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  • Algérie – Les syndicats pour le maintien de la pression: Préparer «l’après-dégage»

    par Yazid Alilat

    Plusieurs syndicats ont rejoint tôt le mouvement de protestation citoyen contre le 5ème mandat et pour le changement de régime politique dans le pays, et ont activement participé à la mobilisation populaire pour rejeter la candidature du Président Bouteflika à un 5ème mandat.

    Le «Hirak» algérien, au sortir du 4ème vendredi de suite contre cette élection présidentielle, le 5ème mandat ou la prolongation du 4ème mandat, a pris une telle ampleur qu’il est devenu une force sociale et politique avec laquelle le pouvoir doit composer pour trouver une solution de sortie pacifique et consensuelle. Pour des syndicats de l’Education, comme pour ceux de la Santé notamment, le « ras le bol » citoyen n’est pas venu comme çà. « Il n’est pas venu comme çà, il y a eu quand même des mouvements avant, nous, surtout les syndicats de l’Education, on ne s’est jamais tu », explique au ‘Quotidien d’Oran’ Boualem Ammoura, coordinateur du SATEF. « Maintenant, c’est la goutte qui a fait déborder le vase avec l’injustice du système. Tout le monde vous dit qu’il faut que le système parte, parce que quelque part, il y a beaucoup de ‘hogra’ dans ce pays », estime-t-il avant de faire remarquer que « ce n’est pas parce que le peuple algérien a faim.

    Non, parce qu’il y a la ‘hogra’ et que nous avons subi, tous, cette ‘hogra’ », expliquant qu’ « il y a une poignée de gens qui ont pris en otage l’Algérie. » Pour le coordinateur du SATEF, les gens du pouvoir « ont tous les privilèges. Et on a vu des travailleurs qui sont payés à 18.000 DA, en 2019 avec 4 à 5 enfants ». « Et donc, a-t-il dit, c’est la goutte qui a fait déborder le vase ». « Dans ce pays, il faut un changement radical », explique t-il encore, avant de souligner que « nous n’avons pas d’autres choix, soit une rupture radicale avec ce pouvoir et contre ce pouvoir, soit une rupture négociée pacifiquement ». « Cela aussi est discutable, mais je ne sais pas si ces gens du système vont partir tranquillement», s’interroge-t-il. Il a par ailleurs indiqué que « maintenant, je pense qu’il faut encadrer ce mouvement, et je ne vous cache pas qu’il y a une initiative avec les gens de la société civile, le SATEF est dedans. On a tenu deux réunions pour savoir que faire après ce mouvement, il lui faut une certaine organisation». Avant de s’interroger : « demain on lui dit (au système, NDLR) dégage, il dégage, et puis qu’est ce qu’on va faire ? Qui va prendre les rênes, organiser la vie publique » ? C’est bien beau de dire « dégage », mais il faut préparer « l’après dégage ». Messaoud Boudiba, coordinateur du CNAPEST, explique de son côté que le ‘Hirak’ est « un mouvement populaire, avec son caractère pacifique, qui s’est imposé à tous, et ce mouvement est respecté ».

    « Cela a montré, explique t-il, que c’est une des caractéristiques de la société algérienne, et dès lors s’il y aura des dérapages, on saura que ce n’est pas venu du côté du peuple algérien, mais de trublions du pouvoir ». « Nous en tant que syndicats, on était très vite, depuis le début, dans le mouvement, depuis le début on avait insisté qu’il fallait soutenir le «Hirak» ensuite on doit le protéger, et troisièmement, il faut qu’il se poursuive. » « Nous avons appelé, ajoute-t-il, les autorités pour le protéger, et qu’elles doivent répondre aux revendications du peuple algérien ». « Ce sont là nos positions en tant que syndicat et les syndicats de l’Education qui ont une expérience du terrain, ont participé, qualitativement, depuis le 22 février à ces manifestations, à travers leurs membres », ajoute M. Boudiba, selon lequel « on a organisé une journée de grève, le 13 mars et des marches imposantes, qui ont donné un souffle nouveau au ‘Hirak’ ». « C’est une accumulation d’injustices qui a débouché sur un ras le bol, qui s’est exprimé ensuite dans la rue », estime de son côté Meziane Meriane, coordinateur du SNAPESTE. Pour lui, « il fallait s’y attendre. J’ai dit, il y a plus d’une année que ça va éclater, mais quand ? Personne ne le savait ». « C’était prévisible avec toutes ces injustices, toute cette ‘hogra’ ne pouvait finir que par un ras le bol qu’on est en train de vivre, actuellement, dans la rue », souligne Meziane Meriane selon lequel « c’est la goutte qui a fait déborder le vase : on a ignoré le peuple algérien jusque-là, le peuple algérien a été toujours considéré par le pouvoir politique comme étant mineur, et il leur a démontré qu’il est majeur. » « Maintenant, a-t-il dit, il faut rendre hommage au peuple algérien ». Il a expliqué d’autre part que « généralement, les accumulations d’injustices se transforment en force destructrice, et Dieu merci, le peuple algérien a démontré sa maturité », avant de s’interroger : « qui a allumé la mèche ? C’est le 5ème mandat.

