Catégorie : Monde

  • La Turquie envoie ses troupes en Libye et va bientôt explorer le pétrole dans une zone contestée

    Recep Tayyip Erdogan a annoncé l’envoi de troupes en Libye en soutien aux forces du gouvernement d’union nationale de Fayez el-Sarraj face aux forces du maréchal Khalifa Haftar.

    «Nous envoyons nos troupes pour soutenir le gouvernement légitime libyen», a-t-il dit s’exprimant jeudi 16 janvier lors d’une conférence consacrée aux résultats économiques du pays en 2019.

    Erdogan a ajouté que la Turquie continuerait d’utiliser tous ses moyens diplomatiques et militaires pour assurer la stabilité à sa frontière sud, terrestre ou maritime, intégrant la Libye dans cet objectif.

    Sommet de Berlin sur le conflit en Libye

    L’annonce de l’envoi de troupes turques intervient à trois jours de la tenue dimanche 19 janvier à Berlin d’un sommet consacré à la crise libyenne, auquel Erdogan participera, et après l’échec des discussions qui se sont déroulées en début de semaine à Moscou, où Haftar a refusé de signer un accord de cessez-le-feu négocié sous la médiation de la Turquie et de la Russie.

    En outre, le président du Conseil italien, Giuseppe Conte, s’est rendu jeudi 16 janvier à Alger où il sera reçu par son homologue algérien Abdelaziz Djerad et par le Président Abdelmadjid Tebboune, indique un communiqué du ministère algérien des Affaires étrangères. Les responsables mèneront d’intenses concertations sur la crise libyenne, précise la même source. Cette visite intervient une semaine après celle effectuée à Alger par le chef de la diplomatie italienne Luigi Di Maio.

    La Turquie explorera «bientôt» le gaz dans la Méditerranée orientale

    Le Président turc a également déclaré qu’Ankara commencerait à accorder des permis d’exploration et de forage dans la Méditerranée orientale en 2020, conformément à un accord maritime avec la Libye. Il a indiqué que le navire turc Oruc Reis entamerait des mesures sismiques dans la région.

    Selon l’AFP, la zone concernée par le forage de la Méditerranée orientale riche en hydrocarbures est contestée, ce qui risque d’aggraver les tensions. Elle est couverte par un accord controversé de délimitation maritime, conclu fin novembre entre Ankara et Tripoli, qui étend le plateau continental de la Turquie.

    La Turquie multiplie depuis plusieurs mois les initiatives en Méditerranée orientale où la découverte ces dernières années d’importants gisements gaziers, notamment au large de Chypre, a creusé l’appétit des pays riverains.

    Selon Ankara, cet accord permet à la Turquie d’avoir des revendications sur certains gisements et d’avoir son mot à dire sur le projet de gazoduc EastMed, qui vise à exporter en Europe centrale du gaz israélien et traverserait la zone revendiquée par les Turcs.

    Avec cet accord, « il n’est plus possible, d’un point de vue légal, de faire des explorations, des forages ou de faire passer un gazoduc dans la zone située entre les plateaux continentaux de la Turquie et de la Libye sans leur aval », a dit M. Erdogan.

    Plusieurs bateaux turcs sont déjà à la recherche de pétrole et de gaz au large de Chypre, sujet de tensions avec l’Union européenne dont Chypre est membre, la Turquie occupant la partie nord de l’île.

    Début novembre, l’UE a franchi une nouvelle étape vers l’imposition de sanctions contre la Turquie pour ces forages illégaux, en adoptant formellement un cadre juridique pour cibler les personnes concernées.

    Sputnik; AFP

    Source : Almanar, 16 jan 2020

    Tags : Libye, Turquie, pétrole, conférence de Berlin, Erdogan, Haftar, Tripoli,

  • La Russie doit rester une république présidentielle, le peuple soutiendra cela (Poutine)

    Le président a rappelé que les modifications de la loi fondamentale qu’il avait introduites dans son discours à l’Assemblée fédérale renforceraient la responsabilité du parlement et du gouvernement.

    Les mesures visant à renforcer le rôle du Parlement en Russie ne contrediront pas l’idée que la Russie doit rester une république présidentielle, a déclaré le président Vladimir Poutine lors d’une réunion avec des membres du groupe de travail chargé d’élaborer des propositions d’amendements à la Constitution.

    Il a rappelé que les modifications de la loi fondamentale qu’il avait introduites dans son discours à l’Assemblée fédérale renforceraient la responsabilité du Parlement et du gouvernement.

    « Je suis certain que bon nombre des personnes présentes seront d’accord, de même qu’une écrasante majorité de citoyens russes, que la Russie restera en même temps une république présidentielle, que le président devrait conserver des pouvoirs importants, tels que le droit de licencier les contrevenants, ceux qui font preuve de négligence dans l’exercice de leurs fonctions et dans le cadre de la perte de confiance « , a déclaré M. Poutine.

    Il a affirmé que sinon le pays dériverait vers une république parlementaire, « qui serait aujourd’hui un test majeur pour la Russie avec un résultat incertain ».

    Selon le président, les modifications constitutionnelles prévues visent à renforcer l’état de droit en Russie et à renforcer le rôle des partis politiques et de la société civile. Poutine a souligné que les principes fondamentaux de la Constitution ne seraient pas affectés.

    « Les amendements proposés hier n’affecteront pas les principes fondamentaux de la Constitution. Ils visent à renforcer l’état de droit et le bien-être en Russie et à améliorer l’efficacité des institutions publiques, ainsi qu’à renforcer le rôle de la société civile, des partis politiques et de la régions du pays dans la prise de décisions importantes pour notre pays « , a souligné le chef de l’Etat.

    Prérogatives du Conseil d’État

    Les prérogatives du Conseil d’État russe ne doivent pas coïncider avec celles du Conseil de la Fédération de Russie (chambre haute du Parlement), a averti le président. Poutine a ajouté que le Conseil d’Etat ne devrait pas devenir « une autre chambre des régions ».

    Le dirigeant russe a souligné ici que le Conseil de la Fédération resterait la chambre représentant les régions russes. « Nous devons être très prudents ici, c’est une question très délicate, nous ne pouvons pas simplement créer une autre chambre des régions, nous devons être prudents quant à la manière de décrire le Conseil d’État dans la Constitution, ses prérogatives et ainsi de suite », a noté M. Poutine. .

    Traités internationaux

    Les traités internationaux peuvent avoir priorité sur les lois russes, mais pas sur la Constitution, a déclaré Vladimir Poutine.

    Il a noté que de nombreux pays avaient depuis longtemps pris des décisions similaires et « inscrit sans hésitation » que tout ce qui ne contredit pas leurs constitutions est en vigueur sur leur territoire. « Cela ne signifie pas que nous fuyons une situation où un traité international a la primauté sur les autres lois russes. Mais pas la Constitution. Si un traité, quel qu’il soit, n’est pas en phase avec la Constitution, il ne devrait pas être conclu « Si nous découvrons qu’elle viole la Constitution, elle ne sera pas en vigueur en Russie », a précisé Poutine.

    TASS, 16 jan 2020

    Tags : Russie, Vladimir Poutine, Putin, Constitution, pouvoir, république présidentielle, parlement,

  • France : Les opposants à la réforme tentent de maintenir la pression

    PARIS (Reuters) – Les syndicats opposés au projet de réforme des retraites se sont efforcés de maintenir la pression jeudi, sixième journée d’action interprofessionnelle après 43 jours de contestation, réfutant tout baroud d’honneur face à un exécutif résolu à aller “au bout de cette démarche”.

    Le taux de grévistes était en hausse par rapport aux jours précédents à la SNCF : 10,1%, selon la direction, dont 30,5% des conducteurs. Dans l’Education nationale, la mobilisation progresse également, mais loin des chiffres du début du mouvement, le 5 décembre. Le ministère recensait une moyenne de 6,72% d’enseignants en grève, dans les premier et second degrés.

    A Marseille, la manifestation qui s’est déroulée jeudi matin a rassemblé 110.000 personnes, selon les organisateurs, 8.000 selon la police. A Toulouse, la police a compté 7.300 manifestants, les syndicats 80.000.

    “Au bout de 43 jours d’un conflit historique, il est normal qu’un mouvement pendulaire s’effectue. Un grand nombre de secteurs importants, bloquants et visibles, sont en train de réfléchir pour partir en grève reconductible”, a dit à Reuters Franck Bergamini, secrétaire de FO des Bouches-du-Rhône.

    Des salariés du port de Marseille, de la pétrochimie, des transports, des enseignants, des “gilets jaunes” mais aussi des dizaines d’avocats en robe ont défilé côte à côte.

    “Les manifestations ne sont pas le seul baromètre, il faut regarder les grèves. Il n’y a pas un gramme de démobilisation même si les jambes sont lourdes”, a déclaré à Reuters Olivier Mateu, secrétaire de la CGT des Bouches-du-Rhône.

    L’intersyndicale CGT-FO-FSU-CFE-CGC-Solidaires et les organisations de jeunesse UNEF-UNL-FIDL-MNL ont d’ores et déjà annoncé de nouvelles mobilisations les 22, 23 et le 24 janvier, date de la présentation du projet de loi en conseil des ministres et d’une 7e journée d’action nationale.

    “Il ne m’appartient ni de décréter les débuts ni les fins de grève”, a déclaré mercredi Emmanuel Macron à des journalistes, en marge de ses vœux à la presse.

    “Il y a un travail qui va se poursuivre dans chaque entreprise et au niveau des fédérations concernées par la grève parce qu’au fond, le sujet ce sont les transports principalement. La grève a beaucoup diminué à la SNCF, elle reste encore assez présente à la RATP”, a-t-il ajouté.

    “ON NE VA PAS LÂCHER”

    Le front syndical s’est scindé depuis que le Premier ministre, Edouard Philippe, a consenti à suspendre la mesure de “l’âge pivot” à 64 ans pour ramener le système de retraites à l’équilibre financier en 2027.

