Catégorie : presse

  • Algérie : Des ambassades demandent des explications sur la non-suppression de la règle 51-49

    Des ambassades et des entreprises étrangères activant en Algérie ont demandé des explications sur les secteurs stratégiques concernés par la suppression de la règle d’investissement 51-49 incluse dans la loi de finances (LF 2020).

    En effet, Jordaniens, Pakistanais, Turcs et Français se sont tous interrogés pourquoi des textes d’application régissant l’opération n’ont pas suivi, sachant que la décision devrait entrer en vigueur le 1er de ce mois.

    A cet égard, Abdelkader Gouri, président de la Chambre Algérienne de Commerce et d’Industrie (CACI), a indiqué à Echorouk qu’un certain nombre d’ambassadeurs et des responsables commerciaux étrangers avaient bel et bien demandé des explications quant aux secteurs concernés par la levée de la règle régissant les investissement (51-49), tel que la LF 2020 le prévoit. «Bon nombre d’homes d’affaires étrangers demandent des explications et on ne sait comment leur répondre dans la conjoncture actuelle», a indiqué le président de la CACI.

    Pour Gouri, les textes définissant les secteurs stratégiques doivent être fin prêts le 1er janvier, mais en raison de multiples considérations, les choses semblent traîner.

    Notre interlocuteur a ajouté que certains ministères devraient formuler leurs propositions devant contribuer à la définition des secteurs stratégiques et non stratégiques avant la publication du décret exécutif. Un processus qui devrait, à ses yeux, prendre un certain temps.

    «J’ai été interrogé vendredi sur ce sujet par des investisseurs jordaniens et la veille par des Pakistanais », nous a-t-il révélé.

    Outre ceux-ci, les Turcs veulent eux-aussi avoir plus d’idées concernant les facilitations inclues dans la LF 2020, notamment la règle 51-49 que les partenaires étrangers ont presque souvent critiquée et jugée comme une entrave à leurs investissements en Algérie.

    Echouroukonline, 18 jan 2020

    Tags : Algérie, loi 51/49, investissement,

  • Libye : Macron dit comprendre pourquoi la Tunisie n’a pas participé à la conférence de Berlin

    Lors d’un entretien téléphonique entre Macron et Saïed, le président français a souligné la nécessité pour la Tunisie de participer à toute initiative à venir.

    Mourad Belhaj | 20.01.2020

    AA / Tunisie / Adel Thabti

    Le président français, Emmanuel Macron, a déclaré comprendre pourquoi son homologue tunisien, Kaïs Saïed, n’a pas participé à la conférence de Berlin sur la Libye.

    C’est ce qui ressort de l’entretien téléphonique qu’ont eu, lundi, les deux chefs d’Etat, selon un communiqué de la présidence tunisienne, dont Anadolu a reçu copie.

    Le communiqué a souligné que « le président français a informé le président de la République (Tunisienne) de sa compréhension des raisons qui ont fait que la Tunisie n’a pas participé à la conférence de Berlin, tenue dimanche, et l’a informé de ce qui avait été discuté et conclu lors de la conférence ».

    Dans un contexte connexe, l’entretien a porté sur « la nécessité de la participation de la Tunisie à toute initiative à venir ».

    Saïed a, pour sa part, rappelé l’initiative qu’il avait prise dans ce contexte, lorsqu’il a réuni un certain nombre de représentants tribaux et de la société civile libyenne pour parvenir à une solution Libo-libyenne, selon le communiqué.

    Saïed a déclaré que « la Tunisie est le pays le plus touché par la situation qui règne en Libye, car elle supporte plus que tout autre pays, en raison de sa situation géographique, les effets de cette guerre, notamment sur le plan de la sécurité, ainsi que sur tous les autres plans ».

    La Tunisie avait annoncé, samedi, qu’elle ne participerait pas à la conférence de Berlin sur la crise libyenne, arguant qu’elle n’avait reçu l’invitation à y assister que tardivement.

    La conférence de Berlin sur la Libye s’est tenue dimanche, avec la participation de 12 pays: les États-Unis, la Russie, la France, le Royaume Uni, la Chine, l’Allemagne, la Turquie, l’Italie, l’Égypte, les Émirats, l’Algérie et le Congo, ainsi que 4 organisations internationales et régionales: les Nations Unies, l’Union européenne, l’Union africaine et la Ligue arabe.

    Les forces de Haftar ont lancé, depuis le 4 avril, une offensive pour contrôler la capitale, Tripoli, siège du gouvernement d’entente nationale internationalement reconnu, ce qui a fait échouer les efforts des Nations Unies pour organiser une conférence de dialogue entre les Libyens.

    Anadolou

    Tags : Libye, Tunisie, France, Macron, conférence de Berlin,

  • Erdogan: "La présence de la Turquie en Libye a permis d’équilibrer l’équation"

    – Le Président turc expliqué que la Turquie s’est opposée lors de la Conférence de Berlin à un rôle de « coordinateur de l’UE » en Libye alors que l’ONU est engagée dans ce processus.

    Mehmet Tosun,Tuncay Çakmak |20.01.2020
    AA – Ankara
    Le Président de la République de Turquie, Recep Tayyip Erdogan, a expliqué que l’intervention de la Turquie auprès du Gouvernement d’Entente Nationale en Libye a permis d’équilibrer l’équation dans ce pays et ainsi de renforcer les espoirs de paix.
    Le Chef de l’Etat turc a répondu aux questions des journalistes, dans la nuit de dimanche à lundi, dans l’avion qui le ramenait de Berlin où il a participé à la conférence sur la Libye.
    Il a commenté les conclusions de cette conférence qui avait pour but de consolider le cessez-le-feu pur permettre une reprise du processus politique pour une solution à la crise libyenne.
    Il a rappelé qu’une déclaration finale contenant 55 points a été adoptée par les pays participants.
    Pour Erdogan, l’essentiel de ces conclusions est le fait qu’une feuille de route sous l’égide des Nations Unies a été établie.
    « Si le cessez-le-feu pour lequel nous avons lancé un appel avec Poutine est respecté, le chemin pour une solution politique sera ouvert », a-t-il estimé.
  • Le dossier n’a pas figuré dans l’ordre du jour du Conseil : Quid des problèmes financiers de l’Algérie ?

    Le Conseil des ministres de samedi dernier a été consacré à l’examen des dossiers commerce, logement, industrie, santé, start-up et, donc, à des questions urgentes. La réunion présidée par le chef de l’Etat ne s’est pas limitée à des constats, mais à l’exposé de feuilles de route sectorielles jusqu’à l’horizon 2024, en particulier pour les branches habitat, industrie, commerce, agriculture. Mais le plus étonnant dans ce premier Conseil des ministres, à la veille de la finalisation du plan d’action du gouvernement, est l’absence d’examen du volet financier qui constitue l’urgence des urgences sur le plan économique.

    Un large cercle d’économistes avait pourtant affirmé que les mesures les plus urgentes du gouvernement Djerad, au chapitre économique, s’avère celles qui tendent à redresser la situation financière marquée par un déficit important du Trésor, estimé à plus de 2 000 milliards de dinars en 2020, de la balance commerciale et de la balance des paiements. En un mot, l’urgence des urgences est d’abord l’annonce de nouvelles décisions pour faire face au déficit budgétaire important et aux nouvelles dépenses budgétaires induites par la mise en oeuvre du programme présidentiel. Il s’agit là de mesures à court terme qui pourraient soulager le pays en attendant d’autres remèdes, la mobilisation de nouvelles ressources financières pour couvrir les besoins d’investissements publics à moyen terme.

    Paradoxalement, pour plusieurs économistes, parmi les urgences figure la réduction des dépenses publiques, en particulier le train de vie de l’Etat. Pour un économiste, le volet financier reste en outre à la marge dans ces premières semaines de gouvernance Tebboune. Pour preuve, l’absence d’un Secrétaire d’Etat ou d’un ministre délégué à la réforme bancaire et financière dans le gouvernement Djerad. Quand on sait l’importance de cette réforme structurelle sur la redynamisation de l’économie du pays, cette omission demeure surprenante. Parallèlement, l’un des chantiers les plus urgents est la définition d’une trajectoire à moyen terme qui donnerait plus de lisibilité ou de visibilité aux investisseurs. C’est du reste un préalable au recours à l’endettement extérieur (recours aux crédits multilatéraux, c’est-à-dire consentis à des conditions favorables) en vue de couvrir une partie des besoins de financement du pays.

    Il convient ici d’adopter cependant la prudence. La feuille de route en matière de réforme fiscale avec ses mesures à court et moyen termes n’est pas prête aujourd’hui. Idem probablement pour la trajectoire budgétaire. On en saura davantage quand le programme du gouvernement Djerad sera rendu public dans quelques jours, voire au cours des prochaines semaines.

    Ce qu’il faut noter, au chapitre rose, lors de ce Conseil des ministres, c’est une série de recommandations pertinentes du Président de la République telles que la lutte contre le gaspillage du pain, l’imposition de normes aux frontières pour empêcher la commercialisation de produits non conformes, dont les appareils de chauffage qui seraient à la source de la mort de dizaines de citoyens par inhalation de monoxyde de carbone depuis le 1er janvier 2020, le traitement en urgence du dossier véhicule SKD-CKD en vue de mettre fin à l’importation déguisée de véhicules qui a profité à certains oligarques aujourd’hui emprisonnés.

    A noter que le caractère dépensier de l’Etat semble perdurer au regard de la déclinaison d’un programme de réalisation de 1 million de logements d’ici à 2024 en contexte de crise financière. Cette politique de l’habitat, qui consiste à donner le logement à des catégories sociales qui peuvent épargner pour obtenir le logement aidé, est-elle soutenable ? s’interrogent plusieurs économistes. Selon eux, le logement devrait aller aux catégories sociales les plus démunies. Pour les couches moyennes des formules de location plus souples et plus accessibles qu’aujourd’hui, conjuguées à des formules d’épargne logement (effort d’épargne consenti) seraient plus appropriées. En un mot, l’Etat peut-il continuer à donner gratuitement un logement à des bénéficiaires qui vont, pour certains, le revendre ou le louer une année ou quelques années plus tard ? En attendant le plan d’action proprement dit, sur le volet dépenses, jusqu’ici, le chef de l’Etat ni le Premier ministre ne nous disent, quitte à le rappeler, comment financer toutes ces dépenses.

