Catégorie : presse

  • Julian Assange est sorti de l’isolement à la prison de Belmarsh

    Australian Associated Press (AAP)

    Traduit par Le Grand Soir

    Le fondateur de Wikileaks, Julian Assange, a été sorti de l’isolement dans la prison britannique de haute sécurité de Belmarsh après une série de pétitions de son équipe juridique et de ses codétenus, indique son organisation.

    L’Australien est détenu presque au secret avec de sévères restrictions à l’accès de visiteurs dans la prison de Belmarsh près de Londres depuis avril, alors qu’il attend son procès d’extradition vaers les USA qui doit commencer le 24 février.

    L’ambassadeur de Wikileaks, Joseph Farrell, affirme que l’Australien de 48 ans a été transféré vendredi de l’aile médicale où il était à l’isolement à une autre aile avec 40 autres détenus.

    Il affirme que cette avancée a eu lieu après que son équipe juridique et trois pétitions distinctes de détenus au gouverneur de la prison ont déclaré que son traitement était injuste et inéquitable.

    Après des réunions entre les autorités de la prison, l’équipe juridique d’Assange et les détenus, il a été transféré.

    « Ce transfert est une énorme victoire pour l’équipe juridique d’Assange et pour les militants qui insistent depuis des semaines pour que les autorités de la prison mettent fin au traitement punitif d’Assange », a déclaré M. Farrell à l’AAP.

    Assange doit être jugé le mois prochain pour déterminer s’il doit être extradé vers les USA, où il est accusé de 17 chefs d’accusation d’espionnage et d’un chef d’accusation de complot pour intrusion informatique.

    Les accusations portent sur des allégations selon lesquelles Assange aurait tenté d’aider l’ancienne analyste du renseignement de l’armée des USA Chelsea Manning à protéger son identité numérique alors qu’elle accédait à des fichiers classifiés du Pentagone sur les guerres d’Irak et d’Afghanistan.

    WikiLeaks a contribué à la publication de milliers de ces fichiers, dont certains ont révélé des crimes de guerre usaméricains dans les deux pays. Son cas est largement considéré comme un test décisif pour la protection des sources des journalistes.

    M. Farrell a déclaré que le transfert d’Assange hors de l’isolement après neuf mois est une petite victoire étant donné qu’il n’a toujours pas accès à ses avocats.

    Lors d’une récente audience de gestion de l’affaire, l’avocate Gareth Pierce a déclaré que l’équipe de défense n’avait eu droit qu’à trois heures avec Assange pour discuter de l’affaire.

    « Il se voit toujours refuser un accès adéquat à ses avocats, comme l’a reconnu le juge lors d’une audience de gestion de l’affaire au tribunal de Westminster », a déclaré M. Farrell.

    « Et les militants continuent d’insister sur le fait qu’Assange ne devrait pas être en prison du tout, et encore moins dans la prison de haute sécurité de Belmarsh. »

    Tlaxcala, 6 fév 2020

    Tags : Julian Assange, Wikileaks, Royaume Uni, Etats-Unis, torture,

  • ANALYSE: Le cauchemar français en Afrique – I : Contexte historique

    – Aujourd’hui, le continent africain est divisé par les frontières coloniales, les langues coloniales, et l’idéologie coloniale. Notamment, les frontières d’aujourd’hui ont émergé en grande partie de la conférence de Berlin de 1884-1885.

    Ümit Dönmez | 06.02.2020

    AA – Istanbul

    Par Mustafa Efe

    Le passé colonial français, et les motivations économiques, religieuses, sociales et politiques aux procédés assimilationnistes et jacobins, ont façonné le passé du continent africain. Il sera donc utile de jeter un bref regard sur le passé colonial de la France, notamment en Afrique. Si cette période n’est pas prise en compte, on ne pourra pas évaluer la situation actuelle, à la lumière seule des actions françaises présentes.
    Avec le début de la période d’indépendance, les administrations étatiques africaines ont été transférées à des administrateurs qui étaient députés au parlement français pendant la période coloniale, ou à d’autres personnes travaillant pour l’administration coloniale, ou ayant été éduquées dans le pays colonisateur. Cela a assuré la poursuite du colonialisme français.

    – Historique du colonialisme français

    La domination française sur l’Afrique a une histoire qui remonte au 17ème siècle. La France a planté les graines du mouvement d’occupation et d’exploitation sur le continent en 1624 en établissant des centres commerciaux au Sénégal. Avec la création de la Compagnie française des Indes orientales en 1664, le colonialisme est devenu plus systématique. L’Empire colonial français, qui s’étendait sur une superficie de 3,5 millions de kilomètres carrés dans les années 1670, atteignait 11,5 millions de kilomètres carrés dans les années 1920.

    Malgré le fait que le roi de France, François Ier, qui avait été fait prisonnier par l’empereur Charles Quint du Saint-Empire romain germanique en 1525 lors de la bataille de Pavie avait appelé à l’aide de [l’empereur ottoman] Soliman le Législateur (ou Soliman le Magnifique), et malgré le fait que de bonnes relations aient été établies entre les deux nations, et que la France doive sa survie à l’Empire ottoman; la France, après s’être renforcée, s’est attaquée à l’Empire ottoman. En 1799, Napoléon a attaqué Acre pour prendre le contrôle de l’Égypte et de Damas, et a connu sa première défaite. Napoléon a dit: « Si je n’avais pas été arrêté à Acre, j’aurais pu conquérir tout l’Orient ». Cela montre que si l’État ottoman n’avait pas arrêté la France, de nombreux pays du monde islamique, et même du continent asiatique jusqu’à à l’Extrême-Orient, auraient pu devenir des colonies françaises, comme ce fut le cas en Afrique.

    Alors que l’État ottoman avait commencé à perdre de son pouvoir, la France a occupé l’Algérie en 1830. Cette invasion marque le début des invasions de la France en Afrique du Nord.

    Pendant la Première Guerre mondiale, 1 million de soldats africains ont combattu dans l’armée française.

    Pierre Savorgnan de Brazza, un citoyen français d’origine italienne, fondateur de la colonie française ouest-africaine moderne, était un explorateur de l’ère coloniale. Brazzaville, la capitale de la République du Congo, porte notamment son nom.

    Élargissant l’arrière-pays algérien avec le traité franco-britannique de 1890, la France l’a transformé en une région où se rejoignent la région du bassin du Lac Tchad et le territoire français-africain. Avec la note du 30 octobre 1890, l’État ottoman a tracé les limites du Sahara turc. La Libye, qui est à l’ordre du jour actuellement, était en fait au centre de la lutte franco-ottomane à cette époque. Selon la note turque du 30 octobre 1890, l’arrière-pays libyen ottoman incluait la Libye, le Soudan, l’Égypte, le Tchad, l’ouest de l’Éthiopie, le Soudan du Sud, la région centrafricaine, le nord du Cameroun, le nord et à l’est du Nigéria et une région constituée du Niger pour sa moitié. L’État ottoman, en réaction aux attitudes agressives de la France, a fait état de ses droits au nord du Congo et à l’est du Niger en 1885. La note remise à la France le 12 mars 1902 confirme cette situation. Malgré toutes les luttes que l’Ottoman a menées, il n’a pas pu empêcher les activités coloniales de la France sur le continent africain.