    Une décision saluée par les syndicats réformistes CFDT et Unsa mais dénoncée comme un “enfumage” par la CGT et FO, qui réclament toujours le retrait du texte prévoyant la fusion des 42 régimes existants en un système “universel” par points.

    “Le chantage d’Edouard Philippe concernant l’âge d’équilibre a mobilisé les salariés du privé comme du public au lieu de les décourager”, estime Cédric Caubère, secrétaire général CGT Haute-Garonne, qui manifestait à Toulouse.

    Pour Philippe Martinez, “il n’est jamais trop tard pour convaincre et pour faire céder un gouvernement”.

    “On voit bien qu’il y a d’autres professions qui ont décidé de généraliser, d’amplifier le mouvement. La détermination est toujours là”, a assuré le secrétaire général de la CGT au départ du cortège parisien.

    “Bien évidemment que le mouvement est très long, très dur à porter” mais “on ne va pas lâcher”, a abondé le secrétaire général de Force ouvrière, Yves Veyrier.

    Les syndicats tentent de diversifier leurs actions pour faire durer le mouvement. Ainsi l’intersyndicale a-t-elle lancé mardi pour trois jours une opération “ports morts”, qui perturbe l’activité des sept grands ports français.

    A Marseille, les dockers et agents CGT ont cadenassé les portes d’entrée au Grand Port Maritime de Marseille (GMPP) et bloqué les accès. Ils prévoient de nouveau trois jours de grève la semaine prochaine.

    “Le secteur maritime est en train d’entrer dans l’action, cela concerne les compagnies maritimes, le remorquage et les avitailleurs”, a dit à Reuters Olivier Mateu, secrétaire de la CGT des Bouches-du-Rhône.

    Tags : France, retraites, réforme des retraites, réforme, syndicats, négociations, grève,

  • Répondre aux aspirations de la jeunesse du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord

    Depuis quelques mois, les jeunes sont toujours plus nombreux à descendre dans les rues du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord (MENA) pour réclamer l’amélioration de la gouvernance, de la transparence, des services publics, de l’environnement et des perspectives d’emploi.

    Si ces manifestations nous rappellent les « printemps arabes » de 2010 et 2011, c’est parce qu’elles en sont, pour de nombreux experts, la prolongation et qu’elles trouvent leur origine dans l’attente, trop longtemps insatisfaite, de véritables changements structurels dans la gouvernance économique et sociale. Mais tandis que les manifestations de 2010-11 ont été concomitantes à plusieurs chocs exogènes et endogènes (comme le brusque effondrement des prix du pétrole ou le déclenchement de conflits civils) qui ont bouleversé la région, les mouvements d’aujourd’hui ne doivent pas fatalement produire les mêmes effets déstabilisateurs. De fait, les troubles de l’année 2019 offrent à la région une occasion unique d’accélérer le déploiement de réformes porteuses de transformation et capables de libérer l’incroyable potentiel de l’un de ses meilleurs atouts : sa jeunesse et ses multiples talents. Et c’est exactement ce que la stratégie du Groupe de la Banque mondiale pour la région MENA cherche à obtenir.

    Toute évaluation de la situation des jeunes dans la région doit commencer par un rappel de statistiques qui donnent à réfléchir : deux tiers des habitants ont moins de 35 ans ; le chômage des jeunes (15-24 ans) dépasse les 25 % ; et pratiquement la moitié de ce groupe (40 %) est constitué de femmes, y compris de diplômées de l’enseignement supérieur. C’est d’ailleurs la seule région au monde où la probabilité de se retrouver au chômage augmente avec le niveau d’instruction, alors même que ses pays investissent généreusement dans le système public d’éducation, avec des dépenses médianes supérieures à la moyenne de l’OCDE. Clairement, l’utilisation du capital humain constitue un défi de taille. Tout comme le développement de ce capital : un enfant qui naît aujourd’hui dans un pays de la région MENA aura à 18 ans un niveau de productivité de 55 % inférieur à celui qu’il pourrait atteindre en bénéficiant d’une éducation et de soins de santé de qualité. Et, actuellement, près de 60 % des enfants ne savent pas lire couramment. Le cumul de ces handicaps est inquiétant.

    Face à la gravité de la situation, la Banque mondiale a lancé en 2019 sa stratégie élargie pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord. S’appuyant sur celle de 2015, élaborée dans le sillage du Printemps arabe et des différents chocs connexes, la stratégie de 2019 entend créer des débouchés économiques pour les jeunes en axant les efforts sur l’amélioration du capital humain, le levier des technologies numériques et le développement de l’activité du secteur privé, y compris pour les jeunes entrepreneurs, en garantissant une concurrence libre et équitable sur les marchés des biens et des services.

    Le déploiement opérationnel de ces axes est désormais bien engagé. Nous venons de lancer un plan d’action pour le capital humain dans la région MENA, qui définit des objectifs ambitieux en termes d’amélioration de l’éducation, de la santé, de la protection sociale et de l’emploi. Ce plan régional est en train d’être décliné pays par pays. Nous sommes également déterminés à doubler les connexions internet haut débit et, face à leur rôle essentiel pour l’essor d’une nouvelle économie numérique, à généraliser les paiements décentralisés.

    Parallèlement à la mise en œuvre de cette stratégie élargie, nous nous employons à mieux comprendre l’étendue et la diversité des aspirations d’une jeunesse tout sauf monolithique. Ainsi, alors que notre vision pour la région repose sur un rôle plus prononcé du secteur privé dans la création d’emplois durables de qualité, des enquêtes récentes montrent que les jeunes de la région MENA souhaitent voir l’État continuer à jouer un rôle important dans la création d’emplois et la fourniture de biens et de services abordables (comme le logement), signe d’attentes fortes sur le plan de l’égalité des chances et des opportunités mais aussi de l’égalité de traitement. Comme la plupart de ces pays disposent d’une marge de manœuvre budgétaire limitée, il est cependant évident que le secteur public ne peut pas rester la solution de premier recours, ce qui oblige à s’intéresser de plus près au rôle optimal de l’État dans les économies du 21e siècle.

    Pour les pays du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord, défis et opportunités vont de pair. Mais tous disposent d’un atout exceptionnel : une jeunesse nombreuse et dynamique ! Dès lors, tout l’enjeu pour ces pays comme pour la communauté internationale tient en une question : comment exploiter au mieux ces incroyables énergies pour assurer une croissance inclusive et durable dans la région MENA et au-delà ?

    Anna Bjerde

    Directrice de la stratégie et des opérations de la Banque mondiale, le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord

    Banque Mondiale-Blogs, 13 jan 2020

    Tags : Afrique du Nord, MENA, Maroc, Tunisie, Libye, Algérie, Mauritanie,

  • France / Afrique : les intérêts économiques refont surface

    Et pour cause, Emmanuel Macron a été particulièrement irrité par les récentes déclarations de certains dirigeants africains, qu’il accuse de distiller un sentiment antifrançais au cœur des populations et de la jeunesse africaine.

    Lassaad Ben Ahmed | 13.01.2020

    AA / France / Fawzia Azzouz

    Le 25 novembre au Mali, périssaient 13 militaires français dans un crash aérien alors qu’ils participaient à une opération antiterroriste de la force Barkhane. Très vite, les débats se sont cristallisés sur la légitimité de la présence de l’armée française en Afrique et sur ses intérêts cachées. Nombreuses ont été les critiques qui considèrent que l’Etat français maintient sa mainmise sur l’économie africaine par une présence militaire sous couvert de lutte antiterroriste.

    Le sommet du G5 Sahel, convoqué à l’initiative du président français Emmanuel Macron, s’ouvre ce lundi à Pau. Au programme des discussions, figurent évidemment les opérations antiterroristes au Sahel via l’opération Barkhane, qui mobilise 4500 militaires français dans la zone mais aussi, une quête de ce que le chef de l’Etat appelle « la clarté ».

    Et pour cause, Emmanuel Macron a été particulièrement irrité par les récentes déclarations de certains dirigeants africains, qu’il accuse de distiller un sentiment antifrançais au cœur des populations et de la jeunesse africaine.

    Après la mort de 13 soldats français au Mali fin novembre, nombreux ont été les observateurs à s’interroger sur la légitimité de la présence de la France dans la région et ont notamment pointé du doigt le fait que si Paris se justifie en invoquant la nécessaire lutte contre le terrorisme, il n’en demeure pas moins qu’elle y possède d’indéniables intérêts économiques.

    Le 26 novembre, tandis qu’Emmanuel Macron rendait hommage à ces 13 militaires tombés au Mali via son compte Twitter, le sociologue Mathieu Rigouste lui avait répondu en lui demandant si les victimes étaient mortes pour « protéger » le pays ou pour « protéger les intérêts de l’Etat et des industries françaises ».

    Dans une analyse de la situation, publiée sur le média indépendant « l’Orient XXI », le spécialiste explique que « la concurrence chinoise menace les intérêts énergétiques et commerciaux occidentaux en Afrique depuis le début des années 2000 ». Il précise que « le Sahel abrite de grandes réserves pétrolières ainsi que des gisements d’uranium et d’or, mais aussi de gaz, de coltan, de cuivre, de grenats, de manganèse et de lithium, de minerais magnétiques et de terres rares ».

    Il rappelle, par ailleurs, dans son écrit, que le chercheur à l’institut stratégique de l’école militaire de Paris, Mahdi Taje, assumait ce positionnement dans les colonnes d’un média malien en 2017, en affirmant que « la réalité géographique de cette zone permettrait à certains États, s’ils se positionnent économiquement et militairement, de mieux contrôler les richesses des États du Maghreb et de l’Afrique de l’Ouest ».

    A noter également que dans le rapport du Sénat français de 2013, les parlementaires évoquaient la volonté française d’assurer « un accès sécurisé aux ressources énergétiques et minières » de l’Afrique, à travers l’opération Serval (devenue Barkhane en 2014).

    S’agissant de l’activité des entreprises françaises sur le continent africain, Mathieu Rigouste rappelle qu’elles sont au nombre de 40 mille dont 14 multinationales d’envergure, comme les géants Total, Areva ou encore Vinci.

