Catégorie : Monde

  • Point de presse quotidien du Bureau du Porte-parole du Secrétaire général de l’ONU: 6 février 2020

    (La version française du Point de presse quotidien n’est pas un document officiel des Nations Unies)

    Ci-dessous les principaux points évoqués par M. Farhan Haq, Porte-parole adjoint de M. António Guterres, Secrétaire général de l’ONU:

    Déplacements du Secrétaire général

    Le Secrétaire général quittera New York plus tard dans la journée pour se rendre à Addis-Abeba où il assistera au Sommet de l’Union africaine le week-end prochain.

    Ce sera l’occasion pour le Secrétaire général de discuter des efforts du continent pour « faire taire les armes », ainsi que des travaux communs des Nations Unies et de l’Union africaine pour relever l’éventail des défis mondiaux. Il doit rencontrer de nombreux dirigeants africains présents au Sommet.

    Le Secrétaire général sera de retour au Siège des Nations Unies mardi prochain.

    Conseil de sécurité

    Ce matin, le Président en exercice de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), le Premier Ministre albanais Edy Rama, a fait un exposé aux membres du Conseil de sécurité sur le partenariat entre l’ONU et l’OSCE.

    Cet après-midi à 15 heures, le Conseil de sécurité se penchera sur la situation en Syrie. L’Envoyé spécial des Nations Unies, Geir Pedersen, et le Coordonnateur des secours d’urgence, Mark Lowcock, feront le point de la situation avec les membres du Conseil.

    Libye

    L’ONU reste préoccupée par les effets persistants des combats en Libye sur les civils. Les tirs de roquette et les tirs d’artillerie lourde se sont poursuivis hier dans les districts d’Abusliem et de Salaheddine à Tripoli. Au moins un civil a été tué et cinq autres blessés.

    Les écoles locales du district d’Abusliem devraient rouvrir la semaine prochaine. L’ONU rappelle à toutes les parties leur obligation, en droit international humanitaire, de veiller constamment à épargner les civils et les infrastructures civiles, y compris les écoles.

    Les combats en cours à Syrte et aux alentours, qui font suite au changement de contrôle territorial dans la région de Syrte depuis début janvier, poussent de plus en plus de résidents à prendre la fuite, en particulier dans la zone de front d’Abu Qurain. Plus de 2 000 personnes ont fui la région, selon les comités de crise locaux libyens.

    Les partenaires humanitaires soutiennent les efforts nationaux de riposte en fournissant une assistance aux personnes déplacées, notamment en livrant des paniers de nourriture, des kits d’hygiène, des couvertures, des matelas et d’autres articles non alimentaires, notamment à Misrata, Houn et Al Jufra.

    République centrafricaine

    Dans un message vidéo diffusé à Bangui, lors d’une cérémonie marquant le premier anniversaire de l’Accord pour la paix et la réconciliation en République centrafricaine, le Secrétaire général a félicité le peuple du pays et son gouvernement d’avoir accompli de réels progrès. Il a noté la réduction du nombre d’incidents violents au cours de l’année écoulée, ainsi que le démarrage du processus de démobilisation, de désarmement et de réintégration et le redéploiement des forces de sécurité.

    En dépit de ces développements positifs, le Secrétaire général a fermement condamné la violence commise actuellement et s’est dit préoccupé par les retards dans la mise en œuvre de l’Accord de paix. Il a appelé tous les signataires à respecter leurs engagements et a réitéré que le peuple centrafricain doit être au cœur du processus de paix.

    Dans une déclaration commune, l’Union africaine, la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC) et l’ONU ont réitéré leur soutien à la pleine mise en œuvre de l’Accord de paix, qui, selon eux, est la seule voie viable pour établir une paix durable dans le pays.

    Prix mondiaux des denrées alimentaires

    Les prix mondiaux des denrées alimentaires ont augmenté pour le quatrième mois consécutif en janvier selon l’indice des prix alimentaires de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). Cette hausse a atteint en moyenne 182,5 points, soit 0,7% de plus qu’en décembre dernier et 11,3% de plus que le même mois l’an dernier. Les huiles végétales, le sucre et le blé ont été les principaux responsables de cette augmentation des prix.

    La FAO a également publié une nouvelle prévision de la production céréalière mondiale en 2019, selon laquelle on aurait atteint un niveau record de 2 715 millions de tonnes, soit une augmentation de 2,3% par rapport à l’année précédente.

    Mutilations génitales féminines

    Plus de 200 millions de filles et de femmes aujourd’hui en vie ont subi des mutilations génitales féminines, a déclaré le Secrétaire général dans un message à l’occasion de la Journée internationale de la tolérance zéro à l’égard des mutilations génitales féminines. Cette année, a-t-il précisé, plus de quatre millions de filles sont en danger.

    Alors que l’ONU s’engage dans une Décennie d’action en faveur des objectifs de développement durable, le Secrétaire général a appelé à faire également de cette décennie celle qui mettra un terme à la pratique des mutilations génitales féminines.

    Les Chefs du Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP), d’ONU-Femmes, d’UNICEF et de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) ont également publié leur propre appel pour un leadership politique et des engagements forts en vue de mettre fin à cette pratique, ajoutant que les jeunes d’aujourd’hui peuvent jouer un rôle essentiel.

    L’OMS a lancé un nouvel outil interactif de modélisation montrant que si l’on traitait toutes les conséquences médicales des mutilations génitales féminines dans le monde, cela coûterait 1,4 milliard de dollars par an.

    Contributions financières

    Les Maldives et Tuvalu ont intégralement payé leurs contributions au titre du budget ordinaire, faisant ainsi passer à 41 le nombre d’États Membres qui ont à ce jour payé la totalité de leurs cotisations pour 2020.

    UN PRESS RELEASE, 6 fév 2020

    Tags : République centrafricaine, Contributions financières, Mutilations génitales féminines, denrées alimentaires, prix, Conseil de sécurité, Libye, Antonio Guterres,

  • ANALYSE: Le cauchemar français en Afrique – I : Contexte historique

    – Aujourd’hui, le continent africain est divisé par les frontières coloniales, les langues coloniales, et l’idéologie coloniale. Notamment, les frontières d’aujourd’hui ont émergé en grande partie de la conférence de Berlin de 1884-1885.

    Ümit Dönmez | 06.02.2020

    AA – Istanbul

    Par Mustafa Efe

    Le passé colonial français, et les motivations économiques, religieuses, sociales et politiques aux procédés assimilationnistes et jacobins, ont façonné le passé du continent africain. Il sera donc utile de jeter un bref regard sur le passé colonial de la France, notamment en Afrique. Si cette période n’est pas prise en compte, on ne pourra pas évaluer la situation actuelle, à la lumière seule des actions françaises présentes.
    Avec le début de la période d’indépendance, les administrations étatiques africaines ont été transférées à des administrateurs qui étaient députés au parlement français pendant la période coloniale, ou à d’autres personnes travaillant pour l’administration coloniale, ou ayant été éduquées dans le pays colonisateur. Cela a assuré la poursuite du colonialisme français.

    – Historique du colonialisme français

    La domination française sur l’Afrique a une histoire qui remonte au 17ème siècle. La France a planté les graines du mouvement d’occupation et d’exploitation sur le continent en 1624 en établissant des centres commerciaux au Sénégal. Avec la création de la Compagnie française des Indes orientales en 1664, le colonialisme est devenu plus systématique. L’Empire colonial français, qui s’étendait sur une superficie de 3,5 millions de kilomètres carrés dans les années 1670, atteignait 11,5 millions de kilomètres carrés dans les années 1920.

    Malgré le fait que le roi de France, François Ier, qui avait été fait prisonnier par l’empereur Charles Quint du Saint-Empire romain germanique en 1525 lors de la bataille de Pavie avait appelé à l’aide de [l’empereur ottoman] Soliman le Législateur (ou Soliman le Magnifique), et malgré le fait que de bonnes relations aient été établies entre les deux nations, et que la France doive sa survie à l’Empire ottoman; la France, après s’être renforcée, s’est attaquée à l’Empire ottoman. En 1799, Napoléon a attaqué Acre pour prendre le contrôle de l’Égypte et de Damas, et a connu sa première défaite. Napoléon a dit: « Si je n’avais pas été arrêté à Acre, j’aurais pu conquérir tout l’Orient ». Cela montre que si l’État ottoman n’avait pas arrêté la France, de nombreux pays du monde islamique, et même du continent asiatique jusqu’à à l’Extrême-Orient, auraient pu devenir des colonies françaises, comme ce fut le cas en Afrique.

    Alors que l’État ottoman avait commencé à perdre de son pouvoir, la France a occupé l’Algérie en 1830. Cette invasion marque le début des invasions de la France en Afrique du Nord.

    Pendant la Première Guerre mondiale, 1 million de soldats africains ont combattu dans l’armée française.

