La dernière session du Conseil de sécurité de l’ONU a donné lieu à un bras de fer entre certains pays africains et la France, alors que les autres grandes puissances se réfugient dans une neutralité qui n’aide en rien à la résolution du conflit.
Le Conseil de sécurité a décidé, vendredi dernier, de proroger jusqu’au 30 avril 2011 le mandat de la Mission des Nations unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental (MINURSO). Dans un communiqué, il réaffirme, par là même que les accords militaires de cessez-le-feu conclus avec la Mission doivent être pleinement respectés. Le Conseil de sécurité a exhorté, également, les parties à y adhérer pleinement.
En adoptant à l’unanimité de ses 15 membres la résolution 1920, parrainée par l’Espagne, ainsi que par les 5 membres permanents, le Conseil demande surtout aux parties de poursuivre les négociations sous les auspices du Secrétaire général, «sans conditions préalables et de bonne foi», en tenant compte «des efforts faits depuis 2006 et des faits nouveaux survenus depuis», en vue de parvenir à «une solution politique juste, durable et mutuellement acceptable qui pourvoit à l’autodétermination du peuple du Sahara occidental».
Toujours selon son communiqué, le Conseil de sécurité «se félicite de ce que les parties se soient engagées à continuer à tenir des pourparlers informels restreints dans la perspective d’une cinquième série de négociations», en allusion aux rounds de Manhasset qui n’avancent pourtant pas d’un iota. Enfin, le Conseil de sécurité de l’ONU rappelle qu’il fait sienne la recommandation formulée dans le rapport du Secrétaire général selon laquelle «il est indispensable que les parties fassent preuve de réalisme et d’un esprit de compromis pour aller de l’avant dans les négociations».
Bien que ces résolutions aient été adoptées à l’unanimité, il faut dire que les interventions de chacun des 15 membres, hormis la Chine qui, malgré son poids, n’a pas l’air de trop vouloir s’immiscer dans le dossier, ont exprimé des positions divergentes.
Il y a d’abord ceux qui manipulent le dossier avec prudence, comme les Etats-Unis. La américaine a rappelé que toutes les parties prenantes devraient réaffirmer leur volonté politique pour parvenir à un accord. Elle a également souhaité que les visites familiales puissent reprendre dès que possible. Préoccupée elle aussi par les allégations de violations de droits de l’homme, elle a rappelé que la présence de la MINURSO était plus que jamais indispensable. Son collègue de l’Autriche a souligné que la recherche du consensus avait constitué un processus laborieux. Il a indiqué qu’il aurait préféré que l’on appuie de façon plus explicite l’appel du Secrétaire général en faveur d’un dialogue avec la Haut-Commissaire aux droits de l’homme. Il a insisté sur la dimension humaine du conflit et a invité les parties à renouer le dialogue, sans condition préalable.
Cette insistance sur les droits de l’homme est, cependant, moins perceptible chez le représentant de la Russie et du Royaume-Uni qui s’est limité à des généralités. Il a été rejoint sur ce point par son homologue russe, qui a estimé que cette résolution était «équilibrée» et même si elle déniait à la MINURSO de garder un œil sur la question des droits de l’homme, Londres et Moscou estiment que ce qu’a con senti l’ONU est déjà largement à même de contribuer à trouver une solution pacifique et durable.
Le représentant britannique a cependant souhaité que le Secrétaire général établisse, dans son prochain rapport, des critères pour mesurer le succès de la MINURSO dans l’accomplissement de son mandat. En exigeant un bilan, Londres est-elle déjà pressée d’enterrer la MINURSO et lui voit-elle déjà un substitut ?
De son côté, le représentant de la France semble aussi s’impatienter des frais indus par la MINURSO en constant que son budget «avait fortement augmenté depuis deux ans» et en souhait que «le Conseil de sécurité soit en mesure d’assurer un meilleur suivi financier de l’ensemble des opérations de maintien de la paix».
Allant plus loin et clairement, le représentant de la France a indiqué que le statu quo n’est pas acceptable à long terme, avant de défendre ouvertement la proposition d’autonomie, avancée par le Maroc en 2007. Les mots sont lâchés et c’est en toute logique que l’ambassadeur du Maroc à l’ONU a lu dans l’adoption de cette résolution.