    Pendant la traite transatlantique des esclaves, environ 5 300 000 Africains ont été réduits en esclaves en Sénégambie, en Afrique occidentale et centrale, et emmenés dans les Caraïbes, en Haïti, c’est-à-dire dans les colonies françaises du nouveau monde, dans des navires français. Les puissances coloniales ont convenu de ne pas se battre entre elles. De plus, elles ont collaboré pour qu’une possession perdue par une puissance coloniale puisse être récupérée par une autre puissance coloniale. Elles ont, par exemple, forcé les pays qu’ils avaient exploités afin de les faire enseigner en anglais dans les anciennes colonies françaises et en français dans les anciennes colonies anglaises. Cette situation perdure aujourd’hui. Par exemple, quelle langue le Rwanda remplace-t-il en prenant des mesures pour se débarrasser du français? L’anglais, qui est aussi une langue coloniale …

    – Colonialisme français et génocides en Afrique

    Les Français ont exploité une grande partie de l’Afrique de l’Ouest et centrale pendant des siècles. La France a établi des formes d’administration directes pendant la période coloniale et a suivi des politiques d’assimilation en essayant d’établir son propre système de culture et de valeurs. Elle a structuré les colonies d’Afrique de l’Ouest en « Afrique occidentale française (AOF) » et celles d’Afrique centrale en « Afrique équatoriale française (AEF) ». La France a poursuivi une stratégie visant à mettre en conflit les tribus pour gérer plus facilement leurs colonies en Afrique. De plus, pour briser la résistance des peuples, comme par exemple avec le drapeau du Congo français, la France a utilisé un drapeau similaire au drapeau ottoman, constitué d’un « croissant et une étoile ».

    Les élites africaines, qui ont grandi dans les anciennes colonies françaises, ont soutenu que le colonialisme était bon et que les colonies ne devaient pas être indépendantes. Le colonialisme avait pénétré jusqu’à dans l’âme des Africains et un « EuroAfricisme » avait émergé, qui s’opposait à l’indépendance. Ce concept a été introduit en 1927 par un Français du nom de Guernier, auteur du livre « L’Afrique, champ d’expansion de l’Europe », (publié en 1933, ndlr].

    Blaise Diagne, président du premier congrès panafricain en 1919 et député sénégalais à l’Assemblée nationale française, avait déclaré: « Nous, autochtones […] voulons rester français. Parce que la France nous a donné toutes sortes de libertés et nous a traités comme ses propres enfants sans aucune discrimination. Personne ne veut que l’Afrique française soit laissée aux seuls Africains, comme certains le souhaiteraient. L’élite française ne permettrait pas les théories révolutionnaires qui exigent la séparation et l’indépendance, ce qui contreviendrait au calme et à l’ordre, qui sont essentiels pour la sécurité de tous ».

    Léopold Sedar Senghor, qui était le [premier] président du Sénégal entre 1960 et 1980, a également soutenu que la voie la plus appropriée et souhaitée pour son pays était une union au sein de l’Empire français et que les problèmes de l’empire était également ceux des colonies. Parmi l’élite africaine certains siégeaient à l’Assemblée nationale française.

    Les membres d’une même tribu ont été séparés entre différents États avec des frontières artificielles établies par les États coloniaux. Cette situation a provoqué des conflits entre de nombreux pays africains après l’indépendance. Par conséquent, d’autres dirigeants, à l’exception d’Ahmed Sekou Touré, ont accepté une indépendance au sein de l’Union française, que Frantz Fanon (1925-1961) a qualifiée de « fausse indépendance ».

    Comme exigence du nouveau monde capitaliste fondé après la Seconde Guerre mondiale, la France n’a accepté que « l’indépendance sur papier » de ses colonies, et à certaines conditions . La Guinée a rejeté l’indépendance conditionnelle; d’autres pays africains ont accepté. Mais la France a sécurisé ses relations avec les pays africains et signé des « accords de coopération » contraignants notamment sur la monnaie coloniale française (franc africain), le système éducatif français, le cadre des relations militaires et commerciales. De plus, elle a obligé les nouveaux pays «indépendants» à payer les infrastructures construites par la France pendant la période coloniale. 14 pays africains, anciennes colonies françaises, paient des impôts coloniaux à la France depuis leur indépendance. Alors que la France a dû s’excuser pour les richesses qu’elle a pillées en Afrique, et malgré les millions qu’elle a asservis ou tués, le chaos social sans fin qu’elle a provoqué et les génocides qu’elle a causés, elle continue de percevoir des impôts pour ce qu’elle fait.

    La France a en effet joué un rôle dans de nombreux génocides sur le continent africain, et coopéré ou fourni des armes à des forces génocidaires. La France a tué des millions d’Algériens pendant la période d’exploitation et d’occupation en Algérie, qui a duré 132 ans depuis 1830, indirectement par déportation, directement par balle ou par le feu dans des fours à chaux. Plus d’un million de personnes ont été tuées entre 1945 et l’indépendance.

    Les unités militaires françaises qui ont participé aux «opérations d’aide humanitaire (!)», lors du génocide des Tutsis par des Hutus au Rwanda en 1994, ont directement soutenu ce génocide. En outre, la France a fourni des armes, des renseignements, une stratégie, un soutien à la formation militaire au génocide et a déterminé la « liste des personnes à tuer ». Les massacres ont fait près d’un million de morts.

    Le nombre de personnes tuées en Tunisie, au Sénégal, au Niger, en Mauritanie, au Cameroun, au Burkina Faso, au Gabon, en Guinée et au Bénin reste encore inconnu.

    La France, comme d’autres puissances coloniales, a visé les leaders et les universitaires qui dirigeaient la société. Elle a, par exemple, tué 400 érudits lors d’un symposium islamique en 1917 au Tchad.

    [Mustafa Efe est président du Centre africain d’études stratégiques (AFSAM)]

    Anadolou

    Tags : France, Afrique, françafrique, colonialisme, néo-colonialisme, spoliation, esclavage, pillage,

  • Human Rights Watch salue le rapatriement des enfants des terroristes de Daech par la Tunisie

    Pour l’organisation des droits de l’Homme cette démarche permettrait de protéger les enfants

    Meher Hajbı

    AA – Tunis

    Human Rights Watch a estimé, jeudi, que le rapatriement des six enfants des terroristes de Daech par la Tunisie constitue une démarche vers la protection des droits de ces enfants.

    Dans un communiqué rendu public jeudi, l’organisation a expliqué que les autorités tunisiennes devraient tout mettre en œuvre pour accélérer le retour de plus de 36 autres enfants toujours bloqués en Libye, ainsi que les 160 autres enfants qui seraient également détenus dans des camps et des prisons en Syrie et en Irak ».

    Pour Human Rights Watch, les femmes détenues avec leurs enfants, ainsi que les hommes soupçonnés d’appartenir à Daech, pourraient faire l’objet d’une enquête et être jugés dans le cadre des normes de procès équitable après leur retour.

    En effet, le 24 janvier, le président tunisien Kaïs Saïed a ordonné de suivre le dossier des enfants bloqués en Libye et de faciliter leur retour au pays après avoir reçu 6 orphelins récupérés de Libye.

    La Présidence de la République accorde au dossier du retour des enfants bloqués une importance particulière. Le président Saïed avait convenu, lors de sa rencontre avec le président du Conseil présidentiel du gouvernement libyen, Fayez al-Sarraj, d’assurer le retour rapide de ces enfants. (Anadolou)

    Tags : Tunisie, Daech, Daesh, ISIS, Etat Islamique, EI, terrorisme, Syrie,

  • Nomination du premier ministre Algérien : Est-ce une nouvelle Algérie qui s’amorce ?

    L’Algérie commence à retrouver les apparences de la normalité. Elle dispose d’un nouveau président qui à peine déclaré vainqueur, et malgré la détermination du hirak qui le juge illégitime, tend la main et promet monts et merveilles. Combien la détermination de la rue est vivace, celle de Tebboune semble plus coriace.

    Effectivement le mouvement protestataire se poursuit tout en prenant des formes différentes mais cette fois loin de toute confusion institutionnelle. La mise en avant permanente et ostensible d’un chef d’état-major qui relevait d’une anomalie, n’est plus d’actualité. Voici donc l’armée de retour dans ses casernes. Certains diraient, de retour dans les coulisses de son imperium. Peut importe. On sait pertinemment que l’armée ne déteste rien tant que d’être exposées. Elle a d’autres monts à escalader.

    En nommant M. Djerad, Tebbounne clarifie le visage du nouvel exécutif algérien. Technocrate et haut cadre d’état, il ne va surement pas piocher dans les moisissures des vielles caves à ministres ou le pouvoir algérien avait pris l’habitude de puiser pour pourvoir aux fonctions ministérielles.