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    Tags : Algérie, Hirak, Tebboune, gouvernement, économie, situation financière,

  • Yennayer, le retour aux sources des banu mazigh: l’Algérie retrouve ses repères amazighs

    par Boudjemâa Haichour*

    Voilà consacré enfin dans les textes officiels en Conseil des ministres, Yennayer, Nouvel An amazigh le 12 janvier de chaque année, comme journée chômée et payée. Cette décision historique confirme l’attachement de notre Nation aux sources plusieurs fois millénaires de notre amazighité. Elle met fin à une situation qui a duré depuis la crise berbère de 1949 appelant les dirigeants du Mouvement national de libération à reconnaître les éléments de notre identité nationale. Le temps a fini par reconnaître cette légitime revendication grâce à la clairvoyance et au sens des responsabilités de tout un chacun.

    Depuis la ville de Constantine, ville de Massinissa, l’imam Abdelhamid Ibn Badis ne signait-il pas ses contributions dans les journaux de l’époque El Mountaqid, Echiheb et El Bassaïr sous la plume d’Ibn Badis le Senhadji, une des tribus berbères de notre arbre généalogique et socle identitaire de l’Algérie en lutte contre toute forme d’oppression et d’atteinte à sa personnalité ? Abdelhamid Ibn Badis, cet infatigable messager de la foi, qui a scruté de son temps les pages de notre histoire, sait combien nous devrions revenir à nos sources, lui qui a trouvé cette Nation formée et existante, qui a sa propre culture, ses habitudes, ses rites, ses mythes et ses mœurs.

    YENNAYER AU PALMARES DE NOTRE HISTOIRE MILLENAIRE

    Et si l’Algérie vient d’inscrire dans le palmarès de notre histoire pluriséculaire une des revendications légitimes de notre peuple en effaçant d’une manière irréversible ce déni aux racines amazighes de notre peuple, elle tire aussi sa généalogie des référents identitaires qu’a énoncés Ibn Badis dans son tryptique doctrinal. Après avoir constitutionalisé la langue amazighe et son officialisation, l’Algérie vient de réhabiliter un des fondements de sa personnalité nationale.

    Et pour exprimer aux générations futures cette appartenance généalogique, se confirme en plus l’entrée en vigueur de Yennayer comme jour de l’An amazigh, avec les préparatifs pour la création d’une Académie de la langue amazighe en plus du Commissariat à l’amazighité qui existe déjà depuis plus de trois décennies.

    Ainsi, aux confluences des grandes civilisations qui ont marqué notre histoire, notre pays est l’un des rares dans le monde à célébrer trois fois le nouvel an, marquant à la fois notre attachement à nos valeurs mais également s’inscrivant dans l’humanité. Nous venons de fêter le nouvel an dit grégorien le 1er janvier du calendrier grégorien devenant universel ou civil, institué par le pape Grégoire XIII en 1582. Evidemment, avec l’arrivée des Romains, l’empereur Jules César avait instauré le calendrier Julien dès l’an 45 av. J.-C.

    YENNAYER CELEBRE DANS LA CONVIVIALITE FAMILIALE

    Tout ceci a fait que le calendrier amazigh qui intervient chaque année le 12 janvier, avait été gommé pour laisser place au nouvel an grégorien. Presque partout dans nos régions, Yennayer, qui est le nouvel an amazigh, a été toujours célébré dans la convivialité familiale.

    S’il faut revenir à l’histoire, on note que l’avènement de Yennayer est intervenu en l’an 951 av. J.-C. En effet, les Imazighen ont eu à s’affirmer aux rois pharaons, notamment le rite organisé à la mort de Namart, père de Sheshanq I, fondateur de la 22e Dynastie des Pharaons. Il faut dire qu’en l’an 950 av. J.-C., à la mort du pharaon Psoussenses, un Amazigh nommé Sheshnaq a été élevé au rang de Pharaon d’Egypte. Il devient la première autorité de toute la région du Nil en fondant sa capitale Bubastis. Yennayer est une fête qui plonge ses racines au profond des millénaires d’histoire. Comme toute fête, les gens se soumettent à des rites.

    YENNAYER SYMBOLE DE LA RICHESSE ET DE LA FERTILITE

    Yennayar est symbole de la richesse. Le rituel « asfel » purifie les lieux et expulse les forces maléfiques. A ce jour en Kabylie, chez les Beni Snous dans la région du Khemis, région de Tlemcen, dans les Aurès, Yennayer est célébré avec un couscous à la viande provenant d’un animal sacrifié dans le strict respect des croyances marquant l’événement. Un bon signe des retrouvailles d’une bonne année qui commence. Des sept légumes cuits avec de la viande et les pieds de l’animal égorgé, la nouvelle année apporte son lot de moissons. Mais on prépare des crêpes (sfendj) et des trids dans certaines localités. En ce jour, on casse les noix, les amandes et on fabrique des gâteaux avec des œufs. Toute cette tradition plusieurs fois séculaire est suivie dans les hauts lieux de notre pays où la population reste attachée à cette pratique rituelle.

    AZUL YENNAYER-ASSUGAZ AMAGAZ

    YENNAYER-2970- LA KABYLIE

    AU FIRMAMENT DES ZAOUIAS

    Dans ce moment du nouvel an amazigh, nombreux sont ceux qui se rendent dans les zaouïas qui sont nombreuses dans la région de la Kabylie telles que : zaouiat Ben Abderrahmane d’Aït Smaïl, de Sidi-Sahnoun de Djamaâ Saharidj, celle du cheikh Mohand Ould Hocine d’Aïn El-Hammam ou de Sidi-Ali Moussa des Maâtkas, de Sidi Mansour de Timizart, de Sidi-Bahloul d’Azazga, de Sidi Khelifa d’Azefoun, de Cheikh Ouhadj de Djemaâ Saharidj, de Sidi-Beloua de Tizi-Ouzou, la Zaouia de Ouled Ouali Cherif d’Akbou, de Sidi M’hand Ouhedad de Tifra, de Sidi Ahmed Ouyahia d’Amalou, de Sidi Saïd de Seddouk, de Sidi-El-Djoudi dans la contrée du Guergour et d’Amizour, Zaouia Boukharouba des Ouled Rachid, Zaouiat El-Amoura de Sour El-Ghozlèn, etc.

    En ce nouvel an, il y a beaucoup de chants, de medhs. Le peuple qui fêtera l’année hégirienne, considère Yennayer comme une fête qui s’inspire de nos valeurs ancestrales, de l’amour de la terre depuis la Numidie. Signe de prospérité et de renouveau, Yennayer apportera avec l’aide de Dieu, paix et sérénité de l’âme. Une pieuse pensée à tous ceux de nos morts qui ont milité pour l’avènement de cette reconnaissance par la Nation. Ainsi se construisent les Nations qui fondent leur existence au respect de leur histoire et de leurs héros.

    YENNAYER PREMIER MOIS DE L’ANNEE DANS LE CALENDRIER AMAZIGH

    Enfin les douze mois du calendrier amazigh : Yennair, Forar, Meghras, Ibrir, Mayyou, Yunyou, Ghuchit, Chtember, Ktober, Wambarr, Djember. Tout cela correspond aux activités agricoles, à la fertilité et aux moissons. Ceci pour exprimer que le Nouvel An est une symbolique annonciatrice de l’abondance. Yennair est un retour aux sources, un ressourcement au profond de nos origines amazighes.

    Le peuple algérien fête le Nouvel An Hégirien en tant que musulman selon le cycle lunaire, c’est l’avènement de l’ère musulmane appelée Awwal Mouharam.

    Que cette nouvelle année amazighe soit pour notre peuple, l’année de la prospérité, toujours dans la réconciliation nationale et le grand pardon.

    RESSOURCEMENT RENOUVELE DE NOS RACINES

    Des Béni Snous aux confins de la Kabylie en passant par les Aurès et la région Sud de notre pays, les familles algériennes fêtent Yennayer en guise de ressourcement renouvelé à nos racines. Une fête où on remet au goût du jour les plats de l’art culinaire lié avec le rituel ancestral qui l’entoure dans toute la spiritualité, la baraqa des saints et l’allégresse. Yennayer ce premier mois du calendrier amazigh remonte ses origines depuis les millénaires dans cette contrée nord-africaine.

    Il faut dire que le calendrier Julien officialisé à Rome par Jules César en l’an 45 avant J.C, inventé par l’astronome et philosophe grec Sogicène d’Alexandrie, s’inspirant partiellement de l’antique calendrier égyptien, qui organise l’année civile en tentant de l’identifier à la seule année tropique ou année solaire. Au 2ème siècle avant J.C l’année se compose d’environ 365,242 jours et l’année julien en compte 365,25 jours lesquels se décomposent en 12 mois de 28, 30 et 31 jours ainsi qu’un jour intercalaire tous les quatre ans (année bissextile).

    Le calendrier julien est le premier construit selon une observation fine de l’écliptique solaire. Il est considéré aujourd’hui comme calendrier universel ou calendrier grégorien né d’une réforme par le pape Grégoire XIII le O4 octobre 1582.

    1- (Pour d’amples détails se référer aux computs calendaires, leurs histoires, leurs modes de calcul, leurs correspondances dans l’ouvrage complet de Dershowitz Nachum, Edward M. Reingold Cambridge Université Press 2007).

    2-Henri Genevois « Le calendrier agraire et sa composition » Le Fichier périodique Alger 1975.

    3- Jeannine Droein « Calendriers berbères » études berbères et chamito-sémitiques Louvain 2000.

    Il faut dire que Rome projeta sa puissance en Afrique du Nord dans le cadre d’une politique d’expansion impériale de colonisation de la conquête de Carthage (146 avant J.C) au démembrement du royaume numide de Juba 1er (46 avant J.C) et enfin l’administration directe de la Maurétanie suite à la mort du roi Bocchus 2 (33 avant J.C), Rome établit son empire à travers toute l’Afrique du Nord.

    Cette conquête est restée cinq siècles jusqu’à la prise de Carthage par le roi vandale Genséric (439 après J.C). Donc il existe en Afrique du Nord des traces anciennes de la célébration de la fête du Nouvel An Yennaer appelé calendes de janvier chez les romains.

    C’est Tertulien de souche africaine qui nous fournit cet élément, né et mort à Carthage dans son ouvrage « De l’Idolâtrie » composé en 212 après J.C a éprouvé le besoin de décrire ces réjouissances.

