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  • LES CRAINTES MAROCAINES

    Sous le titre de « Les Américains et nous », le journal marocain Le Matin Du Sahara, dans son éditorial du 03 novembre, abordait les relations américano-marocaines rappelant l’importance des nouvelles élections de la première puissance du monde dans ces termes : C’est ce mardi 4 novembre que le peuple américain se rend aux urnes pour élire le nouveau Président des Etats-Unis. Il choisira entre le candidat républicain John McCain, 72 ans et le candidat du Parti démocrate Barak Obama, 47 ans. Deux générations différentes, deux cultures opposées et une même ambition : prendre en main le destin de l’Amérique et, quoiqu’on en dise, celui du monde entier ».

    Après avoir reconnu que « l’élection présidentielle américaine survient alors que le monde entier est encore plongé dans une grave crise financière » l’éditorialiste rappelle les lecteurs que  » Quel que soit le nouveau Président élu des Etats-Unis, les relations entre le Maroc et les Etats-Unis resteront marquées par une volonté partagée de les sauvegarder et de les renforcer ». Comment peut-il être sûr alors qu’il reconnaît implicitement que la différence d’âge et de culture entre les deux candidats implique obligatoirement une différence de vision sur le nouveau monde qui a connu dernièrement des bouleversements susceptibles de créer un nouvel ordre mondial basé sur des critères différents de ceux établis par l’ère Bush? Est-ce une façon de rassurer les Marocains sur la position des Etats-Unis sur le conflit du Sahara Occidental? Ou bien, juste une manière de leur à un éventuel changement de cette politique dans les prochains jours? En tout cas, le journal nous rappelle que la position américaine est décisive lorsqu’il souligne que  » Un tel héritage ne laisse aucun peuple, nul pays et très peu de gens indifférents. Grande puissance, mirage pour bien des peuples, l’Amérique est aussi un Etat démocratique où s’épanouissent les libertés et les créativités. Son poids historique, politique, économique, social et culturel ne laisse aucune autre nation insensible ». Et en premier lieu, le Royaume Marocain qui risque de perdre dans une affaire pour laquelle il se bat depuis 33 ans.

    « Nous souhaitons que celui qui se hissera à la Maison-Blanche puisse renforcer la coopération avec le Royaume du Maroc, le Maghreb et l’Afrique » est une demande exprimée à la nouvelle administration et au même temps l’expression d’un doute qui siège dans l’esprit de l’éditorialiste, peut-être même dans celui de toutes les autorités marocaines.

    Ce doute est exprimé aussi par le journaliste Talaa Saoud Al Atlassi dans le quotidien de gauche « Libération » dans les termes suivants : » Quant aux relations maroco-américaines qui ont toujours été bonnes du reste, je pense qu’elles seront placées sous le signe de la continuité. J’entends la continuité des intérêts américains dans la région. Une fois élu, le président des Etats-Unis s’abonne forcément au réalisme».