    Ce qu’il faut retenir c’est que Djerad, en 2003 avait payé chère sa proximité avec Benflis. Victime d’un limogeage du poste de secrétaire général du ministre des affaires étrangères, il avait estimé à l’époque qu’il était absolument nécessaire que les serviteurs de l’État soient mis à l’abri de tout abus du pouvoir. Djerad qui heureusement n’a pas obtenu le pardon du clan entourant Abdelaziz Bouteflika, peut se considérer aujourd’hui très chanceux ! Son retrait du comité central du FLN après la nominalisation de Ould Abbes en 2016 va surement faire monter sa côte auprès des Algériens.

    Outre son parcours pas très favorables au clan des Boutefs, M. Djerad était assez ouvert en direction du Hirak. Il a approuvé ouvertement l’exigence des manifestants, celle du départ immédiat des figures du régime Bouteflika. Djerad, aura parfaitement compris aujourd’hui qu’il faut satisfaire les attentes populaires et que compter sur l’effet d’usure du mouvement de revendication d’une Algérie meilleurs, semble désormais illusoire.

    Le pouvoir est devant une conscience politique populaire qui s’exprime spontanément, les manipulations qui ne sont pas à exclure, seront toujours dépassées par l’ampleur des événements. L’appareil politique algérien, est assez rusé pour comprendre que dans le face-à-face avec le système, le peuple est en première ligne. Même si pour le moment, ce mouvement populaire n’a pas encore transformé sa masse sociale en force politique, et qu’il a encore du mal à dégager un leadership, un autre visage de l’Algérie se dessine diffèrent de celui habituellement offert par un pouvoir vicieux.

    Mayassa H-Khoudja

    Algérie Network, 28 déc 2020

    Tags : Algérie, Djerad, Tebbounne, Bouteflika,

  • L’Algérie, une puissance régionale de premier plan

    Un souvenir, un regret

    Il est bien difficile en France de traiter de l’Algérie de manière totalement extérieure et dépassionnée. La guerre d’Algérie, la violence de la rupture après cent trente ans de colonisation, les exactions, les départs forcés, la mémoire de la domination, l’impact du conflit sur la société française restent des blessures ouvertes. Il en est de même en Algérie, où le souvenir de la France est très vivace, obsédant, constamment ravivé par la présence au sein de l’ancienne puissance coloniale d’un nombre croissant d’Algériens ou de binationaux, par la continuité d’échanges multiples entre les deux sociétés. Les générations ont passé, la guerre d’Algérie est une mémoire vive et à beaucoup d’égards elle n’est pas terminée.

    Mémoire vive, mais aussi mémoire en partie refoulée et latente. Quels Français d’Algérie ou leurs descendants ne gardent pas la nostalgie de ce qui fut leur pays, dont ils furent chassés ? Quels sont ceux qui y ont vécu, même temporairement, qui ne conservent pas l’amitié de son peuple et l’admiration de ses paysages ? Quant aux Algériens, combien ne considèrent-ils pas la France comme un pays qui leur est proche, pour le pire et le meilleur ? Le pire, la conquête brutale, l’injustice de la discrimination, les massacres de la guerre de libération. Le meilleur, la langue et la culture dont elle est le véhicule, les valeurs mêmes que la colonisation a trahies, l’attraction exercée par ce qui reste un pays d’accueil pour nombre d’entre eux.

    Dans Le  Joli Mai, film témoignage de Chris  Marker tourné en  1962 1 , un jeune Algérien vivant en France, militant pour l’indépendance et inquiété pour son engagement, déclare : « La France est notre mère. C’est une mère sévère, mais c’est notre mère. » Qu’est-il devenu ? Peu d’Algériens, sans doute, accepteraient aujourd’hui cette position. Le ressentiment l’emporte, même si l’attirance reste forte. Sans doute faut-il distinguer entre État et société. L’État algérien tient la France en méfiance et en fait volontiers le bouc émissaire de difficultés internes. La société est plus ambiguë, et la fierté nationale, très forte, va souvent de pair avec un sentiment de familiarité à l’égard des Français. Au fond, même tendues, les relations francoalgériennes demeurent des relations de famille.

    Voici plus d’un demi-siècle que l’Algérie est indépendante. C’est beaucoup au regard d’une vie humaine, c’est peu au regard de l’histoire. Le Maghreb, l’Afrique, le monde ont beaucoup changé. D’environ neuf millions d’habitants en 1962, l’Algérie est par exemple passée à plus de quarante millions, plus que quadruplant sa population. Nombre de données se sont cependant imprimées durablement dès la naissance de l’État algérien. Il reste dominé par les traits qui ont marqué sa création. Problèmes de construction de l’État et de la nation, d’équipement et de développement, volonté d’indépendance, de répudiation totale du régime colonial, d’affirmation sur la scène internationale… En même temps, la brève histoire de l’Algérie a été mouvementée et cruelle, comme si la guerre originelle comportait récurrences ou menaces permanentes. Le pays est devenu une puissance régionale de premier plan, mais il est toujours sous pression

    Une puissance régionale de premier plan

    L’Algérie est le plus grand pays d’Afrique, le plus peuplé et le plus puissant des pays de l’ancien empire colonial français du continent, la seconde population arabe après l’Égypte, un verrou contre le terrorisme. Elle affirme fortement son identité arabo-islamique. Elle est animée par une permanente volonté d’indépendance diplomatique et stratégique. Chacun de ces éléments comporte ses défis et contraintes. Dans une région marquée par une instabilité croissante, le pays apparaît comme un pôle de stabilité, tout en restant sous une menace extérieure diffuse et difficile à maîtriser.

    Une position unique en Afrique

    Le gigantisme du territoire algérien, surtout par rapport à ses voisins immédiats du Maghreb, doit être mis en relation avec l’étroitesse de son espace fertile et peuplé, une large et profonde bande côtière au bord de la Méditerranée occidentale. Le Sahara est loin d’être sans ressources. Il est à l’inverse riche en hydrocarbures, mais son immensité, ses frontières ouvertes sur des voisins dont beaucoup sont fragiles et pour certains défaillants – Tunisie, Libye, Niger, Mali, Mauritanie, Maroc et la République arabe sahraouie démocratique (RASD) du Front Polisario, que l’Algérie seule reconnaît et soutient fermement – sont autant de défis sécuritaires pour le pays. Le Sahara est entre autres choses le chemin de multiples trafics criminels et de migrations incontrôlées en provenance de l’Afrique subsaharienne. En revanche, l’importance de la population algérienne dans son environnement régional, environnement qui plus est francophone pour l’essentiel, au moins pour les catégories dirigeantes, est un élément d’influence que le pays ne met peut-être pas suffisamment à profit.

    L’Algérie dispose aussi de la deuxième armée du continent, avec ses composantes terrestres, aériennes et maritimes. Son équipement s’alimente à des sources variées – Russie, Chine, pays européens – avec un grand souci de diversification et un effort de développement national d’une industrie de défense. Le lien entre politique de défense et politique étrangère servie par un réseau diplomatique de qualité est puissant, le souci de cohérence constant, ce qui est un signe parmi d’autres du poids de l’armée dans le pays. Aussi bien le partenariat avec l’Algérie est-il recherché, même s’il est incommode en raison d’un souverainisme sourcilleux, et toujours incertain du fait de l’opacité du pouvoir et de son goût pour les menées souterraines. Un souci, le Maroc, l’autre grande puissance du Maghreb, pays frère et rival dont les principes internes et internationaux lui sont opposés – une monarchie à fondement religieux, un enracinement occidental marqué. Mais surtout, considération géopolitique, affleure le désir algérien d’avoir un accès à l’Atlantique, dont la RASD serait l’instrument.

