Catégorie : Monde

  • UK : Pourquoi les musulmans sont particulièrement vulnérables au coronavirus?

    Les responsables du NHS m’ont dit que les ménages musulmans sont particulièrement vulnérables au coronavirus – il est important de comprendre pourquoi

    Au fur et à mesure que la crise se développe, il est probable que les traumatismes se propageront à travers des communautés dont la culture commune est construite autour précisément des choses que le gouvernement a déconseillé.

    Les musulmans britanniques sont parmi les plus durement touchés par la pandémie de Covid-19 – de hauts responsables du NHS m’ont dit que jusqu’à un quart des Britanniques morts de la maladie causée par le virus étaient des musulmans âgés.

    Pour ceux à l’intérieur des communautés musulmanes comme moi, c’est choquant mais pas surprenant. Les musulmans sont particulièrement vulnérables au virus et il doit être reconnu plus largement avant qu’il ne soit trop tard. Si les musulmans se sentent déçus, exclus ou oubliés par la réponse du gouvernement, il y aura des répercussions qui dureront plus longtemps que l’épidémie.

    Beaucoup de musulmans vivent dans des familles élargies, souvent, comme ma maison, avec trois générations sous un même toit. Cela signifie qu’il existe un nombre plus élevé de porteurs qui peuvent (et souvent infecteront) un parent âgé. Une personne âgée ne peut pas s’auto-isoler efficacement lorsqu’elle vit dans des quartiers proches avec ses enfants, petits-enfants et peut-être même sa famille élargie.

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    Nous sommes tous des créatures sociales, mais peut-être que les musulmans sont plus sociaux que la plupart. Nous mangeons ensemble – souvent dans une seule assiette, partageant des ustensiles et des plats d’accompagnement. Pour de nombreux musulmans, l’intimité sociale comme les poignées de main et les câlins est tellement liée à leur comportement que l’invention d’une semaine de la «distanciation sociale» leur est à la fois étrangère et absurde.

    C’est particulièrement le cas dans les 1600 mosquées britanniques (il y en a 130 seulement dans ma ville natale de Bradford). L’islam est une religion collective, et bien que d’éminentes organisations musulmanes britanniques comme le Muslim Council of Britain aient – conformément aux pays à majorité musulmane comme l’Arabie saoudite, la Turquie et l’Égypte – chargé les musulmans de prier chez eux, de nombreuses mosquées britanniques sont susceptibles de rester ouvert. Heureusement, la plupart des mosquées ont suivi ces conseils, mais les espaces de prière qui sont encore ouverts peuvent contenir encore plus de personnes que d’habitude, ce qui augmente le risque.

    Lors des prières du vendredi (dont la fréquentation est, dans des circonstances normales, une obligation pour la plupart des musulmans), la proximité immédiate des fidèles rend la propagation du coronavirus une quasi-certitude. Nous le savons par des événements dans le monde musulman: la propagation de Covid-19 en Malaisie a été retracée à un seul rassemblement religieux dans une mosquée, ce qui a permis au virus de se propager non seulement à travers ce pays, mais à six autres.

    Tout cela rend le coronavirus particulièrement préoccupant dans les communautés musulmanes, dont certaines, comme Bradford, dans les régions les plus défavorisées du pays, avec des résultats de santé médiocres.

    Les supermarchés ethniques de niche et les bouchers halal dont de nombreux musulmans dépendent pour leurs produits essentiels ont des chaînes d’approvisionnement moins fiables que les grands supermarchés, forçant de nombreux épiciers musulmans locaux à augmenter considérablement leurs prix. Et ce malgré le fait que leurs clients soient parmi les plus pauvres de Grande-Bretagne.

    Et dans les poches des communautés musulmanes, il y a une méfiance – ou une simple méconnaissance – des conseils du gouvernement. Le site Web officiel du NHS sur le coronavirus, qui a été mis en évidence lors des conférences de presse quotidiennes du Premier ministre, n’est disponible qu’en anglais.

    De nombreuses minorités dont l’anglais n’est pas suffisamment compétent pour comprendre pleinement les termes médicaux tels que «quarantaine» et «pandémie» dépendent de sources étrangères ou des médias sociaux pour leurs informations.

    Les blogs, TikTok et YouTubers en Asie ne devraient pas être une ressource principale pour les Britanniques en période de crise nationale – leur propre gouvernement devrait l’être.

    C’est particulièrement le cas pour les réfugiés, les demandeurs d’asile et les nouveaux arrivants, y compris les enfants de demandeurs d’asile pris en charge, qui sont susceptibles d’avoir un niveau d’anglais inférieur à la moyenne. Ils sont également plus susceptibles de souffrir déjà de traumatismes ou de problèmes de santé mentale, qu’un blocage proche ou total peut faire de mal en pis.

    Ce traumatisme va se propager à travers les communautés musulmanes à mesure que la crise se développe. Une interdiction des rassemblements de plus de 100 personnes est essentiellement une interdiction des funérailles musulmanes – je ne suis jamais allé à une réunion avec moins de 300 participants.

    De nombreux musulmans souhaitent que sans une action rapide, ils voient leurs parents et leurs grands-parents mourir de plus en plus nombreux, et ils ne pourront même pas les enterrer correctement. Et c’est à une époque où les rassemblements religieux qui pourraient les aider à traiter et à pleurer seront arrêtés.

    Les conseils du gouvernement dans ces circonstances sans précédent ont été clairs et cohérents. Maintenant, il doit devenir multilingue et multiculturel.

    Le sauvetage du coronavirus est encore minuscule par rapport aux financements mis à disposition pendant la crise financière. Assurément, les vies humaines sont plus importantes que les bilans bancaires? Un soutien devrait être mis à la disposition des autorités locales, des organisations caritatives et des volontaires à travers le pays pour fournir la nourriture, les fournitures et la compagnie dont les plus vulnérables ont besoin.

    Coordonné dans ma localité grâce à une application facilement accessible, l’effort logistique derrière ce déploiement est énorme: nous avons besoin de tout, des interprètes aux thérapeutes en passant par les contrôles DBS accélérés. Je ne doute pas que les communautés musulmanes joueront leur rôle, mais elles doivent être soutenues par leur gouvernement.

    L’hygiène, la santé et la responsabilité envers ses voisins sont étroitement liées à la culture islamique. Cela comprend la responsabilité de ne pas infecter les voisins avec une maladie mortelle. Mais nous ne pouvons utiliser ces valeurs pour assurer la sécurité de tous nos compatriotes britanniques que si nous nous mobilisons en même temps que nous nous isolons.

    Shadim Hussain est membre du groupe directeur du gouvernement sur l’adoption et PDG de My Foster Family

    Source : Independent, 19 mars 2020

    (Traduction non officielle)

    Tags : UK, Royaume Uni, coronavirus, musulmans, ménages musulmans,

  • Covid-19 : l’OMS appelle l’Afrique à se préparer au pire et à éviter les rassemblements de masse

    L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a appelé l’Afrique à « se réveiller » face à la menace du nouveau coronavirus.

    « Le meilleur conseil à donner à l’Afrique est de se préparer au pire et de se préparer dès aujourd’hui », a lancé mercredi soir le Directeur général de l’OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus, lors d’une conférence de presse virtuelle à Genève.

    A une question d’un journaliste rwandais, le chef de l’OMS a indiqué que même si l’incidence de la maladie est faible, le continent africain devrait se « préparer au pire ».

    « Dans d’autres pays, nous avons vu comment le virus s’accélère après un certain point de basculement », a-t-il insisté, tout en ajoutant qu’il vaut mieux que « ces cas recensés soient vraiment les chiffres exacts pour que l’on puisse étouffer le nouveau coronavirus dans l’œuf ».

    « Pour l’instant, l’incidence de Covid-19 en Afrique est faible », a fait valoir de son côté, le Dr Michael Ryan, Directeur exécutif chargé de la gestion des situations d’urgence sanitaire à l’OMS.

    Selon Dr Ryan, l’incidence est peut-être « plus élevée » en raison notamment de l’absence de détection. Mais, l’Afrique a encore une occasion majeure d’éviter certains des pires effets de l’épidémie et de préparer son système de santé publique et son système de santé à cette éventualité.

    Afin d’éviter l’amplification de la maladie, l’OMS estime actuellement que tous les pays où il existe une transmission communautaire ou des grappes de cas à l’intérieur du pays, devraient envisager sérieusement de retarder ou de réduire les rassemblements de masse.

    L’agence onusienne avertit que de telles manifestations, qui rassemblent les gens de manière intense, ont le potentiel d’amplifier et de propager la maladie, en particulier « les grands rassemblements de type religieux qui mettent en contact très étroit des personnes venant de très loin ».

    La recommandation de l’OMS est en fait d’éviter ces regroupements de masse et de tout faire pour couper le virus de l’œuf, en espérant que le pire puisse se produire .

    « Car nous avons vu comment le Covid-19 s’accélère vraiment et se propage dans d’autres continents ou pays », a insisté Dr Tedros, estimant que « l’Afrique devrait se réveiller ».

    « Mon continent devrait se réveiller », a dit le Directeur général de l’OMS, qui est d’origine éthiopienne.
    ONU Info,

    Dans cette optique, l’OMS s’attend à ce que les pays africains examinent toutes les options possibles, en se basant sur l’expérience de l’Asie et de l’Europe pour déterminer les options qui leur conviennent le mieux.

    En attendant, l’agence onusienne basée à Genève réitère les mêmes conseils donnés aux autres pays, à savoir l’importance de faire des tests, de rechercher les contacts, d’isoler et de traiter les personnes atteintes.

    Pour l’OMS, il est certain qu’en ce moment, tous les pays qui ont une maladie à l’intérieur de leurs frontières doivent examiner les mesures appropriées pour limiter les contacts entre les individus, en particulier « les grands rassemblements de masse qui ont le potentiel d’amplifier la maladie ».

    Tags : OMS, Afrique, coronavirus, pandémie,

  • La pandémie de coronavirus peut provoquer une dépression mondiale

    Nous avons besoin de mesures renforçant la demande pour la contrer

    Par Moon of Alabama – Le 16 mars 2020

    Le post de la semaine dernière sur Boeing se terminait par ces lignes :

    La pandémie, et la dépression mondiale qu’elle va provoquer, vont faire en sorte que Boeing devra demander un gigantesque renflouement gouvernemental ou faire faillite.

    La plupart des vols étant cloués au sol en raison de la pandémie, Boeing envisage maintenant de réduire sa production et de licencier des travailleurs.
    Dans la phrase citée, j’ai utilisé avec précaution les mots « la dépression mondiale qu’elle va provoquer ». Je pense en effet qu’un ralentissement durable et à long terme de l’activité économique dans de nombreux pays sera l’une des conséquences de cette pandémie.

