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  • Les trois facettes de la Françafrique

    Françafrique : la fin d’un système nocif (1)

    Sortir des rapports vicieux

    Les Etats francophones d’Afrique et l’ex-puissance coloniale, la France, sont aujourd’hui à la croisée des chemins. On ne pourra certainement plus étouffer la voix qui sourd de toutes les souffrances des peuples africains opprimés et la France ne pourra certainement plus nier le constat de l’échec du système “françafrique”. Lors de la dernière visite d’Etat de Dramane Ouattara en France, le quotidien “Aujourd’hui” a barré sa Une d’une image fortement parlante : Un maigrelet qui portait sa pitance à la gueule grandement ouverte d’un repu.

    La dernière “Une” de l’hebdomadaire “Jeune Afrique”, l’organe panafricain le plus françafricain ne pouvant plus étouffer l’émergence de la question ne dit que ceci : « France-Afrique : le grand débat. Sur l’Afrique et le mode arabe, Hollande n’a rien à proposer ; Sarkozy a échoué, une autre politique est possible». Tout un programme révélateur d’une préoccupation naissante dans le cheminement des peuples que l’histoire a lié dans un destin commun. Les ex-colonies françaises vont-elles continuer d’être les marchepieds d’une France qui leur prend presque tout dans une “coopération” inique qui plombe aussi sa propre croissance ? Pendant que tous ces Etats d’Afrique, cinquante ans après leur indépendance, trainent encore les tares des accords dits de défense qui sont en fait des contrats occultes de prédation de leurs ressources, la France, elle-même, comme un enfant gâté qui attend tout d’une Afrique nourricière, n’a pu se construire une économie compétitive en Europe.

    La voilà, malgré tous ses tentacules coloniaux, à la traine de l’Allemagne qui en a pourtant été dépouillée après la deuxième guerre mondiale. Aussi sommes nous fondés à penser que cette problématique qui pointe à l’horizon de cette nouvelle ère de notre relation avec l’Occident, l’est pour la véritable renaissance de nos peuples. Si, selon “Jeune Afrique”, Hollande n’a pas de solution, c’est certainement parce qu’il sait que la méthode Gaullienne héritée de la conférence de Berlin de 1885 et du projet nazi de l’assujettissement totale de la France ne peut plus prospérer après ce que Nicolas Sarkozy en a fait dans son rapport avec l’Afrique. En n’ayant vraiment rien à proposer, Hollande nous offre là une bonne opportunité de vider le contentieux de plusieurs décennies de relations mafieuses improductives et d’écrire une nouvelle page de notre histoire commune.

    A ce propos, la conférence-débat sur le thème « et si le colonialisme n’était que l’histoire de l’exploitation forcée des ressources matérielles et humaines des colonisés ? Point de vue d’africains» qui a eu lieu le lundi 27 février 2012 à Paris est à recommander souvent pour que les autorités françaises comprennent que nous avons compris que dans l’intérêt de tous, nous refusons désormais de nous enfermer dans cette mentalité de sous-hommes …



    Françafrique : la fin d’un système nocif (2)



    L’houphouétisme, un autre nom de la Françafrique

    Pour la petite histoire, le mot françafrique a été employé pour la première fois dans un cadre officiel par feu Félix Houphouët Boigny. D’après Bernard Doza, dans son essai politique : “Liberté confisquée, le complot franco-africain”, c’est en 1955, lors du congrès du RDA en Guinée Conakry, que Houphouët scelle le sort des 14 Etats africains colonisés par la France dans le concept de la françafrique. « Notre vœu ardent, est que toutes les familles spirituelles françaises comprennent que le RDA est tourné vers l’ensemble du peuple français avec le désir de bâtir avec lui une communauté durable où les inévitables querelles de famille ne nuiront pas à la loyauté, à la confiance ni à la volonté de vivre ensemble. Qui peut douter que l’expérience françafrique constitue le meilleur espoir de l’Union Française ? Personne je crois…» dixit Houphouët Boigny qui, selon les investigations de Bernard Doza, sera récompensé plus tard par un strapontin dans le gouvernement français de Guy Mollet en 1956. Il venait ainsi de vendre la lutte du RDA en lâchant le parti communiste français pour s’apparenter à la droite Française.

    Les indépendances que la France a même trop tardé à accorder aux Etats africains dont les tirailleurs sont morts au front de la guerre contre le nazisme, ont été données contre la volonté d’Houphouët Boigny qui voulait faire de la Côte d’ivoire un Dom Tom français. Et c’est lui-même qui l’avoue le 7 décembre 1960 à travers cette formule devenue célèbre « Pour se marier il faut être deux, or la France n’a pas voulu aller à l’église, je suis resté sur les parvis avec les fleurs fanées à la main…». Tout ce rappel pour dire que l’houphouétisme est l’autre nom de la françafrique. «Tous ceux qui s’en réclament sous les tropiques en mesurent-ils suffisamment la portée ?» Est-on quelque fois naïvement obligé de se le demander !

    Mais qu’on ne s’y trompe pas parce qu’on ne peut plus se leurrer en s’enfermant comme une autruche dans des arguments brumeux, prétendument pertinents d’exclusion, de mauvaise gouvernance ou même d’anticolonialisme dogmatique pour ne pas comprendre que c’est la défense de l’empire français au détriment des intérêts de son propre peuple que mènent tous les houphouétistes du monde. Et quand un empire, comme tout empire, sort de ses gonds pour se défendre, armes au poing, contre l’idée de sa remise en cause, comme c’est le cas depuis le 19 septembre 2002 en Côte d’Ivoire, son déclin n’est plus loin.



    Françafrique : la fin d’un système nocif (3)


    Mentalité d’esclavagiste

    A ce stade de l’analyse, on ne peut pas objectivement occulter l’idée qui consisterait à défendre et à présenter l’houphouétisme ou la françafrique comme une idéologie au sens où on serait tenté de le définir comme une pratique rationnelle. Il aurait alors la même valeur que les autres pratiques politiques qui, pour être combattues les unes par rapport aux autres n’ont pas besoin de disparaitre. Dans toutes les sociétés politiquement bien structurées, les deux pôles idéologiques capitaliste et socialiste existent, s’alternent et se tiennent dans une sorte d’équilibre sociopolitique.