    Un verrou contre le terrorisme

    L’Algérie a un lien ancien avec le terrorisme, puisque le Front de libération nationale (FLN) y a largement recouru lors de la guerre d’indépendance, avant le terrorisme suicidaire de l’Organisation armée secrète (OAS) – un terrorisme qui a frappé les institutions publiques, les populations civiles sur place comme en métropole. Sans doute la stratégie du Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA) a été autant sinon plus politique et diplomatique que terroriste. Elle a en outre bénéficié d’un soutien croissant de la population musulmane, mais enfin, avant même que le terrorisme palestinien ne se réclame d’une cause légitime, le mouvement de libération algérien s’en est fait le parangon. Il a appelé des mesures coercitives rigoureuses de la part du colonisateur, sécuritairement efficaces, à ce point que le film La Bataille d’Alger, qui présente les méthodes contre-terroristes de l’armée française, est devenu quelques décennies plus tard comme un manuel d’instruction pour les armées occidentales, en Afghanistan et en Irak. Son analyse montrait ce qu’il convenait de faire et de ne pas faire.

    Avant cette rédemption douteuse, dans la décennie 1990, c’est l’Algérie elle-même, par un choc en retour, qui était frappée par un terrorisme islamique intérieur, celui du Groupe islamique armé (GIA). Il a été la préfiguration d’une expansion plus internationale au début du XXIe  siècle jusqu’à aujourd’hui, dont l’origine est davantage moyen-orientale et qui tend à se diffuser dans divers continents, dont l’Afrique. L’Algérie semble avoir éradiqué son terrorisme intérieur et permis la réconciliation au prix de certaines concessions, mais paie toujours le prix d’une arabisation trop rapidement et mal conduite. Elle a chassé du pays nombre d’intellectuels francophones, elle a permis l’influence au sein de la jeunesse de mouvements religieux radicaux qui ont fait le lit des groupes terroristes. Dans la lutte contre eux, l’armée a recouru aux mêmes méthodes que l’armée coloniale, aux mêmes exactions, aux mêmes brutalités, de façon plus souterraine et moins critiquée. La disparition de la menace intérieure n’a pas pour autant éliminé l’instabilité aux frontières et les dangers qui en résultent pour le pays.

    L’Algérie est en effet enserrée par des menaces terroristes, qu’elles proviennent de la Tunisie, de la Mauritanie, des pays du Sahel subsaharien, Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI), Daech qui s’implante en Libye. La circulation autour voire à l’intérieur des frontières, la prolifération dans ces espaces des armes de petit calibre liées à l’intervention récente en Libye, la faiblesse des États voisins, toutes ces données créent une tension permanente dans l’environnement immédiat du pays et même en son sein. Dans ces conditions l’Algérie, de par sa position géopolitique, de par sa politique sécuritaire et son poids militaire, apparaît comme un partenaire indispensable et précieux contre des mouvements nomades, fluides et fugitifs, qui frappent, détruisent, tuent, rançonnent et s’évanouissent avant de resurgir un peu plus loin. Les puissances occidentales qui interviennent au soutien des États affectés ont besoin du concours logistique de l’Algérie, des facilités qu’elle accorde, des appuis militaires discrets qu’elle donne. C’est le cas pour la France au Mali, tandis que les États-Unis participent à la surveillance au et du Sahara.

    Une volonté d’indépendance

    L’indépendance semble consubstantielle à l’Algérie depuis les conditions de sa naissance en tant qu’État. Elle s’est d’abord exercée à l’encontre de la France, dont les liens résiduels prévus par les accords d’Evian n’ont pas résisté longtemps après le départ massif des Européens. Elle a conduit à prendre rapidement la maîtrise du territoire par l’évacuation des dernières bases militaires françaises, puis des ressources en hydrocarbures avec la création de la Sonatrach en 1963 et la dénonciation en 1971 d’un accord bilatéral sur l’exploitation du pétrole. Cette conception sourcilleuse de l’indépendance diversifie les partenariats, mais rejette toute participation à une alliance militaire voire à une coalition organisée, dans l’esprit du non-alignement qui a été le maître mot des pays du tiers-monde dans la suite de la décolonisation. L’Algérie tirait alors son prestige d’une indépendance conquise et non octroyée, et apparaissait comme un phare politique et diplomatique en Afrique.

    Le rayonnement algérien s’est notamment exprimé avec la thématique du nouvel ordre économique international (NOEI) qui visait à compléter l’indépendance politique par un rééquilibrage des relations économiques au profit des pays récemment indépendants, en développement. Cette thématique a agité les débats de l’Assemblée générale de l’ONU et de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED, 1964). Droit au développement, droit du développement, inégalité compensatrice étaient des formules très en vogue. L’Algérie, avec notamment Mohammed Bedjaoui, éminent juriste 3 , a joué un rôle de premier plan dans la promotion du NOEI. Il a culminé en 1974, avec la Charte des droits et devoirs économiques des États, grande résolution déclaratoire de l’Assemblée générale. Auparavant, en 1962, elle avait reconnu la souveraineté permanente des États sur leurs ressources naturelles, ouvrant la voie à diverses nationalisations. Le droit du développement était appuyé par l’URSS et les démocraties populaires, auxquelles il ne coûtait rien.

    L’Algérie indépendante n’était pas pour autant d’obédience communiste, contrairement aux craintes réelles ou feintes de certains. Elle était avant tout nationaliste, et collectiviste sur le plan économique. Elle regardait en outre avec faveur du côté des États-Unis, qui avaient soutenu son indépendance. Cela ne la dirigeait nullement vers un rapprochement poussé et, suivant la formule du président Boumédiène, l’Algérie n’avait pas rejeté le petit colonialisme français pour tomber sous le grand impérialisme américain. Le non-alignement dont elle se réclamait gardait ses distances. Toute cette thématique, droit du développement et, il faut bien le dire, non-alignement, a sombré avec la chute du mur de Berlin. Économiquement, le collectivisme a échoué, le NOEI a été remplacé par l’économie de marché et la mondialisation. Politiquement, le modèle soviétique de gouvernement est apparu comme un immense désastre historique, et les pays qui s’en inspiraient ont dû chercher d’autres formules, même si certains d’entre eux ont été confrontés à l’affaiblissement voire à la défaillance de leur État.

    Tel n’a pas été le cas de l’Algérie, qui a surmonté de grandes vicissitudes internes sans changer ses principes d’indépendance. Ils la conduisent à une posture parfois revêche. Or l’acrimonie ne fait pas bon ménage avec la diplomatie. L’Algérie a dû renoncer à transformer les rapports internationaux, même si elle conserve une préférence pour le multilatéralisme. Mais elle est confrontée à une querelle avec le Maroc qui nuit à son influence en Afrique, et elle est peu favorable au régionalisme maghrébin en dépit des déclarations. De la même manière, elle refuse de participer à l’Organisation internationale de la Francophonie, alors qu’elle y trouverait un multiplicateur d’influence. Sur le plan sécuritaire, elle n’entend pas participer à des actions armées au Yémen ou en Irak et en Syrie, alors qu’elle lutte contre le terrorisme international. Droit des peuples et non-intervention demeurent des principes organisateurs. L’ouverture est plus sensible sur le plan économique que sur le plan politique. Et, sur le plan interne, l’Algérie est un pays sous pression.

    Un pays sous pression

    La première impression lorsque l’on considère la situation interne de l’Algérie est celle de la stabilité, en dépit de changements démographiques considérables et d’une vie politique toujours sous le coup de la violence. En y regardant de plus près, on est frappé par l’importance des défis intérieurs, politiques, économiques et sociétaux qui maintiennent le pays sous une pression permanente.

    L’apparence de la stabilité Cette stabilité n’est bien sûr que relative, elle doit être mise en regard des secousses qui ont ébranlé le pays depuis sa naissance : dès l’indépendance, accession au pouvoir par la force d’Ahmed Ben Bella, qui écarte le GPRA avec lequel avaient été conclus les accords d’Evian ; puis coup d’État de Houari Boumédiène qui renverse le régime précédent et occupe durablement le pouvoir ; puis des successions plus ou moins démocratiquement assurées jusqu’à l’interruption d’un processus électoral qui promettait d’installer des islamistes au gouvernement ; après de nouvelles péripéties dont des assassinats politiques, la présidence d’Abdelaziz  Bouteflika, qui entraîne une nouvelle période plus calme. L’Algérie parvient durant ce demi-siècle à surmonter une véritable guerre civile face à un terrorisme intérieur aux ramifications internationales. Mais la génération des moudjahidin, combattants de l’indépendance, demeure pour l’essentiel aux commandes, même si certains chefs historiques ont été progressivement éliminés par des luttes internes. S’y ajoute une administration solide, et le rôle de l’École nationale d’administration (ENA) locale permet d’associer compétence, ascension sociale et loyauté. L’État algérien est en profondeur un État solide, en dépit des fragilités inhérentes à ce type de régime, fondamentalement autoritaire.