    Le secteur du transport aérien n’est qu’un des nombreux secteurs qui seront durement touchés. Environ 70 % du PIB américain est généré par l’industrie des services. Les voyages, les divertissements, les salles de sport, les restaurants et les bars, les hôtels, l’éducation seront tous très durement touchés par les fermetures à venir. Les États-Unis, comme l’Allemagne aujourd’hui, vont bientôt fermer les églises, les maisons closes et autres lieux de divertissement. Seuls quelques secteurs de services, comme les soins de santé, les jeux en ligne et la vente d’armes, continueront à prospérer.

    La pandémie constituera un danger majeur pendant probablement deux ou trois ans, au cours desquels elle fera le tour du monde en plusieurs grandes vagues. Chaque vague nécessitera un nouvel arrêt. La mise au point d’un vaccin contre le virus du SRAS-CoV-2 prendra probablement plus d’un an, mais pourrait prendre beaucoup plus de temps. Nous aurons peut-être plus de chance avec un nouveau médicament capable de réduire les symptômes de la maladie Covis-19 que le virus provoque.

    Les restrictions imposées à des pans entiers du secteur des services risquent donc de durer beaucoup plus longtemps que les uns ou deux mois prévus actuellement. Une fois les restrictions terminées, de nombreuses personnes auront changé leurs habitudes. L’industrie du voyage ne reviendra pas à la normale avant longtemps. L’industrie des croisières mourra probablement. C’est une question personnelle pour moi, car l’endroit où j’ai appris à travailler le métal en dépend.

    Il y aura aussi beaucoup de licenciements provoqués par cette crise, ce qui garantit que la demande va encore baisser drastiquement.

    Dimanche, la Fed a réduit ses taux d’intérêt à zéro. C’était un coup d’épée dans l’eau. Aujourd’hui, les marchés boursiers ont encore chuté de 10 %. Le brut est maintenant en dessous de 30 dollars le baril et pourrait bien descendre à 20 dollars. L’initiative de la Fed a probablement été demandée par Trump qui, la semaine dernière, a fait remarquer qu’il avait le pouvoir de virer le président de la Fed, Powell. La Fed devrait veiller à ce que les marchés du crédit restent liquides car de nombreuses entreprises auront besoin de ressources supplémentaires. Un resserrement du crédit en ce moment augmenterait les dégâts généraux. Mais Trump et la Fed devraient arrêter de pousser des mesures du côté de l’offre comme les réductions de taux d’intérêt et les allègements fiscaux. Il n’y a pas de manque d’investissement ou d’offre mais un manque de demande et cela va durer au moins pour le reste de l’année.

    La semaine dernière, la Chambre a adopté un projet de loi prévoyant une aide d’urgence. C’était en grande partie un trompe-l’œil. La présidente du Parlement, Nancy Pelosi, l’a vendu comme une couverture alors que ce n’en est pas vraiment une :

    La législation garantit un congé d’urgence payé avec deux semaines de congé maladie payé et jusqu’à trois mois de congé familial et médical payé, selon Mme Pelosi. Elle renforce également l’assurance chômage. La législation augmente également les fonds fédéraux pour Medicaid, et renforce le financement des programmes d’aide alimentaire.
    Ce sont des mensonges et même les rédacteurs néolibéraux du New York Times les ont dénoncés :

    Vendredi soir, la présidente de la Chambre des représentants, Nancy Pelosi, a célébré la loi sur les coronavirus qui a été adoptée samedi et qui prévoit un congé maladie payé pour les travailleurs américains touchés par la pandémie.

    Elle a négligé de mentionner certains détails.

    En fait, le projet de loi ne garantit un congé de maladie qu’à environ 20 % des travailleurs. Les grands employeurs comme McDonald’s et Amazon ne sont pas tenus d’accorder des congés maladie payés, tandis que les entreprises de moins de 50 employés peuvent demander des exemptions pour difficultés professionnelles à l’administration Trump.

    « Si vous êtes malade, restez chez vous », a déclaré le vice-président Mike Pence lors d’une conférence de presse samedi après-midi. « Vous ne manquerez pas votre chèque de paie. »

    Mais ce n’est tout simplement pas vrai. Les travailleurs malades devront rester chez eux, mais la législation d’urgence ne garantit pas que la plupart d’entre eux seront payés.
    Lorsque même les sénateurs républicains de droite pensent que le leader démocrate de la Chambre n’est pas assez socialiste, quelque chose a changé :

    Le projet de loi sur l’aide à la Chambre ne va pas assez loin ni assez vite.

    Nous allons faire tout notre possible pour que les travailleurs et les familles touchés reçoivent le plus rapidement possible de l’argent afin que nous puissions tous traverser cette pandémie ensemble.
    Il y a beaucoup plus de mesures nécessaires que ce que prévoit le projet de loi de Pelosi. Le gouvernement doit couvrir tous les coûts des tests de dépistage du virus et des soins relatifs au Covid-19. Il doit accorder des congés maladie à tous ceux qui doivent rester à la maison, quel que soit leur statut professionnel. Ne pas le faire prolongera la crise, car sinon les personnes infectées qui doivent travailler par manque d’argent continueront à propager le virus.

    Les États-Unis et les autres économies auront également besoin d’une incitation pour relancer la demande. Envoyez un chèque de 5 000 dollars à chaque ménage qui gagne moins de 100 000 dollars par an et incluez les sans-abris dans ce chèque. L’argent pourrait être prélevé sur le budget de la défense. Un navire de la marine militaire n’arrêtera jamais une pandémie.

    Le précédent choc social et économique mondial de cette ampleur est survenu après le 11 septembre. La chute des tours a changé le monde. Elle est devenue la justification à des politiques militarisées et des budgets de la défense importants. Cette pandémie entraînera des changements d’une ampleur comparable.

    Les demandes du public et les priorités politiques vont changer. La préparation et la réponse aux crises sanitaires deviendront une nouvelle question prioritaire. La globalisation va se limiter tandis que la coopération mondiale sur les questions de santé augmentera probablement.

    Cette crise n’est pas la fin du monde, mais elle sera à l’origine de changements importants.

    Moon of Alabama

    Le Saker francophone, 18 mars 2020

    Tags : coronavirus, crise financière, dépression, économie, croissance,

  • Coronavirus : bombe à retardement en Afrique?

    Coronavirus, augmentation du nombre de cas en Afrique, peur de la « bombe à retardement » 400 cas dans 30 pays, annulation de vols, fermeture des frontières et des écoles

    Rome, 17 mars (askanews) – L’épidémie de coronavirus n’est plus une menace, mais une réalité pour le continent africain après que le nombre de contagions a augmenté rapidement ces derniers jours, incitant les gouvernements nationaux à adopter des mesures de plus en plus restrictives pour essayer d’arrêter la diffusion dans les pays aux systèmes de santé fragiles et dans une population déjà gravement touchée par le VIH, la tuberculose, Ebola et d’autres maladies infectieuses. « Je crains que ce ne soit une bombe à retardement », a déclaré à Bruce Bassett, scientifique des données de l’Université du Cap, qui est en train d’analyser les données sur Covid-19 depuis janvier.

    À ce jour, il y en a au moins 30 sur 54 Pays qui ont signalé des cas de contagion, environ 400, principalement importés d’Europe: les plus touchés sont l’Égypte, l’Afrique du Sud, l’Algérie, le Maroc et le Sénégal. « Nous n’avons vraiment aucune idée du comportement de Covid-19 en Afrique », a prévenu Glenda Gray, pédiatre et chercheuse sur le VIH, présidente du South African Medical Research Council.

    L’Afrique subsaharienne pourrait profiter du fait qu’elle a l’âge moyen le plus bas du monde, moins de 20 ans, par rapport au fait que les enfants tombent rarement malades de Covid-19 et que les jeunes présentent pour la plupart des symptômes bénins. En fait, le risque pour les personnes âgées est plus élevé et en Afrique subsaharienne, seulement 3% de la population a plus de 65 ans. Le pédiatre Gray estime également qu’il est plausible que les températures élevées de nombreux pays africains puissent rendre la propagation du virus plus difficile, soulignant cependant qu’en Afrique du Sud la saison de la grippe commence en avril, quand il fait plus froid, laissant ainsi ouverte la question de savoir si le Covid- 19 peut s’avérer être une maladie saisonnière.

    Il y a d’autres facteurs qui pourraient aggraver la pandémie en Afrique, tout d’abord la fragilité des systèmes de santé locaux, qui n’ont pas la capacité d’aider les patients gravement malades avec Covid-19, c’est-à-dire les unités de soins intensifs et du personnel spécialisé. Mais le continent possède également des villes et des bidonvilles surpeuplés, où il serait difficile d’imposer une distanciation sociale, et la coexistence de plusieurs générations sous un même toit, de sorte que la décision d’imposer l’emprisonnement à domicile peut ne pas être efficace, où les plus anciens seraient encore exposés au danger d’infection.

    Et encore une fois, le parasitologue de l’Université Marien Ngouabi de la République du Congo a expliqué à Science Francine Ntoumi, comment les villageois peuvent être invités à se laver les mains quand il n’y a pas d’eau, ou à utiliser des désinfectants pour les mains lorsque n’y a-t-il pas assez d’argent pour acheter de la nourriture? « Je crains que ce ne soit le chaos », a-t-il commenté.

    Face à ces questions, les gouvernements africains ont commencé à adopter des mesures de confinement, même si les chiffres de contagion confirmés sont souvent à un chiffre, annulant des vols, fermant des écoles, des lieux de culte. L’Égypte, qui compte 160 cas de contagion et quatre décès, a annoncé la suspension de tous les vols internationaux jusqu’au 31 mars, a fermé des écoles et des universités et a interdit les manifestations publiques de masse. En Afrique du Sud, qui a enregistré 62 cas, le président Cyril Ramaphosa a déclaré la « catastrophe nationale », suspendant les vols avec les pays les plus touchés par la pandémie de coronavirus, tels que la Chine, l’Iran, l’Italie, l’Espagne, le Royaume-Uni et les États-Unis, clôturant écoles et universités, interdisant les fonctions et événements publics. L’Algérie, avec 60 cas d’infection et cinq décès, a également annoncé la suspension des vols avec l’Italie, la France, l’Espagne, la Tunisie, l’Égypte, les Émirats arabes unis, le Qatar et la Jordanie, fermé les écoles et les lieux de culte et suspendu le travaux parlementaires.