    Les vendeurs d’armes comme Dassault figurent également sur la liste des entreprises ayant très clairement un profit à tirer des opérations françaises au Sahel. « Serval puis Barkhane ont été l’occasion de tester et de promouvoir les avions de chasse de Dassault et les missiles de la société aéronautique MBDA » note le sociologue qui mentionne également les « exportations de Rafale au Mali ».

    Dans un rapport publié en avril 2019 par Hervé Gaymard, mandaté par la diplomatie française pour « relancer la présence française en Afrique », on apprend qu’en « vingt ans, les exportations françaises ont doublé sur un marché qui a quadruplé, d’où une division par deux de nos parts de marché ».

    Sur cette période, « les exportations françaises vers le continent africain ont doublé (d’environ 13 à 28 milliards de dollars, en 2000 puis 2017), sur un marché dont la taille a quadruplé (d’environ 100 à environ 400 milliards de dollars d’exportations) ».

    Le stock d’investissement direct étranger français sur le continent africain «sont passés d’environ 5,9 milliards d’euros en 2000 à 52,6 milliards d’euros en 2017 (avec un pic à plus de 56 Md EUR en 2016) », selon ce même rapport.

    Les importations, elles, concernent principalement l’uranium, le cacao, les fruits tropicaux ou encore l’huile.

    Pour le géopolitologue Pascal Boniface, interrogé par Anadolu, « la France doit faire face à la concurrence d’autres acteurs dans la région dont la Chine et la Russie », illustrée par « la réussite des sommets Chine/Afrique et Russie/Afrique ».

    Il estime que la France « sait très bien qu’elle ne peut pas rester éternellement dans le Mali et au Sahel sauf à susciter une grogne » où elle serait qualifiée « non pas d’armée d’occupation mais sa présence sera de moins en moins bien acceptée ».

    C’est le cas, d’ailleurs, ces jours-ci, à la faveur de manifestations demandant le départ des forces françaises, devenues fréquentes, la dernière en date a eu lieu vendredi 10 janvier à Bamako.

    Boniface, par ailleurs directeur de l’IRIS (Institut des Relations Internationales et Stratégiques), considère que la France et l’Afrique doivent « trouver une relation où chacun gagne à coopérer avec l’autre ».

    Pour le sociologue Saïd Bouamama, cité par le journal « Jeune Afrique », le néocolonialisme trouve sa source dans « l’instauration de nouveaux mécanismes de dépendance qui ne nécessitent pas l’occupation militaire des pays ».

    Il met ainsi en lumière « le double processus d’un encouragement à l’endettement suivi d’une exigence sous condition pour pouvoir continuer à bénéficier des crédits », opérés, entre autres, par l’Etat français.

    Le sociologue estime, enfin, que « la décolonisation n’a pas été poussée jusqu’aux domaines économiques et culturels » et que « les imaginaires sont restés ceux du dominant », notamment sur le continent africain.

    « Les politiques de coopération, d’aide soi-disant technique, les ONG, la francophonie, etc., ont été des outils de cette mise en dépendance culturelle et psychologique », conclut-il.

    À ce propos, le « pacte colonial » imposé par les pays européens à leurs anciennes colonies et selon lequel ces dernières ne peuvent importer que des produits provenant de la métropole et ne doivent exporter que vers celle-ci, a très longtemps pénalisé les pays africains.

    Fin décembre, le président Macron annonçait en grande pompe depuis Abidjan, la fin programmée du franc CFA qu’il considère comme l’un des derniers « vestiges de la françafrique » ainsi que la fin du dépôt des réserves de change en France pour les 8 pays d’Afrique de l’Ouest francophones (Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Guinée-Bissau, Mali, Niger, Sénégal et Togo).

    Il n’en demeure pas moins que jusqu’à aujourd’hui, ces réserves sont toujours détenues par le trésor français.

    Anadolou

    Tags : Afrique, France, françafrique, colonisation, colonialisme, Franc CFA, FCFA,

  • Point de presse quotidien du Bureau du Porte-parole du Secrétaire général de l’ONU: 13 janvier 2020

    (La version française du Point de presse quotidien n’est pas un document officiel des Nations Unies)

    Ci-dessous les principaux points évoqués par M. Stéphane Dujarric, Porte-parole de M. António Guterres, Secrétaire général de l’ONU:

    Secrétaire général

    Le Secrétaire général est en France aujourd’hui où il doit prendre part à un dîner de travail organisé par le Président français, M. Emmanuel Macron, avec les dirigeants des pays du G5 Sahel (Burkina Faso, Tchad, Mali, Mauritanie et Niger).

    Le dîner, qui a lieu dans la ville de Pau, est organisé pour répondre à la crise au Sahel: il vise à renforcer l’engagement et la collaboration internationaux sur les questions de sécurité, de gouvernance, ainsi qu’en matière humanitaire et de développement.

    Le Haut-Représentant de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, M. Josep Borrell; le Président du Conseil européen, M. Charles Michel; le Président de la Commission de l’Union africaine, M. Moussa Faki Mahamat; et la Secrétaire générale de l’Organisation internationale de la Francophonie, Mme Louise Mushikiwabo; prendront également part au dîner.

    Samedi dernier, le Secrétaire général était au Portugal où il a participé à la cérémonie marquant la désignation de Lisbonne comme capitale verte européenne 2020. Dans son discours, il a déclaré que l’humanité menait une « guerre suicidaire » contre la nature, et il a souligné que 2020 devrait être l’année de lutte contre les changements climatiques.

    Le Secrétaire général reviendra à New York demain matin.

    Colombie

    Ce matin, le Représentant spécial du Secrétaire général pour la Colombie, M. Carlos Ruiz Massieu, a fait un exposé devant le Conseil de sécurité. Il a déclaré que l’année dernière la Colombie avait continué de faire des progrès importants dans le processus de paix.

    M. Ruiz Massieu a souligné que ces gains durement acquis doivent être protégés et mis à profit par la mise en œuvre globale de l’accord de paix. Il a encouragé les parties à approfondir leur dialogue pour pouvoir mettre en œuvre cet accord.

    En ce qui concerne les violences récentes dans certaines communautés, M. Ruiz Massieu a déclaré que la paix ne sera pas pleinement établie si les voix des dirigeants sociaux continuent à être réduites au silence, et si les anciens combattants qui ont déposé leurs armes et se sont engagés à leur réintégration continuent d’être tués. Il a appelé à traduire en justice les auteurs de ces attaques et à prendre des mesures plus efficaces pour protéger les personnes et les communautés.

    Syrie

    L’ONU demeure profondément préoccupée par la sécurité et la protection de 3 millions de civils à Edleb, dans le nord-ouest de la Syrie, dont plus de la moitié sont des déplacés internes, alors que de nouvelles informations ont fait état de frappes aériennes et de bombardements au cours du week-end dernier.

    Alors qu’un cessez-le-feu, entré en vigueur le 12 janvier, avait apparemment conduit à un certain calme, des frappes aériennes intensives le 11 janvier dans des villes de la région auraient fait 21 morts, dont huit enfants et cinq femmes, et causé la destruction d’infrastructures civiles. Des dizaines de personnes supplémentaires ont été blessées, dont bon nombre étaient des femmes et des enfants.

    L’ONU exhorte toutes les parties, et celles qui ont une influence sur elles, à assurer la protection des civils et des infrastructures civiles, conformément à leurs obligations découlant du droit international humanitaire.

    Yémen

    L’opération humanitaire au Yémen reste la plus importante au monde, avec 24 millions de personnes -soit environ 80% de la population du pays– qui ont besoin d’une assistance vitale.

    Environ 7,4 millions de personnes ont besoin d’une assistance nutritionnelle, dont 2,1 millions d’enfants de moins de cinq ans et 1,1 million de femmes enceintes ou allaitantes qui ont besoin d’un traitement contre la malnutrition aiguë.

    Au 8 janvier, près de 861 000 cas possibles de choléra avaient été signalés depuis 2019, dans 324 des 333 districts du Yémen.

    Quelque 3,6 millions de personnes sont déplacées dans le pays, dont près de 400 000 depuis 2019.

    Le Conseil de sécurité a renouvelé aujourd’hui le mandat de la Mission des Nations Unies en appui à l’Accord sur Hodeïda (MINUAAH) pour une nouvelle période de six mois.

    Philippines

    Les Nations Unies sont en contact avec le Gouvernement des Philippines, qui dirige les opérations de réponse après l’éruption du volcan Taal dans la région de Calabarzon, à 70 kilomètres au sud de Manille, la capitale.

    Le Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA) indique que 18 000 personnes ont trouvé refuge dans des centres d’évacuation, un chiffre qui devrait augmenter.

    L’OCHA, avec l’Agence des Nations Unies pour les migrations, l’OIM, dispose d’équipes sur le terrain qui fournissent des conseils techniques au Gouvernement. Ces équipes se rendront dans les centres d’évacuation et examineront les besoins pour le soutien des autorités philippines.

    L’OCHA félicite le Gouvernement pour la rapidité de son aide aux personnes touchées par l’éruption volcanique. L’équipe de pays pour l’action humanitaire des Nations Unies est prête à fournir un soutien supplémentaire en fonction des besoins et des demandes.

    Coronavirus

    L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a déclaré aujourd’hui qu’elle travaille avec des responsables en Thaïlande et en Chine, après des informations selon lesquelles le nouveau coronavirus a été confirmé chez une personne en Thaïlande.

    Cette personne s’est rendue en Thaïlande depuis Wuhan, en Chine, et se remet maintenant de sa maladie.

    L’OMS affirme que le cas identifié dans un autre pays est une raison de plus pour renforcer son appel à poursuivre la surveillance active et la préparation.

    L’OMS peut fournir des conseils sur la manière de détecter et de traiter les personnes atteintes du nouveau virus. La Chine a partagé le séquençage génétique, ce qui permet aux pays de diagnostiquer rapidement les patients.

    L’OMS souligne également qu’il est essentiel que les enquêtes se poursuivent en Chine pour identifier l’épidémie.