    Cette illustration concrète de la célébration des calendes d’Ianiarius se trouve parmi les mosaïques du calendrier mural retrouvé sur le site de l’antique Thysdrus (El Jem Tunisie) daté entre 222 et 235 remarquablement bien conservé, représente les quatre saisons et les mois.

    La figure symbolisait Ianiarius qui représente deux hommes se donnant l’accolade. A l’arrière-plan on distingue une «galette, le reste étant des fruits». (Voir Christophe Hugoniot dans «Rome en Afrique» Paris Flammarion 2000) et «Œuvres de Tertulien, tome deuxième d’Eugène Antoine Genoude Louis Vives Paris 1852 ainsi que le «calendrier de Thysdrus» de Louis Foucher Paris CNRS 2000).

    Enfin une troisième attestation de l’ancrage des célébrations de la fête de Ianus dans l’Afrique du Nord de l’époque romaine, nous est donnée un siècle et demi plus tard par Saint Augustin d’Hippone 354/430) qui condamne les Calendes de Janvier en tant que fête du Nouvel An comme étant des survivances de cultes paiens à éradiquer dans «la Cité de Dieu».

    IANIARIUS EST’IL L’ANCETRE DE YENNAYER ?

    Il s’avère donc que durant plusieurs siècles d’occupation romaine, les fêtes d’Ianiarus, ancêtre de Yennayer, ont été célébrées en Afrique du Nord. Saint Augustin est la dernière source latine africaine évoquant les calendres de Janvier.

    Avec les «Fatihines», les adeptes de la «Rissala mohamadia» ramènent avec eux le calendrier dit de «l’Hégire» dont l’An 1 correspond à l’An 622 de l’ère chrétienne. Le calendrier musulman exclusivement lunaire correspond à 12 mois soit 354 jours ou 355 jours tous les dix ans, soit 11 de moins que l’année tropique. Ce calendrier est déconnecté du rythme des saisons, qui dépendent du soleil.

    Le premier jour du premier mois de l’année sont appelés « Al Mouharam ». Mais la première trace systématique de la transmission du calendrier julien latin chez les lettrés arabophones musulmans se rencontre dans le célèbre calendrier de Cordoue (Voir l’ouvrage de Charles Pellat « le calendrier de Cordoue » Leiden, Brill 1961) connu sous le nom arabe de Rabi Ibn Zayd conseiller dans la cour des califes cordouans Abd Rahman III et Al Hakam II, traduit en latin au XIIème siècle par Gérard de Crémone.

    Contrairement au calendrier lunaire, c’est le calendrier solaire qui est le plus utilisé par les agronomes musulmans d’El Andalous qui permet de suivre les saisons déterminées par la révolution de la Terre autour du Soleil.

    Qu’en est-il alors du vocable ‘Yennayar» ? Ce dernier apparait pour la 1ère fois dans les poèmes rédigés par Mohamed Ibn Quzman (1078/1116), considéré comme le maître du genre poétique « zajal » par opposition à la prosodie ou le Mouwachah.

    IBN QUZMAN LE MAITRE POETIQUE DU ZAJAL ET YANNAYER

    Ibn Quzman n’hésite pas de puiser dans l’arabe populaire andalous d’où il utilisa le terme « Aïd Yannayar » pour évoquer la célébration Yannayer et décrit les différents fruits consommés par les Cordouans pour l’occasion. Il faut dire qu’à partir du XI siècle l’Andalousie est intégrée aux grands empires amazighs almoghavid puis almohad.

    Pour contredire la contribution publiée en ligne par Yidir Plantad sur le site «Tamazgha.fr» (Yennayer-histoire d’un mot), il faut qu’il sache que le terme Yennayar qui intervient le 12 Janvier de l’ère grégorienne est bel et bien d’origine et de filiation amazighe dont les premiers fatihines partis sous le commandement de Tarek Ibn Ziad étaient comme lui des Imazighen.

    Cette fête de Yennayar ne peut être que berbère depuis 950 avant J.C, date à laquelle Chechnaq aurait remporté la bataille décisive contre les pharaons, soit la 22ème dynastie, pour faire correspondre le 1er jour de Yennayer.

    * Chercheur Universitaire – Ancien ministre

    Le Quotidien d’Oran, 19 jan 2020

    Tags : Algérie, amazigh, yennayar, culture berbère,

  • Berlin : La voix de l’Algérie incontournable dans le dossier de la Libye

    CONFÉRENCE INTERNATIONALE À BERLIN SUR LA CRISE LIBYENNE : La voix de l’Algérie incontournable

    Le Président de la République, Abdelmadjid Tebboune se rendra, aujourd’hui, à Berlin en Allemagne en qualité de président d’un pays acteur majeur dans la région, en particulier, la question libyenne. Le cessez-le-feu en vigueur en Libye a été le fruit d’intenses efforts de La diplomatie algérienne, marquées par un large ballet diplomatique à Alger. Le président du Haut Conseil d’Etat libyen, Khaled Al- Machri a d’ailleurs considéré, jeudi, que l’Algérie était « la seule puissance arabe capable de rétablir les équilibres » dans le dossier libyen, se félicitant du « retour de la diplomatie algérienne » sur la scène libyenne. Al-Machri a en outre fait état de la préparation d’une visite à Alger d’une délégation du Haut Conseil d’Etat de la Libye « pour expliquer tous les tenants et aboutissant du conflit libyen, à l’ensemble des forces partisanes, parlementaires et populaires ».

    Pour sa part, le président du Conseil italien, Giuseppe Conte, a affirmé lors de sa visite jeudi à Alger que l’Algérie et son pays partagent une vision commune basée sur le dialogue, seule et unique option pour trouver une solution politique à la crise en Libye.

    En prélude à ce déplacement de Berlin, Alger a été le théâtre d’un intense ballet diplomatique comme l’a illustré la visite jeudi 16 janvier du premier ministre italien Giuseppe Conte. Il avait été précédé depuis le début de l’année des ministres des affaires étrangères turc, égyptien, italien.

    Dans son souci de maintenir un équilibre apparent, l’Algérie a également reçu les deux camps rivaux : Faïez Sarraj, le chef du » gouvernement d’accord national » (GAN) basé à Tripoli, fruit de l’accord de Skhirat parrainé par les Nations unies et reconnu par la communauté internationale, ainsi qu’une délégation du gouvernement rival basé en Cyrénaïque (est) soutenant le maréchal Khalifa Haftar, le patron de l’Armée nationale libyenne (ANL), qui a déclenché l’assaut contre Tripoli en avril 2019. A tous ces visiteurs, les autorités algériennes ont répété le double credo de la diplomatie algérienne sur le dossier libyen : » refus des ingérences extérieures » et promotion de solutions politiques basées sur » un dialogue national inclusif « .

    Auparavant, le Chef de l’Etat a reçu, également, les chefs de la diplomatie turque, égyptienne et italienne, Sameh Choukri et Luigi Di Maio. La crise de ce pays voisin et les voies et moyens de parvenir à un règlement politique et pacifique du conflit seront au centre de cette conférence sous l’égide des Nations unies, à laquelle une participation accrue a été annoncée.

    Plusieurs pays, à savoir, l’Algérie, qui a joué un rôle central dans les efforts de règlement de la crise, la Russie, la Turquie, les Etats Unis, la Chine, l’Italie et la France prendront part à cette Conférence sous l’égide des Nations unies, en présence de l’Union africaine, pour soutenir « les efforts de réconciliation à l’intérieur de la Libye », pays en proie à une crise depuis 2011.

    Les deux protagonistes de la crise, le président du Conseil présidentiel du Gouvernement d’union nationale (GNA) Fayez al-Sarraj et le maréchal Khalifa Haftar, ont tous les deux confirmé leur participation aux discussions à Berlin, après que les deux hommes ont accepté un cessez-le-feu en vigueur en Libye destiné à mettre fin au chaos libyen, laissé après la chute de l’ancien régime de Maamar El Gueddafi en 2011 et une intervention militaire occidentale.

    La crise en Libye a créé un vide sécuritaire mais aussi favorisé la circulation de « milliers d’armes, munitions et explosifs », en plus de l’émergence de groupes terroristes, notamment dans l’est libyen. Fayez al-Sarraj a confirmé, jeudi, sa présence à la conférence internationale à Berlin visant à lancer un processus de paix, et le Maréchal Haftar a dit être prêt « en principe » à y participer.

    Dans la capitale Tripoli, al- Sarraj, chef du GNA reconnu par l’ONU, a confirmé, via son service de presse, sa présence à la conférence, tandis qu’à Benghazi, à un millier de km plus à l’est, le Maréchal Haftar a promis sa présence lors d’un entretien avec le ministre allemand des Affaires étrangères Heiko Maas. Les positions respectives du chef du GNA, reconnu par l’ONU et basé à Tripoli (ouest), Fayez al-Sarraj, et du Maréchal Khalifa Haftar, ont été annoncées alors qu’une cessation des hostilités, globalement respectée, est en vigueur depuis dimanche aux portes de la capitale libyenne.

    Par ailleurs, le chef de la diplomatie américaine Mike Pompeo a confirmé qu’il assistera à la conférence internationale sur la Libye et fera part de son soutien aux efforts pour consolider la trêve, a indiqué jeudi le département d’Etat. Pompeo devrait exhorter les forces étrangères à se retirer de ce pays ravagé par le conflit et exiger une reprise du processus de paix sous l’égide des Nations unies, a indiqué un responsable américain.

    « L’impératif est la poursuite du cessez-le-feu », a-t-il toutefois précisé à un groupe de journalistes. Pour sa part, le secrétaire général des Nations unies Antonio Guterres avait appelé, mercredi, « à soutenir fermement » la conférence de paix pour la Libye et a invité les belligérants à confirmer la cessation des hostilités, dans un rapport remis au Conseil de sécurité de l’ONU.

    L’émissaire de l’ONU pour la Libye, Ghassan Salamé, a quant à lui indiqué avoir noté « avec satisfaction » que l’appel au cessez-le-feu en Libye a été entendu par les parties, espérant un « minimum de consensus international » à la conférence de Berlin sur la Libye. Le Kremlin a annoncé, de son coté, que le président russe Vladimir Poutine participera à ce rendez-vous. »

    Le plus important, maintenant, est qu’après la conférence de Berlin (…) les parties libyennes ne répètent pas leurs erreurs du passé en fixant e nouvelles conditions et en se lançant des accusations », a dit pour sa part lors d’une conférence de presse, le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, qui sera lui aussi dimanche à Berlin.