    Le Maroc, qui compte 37 cas, a suspendu des vols et fermé des mosquées, des écoles et des lieux publics, tout en créant un fonds spécial d’un milliard de dollars pour couvrir les frais de santé. Samedi dernier, le président du Sénégal, Macky Sall, a annoncé la fermeture des écoles et l’annulation de tous les événements publics pour un mois, annulant également les célébrations du 60e anniversaire de l’indépendance du pays par rapport à la France, le 4 avril. Aujourd’hui, il y a 26 cas dans le pays, deux de plus que la Tunisie, qui a annoncé aujourd’hui la fermeture des frontières et la suspension des vols, après avoir déjà imposé la fermeture anticipée des bars et restaurants et l’interdiction de fréquenter les marchés, les toilettes publiques et les événements publics.

    L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a recommandé de tester tout cas suspect de contagion pour freiner la propagation du coronavirus, mais tous les pays africains n’ont pas la possibilité de le faire, en particulier les plus fragiles. Comme la Libye, qui a fermé les frontières et les ports, les écoles et les universités, et interdit les événements publics, bien qu’elle n’ait jusqu’à présent confirmé aucun cas de Covid-19, et où les migrants continuent de partir pour l’Europe, comme en témoigne la 400 personnes interceptées en mer et ramenées à Tripoli ces derniers jours. « Cette maladie va bientôt disparaître, je n’ai donc pas peur d’aller en Europe », a déclaré un migrant ivoirien, cité par InfoMigrants, avant que l’UE ne décide de fermer les frontières extérieures pendant un mois.

    D’autres États particulièrement vulnérables sont la Somalie, qui a interdit tous les vols internationaux après le premier cas de contagion, et le Soudan qui a déclaré aujourd’hui l’état d’urgence, fermant tous les aéroports et les frontières terrestres et maritimes, après s’être enregistré samedi. le premier cas, avec la mort d’un homme qui est revenu des Émirats arabes unis.

    L’Union africaine (UA) a créé un organisme chargé de gérer l’urgence, les Centres africains de prévention et de contrôle des maladies, qui collabore avec l’OMS pour la distribution de matériel et de fournitures ainsi que la formation du personnel de santé.

    Source : Askanews, 17 mars 2020

    Tags : Afrique, coronavirus, Chine, masques, kits de test,

  • Du franc CFA à l’ECO-CFA: changer de symboles, garder le système?

    Après avoir affirmé à Ouagadougou en novembre 2017 que le franc CFA était une « monnaie africaine » et donc un « non-sujet » pour la France, le président Emmanuel Macron est récemment revenu à la réalité sous la pression des mouvements panafricanistes, impatients de voir L’Afrique francophone a rompu les liens coloniaux avec l’ancienne métropole.

    Macron a décidé souverainement de réformer la dernière monnaie coloniale encore en circulation sur le continent africain. « C’est en écoutant votre jeunesse que j’ai voulu entamer cette réforme », a-t-il déclaré à Abidjan, le 21 décembre 2019, avec le président de la Côte d’Ivoire, Alassane Ouattara, à ses côtés.

    Premièrement, le nom du franc CFA, qui porte l’empreinte de ses origines coloniales (« colonies françaises franc en Afrique »), sera renommé « ECO », apparemment à partir de juillet 2020 pour les huit pays de l’Union économique et monétaire Afrique de l’Ouest (UEMOA).

    Deuxièmement, la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) ne sera plus tenue de déposer la moitié de ses réserves de change auprès du Trésor français. Troisièmement, le gouvernement français ne sera plus représenté dans les instances de la BCEAO. Ce sont les annonces du duo Macron-Ouattara.

    Au cours des dernières décennies, la logique des réformes du franc CFA a toujours été de rendre la surveillance monétaire française moins visible. Au début des années 70, la France, portée par une forte demande de décolonisation monétaire, a accepté le transfert des bureaux des banques centrales à Dakar et Yaoundé et l’africanisation de leur personnel.

    Malgré cette «africanisation» des institutions de la zone franc, la France a maintenu le contrôle du système puisque ses représentants disposaient d’un droit de veto dans les organes de la BCEAO et de la BEAC (Banque des États de l’Afrique centrale) et contrôlaient au moins 65% ses réserves de change, déposées sur un compte spécial ouvert dans les livres du Trésor français, le compte d’opérations.

    Dans les années 2000, le taux de dépôt obligatoire des réserves extérieures a été abaissé à 50%. Les banques centrales de la zone franc sont devenues juridiquement indépendantes de leurs États membres. Cependant, ils sont restés sous le contrôle du Trésor français, dont la réduction du nombre de représentants a été « rééquilibrée » avec la fermeture de leurs statuts. A ce jour, aucune décision statutaire ne peut être prise par la BCEAO et la BEAC sans l’accord du gouvernement français.

    Les réformes annoncées par Macron ne s’écartent pas de cette logique historique. La fermeture du compte de gestion et le retrait du gouvernement français des organes de la BCEAO équivalent à une transition d’un système de contrôle direct vers une forme de contrôle indirect. La politique monétaire et de change en tant que telle n’est pas affectée par ces évolutions.

    Tant que la parité fixe avec l’euro est maintenue, les réserves de change, quelle que soit la forme ou le lieu dans lequel elles sont détenues, serviront principalement à défendre cette parité. Ces réformes ne rendent donc pas la BCEAO plus autonome: elle reste une annexe à la Banque de France, liée à la politique monétaire de la Banque centrale européenne.

    Il convient de souligner que l’absence d’obligation de dépôt de réserves de change auprès du Trésor français n’implique pas nécessairement une rupture des relations financières entre ce dernier et la BCEAO. Dans le cas de la BEAC, la partie non obligatoire des réserves de change était souvent investie en titres du Trésor français.

    Si la France avait vraiment voulu « casser les amarres », le mettre à Macron, et mettre fin au franc CFA, elle aurait pu tout simplement abolir l’accord de coopération monétaire qui le lie aux pays de l’UEMOA. Mais il a choisi de la renouveler et de conserver son rôle de «garant». Cela implique qu’il reste de facto souverain sur la gestion du franc CFA rebaptisé ECO. Il s’ensuit également que les pays de l’UEMOA restent sous le contrôle indirect des autorités de la zone euro dans la mesure où ils contrôlent la « garantie » de convertibilité censée être fournie par la France.

    Que signifie cette « garantie »? La France promet de jouer le rôle du Fonds monétaire international (FMI) pour les pays qui utilisent le franc CFA en leur fournissant des liquidités en cas de problèmes de paiement extérieur. En particulier, chaque fois que la BCEAO se trouve dans une situation de réserves de change nulles, le Trésor français s’engage à lui prêter les montants souhaités en monnaie française (d’abord le franc français, maintenant l’euro).

    Cependant, le fonctionnement de la BCEAO (et de la BEAC) est mis en place pour que cette situation ne se reproduise que rarement, voire jamais. Dès que ses réserves de change atteignent un niveau critique, il adopte des mesures restrictives – limitant les possibilités de financement des économies de la zone – pour reconstituer ses actifs extérieurs. Grâce à ce mode de gestion, la garantie a rarement été activée pour les pays de l’UEMOA entre 1960 et aujourd’hui.

    La France n’a honoré sa promesse de « garantie » que dans la période 1980-1993. Il l’a fait pour permettre aux entreprises françaises, qui envisageaient une dévaluation du franc CFA, de rapatrier leur capital et leurs revenus. Selon la BCEAO, la « garantie » française à l’époque était d’un montant annuel de 32 milliards de francs CFA, un chiffre relativement négligeable par rapport à une fuite de capitaux estimée en zone franc à 750 milliards de francs CFA uniquement pour les années 1988 -1989.

    Faut-il s’étonner que le montant « zéro » soit systématiquement inscrit en droit financier français sous la « garantie » de convertibilité? Dans un document publié en 2018, intitulé « Gestion des réserves internationales de la CEMAC », le FMI a noté qu ‘ »il existe des incertitudes sur la capacité du Trésor français, qui à son tour doit se conformer aux règles plus larges de la zone euro. offrir ce type de garantie à grande échelle pour une durée indéterminée ».

    Dans ces conditions, comment la France, qui ne respecte pas ses engagements budgétaires au niveau européen, pourrait-elle jouer le rôle de «garant»? Lorsque les pays africains ont des difficultés économiques, comme c’est le cas actuellement dans la zone CEMAC, c’est le FMI qui est appelé par Paris à venir à la rescousse et à imposer des politiques d’austérité qui produisent toujours et partout les mêmes résultats: misère et désolation.

    Lorsque le ministre français des Finances, Bruno Le Maire, affirme que la « garantie » française permet aux pays de l’UEMA de s’assurer qu’ils pourront toujours financer leurs importations, il montre à Nolens volens son manque de considération pour l’intelligence collective des peuples et des économistes africains. La volonté de maintenir un lien monétaire formel – et donc de garantir les intérêts économiques français – pourrait se passer d’une justification paternaliste ou malhonnête.

    Pourquoi 14 pays de plus de 160 millions d’habitants auraient-ils besoin de la France pour leurs paiements extérieurs alors qu’un petit pays comme la Gambie bat sa monnaie nationale sans chercher la « garantie » d’une puissance extérieure?

    Le concept de «garantie» de convertibilité utilisé par les responsables et partisans français de la relique coloniale est d’autant plus absurde que nous vivons depuis les années 1970 dans une ère post-Gold Standard, dans laquelle la monnaie émise par les États est essentiellement de nature fiduciaire . Force est de constater que la France et les flatteurs du franc CFA peinent encore à sortir du paradigme monétaire du XIXe siècle, le siècle colonial par excellence!

    Les réformes de Macron ne portent que sur certains aspects visibles du colonialisme du franc CFA qui sont devenus particulièrement embarrassants pour la France. Ils ne fournissent pas une base crédible pour parler de la fin du franc CFA. Tant qu’il existe un lien formel de subordination monétaire, tant que le franc CFA / ECO est fermement ancré à l’euro et tant que la Banque de France détient 90% des réserves d’or monétaire de la BCE, le colonialisme monétaire aura encore de beaux jours devant lui. .

    Cependant, ce serait une erreur analytique de croire que les motifs du président Macron sont exclusivement populistes. Ses réformes visent également à contourner le projet d’intégration monétaire tel qu’il a été conçu jusqu’à présent au sein de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO).

    Les 15 pays de la CEDEAO, dont les huit qui utilisent le franc CFA, avaient choisi le nom ECO pour leur future monnaie unique et avaient accepté de l’appuyer avec un panier de devises. Avant de pouvoir adopter l’ECO, chacun d’eux devait répondre à une série de critères d’entrée (les « critères de convergence »).

    Cependant, selon une récente déclaration du ministre nigérian des Finances, Zainab Ahmed, aucun pays du COEEA n’est éligible à l’ECO en 2020, à l’exception du Togo, qui n’est manifestement pas assez grand pour réaliser seul le projet.