    Le Directeur général de l’OMS, M. Tedros Adhanom Ghebreyesus, consultera les membres du Comité d’urgence de l’OMS.

    Haïti

    Hier, Haïti a marqué le dixième anniversaire du tremblement de terre qui a tué des centaines de milliers de personnes, dont 102 membres du personnel de l’ONU.

    À Port-au-Prince, le personnel des Nations Unies s’est réuni à 16 h 30 pour une cérémonie sur le site de l’hôtel Christopher – l’ancien siège de la mission de maintien de la paix qui s’était effondrée pendant le tremblement de terre.

    Dans un communiqué de presse publié au nom de l’équipe de pays des Nations Unies, Mme Helen La Lime, Cheffe de la mission politique des Nations Unies, a déclaré que « si nous honorons les victimes, la commémoration de cet événement tragique doit également être une source d’engagement renouvelé et un appel à s’unir derrière la vision d’une Haïti stable, démocratique, inclusive et prospère ».

    Elle a réitéré l’engagement constant de l’ONU à soutenir la population et les dirigeants d’Haïti pour répondre à ces aspirations.

    Tout au long de la semaine, d’autres événements marqueront cet anniversaire. À Tunis, l’ONU a inauguré, aujourd’hui, la salle Hedi Annabi, en la mémoire de l’ancien chef de la mission de l’ONU, qui avait péri lors du tremblement de terre. M. Annabi était également Sous-Secrétaire général pour les opérations de maintien de la paix.

    Des commémorations sont également prévues à Genève, mercredi, tandis que le Secrétaire général présidera vendredi au Siège un événement pour le souvenir.

    Déclarations

    Dans une déclaration publiée ce week-end, le Secrétaire général a dit qu’il était préoccupé par l’augmentation des tensions au Sahara occidental alors que le rallye-raid Africa Eco Race s’apprête à traverser Guerguerat. Le Secrétaire général appelle tous les acteurs à faire preuve de la plus grande retenue et à désamorcer les tensions.

    Dans une autre déclaration, M. António Guterres a présenté ses sincères condoléances à la famille royale, au Gouvernement et au peuple d’Oman à l’occasion du décès de Sa Majesté le Sultan Qaboos Bin Said. Le Sultan Qaboos a dirigé Oman pendant 50 ans et était le fer de lance de la transformation d’Oman en un pays prospère et stable.

    Rapport du Conseil de sécurité

    La Division des affaires du Conseil de sécurité a publié la dernière édition de sa publication phare en ligne – « 2019 Highlights of Security Council Practice ».

    L’édition de cette année a été publiée sur une toute nouvelle plateforme, tirant parti des nouvelles technologies et de la conception visuelle, ainsi que d’une étendue de données pour améliorer l’interactivité et l’engagement des utilisateurs. Cette édition 2019 comprend des données sur les réunions du Conseil de sécurité datant de 1946.

    Le rapport est désormais disponible sur le site de la Division des affaires du Conseil de sécurité.

    Liban

    Le Contrôleur des Nations Unies a informé que le Liban avait fait un paiement pour sa quote-part du budget ordinaire. Son droit de vote est ainsi rétabli.

    UN PRESS RELEASE, 13 jan 2020

    Tags : Secrétaire général, Colombie, Syrie, Yémen, Philippines, Coronavirus, Haïti, Sahara occidental, Africa Eco Race,

  • Retraites : 49-3 et enfumage sur l’âge pivot, le gouvernement prêt à tout pour faire passer sa réforme

    La CFDT baisse son froc, comme prévu

    Ce samedi, Edouard Philippe expliquait être prêt à retirer provisoirement l’âge pivot de son texte de loi, recevant les félicitations de la CFDT. Dans le même temps, on apprenait que le gouvernement pourrait passer en force grâce à l’article 49:3.

    Alors que la mobilisation contre la réforme des retraites ne faiblit pas et que plus d’un million de Français étaient encore dans la rue ce jeudi, le gouvernement d’Emmanuel Macron a enfin joué la carte que tout le monde prévoyait, celle de la suppression de l’âge pivot. Dans une lettre ouverte adressée aux syndicats, le premier ministre a annoncé à être « disposé à retirer du projet de loi la mesure de court terme (…), consistant à converger progressivement à partir de 2022 vers un âge d’équilibre de 64 ans en 2027 ». Pour autant, le gouvernement n’ira même pas au bout de ce stratagème puisqu’il s’agit d’une mesure provisoire. Philippe ajoute ainsi que « le projet de loi prévoira que le futur système universel comporte un âge d’équilibre ». Reste à savoir à quel âge sera fixé ce point d’équilibre. En l’état, rien ne nous empêche d’imaginer un seuil fixé encore plus haut que les 64 ans prévus à l’origine. Rappelons que tous ceux qui prendront leur retraite avant ce fameux seuil seront pénalisés d’un malus.

    La CFDT, toujours prompte à emboîter le pas aux réformes libérales, et qui s’était placée jusqu’ici dans l’opposition partielle à cette réforme, semble enfin rentrer dans le rang. En effet, son président, Laurent Berger, s’est félicité de cette décision et a évoqué une « victoire pour la CFDT ». Il voit même dans cette annonce « une volonté de compromis du gouvernement ». De son côté, la CGT de Philippe Martinez continue de réclamer le retrait complet du projet.

    « Un stratagème grossier » cousu de fil blanc

    Le déroulement de cette affaire était donc bel et bien cousu de fil blanc. On avait ainsi déjà pu entendre depuis plusieurs semaines certains intellectuels prédire le déroulement des opérations. Le politologue Thomas Guénolé, annonçait par exemple cet « enfumage » depuis près d’un mois, y voyant un « stratagème grossier ».

    Du côté politique, l’opposition n’a pas manqué de se faire entendre. Florian Philippot se moquait ainsi de Laurent Berger « partenaire de jeu d’Emmanuel Macron » qui « joue parfaitement son rôle ». François Asselineau, lui, dénonçait « une grosse ficelle concoctée depuis longtemps par la CFDT » et demandait le retrait de « toute la réforme ». Même son de cloche chez le député insoumis Adrien Quatennens qui ironisait en se demandant si « le gouvernement pourrait provisoirement cesser de nous prendre pour des imbéciles » et appelait à « rester mobilisés ».

    Le même jour, le projet de loi intégral a commencé à filtrer sur la toile et est devenu facilement téléchargeable. Dans ce document, on apprend notamment qu’un « Conseil d’Administration de la Caisse nationale universelle de retraites » sera mis en place par le gouvernement. Et cet organisme devrait, semble-t-il, décider d’absolument tout, passant outre le parlement, les syndicats, et bien sûr les citoyens. Comme l’explique le magazine indépendant Frustration, le conseil sera notamment en charge de la valeur du point, le fameux âge d’équilibre ou encore du niveau de valorisation des pensions. Mais le texte tient à rassurer le peuple français : ce conseil sera surveillé par un « comité d’expertise indépendant ». Et pour être sûr que ce comité soit bien indépendant, il sera nommé par … le chef de l’État, le président de l’assemblée nationale et celui du sénat ! Un vaste champ politique très représentatif allant donc des libéraux aux ultra-libéraux…

    Passer en force pour éviter la déroute aux municipales

    Pour couronner le tout, on apprend aujourd’hui que le gouvernement envisagerait de faire passer sa réforme via l’article 49:3 de la constitution ou bien par des ordonnances, procédure déjà utilisée par LREM en 2017. En haut lieu, on pense ainsi s’éviter de longs débats au Parlement et faire passer la loi en force, très rapidement. Un proche d’Emmanuel Macron aurait même déclaré que « Plutôt que de se payer une guérilla parlementaire majeure à quinze jours des municipales, on pourrait passer d’un coup. » L’un des ministres du gouvernement, dont le nom n’a pas filtré aurait aussi renchérit : « On entre dans les municipales, les régionales, les départementales ; on se rapproche de la présidentielle… A-t‑on vraiment envie de se taper une réforme des retraites qui dure des mois et des mois ? » Ce véritable coup de force interviendrait alors que la contestation se fait de plus en plus forte dans les rues et que le mouvement de grève qui touche la France a battu tous les records. Pour Etienne Chouard, essayiste, chantre de la démocratie « directe » la « procédure des ORDONNANCES est une procédure scélérate, une confusion des pouvoirs, un outil idéal pour un tyran. ». Elle pourrait en tout cas rappeler au bon souvenir des nostalgiques la belle époque de Manuel Valls, ou sévissait déjà en sous-main, un certain Emmanuel Macron…

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    Tags : France, Emmanuel Mcron, réforme, retraites, syndicats, CFDT,

  • Les guerres de basse intensité du XXIe siècle : En attendant la lutte finale

    «L’ancien monde est déjà disparu, le nouveau monde n’est pas encore là, et dans cet entre-deux les monstres apparaissent»

    Antonio Gramsci

    Depuis toujours, l’homme se bat avec son prochain, et à plusieurs reprises au cours de l’histoire, des guerres particulièrement meurtrières ont eu lieu, faisant plusieurs millions de victimes. Il est connu que le monde actuel va mal et que la fin du XXe siècle et ce XXIe siècle devaient nous amener à la sérénité, maintenant que la Guerre froide appartient au passé. Après le démantèlement de l’Urss, l’Occident promettait «Un Nouvel Ordre» une «Fin de l’histoire» et une «paix pour mille ans». Les guerres se sont multipliées en Afrique, au Moyen-Orient et en Asie centrale; principalement visés les pays arabes et musulmans.

    Il est primordial de dresser un bilan des guerres qui affligent plusieurs régions dans le monde afin de développer une conscience profonde d’indignation devant cette situation intolérable qui perdure et qui s’avère la poursuite d’un siècle marqué par plus de 200 guerres. Depuis le début du millénaire on compte jusqu’à ce jour 55 guerres, conflits armés, opérations militaires ou révoltes, cette période ayant été désignée par l’ONU comme un temps fort pour le développement avec les Objectifs du Millénaire. Mieux encore il semble qu’il n’y ait que 11 pays qui ne soient pas en guerre dans le monde. On y retrouve la Suisse, le Brésil, le Vietnam et curieusement le Qatar dont on sait qu’il est un exportateur net de la violence grâce à sa diplomatie du chéquier.