    Dans ces sociétés qui avancent à la vitesse de la lumière malgré ces confrontations idéologiques, les citoyens passent d’une conviction à une autre sans perdre leur âme parce que, ce qui différencie le capitalisme du socialisme est en fait un accessoire pratique face au fond rationnel qui les unit. Le libéralisme ou le capitalisme, le communisme ou le socialisme partent tous de l’idée essentiellement rationnelle que tous les hommes sont égaux et ils se valent tous en droit. Leur différence réside en ceci que les premiers créent à travers l’Etat les conditions d’une libre concurrence des citoyens ; les derniers, redoutant les clivages sociaux que crée la liberté totale de s’approprier selon sa capacité toutes les ressources existantes, exigent une plus forte implication de l’Etat dans la production et la redistribution équitable des biens publics.

    Apparemment, à cause du fil de la rationalité qui les tient tous, c’est en toute logique que l’alternance politique se régule seule. Quand le peuple pense par exemple que le libéralisme a trop approfondi les clivages sociaux au point de mettre à mal les fondements de l’Etat de droit, c’est lui qui change de système de gouvernance en donnant son suffrage au socialisme. Dans cette saine confrontation idéologique pour le contrôle de la république, c’est une dérive politique que de parler de race supérieure, d’ethnie, de rattrapage ethnique, de descendance égyptienne à qui doit échoir naturellement le ?trône présidentiel?. Toute chose à relent d’irrationalité que brassent les animateurs décomplexés de la Françafrique et qui fonde à penser que cette dernière n’est pas une idéologie.

    La Françafrique ou l’houphouétisme est simplement une mentalité, celle de l’esclavagiste. Imaginez tout ce qu’un esclave doit à son maître et tout ce qu’un maître attend de son esclave et vous saisirez mieux le type de rapport que la France officielle perpétue dans la Françafrique avec ses ex-colonies. Et vous comprendrez mieux pourquoi, tous autant qu’ils sont, les adeptes occidentaux de la Françafrique comme leurs relais africains sont allergiques au concept de souveraineté, de nationalisme et de la démocratie sous les tropiques.

    Joseph Marat

    Source : Le destin de la Côte d’Ivoire

    Tags : Françafrique, Tchad, Guinée, Côte d’Ivoire, Mali, Niger, RCA, RDC, Congo, Sénégal, Burkina Faso, Alassane Ouattara, AlphaConde, esclavage, colonisation, expolitation, Franc CFA, FCFA, pillage,

  • Réponse à François Patuel

    Cher Patuel,

    Avant d’évoquer les atteintes délibérées ainsi que constantes de la part de l’ensemble des sytèmes tyranniques et néo-autocratiques surtout d’obédience françafricaine, il faudrait poser la question majeure de la souveraneté réelle de ces républiques bananières, car l’instauration de l’Etat fondé sur le droit, la démocratisation de la vie politique et le respect scrupuleux des droits fondamentaux, ne peuvent prendre véritablement forme dans une nation donnée, si cette dernière demeure soumise sans discontinuer par le colonialisme français.

    Cette réalité indéniable et dérangeante semble ne pas du tout intéresser les marchands de rêves que sont les pseudo-opposants.

    Tout est condamnable en toute situation, sauf les ingérences antidémocratiques et intolérables de la France officielle dans les affaires intérieures des pays africains.

    Quant aux prétendues CEDEAO, Union Africaine, francophonie et même l’ONU, elles n’osent simplement pas ouvrir la bouche ou « agir » en Afrique françafricaine, que sur autorisation de l’Elysée. Que peut-on attendre de bien de la part de ce genre d’institutions illégitimes, bureaucratiques, et foncièrement corrompues?

    Depuis 1960, les dévoyés serviteurs défendant les intérêts de la France sur le continent sont les mariennettes qu’elle impose au pouvoir à sa guise, et s’il vous plaît pour des longues décennies.

    Ne pas vouloir résoudre définitivement cette gravissime problématique d’asservissement sans fin, veut dire que l’arbitraire et l’indigence accompagneront durablement les divers sous-Etats françafricains.

    Les critiques permanentes, le mensonge et l’imposture ne changeront rien à la situation lamentable des uns comme des autres.

    Tout peuple inconscient, apeuré et surtout résigné mérite, avec raison, sa domination continuelle. Personne ne viendra sans nul doute, le secourir.

    Ali Muhammad Diallo (Twitter)

    Tags : France, françafrique, dictatures, despotisme, répression, colonisation, colonialisme, Tchad, Mali, Niger, BurkinaFaso, Sénégal, Guinée, RCA, RDC, Côte d’Ivoire,

  • Maroc : Ilal Amam, la vie derrière soi

    Le mouvement marxiste-léniniste marocainn’a pas fini de livrer sessecrets. Un de ses anciens militants, Abdelaziz Tribak, vient de publier un récitrésolument autocritique (Ilal Amam, autopsie d’un calvaire). Retour sur une époque et son côté obscur.

    “Si les gauchistes marocains écrivent tant sur leurs expériences passées, c’est qu’ils ont longtemps été censurés. C’est même pour cela qu’ils avaient quitté leurs partis”. Cette boutade, Abdelfattah Fakihani, ancien d’Ilal Amam décédé en 2009, l’attribuait à son ami Fouad Abdelmoumni. Sur ce point, on peut mettre d’accord tout le monde. Les militants de gauche radicale se sont livrés avec plus de détails, de recul et, parfois, d’esprit critique que le reste de la classe politique. Depuis bientôt dix ans, les témoignages affluent. La littérature carcérale s’est attachée, d’abord, à raconter l’indicible, la torture, la répression.