    Pierre Savorgnan de Brazza, un citoyen français d’origine italienne, fondateur de la colonie française ouest-africaine moderne, était un explorateur de l’ère coloniale. Brazzaville, la capitale de la République du Congo, porte notamment son nom.

    Élargissant l’arrière-pays algérien avec le traité franco-britannique de 1890, la France l’a transformé en une région où se rejoignent la région du bassin du Lac Tchad et le territoire français-africain. Avec la note du 30 octobre 1890, l’État ottoman a tracé les limites du Sahara turc. La Libye, qui est à l’ordre du jour actuellement, était en fait au centre de la lutte franco-ottomane à cette époque. Selon la note turque du 30 octobre 1890, l’arrière-pays libyen ottoman incluait la Libye, le Soudan, l’Égypte, le Tchad, l’ouest de l’Éthiopie, le Soudan du Sud, la région centrafricaine, le nord du Cameroun, le nord et à l’est du Nigéria et une région constituée du Niger pour sa moitié. L’État ottoman, en réaction aux attitudes agressives de la France, a fait état de ses droits au nord du Congo et à l’est du Niger en 1885. La note remise à la France le 12 mars 1902 confirme cette situation. Malgré toutes les luttes que l’Ottoman a menées, il n’a pas pu empêcher les activités coloniales de la France sur le continent africain.

    Pendant la traite transatlantique des esclaves, environ 5 300 000 Africains ont été réduits en esclaves en Sénégambie, en Afrique occidentale et centrale, et emmenés dans les Caraïbes, en Haïti, c’est-à-dire dans les colonies françaises du nouveau monde, dans des navires français. Les puissances coloniales ont convenu de ne pas se battre entre elles. De plus, elles ont collaboré pour qu’une possession perdue par une puissance coloniale puisse être récupérée par une autre puissance coloniale. Elles ont, par exemple, forcé les pays qu’ils avaient exploités afin de les faire enseigner en anglais dans les anciennes colonies françaises et en français dans les anciennes colonies anglaises. Cette situation perdure aujourd’hui. Par exemple, quelle langue le Rwanda remplace-t-il en prenant des mesures pour se débarrasser du français? L’anglais, qui est aussi une langue coloniale …

    – Colonialisme français et génocides en Afrique

    Les Français ont exploité une grande partie de l’Afrique de l’Ouest et centrale pendant des siècles. La France a établi des formes d’administration directes pendant la période coloniale et a suivi des politiques d’assimilation en essayant d’établir son propre système de culture et de valeurs. Elle a structuré les colonies d’Afrique de l’Ouest en « Afrique occidentale française (AOF) » et celles d’Afrique centrale en « Afrique équatoriale française (AEF) ». La France a poursuivi une stratégie visant à mettre en conflit les tribus pour gérer plus facilement leurs colonies en Afrique. De plus, pour briser la résistance des peuples, comme par exemple avec le drapeau du Congo français, la France a utilisé un drapeau similaire au drapeau ottoman, constitué d’un « croissant et une étoile ».

    Les élites africaines, qui ont grandi dans les anciennes colonies françaises, ont soutenu que le colonialisme était bon et que les colonies ne devaient pas être indépendantes. Le colonialisme avait pénétré jusqu’à dans l’âme des Africains et un « EuroAfricisme » avait émergé, qui s’opposait à l’indépendance. Ce concept a été introduit en 1927 par un Français du nom de Guernier, auteur du livre « L’Afrique, champ d’expansion de l’Europe », (publié en 1933, ndlr].

    Blaise Diagne, président du premier congrès panafricain en 1919 et député sénégalais à l’Assemblée nationale française, avait déclaré: « Nous, autochtones […] voulons rester français. Parce que la France nous a donné toutes sortes de libertés et nous a traités comme ses propres enfants sans aucune discrimination. Personne ne veut que l’Afrique française soit laissée aux seuls Africains, comme certains le souhaiteraient. L’élite française ne permettrait pas les théories révolutionnaires qui exigent la séparation et l’indépendance, ce qui contreviendrait au calme et à l’ordre, qui sont essentiels pour la sécurité de tous ».

    Léopold Sedar Senghor, qui était le [premier] président du Sénégal entre 1960 et 1980, a également soutenu que la voie la plus appropriée et souhaitée pour son pays était une union au sein de l’Empire français et que les problèmes de l’empire était également ceux des colonies. Parmi l’élite africaine certains siégeaient à l’Assemblée nationale française.

    Les membres d’une même tribu ont été séparés entre différents États avec des frontières artificielles établies par les États coloniaux. Cette situation a provoqué des conflits entre de nombreux pays africains après l’indépendance. Par conséquent, d’autres dirigeants, à l’exception d’Ahmed Sekou Touré, ont accepté une indépendance au sein de l’Union française, que Frantz Fanon (1925-1961) a qualifiée de « fausse indépendance ».

    Comme exigence du nouveau monde capitaliste fondé après la Seconde Guerre mondiale, la France n’a accepté que « l’indépendance sur papier » de ses colonies, et à certaines conditions . La Guinée a rejeté l’indépendance conditionnelle; d’autres pays africains ont accepté. Mais la France a sécurisé ses relations avec les pays africains et signé des « accords de coopération » contraignants notamment sur la monnaie coloniale française (franc africain), le système éducatif français, le cadre des relations militaires et commerciales. De plus, elle a obligé les nouveaux pays «indépendants» à payer les infrastructures construites par la France pendant la période coloniale. 14 pays africains, anciennes colonies françaises, paient des impôts coloniaux à la France depuis leur indépendance. Alors que la France a dû s’excuser pour les richesses qu’elle a pillées en Afrique, et malgré les millions qu’elle a asservis ou tués, le chaos social sans fin qu’elle a provoqué et les génocides qu’elle a causés, elle continue de percevoir des impôts pour ce qu’elle fait.

    La France a en effet joué un rôle dans de nombreux génocides sur le continent africain, et coopéré ou fourni des armes à des forces génocidaires. La France a tué des millions d’Algériens pendant la période d’exploitation et d’occupation en Algérie, qui a duré 132 ans depuis 1830, indirectement par déportation, directement par balle ou par le feu dans des fours à chaux. Plus d’un million de personnes ont été tuées entre 1945 et l’indépendance.

    Les unités militaires françaises qui ont participé aux «opérations d’aide humanitaire (!)», lors du génocide des Tutsis par des Hutus au Rwanda en 1994, ont directement soutenu ce génocide. En outre, la France a fourni des armes, des renseignements, une stratégie, un soutien à la formation militaire au génocide et a déterminé la « liste des personnes à tuer ». Les massacres ont fait près d’un million de morts.

    Le nombre de personnes tuées en Tunisie, au Sénégal, au Niger, en Mauritanie, au Cameroun, au Burkina Faso, au Gabon, en Guinée et au Bénin reste encore inconnu.

    La France, comme d’autres puissances coloniales, a visé les leaders et les universitaires qui dirigeaient la société. Elle a, par exemple, tué 400 érudits lors d’un symposium islamique en 1917 au Tchad.

    [Mustafa Efe est président du Centre africain d’études stratégiques (AFSAM)]

    Anadolou

    Tags : France, Afrique, françafrique, colonialisme, néo-colonialisme, spoliation, esclavage, pillage,

  • Human Rights Watch salue le rapatriement des enfants des terroristes de Daech par la Tunisie

    Pour l’organisation des droits de l’Homme cette démarche permettrait de protéger les enfants

    Meher Hajbı

    AA – Tunis

    Human Rights Watch a estimé, jeudi, que le rapatriement des six enfants des terroristes de Daech par la Tunisie constitue une démarche vers la protection des droits de ces enfants.

    Dans un communiqué rendu public jeudi, l’organisation a expliqué que les autorités tunisiennes devraient tout mettre en œuvre pour accélérer le retour de plus de 36 autres enfants toujours bloqués en Libye, ainsi que les 160 autres enfants qui seraient également détenus dans des camps et des prisons en Syrie et en Irak ».

    Pour Human Rights Watch, les femmes détenues avec leurs enfants, ainsi que les hommes soupçonnés d’appartenir à Daech, pourraient faire l’objet d’une enquête et être jugés dans le cadre des normes de procès équitable après leur retour.

    En effet, le 24 janvier, le président tunisien Kaïs Saïed a ordonné de suivre le dossier des enfants bloqués en Libye et de faciliter leur retour au pays après avoir reçu 6 orphelins récupérés de Libye.

    La Présidence de la République accorde au dossier du retour des enfants bloqués une importance particulière. Le président Saïed avait convenu, lors de sa rencontre avec le président du Conseil présidentiel du gouvernement libyen, Fayez al-Sarraj, d’assurer le retour rapide de ces enfants. (Anadolou)

    Tags : Tunisie, Daech, Daesh, ISIS, Etat Islamique, EI, terrorisme, Syrie,

  • The New York Times : « A coups d’armes, d’argent et de terrorisme, les états du Golfe se déchirent pour le pouvoir en Somalie. »

    Ronen Bergman & David D. Kirkpatrick

    Traduction : DKE

    « Le port de Bosaso est dirigé par une compagnie émiratie. Une récente attaque qui y a eu lieu pourrait avoir été diligentée afin de faire progresser les intérêts qataris et de mettre dehors les émiratis.