Face à cette position, les représentants de l’Afrique restent sur la ligne traditionnelle de l’organisation africaine, aujourd’hui dénommé UA. Le représentant de l’Ouganda a rappelé que le Sahara occidental était un membre à part entière de l’Union africaine depuis 1982. «C’est le seul pays du continent qui attend toujours un processus de décolonisation», a-t-il dit. Après avoir réitéré le mandat de la MINURSO, qui est d’organiser un référendum sur l’indépendance du peuple sahraoui, le représentant s’est élevé contre toute tentative de s’écarter de ce «principe directeur».
Une forte opposition
Préoccupé par les allégations de violations des droits de l’homme au Sahara occidental, il a, comme le recommandait le Secrétaire général dans son rapport, demandé à ce que les lacunes qui existent dans les mécanismes de surveillance pertinents soient comblées. Ce sera une mesure de confiance qui contribuera à faire progresser le règlement pacifique de la situation au Sahara occidental. Son homologue du Nigéria a regretté que seul un nombre restreint de membres du Conseil de sécurité aient participé aux consultations sur le projet de résolution. Sa délégation, a-t-il ajouté, est préoccupée par l’absence de référence à la résolution 690 dans le texte adopté. Le représentant s’est attardé sur la réticence apparente du Conseil de sécurité à faire montre de cohérence s’agissant du Sahara occidental. Il a également fait état d’une tentative à vouloir minimiser les abus en matière de droits de l’homme, soulignant que le minimum que le Conseil de sécurité puisse faire serait de promouvoir le respect de ces droits de l’homme en toutes circonstances. Les pays africains sont soutenus par d’autres pays en développement. Le représentant du Mexique a déclaré que sa délégation aurait préféré un texte «plus équilibré», «plus direct», abordant toutes les questions, dont celles du principe d’autodétermination et du respect des droits de l’homme, qui constituent l’«épine dorsale» de la situation au Sahara occidental. De même, a-t-il estimé, le traitement de la question au Sahara occidental ne doit pas être l’apanage d’un groupe de pays.
Mais il n’y a pas que les pays africains. Ahmed Bujari, le représentant du Front Polisario à l’ONU, a au contraire dénoncé «l’échec du Conseil de sécurité à défendre et protéger les droits de l’homme au Sahara occidental». Une question que le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon semble traiter avec mollesse, de l’avis des Sahraouis. Pour contenter les voix qui dénoncent, Ban Ki-moon a exprimé sa préoccupation sur la question. Sans plus.
Mais la réaction des Sahraouis concerne aussi l’attitude de la France. Le Premier ministre sahraoui, Abdelkader Taleb Omar, a en effet déploré, selon l’agence de presse sahraouie, SPS, «le blocage du gouvernement français sur la mise en place d’un mécanisme de contrôle et de surveillance des droits de l’homme au Sahara occidental».
Rappelant que «la France est traditionnellement connue pour sa sensibilité sur la question des droits de l’homme et les valeurs de la liberté», le Premier ministre sahraoui a souligné aussi que «14 pays au sein du Conseil de sécurité de l’Onu sont favorables ou ne s’opposent pas à cette revendication, à l’exception de la France».
Fidèle à sa ses positions de principe, la diplomatie algérienne, dans une déclaration de son porte-parole, a accueilli avec un intérêt renouvelé l’adoption par le Conseil de Sécurité de la résolution 1920 relative à la question du Sahara occidental.
L’Algérie dit saluer «la constance du Conseil de Sécurité dans ses efforts de trouver une solution juste et définitive de la question du Sahara occidental à travers l’exercice par le peuple de ce territoire de son droit à l’autodétermination sur la base des principes et objectifs de la Charte des Nations-unies et des résolutions pertinentes du Conseil de Sécurité et de l’Assemblée générale de l’ONU».
L’Algérie, en tant que pays voisin, qui attache un intérêt fondamental au principe du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, a réitéré son soutien au SG de l’ONU et à son Envoyé personnel, les rassurante de sa coopération dans leurs efforts pour le succès des négociations entre les deux parties au conflit, c’est-à-dire le Maroc et le Front Polisario.
Mais si Alger encourage les deux parties à poursuivre les négociations, de bonne foi et sans conditions préalables, sur la base de leurs propositions respectives, il ne rate pasmoins l’occasion pour rappeler les obligations des Nations-unies et de ses institutions, notamment le Haut commissariat aux Droits de l’Homme, pour «le respect, la garantie et la protection des droits de l’homme au Sahara occidental».