    Cette œuvre de catharsis est aujourd’hui presque achevée. Avec le temps, sont apparus de nouvelles voix, de nouveaux discours. Dernier exemple en date, le livre de Abdelaziz Tribak. Dans Ilal Amam, autopsie d’un calvaire (Saâd Warzazi Editions, 2009), cet ancien militant révolutionnaire ne tourne pas autour du pot : “Est-ce que je regrette de m’être engagé dans Ilal Amam, organisation marginale d’extrême gauche ? D’avoir gaspillé onze années de ma vie en prison pour cette mouvance ? Oui, assurément”. Tribak ne renie pas ses engagements, mais il apporte une lumière crue sur les faiblesses du combat de toute une génération, et surtout d’Ilal Amam.

    On les appelait les “frontistes”

    Aujourd’hui encore, définir Ilal Amam est une gageure. La Mounadamma (l’Organisation, diraient les anciens) est de l’extérieur indissociable des autres composantes de la mouvance marxiste-léniniste (23 mars, Servir le peuple). C’est une excroissance, longtemps honteuse, de la gauche marocaine. Les militants d’Ilal Amam ont été recrutés d’abord, parmi les déçus du communisme de Ali Yata, les deux autres groupes étant des scissions de l’UNFP. Le Mouvement marxiste-léniniste marocain (MMLM) est né de la répression par le pouvoir des partis à vitrine légale et d’un refus de jouer le jeu du “régime compradore”. “On voulait être une alternative révolutionnaire de la dualité légalisme-action armée”, résume Driss Bouissef, “repenti” d’Ilal Amam. En ce début des années 1970, le grand parti de gauche, l’UNFP, subit encore la répression du pouvoir et sa branche armée essuie défaite après défaite. De son côté, le PLS de Ali Yata (l’ancien parti communiste) retrouve la légalité et prône déjà la voie parlementaire.
    C’est donc bien la répression et les choix politiques des partis réformistes qui leur font perdre de nombreux militants, au Maroc et à l’étranger. Ceux du PLS sont les premiers à être débauchés par Ilal Amam, dès sa création en août 1970. Les frontistes (ndlr : Ilal Amam, 23 mars, Servir le peuple avaient présenté un front commun en 1970 aux élections syndicales à l’Université de Rabat), comme on les appelait à l’époque, se voyaient déjà en élite révolutionnaire. Des intellos en lutte, jetés dans l’arène à la sortie du lycée, et cueillis par la police à partir de 1972.

    Le groupe de Serfaty

    Pendant longtemps, Ilal Amam a eu une voix, celle d’Abraham Serfaty. Leader et idéologue de l’Organisation, figure-clé de l’opposition à Hassan II pour la presse française, Serfaty est l’homme lige du Polisario, pour le régime. En plein procès, début 1977, l’homme fait scandale, prenant de court son avocat, Me Abderrahim Berrada : “Vive la République arabe sahraouie démocratique ! Vive la République démocratique et populaire marocaine !” Le tribunal est sous le choc, certains coaccusés aussi. Aurait-il reculé s’il avait calculé les conséquences de ses déclarations et actes sur la vie de ses camarades ? Des années plus tard, après sa “libération-expulsion”, Serfaty n’en démord pas : “Je considère cette déclaration comme l’honneur de ma vie”. (La mémoire de l’autre, 1993)
    Pour Abdelaziz Tribak, une telle attitude était suicidaire. “Ne valait-il pas mieux épargner le maximum de camarades lors de ce procès ? Serfaty avait peut-être besoin de boucliers humains, et ils nous a blousés”. Une analyse que ne partage pas Driss Bouissef, pourtant l’un des premiers à avoir critiqué l’Organisation, son idéologie et certains de ses choix. “La direction était collégiale et la position sur le Sahara a été un prétexte tout trouvé pour le régime”. La question de la démocratie interne reste posée. Dès 1979, une partie des camarades rompent avec l’organisation. Boycott des éléments “droitiers” (sic) du MMLM, sanctions contre les camarades et exclusion des “défaitistes”, l’ambiance est délétère et Serfaty a du mal à gérer la contestation interne.

    “Prison dans la prison”

    L’idéologie de la résistance a contribué à faire des martyrs. Elle devient la valeur suprême derrière les barreaux. En 1976, toute l’Organisation est en prison ou à l’étranger. Abdelfattah Fakihani, un des membres de l’Organisation, le raconte dans Le Couloir (Tarik éditions, 2005). “Qui a parlé sous la torture, qui a parlé peu, qui a parlé trop, qui a parlé après avoir été sauvagement torturé, qui a parlé ‘sans recevoir la moindre gifle’, qui, par ses aveux, a entraîné l’arrestation d’autres camarades. Ces questions étaient capitales dans l’échelle des valeurs”.

    Les membres dirigeants, Serfaty, El Harif, Amine, n’ont “donné” aucun nom, renforçant leur position au sein de l’Organisation, et leur sévérité à l’encontre des défaitistes. “Nous devions être des surhommes”, retient Fakihani. Le martyre de Abdellatif Zeroual, mort sous la torture, devient, par un terrible jeu de l’orgueil militant, une fierté pour Ilal Amam. Cette pureté révolutionnaire est aussi une justification de la dictature interne, en prison. “A Alif1 (quartier de la prison de Kénitra où sont “logés” des membres de la direction, ndlr), c’était l’enfer stalinien”, résume Tribak.
    Les grèves de la faim sont des épreuves terribles pour les corps et les esprits. Elles s’ajoutent aux règlements de compte et aux pressions. C’est la “prison dans la prison”. Certains camarades perdent la raison “quand leurs illusions se sont brisées devant la réalité de leurs dirigeants, finalement humains”, analyse aujourd’hui ce militant. Le rationnement des livres et des cadeaux a servi à punir les détenus, déjà isolés. “Certains ont été privés de chocolat. Parfois, on ne parlait pas pendant des mois à un militant d’une autre organisation, pour des raisons politiques”, confesse cet ancien de Kénitra. Fin 1979, moins d’un an après son transfert à Kénitra, Abraham Serfaty se résigne à laisser filer les contestataires : “Mieux vaut quinze qui travaillent que soixante qui se déchirent !” Le mouvement a vécu.