    A la suite de l’explosion d’une voiture piégée dans la rue du tribunal très fréquentée de la ville portuaire de Bosaso au nord de la Somalie, les chaînes locales ont attribué cet attentat à un groupe de militants islamistes agissant en représailles aux frappes américaines. Au moins 8 personnes ont été blessées et une branche locale du groupe État Islamique [Daesh] a revendiqué l’attentat.

    Quoiqu’il en soit, cet attentat pourrait être aussi un élément dans un autre conflit bien différent : celui qui oppose les richissimes monarchies du golfe dans leur course à la mainmise et aux profits sur la région de la corne de l’Afrique.

    Durant ces deux dernières années, la Somalie déchirée par la guerre est devenue l’enjeu d’un champ de batailles central avec à la fois les EAU et le Qatar qui déversent des armes et des conseillers militaires et mènent une course aux contrats afin de prendre possession des ports et de l’exploitation des ressources minières.

    Dans un enregistrement audio que le New York Times s’est procuré, on peut y entendre un riche homme d’affaires proche de l’émir du Qatar dire à l’ambassadeur du Qatar en Somalie, que les jihadistes ont commis cet attentat afin d’avancer les pions qataris au détriment des intérêts des EAU.

    «Nous savons qui se cache derrière les meurtres et les attaques à la bombe» dit Khalifa Kayed al-Muhanadi (خليفة كايد المهندي) dans son coup de fil du 18 mai, soit une semaine après l’attentat.

    Cette violence est faite pour que «les larbins de Dubaï se sauvent de là et ne renouvellent pas leurs contrats et ça me permettra de récupérer les contrats pour Doha».

    Si cela est avéré, ces preuves offrent un regard nouveau sur le potentiel destructeur de la compétition entre les états du Golfe qui attisent les luttes intérieures en Afrique de l’Est.

    «La Somalie est l’exemple le plus frappant du potentiel de déstabilisation orchestré par cette rivalité entre les royaumes du Golfe» déclare Zach Vertin universitaire à la Brookings Institution et ex-diplomate dans la région. «Le Golfe voit tous ces pays comme des clients. Tout repose pour eux sur le contrôle de l’espace : planter son drapeau, verrouiller le territoire et toutes les relations avant qu’un rival le fasse».

    La ruée pour le pouvoir en Somalie et sur la corne de l’Afrique, est d’une certaine façon une extension de la Guerre Froide qui s’exacerbe dans la région depuis le début des printemps arabes il y a 8 ans environ. Les EAU et la Turquie se sont opposés aux soulèvements et aux partis islamistes qui en prenaient la tête et ont accusé le Qatar de soutenir les manifestants.

    Il y a deux ans, les EAU, l’Arabie Saoudite, l’Égypte et d’autres états alliés ont rompu toute relations commerciales ou diplomatiques avec le Qatar dans l’espoir de mettre la pression sur ce royaume et de décrédibiliser sa politique.

    La Somalie est un pays à la pauvreté endémique, mais ses immenses territoires côtiers offrent un accès à un marché grandissant et une zone d’influence sur les couloirs maritimes qui vont vers le Golfe Persique. C’est un émirati qui est à la tête du port de Bosaso.

    Interrogés sur l’enregistrement téléphonique, l’ambassadeur et le gouvernement du Qatar n’ont pas réfuté son authenticité mais ont déclaré qu’il s’agissait d’une conversation privée entre un ambassadeur et un homme d’affaires et pas avec un membre du gouvernement.

    «La politique extérieure du Qatar a toujours reposé sur le désir de créer des relations prospères et stables, nous n’intervenons pas dans les affaires internes des états souverains», telle est la déclaration officielle du bureau des Communications qataries dans un communiqué officiel au Times. «Ceux qui font ce genre d’actions, ne le font pas au nom de notre gouvernement».

    Cependant, après la révélation de l’enregistrement de la conversation par un service secret étranger, l’ambassadeur n’a pas nié ni démenti que le Qatar ait pu jouer un rôle dans l’attentat.

    «Nos amis étaient derrière cette attaque» a affirmé M. Al Muhanadi, homme d’affaires à l’ambassadeur.

    L’ambassadeur Hassan bin Hamza a répondu à cela : «c’est pour cela qu’il y a des attentats dans cette régions, pour les faire partir».

    M. Al Muhanadi est connu pour sa proximité avec l’émir Hamad al-Thani. Il existe des photos d’eux ensemble et de nouveaux rapports provenant de services secrets font état d’échanges de textos et de mails ainsi que de voyages effectués ensemble.

    Dans une courte interview au NY Times, l’ambassadeur a nié connaître M. Al Muhanadi et a raccroché.

    Tandis que lors d’une autre interview M Al Muhanadi avait déclaré qu’il était un «camarade de classe de l’ambassadeur». Rajoutant «je suis un homme d’affaires à la retraite, je ne représente plus mon gouvernement».

    Lorsqu’on lui a demandé pourquoi il avait parlé «d’amis» derrière les attentats, il a répondu «tous les somaliens sont nos amis».

    Si l’attentat de Bosaso était fait pour faire déguerpir les émiratis, ça n’était pas la première attaque dirigée contre eux.

    En février, deux assaillants déguisés en pécheurs avaient tué le directeur d’une entreprise émirati travaillant à la gestion du port. La compagnie P&O avait déclaré que trois autres employés avaient été blessés dans l’attaque. Cette attentat avait été revendiqué par Al Shababs et dans leur revendication ils avaient déclaré que c’était «parce qu’un émirati occupait le port de Bosaso. Nous l’avions averti, mais il ne nous a pas écoutés, il occupe illégalement la Somalie» a déclaré un porte-parole d’Al Shababs à l’agence Reuters.

    Dans l’enregistrement téléphonique, M. Al Muhanadi fait référence aux contrats gouvernementaux avec DP World, la principale entreprise affrétée pour gérer le port de Bosaso ainsi qu’une ville d’une province de Somaliland. Il dit «un des membres de la famille du président est avec moi» et rajoute que les contrats seront transférés au Qatar.

    Les Shababs affiliés à Al-Qaïda et au Groupe EI en Somalie, sont considérés comme des ennemis de premiers plans par le gouvernement somalien. Les EAU ont exercé des opérations contre ces deux groupes et il n’est pas clair encore de comprendre pourquoi ces groupes seraient affiliés au Qatar qui a également apporté son soutien au gouvernement somalien.

    Le Qatar a nié soutenir les Shababs ou tout autre groupe terroriste. Le président Trump a déjà accusé le Qatar de financer le terrorisme mais a qualifié «d’ami» l’émir al Thani et le ministre du budget et l’a remercié de son investissement financier dans le contre-terrorisme.

    Les officiels américains, déclarent que les accusations contre le Qatar sont à géométrie variables, et reconnaissent que les monarchies du Golfe ont lancé des alliances tactiques avec des groupes terroristes et en même temps luttent pour faire cesser les dons d’argent d’individus riches à des associations terroristes.

    De nombreux états du Golfe sont des partenaires militaires étroits des USA et le Qatar est une base arrière précieuse.

    De tous les états du Golfe, c’est les EAU qui ont montré le plus d’agressivité afin d’accroître leur influence sur la corne de l’Afrique. Les émiratis ont envoyé des troupes de mercenaires et des commandos en Somalie et ce, depuis 2012 déjà afin de combattre la piraterie côtière et ont étendu leurs opérations aériennes afin de combattre les Shababs et d’autres groupes terroristes. Avec le temps, les émiratis ont établi une douzaine de ports commerciaux et de bases militaires autour d’un golfe d’Aden et de la corne de l’Afrique, avec notamment l’énorme base située à Assab en Erythrée qui est une base arrière pour les lancements d’attaques vers le Yémen.

    En 2011, durant la famine qui a touché la Somalie, la Turquie et d’autres alliés du Qatar ont apporté une importante aide humanitaire et ont ensuite investi commercialement dans la région. Ils ont également établi une base militaire et un camp d’entraînement à Mogadiscio en 2017.

    Dans un premier temps, le gouvernement somalien a tenté de garder une neutralité dans cette guerre intra arabes.

    Mais en avril 2018, les autorités somaliennes ont saisi 9.6 millions de dollars en cash dans l’avion privé d’un émirati à l’aéroport de Mogadiscio. Les émiratis ont déclaré que cet argent était destiné à payer le salaire de soldats et policiers privés somaliens qu’ils entraînaient. Les somaliens les ont accusés en revanche d’utiliser cet argent afin d’accroître leur influence pour déstabiliser le pays.