    Au moment où Macron, en présence d’Ouattara, annonçait ses réformes, les chefs d’État de la CEDEAO clôturaient une réunion à Abuja, où ils devaient décider de l’avenir du projet régional de monnaie unique. La libération définitive de la CEDEAO devait accepter le fait accompli: « Cette réforme de la zone monétaire de l’UMAA facilitera son intégration dans la future zone monétaire de la CEDEAO (ECO) », lit-on dans le communiqué.

    En s’appropriant indûment le nom ECO sans répondre aux critères d’entrée de la zone du même nom, Macron et les pays de l’UEMOA, avec Ouattara en tête, indiquent clairement qu’ils ne se soucient pas de l’intégration monétaire telle qu’envisagée dans le cadre de la CEDEAO. À Abidjan, Macron a appelé par son nom presque tous les pays ouest-africains qui n’utilisent pas le franc CFA pour rejoindre l’UEMOA, à l’exception du Nigeria et du Ghana. Le message est clair: il s’agit d’isoler le géant nigérian et même le Ghana.

    Ce projet n’a rien de nouveau. On le retrouve dans un rapport sur la zone franche de l’ancien ministre français Dominique Strauss-Kahn, publié en 2018. Dans les années 1970, la Côte d’Ivoire et le Sénégal s’étaient déjà alliés à la France pour faire dérailler un projet de réforme monétaire guidée du président nigérian Hamani Diori, destiné à renforcer la coopération monétaire entre les pays de l’Afrique de l’Ouest. Près de cinquante ans plus tard, rien n’a changé visiblement.

    Il faut souligner au passage que le sabotage de la Côte d’Ivoire ne se limite pas au domaine monétaire. En ratifiant un accord de libre-échange intérimaire avec l’Union européenne en 2016, alors que la CEDEAO fonctionne déjà dans le cadre d’une union douanière, elle a également mis en péril l’intégration commerciale régionale.

    Le « kidnapping » de l’ECO par la France et les pays de l’UEMOA a au moins un « mérite »: celui d’avoir mis fin au report récurrent du lancement de la monnaie unique de la CEDEAO. La passivité des chefs d’État de la CEDEAO face à ce détournement d’objectifs est sans doute une conséquence logique du fait qu’ils n’ont jamais pris la peine d’impliquer leurs peuples dans le débat sur l’ECO et de faire un discours véridique.

    Ils ont toujours affirmé que l’ECO – une copie grossière de l’euro qui pose des problèmes similaires au franc CFA en tant que monnaie unique – était faisable et qu’ils faisaient les meilleurs efforts au monde pour le lancer, alors qu’ils auraient dû savoir que la méthodologie des critères de convergence , importé de l’Union européenne, était le meilleur moyen de perpétuer l’immobilité monétaire. Macron et Ouattara, ayant compris l’impasse du CEDEAO, ont profité de la situation.

    Et, bien que triste pour les partisans de la version CEDEAO, le couple franco-ivoirien a rendu un service partiel aux chefs d’Etat de la CEDEAO qui ont logiquement dû annoncer un nouveau report du lancement de l’ECO. Au moins, certains peuvent avoir l’illusion / l’espoir que les choses « bougent » dans la bonne direction pour une fois.

    Dans la mesure où les pays de l’UEMA ont adopté l’ECO sans remplir les critères d’adhésion requis, quel sens aurait-il de demander aux sept autres pays de l’ECOW de les respecter pour faire partie de la zone monétaire de l’ECO? Il est difficile de voir comment le projet de monnaie unique de la CEDEAO se remettra de ce coup de marteau.

    Au revoir franc CFA, longue vie à l’ECO CFA!

    Sans aucun doute, une telle entreprise poussera le gouvernement français à envisager avec bonne volonté les ambitions éventuelles d’un troisième mandat de certains dirigeants actuels des pays de l’UEMOA.

    Les réformes de Macron n’entraîneront aucun changement significatif dans la conduite de la politique économique ou la situation matérielle de la population. Il est cependant ironique que des réformes ayant une signification essentiellement symbolique aient échoué précisément au niveau des symboles. Car Macron et Ouattara n’étaient pas les bonnes personnes pour annoncer « la fin du franc CFA ».

    L’annonce aurait eu plus de crédibilité si elle était venue, par exemple, des chefs d’État de la CEDEAO et, peut-être, si elle avait oint le peuple. Voir le président de l’ancienne métropole coloniale « décider » de la fin d’une relique coloniale lors d’une revue des troupes françaises stationnées en Côte d’Ivoire n’est pas le moyen le plus convaincant de décréter la nouvelle mort de la résistante « Françafrique ».

    Cela dit, les nombreux mouvements panafricanistes, intellectuels, économistes, simples citoyens qui se battent pour une deuxième indépendance de l’Afrique peuvent savourer une petite victoire. Ces réformes symboliques sont des concessions qui doivent être pleinement appréciées. La forteresse CFA commence à faiblir. Une bataille vient d’être gagnée. D’autres devront être combattus.

    Sur le plan économique et monétaire, il faudra viser à doter le continent de monnaies souveraines garantissant son indépendance financière. Outre la nécessité de regagner leur souveraineté monétaire formelle vis-à-vis du gouvernement français et du FMI, les pays africains devront également mettre en œuvre des réformes de grande ampleur dans le secteur bancaire et financier, qui continue de fonctionner de manière coloniale malgré le déclin des banques françaises. Ils devront mettre en place des banques centrales «d’agents de développement» avec lesquelles travailler en étroite collaboration pour faciliter le financement des économies, les projets d’industrialisation, la création d’emplois et la transformation écologique. Ils devront essayer d’éviter les emprunts en devises en s’appuyant autant que possible sur la mobilisation des ressources internes.

    Cela implique une rupture avec l’attitude d’organisation de toute politique économique autour de la nécessité d’attirer des «financements extérieurs». Bien sûr, tout cela ne sera pas possible sans une mobilisation permanente des peuples pour demander aux «représentants» / «élus» de garantir un cadre politique plus égalitaire.

    Nous aurions tort de nous arrêter aux symboles et seulement à la réforme monétaire.

    * Economiste et chercheur à la Fondation Rosa Luxemburg à Dakar. Traduction par Andrea Mencarelli (Potere al Popolo) de la note publiée ici.

    Source 

    (Traduction non officielle)

    Tags : Afrique, Franc CFA, FCFA, françafrique, colonialisme, colonisation, ECO,

  • Reconnaissance de la RASD : les zigzags de la diplomatie mauricienne

    En 2014, le gouvernement de Ramgoolam retire sa reconnaissance officielle de la République arabe sahraouie démocratique. Celui de Jugnauth la restaure moins de deux ans plus tard. Derrière ce revirement, une question de « philosophie » et d’opinions politiques. En toile de fond, une accusation contre Arvin Boolell.

    D’un gouvernement à l’autre, l’État mauricien a retiré sa reconnaissance de la République arabe sahraouie démocratique (RASD), puis l’a rétablie en l’espace de quelques années. L’affaire refait surface depuis que le site Maroc Leaks a publié des facsimilés de correspondances de Mohammed Amar, l’ancien ambassadeur du Maroc à Madagascar, alléguant qu’Arvin Boolell voulait que le gouvernement marocain finance sa campagne électorale en 2014, afin de garantir son soutien dans la non-reconnaissance de la RASD. Des allégations qu’Arvin Boolell rejette.

    Reconnaissance retirée

    Dès 1982, Maurice reconnaît la RASD, contrôlée par le Front Polisario, comme état indépendant, alors que le Maroc clame que le territoire concerné lui appartient. Le 8 janvier 2014, Arvin Boolell est ministre des Affaires étrangères quand le gouvernement décide de retirer cette reconnaissance. Le même Boolell explique cette décision au parlement suite à une question d’Ariane Navarre-Marie, le 8 avril suivant. « The decision to withdraw recognition of the Sahrawi Arab Democratic Republic (SADR) as a State was motivated by the belief that this recognition does not help in the settlement of the issue of the self-determination of the Sahrawi people. It was felt that the decision of recognizing a territory as a State ahead of the conclusion of a process under the aegis of the United Nations was not fully justified and therefore was deemed premature », avait indiqué l’ex-ministre à l’Assemblée nationale.

    Sauf que l’actuel gouvernement renversera la décision, le 20 novembre 2015. Le communiqué du conseil des ministres explique sommairement : « Cabinet has agreed to Mauritius recognizing anew SADR as a sovereign State […] The recognition of the SADR as a sovereign and independent State is a reaffirmation of the support of Mauritius for the inalienable right of self-determination of the people of Western Sahara. »

    Revirement

    Il ne faut pas chercher bien loin les explications derrière ce revirement. « C’est une question de philosophie », selon une source de la diplomatie mauricienne.

    « L’Union Africaine (UA) reconnaît la RASD. Les changements de politique étrangère sont toujours subtils et le gouvernement avait retiré sa reconnaissance de la RASD uniquement comme état. Il n’y a aucune raison de croire qu’il y ait eu d’autres motivations de revenir sur cette décision en dehors des convictions fortes de certains partis sur le sujet », affirme cette source. Parmi ces partis, le MMM, qui était au pouvoir en 82 quand le pays a reconnu la RASD.

    Un ancien diplomate explique au Défi Quotidien que les relations entre le Maroc et les pays de l’Union africaine (UA) sont très complexes. « Le Maroc s’était retiré de l’UA, en 1984, parce que celle-ci avait soutenu le Front Polisario, explique cette source. En 2012, il y avait les élections pour les sièges au Conseil de sécurité de l’Onu et le Maroc a été élu aux dépens de la Mauritanie, candidat officiel de l’UA. » Preuve que les pays africains soutenaient le Maroc, selon cette ancienne source, sinon cette élection n’aurait jamais été possible. Un résultat qui indiquait déjà « un changement au niveau des pays africains », selon notre source. Finalement, en janvier de cette année, le Maroc a réintégré l’UA, n’imposant plus comme condition préalable l’exclusion de la RASD.

    Un diplomate marocain qui n’est pas pris au sérieux

    Faut-il vraiment croire qu’Arvin Boolell a demandé au gouvernement marocain de financer sa campagne ? Ce dernier nie en bloc et dans le giron de la diplomatie mauricienne, on peine à prendre ces allégations au sérieux. Car l’accusateur est Mohammed Amar, qui a passé dix ans à Antananarivo en tant qu’ambassadeur du Maroc. En 2016, il a été accusé de détournement de fonds et d’ingérence dans les affaires internes de Madagascar.