  • LA DIASPORA MAROCAINE ET LE TERRORISME

    Les réseaux terroristes du Maghreb et l’influence croissante d’Al-Qaïda dans la région du Sahel inquiètent les spécialistes occidentaux du renseignement réunis jeudi à Berlin, qui craignent une contamination en Europe.
    « Le danger Al-Qaïda va croissant en Afrique du Nord », a ainsi assuré jeudi le chef du renseignement allemand, Ernst Uhrlau, lors d’un symposium international à Berlin, ajoutant qu’ »en Europe on risque d’avoir affaire à des terroristes issus de l’immigration du Maghreb ».
    L’Espagne a accepté, le 24 octobre, la demande d’extradition définitive de Hassan El Haski. Condamné à 14 ans de prison après les attentats de Madrid en 2004, le numéro 1 du GICM purgera donc sa peine au Maroc où il comparaîtra, de surcroît, pour sa participation supposée aux attentats de Casablanca de 2003.
    Pendant des lustres, le Maroc et les Marocains étaient considérés comme un territoire et un peuple immunisés contre le jihadisme terroriste qui éclosionnait dans d’autres espaces géographiques musulmans et ailleurs. Les attentats de Casablanca, en 2003 et du 11 mars 2004, à Madrid, ont réveillé abruptemet les européens de leur sommeil : La majorité de leurs auteurs étaient des marocains de provenance social et de formation professionnelle et intellectuelle très différentes.
    Contrairement aux groupes terroristes algériens qui, en dehors des attentats de Paris, opèrent en Algérie, les groupes terroristes marocains ont pris comme champ d’action le Maroc et l’UE. Les arrestations de membres des groupes marocains en France, en Belgique, en Espagne et au Maroc se font chaque année depuis une décennie.
    Theo Van Gogh, réalisateur, écrivain et chroniqueur, a été assassiné le 2 novembre 2004, à Amsterdam, suite à la diffusion à la télévision de son film sur l’islam. Le 9 novembre 2005, Muriel Degauque, Belge, s’explose à Baghdad dans un attentat suicide ; alors que, presque simultanément, Issam, son époux, Marocain, est abattu, dans la même ville, par des soldats américains.
    Les médias français ont fait savoir, jeudi 11 septembre, que cinq membres du Groupe Islamique du Salut Marocain (GISM) seront jugés en 2009 par un tribunal français pour des accusations de financement du terrorisme, après avoir volé un million d’euros en mars 2004. Deux terroristes marocains ont été abattus au niveau de la commune d’Aït Oumalou lors d’une campagne de ratissage menée par les forces de l’ordre algériennes. Au mois de juin, l’Espagne a décidé d’extrader le Belgo-marocain Mohamed El Bay et l’hispano-marocain Ali Aâras. Ce dernier serait membre du groupuscule Harakar Al Mujahidin Fi Al Maghrib (Mouvement des Moujahidines au Maghreb) depuis 1982. Au mois de septembre, un marocain y un mauritanien appartenant à l’organisation Al Qaida au Maghreb Islamique ont été transférés vers la prison de Serkadji, à Alger pour être jugés avec trois autres marocains et un Lybien détenus auparavant. Au mois de février, la police marocaine procédait à l’arrestation du Belgo-Marocain Abdelkader Belliraj suspecté d’être le chef présumé d’un réseau terroriste, composé de 36 éléments, dont le but était d’exécuter des personnalités des plus représentatives du système, dont des généraux de l’armée, ainsi que des marocains de confession juive. Belliraj est accusé d’avoir tué plusieurs personnes en Belgique.
    L’organisation terroriste Marocaine, connue sous le nom de « Feth El Andalous » dans un communiqué diffusé sur Internet, a menacé de frapper des ambassades et consulats Espagnols dans les pays maghrébins, et en particulier en Algérie et au Maroc. Les medias Marocains ont rapporté que les investigations en cours, essayent de trouver des rapports entre les détenus soupçonnés d’appartenir à l’organisation « Feth El Andalous » et ceux appartenant à l’organisation « Tahrir El Andalous » dont le leader était le Marocain Abou Illyés.
    Les exécutants d’attentats terroristes sont toujours des habitants du pays visé ou des proches voisins pourvoyeurs d’une importante diaspora. En Grande-Bretagne, les actes terroristes ont été exécutés par des ressortissants d’origine asiatique, d’où vient une grande partie de la communauté musulmane immigrée.
    Selon les statistiques, près de 4 millions de Marocains vivent en Europe, dont la grande majorité en Espagne, en France et en Italie. En Espagne, avec plus de 600.000 personnes, la communauté marocaine est de loin la plus grande des communautés étrangères.
    Le CNI, les services secrets espagnols, signalait dans une note publiée au mois de février 2008, la nécessité de favoriser l’importation de main d’œuvre roumaine et réduire le nombre de marocains sur le territoire espagnol devant le risque d’islamisation de la population étrangère. Les services de sécurité ont appuyé sur la sonnette d’alarme face aux dangers que représente la communauté marocaine dans une conjoncture où la crise économique bat son plein et le taux de chômage augmente considérablement parmi les milieux étrangers.
    Dans le temps, c’était pour des raisons politiques. Aujourd’hui, les principales demandes d’extradition faites par le Maroc concernent des affaires de terrorisme ou de trafic de drogue.
    Les autorités marocaines reconnaissent la culpabilité des marocains dans les attentats de Madrid et l’assassinat de Van Gogh, mais insistent qu’ils se sont radicalisés dans les pays qui l’abritent et ils obéissent à des ordres donnés par des islamistes qui vivent en Europe. Les officiels marocains insistent sur le fait que les courants terroristes qui agissent au Maroc, tels que les salafistes combattant, d’inspiration wahabiste saoudienne et le Groupe Islamiste Combattant Marocain (GICM), composés de vétérans de l’Afghanistan, reçoivent leurs instructions depuis l’Europe.
    Les autorités marocaines viennent de convoquer les Imams des mosquées de l’Espagne dans le cadre de la lutte contre les tendances intégristes au sein de la diaspora marocaine. Un mois avant, le ministère marocain des affaires réligieuses avaient organisé des réunions avec les Imams se trouvant aux Pays Bas, même si parmi ceux-ci il y a eu une certaine proteste contre cette initiative considérée par le gouvernement néerlandais comme une ingérence dans les affaires internes.
  • LES RESERVES DE RABAT