    La Somalie a exigé des excuses auxquelles les EAU ont répondu en cessant toute coopération avec la Somalie qu’ils ont accusée de se rapprocher de la Turquie et du Qatar. Les émiratis accordant alors leur soutien à deux provinces indépendantistes du Somaliland et à la province semi autonome du Puntland où se situe Bosaso.

    La compagnie émiratie DP World a annoncé en 2017, qu’elle venait d’investir 336 M$ dans un contrat de 30 ans qui lui donnait la gestion et l’extension du port de Bosaso et s’est engagé à investir 440 M$ l’an dernier afin de développer un port au Somaliland.

    La Qatar s’est rapidement placé pour capitaliser sur la rupture de relations entre les EAU et le gouvernement somalien et pour consolider de nouveaux liens. Le mois qui a suivi la rupture diplomatique les officiels qataris ont annoncé qu’ils investissaient 385m$ dans des infrastructures et dans l’éducation en Somalie, de même qu’ils ont déclaré apporter une assistance humanitaire. En janvier, ils ont également dit qu’ils fournissaient 68 véhicules blindés afin de soutenir la lutte contre les Shababs et autres groupes terroristes.

    Les Shababs quant à eux ont combattu contre les deux camps dans la guerre intra-arabes. Ils ont attaqué la Turquie qui a apporté un soutien militaire au gouvernement somalien. En mai, ils ont lancé une attaque à la voiture piégée contre un chantier turc déclarant qu’il s’agissait d’un camp d’entraînement militaire à Mogadiscio. Ils ont attaqué en 2013, l’ambassade de Turquie faisant 3 morts et 9 blessés.

    Si cela est confirmé, la conversation de l’homme d’affaires qatari M. Al Muhanadi signifierait que le Qatar a pour le moins tactiquement toléré les attentats à Bosaso même si les groupes terroristes sont combattus par le gouvernement somalien. Un ex officiel du Département de la Défense a déclaré qu’il ne serait pas surpris que le Qatar joue sur deux tableaux tirant un avantage des deux situations.

    Tricia bacon, une spécialiste de la Somalie à l’Université de Washington et une analyste du contre-terrorisme a suggéré l’idée que le Qatar n’a pas besoin de nouer des relations très étroites avec les Shababs afin d’enrôler des extrémistes locaux pour des actions limitées, «en tant qu’agents locaux pour mener des actions et déjouer les plans des émirats».

    Le gouvernement du Qatar a déclaré qu’il enquêterait sur la conversation téléphonique de M. Al Muhanadi avec l’ambassadeur. «Nous ferons tout notre possible mais nous réitérons l’idée que ces propos ne représentent nos principes. La Somalie représente un partenaire important mais nous n’intervenons pas dans ses affaires internes».

    Lors de l’entretien téléphonique Al Muhanadi accuse également les émiratis d’être responsables de désordres en Somalie : «j’ai parlé de nos amis au petit peuple de Somalie, ils savent que les émiratis sont responsables de toutes ces destructions.» »

    Lire l’article en anglais, ici 

    Source : Ecrire sans censures

  • Belgique : L’exclusion d’Emir Kir, sonne-t-elle le glas du communautarisme électorale?

    Les faits. Après la polémique qui a suivi la rencontre entre Emir Kir, bourgmestre PS de Saint-Josse, et des représentants turcs d’extrême droite, la commission de vigilance du Parti socialiste a finalement décidé d’exclure du parti celui qui constituait sans conteste l’un de ses porteurs de voix. Cette exclusion retentissante est-elle le signe d’un changement de politique ou renforcera-t-elle au contraire les adeptes de la double allégeance, partagés entre leur pays d’origine et leur pays qui les a élus ? Politologue, analyste et acteurs de terrain nous ont donné leur avis.

    « Il faut d’abord rappeler que l’exclusion d’Emir Kir a été décidée en raison de la rupture du cordon sanitaire à l’égard de l’extrême droite, et non pas dans le cadre d’une condamnation d’un communautarisme qui demeure, du reste, un concept difficile à définir », souligne le directeur du Centre de recherche et d’information socio-politiques (CRISP), Jean Faniel. « Toutefois, une fois l’exclusion prononcée, se pose effectivement la question de l’avenir d’Emir Kir qui pourrait effectivement se replier sur une base électorale communautaire à Saint-Josse. A cet égard, paradoxalement peut-être, cette exclusion pourrait y attiser cette forme de communautarisme que de nombreuses voix dénoncent aujourd’hui.

    En effet, au vu des premières réactions, il est difficile de savoir comment les choses vont évoluer en la matière. La procédure d’exclusion, puis l’exclusion elle-même ont déclenché des réactions très vives, notamment à l’encontre du militant qui a impulsé la procédure, et qui étaient assez clivées d’un point de vue communautaire ou communautariste. Emir Kir a conservé le soutien de la quasi-totalité de ses proches à Saint-Josse. Cet épisode pourrait donc contribuer à “mettre de l’ordre” dans les rangs du Parti socialiste en envoyant le signal que le communautarisme ne permet pas de déroger à des valeurs fondamentales du parti, telles que la lutte contre le négationnisme et la préservation du cordon sanitaire contre l’extrême droite. Mais il pourrait aussi déboucher sur la formation durable d’une majorité à caractère communautaire dans une commune bruxelloise, se détachant progressivement des formations politiques belges classiques, dont les contours obéissent avant tout à des logiques politiques et non à des logiques “ethniques” (même si le clivage linguistique est évidemment très marqué et peut lui aussi être considéré comme relevant en partie du communautarisme puisque chaque parti fait campagne dans sa communauté linguistique, puis défend les intérêts de celle-ci une fois passée l’élection) ».

    « S’agissant du débat sur le “communautarisme” que cette affaire a aussi entraîné, il me semble essentiel que nous nous posions la question suivante : quels phénomènes vise-t-on précisément par ce terme, et le cas échéant quels comportements doit-on proscrire ? », réagit Jérémie Tojerow, membre du PS et auteur de la plainte. « Faute de définition claire et objective, il est à craindre que l’usage de ce mot vise avant tout à disqualifier l’adversaire politique plutôt que de faire réellement avancer le débat. Par exemple, quand les candidats juifs issus de tous les partis font publier des encarts électoraux dans la revue Regards plutôt que dans la revue de telle ou telle autre communauté, est-ce du “communautarisme électoral” ? Placarder des affiches électorales à l’entrée d’une épicerie juive ou même d’une synagogue, est-ce du “communautarisme électoral” ?

    Quand les élus d’un même parti sont autorisés à voter individuellement au sujet de projets de loi relatifs à l’euthanasie ou au mariage pour tous, en fonction de leurs convictions personnelles et/ou celles de leur électorat supposé plutôt qu’en fonction d’une position commune de leur parti, est-ce du “communautarisme électoral” ? Et si l’on considère que ces différentes attitudes relèvent du “communautarisme électoral”, sont-elles nécessairement à proscrire ? Pour ma part, deux éléments me paraissent fondamentaux : d’une part, les partis doivent pouvoir s’adresser à l’ensemble de la population dans toutes ses composantes (en ce compris le cas échéant via Regards ou des affiches devant une épicerie casher…), et la représenter avec des candidats qui sont issus de toute sa diversité, notamment aussi socio-professionnelle.

    D’autre part, et c’est le point crucial, les partis et leurs candidats, quelle que soit leur origine, doivent tenir le même discours et défendre le même programme, les mêmes valeurs, les mêmes pratiques (comme le cordon sanitaire) partout et devant tous les publics. Il est compréhensible que les candidats présents à la Gay Pride mettent en avant des propositions en lien avec les droits des personnes homosexuelles et non par exemple en lien avec l’agriculture. Il est par contre à mon sens problématique que les mêmes candidats ou leurs colistiers défendent en même temps, auprès d’autres publics plus conservateurs, des propositions et discours différents afin de les séduire. Représenter toute la population avec des candidats issus de tous les milieux et origines, tout en bannissant les doubles discours, voilà l’enjeu central à notre sens. Et pour cela, les partis politiques, souvent décriés, ont un rôle fondamental à jouer ».

    La fin du communautarisme électoraliste ? « Pas du tout… », selon Dogan Özgüden, journaliste et éditeur du site www.info-turk.be. « Le cas Emir Kir est un arbre qui cache la forêt communautariste, dans cette forêt se trouve toute espèce d’opportunisme. C’est la conséquence de l’absence pendant ces décennies d’une politique d’intégration conforme aux valeurs démocratiques européennes d’une part, et d’autre part, de la mainmise des régimes répressifs des pays d’origine sur les immigrés. Le pouvoir d’Erdogan ne cessera jamais de harceler les ressortissants turcs pour maintenir leur soutien au lobby turc contre les revendications des diasporas arménienne, assyrienne et kurde…

    Quant aux partis politiques belges, le risque de perdre le soutien des électeurs captifs du régime d’Ankara sera déterminant dans leur prise de position. D’ailleurs, n’oublions pas que le parti fasciste MHP est le partenaire principal d’Erdogan et la politique de ce dernier est devenue aussi fascisante que celle du MHP. Tant que les députés du MHP et de l’AKP font partie de la Commission parlementaire mixte UE-Turquie et sont souvent présents sans aucun empêchement dans les réunions des associations nationalistes et islamistes en Belgique, il sera difficile de juger et d’exclure tous les élus turcs pour rompre le cordon sanitaire en raison de leurs relations avec eux ».