    Le peuple n’est pas dupe, en tant que président, que Dieu le guérisse, il est malade, il est dans l’incapacité d’écrire. Il faut le dire, on ne doit plus cacher la vérité comme on a l’habitude de la cacher, car il est dans l’incapacité de dicter, de parler». Et d’ajouter qu’ « on parle en son nom. Donc, c’est une façon de leur dire ‘barakat, ne mentez plus » ! « Maintenant l’avenir, on doit penser à l’Algérie nouvelle, où il n’y aura plus de violence, où il n’y aura plus de corruption, où il y aura une justice sociale, où chacun prend son dû, et chaque Algérien va se retrouver libre dans son pays, il ne va plus subir d’injustice, il y aura une justice indépendante, la séparation des pouvoirs, voilà les jalons que pose ce mouvement ». Pour le coordinateur du SNAPESTE, « il faut que ce soit le plus rapidement possible, car la rue est en position d’attente, et la manifestation d’hier (vendredi 15 mars), il faut la considérer comme une rupture avec le système hérité de 1962, à ce jour ».

    Pour le SG du syndicat des Imams Djelloul Hadjimi, « il faut que les choses soient bien maîtrisées. Nous avons été précurseurs dans la revendication du changement », et « nous avons transmis aux autorités nos doléances », a-t-il ajouté. Quant au syndicat des enseignants chercheurs hospitalo-universitaires, il a affirmé dans un communiqué, daté de jeudi 14 mars, son « soutien indéfectible et sa solidarité sans faille aux revendications légitimes de notre valeureux peuple ». Il a également indiqué qu’il s’oppose « à la décision prise de prolonger le 4ème mandat du président de la République et de l’organisation d’une conférence pour un consensus national ». Le SNECHU a, par ailleurs, appelé au « changement réel du système (…), qui passe par deux phases : le respect par le président de la République sortant de la Constitution à l’issue de son 4ème mandat, et la mise en place d’un gouvernement de transition et d’une Assemblée constituante ».

    Enfin, chez des membres du Collectif autonome des médecins algériens (CAMRA), il y a une « certaine amertume, car nous avons milité, nous aussi, pour le changement, sans vraiment être écoutés. Nous sommes, cependant, solidaires et soutenons le «Hirak ».

    Le Quotidien d’Oran, 17 mars 2019

  • Vidéo : Le Ministre de l’Intérieur Christophe Castaner embrasse une jeune femme en boîte de nuit

    Dans la nuit de samedi à dimanche, Christophe Castaner a été surpris en boîte de nuit, en train de faire la fête dans les bras d’une autre femme.

    France: marié et père de 2 filles, le Ministre de l’Intérieur Christophe Castaner embrasse une jeune femme en boîte de nuit (vidéos)

    Sur les réseaux sociaux, la vidéo s’est répandue comme une traînée de poudre. Samedi soir, à Paris, sans le moindre garde du corps, le Ministre de l’Intérieur français a passé une soirée endiablée dans les bras d’une inconnue. D’après les informations de Closer et Voici, Christophe Castaner a été invité samedi soir, à un dîner organisé par le judoka Teddy Riner, au Noto, un restaurant-boîte branché de la capitale. Il s’y rend sans ses gardes du corps, aux alentours de 22h30.

    Le « premier flic de France » y reste jusqu’à 2h du matin, avant de bifurquer sur une autre soirée, dans une salle avoisinante. Un certain Romain Gaudré, directeur des relations publiques du Noto, y fête son anniversaire. L’ancien porte-parole de La République en marche, âgé de 53 ans, aurait alors commencé à en chaîner les verres de vodka.

    Quelques minutes plus tard, le père de Jade (19 ans) et Léane (16 ans), marié à Hélène, sa compagne depuis 36 ans, est filmé très proche d’une certaine Clara, sans même se cacher. Il a longuement embrassé la jeune femme. « J’ai la chance que mes filles aient une maman qui est hyper disponible, et qui me sécurise dans ma vie parce qu’on ne pourrait pas faire le métier que je fais si on n’était pas heureux et si on n’était pas sûr que ses enfants vivent bien. Elles le font grâce à leur mère et je l’en remercie », confiait pourtant Christophe Castaner sur LCI, en mai 2017.

    Évidemment, cette nuit endiablée pose des questions de sécurité, étant donné que le Ministre, proche d’Emmanuel Macron, n’était sous aucune protection. Des membres de l’opposition, comme Guillaume Larrivé, secrétaire général délégué des Républicains, ont donné leur avis sur ces faits : « Le vrai problème n’est pas que M. Castaner s’amuse en discothèque, mais qu’il occupe le bureau du ministre de l’intérieur, en France, en 2019. »

    De son côté, le Premier ministre Edouard Philippe a refusé de commenter : « Je n’ai aucun commentaire à faire sur la vie privée de Christophe Castaner et le ministre de l’Intérieur a toute ma confiance », a-t-il déclaré sur Europe 1. Stéphane Pauwels, dans un tweet qui a été supprimé dans les minutes qui suivent, a lui aussi tenu à donner son avis : « Il ne peut donc pas vivre normalement ? Il a une fonction OK, mais boire un coup avec des amis, cela est interdit ? »

    Christophe Castaner affirme qu’il n’y a «pas de polémique»

    Christophe Castaner a affirmé vendredi à Saint-Astier (Dordogne), à propos de photos publiées de lui en boîte de nuit, qu’il n’y avait « pas de polémique » et que sa sécurité était « assurée », quelques heures après que le Premier ministre lui eut accordé « toute sa confiance ».

    « Il n’y a pas de polémique, ma sécurité est toujours assurée. Mais nous étions dans un lieu privé, un restaurant, et elle sait se faire efficace et discrète », a affirmé devant la presse le ministre de l’Intérieur qui célébrait en Dordogne les 50 ans du Centre national d’entraînement des forces de gendarmerie (CNEFG).