    Tout a commencé avec une démission forcée par le Front Polisario. Le départ de Van Walsum apportait un mauvais présage pour le Maroc : La communauté internationale n’est pas prête à forcer la main pour imposer l’autonomie au peuple sahraoui. Le Maroc n’est pas content de la suite des évènements et il veut le faire savoir. La rapide désignation de son successeur affichait clairement une volonté onusienne de sortir définitivement d’un conflit qui a trop duré. Les déclarations de la secrétaire d’Etat américaine, Condoleeza Rice lors de son périple en Afrique du Nord ont suscité l’anxiété du Maroc avec sa formule a deux tranches : « Il y a de bonnes idées sur la table ». Dès lors, le Royaume chérifien commence à se poser des questions quand à la position de Washington sur la question du Sahara Occidental, surtout au cas où Barack Obama arriverait à la Maison Blanche.

    L’Amérique ne veut plus de cette situation de blocage qui ne sert pas du tout la sécurité et la stabilité dans la région, des facteurs basiques pour la lutte conjointe contre le terrorisme au Sahel. L’Europe, pour sa part, encourage la revitalisation de l’UMA comme seul moyen cohérent de fortifier les échanges économiques. L’Algérie, pour sa part, avec son refus d’ouvrir les frontières avec le Maroc en dehors d’une solution globale à tous les contentieux a exprimé son désir de faire pression pour trouver une solution juste et définitive du problème du Sahara.

    L’engagement américain à côté du secrétaire général des Nations Unies a pour but de créer un nouveau cadre pour les relations inter-maghrébines. Ce nouveau cadre devra être édifié tout en respectant la légalité internationale, à savoir le droit du peuple sahraoui à l’autodétermination et à l’indépendance, l’unique contexte possible pour assurer la paix dans la région. La communauté internationale n’a pas l’intention d’utiliser le Chapître VII, mais affirme sa volonté d’en finir avec le problème du Sahara Occidental sur base d’un accord consenti mutuellement, comme l’ont souvent répété les résolutions onusiennes. La dernière résolution de la IV Commission a bien rappelé que l’affaire du Sahara Occidental relève de la responsabilité des Nations Unies.

    Les craintes du Maroc ne sont pas infondées, il n’a pas encore donné son assentiment à cette nomination imposée par les américains une semaine à peine après la démission du diplomate néerlandais. L’acceptation de ce rapide « atterrissage » de Christopher Ross à la place de Peter Van Walsum ne peut signifier que l’acceptation de la nouvelle conjoncture. Une conjoncture qui laissera une place respectable au rêve du peuple sahraoui d’avoir un « chez-soi » après 33 ans d’exode.

    David Welch, l’adjoint de Condoleeza Rice a essayé de rassurer le Makhzen en faisant des louanges au plan d’autonomie marocain, même s’il n’a pas caché sa caducité lorsqu’il a souligné qu’il était « l’initiative la plus substantielle dans un certain temps » et qu’il « précise une considération sérieuse » tout en invitant le Front Polisario à présenter une « proposition créative ». Il a ajouté « si l’autre partie a sa propre vision doit suggérer des changements pour avancer, comme dans toutes les négociations ». Avancer ne veut pas dire forcément accepter les conditions préalables du Maroc pour reprendre toute négociation, à savoir, la soumission au fait accompli du plan d’autonomie et des caprices marocains.

  • A propos

    Nous sommes un groupe d’immigrés sahraouis résidents en Europe.