    Dehors, les familles

    Pendant qu’à Kénitra (et dans les autres prisons, au gré des déplacements), militants et camarades se chamaillent, dehors, les femmes s’organisent. Dénigré par la direction, le “mouvement des familles” s’autonomise par rapport à la ligne politique qui se délite déjà. Leurs préoccupations sont plus immédiates. Lucile Daumas raconte les courses au marché de gros pour les provisions des camarades. “J’avais l’avantage d’avoir une voiture et d’être française”, se souvient celle qui fut la femme de Driss Bouissef, aujourd’hui militante au sein d’Attac Maroc. Les mères et les épouses ne sont pas des porte-parole officielles d’Ilal Imam. Elles seront le lien des détenus avec l’extérieur. Sit-in devant le parlement, le ministère de la Justice, les familles donnent de la voix.

    Les soutiens sont rares. La gauche “démocratique” veut faire payer l’aventurisme à ceux qui ont coupé les ponts. A l’époque, la consigne est claire : la presse partisane ne parle pas des marxistes-léninistes. Elyazghi, dirigeant de l’USFP, se justifie : “Nous avons aussi nos prisonniers. Est-ce que nous faisons tout ce tapage ?” Un premier billet sort quand même dans la presse du parti. Le mouvement des familles est devenu la mauvaise conscience de la gauche marocaine.

    La liberté, enfin

    Refusant la logique des tractations, les détenus d’Ilal Amam réclament la libération de tous les détenus politiques. “Le mot d’ordre aux détenus était de ne pas demander à sortir de prison”, se souvient Lucile Daumas. Mais avec les dissensions internes, certains choisissent de prendre les devants. Il y a les Ittihadis, militants qui rejoignent (tactiquement ?) l’USFP, et d’autres qui demandent la grâce royale. Ils ne seront pas les premiers libérés. “Sur ce point, l’attitude du régime a été incompréhensible, indigne même”, s’insurge ce militant des droits humains. En d’autres termes, le régime encourage les dissensions, mais ne récompense pas les “affranchis” d’Ilal Amam. Les grâces sont arbitraires. Abdellatif Laâbi, un des fondateurs du mouvement, sort dès 1980, d’autres militants ayant rompu avec le mouvement attendront.

    Tribak est relâché en décembre 1986, après avoir demandé et obtenu la grâce royale. “Nos familles ne savaient rien. Je devais être sympa à voir avec mon pantalon pattes d’éph qui était à la consigne de la prison depuis 1976”. Souvent, la sortie de prison a été déstabilisante. “Beaucoup ont eu du mal à retrouver un boulot, une vie de famille”, déplore un camarade. Il y a les maladies, les séquelles des privations, des grèves, le traumatisme de la torture aussi. Tribak entame une carrière à la préfecture de Tétouan, avant de devenir pigiste. Le reste, la vie derrière lui, est dans son livre.

    Par Youssef Aît Akdim

    Source : Le Matin d’Algérie, 7 nov 2009

    Tags : Maroc, gauche, extrême gauche, Ilal Amam, Abraham Serfaty,

  • Record TV incapable de retourner au Maroc, adopte une stratégie pour Genesis

    Le diffuseur utilisera des images d’archives

    Au plus fort de la pandémie de coronavirus, la distribution du prochain roman biblique de Record TV, Genesis, était au Maroc et a dû arrêter l’enregistrement. Les professionnels ont été coincés pendant quelques jours dans le pays, après l’annulation des vols internationaux en raison de la crise du Covid-19. Ils n’ont réussi à rentrer au Brésil qu’après que la station a affrété un avion.

    La reprise des enregistrements se fera dans quelques jours, mais il n’est pas viable de retourner au Maroc. Ainsi, la production devra utiliser des images d’archives et appliquer des effets spéciaux. Selon les informations de la chroniqueuse Patrícia Kogut, du journal O Globo, les oasis seront adaptées pour la ville pittoresque, dans une version réduite.

    Malgré cela, un nouveau voyage international n’est pas totalement exclu. Dans les coulisses, il y a de l’espoir concernant le vaccin contre le coronavirus, de sorte qu’il soit sûr de voyager l’année prochaine. Le roman devrait avoir 150 chapitres.

    Zé Carlos Machado, Adriana Garambone, Oscar Magrini, Cássia Linhares, Petrônio Gontijo, Daniela Escobar, Pablo Morais, Francisca Queiroz, Arthur Aguiar, Antônia Morais, Juliana Boller et Carlo Porto sont quelques-uns des noms confirmés dans le casting. La direction artistique est d’Edgard Miranda.

    Source : Observatorio da TV, 14 oct 2020

    Tags : TV, films, Genesis, Maroc, coronavirus, covid 19,

  • De Volkskrant recherche un nouveau correspondant pour l’Espagne, le Portugal et le Maroc

    De Volkskrant est à la recherche d’un correspondant polyvalent pour l’Espagne, le Portugal et le Maroc, qui travaille depuis Madrid. Les candidats ont un bon stylo, un œil curieux et un grand intérêt, y compris pour les opportunités en ligne.

    L’Espagne était à peine sortie de la crise financière lorsqu’elle a été durement touchée par la pandémie corona. L’économie a été assommée, la deuxième vague balaie actuellement le pays et l’état d’urgence a de nouveau été déclaré. Nous recherchons un correspondant qui, à travers des actualités, des reportages, des analyses et des interviews, montre au lecteur comment l’Espagne a du mal à rester à flot. Il est important de montrer non seulement les problèmes, mais aussi la résilience de la population.