    La militarisation planétaire s’intensifie

    De fait nous dit le professeur Jules Dufour: «Avec le démantèlement de l’Urss on pensait que les dépenses militaires baisseraient; après une petite pause elles continuèrent d’augmenter de façon constante. Depuis le début du XXIe siècle le processus de militarisation de la planète s’est intensifié. La course aux armements ne s’est jamais arrêtée. Bien au contraire, plusieurs guerres sont venues alimenter les industries de guerre des grandes puissances. Aujourd’hui, nous sommes entrés dans une ère de grandes tensions entre les puissances occidentales et la Russie, mais aussi de la curée pour un redécoupage du Moyen-Orient et des pays arabes. 90% de décès dans toutes les guerres sont des civils et les États-Unis ont lancé 201 sur les 248 conflits armés depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. (1)

    Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, il y a eu 248 conflits armés dans 153 endroits à travers le monde. Les États- Unis ont lancé des opérations militaires à l’étranger 201 entre la fin de la Seconde Guerre mondiale et 2001, et depuis lors, d’autres, notamment en Afghanistan et en Irak.» (2)

    Les stocks nucléaires mondiaux

    Le professeur Jules Dufour rapporte que: «Selon les données analysées par Robert S. Hans et M.Kristensen en 2006, «malgré les incertitudes, le total mondial des armes nucléaires entreposées est considérablement inférieur à ce qu’il était pendant le pic de la Guerre froide en 1986 avec 70.000 têtes nucléaires. Par le biais de toute une série d’accords sur le contrôle des armes et des décisions unilatérales, les Etats possédant des armes nucléaires ont réduit le stock mondial à son niveau le plus bas en 45 ans. «Nous estimons que neuf Etats possèdent environ 27.000 têtes nucléaires intactes, dont 97% font partie des stocks des États-Unis et de la Russie Environ 12.500 de ces têtes nucléaires sont considérées comme étant opérationnelles, le reste étant en réserve ou en attente d’être démantelée parce que plus opérationnelles.» En dépit des réductions annoncées des armes nucléaires, le Sipri souligne que, leur puissance ne cessant d’augmenter, elles demeurent une menace importante. Aujourd’hui, huit pays (États-Unis, Russie, Royaume-Uni, France, Chine, Inde, Pakistan et Israël) possèdent plus de 20.500 têtes nucléaires. «Plus de 5000 sont déployées et prêtes à l’emploi, dont 2000 sont maintenues dans un état de haute alerte opérationnelle.» (1) (3)

    «Pour l’année 2010, les dépenses militaires globales ont atteint 1112 milliards d’euros. Malgré l’austérité budgétaire en Europe. Une réduction compensée par les pays du Sud, et les grands émergents en tête: Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud.

    Les ventes d’armes

    Centre névralgique de ce Sud qui s’arme, l’Asie a massivement importé l’année dernière. Des investissements qui sont liés au complexe équilibre régional. «La course aux armements à laquelle se livrent l’Inde et le Pakistan dure depuis plusieurs années, et participe de cette militarisation de l’Asie», témoigne Fabio Liberti, directeur de recherche à l’IRIS. Le montant des ventes d’armes et services à caractère militaire par les plus grandes firmes productrices le Top 100 du Sipri, s’est élevé à 395 milliards de dollars en 2012. «Ce chiffre record a été alimenté par une demande sans précédent des économies émergentes pour des avions militaires et la hausse des tensions régionales au Moyen-Orient et (dans la zone) Asie Pacifique», explique Ben Moores, de IHS Janes. En 2014, l’Arabie saoudite a fait des acquisitions pour une valeur de 64,4 milliards de dollars. Ce pays a dépassé l’Inde pour devenir en 2014 le premier importateur mondial d’équipements militaires.» (1)

    Comment procède l’Occident pour créer le chaos constructeur?

    L’Occident, à sa tête les Etats-Unis, est constamment en train de tenter de remodeler le monde (reshaping:) à sa convenance en fonction de ses intérêts (doctrine du PNAC Project for New American Century)). Ses vassaux sont là pour ramasser les miettes. Depuis le début du siècle conclut le professeur Jules Dufour. Ce sont principalement les membres de l’Otan qui ont semé la terreur et la mort sur cette planète. Ils l’ont fait directement ou par procuration. Le bras militaire de l’Occident exécute une veille permanente aux intérêts des pays membres et n’hésite pas à intervenir, avec les armes, pour les sauvegarder et ce peu importe les conséquences sur les établissements humains et sur les peuples affectés. Des pays détruits, des milliers de morts et des sociétés désintégrées.

    Pour justifier aux yeux de l’opinion publique ses interventions, l’OTAN a mis en place un scénario diabolique pour évincer tout leader ou tout régime «infidèle» qui sera appelé «rogue state», Etat voyou. La technique est la suivante: (1)

    1°Infiltration dans les réseaux sociaux de messages faisant appel au renversement du pouvoir en place et déstabilisation des institutions nationales

    2°Accusations de crimes de guerre ou de crimes contre l’humanité contre le régime devant être évincé du pouvoir;

    3°Constitution à l’étranger d’un gouvernement provisoire rendu légitime par une reconnaissance formelle de la part des gouvernements occidentaux;

    4°Résolution soumise et approuvée par le Conseil de sécurité de l’ONU autorisant le recours à la force armée contre le régime en place dans le but de «sauver» des vies humaines; 5°Création dune zone d’exclusion aérienne (moyen utilisé dans la guerre contre la Libye), 6°Demandes répétées au Président ou au Premier ministre de quitter le pouvoir, par des menaces de sanctions; adoption de sanctions économiques et politiques;6°Interventions armées aériennes et terrestres; reconnaissance de la victoire obtenue par les combattants maintenant perçus par l’Occident comme étant des héros et même des «révolutionnaires».(1)

    Le professeur Dufour oublie d’ajouter, selon nous, le rôle diabolique des médias mainstream qui martèlent en boucle la légitimité du magister dixit. On pourrait aussi compléter en parlant de main basse sur les ressources par l’envoi des sociétés multinationales pour s’approprier tout ce qui est comestible. Après avoir rendu exsangue le pays, il est abandonné à lui-même, la guerre civile, il devient une zone grise en se somalisant inexorablement.

    Les guerres de basse intensité au XXIe siècle

    Il est curieux d’appeler conflits de basse intensité des guerres qui fauchent des milliers de vies. Le label classant les guerres selon les intensités se base sur un étalonnage qui a pour référence les conflits des deux guerres mondiales du siècle dernier. Un constat: quel que soit le type de guerre, les armes ont été achetées par les belligérants et les vendeurs que sont les marchands de morts vendent certaines fois aux deux protagonistes. Le résultat étant le chaos.

    Pour le professeur Jules Dufour, selon l’état du monde 2015, «seule une minorité (des guerres du XXIe siècle) peuvent être décrites comme des conflits interétatiques. Les autres mettent aux prises un État, souvent déliquescent, et une ou plusieurs rébellions, avec pour enjeu le contrôle du pouvoir, du territoire ou des ressources naturelles. Les divisions ethniques et religieuses alimentent ces nouveaux conflits. Mais ils s’enracinent surtout dans les conséquences de la mondialisation, qui enrichit les plus riches et appauvrit les plus pauvres. Dans la plupart des cas, les guerres du XXIe siècle procèdent de la décomposition institutionnelle et sociale, tout en s’inscrivant dans le cadre des rivalités entre les grandes puissances, anciennes ou nouvelles.(…)»(1)

    En Afrique, le Maghreb n’a pas été épargné, avec la révolution salafiste djihadiste les révolutions en Tunisie et en Égypte en 2010 et 2011 sont des facteurs d’instabilité, l’intervention de l’Otan en Libye en 2011 a amené un chaos durable. Le Mali fait face à une guerre civile. Malgré l’intervention de la France, la situation est délicate avec les groupes séparatistes touareg depuis 2012. Malgré l’accord d’Alger de 2015, la guerre continue.

    « La Corne de l’Afrique a continué de vivre dans un climat de terreur et, tout particulièrement en Somalie ou les Shebab poursuivent leur occupation d’une portion du territoire national depuis 1991. Il n’a plus d’Etat au sens institutions centrales. Le conflit inter-soudanais depuis 2011, les grands déplacements de populations et les nombreux camps de réfugiés fuyant la guerre ont marqué la guerre civile au Darfour à partir de 2002. Plus au coeur du continent, nous avons la première guerre civile en Centre-Afrique entre 2004 et 2007 ponctuée de massacres interconfessionnels, des combats fréquents en RDC, la guerre djibouto-érythréenne en 2008, la rébellion islamiste au Nigeria dès 2009, la guerre civile en Libye à partir de 2013.» (1) (4)

    Le Moyen-Orient et l’Asie 27 conflits armés: de nouveaux Sykes-Picot?

    Les conflits les plus meurtriers, poursuit Jules Dufour, ont eu lieu après 2001. L’Afghanistan a été à partir de 2001 jusqu’en 2014 par une coalition de 40 pays (Otan États-Unis). Des dizaines de milliers de morts. (1) Malgré le retrait de l’Otan la situation est chaotique.

    « Les taliban sont aux portes du pouvoir. Le Moyen-Orient continue d’être un champ de bataille. Une véritable hécatombe s’abat sur cette région depuis trop longtemps. Israël a livré trois guerres contre les Palestiniens de Ghaza, une en 2008-2009 une seconde en 2012 et la troisième en 2014 faisant des milliers de victimes. L’Irak est en guerre depuis une trentaine d’années. Depuis 2003, c’est un état de guerre permanente même si les Etats-Unis se sont retirés en 2011. La guerre se poursuit contre l’EI devenu Daesh et dont on ne connaît pas la finalité. La Syrie est à feu à sang depuis 2011. Les différentes coalitions offshore dont Jebhat An Nosra sponsorisées par l’Occident ont permis l’avènement de Daesh dont la prospérité ne peut s’expliquer que par l’adoubement occidental. Le Yémen est dans un état d’instabilité chronique depuis 2001.» (1)

    Depuis mars, une coalition menée par l’Arabie saoudite tente de chasser les Houtis. Des milliers de morts sans résultat. Selon l’ONU, plus de 21,1 millions de Yéménites ont désormais besoin d’assistance humanitaire – soit 80% de la population -, 13 millions d’entre eux souffrent de pénurie alimentaire et 9,4 millions ont un accès réduit à l’eau.