    Les magazines people Voici et Closer ont publié des photos du ministre embrassant une jeune femme lors d’une soirée dans une discothèque parisienne, dans la nuit de samedi à dimanche, après la 17e journée de mobilisation des « gilets jaunes ». « Une proximité extrêmement rapide qui pose une question de sécurité évidente pour le ministre de l’Intérieur, non accompagné », affirme l’hebdomadaire Closer. Selon le magazine people Voici, « Pour plus de discrétion, le ministre a laissé ses deux officiers de sécurité à la porte du restaurant ».

    « Être ministre de l’Intérieur, c’est l’être 7 jours sur 7, 24 heures sur 24 », a affirmé le ministre, « mais cela ne m’empêche pas de répondre à une invitation à un anniversaire dans un restaurant, et de pouvoir m’y rendre librement. Le reste relève de la vie privée ». « Ce qui compte, c’est la capacité du ministre à être dans la totalité de l’exercice de ses fonctions. C’est mon cas, 7 jours sur 7, 24h sur 24 », a-t-il martelé.

    Vendredi matin, le Premier ministre Édouard Philippe a affirmé sur Europe 1 qu’il n’avait « aucun commentaire à faire sur la vie privée de Christophe Castaner, et que le ministre de l’Intérieur avait toute (sa) confiance ». « Je crois qu’il n’y a pas de questions autour de sa sécurité », a encore affirmé Édouard Philippe sur Europe 1.

    Source

    Tags : France, ministre de l’intérieur, Christophe Castaner,

  • Maroc : Les Rifains boycottent les banques de la monarchie !

    Il paraît que certaines initiatives prises par la diaspora rifaine en Europe, en réaction à la répression sauvage des manifestations pacifiques dans le Rif, commencent à donner leurs fruits.

    Le site Hoceimacity.com a rapporté jeudi que la Banque Populaire a décidé de fermer définitivement trois de ses agences dans les villes de Rotterdam, Den Haag et Utrecht aux Pays Bas [1].

    Le site explique que les ressortissants rifains ont retiré leurs fonds de cette banque. Plusieurs autres établissements marocains comptent également fermer des agences dans plusieurs pays européens à cause du boycott subi de la part des Rifains.

    Le boycott a aussi touché des banques marocaines dans le Rif. Le site Dalil-Rif a rapporté jeudi 7 mars que la Banque Populaire et Wafabank ont fermé plusieurs agences dans la province d’El Houceima, notamment à Nkour et à Aït Bou Ayyach.

    Le site explique que ces fermetures ont été prises à cause de « la crise économique qui frappe l’Europe » et qui a des conséquences sur les transferts de devises des rifains de l’étranger. Aucune allusion n’a été faite par la source aux récentes manifestations survenues dans cette région et aux appels lancés aux Rifains afin qu’ils retirent leur argent de certaines banques réputés liées au Palais. Certaines appartiennent même au monarque marocain.

    Depuis le début de la répression des manifestations dans le Rif, des appels à boycotter les banques marocaines ont été lancés. Le choix de cibler les banques est très judicieux. Les Rifains privent ainsi la monarchie d’une manne financière très importante.

    Ces banques profitent largement de cet argent sans investir dans le Rif. Cette initiative visant à les priver de ces fonds est très importante. Elle est à encourager. Elle doit aussi être étendue aux autres pays européens. Que les Berbères issus d’autres régions de Tamazgha Occidentale – ou d’ailleurs aussi – suivent cet exemple en signe de solidarité avec le Rif.

    Rappelons qu’au moins 120 détenus politiques rifains croupissent toujours dans les geôles de la monarchie marocaine.

    A. Azergui

    Notes

    [1] L’immigration issue d’Afrique du nord aux Pays-Bas est originaire principalement du Rif

    Source

    Tags : Maroc, Rif, Hirak, banques, Pays Bas,

  • Maroc : Deux militants rifains condamnés à des peines de 30 mois à 3 ans de prison.

    Le tribunal de première instance de la ville d’Al Hoceima (nord du Maroc) a condamné lundi le militant rifain Achraf El Bakali à 30 mois de prison pour, entre autres charges, avoir participé à des manifestations pacifiques du Mouvement populaire du Rif.

    Dans la même journée, la Chambre de première instance de la Cour d’appel de la même ville a condamné à trois ans de prison le militant Mourad Orahou du Rif pour les mêmes accusations, à savoir sa participation aux manifestations.

    Pour rappel, les protestations sociales du mouvement populaire du Rif ont éclaté en octobre 2016 après l’assassinat du marchand de poisson Mohsin Fikri, qui a été écrasé à mort dans un camion à poubelle après que les autorités aient saisis sa marchandise.

    La campagne de répression qui s’en est suivi dans le but de mettre fin aux manifestations et éteindre la colère populaire a eu comme résultat l’emprisonnement de plus de 872 militants, dont une grande majorité de la ville d’Al Hoceima, pendant que les faux procès et les condamnations se poursuivent jusqu’à nos jours.

    Tags : Maroc, Rif, Hirak, Makhzen, répression, Mohcine Fikri,

  • Maroc : Quand Mounir Majidi portait plainte contre Le Monde

    Justice : la contre-offensive de Majidi

    Le secrétaire particulier du roi a porté plainte en diffamation contre le quotidien français Le Monde pour un article d’Ahmed Benchemsi sur l’affaire BaySis. Le journaliste marocain est poursuivi pour complicité. Les avocats de Mounir Majidi ont également tenté de faire pression sur la prestigieuse revue américaine Journal of Democracy.

    Lakome a appris que la plainte en diffamation déposée à Paris par les avocats de Mounir Majidi, secrétaire particulier du roi Mohammed VI, vise le quotidien français Le Monde, qui a publié en juin 2012 un article d’Ahmed Benchemsi intitulé «La grande corruption règne en maître au Maroc». Le journaliste marocain est lui poursuivi pour complicité.