    A.M.

    La Tribune des Lecteurs, 18 jan 2020

    Tags : Algérie, Libye, Maroc,  Tunisie, Turquie, Russie, tripoli, Haftar,

  • Algérie : Baptême de feu international pour Tebboune à la conférence de Berlin

    Il est d’usage qu’un président fraîchement élu apporte un soin tatillon à choisir la destination de sa première sortie à l’étranger pour donner le ton de ce que sera son orientation diplomatique nouvelle.

    Le Président Tebboune n’a même pas eu le temps de faire ce choix, étant donné qu’il doit se déplacer aujourd’hui à Berlin, à l’invitation de la chancelière Angela Merkel, pour participer à la conférence internationale sur la Libye. C’est donc une urgence diplomatique qui vient percuter l’agenda politique interne. L’Algérie est un numéro majeur dans l’équation libyenne et le Président Tebboune, qui a déjà reçu la semaine dernière les chefs de la diplomatie turque, égyptienne, italienne, puis le président du Conseil italien Giuseppe Conté, aura l’occasion de défendre l’approche algérienne fondée sur le dialogue inclusif, en dehors de toute interventionnisme.

    Au-delà du contenu de cette réunion, la capitale allemande sera en quelque sorte le baptême de feu diplomatique du nouveau chef de l’État qui sera adoubé par ses homologues présents Berlin et profitera aussi de cette fenêtre d’opportunité pour asseoir sa légitimité internationale. Il est vrai que le Président Tebboune, juste après son élection, a vu une pluie de messages de félicitations, émanant de plusieurs chefs d’État et de gouvernement soulagés de voir l’Algérie sortir de la zone de turbulences pour se réapproprier son rôle d’acteur majeur dans une sous-région en proie à des soubresauts politiques et sécuritaires. Sa stature internationale, à la faveur de la conférence de Berlin, donnera incontestablement plus de poids en interne au Président Tebboune dont la marge de manœuvre sera plus large pour conduire et mette en oeuvre sa feuille de route. Un exercice d’autant ardu qu’une partie de la classe politique mais surtout le Hirak restent encore en attente de voir de signaux politiques forts qui traduiraient, pour de vraie, la rupture avec l’ancien système.

    Erdogan agite le spectre du terrorisme, en cas de renversement du GNA

    Dans un article paru hier sur le site internet Politico, et dont le timing, à la veille de la conférence internationale à Berlin sur le conflit en Libye, prévue ce dimanche, interpelle à plus d’un titre, le président turc Recep Tayyip Erdogan a mis en garde contre une résurgence du terrorisme, si le gouvernement libyen (GNA) siégeant à Tripoli, reconnu par l’Onu, venait à être renversé.

    « L’Europe fera face à une nouvelle série de problèmes et de menaces en cas de chute du gouvernement légitime libyen », écrit, ainsi, Erdogan, expliquant que « Les organisations terroristes comme l’EI et l’organisation terroriste Al-Qaïda, qui ont subi une défaite militaire en Syrie et en Irak, trouveront un terrain fertile pour reprendre pied », prévient- il. Interpellant directement l’Union européenne, le chef de l’État turc a souligné que si l’Union européenne ne parvenait pas à soutenir de manière adéquate le Gouvernement d’union nationale (GNA) dirigé par Fayez al-Sarraj, ce serait « une trahison de ses propres valeurs fondamentales, y compris la démocratie et les droits de l’Homme », a-t-il estimé, ajoutant que L’UE « doit montrer au monde qu’elle est un acteur pertinent dans l’arène internationale ».

    Erdogan trace, enfin, au marqueur l’imminente conférence de paix à Berlin qu’il considère comme « un pas très significatif vers cet objectif », non sans voir martelé que les dirigeants européens « devraient toutefois un peu moins parler et se concentrer sur la prise de mesures concrètes », a-t-il conclu. Pour rappel et après des mois de combats, qui ont fait plus de 2.000 morts, un cessez-le-feu est entré en vigueur depuis le 12 janvier mais dont la fragilité fait craindre à l’Europe une internationalisation du conflit, avec notamment l’implication de la Turquie qui a annoncé l’envoi de soldats pour soutenir le GNA.

    Par : RAHIMA RAHMOUNI

    Le Midi Libre, 18 jan 2020

    Tags : Algérie, Libye, Allemagne, conférence de Berlin, Tunisie, Maroc, Russie, Turquie, Tripoli, Haftar,

  • Conférence de Berlin, une paix à inventer

    L’Allemagne, le pays organisateur, et l’ONU, son initiatrice, auront pris tout leur temps pour que la conférence de Berlin sur la Libye, qui s’ouvre demain, à défaut d’être un complet succès, du moins ne soit pas un retentissant échec, comme l’a été pour l’essentiel celle de Palerme, en novembre 2018, à quoi par ailleurs elle ressemble par bien des aspects. Il n’en reste pas moins qu’il a fallu attendre la dernière ligne droite pour que l’on ait une idée plus précise des participants.

    L’Algérie et la Tunisie n’y auraient probablement pas été invitées si la conférence s’était tenue en octobre dernier, comme prévu initialement. Non plus d’ailleurs Fayaz el-Serraj et Khalifa Hafter qui ne l’ont été qu’à la veille de sa tenue.

    A la différence de la conférence de Palerme, qui avait rassemblé tous les pays ayant voix au chapitre dans le conflit libyen, qu’ils soient ou non militairement impliqués, mais également les deux camps libyens, celle de Berlin avait été conçue à l’origine pour réunir les grands pays d’une part, et de l’autre, les parties prenantes étrangères au conflit.

    A Palerme il s’était agi pour les participants de faire pression sur les factions libyennes pour les amener à s’engager dans un processus de paix sous l’égide de l’ONU. A Berlin, la pression ne devait s’exercer que sur les pays alliés extérieurs des deux camps libyens. C’était eux que l’émissaire onusien voulait prioritairement convaincre d’arrêter d’entretenir la crise libyenne.

    Dans cet esprit, il estimait n’avoir besoin de la présence ni des pays comme l’Algérie et la Tunisie, qui en effet ne s’étaient alignées sur aucun camp libyen, ni même de celle des Libyens, en raison de leur trop grande dépendance vis-à-vis de leurs soutiens extérieurs. Pourquoi associer à la recherche de la paix des pays qui après tout ne sont pas en guerre en Libye, ou des parties libyennes qui elles ne peuvent rien décider par elles-mêmes?

    S’il y a une paix à forger dans ces conditions, ce serait exclusivement entre leurs alliés extérieurs les plus engagés à leurs côtés. Celle qui concernerait directement les Libyens viendrait par surcroît. Si Turcs et Qataris d’un côté, Egyptiens et Emiratis de l’autre, pour ne prendre qu’eux, cessaient de s’affronter par Libyens interposés, le retour de la paix entre ces derniers serait facile, s’était dit, avec beaucoup de bon sens, Ghassan Salamé.

    Sans l’intervention de l’Allemagne, le pays organisateur, la conférence de Berlin était donc partie pour différer notablement, à la fois par son objectif et par le nombre réduit de ses participants, de celle de Palerme. Ce sont les Allemands qui ont invité les parties dont Ghassan Salamé avaient pensé qu’elles ne seraient d’aucune utilité, les unes parce que justement elles n’étaient pas en guerre, et les autres parce qu’au contraire elles ne faisaient que ça, à la fois pour elles-mêmes et pour le compte d’autrui.

    Un autre aspect mérite d’être relevé qui ne risquait pas de faire son apparition la veille de la conférence de Palerme. La Turquie a attendu la veille de la conférence de Berlin pour annoncer l’envoi de soldats en Libye.

    Une conférence internationale s’apprête à s’ouvrir, et le président turc, qui probablement y sera présent en personne, ne trouve rien de mieux à faire que de parler de dépêcher son armée, dans ce pays même qu’il s’agit de tirer des griffes de la guerre ! Or Recep Tayyip Erdogan ne s’est pas contenté de faire cette annonce, mais a promis par la même occasion de donner une leçon mémorable au général Haftar, dans le cas où celui-ci continuerait de menacer le gouvernement de Tripoli. On se croirait revenu au 16e siècle, au temps de la conquête ottomane de Tripoli.

    Le Jour d’Algérie, 18 jan 202

    Tags : Algérie, Libye, Tunisie, Haftar, Turquie, Russie, Allemagne,

  • Libye : les occidentaux cumulent naïveté et erreurs géopolitiques en série

    Alors que la « communauté internationale » soutient toujours le gouvernement d’Al-Sarraj (Frères-musulmans et pro-turc) de Tripoli, lié à un parlement illégitime, les pays en guerre contre les Frères-musulmans, Emirats, Egypte et Russie (France officieusement) soutiennent l’armée du Maréchal Haftar, quant à lui soutenu par le Parlement légitime de Tobrouk (le plus récemment élu démocratiquement) et qui tente de prendre la capitale libyenne. Ce dernier vient d’ailleurs de s’emparer de Syrtes, un revers important pour le camp Sarraj qui bénéficie en revanche du renfort de jihadistes et miliciens islamistes que l’armée turque exfiltre de Syrie depuis quelques temps…. Alexandre del Valle revient sur les forces en présence, locales, régionales et étrangères, et sur l’incroyable faute de l’Occident et notamment du gouvernement français de l’épique, qui ont ouvert une incontrôlable boîte de pandore islamo-terroriste en renversant le régime de Mouammar Kadhafi en 2011 comme les Américains Saddam Hussein en Irak en 2003. Alexandre del Valle a notamment rencontré le géopolitologue Mourad al-Attab, proche de Saîf al islam Kadhafi, dont il évoque les chances de retour dans son dernier ouvrage.