    Bien que l’actualité soit dominée par la pandémie, nous voulons aussi continuer à dire à nos lecteurs ce qui se passe ensuite. La famille royale espagnole survivra-t-elle au dernier scandale de corruption? Comment se porte Ronald Koeman en tant qu’entraîneur du FC Barcelone? Que feront les Britanniques de leurs maisons de vacances en cas de Brexit? Où l’Espagne place ses moulins à vent et ses cellules solaires? Combien de temps la corrida existera-t-elle? Les Espagnols parviendront-ils enfin à mettre le douloureux passé de Franco derrière eux? La politique progressive du Portugal en matière de drogue est-elle une réussite à long terme? Et que pensent les gens de ces pays du sud de l’UE de l’économie et des réformes que des pays comme les Pays-Bas veulent leur imposer via Bruxelles?

    Le correspondant se rendra également régulièrement au Maroc, un pays à la population hospitalière mais avec un gouvernement peu soucieux de la liberté de la presse. Le mécontentement dormant au Maroc va-t-il éclater? Pourquoi l’économie marocaine fonctionne-t-elle si bien – du moins jusqu’à récemment? Combien de temps le pays arrêtera-t-il les boat people qui veulent aller en Europe? Comment les femmes marocaines modernes revendiquent-elles lentement mais sûrement plus de droits? Et quelles sont les conséquences du changement climatique dans cette région déjà très sèche?

    Nous recherchons quelqu’un qui aime sortir et se déplacer, et en plus des histoires politiques, économiques et sociales, a aussi un œil pour l’art, le sport et la religion. Une expérience de la rédaction de journalisme et une maîtrise de tous les genres sont requises, tout comme la maîtrise de l’espagnol.

    C’est une correspondance indépendante.

    Pour plus d’informations, veuillez contacter la chef de la Section de l’Etranger Marjolein van de Water (m.vandewater@volkskrant.nl). Les candidatures peuvent être soumises jusqu’au 24 octobre à la rédactrice en chef adjointe Annieke Kranenberg (a.kranenberg@volkskrant.nl).

    Source : De Volkskrant, 13 oct 2020

    Tags : De Volkskrant, presse, correspondant, Maroc, Espagne,

  • France : Qui représentera la droite?

    Favoris

    Par Fouzia Mahmoudi

    Toutes les familles politiques en France commencent à se focaliser de plus en plus sérieusement sur la prochaine élection présidentielle qui se tiendra dans dix-huit mois, car que ce soit à gauche comme à droite, personne ne fait encore figure de candidat «légitime» pour porter le programme de son mouvement.

    À droite toutefois, quelques noms commencent à circuler et à susciter l’intérêt des médias. Parmi eux, Xavier Bertrand, ancien ministre de Nicolas Sarkozy, qui a quitté Les Républicains en 2017, est celui qui retient, pour le moment, le plus d’attention. Toutefois, l’ancien ministre de l’Intérieur Brice Hortefeux a estimé cette semaine que Bertrand n’était pas forcément «le mieux placé» pour sortir la France de ses «graves difficultés».

    «Je pense que les favoris d’aujourd’hui seront les perdants de demain», a affirmé Brice Hortefeux, alors que le retrait annoncé cette semaine de François Baroin, donné jusque-là pour favori, a ravivé les tensions à droite dans la course à la candidature.

    Le président de la région Hauts-de-France Xavier Bertrand, qui pose ostensiblement des jalons, «a fait le choix d’abandonner notre famille politique quand elle était dans la difficulté», or «notre pays connaît aujourd’hui de graves difficultés». «Pour moi, cela ne fait pas de lui le mieux placé pour nous en sortir», a expliqué l’eurodéputé LR.

    «Si c’est lui, nous nous rassemblerons autour de lui, mais en revanche, il ne faut pas laisser entendre qu’il n’y a que lui», a-t-il ajouté, en soulignant les «très nombreux talents» qui «pourront jouer un rôle le moment venu».

    Il a notamment évoqué le patron des sénateurs LR, Bruno Retailleau, qui a «une ligne claire, sans hésitation, sans compromission et avec une très grande cohérence», ou la présidente de la région Ile-de-France, Valérie Pécresse, qui «ajoute une sensibilité à la fois écologique, environnementale et féministe».

    L’ancien ministre sarkozyste a aussi avancé le nom du président de la région Auvergne Rhone-Alpes, Laurent Wauquiez, «qui a décidé assez courageusement de prendre du recul» vis-à-vis de la politique nationale, «ce qui lui a fait considérablement gagner en humilité, en densité, en sincérité». «Je suis sûr que son retrait d’aujourd’hui permettra son rebond demain», a-t-il ajouté.

    Alors que Les Républicains doivent trouver un système pour départager leurs candidats, Brice Hortefeux a plaidé pour «un dispositif qui évite le cadenassage par une instance d’un parti politique» mais en même temps «qui évite le hold-up par des gens qui fausserait le résultat». «Le mot primaire ne me plaît pas», a-t-il ajouté.

    Reste que ce système de départage, qui était décrié il y a encore une année par le président des Républicains, Christian Jacob, recommence à revenir dans les débats et semble être le seul moyen de décider qui, des différents postulants à la fonction suprême, pour le moment assez peu nombreux par ailleurs, représentera la droite en 2022.

    Le Jour d’Algérie, 14 oct 2020

    Tags : France, Les Républicains, élections, présidentielles, droite, candidats,

  • Algérie : Bedoui rattrapé par les affaires

    L’audition de Nouredine Bedoui par les services économiques et financiers de la police judiciaire de Constantine démontre, si besoin est, que nul n’est désormais hors d’atteinte de la justice. L’ancien Premier ministre, que certains cercles considéraient comme une personnalité intouchable, a été entendu lundi par la PJ dans le cadre d’une enquête sur des affaires de corruption liées à la période où il occupait le poste de wali de Constantine, suite à un mandat judiciaire émis par le procureur de la Cour suprême.

    L’enquête préliminaire concerne notamment l’octroi d’assiettes foncières à des promoteurs immobiliers « privilégiés » pour la réalisation de logements promotionnels. Nouredine Bedoui, qui avait été précédé d’une réputation surfaite d’homme sans histoires, compréhensif et proche du peuple, après avoir été servi par une formidable campagne médiatique suite à son passage par Sétif et la valorisation de son image à travers les succès sportifs de l’Entente, est accusé d’avoir facilité l’accès à la propriété foncière à des députés et des sénateurs ?