    Adresse du bureau :
    Rue de la Sambre, 22
    1080 Bruxelles
    Belgique

    E-mail : front.polisario@gmail.com

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    L’Equipe de Diaspora Saharaui :

    Mohamed Mahamud Embarec, Bruxelles
    Yusef Brahim, Bruxelles
    Brahim Andala, Alicante
    Sid Mohamed Hamdi, Bremen
    Mohamed Omar, Paris
    Salah Khatri, Argenteuil
    Brahim Cheij Breih, Barcelone

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    Nous publions aussi des articles envoyés par d’autres membres de la diaspora

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  • LES RESERVES DE RABAT

    Tout a commencé avec une démission forcée par le Front Polisario. Le départ de Van Walsum apportait un mauvais présage pour le Maroc : La communauté internationale n’est pas prête à forcer la main pour imposer l’autonomie au peuple sahraoui. Le Maroc n’est pas content de la suite des évènements et il veut le faire savoir. La rapide désignation de son successeur affichait clairement une volonté onusienne de sortir définitivement d’un conflit qui a trop duré. Les déclarations de la secrétaire d’Etat américaine, Condoleeza Rice lors de son périple en Afrique du Nord ont suscité l’anxiété du Maroc avec sa formule a deux tranches : « Il y a de bonnes idées sur la table ». Dès lors, le Royaume chérifien commence à se poser des questions quand à la position de Washington sur la question du Sahara Occidental, surtout au cas où Barack Obama arriverait à la Maison Blanche.

    L’Amérique ne veut plus de cette situation de blocage qui ne sert pas du tout la sécurité et la stabilité dans la région, des facteurs basiques pour la lutte conjointe contre le terrorisme au Sahel. L’Europe, pour sa part, encourage la revitalisation de l’UMA comme seul moyen cohérent de fortifier les échanges économiques. L’Algérie, pour sa part, avec son refus d’ouvrir les frontières avec le Maroc en dehors d’une solution globale à tous les contentieux a exprimé son désir de faire pression pour trouver une solution juste et définitive du problème du Sahara.

    L’engagement américain à côté du secrétaire général des Nations Unies a pour but de créer un nouveau cadre pour les relations inter-maghrébines. Ce nouveau cadre devra être édifié tout en respectant la légalité internationale, à savoir le droit du peuple sahraoui à l’autodétermination et à l’indépendance, l’unique contexte possible pour assurer la paix dans la région. La communauté internationale n’a pas l’intention d’utiliser le Chapître VII, mais affirme sa volonté d’en finir avec le problème du Sahara Occidental sur base d’un accord consenti mutuellement, comme l’ont souvent répété les résolutions onusiennes. La dernière résolution de la IV Commission a bien rappelé que l’affaire du Sahara Occidental relève de la responsabilité des Nations Unies.

    Les craintes du Maroc ne sont pas infondées, il n’a pas encore donné son assentiment à cette nomination imposée par les américains une semaine à peine après la démission du diplomate néerlandais. L’acceptation de ce rapide « atterrissage » de Christopher Ross à la place de Peter Van Walsum ne peut signifier que l’acceptation de la nouvelle conjoncture. Une conjoncture qui laissera une place respectable au rêve du peuple sahraoui d’avoir un « chez-soi » après 33 ans d’exode.

    David Welch, l’adjoint de Condoleeza Rice a essayé de rassurer le Makhzen en faisant des louanges au plan d’autonomie marocain, même s’il n’a pas caché sa caducité lorsqu’il a souligné qu’il était « l’initiative la plus substantielle dans un certain temps » et qu’il « précise une considération sérieuse » tout en invitant le Front Polisario à présenter une « proposition créative ». Il a ajouté « si l’autre partie a sa propre vision doit suggérer des changements pour avancer, comme dans toutes les négociations ». Avancer ne veut pas dire forcément accepter les conditions préalables du Maroc pour reprendre toute négociation, à savoir, la soumission au fait accompli du plan d’autonomie et des caprices marocains.