Nabil Benali
Les Débats
Le Conseil de sécurité a décidé, vendredi dernier, de proroger jusqu’au 30 avril 2011 le mandat de la Mission des Nations unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental (MINURSO). Dans un communiqué, il réaffirme, par là même que les accords militaires de cessez-le-feu conclus avec la Mission doivent être pleinement respectés. Le Conseil de sécurité a exhorté, également, les parties à y adhérer pleinement.
En adoptant à l’unanimité de ses 15 membres la résolution 1920, parrainée par l’Espagne, ainsi que par les 5 membres permanents, le Conseil demande surtout aux parties de poursuivre les négociations sous les auspices du Secrétaire général, «sans conditions préalables et de bonne foi», en tenant compte «des efforts faits depuis 2006 et des faits nouveaux survenus depuis», en vue de parvenir à «une solution politique juste, durable et mutuellement acceptable qui pourvoit à l’autodétermination du peuple du Sahara occidental».
Toujours selon son communiqué, le Conseil de sécurité «se félicite de ce que les parties se soient engagées à continuer à tenir des pourparlers informels restreints dans la perspective d’une cinquième série de négociations», en allusion aux rounds de Manhasset qui n’avancent pourtant pas d’un iota. Enfin, le Conseil de sécurité de l’ONU rappelle qu’il fait sienne la recommandation formulée dans le rapport du Secrétaire général selon laquelle «il est indispensable que les parties fassent preuve de réalisme et d’un esprit de compromis pour aller de l’avant dans les négociations».
Bien que ces résolutions aient été adoptées à l’unanimité, il faut dire que les interventions de chacun des 15 membres, hormis la Chine qui, malgré son poids, n’a pas l’air de trop vouloir s’immiscer dans le dossier, ont exprimé des positions divergentes.
Il y a d’abord ceux qui manipulent le dossier avec prudence, comme les Etats-Unis. La américaine a rappelé que toutes les parties prenantes devraient réaffirmer leur volonté politique pour parvenir à un accord. Elle a également souhaité que les visites familiales puissent reprendre dès que possible. Préoccupée elle aussi par les allégations de violations de droits de l’homme, elle a rappelé que la présence de la MINURSO était plus que jamais indispensable. Son collègue de l’Autriche a souligné que la recherche du consensus avait constitué un processus laborieux. Il a indiqué qu’il aurait préféré que l’on appuie de façon plus explicite l’appel du Secrétaire général en faveur d’un dialogue avec la Haut-Commissaire aux droits de l’homme. Il a insisté sur la dimension humaine du conflit et a invité les parties à renouer le dialogue, sans condition préalable.
Cette insistance sur les droits de l’homme est, cependant, moins perceptible chez le représentant de la Russie et du Royaume-Uni qui s’est limité à des généralités. Il a été rejoint sur ce point par son homologue russe, qui a estimé que cette résolution était «équilibrée» et même si elle déniait à la MINURSO de garder un œil sur la question des droits de l’homme, Londres et Moscou estiment que ce qu’a con senti l’ONU est déjà largement à même de contribuer à trouver une solution pacifique et durable.
Le représentant britannique a cependant souhaité que le Secrétaire général établisse, dans son prochain rapport, des critères pour mesurer le succès de la MINURSO dans l’accomplissement de son mandat. En exigeant un bilan, Londres est-elle déjà pressée d’enterrer la MINURSO et lui voit-elle déjà un substitut ?
De son côté, le représentant de la France semble aussi s’impatienter des frais indus par la MINURSO en constant que son budget «avait fortement augmenté depuis deux ans» et en souhait que «le Conseil de sécurité soit en mesure d’assurer un meilleur suivi financier de l’ensemble des opérations de maintien de la paix».
Allant plus loin et clairement, le représentant de la France a indiqué que le statu quo n’est pas acceptable à long terme, avant de défendre ouvertement la proposition d’autonomie, avancée par le Maroc en 2007. Les mots sont lâchés et c’est en toute logique que l’ambassadeur du Maroc à l’ONU a lu dans l’adoption de cette résolution.