    De septembre 2010 à septembre 2013, il aurait cédé des milliers de mètres carrés à des proches de hauts responsables de l’époque. Situées pour la plupart à la nouvelle ville Ali Mendjeli, à El Khroub et surtout à Zouaghi, un des quartiers les plus convoités, vu son emplacement sur les hauteurs d’une Constantine sinistrée, ces parcelles de terrain ont fait par la suite l’objet de transactions en 2ème et en 3ème main par leurs acquéreurs. Selon des sources concordantes, il aurait avantagé des oligarques et des hommes d’affaires en violation flagrante des procédures légales. Ainsi, de faux investisseurs auraient bénéficié de ses largesses d’une manière illégale.

    Les mêmes sources citent par ailleurs l’affaire des 1 000 logements sociaux attribués par anticipation ; une véritable bombe à retardement qui n’a pas encore été désamorcée. Cité déjà dans deux (2) affaires, celle de l’ancien DGSN, Abdelghani Hamel, et celle liée à la collecte de 5 millions de signatures au profit de Bouteflika, lors de la campagne pour le 5ème mandat, un dossier où il est question de fausses signatures et d’usurpation d’identité, Nouredine Bedoui se trouve aujourd’hui dans une situation peu enviable.

    Les parties qui l’avaient porté au sommet, en lui assurant promotion sur promotion pour services rendus ont perdu une grande partie de leur puissance et ne sont plus en mesure de l’extraire de toutes ces affaires. Certes, la justice ne l’a pas encore condamné, puisqu’il bénéficie de la présomption d’innocence, mais sa proximité avec la Issaba, qui ne fait plus de doute, va le marquer à jamais.

    A Constantine où il n’a fait qu’assurer le suivi des projets lancés par son prédécesseur, Abdelmalek Boudiaf en l’occurrence, aujourd’hui incarcéré dans le cadre de la lutte contre la corruption, rien ne porte son empreinte dans le domaine du développement local. Les trois années qu’il a passées dans la capitale de l’Est, sont loin d’être impérissables. En un mot, son ascension éclair demeure symptomatique des mœurs politiques en vigueur sous l’ère de Bouteflika et sa « bande ».

    Mohamed Mebarki

    L’Est Républicain, 14 oct 2020

    Tags : Algérie, corruption, Nouredine Bedoui,

  • Algérie : Du pain sur la planche

    par Abdelkrim Zerzouri


    C’est le must de la révolution économique en Algérie. Le géant Sonatrach, depuis toujours situé hors champs d’aptitude des entreprises locales, affiche sa disponibilité à changer de mode d’emploi ou de stratégie en matière d’intégration nationale.

    Désormais, l’accès aux entreprises algériennes à des contrats de projets d’ingénierie, d’approvisionnement et de construction (EPC) est du domaine du possible, avec des objectifs fixés par le groupe Sonatrach en matière d’intégration des entreprises locales dont la réalisation des projets EPC est celle d’atteindre un taux de 60% dans le court terme et de 80 % à long terme, selon des déclarations du PDG de Sonatrach, Toufik Hekkar.

    Et, pas que, puisque la propension de cette ouverture s’étend en direction des PME et PMI, qui devraient bénéficier d’office de 10 % des marchés, selon des instructions adressées aux filiales par M. Toufik Hekkar, ainsi que la création d’une nouvelle direction au sein du groupe pour accompagner et orienter les startups en cerise sur le gâteau. Est-ce à dire que la Sonatrach se chargera du financement des startups, du moins une partie d’entre ces entreprises sur lesquelles mise le gouvernement, autant que les PME et PMI, dans sa stratégie de relance économique ?

    Le gouvernement a vraisemblablement trouvé un solide actionnaire, en l’occurrence la Sonatrach, qui viendrait soutenir la création par le gouvernement du fonds d’investissement pour financer en phase d’amorçage ou en capital-risque des startups ou entreprises innovantes, d’un montant estimé à 120 milliards de centimes, selon des déclarations du ministre des Finances au mois de mai dernier. Il faudrait inévitablement compter dans ce domaine sur les investisseurs privés, mais en l’absence de culture d’investissement dans le capital-risque d’entreprises qui n’ont que leurs idées à vendre, l’arrivée à la rescousse de la Sonatrach constitue un véritable gage de succès pour la startup Act, ou cadre visant à faciliter le lancement et le développement de Startups.

    Reste à savoir si les entreprises locales pourront relever le défi et investir dans des projets de réalisation d’infrastructures, développements des champs gaziers, d’ouvrages industriels et d’installations d’équipements industriels (instrumentation, turbocompresseur, système de refroidissement), lequel créneau bénéficiait exclusivement aux entreprises étrangères ?

    L’ambition de l’accroissement de la valeur ajoutée locale et des richesses nationales à travers l’implication des entreprises algériennes dans les domaines des EPC n’est pas une sinécure en soi, et l’on souhaite que les PME et PMI, au profit desquelles on a décidé d’octroyer 10% des marchés ne subissent pas les mésaventures des micros-entreprises créées dans le cadre de l’Ansej, dont l’avantage du bénéfice de 20% des marchés publiques est tombé dans les oubliettes et dans l’indifférence quasi générale. M. Hekkar a dans ce contexte mis l’accent sur l’objectif de Sonatrach, qui est de disposer de partenaires industriels locaux performants et respectant les principes du code de conduite de la compagnie. Du pain sur la planche devant les PME et PMI, mais il faut suer pour le manger.

    Le Quotidien d’Oran, 14 oct 2020

    Tags : Algérie, EPC, PME, PMI, économie,

  • Maroc : Le cachot de la prison de Kénitra

    Le cachot

    – Où est l’autre livre ?

    – Quel livre ? Il y en a plusieurs dans ma cellule. Quel titre voulez-vous ?

    – Allez enlève tes vêtements.