    « Je pense que c’est une alerte, mais on ne se débarrasse pas comme ça de 50 ans de communautarisme », estime le comédien Sam Touzani (photo (c) Jef Boes), auteur-interprète de la pièce “Cerise sur le ghetto”, qui rencontre énormément de succès, tant auprès du grand public que des publics scolaires. « Je répète depuis toujours que le communautarisme contient de la nitroglycérine, on ne le comprend malheureusement que lorsqu’il explose. Avant cela, on nie la réalité, pour des raisons bassement électoralistes. La vie politique belge nous l’a montré à plusieurs reprises.

    Mais avant de vouloir lutter contre le communautarisme issu de l’immigration marocaine, turque, on ne peut faire l’économie de l’analyse de la situation belgo-belge. Nous sommes dans le pays le plus communautarisé au monde, et on oublie de le préciser, comme si c’était réglé. La question est juste mise au frigo, il ne faut pas s’étonner dès lors de la continuité du contexte national dans le contexte local, avec ses dérives perverses. Même si on parle d’un problème territorial, linguistique chez nous, et non de l’emprise d’Etats étrangers sur des communautés d’origine, d’une volonté de contrôle extérieur, c’est la même logique. Nos politiques ont laissé pourrir la situation pour garder de bonnes relations diplomatiques, mais aussi économiques, au détriment de l’éthique.

    Pourquoi s’attacher sinon à l’Arabie saoudite, si ce n’est pour lui vendre des armes ? On voit aujourd’hui où le communautarisme mène. Quand Emir Kir est élu chez nous, même s’il veut nous faire croire que l’extrême droite belge est différente de l’extrême droite turque, c’est avec des arguments nationalistes, de même que l’a été Mahinur Özdemir, première élue voilée au Parlement bruxellois, aujourd’hui ambassadrice de la Turquie en Algérie ! Non seulement ces élus ne sont pas détachés de leur pays d’origine, mais il est rare que ces pays d’origine ne soient pas une dictature ou une théocratie ».

    De l’avis de plusieurs de nos interlocuteurs, la définition du communautarisme devrait être clarifiée. Comme s’il n’était pas évident que ce que l’on condamne n’est pas le choix des candidats aux élections de s’adresser à ceux qu’ils considèrent comme leur principale cible, mais bien le double-discours dont certains font preuve, dans leur langue d’origine. Un double-discours, pour une double allégeance, relayant souvent d’autres valeurs avec les dérives que l’on connait, et qui entretient la confusion entre le pays dans lequel ils vivent et se portent candidats, et celui dont ils sont originaires, avec lequel ils ont naturellement gardé une attache. Mais jusqu’à quel point ? On évoquera toujours la communauté juive en évoquant la communauté musulmane, par souci d’équilibre sans doute, et qu’importe finalement la réalité. Comparer le cas des candidats juifs à celui des candidats d’origine turque (pour le cas d’Emir Kir) ne fait malheureusement qu’entretenir l’amalgame entre Juif et israélien, desservant le combat démocratique en faisant diversion pour renvoyer les communautés dos à dos.

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    Tags : Belgique, communautarisme, Emir Kir, PS, Turquie, élections,

  • «Transaction du siècle»: Les Palestiniens seuls contre tous

    par Ghania Oukazi

      La réunion extraordinaire que la Ligue arabe a tenue samedi dernier au Caire a confirmé, si besoin est, l’enlisement de ses pays membres dans des situations de dévoiement d’une question capitale de décolonisation.

    Tenue à la demande du président palestinien, Mahmoud Abbas, la réunion n’avait rien d’extraordinaire. Comme de tradition, elle s’est contentée de dénoncer et rejeter «la transaction du siècle», avec des paroles déjà exprimées à maintes reprises y compris quand les Palestiniens sont expropriés de leurs propres terres ou sont la proie d’un génocide. Le niveau de représentation des Etats-membres à cette réunion, – à commencer par celui de l’Algérie – montre déjà l’esprit de désengagement de leurs plus hautes autorités vis-à-vis de la question palestinienne. Désengagement qui éloigne tout espoir de voir la Ligue arabe empêcher l’entité sioniste de formaliser cette transaction du déni du droit de vivre du peuple palestinien. Pourtant, comme affirment des analystes politiques, la transaction ne concerne pas que les Palestiniens.

    Les administrations et lobbys américano-sionistes veulent solder cette cause et de là, hypothéquer jusqu’au droit d’existence libre et souverain de l’ensemble des peuples arabes et musulmans. Ce qui semble ne pas inquiéter outre mesure les souverains et chefs d’Etats arabes encore moins leur Ligue qui s’est contentée samedi dernier de prendre acte de «la transaction du siècle» présentée mardi dernier par le président américain. «Et cela est la (manière) la plus faible de la foi (Hadha adhaaf el Imane)», diraient les Musulmans. «On ne pourra pas parce qu’on n’a plus de leaders !», a lâché Abdelaziz Belkhadem en 2006, au lendemain de l’offensive armée menée par le Hezbollah contre l’armée israélienne, en réponse à une question sur la possibilité des Etats arabes de rééditer la guerre de 1973 contre Israël.

    L’imam de la grande mosquée d’Al-Azhar, Ahmed Al Tayeb, a pour sa part résumé avant la tenue de la réunion de samedi dernier, la situation dans laquelle évolue le monde arabe et musulman. «Nous n’avons plus d’identité (…) en tant qu’Arabes et musulmans. Nous ne sommes plus rien (…). Je me suis senti terriblement déshonoré quand j’ai vu (Donald) Trump avec (le Premier ministre) israélien (…), ce sont eux qui prévoient, discutent, décident et résolvent nos problèmes. Il n’y a aucun Arabe ou musulman».

    L’embargo éternel sur Ghaza

    Préparés dans des laboratoires étrangers, «les printemps arabes» ont été un moyen efficace pour détourner du conflit israélo-arabe ce monde dont parle l’imam, qui s’étale de Kaboul à Tanger. Le déclassement du problème palestinien d’une cause de décolonisation vers une autre humanitaire a été en même temps mené avec doigté par l’administration américaine dont le dédale est «habité» par les Juifs les plus sionistes. Ghaza est mise ainsi par Tel-Aviv sous un embargo éternel. Les bombardements et raids aériens israéliens continus contre les civils palestiniens et leurs habitations dans cette région damnée n’ont jamais fait bouger les consciences de la communauté internationale. D’ailleurs elle refuse de s’attarder sur les crimes israéliens contre l’humanité et soutient seulement les aides en médicaments et en couvertures au profit des rescapés de ce génocide des temps modernes.

    Donald Trump l’a clairement démontré en s’appuyant sur les plus durs d’entre ces sionistes pour élaborer un projet de «solution» qui efface la Palestine de la carte du monde. Il fut un temps où les pays qui ont constitué le front de fermeté ou du refus finançaient les mouvements révolutionnaires palestiniens et les équipaient en armement pour se battre contre l’entité sioniste. L’Algérie, la Syrie, l’Irak, la Libye et le Yémen ont réalisé à eux seuls des prouesses dans ce sens auxquelles tous les Etats arabes réunis n’ont jamais osé y penser. Aujourd’hui, seule l’Algérie se bat contre les nombreuses tentatives de déstabilisation qui lui sont fomentées ici et ailleurs par des officines animées par un esprit colonialiste morbide. Les quatre autres pays vivent au rythme des bombardements d’armées occidentales conventionnelles ou menés par procuration par d’autres non conventionnelles de mercenaires et de groupes terroristes. Ce sont malheureusement les quelques rares pays qui pensent que l’indépendance de la Palestine ne peut être réalisée que par la reprise de l’action armée par les fidaïyine. «A la guerre comme à la guerre» soutiennent certains de leurs hauts responsables qui affirment que l’humiliation la plus dure qu’Israël subit quotidiennement en Palestine occupée, est celui de tourner ses chars, ses gaz chimiques, son arsenal militaire sophistiqué vers des enfants palestiniens avec comme seul moyen de défense une pierre dans la main.

    L’Iran reste dans ce désordre géopolitique programmé le pays le moins vulnérable malgré les longues années d’embargo américain et les assassinats de ses meilleurs scientifiques et de ses dirigeants militaires et politiques.

    Acquittement de Trump par le Congrès ?