Face à cette position, les représentants de l’Afrique restent sur la ligne traditionnelle de l’organisation africaine, aujourd’hui dénommé UA. Le représentant de l’Ouganda a rappelé que le Sahara occidental était un membre à part entière de l’Union africaine depuis 1982. «C’est le seul pays du continent qui attend toujours un processus de décolonisation», a-t-il dit. Après avoir réitéré le mandat de la MINURSO, qui est d’organiser un référendum sur l’indépendance du peuple sahraoui, le représentant s’est élevé contre toute tentative de s’écarter de ce «principe directeur».
Une forte opposition
Préoccupé par les allégations de violations des droits de l’homme au Sahara occidental, il a, comme le recommandait le Secrétaire général dans son rapport, demandé à ce que les lacunes qui existent dans les mécanismes de surveillance pertinents soient comblées. Ce sera une mesure de confiance qui contribuera à faire progresser le règlement pacifique de la situation au Sahara occidental. Son homologue du Nigéria a regretté que seul un nombre restreint de membres du Conseil de sécurité aient participé aux consultations sur le projet de résolution. Sa délégation, a-t-il ajouté, est préoccupée par l’absence de référence à la résolution 690 dans le texte adopté. Le représentant s’est attardé sur la réticence apparente du Conseil de sécurité à faire montre de cohérence s’agissant du Sahara occidental. Il a également fait état d’une tentative à vouloir minimiser les abus en matière de droits de l’homme, soulignant que le minimum que le Conseil de sécurité puisse faire serait de promouvoir le respect de ces droits de l’homme en toutes circonstances. Les pays africains sont soutenus par d’autres pays en développement. Le représentant du Mexique a déclaré que sa délégation aurait préféré un texte «plus équilibré», «plus direct», abordant toutes les questions, dont celles du principe d’autodétermination et du respect des droits de l’homme, qui constituent l’«épine dorsale» de la situation au Sahara occidental. De même, a-t-il estimé, le traitement de la question au Sahara occidental ne doit pas être l’apanage d’un groupe de pays.
Mais il n’y a pas que les pays africains. Ahmed Bujari, le représentant du Front Polisario à l’ONU, a au contraire dénoncé «l’échec du Conseil de sécurité à défendre et protéger les droits de l’homme au Sahara occidental». Une question que le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon semble traiter avec mollesse, de l’avis des Sahraouis. Pour contenter les voix qui dénoncent, Ban Ki-moon a exprimé sa préoccupation sur la question. Sans plus.
Mais la réaction des Sahraouis concerne aussi l’attitude de la France. Le Premier ministre sahraoui, Abdelkader Taleb Omar, a en effet déploré, selon l’agence de presse sahraouie, SPS, «le blocage du gouvernement français sur la mise en place d’un mécanisme de contrôle et de surveillance des droits de l’homme au Sahara occidental».
Rappelant que «la France est traditionnellement connue pour sa sensibilité sur la question des droits de l’homme et les valeurs de la liberté», le Premier ministre sahraoui a souligné aussi que «14 pays au sein du Conseil de sécurité de l’Onu sont favorables ou ne s’opposent pas à cette revendication, à l’exception de la France».
Fidèle à sa ses positions de principe, la diplomatie algérienne, dans une déclaration de son porte-parole, a accueilli avec un intérêt renouvelé l’adoption par le Conseil de Sécurité de la résolution 1920 relative à la question du Sahara occidental.
L’Algérie dit saluer «la constance du Conseil de Sécurité dans ses efforts de trouver une solution juste et définitive de la question du Sahara occidental à travers l’exercice par le peuple de ce territoire de son droit à l’autodétermination sur la base des principes et objectifs de la Charte des Nations-unies et des résolutions pertinentes du Conseil de Sécurité et de l’Assemblée générale de l’ONU».
L’Algérie, en tant que pays voisin, qui attache un intérêt fondamental au principe du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, a réitéré son soutien au SG de l’ONU et à son Envoyé personnel, les rassurante de sa coopération dans leurs efforts pour le succès des négociations entre les deux parties au conflit, c’est-à-dire le Maroc et le Front Polisario.
Mais si Alger encourage les deux parties à poursuivre les négociations, de bonne foi et sans conditions préalables, sur la base de leurs propositions respectives, il ne rate pasmoins l’occasion pour rappeler les obligations des Nations-unies et de ses institutions, notamment le Haut commissariat aux Droits de l’Homme, pour «le respect, la garantie et la protection des droits de l’homme au Sahara occidental».
Nabil Benali
Les Débats