    Les conséquences des guerres: les murs de la honte

    Prenant exemple sur le mur de Berlin et sur celui érigé par Israël dans les territoires occupés, et celui de l’Egypte contre Ghaza, le projet de la Tunisie vise à ériger un mur en face de la Lybie. Pour rappel, le continent compte sept: Le mur des sables entre le Maroc et la République sahraouie, les murs autour des enclaves espagnoles de Melilla et de Ceuta, le mur entre le Zimbabwe et la Zambie, le mur entre le Botswana et le Zimbabwe aussi appelé le grillage de la discorde, le mur entre l’Afrique du Sud et le Zimbabwe et, enfin, le mur entre l’Afrique du Sud et le Mozambique. Une forte opposition à la construction de ce mur est venue de la Libye: pour les responsables de Fajr Libya (coalition de milices au pouvoir) dans l’ouest du pays, il n’y a pas de mots assez durs, c’est un nouveau «mur de Berlin»,

    Le conflit centenaire israélo-palestinien

    Enfin nous ne devons pas oublier de citer, un conflit dont on parle peu est celui opposant Israël aux Palestiniens depuis un siècle avec cette fameuse déclaration de Balfour qui vient implanter le sionisme au coeur de la Palestine.

    «Sur quel ton et dans quelle langue faut-il vous le dire?», demande Gideon Levy aux États-Unis et à l’Europe, exigeant des sanctions contre Israël, seules à même de parvenir à une égalité des droits entre Israéliens et Palestiniens. (…) Les Américains ont plié bagage, les Européens ont renoncé, les Israéliens s’en réjouissent et les Palestiniens sont désespérés. (…) Jusqu’à présent, on a utilisé la flagornerie à l’égard d’Israël, lui présentant une carotte après l’autre pour tenter de lui plaire. Cela s’est avéré un échec retentissant. (…) Tant qu’ils n’ont pas à payer le prix de l’occupation et que les citoyens ne sont pas sanctionnés, ils n’ont aucune raison d’y mettre un terme et même de s’en préoccuper.» (5)

    Les empêcheurs que sont les nouvelles puissances montantes

    L’Empire ne perd pas son temps il cherche une autre proie. Il y aura des découpages à la Sykes-Picot mais leur durée de vie dépendra de la nécessité ou non pour l’Empire de créer un nouveau conflit – et de le gagner- pour s’accaparer ce qui reste de matières premières (énergie, métaux rares.). Cependant plus rien ne sera comme avant. Je pense que la machine impériale est grippée. L’Empire et ses vassaux seront de plus en plus contrés par des puissances qui comptent, à la fois sur le plan financier économique et même militaire comme c’est le cas de la Chine, de la Russie et de l’Inde.

    Le tournant a commencé à être pris avec l’effondrement des tours jumelles qui a libéré les néo-conservateurs dans leur fuite en avant et ceci jusqu’en 2011. Pour la première fois deux pays du Conseil de sécurité ont mis leur veto à propos de l’attaque de la Syrie… Le conflit est loin d’être réglé, mais il montre que les Etats-Unis ne sont plus les seuls à décider. Le barycentre du Monde bascule inexorablement vers l’Asie.

    Antonio Gramsci a raison d’écrire qu’entre l’ancien et le nouveau monde apparaissent les monstres. Une certitude: les faibles et les ratés vont périr, dixit Nietzche. Nous ne devons être ni faibles ni ratés et ce ne sont pas des combats d’arrière-garde sur la langue qui vont permettre à l’Algérie de répondre avec des arguments appropriés pour seulement espérer survivre dans un monde sans éthique.

    1.Prof. Jules Dufour http://www.mondialisation.ca/laube-du-xxieme-siecle-plus-darmements-plus-de-guerres-la-spirale-de-la-terreur-et-de-la-mort-se-poursuit/5440161 av 15

    2. http://allainjules.com/2014/05/26/guerres-90-des-morts-sont-des-civils-sur-248-conflits-les-usa-en-ont-provoque-201/

    3. (http://www.mondialisation.ca/stocks-nucl-aires-mondiaux/3504

    4. https://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_de_guerres#.C3.80_partir_de_2000

    5.Gidéon Levy http://zamane.ma/fr/%E2%80%89arretez-de-vous-prosterner-devant-israel%E2%80% 89%E2%80%89/

    Article de référence : http://www.lexpressiondz.com/chroniques/analyses_du_professeur _chitour/222276-en-attendant-la-lutte-finale.html

    Professeur Chems Eddine Chitour

    Ecole Polytechnique Alger

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    Tags : Etats-Unis, impérialisme, crise économique, pétrole, guerres, conflits,

  • ANALYSE – Les politiques régionales de l’Iran après Soleimani

    La mort de Qassem Soleimani est une perte irremplaçable pour la politique régionale de l’Iran.

    Bünyamin Tangüner, Ümit Dönmez | 13.01.2020

    AA – Istanbul – Bünyamin Tangüner

    L’année 2020 a commencé avec l’un des développements les plus importants de ces dernières années au sens régional. Suite aux développements sociaux et politiques en Irak ces dernières semaines, les protestations ayant d’abord pris l’Iran comme cible ont été réorientées par les Unités de mobilisation populaires (Hachd Al-Chaabi) contre les États-Unis, et l’ambassade des États-Unis à Bagdad a été envahie. À la suite de cet incident, la frappe aérienne de l’armée américaine autour de l’aéroport de Bagdad, et le stratège de l’efficacité et du pouvoir de l’Iran dans la région, le chef de la Force al-Quds de l’Armée du Corps des gardiens de la révolution iranienne (CGRI) [1] le commandant Qassem Soleimani [2] et le Vice-président des Hachd Al-Chaabi, Abu al-Mahdi Al Muhandis [3] et ses compagnons ont perdu la vie. Cette attaque extraordinaire va longtemps occuper l’agenda mondial en termes de développements régionaux dans le contexte de la réponse initiale de l’Iran à cette attaque.

    Après que les funérailles de Qassem Soleimani et d’Abu al-Mahdi Al-Muhandis ont été amenées en Iran, la foule rassemblée lors des funérailles tenues dans diverses provinces et les slogans criés ont été évaluées comme une indication vivante que Qassem Soleimani occupait une place importante dans la société iranienne. Dans le contexte de son impact sur la politique intérieure et des récentes réactions sociales, cet événement est devenu une importante mobilisation sociale à travers le pays. La perte de Qassem Soleimani qui est considéré par la société iranienne, comme le commandant qui « fait la pluie et le beau temps au Moyen-Orient », et « l’homme qui défend les intérêts de l’Iran au prix de sa vie », et sur la scène internationale comme « le commandant fantôme », est sans aucun doute une perte importante en termes de de son rôle actif dans la stratégie de l’Iran.

    L’Iran a dépassé toutes les attentes selon lesquelles il répondra avec des « éléments de procuration » [proxy, ndlr] à cette attaque des États-Unis, en tirant des missiles balistiques sur la base d’Ayn al-Assad en Irak depuis la région de Kermanchah. Selon les informations fournies par les agences de presse iraniennes, ces attaques ont été effectuées avec des missiles de courte et moyenne portée, Fatih-313, Zulfiqar, et Resurrection. Après le début de ces attaques, le corps de Qassem Soleimani a été enterré dans un endroit prédéterminé à Kirman, et le régime a, à une certaine mesure, répondu aux attentes de sa société d’une « vengeance à outrance ».

    La vie militaire de Qassem Soleimani et le commandement de la Force al-Quds du CGRI

    Qassem Soleimani, né en mars 1957 dans la province de Kirman en Iran, a commencé sa vie de fonctionnaire à l’administration des Affaires de l’eau de la province de Kirman à l’âge de 18 ans. Il a rencontré Riza Kammyab, qui était un spirituel de Mashhad, pendant les jours où le processus conduisant à la révolution iranienne s’est progressivement déployé, et a ainsi pris part aux protestations allant renverser le régime du Chah. Qassem Soleimanii a rencontré l’ayatollah Ali Khamenei au moment de l’exil de Khamenei à Kirman et est, dès lors, devenu l’un des hommes les plus appréciés de Khamenei. Avec la mission lui ayant été conférée et les louanges d’Ali Khamenei sur toutes les plateformes, il est devenu la deuxième figure la plus importante du régime après le Guide révolutionnaire.

    Qassem Soleimani a commencé à participer aux activités de la CGRI après la révolution iranienne de 1979. Qassem Soleimanii, membre du Corps des gardiens de la révolution de la province de Kirman, a servi sur de nombreux fronts pendant la guerre Iran-Irak de huit ans entre 1980-1988 et a commandé des opérations telles que Velfecr 8, Karbala 4, Karbala 5 pendant la guerre.

    Qassem Soleimani a été nommé chef de la Force al-Quds du Corps des gardiens de la révolution par l’ayatollah Ali Khamenei en 1997. Pendant la période du commandement des Forces Qods, il a joué un rôle efficace dans la communication et le soutien fournis au Hezbollah libanais et aux milices palestiniennes. Les guerres de Gaza de 33 jours (2006) du Hezbollah libanais avec Israël (2006), ainsi que les les guerres de Gaza de 22 jours (2009) que les milices palestiniennes remportées (ou plutôt o,t démontré une relative supériorité), sont des exemples de ce rôle efficace que Soleimani a joué sur le terrain.