    « Si Boolell voulait réellement être financé, ce n’est certainement pas vers le Maroc qu’il se serait tourné, explique un ancien diplomate. ça saute aux yeux, vu les antécédents de l’ambassadeur, qu’il a voulu soutirer de l’argent à son gouvernement. » Si le gouvernement marocain voulait effectivement financer Arvin Boolell pour obtenir son soutien, l’argent serait forcément passé par l’ambassadeur, selon cette source. L’argent serait alors resté dans les poches de ce dernier. « C’est clairement une démarche personnelle », assure notre source.

    Dans sa lettre officielle, Mohammed Amar affirme que « Arvin Boolell m’a confié son souhait très urgent de voir le Maroc l’aider à couvrir la campagne qui est déjà lancée et qui va coûter extrêmement cher ». Le mercredi 4 octobre, Arvin Boolell a nié ces allégations sur Radio Plus. « J’invite le public à lire cet article et à comprendre pourquoi le gouvernement marocain a révoqué l’ambassadeur. Je suis très serein, mais ce qui m’intrigue, c’est pourquoi venir dire de telles choses maintenant. À qui profitent ces allégations ? J’ai déjà rencontré l’ambassadeur, comme c’est le cas avec les autres ambassadeurs et je n’ai jamais eu de financement auprès d’étrangers. »

    Source 

    Tags : Maroc, Arvin Boolell, Maurice, campagne électorale,

  • L’avenir de l’Algérie est entre les mains de ses enfants

    Coronavirus : La vague emportera tout sur son passage

    La sixième puissance de la planète est entrée en confinement total. Emmanuel Macron sera le premier président de la cinquième République à prendre des mesures de restriction des libertés individuelles et collectives.

    Après, l’Italie et très bientôt l’Espagne, la France entre dans une zone inconnue où la démocratie n’aura certainement pas droit de cité. Cette réaction, que les observateurs ne qualifient pas de disproportionnée, vient confirmer l’urgence de la situation que traverse la planète.

    C’est en effet, sans précédent dans l’histoire de l’humanité qu’une pandémie mondiale qui provoque le confinement de pays entiers et la mise en berne de tous les principes démocratiques, n’était envisagée que dans les films d’anticipation. Personne n’imaginait un seul instant que la communauté internationale puisse en arriver à cet extrême. Il faut dire, au passage, que la pandémie est loin de connaître un reflux.

    D’autres pays de même importance, voire plus puissantes que la France en arriveront à prendre des décisions radicales dans l’espoir de contenir la progression du virus. Ce dernier qui met à mal tous les systèmes de santé des pays où il s’est déclaré, est en passe de provoquer un effondrement économique mondial.

    C’est dire qu’en cas d’échec, des mesures « anti-démocratiques » prises par l’Italie et la France, ainsi que d’autres pays dans un futur proche, c’est la grande question de la subsistance qui sera durement posée. Cela amènera les Etats à prendre des mesures plus dures et étalées dans le temps.

    Les sociétés mis sous des conditions aussi difficiles sauront-elles garder leur patience ? Ne verrons-nous pas des situations de passe droits, de signes de graves injustices, de favoritisme au profit de classe sociale ? En d’autres termes, l’humanité ne risque-t-elle pas de faire un saut dans le passé et connaître une régression historique ? Toutes ces questions que des scénaristes avaient imaginées ont toutes les chances de se produire en ce 21e siècle.

    Et l’Algérie dans tout cela, diriez-vous. Elle n’échappera pas à la vague qui est en passe de balayer tout sur son passage. Mais il reste une chance inouïe pour le pays d’éviter le cataclysme. Si chaque citoyen prend sur lui de réduire ses déplacements et veille à sa santé et à celle de ses proches, la vague n’emportera pas la Nation. C’est dire que l’avenir de l’Algérie est entre les mains de ses enfants.

    Par Nabil G.

    Ouest Tribune, 16 mars 2020

    Tags : Algérie, France, coronavirus, pandémie, épidémie,

  • Le Brexit GB risque de copier les erreurs de l’UE sur le Sahara

    Le gouvernement britannique est sur le point de conclure un nouvel accord commercial avec le Maroc, qui inclut le territoire du Sahara Occidental, sans tenir compte des récentes décisions de justice de l’UE et du Royaume-Uni, ni du peuple des terres occupées.

    Le gouvernement britannique pourrait bientôt finir par ignorer à la fois sa cour et la Cour de justice européenne, en mettant en œuvre un nouvel accord commercial au Sahara Occidental. Ils le feraient en copiant l’approche de l’UE sur le sujet et en ignorant le résultat d’une longue bataille juridique devant les tribunaux britanniques et européens. Les groupes de la société civile britannique sont préoccupés.

    Le résultat d’un tel processus serait contraire à la clarté géographique dont le Royaume-Uni a fait preuve dans son accord commercial similaire avec Israël.

    En mars 2015, la Campagne Sahara Occidental au Royaume-Uni (WSCUK) a entamé une procédure judiciaire contre le gouvernement britannique, faisant valoir que le Revenue and Customs Service du Royaume-Uni (ou HMRC) agirait illégalement s’il accordait un traitement préférentiel aux produits importés au Royaume-Uni en provenance du Maroc mais venant en fait du Sahara Occidental. WSCUK avait pointé que les produits originaires du Sahara Occidental étaient importés au Royaume-Uni et traités comme marocains sous couvert de « l’accord d’association UE-Maroc ».

    En outre, l’organisation affirmait que le Département britannique de l’environnement, de l’alimentation et des affaires rurales (DEFRA) ne pouvait pas légalement accorder des quotas de pêche aux navires de pêche britanniques dans les eaux au large du Sahara Occidental.

    La Haute Cour de justice du Royaume-Uni a renvoyé l’affaire devant la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) et, le 27 février 2018, la CJUE a jugé que la compétence territoriale marocaine ne s’étend pas au territoire du Sahara Occidental ou à la mer territoriale adjacente au Sahara Occidental. Cette décision a été confirmée par la Haute Cour du Royaume-Uni en avril 2019.

    Dans une affaire distincte intentée par le Front Polisario contre la Commission européenne, la Cour de justice de l’Union Européenne, dans son arrêt (affaire C-104/16 P) du 21 décembre 2016, a déterminé que l’accord 2012 UE-Maroc concernant les mesures de libéralisation réciproques sur les produits agricoles et les produits de la pêche ne fournissaient aucune base juridique pour inclure le Sahara Occidental dans son champ d’application territorial.

    Malgré les décisions de la cour, la Commission européenne a fait passer un nouvel accord commercial et de pêche avec le Maroc qui inclut exactement le Sahara Occidental. Elles n’a fait aucun effort pour obtenir le consentement du peuple du Sahara Occidental, mais ont mené ce qu’elle a appelé un « processus de consultation » avec les institutions marocaines dans le territoire occupé. Le mouvement de libération le Polisario conteste actuellement la décision de conclure l’accord devant la CJE.

    Le gouvernement britannique cherche de nos jours à « reconduire » l’accord d’association UE-Maroc dans la législation britannique.

    L’accord a donc été soumis à la Loi sur la réforme constitutionnelle et la gouvernance du Royaume-Uni (2016), qui exige que le gouvernement soumette l’accord au Parlement et est devenu loi le 11 février 2020.

    Bien qu’il n’y ait aucune garantie d’un débat parlementaire ou d’un vote au Parlement britannique, Barry Gardiner, le secrétaire d’État fictif au Commerce international, a interpelé le 23 janvier de cette année au ministre du Commerce international Conor Burns au sujet de l’accord. Dans sa question, M. Gardiner a déclaré : « Dans sa décision rendue en mars 2019, la Haute Cour d’Angleterre et du Pays de Galles a confirmé que le territoire du Sahara Occidental est séparé du Maroc en vertu du droit international. Elle a jugé que le gouvernement britannique agissait illégalement en ne faisant pas la distinction entre le territoire du Maroc et le territoire occupé du Sahara Occidental. Pourtant, l’accord commercial entre le Royaume-Uni et le Royaume du Maroc vise à s’appliquer au territoire du Sahara Occidental, malgré l’absence totale de consentement du peuple sahraoui. La secrétaire d’État peut elle en expliquer la raison ? Étant donné que le processus de ratification de l’accord en vertu de la Constitutional Reform and Governance Act 2010 est en cours, a-t-elle l’intention de tenir un débat pour discuter des raisons pour lesquelles le gouvernement procède à la ratification d’un traité qui la Haute Cour a jugé illégale ? « 

    Le ministre britannique du Commerce international, M. Burns, n’a pas répondu à la question. Il a dit que la question avait été soulevée avec le Maroc, cependant, il n’a pas mentionné ce qui avait été fait pour l’obtention de la permission du peuple du Sahara Occidental, qui est un territoire distinct du Maroc.

    Les groupes de la société civile britannique ont exhorté leurs parlementaires à n’accepter l’accord commercial que s’ils sont en mesure d’obtenir des garanties solides que le commerce au Sahara Occidental n’y participe qu’avec le plein consentement du peuple sahraoui, de sorte qu’il décide lui-même qui profite des ressources naturelles de leur territoire.

    Le manque de clarté contraste clairement avec l’accord commercial conclu entre le Royaume-Uni et Israël après le Brexit à partir de 2019. L’exposé des motifs de cet accord stipule :

    « En ce qui concerne Israël, les accords commerciaux UE-Israël s’appliquent à l’État d’Israël. La même position est intégrée dans l’accord commercial entre le Royaume-Uni et Israël (conformément aux articles 3 et 4). Le Royaume-Uni ne reconnaît pas les territoires palestiniens occupés, y compris les colonies, comme faisant partie de l’État d’Israël. Les territoires palestiniens occupés ne sont pas couverts par les accords commerciaux UE-Israël actuels, ni par l’accord Royaume-Uni-Israël.
    Les produits fabriqués dans les colonies israéliennes situées sur les territoires placés sous administration israélienne depuis juin 1967 ne peuvent bénéficier d’un traitement tarifaire préférentiel au titre des accords commerciaux UE-Israël. L’accord par lequel cela sera réalisé sera reproduit dans le cadre de l’accord entre le Royaume-Uni et Israël. « 

    L’accord commercial du Royaume-Uni avec le Maroc ne peut entrer en vigueur qu’à partir de janvier 2021. Jusque-là, une période de transition s’applique pendant laquelle le Royaume-Uni se conformera aux règles de l’UE sur le commerce et les affaires.

    WSRW, 8 mars 2020

    Tags : Maroc, Sahara Occidental, Roayume Uni, Brexit,

  • La Turquie s’est-elle simplement sacrifiée pour protéger Al-Qaïda ?