    Comment le caractériser ? Deux types de comparaison se proposent. Le premier, contemporain, est le modèle poutinien, régime nationaliste dont le ressort est la frustration après la disparition de l’URSS et la volonté de réaffirmation nationale, appuyée par un fort soutien populaire et relayée par des oligarques qui ont largement tiré profit de la privatisation des richesses collectives. Peut-être y a-t-il quelques éléments communs, notamment avec certaines formes de clanisme et de corruption 4 . La situation est cependant différente. Le président Bouteflika n’a ni le rayonnement ni l’autorité effective d’un Vladimir Poutine, et le problème de l’Algérie n’est pas de transformer un empire défunt en État-nation, il est plutôt celui du développement. Une deuxième référence possible est un modèle plus ancien, le modèle Atatürk (1923-1938), un pouvoir personnel et même personnalisé, d’apparence civile, appuyé sur un État profond dominé par l’armée, avec un souci de modernisation de la société. Là aussi, quelques éléments communs, notamment quant au rôle de l’armée, colonne vertébrale du régime, mais on peut douter de la volonté de moderniser la société, plutôt conduite à une régression traditionaliste du fait de l’arabisation et des compromis avec l’islamisme. La société civile algérienne dynamique et moderne se définit plutôt en opposition avec le régime.

    Le régime algérien ne se compare pas non plus avec ceux de la Tunisie ou du Maroc. L’empreinte étatique du colonisateur, plus forte en Algérie, et les conditions violentes de la décolonisation lui ont donné des traits originaux. L’un de ceux-ci est la violence politique, une certaine dureté des rapports humains, une société sans doute plus égalitaire et plus éruptive que dans les pays voisins. Un autre, d’origine plus ancienne, tient à un pluralisme culturel et social, avec la question kabyle ou de la vallée du Mzab, qui s’ajoutent à un esprit public très politique et volontiers rebelle. Bien sûr, opacité, corruption et clanisme accompagnent le pouvoir. Ce modèle est toutefois loin d’être propre à l’Algérie, il tend même à se développer partout derrière une façade démocratique et pluraliste. Quoi qu’il en soit, l’État a dominé des périodes agitées, il a largement équipé le pays – communications, logements – et favorisé l’éducation d’une jeunesse surabondante. Il reste nombre de défis qui s’ajoutent aux menaces extérieures, le moindre d’entre eux n’étant pas la succession de l’actuel président.

    Des défis pressants

    ● Le défi d’ordre politique est à la fois permanent et récurrent. Récurrent avec le problème de la succession du président Bouteflika. Dans une démocratie ordinaire, une telle succession ne soulève pas de difficulté et s’insère dans le fonctionnement régulier des institutions, elle est prévue et organisée par une votation authentiquement pluraliste. Dans les régimes autoritaires, elle est toujours un moment de doute et de fragilité, avec un risque de saut dans l’inconnu. Ceci renvoie à une question plus permanente, celle de la démocratie et de l’État de droit, qui sont loin d’être réalisés en Algérie. Elle a progressé dans cette voie, il existe un certain pluralisme, la liberté des médias est plus forte, mais les verrous autour du pouvoir sont toujours présents, renforcés par les menaces sécuritaires. La dévolution du pouvoir gouvernemental apparaît encore relever d’un processus opaque, et l’élection davantage une ratification qu’une décision. L’indépendance des corps intermédiaires est également sujette à caution, même si le FLN a cessé d’avoir une emprise dominante sur le pays.

    ● Les défis économiques sont parmi les plus pressants. Longtemps, l’Algérie a pu se reposer sur une rente pétrolière et gazière. Elle lui a dans un premier temps permis, après les avoir financés, de surmonter des choix économiques initiaux, celui des « industries industrialisantes », un collectivisme d’État aux conséquences néfastes. Puis l’Algérie, suivant le mouvement général des pays socialistes, a su passer d’une économie collectiviste à une économie partiellement de marché. On a même relevé la montée en puissance d’oligarques actifs sur le plan national comme international. La rente des hydrocarbures a enfin contribué à couvrir les besoins fondamentaux d’une population à la démographie explosive et d’investir dans les équipements de base. L’inégalité dans le partage de cette rente était ainsi moins visible. La chute récente du cours des hydrocarbures remet cet équilibre économique et financier en cause, et risque d’aboutir à un endettement croissant du pays en attendant que des alternatives puissent être trouvées, dans un pays qui refuse depuis l’indépendance le développement d’une industrie touristique, en toute hypothèse fortement menacée dans la région.

    ● Quant aux défis sociétaux, ils tiennent pour une part à la croissance démographique qui aboutit à ce que nombre de jeunes Algériens aspirent à l’émigration, alors que les pays européens tendent à restreindre l’immigration pour des raisons économiques autant que culturelles. Ils tiennent aussi à ce que l’Algérie est, elle-même, zone d’accueil de migrants en provenance d’Afrique subsaharienne, immigration qui ajoute à ses difficultés et dont le transit vers l’Europe est de plus en plus difficile. L’Algérie est un pays jeune et sa jeunesse semble manquer de confiance en son avenir, face à un pouvoir à la fois fermé et gérontocratique. S’y ajoute l’emprise de l’islamisme, dont la fraction insurrectionnelle a été combattue et réduite, mais dont la pression sur la société civile et les contraintes sur les mœurs, la liberté individuelle et le statut des femmes restent puissantes. Cette société civile contenue, de plus en plus instruite et ouverte sur le monde, pourra-t-elle prendre son autonomie, et comment ? Là est sans doute la clé de la réussite de l’Algérie indépendante.

    Et le regret  ? Certainement pas l’Algérie coloniale, plutôt les conditions de l’accès à l’indépendance, qui aurait pu être plus pacifique et consensuelle au lieu de cet arrachement cruel pour tous. La responsabilité principale en incombe au colonisateur qui n’a pas su accepter à temps les évolutions nécessaires. Pour la France, le problème algérien s’achève le 5 juillet 1962. Pour l’Algérie, son histoire comme État commence. À cet égard, regret que les relations avec la France n’aient pas pu ensuite être normalisées, devenir apaisées et confiantes, que l’on n’ait pas réussi avec l’Algérie le type de réconciliation mis en œuvre avec l’Allemagne. La méfiance et les mésententes entre les deux pays sont à somme négative pour chacun des deux. Le fait par exemple que l’Algérie ne soit pas membre de l’Organisation internationale de la Francophonie réduit son influence dans ce qui devrait être un espace naturel d’entente et de coopération. Cette méfiance ne favorise pas non plus l’intégration en France d’une immigration massive provenant d’Algérie, qui aurait toutes raisons de se fondre dans l’ensemble national n’étaient les survivances d’un ressentiment que le temps ne semble pas effacer, quand il ne l’alourdit pas. Voici quelques années, le projet d’un traité d’amitié entre les deux pays a malheureusement échoué. Formulons le vœu qu’un jour des hommes ou femmes d’État sachent sur le métier remettre cet ouvrage.

    Serge Sur

    Source : Centre Thucydide, sept-oct 2016

    Tags : Algérie, France, Guerre d’Algérie, guerre de libération, mémoire,

  • Belgique : L’exclusion d’Emir Kir, sonne-t-elle le glas du communautarisme électorale?