    Lors de l’intervention franco-anglo-américaine de 2011, présentée comme un « appui à la révolution démocratique libyenne », puis après la mort de Kadhafi, assassiné en octobre 2011 par des milices islamistes libyennes appuyées par les services-action de plusieurs pays occidentaux, les va-t’en guerre français et anglais, BHL-Sarkozy en tête, annoncèrent une « ère démocratique nouvelle ». Les Libyens purent fêter ainsi la mise en place inédite d’élections libres. Peu d’observateurs et médias occidentaux n’osaient toutefois évoquer le passé et la nature clairement islamiste, voire terroriste, de nombreux protagonistes de cette nouvelle Libye, tel Abdelkarim Belhadj, ex-combattant en Irak au sein du Groupe islamique combattant libyen d’Al-Qaïda en Irak et de son chef, Zarkaoui, précurseur de Daech… Ce dernier, qui fut reçut officiellement à Paris et ailleurs comme un « combattant de la Liberté », devint vite, après avoir fait masaccrer Kadhafi, le « gouverneur militaire de Tripoli ». On connaît la suite de cette « plus grande faute géopolitique de la Vème République ».

    Forces en présence: Haftar versus Sarraj

    Les Nations Unies soutinrent dès le début le Gouvernement d’Accord National (présentable) de Fayez Al-Sarraj, à Tripoli, et son Parlement, depuis lors caduc et battu par un nouveau Parlement légitime réfugié à Tobrouk, dans l’Est du pays. Ce dernier soutient et est soutenu militairement par le Maréchal Haftar et son Armée nationale libyenne, résolument opposés aux islamistes frères-musulmans pro-turcs de Tripoli et à leurs milices islamistes-jihadistes de Misrata. Récemment, les troupes de Haftar, qui contrôlent la plus grande partie du pays, à l’Est et au Sud et au Centre, ainsi que la majeure partie des puits de pétrole du pays, ont réussi à prendre la ville de Syrtes. Face au Maréchal, les troupes pro-Sarraj, à l’Est, soutenues par la Turquie, le Qatar, et officieusement les Anglais, font dans l’équilibrisme en se présentant comme le gouvernement légitimé par les Nations unies (mais lié à un Parlement illégal), tout en s’appuyant sur les milices islamistes fréristes et jihadistes venues de Syrie ou d’ailleurs… Rappelons que Al-Sarraj bénéficie non seulement du soutien des Nations Unies mais surtout de celui des Frères musulmans, de leurs milices, et de leurs deux parrains politiques, militaires et financiers: le Qatar et la Turquie d’Erdogan, qui voudraient faire de ce pays leur chasse-gardée face à l’avancée du Maréchal Haftar. Il est vrai que ce dernier prône un gouvernement nationaliste/anti-islamiste dans la lignée de Kadhafi, d’où le soutien qu’il reçoit des Émirats Arabes Unis, de l’Egypte et même de l’Arabie saoudite de MBS qui livrent une guerre totale contre les Frères-musulmane, « matrice de l’islamisme et du jihadisme ».

    La Libye est donc coupée en deux depuis 2014, et sa déstabilisation depuis le « printemps arabe » – devenu un « hiver islamiste » – s’apparente à un véritable cauchemar sécuritaire : nombre de mercenaires libyens et Africains formés en Libye sont partis depuis dans des pays d’Afrique noire avec des stocks d’armes qui alimentent depuis le jihadisme en train d’ensanglanter de nombreux pays subsahariens et sahéliens, à commencer par le Centre-Afrique et les pays du G5 Sahel, que la France soutient. En 2017 Emmanuel Macron a ainsi tenté, sans succès, de réconcilier Haftar et Al-Sarraj en vue de stabiliser la Libye qui occupe une position stratégique pour l’Afrique subsaharienne, actuellement gagnée par le virus jihadiste, et pour l’Europe, en proie au « risque migratoire », puisque c’est des côtes libyennes que partent la majorité des émigrés clandestins venus d’Afrique mais aussi que peuvent passer des jihadistes

    D’une certaine manière, la présidence de Macron essaie de remédier au chaos jihadiste que le gouvernement Sarkozy avait créé en renversant un régime – certes peu démocratique -mais qui avait le mérite de lutter contre le jihadisme et qui contrôlait les flux migratoires en Méditerranée orientale..

    Un « chaos durable »: l’impossible réconciliation entre les deux ennemis libyens représentants de forces régionales antagonistes

    Pour tenter de remédier à ce chaos, la Russie de Vladimir Poutine et son allié contre-nature, la Turquie d’Erdogan (la première soutenant Sarraj et la seconde Haftar) ont amorcé un processus de dialogue entre les deux principaux camps antagonistes, en recevant lundi dernier, à Moscou, le chef du gouvernement reconnu par l’ONU, Fayez el-Sarraj, et l’homme fort de l’Est, Khalifa Haftar. L’accord de cessez-le-feu, parrainé par les ministres des affaires étrangères russe, Sergueï Lavrov et turc, Mevlut Cavusoglu, portaient sur les modalités du cessez-le-feu proclamé dimanche 12 janvier, à la suite de l’appel commun des présidents Poutine et Erdogan. Le chef de la diplomatie turque a beau avoir annoncé un ambitieux « processus politique sous le patronage de la Russie et de la Turquie », peu d’observateurs semblent partager son optimisme, et le cessez-le-feu a déjà été violé maintes fois… Mieux, le maréchal Haftar, bien qu’appuyé par la Russie, a posé des conditions drastiques à la signature de l’accord, pour le moment uniquement signé que par son rival Sarraj. En toute logique, il n’a pas intérêt à le signer, et encore moins à envisager une réunification du pays avec des forces islamistes que ses protecteurs combattent à mort: Frères-musulmans et Turquie néo-ottomane d’Erdogan. Pour Haftar, un accord n’est aucunement envisageable sans la dissolution préalable des milices islamo-jihadistes qui soutiennent Sarraj, donc sans le renvoi des mercenaires syriens islamistes et des soldats turcs de plus en plus présents en Libye qu’Erdogan a fait exfiltrer de Syrie et des camps turcs. Le président turc voudrait, comme en Syrie, négocier une « zone d’influence » turque, comme par hasard en Libye occidentale, avec les miliciens de Misrata, descendants de colons turcs-ottomans, et avec le gouvernement de Fayez Sarraj, lui aussi descendant de Turcs avec qui Ankara a signé un accord de partage des eaux souveraines en Méditerranée en vue de l’exploitation de gaz et pétrole off-shore…. Face à cet état de fait inacceptable, Haftar exige de l’ONU que soit créé un comité dédié au désarmement et il refuse également toute médiation turque dans le dossier libyen, sachant que selon l’accord qu’il a refusé de signer à Moscou, des officiels turcs devaient faire partie du comité de cessez-le-feu, point inacceptable pour le maréchal Haftar pour qui la Turquie est une force ennemie qui soutient les Frères musulmans, leurs milices et des groupes jihadistes libyens, syriens et « internationaux ». Ceux-ci voient dans ce pays en plein chaos une nouvelle terre de jihad après leur départ de Syrie forcé par la victoire du régime d’Assad. Le camp de Khalifa Haftar réclame également l’instauration d’un réel « gouvernement de réconciliation nationale » qui regrouperait tous les Libyens, avec l’aval du Parlement de Tobrouk, le dernier élu, donc le seul légitime.

    Auteur de nombreux essais philosophiques, économiques et géopolitiques, le chercheur Morad El Hattab, qui vient de signer un ouvrage très éclairant sur la Libye (Saïf al Islam Kadhafi. Un rêve d’avenir pour la Libye*), déplore la façon dont « la France a été progressivement amenée à agir contre ses propres intérêts en Libye ». Patriote fervent, attentif à la défense des intérêts souverains de la France, EL Hattab a répondu aux questions d’Alexandre del Valle.

    Alexandre Del Valle : La France a-t-elle tort d’intervenir en Libye en 2011, pour y renverser le pouvoir de Mouammar Kadhafi ?

    Morad El Hattab : Il est bon en effet de rappeler que cette intervention en Libye a eu lieu il y a déjà neuf ans. Ce qui permet aujourd’hui d’avoir un certain recul et de juger l’arbre à ses fruits. Nous pouvons donc objectivement comparer la situation avant et après l’intervention occidentale en Libye, c’est un premier point : la Libye était devenue l’État le plus stable et le plus prospère d’Afrique, avec un système de redistribution avancée et une émigration tout à fait limitée.

    Nous pouvons aussi en effet, nous demander si cette intervention servait réellement les intérêts stratégiques de la France, ou bien au contraire, s’il s’agissait de servir des intérêts particuliers : nommément l’intérêt personnel de Nicolas Sarkozy (je développe pourquoi dans le livre), mais dans le cadre d’une lecture économique plus globale consistant à sauver le pétrodollar. Plus globalement, il y a toute une profondeur historique oubliée de la question libyenne qui est rappelée dans la première partie de l’ouvrage : non seulement la France a agi contre ses intérêts stratégiques, alors que ses relations avec la Libye étaient au beau fixe. Mais en plus, ce n’est pas la première fois que la France a été détournée à la fois par des intérêts personnels et par des intérêts étrangers, concernant précisément la Libye : je rappelle l’épisode des découvertes du pétrole du Fezzan par Conrad Killian, et la façon dont il fut assassiné en 1950 par les Services britanniques, pour avoir voulu servir les intérêts stratégiques français et le bien-être des populations locales de tout le Sahara. En ce sens, une profondeur historique est nécessaire pour comprendre que nous revivons les mêmes situations à 50 ans d’intervalle : « ceux qui oublient l’Histoire se condamnent à la revivre »…

    ADV: Vous voulez dire que la France a servi des intérêts étrangers en Libye, à la fois dans le passé et à notre époque ? Cette idée serait d’autant plus dérangeante, car nous voyons aujourd’hui que les conséquences de la déstabilisation de la Libye en 2011, par le trio anglo-américano-français, ont notamment engendré des vagues de migrants qui touchent certes l’Italie, mais aboutissent ensuite en France.`

    Morad El Hattab: C’est juste, et c’est lié : plus précisément, je dis que la France a été détournée non pas une fois mais deux fois dans l’Histoire récente, pour oublier ses intérêts stratégiques en Libye, au bénéfice d’intérêts étrangers… Et que ces luttes d’influence sont fort peu comprises en France aujourd’hui.