    L’assassinat le mois dernier de son stratège en opérations armées au Moyen-Orient, entre autres contre la colonisation américaine de l’Irak, le général Qassam Souleimani, près de l’aéroport de Baghdad, s’il a amputé l’armée iranienne de l’un de ses plus brillants éléments, il a rapproché les Iraniens de leurs autorités politiques et religieuses après les escarmouches qui les ont opposées en raison de la complication des problèmes économiques et sociaux.

    Les Iraniens ont juré vengeance et quelques jours après, ils ont lancé des missiles à partir de leur pays, qui ont pu atteindre deux bases militaires américaines en Irak. Au regard des vidéos qui circulent sur la toile faisant état de nombreux dégâts humains et matériels au niveau des troupes américaines, il semble que les deux pays se sont entendus pour affirmer que l’attaque iranienne n’a pas fait de morts américains. Les Etats-Unis restent aussi évasifs sur le crash, il y a quelques jours, d’un avion américain en Afghanistan transportant l’un des membres de la CIA qui a programmé l’assassinat de Souleimani en Irak.

    Les nombreuses manifestations des milliers d’Irakiens pour faire sortir les Américains de leur pays s’ajoutent aux multiples affronts que les Etats-Unis ne cessent d’essuyer pratiquement à travers toute la planète. En parallèle, il serait en principe vain de penser que le Congrès pourrait aller jusqu’à prononcer l’empeachment contre Donald Trump comme voulu par les Démocrates pour cause d’un «Ukraingate» version revue et corrigée au rabais de l’affaire du Watergate qui a elle aussi poussé à l’ouverture par le Congrès d’un procès de destitution contre Richard Nixon élu président des Etats-Unis en 1973. A ne pas confondre entre les deux personnages, Trump et Nixon, ou comparer entre eux en raison d’un cursus et d’un quotient intellectuel qui ont fait de Nixon un homme d’Etat et l’ont poussé à démissionner en 1974 et de Trump un homme d’affaires après avoir été de divertissements télévisuels. Son acquittement par le Congrès, après le forcing des Républicains pour sa destitution, devrait intervenir dans les jours à venir.

    Le Quotidien d’Oran, 4 fév 2020

    Tags : Palestine, Etats-Unis, Israël, deal du siècle, Proche Orient,

  • Le Portugal refuse l’asile à huit Marocains arrivés à bord d’une patera

    Ces huit personnes n’étaient pas considérées comme des réfugiés

    Le Service des étrangers et des frontières a rejeté la demande d’asile des huit personnes originaires du Maroc arrivées illégalement en décembre à Monte Gordo.

    L’évaluation a considéré qu’il n’y avait pas de cadre pour le statut de réfugié. La nouvelle est tombée le lendemain de l’arrivée des 11 migrants à Algarve et qui ont également demandé la protection du Portugal.

    Expresso, 30 jan 2020

    Tags : Maroc, Portugal, migration, asile, Algarve,

  • La France tente une nouvelle tactique après avoir perdu son influence en Afrique de l’Ouest

    ISTANBUL

    Les problèmes économiques et sociaux dans les pays africains qui ont accédé à l’indépendance juste après leurs périodes colonialistes ont fourni une opportunité et un environnement pour le néocolonialisme pour progresser. En incluant notamment la France et l’Angleterre, les puissances coloniales possédaient la plupart des ressources précieuses du continent telles que les réserves d’hydrocarbures, les télécommunications, la gestion portuaire, l’administration des chemins de fer, les systèmes de commerce de détail et même les entreprises contractantes qui assurent la production de la sous-structure. Pour cette raison, les puissances coloniales qui ont accordé l’indépendance aux pays en question ont facilement comblé les lacunes de pouvoir résultant des crises de gouvernance des pays du continent. Les paroles de Doudou Thiam, ancien ministre des Affaires étrangères du Sénégal, rendent la situation plus significative: «Assez! L’indépendance qui ne peut aller au-delà de la forme… Si nous n’essayons pas d’obtenir nos droits de souveraineté économique et sociale, nous ne pouvons pas atteindre une véritable indépendance. »

    La conjoncture actuelle indiquant un changement en Afrique de l’Ouest, qui est également le principal sujet de cet article, on peut affirmer que la crainte de la France de perdre un territoire l’oblige à appliquer des méthodes contraires à l’éthique et mises à jour avec des stratégies néocoloniales. Par conséquent, nous pouvons affirmer que cette affaire se produit de deux manières.

    La première direction fait l’objet du franc CFA, qui est la monnaie coloniale. Les réserves du franc CFA et des États régionaux d’Afrique de l’Ouest (la totalité durant les premières années de fondation, dont la moitié dans la situation actuelle) ont été déposées à la Banque centrale française. Dans cette situation, il est également assez clair que bon nombre des présidents qui souhaitaient quitter la région CFA ces dernières années ont été frappés par des forces soutenues par la France. Dans ce contexte, il a été exprimé que les États de la région CFA abandonneraient l’héritage colonial et que l ‘«Eco», la monnaie du continent déterminée par la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), entrerait en vigueur dans 2020. En revanche, il a été signalé que le Nigéria, la Sierra Leone, le Libéria, la Gambie, le Ghana et la Guinée ont refusé d’utiliser le «Eco» comme monnaie lors de la réunion organisée par les États en cause le 17 janvier. En fait, avant lors de la réunion susmentionnée, des discussions avaient eu lieu sur les préparatifs de la CEDEAO sur la monnaie « éco » développée après des années d’études, et sur la manière dont la France allait utiliser « éco » et essayer de mettre en œuvre un nouveau type de système colonial. Ainsi, on peut penser que cette explication est liée au sujet et non à une surprise.

    La deuxième direction est que l’augmentation récente des activités terroristes en Afrique de l’Ouest constitue une base pour la France de garder des soldats dans les régions connexes. Contre le cas d’espèce, tant la société africaine, y compris l’initiative financière dans un premier temps, que la diaspora africaine en Europe réagissent sérieusement à l’attitude française et protestent. Les communautés en cause pensent que la puissance militaire de la France, dont 4 500 soldats dans le cadre de l’opération « Barkhane » que la France maintient depuis 2014 dans la région du Sahel, n’a provoqué qu’une augmentation de la terreur et de l’incapacité régionale.

    Les explications incalculables de Macron, qui a dit qu’il interrogerait les dirigeants sur «l’incertitude sur l’opposition accrue contre la France dans la région du Sahel» et «les dirigeants des États que la France a en leur pouvoir militaire lui doivent» une «explication» lors de la réunion de l’OTAN qui a eu lieu le 4 décembre 2019 a attiré une réaction significative de l’Afrique même. Dans ce contexte, le président du Burkina Faso, Roch Marc Christian Kabore, a indiqué que le ton de Macron est problématique et que Macron n’ira nulle part avec ce ton. Les présidents du Sénégal, du Mali, du Nigéria et de la Côte d’Ivoire ont également réagi contre le ton et les paroles de Macron. À la suite de tout cela, les bases françaises ont été protestées dans de nombreux pays africains, et les manifestations ont été interdites dans certaines autres villes avant la visite de Macron en Côte d’Ivoire et au Nigéria entre le 20 et le 22 décembre.

    Sommet Pau Sahel et préoccupation française

    À l’appel de Macron, les dirigeants de la Mauritanie, du Tchad, du Mali, du Nigéria et du Burkina Faso en tant qu’États d’Afrique de l’Ouest se sont réunis dans le cadre du sommet du G5 Sahel le 14 janvier dans la ville de Pau dans le sud de la France. Lors du sommet du Sahel organisé par Macron, la lutte contre le terrorisme, la légitimité de la France dans cette région, les nouvelles stratégies et la restructuration des opérations ont été discutées avec la participation du secrétaire général des Nations unies Antonio Guterres, du président du Conseil européen Charles Michel et du président de la Commission de l’Union africaine Moussa Faki Mahamat. Même si Macron fait confiance à cette structure, on sait que l’Amérique a adouci son soutien en diminuant le nombre de soldats qu’elle a en Afrique de l’Ouest concernant le processus de transformation de la politique internationale. Pour cette raison, les circonstances données inquiètent la France de jour en jour, et la France augmentera sa politique immorale dans la région avec la crainte de perdre le pouvoir dans les prochains jours.

    Le président français Emmanuel Macron attend des explications politiquement favorables des dirigeants africains à la réaction de la société contre la montée en puissance militaire récente de la France dans les pays en cause. Paris attend non seulement une répétition forte et claire de la demande et du soutien à l’existence française sur le territoire des autres États du Sahel, mais souhaite également que ses alliés européens jouent un rôle actif dans la région du Sahel si nécessaire. De plus, même ces alliés européens agissent avec hésitation sur la réalisation de la mise en scène d’une force de 500 soldats appelée «Takuba». On sait que cette demande n’est pas encore venue des Etats du Sahel.

    Que signifie l’existence militaire française en Afrique de l’Ouest?

