanie se sont réunies pour une deuxième table ronde les 21 et 22 mars 2019, près de Genève, conformément à la résolution 2440 du Conseil de sécurité. Les délégations se sont engagées avec courtoisie et ouverture, dans un climat de respect mutuel.

    Les délégations se sont félicitées de la nouvelle dynamique créée par la première table ronde qui s’est tenue en décembre de l’année dernière et se sont engagées à continuer de participer au processus avec sérieux et respect. Les délégations sont convenues qu’il fallait renforcer la confiance.

    Les délégations ont tenu des débats approfondis sur la manière de parvenir à une solution politique mutuellement acceptable sur la question du Sahara occidtal sur la deuxième table ronde sur le Sahara occidentalental qui soit réaliste, réalisable, durable, fondée sur le compromis, juste et durable, qui permette l’autodétermination du peuple du Sahara occidental conformément à la résolution 2440 (2018) du Conseil de sécurité. À cet égard, ils sont convenus de poursuivre le débat afin d’identifier les éléments de convergence.

    Un consensus s’est dégagé sur le fait que l’ensemble du Maghreb bénéficierait grandement d’une solution à la question du Sahara occidental. Les délégations ont également reconnu que la région avait la responsabilité particulière de contribuer à une solution.

    Les délégations se sont félicitées de l’intention de l’Envoyé personnel de les inviter à se réunir à nouveau sous la même forme ».

    Merci – et au revoir.

    Tags : Sahara Occidental, Maroc, ONU, Horst Kohler, Front Polisario,

  • Maroc : y a t il une phobie d’exercer le pouvoir dans le RIF ?

    Militer dans la perspective d’exercer le pouvoir et mettre en œuvre ce à quoi on croit. Voilà une question qu’on doit intégrer dans nos calculs et qui doit être amplement discutée !

    Nos malheurs à nous les rifains, est cette obsession qu’ont certains à dire : « nous on ne veut pas gouverner! » Je me demande pourquoi? Quel est le raisonnement derrière cette énonciation ? Pour moi, elle relève d’un complexe, d’une pathologie, d’une phobie. On n’aime pas gouverner en revanche on veut être gouverné, dominé. C’est profondément problématique et insensé ! Il faudrait encourager le peuple à prendre ses responsabilité à s’initier à l’art de gouverner, à favoriser à l’émergence de l’intelligence politique et surtout à créer le rapport de force. Pour tout cela , il faudra se retrousser les manches !

    Mise en garde importante: Mon propos est l’idée de gouverner au sens général du terme, je ne vise pas forcement de l’exercer dans le cadre actuel qui régule le Maroc ! Nous savons pertinemment que le champ politique est verrouillé ! Cette réflexion est une réaction aux propos de Wafi Kajoua, dans son live, qui prêche la passivité, la distanciation, vis-à-vis du carré de la fabrication des décisions qui forgent notre devenir. C’est comme une invitation à ne pas s’en approcher !

    Bordel, à quoi ça sert de militer si ce n’est pas pour prendre le pouvoir, forger le destin en fonction de l’ idéal et les valeurs pour lesquels nous ne cessons de nous battre, et mettre en œuvre les grandes orientations et stratégies qui doivent guider la société. Il faut aspirer au pouvoir au lieu de le subir. Le pouvoir politique est cette domination, il y a les dominés et les dominants. soit on est dans un ou dans l’autre camp. Il faut choisir son camp. « Vouloir le beurre et l’argent du beurre », ce n’est pas possible. Militer pour militer, n’a aucun sens ! Comment voulons-nous réaliser ce à quoi nous aspirons, en comptant sur les autres ? Comme dit l’adage, on n’est jamais mieux servis que par soi-même.

    Si on ne le prends pas, il y a autres forces politiques, qui s’affrontent dans le champ politique, qui en rêvent jour et nuit, y compris se rasant ! Le vie est faite ainsi, tant qu’on s’inscrit dans la cité ( au sens philosophique) de la chose publique, nous sommes contraints d’agir dans la perspective d’accéder à ce pouvoir et le partager ! Il n’y a pas de société humaine sans pouvoir politique, le pouvoir politique est une nécessité inscrite dans l’ordre de la nature !

    Ne nous méprenons pas ! Arrêtons de pleurnicher, de se victimiser. Nos malheurs sont engendrés, entre autres, par ce positionnement distancié du cercle du pouvoir sous quelques prétextes que ce soit ! Assez de démagogie ! il n’y a rien sans rien ! A nous de braver ce tabou !

    Nous sommes lassés d’agir dans l’opposition, de s’y situer systématiquement, de quémander nos droits et nos libertés, de revendiquer. Ce pouvoir est fait pour être arraché, pour changer de mains. Je réaffirme là une banalité « très ordinaire ».

    A bon entendeur !

    Rachid Oufkir

    Tags : Maroc, Rif, Hirak, pouvoir, Makhzen,