    Le directeur est là en face de moi. Il est entouré de plusieurs chefs dont celui de détention. Le couloir est très sombre. Tout juste deux ampoules de vingt watts, chacune à une extrémité. Sur quelques portes il y a une grosse écriture à la craie que je n’arrive pas à déchiffrer.

    Je me déshabille. J’hésite, mais il m’ordonne de continuer. Le tee-shirt aussi. Non, il faut enlever même le slip.

    Ils font de la place et un planton me tend autre chose. J’ai terriblement froid et j’ai peur de ce qui va suivre et que j’ignore. J’enfile un vieux pantalon usé et coupé à ras des genoux. Il n’a pas non plus de boutons à la braguette. La veste, elle, ressemble à un gilet. Elle n’a ni boutons ni manches.

    -une dernière fois dis-moi où est l’autre livre, à qui tu l’as remis. Sinon tu vas rester là toute ta vie. Même quand tu auras envie de parler nous ne te sortirons pas de là, car le livre, nous le trouverons… Mettez-le dedans !

    Quand ils repartent, je regarde autour de moi, un peu comme pour prendre possession des lieux. Quelques instant d’abord pour que mes yeux s’adaptent. Le couloir sombre était mieux éclairé.

    C’est ça un cachot. Quatre mètres sur deux. Il est très bas, tout juste un peu plus de deux mètres de hauteur. Le sol est nu et suit une grande pente qui de tous les côtés converge vers le trou des aisances. Celui-ci est bouché, et de l’urine est répandue partout. Les murs sont très sales. J’ai l’impression d’être dans une grotte datant des âges préhistoriques. Des dessins rupestres d’un autre monde se chevauchent. Dieu et l’enfer, la malédiction et l’amour, des corps de femmes nues et Eros transperçant un cœur. Tous cohabitent dans cet endroit. Ils sont écrits ou dessinés avec les déchets humains.

    Je tourne en rond. J’ai froid. J’ai peur et l’angoisse m’étreint. Soudain j’entends mon nom à plusieurs reprises. C’est une voix familière. Mais il me faut quand même du temps pour réagir, aller au petit judas de la porte, et scruter le couloir.

    – C’est moi, Srifi. Je suis en face, mais à deux cachots à droite du tien. Tiens, est-ce que tu vois le bout de mes doigts ?

    C’est dommage que lui aussi soit là –et il y est en tout cas avant moi – mais la compagnie soulage et réconforte. Lui aussi devait être sûrement heureux d’avoir ma compagnie. Cela faisait plus de deux moi que nous n’étions pas vus. Notre groupe avait été scindé en deux et répartis sur les deux autres groupes des quartiers Alif-un et Alif-deux qui étaient isolés l’un de l’autre. Nous formions tous le groupe des cent trente neuf du procès de Casablanca.

    Chaque jour nous échangions quelques paroles, des nouvelles. C’était surtout Mohamed qui prenait l’initiative. Même dans un endroit pareil il n’est jamais coupé du monde. Il a été amené là parce qu’on a trouvé sur lui des coupures de journaux dont il n’a pu justifier l’origine. La fouille l’avait pris par surprise.

    Kacem, un détenu de droit commun, était dans un autre cachot. Ils étaient sept à avoir tenter de s’évader. L’alerte avait été donnée alors qu’ils se trouvaient tous ensembles au sommet des murs. Il n’était plus question de s’entraider pour descendre avec la corde. Un seul a put s’échapper. En sautant du haut des remparts cinq avait eu des fractures et étaient encore maintenus à l’infirmerie. Kassem, lui, bien que mal en point, avait été amené directement au cachot après plusieurs séances de falaqa. Maintenant, il était en grève de la faim depuis déjà plus de vingt cinq jours. Il revendiquait les droits du cachot. Il m’a fallut beaucoup de temps pour comprendre que de son point de vue nous avions une situation très enviable. On ne lui avait laissé que son slip. Il était maintenu debout, les menottes aux mains, derrière le dos et attachés à un anneau fixé au mur. A titre de protestation supplémentaire il avait profité d’un instant – où on lui avait libéré les mains et essayer de le convaincre de manger – pour enlever son slip et refuser de le remettre. Chaque jour des gardiens l’insultaient pour sa nudité totale, le qualifiant de ne pas être un humain.

    Il nous était difficile d’assumer sa situation. Il allait à la mort. Nous essayâmes de le convaincre d’arrêter la grève. Il nous opposait nos propres grèves. Mais qui au monde aurait pu se soucier de lui. Il finit par arrêter après avoir gagné un acquit. Il ne serait plus attaché à un anneau et aurait les menottes aux mains à l’avant du corps.

    Le premier jour de mon arrivée vers la fin de l’après-midi et alors que je tournais toujours en rond, j’entendis qu’on ouvrait les portes une à une. Le gardien était accompagné de deux plantons qui portaient la grosse marmite et les c.t.m. Ce nom vient du fait qu’un détenu reçoit de l’administration un bol et une gamelle. Le bol étant appelé quart mais compris comme le mot «car» comme «car de transport », l’humour des détenus les a fait appeler la gamelle du nom de C.T.M., la compagnie de transport.

    La porte s’ouvrit juste assez suffisamment pour qu’une main puisse faire passer la gamelle et la poser sur le sol. Puis continua le rythme des bruits secs des serrures qu’on ouvrait et refermait.

    Comme il n’y avait pas de meilleur endroit pour la gamelle je la laissais à sa place, près de la porte, et m’absorbait à nouveau dans mes pensées.

    Le bruit des serrures n’en finissait pas. Il m’avait semblé que nous n’étions que trois d’après mes discussions avec Srifi et Kacem et qu’en tout cas qu’il n’y avait en tout et pour tout que huit cachots. Les bruits se rapprochaient et je ne songeais même pas à aller regarder. Puis la porte se rouvrit à nouveau et une main se tendit et enleva la gamelle. Quand je réagis, il était trop tard, la porte s’était déjà refermée. Le gardien me lança : « la prochaine fois tu boiras ta soupe avant qu’on fasse le tour et qu’on revienne la prendre.»