    Le Figaro avait révélé hier que Benchemsi, qualifié par ce journal «d’opposant marocain», était convoqué le 16 mai, c’est-à-dire demain, devant un juge d’instruction parisien. Contacté par Lakome, le journaliste explique que l’audience est en fait reportée au 8 juillet prochain.

    «Au cœur de la corruption d’Etat»

    L’article incriminé porte sur l’affaire BaySys, une enquête publiée deux semaines plus tôt par Ahmed Benchemsi sur son blog et dans laquelle le journaliste accuse Mounir Majidi de trafic d’influence ainsi que d’être plus généralement «au cœur de la corruption d’Etat au Maroc». La compagnie aérienne nationale, impliquée dans l’affaire, avait de son côté très vite communiqué en affirmant «qu’aucune influence extérieure aux intérêts de Royal Air Maroc n’est intervenue dans le cas de ce projet».

    A l’époque de la publication de cet article, Ahmed Benchemsi, installé aux Etats-Unis, était un «visiting scholar» au «Center on Democracy, Development, and the Rule of Law» (CDDRL), dépendant de l’Université de Stanford en Californie.

    Peu de temps après la parution de l’article dans Le Monde, les dirigeants du CDDRL ont d’ailleurs reçu une étrange – et officieuse – requête des avocats de Mounir Majidi, a appris Lakome d’une source proche de la direction du centre. Il s’agissait de demander à Benchemsi de retirer l’enquête BaySis de son blog mais aussi de «corriger» un article, «Morocco : outfoxing the opposition», publié par le journaliste en janvier 2012 dans la prestigieuse revue américaine «Journal of Democracy». Benchemsi y analysait la gestion par le palais des événements du printemps arabe. Il faisait aussi référence au câble diplomatique américain révélé par Wikileaks en 2010 et qui mentionnait «l’avidité effroyable» du proche entourage royal. Un entrepreneur du Golfe y confiait aux diplomates américains que «les principales institutions et modes de fonctionnement de l’Etat marocain sont utilisés par le palais pour contraindre et solliciter des pots-de-vin dans le secteur immobilier du pays».

    De Stanford à Paris

    Approché par les avocats de Mounir Majidi, Larry Diamond, le dirigeant du CDDRL, leur avait alors répondu que Benchemsi, bien qu’affilié au centre, était libre de ses opinions et que le CDDRL n’avait pas à interférer, selon une source proche de la direction du centre.

    Ahmed Benchemsi explique à Lakome avoir reçu à cette époque une mise en demeure de la part d’un cabinet américain mandaté par Mounir Majidi pour qu’il retire de son blog l’article BaySys ainsi qu’une copie de l’article publié dans Journal of Democracy. «J’avais répondu à travers mon avocat que je n’enlèverai rien et qu’ils pouvaient m’attaquer en justice, car je maintiens tous mes propos», affirme-t-il à Lakome. Les avocats de Majidi avaient alors abandonné l’idée de porter plainte aux Etats-Unis.

    C’est en France qu’ils ont saisi la justice, contre le journal Le Monde et Ahmed Benchemsi. Pas de citation directe devant le Tribunal correctionnel mais une plainte avec constitution de partie civile. « Ce procès est une erreur pour M. Majidi », affirme Benchemsi à Lakome, confiant. « Ce sera l’occasion de remettre sur la table les dessous du Makhzen économique ».

    Contre-offensive médiatique du Palais après 2011

    Après avoir fait profil-bas lors du déclenchement du mouvement du 20 février, le palais a décidé de contre-attaquer. La parution en avril 212 de l’ouvrage « Le Roi prédateur », écrit par les journalistes Catherine Graciet et Eric Laurent et relayé par les médias internationaux, a peut être été le déclencheur.

    Quelques jours avant la publication de l’article de Benchemsi dans Le Monde, un autre titre français, l’hebdomadaire économique Challenges, avait publié un article au vitriol sur le business royal («Roi du Maroc et du business», 31 mai 2012), où il était écrit que « Mohammed VI, fort de son pouvoir absolu, est devenu le premier homme d’affaires de son royaume », avec en prime un encadré sur «Les hommes de Mohammed VI». Dans cet encadré, le journaliste Thierry Fabre écrivait que «Mounir Majidi est considéré par les manifestants, qui réclament plus de démocratie et moins de corruption, comme le symbole de l’affairisme du royaume».

    Ni le palais ni Majidi n’ont porté plainte contre l’hebdomadaire français. En revanche, l’agence de communication Euro RSCG (devenue Havas), en charge de certaines missions de communication pour le palais, est intervenue selon une source au sein de Challenges pour faire venir le journaliste au Maroc en septembre 2012, où il a eu un accès total à la direction de la SNI (deux rencontres avec Hassan Bouhemou) et aux patrons des filiales royales (Nareva, Marjane, Centrale Laitière, Lesieur, Wana). «Ils n’étaient pas satisfaits du contenu de l’article publié fin mai, estimant qu’il ne reflétait pas la réalité», a expliqué la même source à Lakome en novembre dernier. L’agence Havas et la SNI, contactés par Lakome à la même période, confirmaient la venue du journaliste et ses rencontres avec le staff mais avaient vivement démenti toute interférence avec la rédaction de Challenges. Les lecteurs se feront leur propre idée en lisant l’article publié par l’hebdomadaire français en octobre 2012 après la visite du journaliste au Maroc.