    Les faits. Après la polémique qui a suivi la rencontre entre Emir Kir, bourgmestre PS de Saint-Josse, et des représentants turcs d’extrême droite, la commission de vigilance du Parti socialiste a finalement décidé d’exclure du parti celui qui constituait sans conteste l’un de ses porteurs de voix. Cette exclusion retentissante est-elle le signe d’un changement de politique ou renforcera-t-elle au contraire les adeptes de la double allégeance, partagés entre leur pays d’origine et leur pays qui les a élus ? Politologue, analyste et acteurs de terrain nous ont donné leur avis.

    « Il faut d’abord rappeler que l’exclusion d’Emir Kir a été décidée en raison de la rupture du cordon sanitaire à l’égard de l’extrême droite, et non pas dans le cadre d’une condamnation d’un communautarisme qui demeure, du reste, un concept difficile à définir », souligne le directeur du Centre de recherche et d’information socio-politiques (CRISP), Jean Faniel. « Toutefois, une fois l’exclusion prononcée, se pose effectivement la question de l’avenir d’Emir Kir qui pourrait effectivement se replier sur une base électorale communautaire à Saint-Josse. A cet égard, paradoxalement peut-être, cette exclusion pourrait y attiser cette forme de communautarisme que de nombreuses voix dénoncent aujourd’hui.

    En effet, au vu des premières réactions, il est difficile de savoir comment les choses vont évoluer en la matière. La procédure d’exclusion, puis l’exclusion elle-même ont déclenché des réactions très vives, notamment à l’encontre du militant qui a impulsé la procédure, et qui étaient assez clivées d’un point de vue communautaire ou communautariste. Emir Kir a conservé le soutien de la quasi-totalité de ses proches à Saint-Josse. Cet épisode pourrait donc contribuer à “mettre de l’ordre” dans les rangs du Parti socialiste en envoyant le signal que le communautarisme ne permet pas de déroger à des valeurs fondamentales du parti, telles que la lutte contre le négationnisme et la préservation du cordon sanitaire contre l’extrême droite. Mais il pourrait aussi déboucher sur la formation durable d’une majorité à caractère communautaire dans une commune bruxelloise, se détachant progressivement des formations politiques belges classiques, dont les contours obéissent avant tout à des logiques politiques et non à des logiques “ethniques” (même si le clivage linguistique est évidemment très marqué et peut lui aussi être considéré comme relevant en partie du communautarisme puisque chaque parti fait campagne dans sa communauté linguistique, puis défend les intérêts de celle-ci une fois passée l’élection) ».

    « S’agissant du débat sur le “communautarisme” que cette affaire a aussi entraîné, il me semble essentiel que nous nous posions la question suivante : quels phénomènes vise-t-on précisément par ce terme, et le cas échéant quels comportements doit-on proscrire ? », réagit Jérémie Tojerow, membre du PS et auteur de la plainte. « Faute de définition claire et objective, il est à craindre que l’usage de ce mot vise avant tout à disqualifier l’adversaire politique plutôt que de faire réellement avancer le débat. Par exemple, quand les candidats juifs issus de tous les partis font publier des encarts électoraux dans la revue Regards plutôt que dans la revue de telle ou telle autre communauté, est-ce du “communautarisme électoral” ? Placarder des affiches électorales à l’entrée d’une épicerie juive ou même d’une synagogue, est-ce du “communautarisme électoral” ?

    Quand les élus d’un même parti sont autorisés à voter individuellement au sujet de projets de loi relatifs à l’euthanasie ou au mariage pour tous, en fonction de leurs convictions personnelles et/ou celles de leur électorat supposé plutôt qu’en fonction d’une position commune de leur parti, est-ce du “communautarisme électoral” ? Et si l’on considère que ces différentes attitudes relèvent du “communautarisme électoral”, sont-elles nécessairement à proscrire ? Pour ma part, deux éléments me paraissent fondamentaux : d’une part, les partis doivent pouvoir s’adresser à l’ensemble de la population dans toutes ses composantes (en ce compris le cas échéant via Regards ou des affiches devant une épicerie casher…), et la représenter avec des candidats qui sont issus de toute sa diversité, notamment aussi socio-professionnelle.

    D’autre part, et c’est le point crucial, les partis et leurs candidats, quelle que soit leur origine, doivent tenir le même discours et défendre le même programme, les mêmes valeurs, les mêmes pratiques (comme le cordon sanitaire) partout et devant tous les publics. Il est compréhensible que les candidats présents à la Gay Pride mettent en avant des propositions en lien avec les droits des personnes homosexuelles et non par exemple en lien avec l’agriculture. Il est par contre à mon sens problématique que les mêmes candidats ou leurs colistiers défendent en même temps, auprès d’autres publics plus conservateurs, des propositions et discours différents afin de les séduire. Représenter toute la population avec des candidats issus de tous les milieux et origines, tout en bannissant les doubles discours, voilà l’enjeu central à notre sens. Et pour cela, les partis politiques, souvent décriés, ont un rôle fondamental à jouer ».

    La fin du communautarisme électoraliste ? « Pas du tout… », selon Dogan Özgüden, journaliste et éditeur du site www.info-turk.be. « Le cas Emir Kir est un arbre qui cache la forêt communautariste, dans cette forêt se trouve toute espèce d’opportunisme. C’est la conséquence de l’absence pendant ces décennies d’une politique d’intégration conforme aux valeurs démocratiques européennes d’une part, et d’autre part, de la mainmise des régimes répressifs des pays d’origine sur les immigrés. Le pouvoir d’Erdogan ne cessera jamais de harceler les ressortissants turcs pour maintenir leur soutien au lobby turc contre les revendications des diasporas arménienne, assyrienne et kurde…

    Quant aux partis politiques belges, le risque de perdre le soutien des électeurs captifs du régime d’Ankara sera déterminant dans leur prise de position. D’ailleurs, n’oublions pas que le parti fasciste MHP est le partenaire principal d’Erdogan et la politique de ce dernier est devenue aussi fascisante que celle du MHP. Tant que les députés du MHP et de l’AKP font partie de la Commission parlementaire mixte UE-Turquie et sont souvent présents sans aucun empêchement dans les réunions des associations nationalistes et islamistes en Belgique, il sera difficile de juger et d’exclure tous les élus turcs pour rompre le cordon sanitaire en raison de leurs relations avec eux ».

    « Je pense que c’est une alerte, mais on ne se débarrasse pas comme ça de 50 ans de communautarisme », estime le comédien Sam Touzani (photo (c) Jef Boes), auteur-interprète de la pièce “Cerise sur le ghetto”, qui rencontre énormément de succès, tant auprès du grand public que des publics scolaires. « Je répète depuis toujours que le communautarisme contient de la nitroglycérine, on ne le comprend malheureusement que lorsqu’il explose. Avant cela, on nie la réalité, pour des raisons bassement électoralistes. La vie politique belge nous l’a montré à plusieurs reprises.

    Mais avant de vouloir lutter contre le communautarisme issu de l’immigration marocaine, turque, on ne peut faire l’économie de l’analyse de la situation belgo-belge. Nous sommes dans le pays le plus communautarisé au monde, et on oublie de le préciser, comme si c’était réglé. La question est juste mise au frigo, il ne faut pas s’étonner dès lors de la continuité du contexte national dans le contexte local, avec ses dérives perverses. Même si on parle d’un problème territorial, linguistique chez nous, et non de l’emprise d’Etats étrangers sur des communautés d’origine, d’une volonté de contrôle extérieur, c’est la même logique. Nos politiques ont laissé pourrir la situation pour garder de bonnes relations diplomatiques, mais aussi économiques, au détriment de l’éthique.

    Pourquoi s’attacher sinon à l’Arabie saoudite, si ce n’est pour lui vendre des armes ? On voit aujourd’hui où le communautarisme mène. Quand Emir Kir est élu chez nous, même s’il veut nous faire croire que l’extrême droite belge est différente de l’extrême droite turque, c’est avec des arguments nationalistes, de même que l’a été Mahinur Özdemir, première élue voilée au Parlement bruxellois, aujourd’hui ambassadrice de la Turquie en Algérie ! Non seulement ces élus ne sont pas détachés de leur pays d’origine, mais il est rare que ces pays d’origine ne soient pas une dictature ou une théocratie ».