    Vous avez surtout raison de préciser qu’il s’agissait du trio « anglo-américano-français », qui est intervenu en Libye, mais je détaille les raisons pour lesquelles ce trio était en soi une absurdité : parce qu’historiquement les anglo-américains étaient rivaux et non pas alliés en matière pétrolière, mais que malheureusement la France est toujours restée la proie de cette rivalité, la proie du pétrole britannique spécialement, alors que les États-Unis étaient plutôt alliés de la France, étonnamment (je détaille ces éléments dans le livre). C’est-à-dire que l’intervention de 2011, fut l’aboutissement au grand jour de ce qui n’était auparavant connu que des initiés : le défaut de planification stratégique française en matière pétrolière, malgré une parenthèse récente (je dirais : « entre De Gaulle et Christophe de Margerie »… les initiés comprendront !), a abouti en 2011 à ce que nous ne soyons rien d’autre qu’un supplétif et un vassal, dans le cadre d’un partage anglo-américain du pétrole mondial. Sauf que ce partage du pétrole s’est fait au gré de luttes occultes dont nous n’avons pas fini de payer les conséquences aujourd’hui…

    ADV : Haftar est venu en France au printemps dernier. Pourquoi la France le soutient-elle alors que l’ONU et les États-Unis et la Grande-Bretagne soutiennent Fayez el-Sarraj ?

    Morad El Hattab : Globalement, parce que la France est actuellement détournée par certaines personnes qui ont été cooptés, mais qui n’ont pas conscience des intérêts stratégiques français. Voire pire, qui ont été coopté précisément, parce qu’ils n’allaient pas servir les intérêts stratégiques français… Alors oui, en effet : nous persistons à agir en dépit du bon sens partout dans la zone sahélo-saharienne, de façon tellement grossière que l’on pourrait même se demander parfois si ce n’est pas fait exprès !

    Et nous en voyons les conséquences, ces derniers jours à Moscou : seule la France n’était pas conviée, alors que je rappelle dans mon livre que nous aurions normalement dû avoir plus d’une raison d’être légitimes, à avoir voix au chapitre en Libye. Mais quelque part, ce livre, en rappelant toutes ces raisons, redonne indirectement une légitimité historique de la France en Libye, alors même que nos gouvernements depuis 2011, ont agi délibérément contre les intérêts stratégiques français et continuent de le faire aujourd’hui, en 2020…même si le Président Emmanuel Macron a déclaré en août 2019 qu’il lutterait contre cet « état profond », déclarant « qu’il ne voulait pas être otage de gens qui négocient » à sa place !

    C’est à chaque Français de prendre conscience de tout cela et de se poser de meilleures questions, et ça commence par lire des livres qui posent réellement les bonnes questions et y apportent des réponses au moins satisfaisantes pour l’esprit. L’action ne peut venir qu’après, en ayant réellement compris un sujet et non ce qu’en disent certains médias « français » qui n’aiment plus la France…

    Pour rappel, et fait étrange, le seul mort français de la guerre en Libye fut Pierre Marziali, un ancien du 3e RPIMA (régiment de parachutistes d’infanterie de marine)…manifestement exécuté alors qu’il servait, avec Robert Dulas, les intérêts de la France…sous couvert de la Secopex, une société militaire privée française !

    ADV : Dernière question : une collaboration entre Haftar et Saïf Al-Islam serait-elle possible, sinon souhaitable ou non souhaitable ?

    Morad El Hattab : C’est une question qui ne semble pas à l’ordre du jour ici, car il me semble qu’Haftar pense bénéficier encore aujourd’hui de l’inertie de la dynamique militaire enclenchée depuis le printemps dernier. Il vient de repartir de Moscou à la surprise générale sans avoir signé l’accord proposé aux belligérants qu’il avait validé oralement la veille !

    Pourtant, on peut envisager en quelque sorte un phénomène d’aiguillonnement ou de contrôle réflexif : Haftar est utile aussi longtemps qu’il sert de marteau contre l’enclume turque, et que les djihadistes de tout poil sont entre les deux… Il sera toujours temps ensuite, pour chacun des acteurs, de s’entendre ensuite en bonne intelligence une fois que les combats baisseront en intensité… faute de combattants. Chaque acteur sera ensuite entre deux voire trois influences, et c’est un ensemble de tractations qui aboutiront à un équilibre, par l’intelligence ou par la pression, d’où qu’elle vienne…

    Comme en Syrie, la diplomatie ne va faire que traduire le sort des armes, avant seulement qu’une solution politique ne devienne envisageable. Au minimum, nous pouvons considérer tout de même depuis la victoire de Trump, que c’est une dynamique de désescalade et de désarmement des djihadistes qui a été enclenchée, en Syrie comme en Libye. Le règlement au Sahel ou ailleurs viendra ensuite…

    ADV : Peut-on affirmer que les Occidentaux jouent avec le feu en Libye, en aidant les forces mondialistes et djihadistes alliées pour l’occasion (tant pro-Frères Musulmans avec le clan el-Sarraj, qu’avec les autres djihadistes) ? L’opération de renversement de Kadhafi avait bien été orchestrée par les Occidentaux en 2011, en s’appuyant sur des anciens d’Al Qaïda comme Abdelhakim Belhadj ou d’autres… Pouvez-vous développer ce point qui était caché au public mais qui commence à être dévoilé ?

    Morad El Hattab : De fait, les Occidentaux ont joué avec le feu en Libye, c’est absolument évident. Mais en fait ce ne sont pas les « Occidentaux » qui ont joué avec le feu : ce sont des luttes d’influence ancienne au sein de l’Occident, qui ont abouti au détournement de l’Occident. Un détournement par des forces à la fois affairiste et mondialistes (monopolisme spéculatif), unies pour démolir des États souverains en instrumentalisant n’importe quelle force supplétive pourvue qu’elle ait du mordant. Je cite par exemple Laurent Fabius, qui parlait du « bon boulot » des djihadistes d’al-Nosra en Syrie… Le même Fabius qui répondait « c’est la vie » avec une outrecuidance consommée, lorsque le Ministre russe des Affaires étrangères lui fit remarquer que les armes des djihadistes que combattait l’Armée française venaient… de la France (lorsque la France avait armée les djihadistes libyens) ! Fabius représentait-il alors « les Occidentaux », ou la volonté du peuple français ? Question bien dérangeante, qui conduirait à nous interroger sur la « fiction démocratique » que prône actuellement l’Occident…

    ADV: Dans ce contexte d’un certain retour au bon sens, quel est alors le jeu actuel des grands pays occidentaux concernant le pétrole libyen ?

    Morad El Hattab : Je pense qu’il y a une entente subtile, comme je l’ai dit, pour liquider les djihadistes utilisées par les uns et par les autres d’une part, mais aussi pour organiser le futur partage du gâteau pétrolier. C’est-à-dire que les États-Unis acceptent en quelque sorte, depuis Trump, de mettre un coup d’arrêt à leur utilisation antérieure des djihadistes depuis la guerre d’Afghanistan ; mais de l’autre côté, ils ne vont pas saper l’intégralité de leurs chances d’obtenir des parts du gâteau libyen. Ceci, indépendamment des questions de morale ou de souveraineté : l’Histoire pétrolière est une Histoire de « partage du gâteau », émaillée de guerres scélérates dans laquelle les pays faibles ou gênants sont broyés. Aussi longtemps que l’on n’interroge pas la décadence et l’origine de la décadence du modèle économique occidental, on ne peut que le constater. J’en parle également dans le livre…

    ADV : Parlons de ces conséquences : quelles sont-elles aujourd’hui, début 2020? Quels effets ont été engendrés par la guerre de 2011, sur le reste de l’Afrique Sahélo-saharienne : en termes de prolifération des mafias, des migrants illégaux, des trafics d’armes et de développement des groupes djihadistes ?

    Morad El Hattab : Comme l’a déclaré récemment Sergueï Lavrov, le ministre russe des Affaires étrangères : «L’État libyen a été bombardé par l’Otan en 2011 et nous – surtout, bien sûr, le peuple libyen – récoltons toujours les conséquences de cette aventure criminelle et illégale».

    Les conséquences sont en effet énormes, mais nous ne pouvons pas dire que nous l’ignorions : les vrais spécialistes de la région et les services secrets occidentaux n’ont pas été écoutés, je le détaille dans mon livre, alors que nous savions pertinemment que la Libye était la clé de plusieurs équilibres géostratégiques africains mais également européens. Comprendre ceci supposerait d’évoquer l’Histoire bien plus ancienne de la Libye. Depuis 3000 ans, la Libye est le pays des contraires et de la dualité : dualité ancienne entre l’Égypte grecque et Carthage, dualité plus globale entre une bande côtière relativement hospitalière et un désert qui l’est bien moins, dualité plus globale entre mentalité pastorale et mentalité agricole… Avec surtout une conséquence : la difficile mise en valeur du pays, qui est une constante en Afrique du Nord (hors Maroc et Egypte). Cette constante engendre une violence latente, la difficulté d’y maintenir des États stables, et la facilité d’y entretenir des foyers de troubles en donnant par les armes, une perspective aux désespérés…

    On oublie trop facilement que la fonction d’un État, c’est la paix sociale. Ce qui veut dire a contrario que détruire l’État libyen, dont la stabilité était remarquable avant 2011, allait évidemment conduire à une instabilité persistante, dont les causes seraient multiples.

    ADV : Vous voulez dire que cette intervention a ouvert une boîte de Pandore, en libérant des instabilités chroniques qu’il était facile de réveiller puis d’entretenir ensuite ?

    Morad El Hattab : C’est exactement cela, et c’est d’une tristesse insondable parce que ceci était évitable ! Nous savons que la Libye était la clé des équilibres de toute l’Afrique du Nord, et pourtant nous l’avons démolie. La vassalisation progressive de la France en matière pétrolière, a engendré une complicité de guerre. Le pire est que ce pays a été démoli d’une manière tellement injuste, que les conséquences qui nous touchent d’ores et déjà, sont regardées comme légitimes et nourrissent en retour les arguments des djihadistes ! Or la France, contrairement à la Grande-Bretagne et aux États-Unis, n’est pas maîtresse du jeu et ne va faire que subir les conséquences, comme elle les subit déjà depuis les attentats de 2015… En démolissant la Libye, c’est en effet tout l’équilibre de l’Afrique Sahélo-saharienne qui a été perturbée. Et cette perturbation est entretenue aujourd’hui par des logiques totalement mafieuses, illustrant pour qui avait pu l’oublier, que quand les États sont artificiellement démolis, ils sont remplacés par les mafias. Les trafics d’armes, d’êtres humains, de drogues, ne sont que des conséquences évidentes qui se cachent derrière l’argument bien facile du « djihadisme ».