    La sortie de Benkirane sur Majidi

    L’actuel chef du gouvernement, Abdelilah Benkirane, ne manquait pas de critiquer l’affairisme et l’omniprésence des conseillers royaux, dont Majidi, lorsque son parti, le PJD, était encore dans l’opposition. Au déclenchement du 20 février, à l’occasion d’un meeting du parti, Benkirane avait même interpellé le roi Mohammed VI sur ces conseillers de l’ombre :

    « Majesté, le Maroc ne tolère plus des gens comme Himma, Majidi, Omari. Ces individus commandent le gouvernement, donnent des instructions par téléphone, font peur aux hommes de l’Etat, insultent le Directeur Général de la Sécurité Nationale, donnent des directives aux juges, Ils puisent leur pouvoir de la proximité avec toi, ils ne font aucun bien et ne font que semer le Fassad [corruption] et tout cela n’est plus acceptable. Majesté, Les Marocains te l’ont dit, que ce soit ceux qui sont sortis manifester dans la rue de manière honorable et pacifique, ou ceux qui ne sont pas sortis. Ton peuple te dit qu’il t’aime et qu’il est avec toi mais il veut des réformes, il veut que l’Etat soit géré de manière juste, organisée et démocratique qui fait que tu conserves ta position mais qui nous libère de cette injustice généralisée. Ces individus, ainsi que ceux qui leur obéissent ne te représentent pas. Ils représentent le colonialisme et pensent que les Marocains ne méritent que le bâton, l’oppression et l’espionnage, c’est-à-dire les méthodes qui ont conduit à la chute des présidents Benali et Moubarak et va faire chuter Kaddafi. Ainsi il n’y a pas d’autre choix que de se débarrasser d’eux immédiatement. »

    Transcript et traduction par Lakome – Déclarations de Benkirane en vidéo (avril 2011) :

    Lakome, 15 mai 2013

    Tags : Maroc, Mounir Majidi, corruption, BaySis, Ahmed Benchemsi,

  • L’accord de pêche Maroc-UE ignore l’occupation du Sahara occidental

    Le 27 février était le 42e anniversaire de la déclaration d’indépendance du Sahara occidental d’avec l’Espagne. Bien que, pour le moment, il n’y ait pas d’indépendance à célébrer pour la majeure partie du territoire qui reste sous occupation marocaine, un petit triomphe pouvait être ressenti dans les camps de réfugiés sahraouis en Algérie, où réside la majorité de la population.

    Le même jour, une décision de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a été rendue en faveur de la décolonisation. Pour être plus précis, la décision concerne un accord entre l’Union européenne et le Royaume du Maroc réglementant l’accès de l’industrie de la pêche européenne aux eaux marocaines.

    Ce soi-disant accord de partenariat dans le secteur de la pêche est en place depuis 2006 et expirera en juillet 2018, tandis qu’un processus de renouvellement est en cours. La décision de la CJUE indique clairement que tout accord de ce type avec le Maroc ne pourra inclure les eaux au large du Sahara Occidental, sur lesquelles le Maroc revendique la souveraineté.

    Le problème

    La déclaration était anticipée, cohérente avec les décisions précédentes et peu controversée d’un point de vue juridique international. Cependant, ce n’est que le dernier développement d’un conflit entre différentes branches de la gouvernance de l’UE concernant le commerce de l’Union avec le Maroc. La controverse portant évidemment sur l’occupation par le Maroc du Sahara occidental, que l’ONU considère comme un “territoire non autonome“.

    Cela concerne actuellement deux négociations distinctes que la commission européenne et le Maroc auront au printemps 2018 : l’ accord de partenariat dans le secteur de la pêche qui autorise les navires européens à pêcher dans les eaux marocaines, et un accord commercial concernant les produits agricoles et de la pêche [fr]. L’accord de pêche expirera en juillet et l’accord commercial en avril.

    Bien que la CJUE ait clairement annulé en 2016 [fr] tout accord bilatéral avec le Maroc en ce qui concerne les territoires occupés, la commission commerciale de l’UE semble avoir insisté sur le renouvellement des accords en en concluant un nouveau avec le Maroc en janvier 2018. Une surprise qui a suscité des condamnations de la part du gouvernement en exil du Sahara occidental, des groupes militants, ainsi que du Parlement européen.

    La semaine dernière, des parlementaires de l’UE ont adressé à leurs collègues une déclaration disant qu’ils étaient :

    « … inquiets de la façon dont la Commission gère le processus, du manque de transparence et des possibilités de contrôle pour les députés européens, et des tentatives de la Commission de contourner l’arrêt de la Cour de justice de décembre 2016 ».

    L’un des signataires est Jytte Guteland, membre du groupe parlementaire social-démocrate qui figurait l’an dernier dans un groupe d’eurodéputés européens déclarés persona non grata par les autorités marocaines alors qu’ils essayaient d’entrer au Sahara occidental.

    Sur la conduite de la commission commerciale, elle exprime des inquiétudes qui vont au-delà de ce cas particulier. Parlant à Global Voices, Guteland a noté que les actions de la commission étaient inquiétantes.

    « La façon dont la commission a traité la première décision de justice [2016] m’a beaucoup inquiétée. Ils ont choisi de négocier un nouvel accord commercial incluant le Sahara Occidental malgré la décision de la Cour. À une époque où le principe de l’état de droit est constamment remis en question, il s’agit d’une question de crédibilité de l’UE. L’UE doit respecter ses propres décisions et le droit international ».

    Dans une lettre ouverte de protestation, 89 organisations de la société civile sahraouies ont déclaré :

    « Le peuple sahraoui ne bénéficie pas, économiquement ou autrement, de l’exploitation illégale de ses ressources naturelles et du commerce avec l’Union européenne ; le consentement du peuple sahraoui n’a pas non plus été recherché de manière crédible. Tous les gains économiques et le développement résultant de l’exploitation de nos ressources naturelles et de leur commerce illégal avec l’UE sont distribués de manière sélective dans le seul but de renforcer l’occupation illégale du Maroc et de discriminer systématiquement davantage le peuple sahraoui qu’il occupe ».