    Qassem Soleimani a été extrêmement impliqué dans la stratégie de guerre asymétrique et la coordination de ses éléments sur le terrain irakien après l’invasion américaine de l’Irak en 2001, en Afghanistan avec l’invasion de 2003, en Syrie après la crise débuté en 2010 et dans le champ yéménite après le début de la guerre civile. Il a joué un rôle actif et a encadré cette stratégie de la doctrine de sécurité régionale de l’Iran.

    Qassem Soleimani est devenu le premier commandant de l’histoire de la République islamique d’Iran à recevoir l’Ordre de Zulfiqar, et après sa mort, il a reçu le grade de « Sepehbod », inexistant dans le classement militaire actuel, et jusqu’à présent seulement attribué à Seyyad Shirazi.

    Le rôle stratégique de Qassem Soleimani dans les politiques régionales de l’Iran

    Nous pouvons la mesure de l’influence de Qassem Soleimani sur les politiques de l’Iran et leurs mises en œuvre dans la région, par cette lettre qu’il a écrite à Jalal Talabani pour qu’elle fût transmise au général David Petraeus, le commandant des forces américaines en Irak, qui est venu rencontrer le président irakien de l’époque, Jala Talabani, en 2007. Nous pouvons deviner à travers ce message: « Général Petraeus, vous devez savoir que je suis Qassem Soleimani, je contrôle la politique de l’Iran sur l’Irak, et en dehors de l’Irak, les politiques de l’Iran sur la Syrie, l’Afghanistan et de Gaza font partie de mon champs d’initiatives. Oubliez les diplomates iraniens et autres pour la solution du problème de Bassorah; traitez avec moi « .

    Bien que la juridiction de la Force al-Quds soit déterminée comme étant en dehors des frontières du pays, on ne peut pas dire que la Force al-Quds était très influente dans la région avant que Qassem Soleimani ne soit nommé commandant de l’armée. La croissance de l’influence des forces Qods dans la région a été observée à la suite de l’attaque contre les États-Unis le 11 septembre 2001, l’expansion et l’installation rapides des forces américaines au Moyen-Orient (d’abord avec l’intervention irakienne en 2001 puis avec l’intervention en Afghanistan en 2003), et du changement d’équilibre dans la région en constante déstabilisation. Au cours de ces années, l’État d’Israël, pour lequel le Hezbollah du Liban représentait le plus grand danger au Moyen-Orient avec l’Iran, a déclenché la guerre Israël-Hezbollah en 2006, qui durerait 33 jours.

    La guerre de 33 jours, dans laquelle Qassem Soleimani était actif, a obligé Israël à se retirer du Sud-Liban. Qassem Soleimani a été l’un des principaux stratèges de la guerre avec Hasan Nasrallah et Imad Mughniyah pendant la guerre de 33 jours. Le succès du Hezbollah au cours de la guerre de 33 jours a encore accru l’influence de l’Iran, à travers Soleimani, sur le Hezbollah, et en conséquence, Qassem Soleimani a été celui qui a réussi ancrer le Hezbollah libanais dans les événements régionaux.

    Lors du 22e jour de guerre en 2009, Soleimani a fourni des conseils importants aux milices palestiniennes dans le domaine de la logistique et de la stratégie de guerre. Pour l’Iran, la question de Jérusalem et de la Palestine est idéalisée en politique étrangère. L’un des principaux objectifs de l’appellation « Force al-Quds [Force Jérusalem] » de cette unité militaire était de maintenir cet idéal en usage de manière officielle, et de garantir que l’Iran soit mieux accepté dans le monde islamique. Les faits que Ismail Haniyeh ait été présent aux funérailles de Qassem Soleimani à Téhéran, et que dans son discours il ait fait référence à Qassem Soleimani en tant que « Martyr de Jérusalem », sont des indicateurs importants de l’influence de l’Iran sur ces groupes.

    L’Iran a commencé à développer une vision politique à travers le concept de « réveil islamique » concernant les troubles internes qui se sont produits dans de nombreux pays de la région à la fin de 2010, et lorsque les événements ont commencé à se produire en Syrie, l’un des alliés les plus proches de l’Iran dans la région, l’Iran a commencé à mettre en avant que les mouvements d’opposition étaient dirigés par des forces extérieures et que le régime d’Assad devait être protégé. L’Iran est devenu l’un des pays les plus actifs dans le théâtre syrien, ce qui est également important en termes de paradigme de sécurité et de connexion terrestre avec sa zone d’influence dans la région. Qassem Soleimani a joué un rôle primordial dans la formation des « mouvements populaires volontaires » en 2011 dans diverses régions de la Syrie. En 2012, il a joué un rôle actif dans les opérations dans la région d’Al-Qusair et dans la sécurisation des régions de Hama, Homs, Tedmur et de Damas, au nom du régime. La Syrie qui est considérée par l’Iran comme un pays de l’ « Axe de Résistance », a profité depuis 2010 du soutien des stratégies de guerre asymétriques de Qassem Soleimani. Dans le cadre de cette stratégie, afin de jouer un rôle plus actif dans la guerre civile syrienne, et de maintenir son existence en tant qu’acteur important sur le terrain, et avec une motivation sectaire, l’Iran utilise de façon très active en Syrie, pour la protection de divers lieux sacrés, les unités chiites afghanes, Fatımiyyun, et les unités chiites pakistanaises, Zeynebiyyun.

    En 2001, l’intervention américaine en Irak a entraîné le renversement du régime baasiste de Saddam Hussein que l’Iran a combattu pendant huit ans. Au cours des années suivantes, avec le retrait relatif américain d’Irak, l’Iran a commencé à profiter de ce vide de pouvoir en Irak pour y étendre son influence depuis des régions telles que Najaf et Karbala (historiquement, ses liens religieux y sont solides). Entre 2014 et 2015, il a joué un rôle actif dans la prévention de la capture de l’administration du district du Nord de l’Irak par Daech et dans la création des mouvements Hachd Al-Chaabi en Irak la même année. Le fait que les milices sous la structure des Hachd Al-Chaabi soient devenues une composante de l’armée irakienne au sens militaire, attaché au Premier ministre, peut être considéré comme un indicateur très important de réussite en termes de politique régionale pour le compte de l’Iran et de Qassem Soleimani.

    Qassem Soleimani lui-même a joué un rôle dans le nettoyage de la région d’Anbar en Irak, contre Daech en 2018, et sa lutte contre Daech dans la région a accru sa popularité en Iran.

    La Force al-Quds dirigée par Qassem Soleimani a pu coordonner les groupes chiites houthis au Yémen, l’une des principales zones de conflit de la région, et a utilisé avec succès ces milices dans les guerres par procuration de la région. Confronté à l’Arabie saoudite et aux Émirats arabes unis dans la guerre civile au Yémen, l’Iran a également obtenu un succès significatif dans l’utilisation efficace de ces milices comme force de dissuasion contre l’Arabie saoudite. L’incident d’ARAMCO, qui est apparu après les tensions entre l’Iran et les États-Unis au cours des derniers mois, et la rhétorique de l’Arabie saoudite contre l’Iran, est l’un des exemples les plus marquants de cette question.

    À la lumière de toutes ces informations, la Force al-Quds, établie avec pour mission d’opérer à l’étranger, est devenue la puissance politique et militaire la plus efficace de l’Iran dans la région. Sans aucun doute, on peut dire que Qassem Soleimani, qui a perdu la vie lors de l’attaque aérienne américaine, a joué un rôle majeur dans la formation d’un tel pouvoir dans la région. La mort de Qassem Soleimani est une perte irremplaçable pour la politique régionale de l’Iran en raison de son raisonnement stratégique pour institutionnaliser le pouvoir des guerres par procuration, de son expérience sur le terrain et des relations bilatérales qu’il a établies. Cependant, on peut dire que cette situation n’entraînera pas d’écarts majeurs en termes d’objectifs de politique régionale de l’Iran et de mode d’activité dans la région. Bien que de façon moins efficace que Soleimani, de nombreuses années d’expérience dans l’utilisation des éléments de guerre asymétriques et de coordination des forces de substitution, en particulier dans le contexte de motivations sectaires au cours de la période passée, seront poursuivies par le nouveau commandant de la Force al-Quds du CGRI, Ismail Kaani.

    [Bünyamin Tangüner est doctorant en relations internationales à l’Université de Téhéran]

    [1] L’Armée des Gardiens de la Révolution est l’armée créée après la révolution iranienne en 1979 par ordre personnel de Khomeiny, avec pour mission d’être, avant tout, les « protecteurs de la révolution islamique ». Elle est indépendante de l’armée, et dépend directement du « Guide de la révolution islamique ».

    [2] L’Armée de la Force de Jérusalem est l’un des quatre éléments fondamentaux de l’Armée des gardiens de la révolution, mais le domaine de service de cette armée est défini comme les activités en dehors des frontières du pays. L’Armée des forces de Jérusalem, dont le premier domaine d’activité est désigné comme le Liban et la Bosnie-Herzégovine, est actuellement active au Liban, en Syrie, en Iraq, au Yémen, en Afghanistan et à Gaza. Qassem Soleimani a été nommé commandant de l’armée des forces de Jérusalem en 1997 par l’ayatollah Ali Khamenei, le guide révolutionnaire.

    [3] Son vrai nom, Jamal Jafar Muhammad Ali Ibrahimi, est à l’origine un ingénieur irakien et entretient des relations étroites avec les dirigeants iraniens, notamment Qassem Soleimani. Bien qu’il soit connu comme le vice-président de l’organisation Hachd Al-Chaabi, il serait, sur le plan opérationnel, le stratège et le chef de facto de ladite organisation.

    [4] Ces opérations, très importantes pour le déroulement de la guerre Iran-Irak, ont été menées par la 41ème division de Sarallah sous le commandement de Qassem Soleimani. Qassem Soleimani a été nommé commandant de la 41e division de Sarallah par Muhsin Rezayi, commandant des Gardiens de la révolution de l’époque et candidat à la présidentielle les années suivantes.