    ADV : Voulez-vous dire par là que le terrorisme islamique serait en fait l’appellation officielle d’une réalité beaucoup plus terre-à-terre ? Une simple logique mafieuse ?

    Morad El Hattab : Je dirais qu’il y a en fait deux logiques superposées :

    Premièrement, une logique réellement impérialiste mais pragmatique, consistant à diviser pour mieux régner, en remplaçant les États musulmans stables par des zones d’instabilités persistantes : regardez l’Irak, regardez la Libye, et regardez ce qui a été mis en échec en Syrie grâce à l’intervention russe… Dans tous les cas, il s’agissait d’empêcher des États de conserver leur souveraineté sur leurs matières premières stratégiques d’une part, sur leur monnaie d’autre part (je détaille ce point spécialement dans le livre, concernant la Libye).

    Deuxièmement, une logique idéologique de « choc des civilisations » par définition artificielle, consistant à faire oublier les anciens États musulmans stables, pour les remplacer par une idéologie djihadiste composite (qu’il s’agisse des wahhabites, des Frères musulmans ou de la confrérie Gülen en Turquie…). Et après il est facile de trouver un nouvel ennemi djihadiste, et de s’en servir à la fois contre les États récalcitrants, qu’ils soient musulmans ou occidentaux. Mais ce deuxième point soulève d’autres questions plus dérangeantes encore…

    ADV : Quel genre de questions dérangeantes ?

    Morad El Hattab : Et bien, pensez aux cartels mexicains, à travers un seul exemple : la banque Wachovia qui a été étrillée il y a quelques années, pour avoir blanchi plus de 300 milliards $ des cartels mexicains de la drogue. Un fait documenté dans les médias officiels, mais qu’on se garde bien de rappeler tous les jours. Ceci veut dire a contrario, que pour tuer ces mafias de la drogue, il suffirait simplement de couper leurs canaux financiers. La drogue des cartels mafieux nourrirait-elle le système financier mondial ? C’était ce que disait Denis Robert il y a quelques années, et ceci… devrait attirer notre attention.

    Par extension, l’État Islamique : on nous a vendu une « génération spontanée » de cette organisation, du jour au lendemain. Alors qu’il vendait son pétrole par des canaux qui ont été identifiés, dénoncés, et d’ailleurs bombardés copieusement par les soi-disant « méchants » Russes dès le début de leur intervention en Syrie… Alors qui combat de quel côté ?

    Entre-temps, ce fut l’étape de la guerre de Libye : je détaille dans mon livre, la façon dont les « insurgés » soi-disant Libyens qui n’avaient même pas encore gagné « leur » guerre contre Kadhafi, n’ont rien trouvé de mieux à faire que de créer une banque nationale libyenne. Des initiés de l’époque en avaient conclu que nous n’avions pas ici affaire à une banque de « pieds nickelés », mais à des réseaux bien plus organisés (détails et références dans le livre). Ça veut dire que nous aurions de fait, une alliance des cartels bancaires et des mafias, quelle que soit leur coloration idéologique « officielle », contre les États constitués. Et les peuples, qu’ils soient musulmans ou occidentaux, sont égaux face aux conséquences : les terroristes massacrent indifféremment des musulmans dans le monde musulman, et des Européens chrétiens ou non, en Europe… Il devient peut-être urgent de se poser de meilleures questions quant aux causes et conséquences de tout cela, et c’est l’objet global de mon livre.

    ADV : D’accord, et donc si je vous comprends bien, il y aurait d’un côté certaines banques et de l’autre côté les mafias, dont les intérêts se rejoindraient à un certain point du raisonnement ? Mais quelle serait la place du terrorisme entre les deux ?

    Morad El Hattab : C’est globalement ça. Ce qui implique deux questions distinctes ici.

    Premièrement, sur le lien entre banques et mafias : ce n’est pas moi qui le dis, c’est documenté largement par bon nombre d’initiés, et il y en a des traces souvent subtiles dans des œuvres grand public : pensez au film Sicario, sorti il y a quelques années, sur ses affaires de cartels mexicains mais avec de subtiles références aux banques blanchisseuses. Voyez également la décennie 1990 en Russie et ce que l’on appelait commodément la « mafia russe » : on pouvait difficilement croire que les banques blanchisseuses n’étaient pas au courant, et il y a eu toute une chaîne d’intérêts partagés entre des prévaricateurs publics, des enrichissements sans cause privés, des connexions mafieuses évidentes, et des banques occidentales également intéressées.

    Deuxièmement, sur la place du terrorisme : il conviendrait plus précisément de parler de « troupes mercenaires irrégulières », commettant des actes de terrorisme, et auxquelles on donnerait artificiellement une coloration idéologique afin de présenter leur combat comme quelque chose d’autre que ce qui n’est réellement. Le « djihad » plutôt que les intérêts des cartels bancaires de Wall Street ou de la City, par exemple, c’est quand même plus « mobilisateur », voyez-vous ? Alors évidemment, c’est plus facile avec des djihadistes prétendument « musulmans », qu’avec des mafieux et autres narcotrafiquants, qui auront du mal à prétendre qu’ils font cela « pour le Christ ». Pourtant, on n’a pas de mal à prétendre que les djihadistes massacrent des gens « pour le Prophète »…

    ADV : Attendez, mais les djihadistes sont musulmans, non ?

    Morad El Hattab : Certes, officiellement tout du moins. On dirait juridiquement qu’ils sont « réputés » musulmans, en effet. Mais de la même manière que l’on a considéré hier les Russes comme étant tous « bolcheviques », alors que les Russes ont subi de plein fouet le bolchevisme, en tant qu’idéologie artificielle. Or ceci nous a coûté une Deuxième Guerre mondiale générée en bonne partie artificiellement : rappelez-vous que l’on fait des guerres pour des intérêts et non pas pour des idéologies. On maquille avec des idéologies des guerres d’intérêt, nuance !

    Concrètement, dans notre cas d’espèce : on a maquillé une guerre de Libye « pour protéger des populations civiles », alors qu’il s’agissait de sauver le pétrodollar et les banques de Wall Street comme de la City. Ce fut une guerre instrumentalisant des djihadistes utilisés comme troupes mercenaires irrégulières, pour démolir un État qui voulait conserver sa souveraineté pétrolière et monétaire. Le clou du spectacle, c’est qu’on a retrouvé des traces parfaitement documentées de tout ceci dans les fuites de Wikileaks contre Hillary Clinton, et dans la source militaire « Qanon » : c’est-à-dire qu’une lutte d’influence a eu lieu aux États-Unis, afin d’arrêter une logique de guerres illégitimes menées par les États-Unis, au nom de certains intérêts particuliers dont Hillary Clinton était en quelque sorte, la « VRP ». Ceci ne peut pas être compris par des gens qui découvrent le sujet, et nous amènerait à d’autres développements…

    ADV : D’accord, alors si je récapitule : on a utilisé des mercenaires estampillés « djihadistes », pour démolir la Libye, parce qu’elle voulait conserver la souveraineté sur son pétrole ?

    Morad El Hattab : Et sa monnaie ! Sur le pétrole, c’est globalement l’idée. Mais il faut comprendre ceci dans un cadre plus vaste : le pétrole, en plus d’être une matière première stratégique, a été l’accélérateur de la financiarisation du monde. Une multiplication par 10 de la puissance des grands cartels bancaires, épicentrés à Wall Street et la City, par la grâce du pétrodollar depuis les années 1970. Je récapitule ces éléments dans le livre, ainsi que l’histoire oubliée des « pré-chocs » pétroliers de Kadhafi, lorsque Mouammar Kadhafi avait gagné son bras de fer dans un certain contexte précis, contre les pétroliers américains.

    Mais il y a ici une connexion « mondialiste » qui fait le lien entre tous les sujets : les intérêts des cartels bancaires anglo-américains, sont contraires aux intérêts des États, y compris des États-Unis en tant qu’État. En arrière-plan des luttes pétrolières, il y a des luttes plus globales pour la cooptation des têtes dirigeantes de ces États, nommément les États-Unis ici. Je récapitule dans le livre une trame « mondialiste » (ou « internationaliste », comme énoncé dans les mémoires de David Rockefeller), permettant de comprendre toutes ces interdépendances qui ont donné lieu à des luttes d’influences terribles. Mais l’élément modificateur majeur est récent : c’est en Libye qu’a eu lieu l’événement qui a été indirectement, à l’origine de la victoire de Trump contre Hillary Clinton. Tous ces détails sont dans le livre et je ne peux évidemment tout développer ici. Mais le lecteur averti trouvera des éléments peu communs sur toutes ces interdépendances…

    ADV : Vous faites ici référence à l’affaire de Benghazi, en septembre 2012, lorsqu’un ambassadeur américain a été assassiné par des terroristes djihadistes ?

    Morad El Hattab : C’est cela même, et ce fut une affaire bien suspecte. Or, c’est à partir de cette époque que de nombreux initiés au sein de l’Armée du Renseignement américain, ont rendu compte d’une lutte idéologique et d’une dynamique de contre-influence à l’intérieur de l’appareil d’État américain. L’une des principales conséquences s’est dévoilée contre Hillary Clinton, et Trump a été en quelque sorte un candidat coopté par le Renseignement militaire et l’Armée américaine, pour marquer un coup d’arrêt dans l’instrumentalisation imprudente des forces armées américaines, en Libye ou ailleurs. Car des soldats américains meurent aussi au Sahara aujourd’hui, du fait des conséquences de cette guerre de Libye. En octobre 2017 notamment, avec l’embuscade de Tongo au Niger. Là encore, des questions dérangeantes restent en suspens, mais on remarque que la victoire de Trump a marqué une inflexion majeure dans les positions des États-Unis, dans toutes les zones auparavant frappées par le djihadisme.

    ADV : Alors justement, à présent : pouvez-vous nous brosser un tableau des interdépendances qui ont eu pour point de départ cette déstabilisation de la Libye, spécialement sous l’angle de l’alimentation du djihadisme en Afrique, au Mali, au Burkina Faso, au Niger et ailleurs ?