    En tant que territoire non autonome, le droit international exige que le peuple du Sahara occidental ait son mot à dire dans toute activité économique qui se déroule dans le territoire et que cela lui soit bénéfique. Pour compliquer davantage la question, la majorité de la population dans les territoires occupés se compose aujourd’hui de colons marocains, tandis que la majorité du peuple sahraoui est exilé du Sahara occidental, vivant principalement dans les camps de réfugiés de l’Algérie voisine. C’est à partir de ces camps que fonctionne le Front Polisario [fr], reconnu internationalement.

    Dans la même lettre de protestation, les groupes de la société civile accusent la commission d’essayer de contourner la loi au moyen d’un subtil changement de terminologie.

    « Nous constatons également avec frustration que la Commission remplace la terminologie délibérée du “peuple sahraoui” par “population”. Ces concepts sont fondamentalement différents. Consulter les organisations marocaines, les parlementaires et les entreprises au sujet du Sahara occidental ne peut jamais remplacer le consentement du peuple sahraoui ».

    Dans une dénonciation similaire, le réseau de surveillance international Western Sahara Resource Watch (WSRW) a rejeté une demande de consultation par la commission.

    « D’après ce que nous comprenons, les négociations avec le gouvernement du Maroc sont maintenant terminées et le texte convenu a été paraphé. Le gouvernement du Maroc ne représente pas les gens du territoire. Il est clair qu’aucun consentement n’a été reçu, comme la Cour l’exigeait. Nous ne voyons pas l’intérêt d’une consultation sur un accord qui ne serait pas approuvé par les habitants du territoire ».

    En réponse à la décision de mardi, le Front Polisario a annoncé qu’il était prêt à poursuivre les négociations avec l’UE sur l’accès aux eaux qui ne sont pas autorisées à être incluses dans l’actuel accord de pêche avec le Maroc. Selon Guteland:

    « Ce serait plus légalement justifié puisque l’ONU considère le Polisario comme le représentant du Sahara occidental. Pour continuer à établir un accord avec le peuple, la société civile sahraouie doit également être consultée ».

    Eaux encore poissonneuses
    En tant que principal partenaire commercial, l’économie marocaine dépend fortement de l’UE pour ses exportations . Dans le même temps, de nombreux États membres européens font face à des pressions internes et à un fort lobbying de la part de leurs industries de pêche respectives pour avoir accès aux ressources du Sahara occidental.

    https://fr.globalvoices.org/2018/03/07/222353/Le stock de poissons et de créatures marines s’épuisant rapidement dans tous les océans du monde, l’importance des eaux territoriales du Sahara occidental dans l’Atlantique devrait augmenter. Aujourd’hui, ces eaux sont considérées comme les plus riches de tout le continent africain et, en raison de l’occupation, le Maroc se place au premier rang des exportateurs de poisson et de fruits de mer du continent. Les chiffres officiels suggèrent qu’environ 70% de la totalité des captures marocaines sont débarquées dans les ports du Sahara occidental alors que près de la moitié des captures restantes vont à Tan-Tan [fr] et à Agadir [fr] à proximité des territoires occupés. On estime que les navires étrangers dans ces eaux capturent plus de 90% de leurs prises dans les eaux du Sahara occidental.

    https://fr.globalvoices.org/2018/03/07/222353/La plupart de ce poisson ne finira pas directement dans votre assiette mais est plutôt la première étape d’une chaîne de production. Au Maroc et ailleurs, le poisson est transformé en tourteau ou en huile qui, à leur tour, sont exportés ailleurs sous forme de fourrage pour les industries de la viande et les fermes aquacoles. De même, le secteur principal de l’économie du Sahara occidental est l’exploitation de la roche phosphatée, une ressource dont le Maroc est déjà le premier exportateur mondial. Le phosphate est le principal composant des engrais synthétiques dont dépend l’activité agricole mondiale. En tant que tel, le Sahara occidental, souvent appelé la dernière colonie d’Afrique, est un territoire très important pour l’approvisionnement alimentaire mondial.

    L’accord commercial entre l’UE et le Maroc concernant les produits de la pêche et de l’agriculture est, dans sa forme actuelle, un élément important de la transformation de l’occupation marocaine du Sahara Occidental en une zone rentable.

    Global Voices Online

    Tags : Sahara Occidental, Maroc, Polisario, accord agricole, accord de pêche, Maroc-UE, Union Européenne,

  • Maroc : De la prison d’Okacha, Mohamed Jalloul exprime sa solidarité avec le combat des enseignants

    De la prison d’Okacha, le militant Mohamed Jalloul a envoyé une lettre de solidarite avec les enseignants qui se battent au Maroc pour leurs droits légitimes.

    Texte :

    Depuis le centre de détention, j’aimerais d’abord féliciter le secteur de l’enseignement qui a été contraint d’embrasser la responsabilité de défendre l’école publique dans une conjoncture très délicate et sensible, dans laquelle l’État tend à se soustraire de sa responsabilité envers un secteur important et vital.

    Je déclare aussi ma solidarité de principe et inconditionnelle avec les enseignants qui ont été forcés au travail contractuel dans leur bataille juste et légitime en vue d’être intégrés dans la hiérarchie de la fonction publique dans des conditions d’égalité avec leurs confrères dont les contrats sont à durée indéterminée dans le secteur de l’éducation.

    Je ne peux que condamner fermement toutes les pratiques répressives et immorales à leur égard.