    Anadolou

    Tags : Iran, Moyen Orient, Etats-Unis, Arabie Saoudite, Liban, Israël, Palestine,

  • Le problème de l’Afrique c’est la France

    Sortir du brouillard sahélien

    Le 4 décembre dernier, lors du sommet de l’OTAN, Emmanuel Macron avait convoqué de manière très peu diplomatique ses homologues du G5 Sahel en les appelant à clarifier leurs positions sur la présence de la force Barkhane dans la Bande sahélo-saharienne, une présence fortement décriée par leurs opinions publiques. Après un report, des remous, des tensions et des conciliabules, le sommet aura donc bien lieu le 13 janvier à Pau, les cinq chefs d’Etat ayant fini par accepter de s’y rendre. Ironie de l’histoire, si au départ, dans l’esprit du président français, cette réunion devait obliger les présidents du G5 Sahel à apporter des « réponses claires et assumées » sur la présence de Barkhane, finalement, ce sera à la France de se livrer à un nécessaire exercice de clarification pour sortir de sa confusion stratégique (1). Toutes les parties devront également jouer cartes sur table pour essayer, autant que faire se peut, de sortir le Sahel de la zone rouge dans laquelle il se trouve.

    Financement du terrorisme

    Le financement du terrorisme est bien évidemment la première question qui doit être mise sur le tapis de Pau, si celle-ci n’est pas traitée, toutes les autres seront nulles et non avenues. En novembre dernier, le ministre nigérien de la Défense, Issoufou Katembé a déclaré : « Nous savons d’où viennent les financements des groupes terroristes. Il faut que les Etats qui sont derrière ces financements arrêtent » (2). Cette injonction à cesser d’alimenter les djihadistes de la zone n’a pas porté ses fruits, bien au contraire. Selon des informations obtenues par l’IVERIS, un émir d’AQMI basé dans la zone ouest du Mali, qui vient de quitter son organisation pour intégrer l’Etat Islamique dans le Grand Sahara (EIGS), recrute actuellement à tour de bras, en distribuant des sommes conséquentes, 500 000 CFA et une Kalachnikov à toute personne qui rejoint ses rangs. A tel point que cette organisation est en train de supplanter AQMI et s’installe durablement dans la zone dite des trois frontières, où la présence de djihadistes étrangers est de plus en plus visible. A terme, l’instauration d’un califat dans cette région est à redouter, même si pour des raisons tactiques il n’est pas proclamé officiellement.

    Cette augmentation de la capacité de nuisance des groupes armés terroristes n’est possible que grâce aux moyens conséquents dont ils disposent. Or comment gagner une guerre lorsque des Etats, qui, au passage sont vos alliés, sponsorisent vos ennemis ? Cette question concerne la France mais également tous les pays du G5 Sahel qui acceptent des fonds de la part de pays qui, dans le même temps, alimentent les responsables des drames quotidiens que subissent les populations et causent des pertes considérables dans les rangs des armées nationales (3).

    En outre, un des plus grands dangers qui guette le Sahel actuellement est la mise en place d’une économie de guerre, avec en prime le narcotrafic, qui profite aux terroristes comme à certaines élites de ces Etats ; ce qui, compte tenu des dividendes engrangés, pourrait « éterniser » le conflit.

    Clarification française

    L’opération Takouba

    Pour sortir de sa solitude sahélienne, la France a tenté de sonner le rappel des troupes en Europe en créant une nouvelle force militaire, une unité de forces spéciales, baptisée Takouba, qui aurait dû être opérationnelle ce mois. Problème, peu d’Européens se sont montrés enthousiastes. Les Allemands ont refusé, la Belgique a accepté de dépêcher trois militaires, les Estoniens enverront, eux, une quinzaine de membres de leur force spéciale, mais pas avant le deuxième trimestre 2020. Reste la République tchèque qui se propose de déployer soixante hommes prochainement…

    Que va faire la France ? Renoncer à cette mauvaise idée d’un empilement de forces, (il en existe déjà six, Takouba serait la septième) ? Revoir sa politique d’un tout sécuritaire qui a montré ses limites puisque les résultats ne sont pas au rendez-vous et que les groupes terroristes ne cessent de prendre de l’ampleur, tant par le nombre de combattants que par les attaques de plus en plus sophistiquées et meurtrières ? Va-t-elle enfin se doter d’une vision stratégique et politique de long terme au lieu de réagir au coup par coup, en créant à chaque fois de nouveaux mécanismes inutiles, comme Takouba ou le P3S ?

    Désengagement des Etats-Unis dans le Sahel ?

    Fin décembre, le New York Times a annoncé une réduction importante des troupes américaines en Afrique, notamment dans le Sahel. Le Pentagone aurait demandé à l’Africom de proposer un plan de retrait des troupes au cours du mois de janvier. Cette information a été reprise par de nombreux médias et considérée comme un fait déjà établi. Mais, compte tenu du grand désordre qui règne à Washington et des divergences de vues entre la Maison Blanche, le Pentagone, le Département d’Etat et la CIA, rien n’est moins sûr. A cette heure, aucun signe de désengagement n’est visible sur le terrain. Par ailleurs, ce retrait paraît assez peu envisageable, d’une part pour des raisons géopolitiques, les USA laisseraient un espace vacant qui pourrait être avantageusement occupé par la Chine et/ou la Russie ; d’autre part, à cause des investissements déjà réalisés, notamment avec la création de la base de drone d’Agadez qui devrait être inaugurée avant la fin du mois de janvier.

    Cependant, si Donald Trump décidait réellement de se désengager du Sahel, au moins pendant le temps de sa campagne pour rassurer ses électeurs auxquels il avait promis de ramener les « boys » à la maison, que pourrait faire Barkhane, rester ou partir ? Faute de moyens et de volonté politique l’armée française n’est plus autonome pour ses opérations extérieures, au Sahel comme au Moyen-Orient, elle dépend du Pentagone en termes de logistique, de renseignement et de surveillance. Cette annonce est tombée à point nommé pour faire plier Paris, après les velléités d’Emmanuel Macron lors du sommet de l’OTAN. Ceci explique, peut-être, pourquoi le Président français a rappelé sa solidarité sans faille avec Washington après l’assassinat du Général iranien Qassem Soleimani en Irak.

    En attendant de se désengager ou pas, les Etats-Unis s’apprêtent à nommer un émissaire pour le Sahel. Le profil de cet envoyé spécial pourrait rassurer, ou pas, la France sur la stratégie des USA dans la zone.

    Stratégie régionale

    Si désormais les Européens affichent une unité de façade pour dénoncer l’arrivée des forces militaires turques en Libye et les multiples ingérences extérieures, alors qu’ils y interviennent beaucoup eux-mêmes, ils n’en restent pas moins profondément divisés et se contentent de déclarations d’intentions inefficaces. Par ailleurs, il est intéressant de noter que les Européens n’ont même pas pris la peine de mentionner que le prochain débarquement de forces turques en Libye a été précédé de combattants affiliés à l’Armée syrienne libre (ASL) en provenance d’Idlib, faisant ainsi craindre une invasion du Sahel par des djihadistes de Syrie, dont Recep Tayyip Erdogan ne sait plus quoi faire.

    Sur ce dossier encore, la France doit clarifier sa position. Selon Kader Abderrahim : « Si officiellement, la France soutient le gouvernement Sarraj, reconnu par la communauté internationale, dans les faits, elle soutient le général Haftar. » En outre, ce chercheur à l’IRIS, spécialiste du monde arabe et de l’islamisme, note « la France devrait s’employer à faire respecter le droit international et appliquer un contrôle strict de l’embargo sur les armes, cela limiterait les combats. » (4) Il ajoute : « Depuis un siècle, toutes les résonnances violentes sont venues du Proche Orient, le Maghreb est resté assez stable. C’est la première fois qu’il y a un étau qui se resserre dans tout le monde arabe avec l’Iran à l’Est et la Libye à l’Ouest et qui pourrait provoquer l’instabilité dans toute la Méditerranée. » Autant dire que la situation libyenne est grave et qu’elle pourrait embraser encore un peu plus le Sahel, car ces deux crises sont interdépendantes.

    L’Afrique aux Africains…

    Si la France doit clarifier ses positions vis-à-vis des pays du Sahel, c’est à l’Afrique elle-même de donner ses orientations. Jusqu’à présent, en guise d’unité africaine, ont coexisté plusieurs clubs de dirigeants s’auto-congratulant et demandant aux pays des autres continents des fonds et des armes. Mais les visées de la Turquie sur la Libye changent la donne, et il faut espérer que cela provoquera une réaction commune et forte de tous les pays africains. L’Union Africaine pourrait saisir l’occasion, le moment est opportun. C’est à cette organisation d’envoyer un émissaire auprès du président Erdogan pour lui dire de s’occuper de son pays et de ne pas changer de continent. C’est encore à elle de taper du poing sur la table des Etats qui remplissent les caisses des djihadistes…

    Finalement, cette réunion de Pau, tant décriée, pourrait s’avérer utile si les vrais sujets y étaient évoqués.

    Leslie Varenne

    (1)https://www.iveris.eu/list/notes/474-cote_divoire_sahel__deux_rendezvous_a_hauts_risques

    (2)https://www.agenceecofin.com/securite/2811-71576-nous-savons-d-o-viennent-les-financements-des-groupes-terroristes-ministre-de-la-defense-du-niger

    (3)Selon l’ONU en 3 mois entre octobre et décembre 2019, 193 militaires maliens sont morts au combat. https://www.elwatan.com/edition/international/sahel-lonu-alerte-sur-linsecurite-croissante-au-mali-06-01-2020

    (4)Le Conseil de Sécurité n’a pas réussi à faire voter une seule résolution pour faire respecter l’embargo sur les armes mis en place en 2011.

    La semaine prochaine aura lieu la conférence de Berlin à laquelle les Algériens, qui sont tout de même parmi les premiers impactés par la crise libyenne n’avaient pas été conviés. Les Allemands ont récupéré in extrémis leur faute majeure…

    source : IVERUS

    Tags : Afrique, France, françafrique, Barkhane, terrorisme, financement, ISIS, Sahel, G5,