    De l’avis de plusieurs de nos interlocuteurs, la définition du communautarisme devrait être clarifiée. Comme s’il n’était pas évident que ce que l’on condamne n’est pas le choix des candidats aux élections de s’adresser à ceux qu’ils considèrent comme leur principale cible, mais bien le double-discours dont certains font preuve, dans leur langue d’origine. Un double-discours, pour une double allégeance, relayant souvent d’autres valeurs avec les dérives que l’on connait, et qui entretient la confusion entre le pays dans lequel ils vivent et se portent candidats, et celui dont ils sont originaires, avec lequel ils ont naturellement gardé une attache. Mais jusqu’à quel point ? On évoquera toujours la communauté juive en évoquant la communauté musulmane, par souci d’équilibre sans doute, et qu’importe finalement la réalité. Comparer le cas des candidats juifs à celui des candidats d’origine turque (pour le cas d’Emir Kir) ne fait malheureusement qu’entretenir l’amalgame entre Juif et israélien, desservant le combat démocratique en faisant diversion pour renvoyer les communautés dos à dos.

    Source

    Tags : Belgique, communautarisme, Emir Kir, PS, Turquie, élections,

  • «Transaction du siècle»: Les Palestiniens seuls contre tous

    par Ghania Oukazi

      La réunion extraordinaire que la Ligue arabe a tenue samedi dernier au Caire a confirmé, si besoin est, l’enlisement de ses pays membres dans des situations de dévoiement d’une question capitale de décolonisation.

    Tenue à la demande du président palestinien, Mahmoud Abbas, la réunion n’avait rien d’extraordinaire. Comme de tradition, elle s’est contentée de dénoncer et rejeter «la transaction du siècle», avec des paroles déjà exprimées à maintes reprises y compris quand les Palestiniens sont expropriés de leurs propres terres ou sont la proie d’un génocide. Le niveau de représentation des Etats-membres à cette réunion, – à commencer par celui de l’Algérie – montre déjà l’esprit de désengagement de leurs plus hautes autorités vis-à-vis de la question palestinienne. Désengagement qui éloigne tout espoir de voir la Ligue arabe empêcher l’entité sioniste de formaliser cette transaction du déni du droit de vivre du peuple palestinien. Pourtant, comme affirment des analystes politiques, la transaction ne concerne pas que les Palestiniens.

    Les administrations et lobbys américano-sionistes veulent solder cette cause et de là, hypothéquer jusqu’au droit d’existence libre et souverain de l’ensemble des peuples arabes et musulmans. Ce qui semble ne pas inquiéter outre mesure les souverains et chefs d’Etats arabes encore moins leur Ligue qui s’est contentée samedi dernier de prendre acte de «la transaction du siècle» présentée mardi dernier par le président américain. «Et cela est la (manière) la plus faible de la foi (Hadha adhaaf el Imane)», diraient les Musulmans. «On ne pourra pas parce qu’on n’a plus de leaders !», a lâché Abdelaziz Belkhadem en 2006, au lendemain de l’offensive armée menée par le Hezbollah contre l’armée israélienne, en réponse à une question sur la possibilité des Etats arabes de rééditer la guerre de 1973 contre Israël.

    L’imam de la grande mosquée d’Al-Azhar, Ahmed Al Tayeb, a pour sa part résumé avant la tenue de la réunion de samedi dernier, la situation dans laquelle évolue le monde arabe et musulman. «Nous n’avons plus d’identité (…) en tant qu’Arabes et musulmans. Nous ne sommes plus rien (…). Je me suis senti terriblement déshonoré quand j’ai vu (Donald) Trump avec (le Premier ministre) israélien (…), ce sont eux qui prévoient, discutent, décident et résolvent nos problèmes. Il n’y a aucun Arabe ou musulman».

    L’embargo éternel sur Ghaza

    Préparés dans des laboratoires étrangers, «les printemps arabes» ont été un moyen efficace pour détourner du conflit israélo-arabe ce monde dont parle l’imam, qui s’étale de Kaboul à Tanger. Le déclassement du problème palestinien d’une cause de décolonisation vers une autre humanitaire a été en même temps mené avec doigté par l’administration américaine dont le dédale est «habité» par les Juifs les plus sionistes. Ghaza est mise ainsi par Tel-Aviv sous un embargo éternel. Les bombardements et raids aériens israéliens continus contre les civils palestiniens et leurs habitations dans cette région damnée n’ont jamais fait bouger les consciences de la communauté internationale. D’ailleurs elle refuse de s’attarder sur les crimes israéliens contre l’humanité et soutient seulement les aides en médicaments et en couvertures au profit des rescapés de ce génocide des temps modernes.

    Donald Trump l’a clairement démontré en s’appuyant sur les plus durs d’entre ces sionistes pour élaborer un projet de «solution» qui efface la Palestine de la carte du monde. Il fut un temps où les pays qui ont constitué le front de fermeté ou du refus finançaient les mouvements révolutionnaires palestiniens et les équipaient en armement pour se battre contre l’entité sioniste. L’Algérie, la Syrie, l’Irak, la Libye et le Yémen ont réalisé à eux seuls des prouesses dans ce sens auxquelles tous les Etats arabes réunis n’ont jamais osé y penser. Aujourd’hui, seule l’Algérie se bat contre les nombreuses tentatives de déstabilisation qui lui sont fomentées ici et ailleurs par des officines animées par un esprit colonialiste morbide. Les quatre autres pays vivent au rythme des bombardements d’armées occidentales conventionnelles ou menés par procuration par d’autres non conventionnelles de mercenaires et de groupes terroristes. Ce sont malheureusement les quelques rares pays qui pensent que l’indépendance de la Palestine ne peut être réalisée que par la reprise de l’action armée par les fidaïyine. «A la guerre comme à la guerre» soutiennent certains de leurs hauts responsables qui affirment que l’humiliation la plus dure qu’Israël subit quotidiennement en Palestine occupée, est celui de tourner ses chars, ses gaz chimiques, son arsenal militaire sophistiqué vers des enfants palestiniens avec comme seul moyen de défense une pierre dans la main.

    L’Iran reste dans ce désordre géopolitique programmé le pays le moins vulnérable malgré les longues années d’embargo américain et les assassinats de ses meilleurs scientifiques et de ses dirigeants militaires et politiques.

    Acquittement de Trump par le Congrès ?

    L’assassinat le mois dernier de son stratège en opérations armées au Moyen-Orient, entre autres contre la colonisation américaine de l’Irak, le général Qassam Souleimani, près de l’aéroport de Baghdad, s’il a amputé l’armée iranienne de l’un de ses plus brillants éléments, il a rapproché les Iraniens de leurs autorités politiques et religieuses après les escarmouches qui les ont opposées en raison de la complication des problèmes économiques et sociaux.

    Les Iraniens ont juré vengeance et quelques jours après, ils ont lancé des missiles à partir de leur pays, qui ont pu atteindre deux bases militaires américaines en Irak. Au regard des vidéos qui circulent sur la toile faisant état de nombreux dégâts humains et matériels au niveau des troupes américaines, il semble que les deux pays se sont entendus pour affirmer que l’attaque iranienne n’a pas fait de morts américains. Les Etats-Unis restent aussi évasifs sur le crash, il y a quelques jours, d’un avion américain en Afghanistan transportant l’un des membres de la CIA qui a programmé l’assassinat de Souleimani en Irak.

    Les nombreuses manifestations des milliers d’Irakiens pour faire sortir les Américains de leur pays s’ajoutent aux multiples affronts que les Etats-Unis ne cessent d’essuyer pratiquement à travers toute la planète. En parallèle, il serait en principe vain de penser que le Congrès pourrait aller jusqu’à prononcer l’empeachment contre Donald Trump comme voulu par les Démocrates pour cause d’un «Ukraingate» version revue et corrigée au rabais de l’affaire du Watergate qui a elle aussi poussé à l’ouverture par le Congrès d’un procès de destitution contre Richard Nixon élu président des Etats-Unis en 1973. A ne pas confondre entre les deux personnages, Trump et Nixon, ou comparer entre eux en raison d’un cursus et d’un quotient intellectuel qui ont fait de Nixon un homme d’Etat et l’ont poussé à démissionner en 1974 et de Trump un homme d’affaires après avoir été de divertissements télévisuels. Son acquittement par le Congrès, après le forcing des Républicains pour sa destitution, devrait intervenir dans les jours à venir.