  • LE CAMP AL WAHDA ET L’ARMEE

    « Au départ, on nous a dit de prendre des provisions pour une semaine », raconte Lamine, un des chefs tribaux installés dans le camp al Wahda. Après un mois, on a ramené les tentes caïdales. Puis nos familles nous ont rejoint. Au bout de deux ans, on s’est mis à construire en dur ». Et pourtant, en 1991, personne n’est venu en son plein gré. Les Caïds et Khalifas venaient frapper à la porte de chaque famille pour leur apporter l’ordre du palais : Le départ vers le Sahara pour demander la participation au référendum est obligatoire. Mais depuis des années les perspectives d’un référendum se sont dissipées et le Maroc n’est pas près de l’accepter. Alors, pourquoi ces gens ont accepté de rester, supporter ces conditions de vie indignes? Au camp Al Wahda, si les logements sont précaires, la vie est gratuite. Ici, l’État subventionne tout : la nourriture, l’eau, l’électricité. Tous les 10 jours, les rations alimentaires sont distribuées aux familles par le responsable du bloc qui, seul, bénéficie en parallèle de la fameuse carte d’entraide nationale. Chaque personne reçoit 1 pain de sucre, 200 grammes de thé, 200 grammes de lait en poudre, 500 grammes d’huile de table et 2 fois par semaine, 400 grammes de viande. Dès le début, le trafic a fleuri. Les provisions distribuées sont revendues aux autres habitants de la ville à des prix qui font la concurrence aux produits se trouvant dans le marché. Durant toutes ces années, les habitants des bidonvilles ont pu faire des économies. Maintenant, ils remercient le bon Dieu de ne pas être restés dans ses villes d’origine de Tant-Tan, Goulimim, toute la région du Ouad-Noun, etc, où la situation économique et sociale s’est beaucoup dégradée les dernières années. Pour eux, c’est un coup de grâce!
    Il faut dire que les relations entre les habitants de Laâyoune d’origine sahraouie et ceux du camp sont longtemps restées très distantes. On les considérait comme le reste des colons, on ne se mélangeait pas avec ceux que la ville avait baptisés « les Kurdes ». Au fil des années, leurs conditions de vie, et l’émergence d’une nouvelle génération, a fait naître un certain sentiment d’appartenance à la terre des ancêtres. Lors du soulèvement populaire de 1999, les quartiers Moulay Rachid et Mâatal-la se sont vus soutenus par des jeunes du camp Al Wahda et d’autres ont pu trouver refuge à ce dernier face à la sauvage agression organisée par les forces de l’ordre appuyés par la foule de colons embrigadée pour « mater les sahraouis ». Le camp Al Wahda est, désormais, appelée par les sahraouis, le « camp de secours ». Après ces évènements, le sentiment de la population locale et celle du camp Al Wahda envers les « gens du nord » relevait d’une importance capitale. Ils constituent un risque majeur pour la tenue de tout référendum d’autodétermination. Dorénavant, l’administration marocaine ne peut plus faire confiance aux milliers de gens qu’elle a amenés pour s’assurer de la victoire dans les urnes. Pour le Makhzen, il faut absolument éviter la tenue de ce référendum dont le résultat n’est plus garanti. C’est peut-être une des raisons qui poussent le Maroc à refuser toute solution qui passe par les urnes même avec un corps électoral élargi.
    L’administration marocaine, consciente de la mesure du potentiel explosif de la situation, commence à prendre des mesures. La plus urgente : la construction de logements sociaux dont la distribution a été achevée en 2008 avec la disparition des derniers bidonvilles. La situation économique oblige la garde des subventions de l’Etat dont une grande partie est déviée par l’armée, responsable de sa distribution.

    Le 22 octobre, des citoyens du camp Al Wahda à Smara ont bloqué un trailer de l’armée chargé de provisions alimentaires lors de sa sortie d’un dépôt militaire se trouvant dans la ville. Des militaires chargés de la garde et des agents de sécurité sont intervenus pour libérer le véhicule suspecté d’être utilisé pour dévier les produits alimentaires depuis la base militaire à Smara où sont stockés pour être distribués aux locataires du camp Al Wahda. Cette démarche est leur manière de protester contre le trafic pratiqué dans l’armée.

    Pour ôter à ses généraux toute velléité de coup d’État, Hassan II avait imaginé une bonne parade : les enrichir par l’octroi de fermes agricoles, de lotissements à bâtir ou simplement en les laissant se livrer à toutes sortes de trafics juteux. La recette a été efficace. Grâce aux largesses du roi défunt, à son laxisme, quantité d’officiers supérieurs ont bâti des fortunes colossales dans l’immobilier, l’agriculture, la pêche ou l’industrie. Les bons de carburant distribués aux unités sont revendus à l’extérieur des casernes. Des officiers prélèvent leur dîme sur la nourriture destinée aux soldats. D’autres n’hésitent pas à mettre la main sur les primes octroyées aux militaires en garnison au Sahara occidental. Au Maroc où le chômage des jeunes atteint des proportions catastrophiques, il faut même payer pour pouvoir être enrôlé dans l’armée. » (Extraits d’un article de Jean-Pierre Tuquoi, Le Monde, décembre 1999.)