    Même si seulement quatre bases militaires de la France sont permanentes dans toute l’Afrique dans la situation actuelle, comme dans l’opération Barkhane, qui est la portée de la région du Sahel, les bases temporaires deviennent également permanentes dans le temps. Bien que Macron affirme que l’existence militaire française dans la région dans le cadre des opérations mentionnées n’est que pour la sécurité de l’Afrique, il n’est pas difficile de remarquer la réalité que la France opprime en fait les pays en cause tout comme une relation carotte-bâton, et de cette manière, il vise à maintenir ses gains économiques grâce aux précieuses ressources de la région. Pour cette raison, la France tente de profiter des activités terroristes en Afrique pour protéger et maintenir la légitimité de son existence dans la région, notamment dans le domaine militaire. En fait, cette circonstance démontre que la France viole remarquablement la sécurité, la stabilité et la souveraineté des États régionaux, et dans cette conjoncture, les anciennes puissances néocoloniales comme la France continueront de piller les ressources africaines. Les protestations de la diaspora à l’intérieur et à l’extérieur de l’Afrique sont sérieusement précieuses pour avoir conscience de ce pillage. À ce stade, l’équation à plusieurs variables sur la rivalité entre la France et l’Angleterre en est le cas.

    En conséquence, comme l’a souligné l’ancien ministre sénégalais des Affaires étrangères, Doudou Thiam, il est temps que les États africains consolident leurs acquis dans les domaines économique et social et arrêtent ce pillage. Il faut frapper quand le fer est chaud car la nouvelle et dynamique nouvelle génération d’Afrique a le potentiel nécessaire pour réaliser ces idéaux.

    * Le Vice-Coordinateur du Centre Africain de Coordination et d’Education (AKEM), Kaan Devecioglu poursuit ses études concentrées sur l’économie politique et les sujets africains, notamment sur le Soudan, à l’Association des Chercheurs sur l’Afrique (AFAM).

    * Traduit par Merve Dastan

    Source : fr24news.com, 31 jan 2020

    Lire l’article en anglais

    Tags : Afrique, France, colonialisme, françafrique, franc cfa, FCFA, afrique de l’Ouest,

  • Djouhri se confie au Soir d’Algérie : «Je n’ai joué aucun rôle dans le supposé financement libyen»

    Entretien réalisé par Naoufel Brahimi El Mili

    Alexandre Djouhri revient sur le devant de la scène médiatique. En réalité, son nom est, depuis 30 ans, intimement lié à la classe politique française, essentiellement celle de droite. De Jacques Chirac à Nicolas Sarkozy en passant par Dominique de Villepin, Ahmed, de son nom de naissance, voit, au fil des années, sur son carnet d’adresses, s’inscrire les numéros de téléphone personnels des chefs d’Etat arabes et africains. Un parcours époustouflant, de la Kabylie au palais de l’Elysée avec une enfance à Sarcelles en région parisienne. Son cauchemar a commencé en janvier 2018 lorsqu’il a été arrêté par la police britannique à son arrivée à l’aéroport de Londres. A la veille de son extradition en France, Alexandre Djouhri répond exclusivement aux questions posées par Le Soir d’Algérie.

    Il revient sur les conditions inhumaines de sa détention en Grande-Bretagne, sur ses souvenirs en Kabylie et sur l’espoir que suscite en lui l’élection du président Abdelmadjid Tebboune.

    Soir d’Algérie : Vous êtes né en France il y a 61 ans, vous avez les nationalités algérienne et française, pouvez-vous définir la place de l’Algérie dans votre vie ?

    Alexandre Djouhri : C’est là que mes ancêtres, mon père et ma mère, mes deux sœurs sont enterrés. Mais il n’y a pas que la mémoire des cimetières, il y a aussi l’histoire récente de ce pays de mes racines. Mon grand- père maternel est mort sur le champ de bataille, mon oncle aussi, on compte dans ma famille nombre de ces martyrs qui ont payé de leur vie, ou dans leur chair, la lutte pour l’indépendance.

    C’est un peu paradoxal de voir un homme comme vous, très intégré dans la vie politique et économique française, celle du CAC 40, revendiquer une autre origine…

    Mes parents allaient tout le temps en Kabylie, et me parlaient beaucoup du pays. Quand j’ai commencé à voyager j’aimais faire des séjours, des stops, dans ce qui devenait aussi un chez moi. Un bonheur d’être dans ce pays extraordinaire, l’un des plus beaux au monde, dans lequel je me sens bien.

    Etes-vous lié à l’Algérie par le monde des affaires ?

    Non. Je n’y ai jamais eu d’activité industrielle ou économique. Pour moi, l’Algérie, c’est les amis et la famille. J’ai fait toutefois une seule exception à titre amical, j’ai accompagné Ali Haddad à Djibouti en vue de construire un pipe, de Djibouti à Addis-Abeba, Ali Haddad n’était pas en mesure de réaliser ce projet car son usine de pipes n’était pas en capacité de production. Il s’agissait d’aider une connaissance algérienne à intervenir sur un marché prometteur africain, mais je n’ai jamais fait d’affaires en Algérie.

    Certains journalistes ont affirmé que vous aviez un passeport diplomatique ?

    Pour quoi faire ? Ce sont des ragots de mercenaires de la plume. Des nains de la vérité. Les mêmes ont affirmé que j’avais été expulsé, ou « exfiltré vers la Russie»…

    Donc aucun lien avec un réseau du pouvoir algérien ?

    Non, bien sûr que non. Quel réseau ? Parlons plutôt de cases. Il fallait être dans l’une ou l’autre. Mais moi je venais ici pour me reposer et réfléchir. Pas pour intriguer. Le système de Bouteflika n’était pas tissé en réseau mais plutôt bâti en forteresse. Pour moi un monde étranger en raison de son lien énorme avec le gouvernement de Hollande et de Valls. Ces deux-là, en sous-main, faisaient la pluie et le beau temps en Algérie. C’est dire que je n’étais pas toujours le bienvenu. Hollande et Valls — et leur porte flingues — voulaient m’éjecter, en France, du monde des affaires, celui du CAC 40, où je compte de nombreux amis qui m’écoutent souvent. Leur but étant de placer leurs pions et de déployer leurs intrigues.

    L’ancien pouvoir d’Alger s’est-il manifesté pour vous assister lors de votre séjour en prison à Londres ?

    Non. Pas un geste, même pas pour rassurer ma famille, donner un coup de fil. Rien de l’Algérie et rien de la France. Ces gens-là m’ont symboliquement déchu de ma nationalité. Alors qu’à Londres j’étais enchaîné vingt-quatre heures sur vingt-quatre, pendant 18 jours, subissant un traitement défini par les droits de l’Homme comme «cruel et inhumain».

    Revenons à ce jour de janvier 2018 où vous êtes, à la demande de la France, arrêté à l’aéroport de Londres ? Vous étiez en fuite ?

    Pas du tout, jamais. J’ai quitté la Suisse, où je réside, pour rendre visite à mes enfants en Angleterre. Au passage du contrôle de police à Genève on m’a prévenu que la France avait émis un mandat contre moi, mais que la Suisse ne l’avait pas exécuté. Et on m’a laissé embarquer pour Londres… Où est la «fuite» là-dedans ?

    La justice française avance qu’ayant refusé de répondre à ses convocations, vous étiez donc «en fuite»

    C’est une sinistre blague, un colossal mensonge, ce qui est grave dans la bouche de magistrats. Vivant en Suisse, pour me convoquer, les juges parisiens devaient, trente jours avant le rendez-vous, m’envoyer une lettre recommandée à mon adresse, très bien connue d’eux. C’est ce que prévoit l’article 10 de la Convention franco-suisse d’entraide judiciaire, signée en 1996 ! Rien de tout cela n’a eu lieu. La machination est simple : on m’a tendu un piège judiciaire. Bizarrement, aujourd’hui, mon statut a évolué. On ne dit plus que je suis «en fuite», mais «réfugié». Etonnant !

    Ce mandat européen lancé contre vous, il est quand même étayé par des accusations, des faits ?

    Pas du tout. C’est un inventaire à la Prévert, un château de cartes. On y trouve un article de Médiapart, un autre de Pierre Péan, l’extrait d’un livre d’Anne Lauvergeon, l’ancienne patronne d’Areva, elle, mise en examen, et deux «notes blanches» de la DGSE, un service secret français. Tout cela n’a aucune valeur juridique ? Pas grave, on me poursuit quand même. Et les Anglais, mis sous la pression de la France et celle d’un réseau politico-financier tricolore, vont faire semblant de croire au sérieux de la poursuite. Par la suite les magistrats du Parquet national financier (PNF) vont abreuver les Britanniques d’éléments qui indiquent massivement ma «culpabilité»… hélas pour eux, sans aucune preuve. Tout cela, alors que j’ai un casier judiciaire totalement vierge.