    Par Matthew Ehret − Le 1er mars 2020 − Source Strategic Culture

    Après que trente-trois soldats turcs ont été tués dans une offensive de l’armée syrienne le 27 février dans le cadre de la campagne actuelle de libération d’Idlib soutenue par la Russie, Erdogan a répondu en rejetant entièrement la faute sur la Russie et la Syrie – en évitant avec succès toute mention du fait inconfortable que la Turquie a protégé – et continue – des réseaux terroristes radicaux non seulement à Idlib, mais dans toute la Syrie pendant des années.

    Pendant ce temps, les forces islamistes en Turquie, favorables au renversement d’Assad, ont tenté de jouer un jeu complexe de géopolitique pour lequel elles ne sont absolument pas qualifiées.

    La Turquie impliquée jusqu’au cou

    L’un des membres les plus sauvages de l’OTAN, la Turquie se préparait à l’origine à entrer dans l’Union européenne avec la promesse du contrôle régional du Moyen-Orient en tant que membre fidèle du Nouvel Ordre Mondial. Cette ambition pour un Empire ottoman ressuscité a fait d’Erdogan un ardent défenseur des changements de régime au Moyen-Orient et, comme la journaliste Eva Bartlett l’a documenté pendant des années, a entraîné la Turquie dans le rôle de fournisseur de logistique, de matériel militaire, de formation et de soutien monétaire aux divers groupes terroristes, des groupes se faisant passer pour des combattants de la liberté face au régime d’Assad.

    Lorsque cette politique a failli faire en sorte que la Turquie soit rayée de la carte géopolitique régionale après avoir abattu un avion russe dans l’espace aérien syrien le 24 novembre 2015 – les allégations selon lesquelles il aurait volé dans l’espace aérien turc ont été réfutées depuis longtemps – Erdogan a commencé à changer de ton, d’abord en envoyant une lettre d’excuses à Poutine le 27 juin 2016, avec laquelle il a commencé à changer radicalement son comportement. Pour ce revirement politique, la Turquie a été remerciée par Washington avec un coup d’État à l’échelle nationale lancé par des partisans de l’étrange agent de la CIA, Fethullah Gülen, le 15 juillet 2016.

    Cette lourde leçon d’humilité, genre tarte à la crème, a apporté une dose de raison à la Turquie, qui a atténué sa rhétorique de changement de régime en Syrie, ouvert des voies diplomatiques avec celle-ci et la Russie, réduit de nombreuses opérations de soutien à État islamique – en particulier son rôle en tant que principal acheteur du pétrole volé par ISIS dans les champs pétroliers syriens – et s’est installée avec un rôle plus modeste dans la région… mais pas entièrement.

    Une partie des négociations d’Astana en 2017 – et plus tard des négociations Russie-Syrie-Turquie-Iran à Sotchi – ont impliqué la création par la Turquie de 12 postes d’observation militaire dans la province d’Idlib, ce qui a porté à 29 les installations militaires turques à Idlib, déjà importantes.

    Ce qu’ils faisaient là-bas n’a jamais été abordé dans la presse occidentale, mais en 2017, Brett McGurk, envoyé présidentiel spécial de la Coalition mondiale contre ISIS, a déclaré lors d’un forum sur la politique au Moyen-Orient que « la province d’Idlib est le plus grand refuge d’al-Qaïda depuis le 11 septembre … » Dans un rare moment de lucidité en 2014, même le bredouillant Joe Biden a admis que la Turquie était un sponsor majeur d’État islamique. Pour cela il a été dûment réprimandé et a ensuite présenté ses excuses. Tous les signes de ce genre d’honnêteté ont depuis longtemps disparu de l’esprit de Biden, laissant Tulsi Gabbard comme la seule figure présidentielle aujourd’hui à avoir soulevé ce fait inconfortable.

    En opposition aux demandes d’Ankara de suspendre l’opération anti-terroriste en cours à Idlib, allant jusqu’à menacer d’une guerre avec la Russie, les forces syro-russes ont continué à toute vitesse avec un grand succès sachant que si cette dernière zone d’insurgés est nettoyée, alors toutes les menaces terroristes résiduelles de la région peuvent être définitivement éliminées, et la reconstruction pourra commencer. Ce n’est pas un secret que cette reconstruction sera guidée dans une large mesure par un nouveau partenariat avec la Russie et la Chine dans la région, qui ont offert des milliards de dollars et une assistance technique pendant des années, apportés dans le cadre de l’initiative Belt and Road. Ce projet concerne directement l’Iran, l’Irak et la Syrie, qui seraient tous transformés par cette initiative de plusieurs milliers de milliards de dollars.

    Retour à la crise actuelle

    En réponse aux menaces hurlées par Ankara, le ministère russe des Affaires étrangères a répondu clairement en soulignant deux points : premièrement, la Turquie a refusé de donner suite à sa part d’engagement dans l’accord de Sotchi de 2018 sur Idlib, qui exigeait une séparation des terroristes (mauvais) et des modérés (bons), ce qu’elle n’a absolument pas fait, et deuxièmement, l’armée turque n’a fait aucun effort pour modifier l’emplacement de ses forces, ce qui est étrange étant donné qu’une opération militaire active était en cours. Quoi qu’il en soit, comme l’a déclaré Lavrov, «l’armée syrienne a certainement [le] plein droit de riposter et de réprimer les terroristes».

    En réponse aux morts turcs, Ankara a invoqué l’article 4 de l’OTAN en convoquant une réunion des 29 ambassadeurs des alliés de l’OTAN qui, espérait-il, entraînerait une zone d’exclusion aérienne au-dessus d’Idlib et un soutien de la défense aérienne US avec des missiles Patriot. Pour augmenter la pression, Erdogan a même tenté de faire chanter ses alliés de l’OTAN en jouant la carte des immigrés, menaçant pour la première fois depuis quatre ans d’ouvrir sa frontière nord aux millions de réfugiés « syriens » [et beaucoup autres, NdSF] qui souhaitent se rendre en Europe par voie terrestre et maritime. Après la crise de l’immigration de 2015-2016, qui a vu des millions de réfugiés affluer en Europe, venant de nations déchirées par la guerre en Libye et en Syrie, la Turquie avait accepté de fermer sa frontière nord, ce qui a eu pour conséquence que 3,7 millions de réfugiés syriens sont concentrés dans des camps turcs où ils souffrent d’hivers froids, d’un faible niveau d’assainissement et souvent de pénurie alimentaire.

    Les menaces d’Erdogan n’ont pas abouti au résultat escompté, car l’OTAN a simplement publié un message écrit de condamnation de l’offensive, mais rien de plus. À ce stade, l’analyste militaire Scott Ritter a déclaré que «à un moment où l’OTAN se concentre sur la confrontation avec la Russie dans les pays baltes, l’ouverture d’un deuxième front contre les Russes en Syrie n’est pas quelque chose que l’alliance était prête à soutenir en ce moment».

    On ne sait pas comment l’Europe répondra à ce nouvel assaut de réfugiés, mais le fait est qu’ils ne peuvent pas faire grand-chose pour faire reculer les forces russes et syriennes ou saboter le succès de l’opération d’Idlib à ce stade du conflit. Si les pays européens souhaitent obtenir les meilleurs résultats dans ce jeu de longue haleine, la meilleure chose qu’ils pourraient faire est d’accepter le flux d’immigrants à bras ouverts et d’ignorer les cris d’indignation d’Ankara. En donnant à la Russie et à la Syrie l’espace politique et militaire nécessaires pour éradiquer définitivement le terrorisme à Idlib, le Moyen-Orient se rapprochera beaucoup plus d’une véritable stabilisation et d’une possibilité de reconstruction complète. Cela, à son tour, créerait une dynamique positive de croissance et de stabilité qui inaugurerait le retour des réfugiés syriens vivant à l’étranger, qui participeraient fièrement à la renaissance de leur pays.

    Matthew Ehret

    Le Saker francophone 

    Tags : Turquie, OTAN, Etats-Unis, terrorisme, Al Qaïda, Daech, daesh, Idelb, Syrie, Russie,

  • La révolution algérienne: la lutte pour la décolonisation continue

    L’Algérie traverse une phase révolutionnaire. Le soulèvement de masse qui a commencé en février 2019 se poursuit depuis plus d’un an et montre une incroyable résilience et soumoud (constance en arabe). Des centaines de milliers de personnes sont toujours dans les rues, se joignant à d’énormes manifestations hebdomadaires tous les mardis et vendredis (et récemment certains samedis et dimanches), exigeant un changement démocratique radical et la démilitarisation de la république.

    Le 22 février 2020, premier anniversaire de l’émergence du mouvement populaire sur la scène politique, des millions de personnes ont renouvelé leur croyance en la révolution et exprimé leur détermination à poursuivre la lutte en organisant des marches massives dans diverses parties du pays. En réaction à l’annonce par le président Tebboune actuel de marquer la date comme une journée nationale de «cohésion entre le peuple et l’armée», les manifestants ont scandé «Nous ne sommes pas venus pour célébrer; nous sommes venus vous expulser! « 

    Le peuple a réaffirmé sa demande d’un État civil dans un slogan puissant qui est devenu symbolique de l’objectif principal du soulèvement, en particulier depuis la mascarade électorale de décembre 2019: «Tebboune est un faux président. Il a été imposé par l’armée et n’a aucune légitimité… Le peuple a été libéré et ce sont eux qui décident… Un État civil maintenant! »

    RÉALISATIONS ET VICTOIRES

    Tout au long de l’année, le mouvement populaire (Al Hirak Ach’abi) a accompli beaucoup de choses. Le Hirak a forcé le Haut Commandement Militaire (MHC) à prendre ses distances avec le clan présidentiel et a effectivement destitué Bouteflika, président depuis 20 ans. Il a également avorté deux élections présidentielles: la première en avril, au cours de laquelle Bouteflika se présentait pour un cinquième mandat et la deuxième le 4 juillet, qui était considérée comme un front pour maintenir la primauté du MHC. Quoi que nous pensions de la campagne anti-corruption hautement médiatisée du régime – qui est en grande partie de la fumée et des miroirs et des règlements de comptes entre diverses factions – le fait que des oligarques de haut niveau et des individus autrefois puissants, y compris d’anciens premiers ministres, des chefs des services de sécurité et les frère du président déchu, sont en prison, est une grande réussite en soi. Cela ne serait pas arrivé sans les mobilisations populaires et les appels à la responsabilité et à la fin de la corruption: «Vous avez dévoré le pays… Oh vous les voleurs!», «Vous serez tous punis»…

    Malgré toutes les chances contre lui et les efforts de l’État pour diviser, coopter et épuiser le mouvement, il a maintenu une unité et une paix exemplaires. Cela a été démontré dans divers slogans tels que: « Les Algériens sont frères et sœurs, le peuple est uni, vous traîtres. » L’une des plus grandes réussites du soulèvement populaire est peut-être le changement de conscience politique et la détermination à lutter pour un changement démocratique radical. Les gens ont découvert leur volonté politique et se sont rendu compte qu’ils contrôlaient leur propre destin. Ce processus libérateur a déclenché une quantité inégalée d’énergie, de confiance, de créativité et de subversion.