    En 2001, Demain Magazine consacrait une série d’articles concernant le phénomène de la corruption au sein de l’armée marocaine au Sahara Occidental, en citant les noms des officiers et des bateaux ayant profité de licences illégales. D’après ces articles, la suspension des accords de pêches avec l’Union Européenne aurait été motivée par le souci de protéger les intérêts des militaires.

    Lorsque, dernièrement, le fils du général Mohamed Mohattane, devenu célèbre lors de la bataille de Ouarkziz, a été arrêté en flagrant délit de trafic de drogue, la presse a été choquée de sa rapide libération. De là à déduire une implication de tous les officiers supérieurs dans les affaires de drogue, il n’y a qu’un pas très facile à franchir.

    En février 2007, deux généraux marocains sont impliqués dans le trafic basé dans les territoires occupés du Sahara occidental, selon le journal espagnol La Razon. Selon l’information d’Interpol qui a alerté les autorités marocaines, la drogue est débarquée soit sur les côtes sahraouies ou directement transvasée des bateaux de marchandise vers les bateaux de pêche. Les perquisitions menées sur ordre du roi ont permis à la police de trouver la drogue dans un conteneur appartenant à une société dont le propriétaire est un général de l’armée royale qui est aussi actionnaire dans plusieurs entreprises de pêche. Ce qui explique, peut-être, la réaction passive des autorités qui gèrent cette région en constante tension. Le principal suspect est une société qui possède une trentaine de bateaux congélateurs appartenant au général Bennani, inspecteur général des FAR, Housni Benslimane responsable de la gendarmerie royale et Abdelhak Kadiri ex-responsable du service de renseignement et conseiller militaire proche du roi. Cette affaire a démontré enfin que le palais royal n’a aucune autorité sur les territoires sahraouis qu’il occupe depuis 1975 alors qu’il y déploie toute une armée pour réprimer opposants et manifestants autochtones.
    Les militaires qui ont osé dénoncer la corruption dans l’armée ont été sévèrement punis. Ainsi, en 1998, le capitaine Mustapha Adib alors âgé de 33 ans, avait dénoncé la corruption dans une base militaire à Errachidia où il avait été affecté. La suite on la connaît, il avait été poursuivi, radié de l’armée puis incarcéré en décembre 1999 pour avoir enfreint le secret militaire en s’adressant à la presse. Ce qui lui avait valu en 2000 une condamnation à 5 ans de prison, commuée en 30 mois après cassation. Il avait été libéré en mai 2002 et s’était établi une année plus tard en France.

    En 2002, dans un communiqué, un comité d’action d’officiers libres des Forces Armées Marocaines, de création récente, a dénoncé la corruption dans l’armée. Il s’agit, selon des exilés marocains en France, de jeunes officiers opérant au Sahara Occidental. Les signataires du communiqué dénoncent « le pouvoir des généraux en place et de certains officiers supérieurs » qui puisent « dans les caisses des différents corps d’armée (…) au détriment des troupes et des hommes qui ont subi une constante détérioration de leur niveau de vie en caserne ». Le mouvement menace de « passer à l’action directe » et demande au roi d’écouter leurs revendications, dont la mise à la retraite des chefs actuels, un contrôle des dépenses sociales des armées et la libération des officiers condamnés pour avoir dénoncé la corruption dans leurs unités.

    Le 14 mars 2002, Brahim Jalti prend en otages, aidé par Jamal Zaïm, un colonel et un capitaine dans la caserne d’Oujda. Aux négociateurs, il fixe un ultimatum : “On ne les libèrera pas tant qu’on n’aura pas vu le roi”. La prise d’otages ne dure finalement que deux heures et demie. Zaïm est maîtrisé, alors que Jalti finit par se rendre. Après une enquête qui durera trente jours, les deux soldats sont présentés, le 21 mai 2002, au Tribunal militaire de Rabat, qui expédie l’affaire dans la journée. Verdict : 7 ans de prison ferme pour Jalti et 8 ans pour Zaïm.

    Aujourd’hui, devant l’impunité des FAR marocaines, réussiront les camps Al Wahda à les empêcher de vendre leurs provisions? Ils n’ont pas facil face à un adversaire craigné par le roi du Maroc même.