    Je renouvelle, enfin, mon soutien et ma solidarité à toutes les batailles justes et légitimes que les travailleurs de l’enseignement, toutes catégories confondues, mènent pour défendre la dignité du professeur et de l’école publique.

    Que Dieu vous préserve sur la voie de la lutte

    Tags : Maroc, Hirak, Rif, Mohamed Jalloul, Enseignement, enseignants contractuels,

  • Grenoble : 3 enfants âgés entre 4 et 10 ans abusés sexuellement lors de «soirées privées familiales»

    Selon des informations rapportées par Sud Info, les services de police ont procédé lundi dernier à l’interpellation de 10 individus entre 30 et 64 ans près de Grenoble, en France. Ils sont accusés d’abus sexuels sur 3 enfants issus d’une même fratrie lors de soirées privées. Parmi les accusés, sept personnes feraient partie de la famille des victimes, les trois autres étant des proches. Les trois enfants abusés présumés se trouvent actuellement sous protection judiciaire et hors de danger.

    D’après la même source qui cite le Dauphiné libéré, la famille des victimes est issue d’un milieu social défavorisé et elle a été interpellée après plusieurs mois d’enquête menée par les services de sécurité de Grenoble.

    Elle a commencé lorsque l’aîné de la famille, âgé de 10 ans, a confié à sa famille d’accueil les atrocités que lui faisaient subir les agressions sexuelles et les viols que sa mère et son beau-père lui faisaient subir fréquemment, depuis de nombreuses années.

    Au cours de l’enquête, les autorités ont découvert que de nombreux autres membres de la famille et d’autres proches étaient concernés, dont les grands-parents et l’oncle des victimes. Les enfants ont multiplié les déclarations accablantes à l’encontre de leur famille. Les faits se seraient déroulés entre l’été 2016 et fin 2018, soit depuis l’arrivée du beau-père dans la vie de la mère.

    Le récit des trois enfants relève de l’horreur. Ils ont décrit des scènes lors desquelles ils étaient utilisés comme « jouets sexuels » lors de « soirées privées ». Ils subissaient des actes sexuels mais devaient aussi en réaliser entre eux, ou encore avec le chien de la famille. Ils ont désormais un retard de « structuration mentale » et ont été placés sous protection judiciaire.

    Après avoir nié les faits qui leur sont reprochés, les dix individus incriminés ont fini par passer aux aveux. Parmi eux, cinq ont alors été déférés au parquet, dont la mère et le beau-père. Si ces deux derniers sont en détention provisoire, les trois autres individus interpellés ont été relâchés sous contrôle judiciaire.

    Tags: pédophilie, abus sexuels, Grenoble, jouets sexuels, soirées privées,

  • Khalid Gueddar et le cousin du roi du Maroc

    Pour ce dessin (l’olibrius caricaturé est un vague cousin du roi du Maroc, Mohammed VI) publié dans un important quotidien marocain, Akhbar Al-Youm, Khalid Gueddar risque de se taper de trois à cinq ans de prison. On ne touche pas, paraît-il, à la famille royale. Même avec un crayon.

    Il s’agirait d’un prétexte: le pouvoir lui reproche surtout la bande dessinée – pourtant pas bien méchante – qu’il publie chez Bakchich, M6, le roi qui ne voulait pas être roi.

    Des manifestations de soutien ont eu lieu çà et là jeudi et vendredi, rassemblant quelques centaines de personnes. (Mais pas Philippe Val, pigiste d’État à la radio, qui a passé l’âge de défendre la liberté de caricature.)

    Le procès est remis à la semaine prochaine, à Casablanca.

    Source, 24 oct 2009

  • Maroc : La face cachée de Marrakech

    Derrière sa clinquante vitrine, la ville ocre abrite encore de nombreux quartiers défavorisés où une grande population de démunis tente en vain de vivre dignement.

    Par Hicham Bennani

    Le Pacha. Une des plus grandes discothèques d’Afrique qui attire des visiteurs du monde entier. Entrée : 200 dirhams. Prix d’une bouteille de vodka : 1 200 dirhams. Il est 3 heures du matin. Plus de deux mille fêtards se trémoussent dans une ambiance house-électro. Danseurs et danseuses professionnels à moitié nus aguichent la foule. L’euphorie et le faste sont de mise. Parfois même à l’extrême. On se croirait en Europe.

    A l’extérieur, sur l’avenue Mohammed VI, l’artère principale de Marrakech qui regroupe palaces, grands hôtels, restaurants et cafés de luxe, des enfants font la manche. Parmi eux, Aïcha quémande désespérément une petite pièce. Cette Marrakchia âgée de huit ans n’a pas le choix. Elle habite Diour El Boune, un quartier populaire en plein Marrakech. En ce 17 mars 2009, à l’aube, Aïcha rapporte un maigre butin (65 dirhams) à son père, maçon de son état. Situé à cinq kilomètres de la place Jamaâ El Fna, Diour El Boune est constitué de 13 000 habitations. Construites dans l’anarchie totale, elles sont toutes plus laides les unes que les autres. «Il suffit de donner un pot-de-vin au moqqadem de la région pour construire sa maison», dénonce un passant.

    Les parias. Ici, il n’y a pas d’école, pas d’hôpital et un seul poste de police qui ne peut couvrir à lui seul toute la p1000308sécurité. Les enfants sont désœuvrés et livrés à eux-mêmes. «Pas étonnant que des mômes disparaissent de temps en temps, ils sont sans doute attirés par la richesse des étrangers», pense un habitant, en faisant référence à la pédophilie qui sévit à Marrakech. Ce dernier travaille comme porteur dans un grand hôtel juste derrière Diour El Boune. Le plus grave, c’est que ce patelin dans la ville est loin d’être le plus mal loti. Encore plus proche du centre, on trouve Douar Al Fakhara dans le quartier de Aïn Etti. Plus de 30 000 personnes y vivent dans des conditions exécrables. «Nous sommes entassés à dix dans un cinquante mètres carrés», témoigne un jeune chômeur.