    Après des décennies à restreindre la société civile, à faire taire les dissensions et à atomiser l’opposition, le fait que le mouvement continue de se renforcer après plus d’un an dans la rue, sans reculer ni s’affaiblir mais aller de l’avant, est vraiment remarquable et inspirant. Le Hirak a réussi à démêler les toiles de tromperie déployées par le MHC et sa machine de propagande. De plus, l’évolution de ses slogans, chants et formes de résistance est révélatrice de processus de politisation et d’éducation populaire. La réappropriation des espaces publics a créé une sorte d’agora où les gens discutent, débattent, échangent des points de vue, discutent de stratégie et de perspectives, se critiquent ou s’expriment simplement de nombreuses manières, y compris à travers l’art et la musique. Cela a ouvert de nouveaux horizons pour résister et construire ensemble. Ceux qui ont déclaré le Hirak mort ont obtenu leur réfutation. Le mouvement populaire est là pour rester et a indiqué sa détermination à forcer le système à céder: « Le peuple veut l’indépendance! », « C’est nous ou vous, nous jurons que nous ne nous arrêtons pas! »

    La production culturelle prend un autre sens car elle est associée à la libération et perçue comme une forme d’action politique et de solidarité. Loin des productions folkloriques et stériles sous le patronage suffocant de certaines élites autoritaires, nous voyons plutôt une culture qui parle aux gens et fait progresser leur résistance et leurs luttes à travers la poésie, la musique, le théâtre, les dessins animés et le street-art.

    Les femmes ont également joué – et jouent toujours – un rôle crucial dans le soulèvement, comme en témoigne leur forte présence dans les marches et les manifestations dans tout le pays, y compris dans les zones très conservatrices. Ils sont activement impliqués dans le mouvement des étudiants qui a réussi à maintenir ses marches du mardi depuis plus d’un an maintenant. Certains d’entre eux ont subi la répression et même la prison, mais ils continuent de montrer leur dévouement sans faille à la lutte. Certaines organisations féministes font de leur mieux pour placer la libération des femmes au centre de cette révolution démocratique et la présence de personnalités révolutionnaires telles que Djamila Bouhired et Louisette Ighilahriz dénote que les luttes pour la souveraineté populaire et la libération des femmes sont liées et en cours. À l’occasion de la Journée internationale de la femme (8 mars), les femmes algériennes ont scandé dans les rues: « Nous ne sommes pas là pour célébrer, nous sommes là pour vous déraciner! »

    Ce n’est pas seulement un soulèvement de la classe moyenne. Les classes populaires des quartiers marginalisés, les jeunes chômeurs, les travailleurs pauvres sont tous impliqués, marchant pour la liberté et exprimant également leur indignation face à leur exclusion socio-économique et leur colère face aux processus de paupérisation dont ils sont victimes. « Antouma Asbabna! » crient-ils, ce qui signifie à peu près « Vous êtes responsable de notre misère! » Beaucoup de slogans et de chants célèbres et poignants ont été l’invention et la création de cette «jeunesse sans horizons» qui a soudainement vu une lumière au bout du tunnel. La Casa d’El Mouradia (en référence à la populaire série télévisée La Casa de Papel) est un hymne de la révolution qui est née des fans de football et a dépassé les stades pour embrasser et enhardir le Hirak.

    C’EST UNE RÉVOLUTION!

    L’Algérie n’a pas connu des événements aussi importants depuis son indépendance de la domination coloniale française en 1962, et c’est ce qui en fait un moment révolutionnaire et une conjoncture pleine de potentiel de radicalisation et d’escalade de la lutte.

    La révolution algérienne en cours pourrait ne pas correspondre à l’imaginaire dominant sur les révolutions, celui des insurrections de masse menées par un parti révolutionnaire d’avant-garde renversant des régimes et prenant le pouvoir, affectant une sorte de rupture avec le passé conduisant inévitablement à l’instauration de la nouvelle politique et ordre économique avec différentes classes dirigeantes. Celles-ci ont tendance à être des processus violents façonnés par des affrontements sanglants avec les appareils répressifs de l’État, parfois par le biais de la lutte armée.

    Selon les mots de Lénine, «Pour qu’une révolution ait lieu, il est généralement insuffisant pour les classes inférieures de ne pas vouloir vivre à l’ancienne; il faut aussi que les classes supérieures ne puissent pas vivre à l’ancienne. » Lorsque nous appliquons cela à l’Algérie, nous pouvons voir que c’est en fait ce qui se passe: les gens n’acceptent plus le statu quo et la classe dirigeante actuelle a du mal à contenir le mouvement, malgré tous les moyens à sa disposition à cette fin: répression, violence physique, arrestations, emprisonnement, restriction de la liberté de circulation, suppression des libertés des médias, tactiques de division et de domination par la propagande haineuse, stratagèmes trompeurs pour donner l’impression que des changements se produisent, etc.

    Il est vrai qu’il n’existe actuellement aucun parti d’avant-garde révolutionnaire représentant les intérêts des travailleurs pauvres et des masses populaires capables de diriger la révolution. Il est également vrai que les travailleurs ne participent pas activement à la révolution en tant que travailleurs en raison de la faiblesse et de la fragmentation du mouvement syndical indépendant. Et il est vrai que le soulèvement n’a pas encore remanié le système ni réussi à créer une rupture radicale avec l’ancien régime car les élites oligarchiques et militaires sont toujours au pouvoir, bien qu’avec quelques remaniements dans la configuration des classes dirigeantes. Cependant, le caractère révolutionnaire du mouvement populaire est là pour tous.

    Au cours de l’année écoulée, ce mouvement a surmonté tant d’obstacles, évité de dangereuses polarisations et fait preuve d’un génie indéniable pour voir à travers les manœuvres du régime; répondant toujours par des slogans et tactiques très créatifs, flamboyants, intelligents et radicaux. Par exemple, la jeunesse a rendu très difficile pour les candidats à la présidentielle de mener leurs campagnes dans divers endroits du pays en bloquant l’accès à leurs villes ainsi qu’en perturbant les réunions. Les gens ont activement boycotté les élections du 12 décembre en fermant certains bureaux électoraux dans la région de Kabylie et en organisant des manifestations le jour des élections. Lorsque les résultats ont été annoncés le lendemain, les gens sont descendus dans la rue pour dénoncer la mascarade électorale.

    Suite à l’annonce que le projet de loi sur les hydrocarbures favorable aux multinationales serait discuté au parlement en novembre 2019, les gens sont spontanément descendus dans la rue pour la première fois un dimanche (début de la semaine de travail en Algérie) pour protester devant la le Parlement dénonce les tentatives des élites compardores de saper davantage la souveraineté de leur pays. Et une réaction similaire a eu lieu lorsque le président Tebboune a annoncé en janvier que l’Algérie exploiterait son potentiel de gaz de schiste. Les gens ont répondu: « Tu manques à Paris, pas ici! » en référence aux multinationales françaises comme Total intéressées à exploiter les ressources schisteuses en Algérie.

    Les Algériens savent de quoi les militaires sont capables et malgré le traumatisme de la décennie noire (la guerre odieuse contre les civils des années 90), ils insistent courageusement: « Un Etat civil pas un Etat militaire! » Ce faisant, le système algérien est exposé pour ce qu’il est: une dictature militaire se cachant derrière une façade «démocratique».

    ANTI-COLONIAL ET SOUVERAIN AU CŒUR

    Donc, au-delà des arguments largement sémantiques sur le fait qu’il s’agisse d’un mouvement, d’un soulèvement, d’une révolte ou d’une révolution, on peut dire avec certitude que ce qui se passe de nos jours en Algérie est un processus transformateur riche en potentiel émancipateur. L’évolution du mouvement et ses revendications spécifiquement autour de «l’indépendance», de la «souveraineté» et de «la fin du pillage des ressources du pays» sont un terrain fertile pour les idées anticoloniales, anticapitalistes, anti-impérialistes et même écologiques et peuvent ouvrir la voie à une lutte progressive en mobilisant les forces sociales concernées: travailleurs (formels et informels), paysans, jeunes sans emploi, masses populaires, etc.

    Ce qui renforce cette affirmation, c’est le fait que cette révolution algérienne, comme son précédent des années 50, est profondément anti-coloniale. Il s’agit d’une caractéristique unique qui la différencie dans une certaine mesure des autres soulèvements en Afrique du Nord et en Asie occidentale et, à mon avis, mérite plus d’attention et d’analyse. Compte tenu de leurs expériences subies sous l’un des colonialismes de colons génocides et racistes les plus cruels, beaucoup soutiennent que les Algériens ont nourri un profond sens de la justice sociale, toujours présent et perceptible jusqu’à aujourd’hui. Les Algériens font un lien direct entre leur lutte actuelle et la lutte coloniale anti-française des années 50 et voient leurs efforts comme la poursuite de la décolonisation. En scandant «Les généraux à la poubelle et l’Algérie seront indépendants», ils dévoilent le récit officiel vide (autour de la glorieuse révolution) et révèlent qu’il a été utilisé sans vergogne par les bourgeoisies antinationales pour poursuivre scandaleusement l’enrichissement personnel.

    Les Algériens récupèrent ainsi les pouvoirs révolutionnaires et réaffirment leur désir d’être les vrais héritiers des martyrs qui ont sacrifié leur vie pour la libération de ce pays. Nous avons vu tant de slogans et de chants qui ont capturé ce désir et fait référence à des vétérans de la guerre anti-coloniale tels que Ali La Pointe, Amirouche, Ben Mhidi et Abane: «Oh Ali [la pointe] vos descendants ne s’arrêteront jamais jusqu’à ce qu’ils arrachent leur liberté! » et « Nous sommes les descendants d’Amirouche et nous n’y retournerons jamais! »

    Ces sentiments anticoloniaux et la réaffirmation que l’indépendance officielle n’a pas de sens sans souveraineté populaire et nationale sont réaffirmés par une hostilité ferme à toute ingérence étrangère et à toute intervention impérialiste. Et cela va des puissances occidentales à la Russie, la Chine, les Émirats arabes unis, l’Arabie saoudite, etc. Autant dire que le Hirak algérien est un mouvement anti-systémique avec une politique anti-coloniale.