    Le Quotidien d’Oran, 4 fév 2020

    Tags : Palestine, Etats-Unis, Israël, deal du siècle, Proche Orient,

  • Algérie : Le Drian plaide pour un travail de mémoire

    Guerre de libération nationale: Le Drian plaide pour un travail de mémoire

    par Houari Barti

    Les diplomaties algérienne et française semblent partager une vision commune sur la nécessité de travailler ensemble, et en toute sérénité, sur la question de la mémoire relative à la Guerre de libération nationale et une volonté exprimée désormais des deux côtés pour son règlement.

    C’est du moins ce qui ressort, en partie, de la dernière déclaration du chef de la diplomatie française, Jean-Yves Le Drian, qui a estimé qu’«un travail de mémoire» est souhaitable entre la France et l’Algérie «sur la manière dont les uns et les autres avons vécu» la guerre. A la veille de cette déclaration de Le Drian rapportée hier matin par l’AFP, la diplomatie algérienne s’est également exprimée sur le sujet pour répondre à une polémique née de propos attribués au président turc Recep Tayyip Erdogan, dernièrement en visite en Algérie. «(…) De tels propos ne concourent pas aux efforts consentis par l’Algérie et la France pour leur règlement», soulignait en conclusion le communiqué du ministère des AE algérien.

    Un communiqué dans lequel on a ainsi tenu à rappeler «le caractère sacré» pour le peuple algérien des questions complexes liées à la mémoire nationale, qualifiées d’«extrêmement sensibles» mais aussi «l’engagement des deux pays à les régler».

    Interrogé lors d’une émission conjointe sur RTL/LCI/Le Figaro, Jean-Yves Le Drian répondait aussi à une polémique née des récents propos du président Emmanuel Macron, qui avait établi un parallèle entre la guerre d’Algérie et la reconnaissance par Jacques Chirac, en 1995, de la responsabilité de la France dans la déportation des juifs pendant la Seconde Guerre mondiale.

    Le chef de la diplomatie française a tout d’abord estimé que «la Shoah est un crime insupportable, comparable à rien, nulle part ailleurs, il faut le reconnaître comme tel». Mais, a-t-il ajouté, «la question qui se pose dans les relations entre la France et l’Algérie sur la mémoire, la manière dont les uns et les autres avons vécu ce conflit, reste là. Et il faudrait que nous ayons ensemble un travail de mémoire».

    M. Le Drian a assuré, dans le même ordre d’idées, que les autorités algériennes souhaitaient ce processus non sans insister sur le fait que les Français, eux aussi, avaient «besoin d’avoir sur ce sujet-là un moment de rappel historique et de vérification». «Nous avons en Algérie une situation qui est complètement nouvelle, qui va sans doute engager des évolutions significatives de ce pays», a par ailleurs estimé le ministre des Affaires étrangères en référence à la récente élection du président Abdelmadjid Tebboune.

    «De nouvelles perspectives s’offrent pour les relations entre la France et l’Algérie. Si la mémoire partagée peut faire partie de cet ensemble nouveau, ce serait une très bonne nouvelle pour tout le monde», a insisté le ministre. Il faut rappeler que depuis le début de son quinquennat, et même avant, le chef de l’Etat français, Emanuel Macron, a pris le pari courageux de dépassionner le débat sur le sujet en évoquant à plusieurs reprises «les charges mémorielles» de la guerre d’Algérie. Avec un regard neuf et pragmatique, regard que n’ont pas nécessairement ceux qui appartiennent à la génération qui a vécu la guerre d’Algérie, le président français espère surtout tourner cette page douloureuse et plus qu’ambiguë de la République.

    En 2017 déjà, alors qu’il était en pleine campagne, le candidat d’En Marche à l’élection présidentielle avait affirmé que la colonisation française est «un crime contre l’humanité». «Je pense qu’il est inadmissible de faire la glorification de la colonisation. Certains ont voulu faire cela en France, il y a dix ans. Jamais, vous ne m’entendrez tenir ce genre de propos. J’ai toujours condamné la colonisation comme un acte de barbarie».

    Et d’ajouter : «La colonisation fait partie de l’histoire française. C’est un crime, c’est un crime contre l’humanité, c’est une vraie barbarie. Et ça fait partie de ce passé que nous devons regarder en face, en présentant nos excuses à l’égard de celles et ceux envers qui nous avons commis ces gestes». Il a par la suite œuvré à la reconnaissance par la République française que Maurice Audin, mathématicien pro-indépendance disparu en 1957, était bien «mort sous la torture du fait du système institué alors en Algérie par la France».

    Sa dernière position forte exprimée sur le sujet a été dans l’avion qui le ramenait jeudi dernier des territoires occupés, où il participait à la commémoration du 75ème anniversaire de la libération du camp d’Auschwitz, où il s’est dit convaincu que la France devait revisiter la mémoire de la guerre d’Algérie (1954-1962) pour mettre un terme au «conflit mémoriel» qui «rend la chose très dure en France».

    Le Quotidien d’Oran, 3 fév 2020

    Tags : France, Algérie, Guerre d’Algérie, mémoire, colonisation,

  • Le Portugal refuse l’asile à huit Marocains arrivés à bord d’une patera

    Ces huit personnes n’étaient pas considérées comme des réfugiés

    Le Service des étrangers et des frontières a rejeté la demande d’asile des huit personnes originaires du Maroc arrivées illégalement en décembre à Monte Gordo.

    L’évaluation a considéré qu’il n’y avait pas de cadre pour le statut de réfugié. La nouvelle est tombée le lendemain de l’arrivée des 11 migrants à Algarve et qui ont également demandé la protection du Portugal.

    Expresso, 30 jan 2020

    Tags : Maroc, Portugal, migration, asile, Algarve,

  • La Mauritanie reconnaissante à l’Algérie pour le transport des étudiants mauritaniens en Chine

    La Mauritanie a exprimé sa profonde reconnaissance à la République algérienne démocratique et populaire sœur pour avoir pris en charge le transport des étudiants mauritaniens résidant dans la province du Hubai en Chine Populaire.

    Elle a loué, dans un communiqué du ministère des Affaires étrangères, de la Coopération et des Mauritaniens de l’Extérieur rendu public dimanche après- midi et dont une copie est parvenue à l’Agence Mauritanienne d’Information, cette réaction positive qu’elle a perçue des autorités au niveau du ministère des affaires étrangères chinois et du bureau des affaires extérieures de la province du Hubai en République Populaire de Chine.

    Voici le texte intégral de ce communiqué :

    « Lorsqu’il a appris, à travers notre ambassade à Pékin, qu’il y a un avion affrété par les autorités algériennes pour rapatrier ses concitoyens, le ministre des affaires étrangères, de la coopération et des mauritaniens de l’extérieur, M. Ismail Ould Cheikh Ahmed a aussitôt contacté par téléphone son homologue algérien, M. Sabri Boukadoum à la suite duquel la République Algérienne démocratique et populaire sœur a décidé de prendre en charge le transport de nos étudiants résidant dans la province du Hubai en République Populaire de Chine, et dont quatre ont fait le choix de quitter Wuhan et deux d’y rester.

    Le ministère tient à exprimer sa profonde reconnaissance à ses frères en Algérie et se réjouit de la réactivité efficace et du traitement diligent de toutes les questions soumises par notre ambassade à Pékin aux fins d’évacuation de nos étudiants par les services du ministères chinois des affaires étrangères, notamment du bureau des Affaires étrangères de la région de Khouli en République Populaire de Chine.

    Agence Mauritanie d’Information, 2 fév 2020

    Tags : Algérie, Mauritanie, Chine, Maghreb, coronavirus,