    Morad El Hattab : Tout d’abord, il est primordial aussi que l’Union africaine, les pays du Sahel, le Maroc, la Tunisie, et principalement l’Algérie, soient à l’avenir invités à toutes les réunions, leur absence est un non-sens absolu sur le plan géopolitique ! L’Algérie qui est actuellement visée par une tentative de déstabilisation à ses frontières par les djihadistes et qui a déjà subi une lourde attaque à In Amenas en 2013 veut empêcher tout prix, comme l’exprimait l’ancien Premier ministre Abdelmalek Sellal, que la Libye devienne le « Libyenistan ».

    Concernant les interdépendances, nous subissons deux fois la même Histoire, à partir des mêmes constantes stratégiques : le sud-est comme le sud-ouest de la Libye correspondent à deux nœuds stratégiques qui sont des couloirs de migrations historiques. Les nouvelles routes de la drogue en provenance d’Amérique du Sud renforcent des mafias qui renforcent le djihadisme, deux phénomènes étroitement liés.

    Les conséquences sont doubles pour la France, impliquée dans ces pays qu’elle ne peut prétendre stabiliser sans toucher aux réelles causes :

    1-le recul inexorable de l’influence de la France, touchée par les mêmes phénomènes de lutte d’influence interne à l’État français, qui aboutissent à traiter le djihadisme de la mauvaise façon, en méprisant les véritables héritiers de l’ancienne expertise française (voyez notamment Bernard Lugan, qui constitue une école universitaire à lui tout seul !).

    2-le remplacement inexorable de la France dans toute la zone : par les anglo-américains d’une part (notamment grâce à des opérations comme la Libye ou la France bien plus que tout autre pays, a été lourdement discrédité et continu à se discréditer) ; par la Russie d’autre part, dont on voit depuis la Syrie, qu’elle sait traiter les problèmes comme ils doivent être traités…

    Mais plus globalement, tous les États impliqués, sur place ou ailleurs, sont face aux mêmes logiques mondialistes s’appuyant sur les mafias… C’est ça, le sujet le plus dérangeant, et tous les États sont menacés conjointement par les mêmes phénomènes.

    ADV : Ce point mérite développement : vous parlez dans le livre des stratégies de déstabilisation par l’explosion d’émigration illégale voulue par des forces mondialistes. Pouvez-vous préciser ce point ?

    Morad El Hattab : « Mondialiste » ou « internationaliste », est une référence aux mémoires précitées de D. Rockefeller. Par extension, elle correspond à la collusion d’intérêts privés parfaitement identifiables, s’appuyant spécialement sur le contrôle monétaire et le contrôle des matières premières stratégiques : des cartels bancaires et monopolistes interdépendants qui se sont développés depuis 300 ans à partir de la City puis de Wall Street. Ces éléments sont parfaitement documentés, et pourtant très peu étudiés. Ceci, parallèlement aux activités mafieuses dont bénéficient plus ou moins directement les banques au final : de la Russie des années 1990 avant l’élection du Président Poutine ou de toute la zone sahélo-saharienne aujourd’hui…

    Dès lors, l’idée est simple : le trafic d’êtres humains n’est qu’une activité additionnelle dans la région, de la même manière que depuis des années, les mafias des pays de l’Est trafiquent également des êtres humains, à fin notamment de prostitution. Tous ces couloirs et tous les pays qu’ils traversent ont donc été contaminés par les mêmes logiques « jihado-mafieuses ».

    Par contre, une double logique idéologique additionnelle se greffe sur ce trafic d’êtres humains : l’une ancienne, l’autre nouvelle. L’ancienne, c’est « l’armée de réserve (importée) du capitalisme », c’est-à-dire le fait d’importer des forces de travail sous-payées, dans une optique de maximisation des profits des grands groupes monopolistes. Ce n’est qu’un changement d’échelle d’une logique qui préexistait déjà : depuis des années, la partie la moins patriotique du haut patronat français avait délibérément promu cette importation de main-d’œuvre à bas coût. Mais elle se double à présent d’une nouvelle logique additionnelle et délibérément subversive, à partir de la même idée : diviser et diluer sciemment les populations occidentales en important des populations étrangères, qui sont comme par hasard, parmi les moins expérimentées et éduquées pour comprendre avec recul les luttes sociales et économiques en Occident. Ce point est documenté précisément dans le livre, mais il faut bien comprendre que cette logique porte un nom : c’est de la pure subversion, et elle est préméditée !

    ADV : Pour revenir à la Libye : vous affirmez que Saïf al-Islam Kadhafi est légitime, qu’il est injustement pris à partie par la CPI et qu’el-Sarraj au contraire, est illégitime, incompétent et qu’il est l’homme de la Turquie d’Erdogan sur place. Pouvez-vous nous expliquer davantage la stratégie de la Turquie néo-ottomane en Libye et ailleurs, et les liens de suggestions et collaborations entre el-Sarraj et Erdogan.

    Morad El Hattab : Fait important, et volontairement ignoré par certains, le Haut Conseil des villes et des tribus libyennes a nommé dès 2015 Saïf al-Islam Kadhafi chef du Conseil suprême des tribus libyennes. Autre point, Khalifa Haftar s’est autoproclamé chef de l’Armée nationale libyenne, quant à Fayez el-Sarraj, il est reçu comme le Premier ministre du Gouvernement libyen d’union nationale (né des accords de Skhirat) alors qu’il n’a été élu ni par la Chambre des représentants, ni par le Congrès général national. Quelle est donc leur légitimité ? Dans les faits, ils ne représentent pas le peuple libyen et ses aspirations.

    Concernant le rôle de la Turquie, je serais sans doute un peu moins manichéen, ou plutôt : il faut comprendre que la Turquie depuis l’été 2016, a fait en partie machine arrière dans son soutien plus ou moins subtil au djihadisme dans toute l’Asie centrale mais aussi en Europe. La confrérie Gülen a en effet servi de « pénétrateur » djihadiste, depuis l’Europe de l’Ouest et spécialement l’Allemagne, jusqu’à la Chine et les Ouïgours. Mais il faut comprendre que la Turquie a été poussée en ce sens par les États-Unis, à l’époque où les États-Unis se sont adonnés à des liaisons dangereuses tout à fait documentées, avec une apogée durant l’ère Obama. Or le coup d’État manqué de la CIA à l’été 2016, et la victoire de Donald Trump peu après aux élections américaines, a constitué un inversement brutal de cette tendance.

    Sauf que la Turquie se croit certes puissante, mais c’est avant tout un vassal qui doit suivre plus ou moins adroitement les revirements de son suzerain. C’est-à-dire que la Turquie qui a été utilisée hier, contre la Libye et la Syrie, s’est aujourd’hui retournée en bonne partie contre le djihadisme avec l’aide de la Russie. On le voit notamment à travers le fait que ce sont bien des soldats turcs qui sont en Libye, et non plus des djihadistes supplétifs utilisés par la Turquie, comme auparavant. La situation est difficile pour la Turquie, mais il y a aussi une logique subtile qui rappellerait la fin de la guerre d’Espagne (je développe l’idée dans le livre) : j’envisage le fait que les principaux partenaires sur place soient les États-Unis, la Russie et la Turquie, dans une subtile entente visant à liquider les djihadistes qui ont été auparavant instrumentalisés de part et d’autre. Ceci, parallèlement au recul de l’influence des plus grands commanditaires du djihadisme (Qatar et Arabie Saoudite), et parallèlement à un autre facteur lourd : un certain retour au bon sens en Israël (Benny Gantz contre Netanyahu). Mais la messe n’est pas dite, et la situation sur le terrain demeure fragile…

    ADV : Quid du rôle du Qatar en Libye et au Sahel ?

    Morad El Hattab : Le Qatar, comme l’Arabie Saoudite, a été l’un des plus grands promoteurs des déstabilisations en Libye au Sahel. Mais il faut garder à l’esprit que les deux n’ont été historiquement que des otages de l’Histoire pétrolière anglo-américaine. Ce sont les luttes d’influences aux États-Unis qui doivent surtout nous intéresser. Or depuis la victoire de Trump, le Qatar a eu l’intelligence de commencer son retournement au bon moment, au gré de luttes d’influences internes au sein de l’émirat et d’une potentielle menace saoudienne. Le Qatar aujourd’hui, fait le dos rond et il sait parfaitement pourquoi… Dès lors, il est en train de perdre durablement son influence dans la zone, et mettra des années à la retrouver à partir des seuls leviers économiques. Ceci, en lieu et place des avions qataris qui avaient précipitamment quitté le Sahel (avec l’autorisation française !), lorsque l’Armée française est intervenue au Mali en 2013… On voit bien qu’en France comme aux États-Unis, il y a d’un côté le bon sens du terrain, contre les intérêts personnels des donneurs d’ordres…

    *Saïf al Islam Kadhafi. Un rêve d’avenir pour la Libye, éditions Erick Bonnier. Paru le 17 octobre 2019 Essai (broché)

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  • États-Unis donald trump Le Sénat américain ouvre solennellement le procès en destitution de Trump

    Le procès de Donald Trump devant le Sénat a formellement commencé ce jeudi 16 janvier. Les sénateurs qui vont juger le président ont prêté serment au cours d’une séance particulièrement solennelle, en commençant par l’entrée dans l’hémicycle du Sénat du président de la Cour suprême en toge noire dans un silence total.

    Le plus haut magistrat du pays a lui-même prêté serment sur la Bible avec parfois une certaine hésitation. Il faut dire que c’est seulement la troisième fois de l’histoire qu’un tel évènement se produit au Capitole. John Roberts a ensuite procédé à la prestation de serment collective, avec cette image forte : 100 sénateurs américains, tous debout, main droite levée pour jurer de juger le président américain de façon impartiale, conformément à la Constitution. Juste avant, les 7 élus démocrates de la Chambre désignés pour être les procureurs de Donald Trump lors de son procès ont lu son acte d’accusation.

    Un acte voté le 18 décembre, selon lequel le président a fait pression sur l’Ukraine pour trouver des éléments compromettants sur son rival démocrate Joe Biden. « Donald Trump a été mis en accusation pour des crimes et délits graves », a lu avec émotion le procureur en chef Adam Shiff. Le procès du 45e président des États-Unis est donc bel et bien lancé, les auditions doivent débuter mardi pour durer près de deux semaines. Mais il a peu de chance d’aboutir. Malgré de nouvelles déclarations d’un adjoint de son avocat assurant qu’il était parfaitement au courant de la diplomatie parallèle menée en son nom en Ukraine, Donald Trump est toujours soutenu en bloc par les républicaines, majoritaires au Sénat.

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