    DÉFIS FACE AUX HIRAK

    Comme pour toute révolution, les forces contre-révolutionnaires se mobilisent pour dérailler, écraser ou contenir. Et cela se fait à plusieurs niveaux: politique et économique, matériel et discursif, local et régional. Pour un compte rendu détaillé de la façon dont la contre-révolution s’est manifestée en Algérie, veuillez consulter l’essai de Brahim Rouabah sur cette question. Cependant, il convient de souligner ici quelques points.

    Les périodes de révolutions et de soulèvements peuvent également être des périodes où se renforcent des politiques économiques impopulaires et accordent davantage de concessions aux investisseurs étrangers. Les cas de la loi de finances 2020 et de la nouvelle loi Hydrocarbures sont édifiants. La loi de finances devrait rouvrir la porte aux emprunts internationaux et imposer des mesures d’austérité sévères en supprimant diverses subventions et en réduisant les dépenses publiques. Au nom de l’encouragement des investissements directs étrangers (IDE), il prévoit d’exempter les multinationales des tarifs et des taxes et d’augmenter leur part dans l’économie nationale en supprimant la règle d’investissement de 51/49 pour cent qui limite la part de l’investissement étranger dans tout projet à 49 pour cent, sapant encore plus la souveraineté nationale.

    Concernant la nouvelle loi sur les hydrocarbures qui est entrée en vigueur en janvier 2020, l’ancien ministre de l’Énergie n’a pas hésité à déclarer en octobre dernier que le projet de loi avait été élaboré après «des négociations directes avec les cinq majors pétrolières». La loi est favorable aux multinationales et permettra aux sociétés pétrolières d’obtenir des concessions à long terme, de retirer les revenus des expatriés, de les décharger de leurs responsabilités fiscales et des transferts de technologie. Un autre signal positif pour les multinationales est la nomination d’un nouveau ministre de l’énergie qui a contribué à l’élaboration de la nouvelle loi, qui, en plus des incitations et des concessions mentionnées ci-dessus, ouvre la voie à des projets destructeurs tels que l’exploitation du gaz de schiste au Sahara et ressources offshore en Méditerranée.

    Nous ne pouvons donc pas pleinement apprécier la situation politique en Algérie sans scruter les influences et les interférences étrangères et appréhender la question économique sous l’angle de l’accaparement des ressources naturelles, du (néo) colonialisme énergétique et de l’extractivisme. Cela comprend les énormes concessions faites aux multinationales et les pressions venant de l’extérieur pour exécuter une libéralisation plus poussée afin de supprimer toutes les restrictions au capital international et d’intégrer pleinement l’Algérie dans l’économie mondiale dans une position totalement subordonnée. C’est dans ce contexte que nous devrions assister au récent voyage des services du FMI en Algérie.

    La campagne contre-révolutionnaire actuellement en cours en Algérie n’est pas conduite uniquement au niveau local mais aussi par une constellation d’acteurs régionaux et internationaux d’État et d’entreprises: au niveau régional, les Émirats arabes unis, l’Arabie saoudite et l’Égypte mènent la contre-révolution et utilisent leur de l’argent et de l’influence pour arrêter et écraser les vagues de révolte potentiellement contagieuses dans la région. On sait que le MHC (Haut Commandement Militaire) algérien entretient de très bonnes relations avec les Emiratis. Le défunt chef du MHC, le général Gaid Salah a été durement critiqué par le mouvement populaire de réception des ordres des Emirats Arabes Unis: «Gaid Salah est le laquais des Emirats Arabes Unis». Son successeur, le général Chengriha a effectué une visite dans le pays fin février et a été exposé à plusieurs foires aux armements.

    Il est également révélateur que le président Tebboune ait choisi l’Arabie saoudite comme destination de sa première visite d’État après son élection. En ce qui concerne l’Égypte, la collusion entre les deux frères du crime est évidente. En fait, la première visite d’Etat d’El Sissi après le coup d’État a eu lieu en Algérie en juin 2014, dans le but de discuter de la coordination en matière de sécurité et d’énergie. Aux côtés des Saoudiens et des Emiratis, les Égyptiens ont rendu la pareille par le biais de fermes trolls et de campagnes de désinformation afin de discréditer le Hirak algérien. Au niveau mondial, les puissances occidentales telles que la France, les États-Unis, le Royaume-Uni et le Canada, ainsi que leurs grandes sociétés, sont toutes complices et soutiennent le régime algérien et ne veulent aucune menace pour leurs intérêts économiques et géostratégiques.

    Ajoutez à cela la situation en cours en Libye voisine où se déroule une guerre par procuration impliquant de nombreux acteurs: France, Italie, Arabie Saoudite, Emirats Arabes Unis, Egypte, Turquie, Russie, Soudan, Jordanie… Ce qui se passe là-bas est profondément préoccupant pour le processus révolutionnaire en Algérie et au-delà: une escalade de la guerre non seulement déstabilisera toute la région mais mettra également un frein au mouvement populaire en Algérie.

    Un autre défi auquel est confronté le Hirak est la perspective de nouvelles divisions qui doivent être absolument évitées. Le Hirak a réussi à surmonter les divisions entretenues par le régime pendant des décennies. Nous avons vu comment les gens scandaient: «Arabes, Kabyles, tous frères et sœurs!» en réponse aux tentatives d’attiser les flammes de la discorde en poussant à une campagne de haine contre les Kabyles et en interdisant le brandissement du drapeau culturel amazigh. L’Algérien Hirak doit montrer une fois de plus le même rejet de la vieille polarisation «islamistes contre laïcs» qui a tendance à être imposée par les eradicateurs, ces «laïcs» et les «démocrates» qui se sont rangés du côté du régime militaire meurtrier de sa campagne d’éradication de tous les «islamistes» et de leurs sympathisants dans les années 90 suite au coup d’État militaire.

    Premièrement, tous les islamistes ne sont pas pareils et tous ne prêchent pas la violence. Certains d’entre eux ont appris des erreurs du passé et ont évolué vers l’acceptation de principes démocratiques comme le cas d’Al Nahda en Tunisie. Et certains d’entre eux n’ont jamais été compromis par les relations avec le régime en place. Il semble que les gens qui refusent de bouger sont ces éradicateurs «démocrates» qui ont tendance à être ces élites colonisées francophones qui ont intériorisé une conception anti-religieuse (actuellement islamophobe) de la laïcité (laïcité en français) et qui devraient reconnaître qu’ils ont commis un engagement politique majeur erreur du côté des militaires à l’époque. Le contexte actuel d’acceptation de l’Autre, où les gens résistent et se battent ensemble – quels que soient leur milieu social et leur idéologie – est un espace où ces types de polarisations qui divisent doivent être surmontés. Cela a été démontré une fois de plus par un nouveau slogan pertinent: «Ce ne sont pas des islamistes, ce ne sont pas des laïcs… C’est le gang qui nous vole ouvertement».

    En l’absence d’une force politique hégémonique capable de diriger le mouvement et de transformer ses revendications en un projet politique et économique cohérent, il devient essentiel pour toutes les forces d’opposition, islamistes ou laïques, de droite ou de gauche de créer un large front tactique déplacer sensiblement l’équilibre des forces sur le terrain vers le mouvement populaire et forcer le régime militaire à négocier et à concéder. C’est une leçon que le soulèvement algérien peut apprendre de son homologue au Soudan. Le vide créé par des décennies de répression politique, de fragmentation et de cooptation des acteurs politiques permet au régime de continuer à prendre des initiatives et même à créer certaines réalités sur le terrain. Cela doit être dépassé en se ralliant autour d’un bloc oppositionnel unifié qui fera avancer une feuille de route de transition alternative.

    La condition pour rejoindre un tel front / alliance devrait être la croyance en une véritable transition démocratique qui ouvrira les possibilités d’un changement radical. Il va sans dire que les forces progressistes et patriotiques doivent maintenir leur indépendance et poursuivre la lutte au niveau socio-économique contre les libéraux dans leurs variantes laïques ou islamistes et contre toutes les forces conservatrices qui portent un programme social réactionnaire. Les élites politiques doivent relever le défi et assumer leur responsabilité historique.

    SE PRÉPARER POUR LA LONGUE LUTTE À VENIR

    Le soulèvement algérien a entamé sa deuxième année et malgré les immenses difficultés et défis, le mouvement continue ses immenses mobilisations hebdomadaires. Ce premier anniversaire doit être considéré non seulement comme un moment de célébration mais aussi comme un moment de réflexion collective et d’apprentissage de ses réalisations ainsi que de ses lacunes et de ses erreurs. Nous sommes dans une situation d’équilibre relatif dans l’équilibre des forces au sol. Le Hirak n’a pas pu renverser le régime et ce dernier n’a pas pu épuiser le mouvement. Les Algériens mobilisés au Hirak n’abandonnent pas et refusent d’approuver la façade démocratique de la dictature.

    Le système ne cédera pas facilement. Pour cette raison, l’équilibre des forces doit être déplacé de manière significative vers les masses en maintenant la résistance (marches, manifestations, occupations des espaces publics, grèves générales, autres actes de désobéissance civile, etc.) pour forcer le régime à céder le pas aux demandes des gens . Le Hirak doit réaliser d’autres gains et victoires afin de se consolider et cela doit se faire à travers:

    1) Structurer le mouvement à la base en poussant et en encourageant l’auto-organisation locale sur le lieu de travail, à travers des comités de quartier, des collectifs d’étudiants et de femmes, des représentations locales indépendantes et l’ouverture de plus d’espaces de discussion, de débat et de réflexion afin d’avoir une plateforme solide ou un programme cohérent. Cela inscrira la dynamique à moyen et long terme et pourrait imposer une situation de double pouvoir.

    2) Insister sur les libertés individuelles et collectives d’expression et s’organiser tout le temps et militer sans relâche pour la libération de tous les prisonniers politiques.

    3) Et enfin marier la justice sociale et les droits socio-économiques aux exigences démocratiques. Parce que si l’Algérie continue sur cette voie de libéralisation et de privatisation, nous verrons certainement plus d’explosions sociales et de mécontentement car un consensus social ne peut être atteint tant que la paupérisation, le chômage et les inégalités qui en résultent se poursuivent. Le récent effondrement des prix du pétrole pourrait bien enfoncer le dernier clou dans le cercueil d’un système rentier qui dépend fortement des exportations de pétrole et de gaz pour sa survie.

    Dans ce contexte, les Algériens ne doivent pas creuser leurs propres tombes en arrêtant leur révolution à mi-chemin. La lutte pour la démocratisation sera longue et doit se poursuivre. Espérons simplement que 2020 apportera plus de victoires au mouvement du peuple algérien.

    Cet article a été publié pour la première fois sur ROAR.

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