    Sur le plan chronologique, on vous accuse d’avoir participé au financement libyen de la campagne électorale de Sarkozy en 2007. Pourtant, à cette époque, vos amis comme Dominique de Villepin étaient opposés à Sarkozy ?

    Ça saute aux yeux, mais pas à ceux d’un juge du PNF. La logique et la cohérence est absente de leur démarche. On me met sur le dos un transfert de 500 000 dollars pour Claude Guéant, une histoire de villa dans laquelle je ne suis pas partie, des commissions sur une vente d’Airbus pourtant limpide… C’est ainsi. Mes juges sont des Saint-Jean bouche d’or. Ils finissent par croire à leur propre roman. J’en reviens à l’idée du traquenard judiciaire. Il fallait que je sois torturé.

    Très bien, mais pour quelle raison ?

    Simple. Ils voulaient me faire mentir, comme ils l’ont fait avec Takieddine. Il fallait, pour des raisons politiques, que j’accuse Sarkozy.

    Alors que je n’ai joué aucun rôle dans ce supposé financement. Mais bien sûr que je fréquente la Libye depuis 1986, en tant qu’ami de Bachir Saleh (ancien patron des services secrets libyens), et aussi comme directeur de l’agence de presse «euro-arabe, euro-africaine» où j’ai rencontré Yasser Arafat.

    Lors de précédents entretiens, vous n’avez pas hésité à dire que vous êtes aussi victime de racisme ?

    Absolument, je m’étais appelé François-Henri Durand, on ne m’aurait pas traité comme ça. Très souvent nu, pendant 18 jours, au bout d’une chaîne de 3 mètres et ne me libérer qu’une fois installé sur une table d’opération pour une intervention cardiaque… entravé en salle de soins intensifs, c’est humain ? Dans le même temps, toujours plein d’à-propos, le PNF faisait savoir aux Anglais qu’à Paris, on pouvait me traiter dans l’hôpital où Lady Diana est morte. Quel tact.

    Certains journalistes ont évoqué une coupure entre votre dossier et celui du financement supposé de la campagne de Sarkozy…

    Ils ont raison. Mais les juges qui traitent mon dossier sont aveugles à cette coupure. Si on me garde dans la nasse, c’est au regard de l’élection présidentielle de 2022. Emmanuel Macron a très peur d’une candidature de Sarkozy qui viendrait assurer sa défaite. Alors le soi-disant dossier libyen, dans lequel on m’a collé, est un fer que l’on garde au feu pour éliminer Sarkozy avant le match, où je suis censé être un accusateur !

    Votre extradition à Paris le jeudi 30 janvier ?

    C’est un kidnapping judiciaire. La force n’est pas à la loi. La force est à la force. Derrière cette démarche on trouve aussi un petit gang de pirates de l’économie qui entendent gagner de l’agent en faisant chanter des capitaines d’industrie. Certains étant mes amis, je gêne leur racket. Djouhri doit disparaître. Valls lui-même avec ses amis, comme Alain Bauer (spécialiste du renseignement français), qui se voyait président de la République, a souvent dit qu’il allait me faire mettre en prison… Il avait réussi à faire croire son arrivée à la tête de la France à l’ancien pouvoir algérien qui, soudain, s’est plié aux exigences de l’ancien pays colonial.

    Comment voyez-vous votre retour en Algérie?

    Heureux et le plus vite possible. J’ai un premier devoir, me rendre sur la tombe de ma sœur alors que l’on m’a empêché d’assister à ses funérailles. Je vais découvrir une Algérie différente. Tant mieux. Grâce à Dieu, l’élection de Abdelmadjid Tebboune est une très bonne nouvelle. Elle me va parfaitement. C’est un homme d’expérience qu’il faut laisser travailler. Et même soutenir. C’est un homme de paix, expérimenté. S’il parvient à réaliser 75 pour cent de son programme, ce sera magnifique. Mission accomplie. Je le soutiens et le soutiendrai. On m’a privé de liberté pendant deux ans, fait subir ce traitement cruel et inhumain, mais je vais repartir à l’attaque… A mille pour cent.

    N. B.-E.-M.

    Le Soir d’Algérie, 2 fév 2020

    Tags : France, Alexandre Djouhri, Nicolas Sarkozy, financement illicite, Libye, Kadhafi,

  • La renaissance des printemps arabes : le retour des mouvements de contestations dans le cadre de nouveaux conflits régionaux

    Le rapport annuel du Cairo Institute for Human Rights Studies (Institut du Caire pour les études sur les droits humains) analyse la nouvelle vague de mouvements contestataires dans le monde arabe, et le défi permanent que constituent les pratiques répressives qui font obstacle à l’avancée des droits humains.

    Malgré la répression et les frappes préventives contre les soulèvements et les forces démocratiques au cours des dernières années, le monde arabe vit à nouveau un moment d’espoir. Les valeurs des printemps arabes ont été invoquées par les mouvements de contestations aux quatre coins de la région, dans des pays comme l’Irak et le Liban, l’Algérie et le Soudan, où les Présidents Abdelaziz Bouteflika et Omar al-Bashir ont été renversés après un déferlement de manifestations populaires.

    Le neuvième Rapport annuel de l’institution du Caire pour les études sur les droits humains, “Evocations of the Arab Spring Amid Newly Drawn Armed Conflicts,” (« Évocations des printemps arabes au sein des nouveaux conflits armés ») analyse les implications et les perspectives de la nouvelle vague de printemps arabes en Algérie, au Soudan, au Liban et en Irak. Ce rapport évalue également les conflits armés en cours en Libye, au Yémen et en Syrie, ainsi que les efforts renouvelés des forces autoritaires en Égypte, en Arabie Saoudite et dans les Émirats Arabes Unis pour bloquer les efforts populaires de transformation sociale et de participation à la vie publique et politique. Paru le 2 janvier 2020, le rapport propose une brève analyse du statut des droits humains dans le monde arabe au cours de la période janvier 2018-janvier 2019.

    Le rapport annuel offre une lecture détaillée des types de violations des droits les plus flagrants dans les contextes locaux, régionaux et à l’international, et soutient que le renouveau des conflits est profondément et principalement lié aux interventions régionales et internationales. Les pouvoirs régionaux provoquent des crises et alimentent, directement ou indirectement, les conflits, comme on a pu le constater au Yémen ou en Libye. L’influence des pouvoirs internationaux est particulièrement frappante dans les Territoires occupés, où le soutien états-unien du gouvernement Trump a permis à Israël d’étendre son projet d’occupation coloniale, d’entraver le droit des Palestinien·nes à l’autodétermination, et de mettre en place des politiques de punition collective et un recours disproportionné à la force meurtrière contre les civil·es palestinien·nes.

    Le rapport passe ensuite à l’analyse des pratiques répressives et des graves violations de droits en Afrique du Nord. En Tunisie, aucune vraie réforme institutionnelle de l’appareil judiciaire et sécuritaire de l’État n’a été mise en place, malgré les avancées significatives en matière de droits des femmes, de droits individuels, et d’autres droits fondamentaux comme la liberté d’expression et d’association. Dans un contexte d’impunité globale, la torture et la violence continuent d’être utilisées dans les centres de détention, ainsi que le recours à la force meurtrière, en particulier en lien avec les opérations antiterroristes. Le président renouvelle régulièrement l’État d’Urgence.

    Au Maroc, les autorités gouvernementales continuent de réprimer les manifestations pacifiques – leur refusant le droit d’association et le droit à former des associations indépendantes, en particulier au Sahara Occidental. Les employé·es des médias sont harcelé·es, et l’appareil de sécurité de l’État a reçu l’ordre d’arrêter toute personne qui filmerait le personnel policier. Mi-2018, des rapports ont fait état de la torture et des violences subies par les prisonnier·es dans des centres de détention. Des activistes ont été condamné·es à des peines de prison disproportionnément dures dans un contexte de répression constante contre la société civile.

    « Le retour des manifestations populaires dans de nombreux pays arabes témoigne de la colère et de la frustration populaire généralisées et grandissantes, en particulier dans les régions historiquement marginalisées, là où l’État est incapable d’intervenir ou de répondre aux besoins des gens, ou encore face au gaspillage des ressources publiques et à la corruption endémique dans les institutions étatiques », affirme le Dr. Moataz El Fegiery, membre du bureau du CIHRS et auteur du rapport. « Les manifestations au Maroc, au Soudan, en Algérie, en Jordanie, en Irak, au Liban et en Palestine se sont d’abord centrées sur la dégradation des conditions de vie, mais exprimaient également le mécontentement face au manque de transparence du gouvernement et de l’administration politique. Les jeunes –le groupe le plus marginalisé et aliéné des institutions politiques de ces pays – ont été les plus actif·ves au sein de ces manifestations ».

    RITIMO, 30 jan 2020

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    Tags : Printemps arabe, despotisme, dictature, manifestations, démocratie, droits de l’homme,