    Les revenus d’un foyer vont de 500 à 3 000 dirhams. Ceux qui en ont les moyens installent l’électricité, les autres vivent, le soir, à la bougie. Bâties en terre ou en pisé, les demeures ne garantissent aucun confort ni sécurité. Il y a un peu plus d’un mois, un homme de 75 p1000367ans et sa petite fille de 12 ans ont trouvé la mort à Douar Al Fakhara suite à l’effondrement du toit de leur maison après les fortes pluies de cet hiver. «Comme les ruelles sont mal conçues et non goudronnées, l’ambulance ne peut approcher certains endroits», constate un officier de police.

    Dans un terrain vague parsemé d’ordures, un homme en guenilles puise l’eau d’un puits. «Venez voir où nous vivons, personne ne se soucie de nous. Jugez par vous-même, c’est la Somalie !». Il est vrai que l’allée où survit sa famille, située en face des résidences de luxe d’un certain Miloud Chaâbi, est digne des pays les plus pauvres. Pas d’eau, pas d’électricité, pas d’égoûts pour une soixantaine de personnes. Une simple bouteille de gaz et une moquette en piteux état, c’est ce que possèdent Mohamed et sa famille. «Toute la rue a étép1000373 inondée pendant les intempéries», raconte sa femme, indignée. La liste des lieux dont ne parlent jamais les circuits touristiques pourrait s’arrêter là. Malheureusement, le pire est à venir… Toujours à «Kech» (comme l’appelle les jeunes branchés), à Sidi Youssef Ben Ali, non loin du Golf Royal, le Douar Slitine qui borde la route, n’a rien à envier aux quartiers insalubres de Casablanca. Qui a dit qu’il n’y avait plus de bidonvilles à Marrakech ? Plus de 300 personnes vivent au milieu d’immondices dans des cabanes en tôle sans aucun service de base. «Toutes les maladies du monde se trouvent ici.

    Le soir, dans le noir total, on a peur, parce qu’il n’y aucune sécurité et nos enfants se font régulièrement mordre par des serpents», déplore une vieille dame. «Heureusement que nous pouvons avoir de l’eau potable, mise à notre disposition par le propriétaire d’un ryad, à trois kilomètres d’ici», explique son mari. En plein cœur du douar, un homme au visage très marqué par la misère, enchevêtré dans un taudis fait de poubelles et d’objets en tout genre, hurle son désespoir : «Ils ont rasé ma maison et j’ai été obligé de m’installer ici. Ils m’ont donné 5000 dirhams de dédommagement. Je respecte tout le monde et je n’ai jamais rien fait de mal», avant de conclure, en sanglots : «Dieu, la patrie, le roi!»

    Affreux, sales et méchants. Pendant que l’immobilier ne cesse de se développer à p1000380Marrakech, d’autres zones délaissées par les pouvoirs publics restent figées. C’est le cas de Mhamid, une région d’environ 20 000 habitants qui jouxte les logements flambant neuf du groupe Addoha. Au Douar Soltane, on se croirait au Moyen Age. Les badauds doivent se rendre au château d’eau pour s’approvisionner. Il n’y a aucun conduit souterrain pour évacuer les eaux usées. Les constructions en terre tombent en ruine.

    «Si le sultan Moulay Hassan voyait dans quel état est devenu son palais, il se retournerait dans sa tombe», rumine un septuagénaire qui a grandi dans le douar. Autre lieu, autre paysage déplorable. Le Douar Iziki offre un décor pathétique. Toujours à 5 ou 6 kilomètres de Jamaâ Al Fna, cet endroit est connu pour abriter des garages automobiles bon marché. Plus de 2000 personnes y vivent dans l’insalubrité. De petites ruelles où le cambouis et les eaux usées se déversent en un sillon mènent à un petit local en carton où s’effectuent toutes sortes de trafics. «L’endroit est réputé pour son haschich et les filles qui habitent ici sont des prostituées», confie un gaillard enduit de graisse de voiture.

    En plein cœur du douar, une mare vert-noirâtre de déchets toxiques, mélange de bitume et d’excréments, est laissée à l’abandon. Ici, le réalisateur italien Ettore Scola aurait trouvé un décor idéal pour ses films mettant en scène des pouilleux. Pourtant, nous sommes loin de la fiction. Toutes les zones évoquées font partie intégrante de Marrakech. Mais il n’existe aucun plan d’urbanisme qui leur soit associé. Chômeurs, employés dans la restauration ou dans de grands hôtels, ouvriers, prostituées, dealers et gredins y cohabitent. Le pauvre côtoie le riche.

    «La situation de Marrakech représente ce que le Maroc est en train de vivre : de plus en plus de développement alors que les couches défavorisées sont laissées pour compte», constate un marchand de la place Jamaâ Al Fna. Même le centre de la ville ocre n’est pas épargné par le fossé entre les différentes classes sociales qui ne cesse de s’aggraver. Dans le mellah, ancien quartier juif de la médina, les vols, agressions et cambriolages sont monnaie courante. Comme dans toutes les villes des pays en voie de développement, Marrakech n’échappe pas à la règle des quartiers insalubres. Pourvu qu’ils ne se développent pas à la même vitesse que les investissements.

    Le Journal Hebdomadaire, numéro 388, mars 2009.

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