    Quelques instant après on m’apporta une couverture. Il fallait me voir cette nuit là. IL fait très froid. M’enrouler dans cette pauvre couverture usée ne donnait rien. La plier plusieurs fois sur une largeur de trente centimètres pour m’allonger dessus sur le coté et rester le corps droit. Garder un petit bout de couverture pour l’étirer au tour du corps. La plier carrément pour qu’elle puisse protéger juste le dos, et se mettre prés du mur pour garder les jambes à la verticale et les fesses sans appui. Aucune astuce ne marche et c’est désespérant.

    Une où deux fois le sommeil me prit. Certainement pas longtemps car la brûlure du froid me réveillait avec sursaut. Ou alors c’était le gardien qui hurlait jusqu’à ce que je me lève. Histoire de s’assurer que j’étais encore vivant, disait-il. Mais certainement le meilleur moyen d’empêcher les gens de dormir. Et j’endurerais cette pratique presque toutes les nuits et à chaque heure durant toute la période de seize jours que je passerais la bas.

    Le matin arrive. Il commence à faire moins froid, et on sent délicieusement le corps s’assoupir. La porte s’ouvre. Il faut rendre la couverture, et ne la récupérer à nouveau que le soir. C’est-à-dire qu’on vous la donne quand elle est insuffisante pour vous protéger. Et quand le jour arrive et que vous risquer de dormir, on vous la retire.

    Au bout de quelques jours, mon corps finit par s’adapter à dormir de jours comme de nuit avec ou sans couverture.

    Le froid m’habitait.

    Plus tard ? Bien plus tard, quand je m’installais dans la dernière cellule au fond du couloir du quartier Alif-2, sous laquelle se trouve ce quartier des cachots, il m’arrivait souvent d e ne pas dormir car j’entendais que quelqu’un en bas ne cessait pas de tourner en rond tout au long de la nuit. Je me sentais coupable de ne pouvoir l’aider. Quand j’étais passer par là, c’était l’été. Pour d’autres c’était en hiver.

    Mais pire était l’humiliation. Ne pas disposer d’eau. Passe pour boire. Une bouteille était posé dehors à côté de la porte. Il suffisait d’attendre le passage du gardien. Je lui demandais et il prenait la bouteille, introduisait son goulot entre les barreaux du petit judas de la porte et versait de l’eau directement dans ma bouche. Mais pour me laver, il n’y en avait pas. Après avoir fait mes besoins naturels, je déchirais un morceau de tissus du pantalon et je m’essuyais avec. Heureusement on me fit sortir du cachot alors que le pantalon tenait toujours.

    Je jetais le torchons avec lequel je m’étais essuyé bien à l’écart mais le trou était toujours bouché. L’urine et tous les déchets restaient là devant moi.

    Dés le lendemain du premier jour, alors que je m’étais familiarisé avec le couloir, je pus lire sur la porte de Srifi, écrite à la craie, la date de sa sortie. Chaque jour je lui demandais si on avait écrit quelque chose sur la mienne. Non toujours rien.

    Comme toujours, dans des cas pareils, nous sommes toujours amené à réfléchir sur le pourquoi de ce qui nous a mis dans cette situation. Quelle bêtise, cette histoire de bouquins. Surtout l’usage du « Défi » Ecrire un message dans un livre qui, par le nom de son auteur(le roi), par son titre, et par la nature des annotations que j’avais faites sur ses marges, ne pouvait qu’attirer l’attention. Le message concernait l’usage à faire d’un autre livre.

    Je les avais remis à l’administration pour qu’il soient rendus à ma famille. « Le Défi » fut saisi à cause des remarques écrites sur ses marges. Ce n’est qu’après que l’administration découvrit qu’il était porteur d’un message. Mais certainement elle ne savait pas si le second livre dont il était question était sortie ou pas.

    Quelle bêtise, pour quelqu’un censé avoir l’expérience des méthodes de la clandestinité ! Et maintenant que va-t-il arriver à ma famille ?

    Mais dans les pires situations il y a toujours quelqu’un pour vous réconforter. Un jour un gardien m’appela vint me saluer avec chaleur et me demander si j’avais besoin de quelque chose de précis. Oui, des cigarettes. Je fis sa connaissance. C’était lui qui apportait les coupures de journaux dont certaines avaient été trouvées sur Srifi. Les pratiques à l’encontre des détenus le rendaient malade. Il arrivait que le directeur descendait dans les quartiers accompagné de ses chefs, choisissait un prisonnier parmi les plus récalcitrants, lui liait les mains derrière le dos et se mettait lui même à le boxer….Ce gardien démissionnera un an plus tard, et en 2000,l’année dernière, je le revus à une rencontre de Forum pour la Vérité et l’Equité. Je ne l’ai pas reconnu tout de suite et il en a eu les larmes aux yeux. Comme lui, il y en a beaucoup, et ils ne seront jamais indemnisés.

    Un alors que j’appelais Srifi c’est Kassem qui me répond. Mohamed est parti. C’est un coup dur. Enfin, il ramènera des nouvelles de moi et où je suis.

    Le soir, c’est notre ami le gardien qui est de service. « Tiens, Zaâzaâ, c’est pour toi . Srifi, n’est pas loin. Il est dans le quartier de l’isolement. Il a ses affaires et peut recevoir des paniers.

    Cette nuit là, c’est la fête. Un gros morceau de « parisienne » avec des sardines de boite de conserve. Du thé dans une petite bouteille plate de shampoing. Elle était plate parce qu’il fallait pouvoir la passer à travers les barreaux. Un thé qui a le goût du shampoing c’est très bon.

    Le gardien revient avec des cigarettes et encore du thé.

    Et tout ça ne provenait que du troc. Quand le jour suivant, il reçut le panier de sa famille, c’était encore autre chose de meilleur. Je recevais chaque nuit mon ravitaillement. Srifi a vraiment l’art des négociations. Tous les gardiens acceptaient de faire les courses.

    Cette nouvelle situation aussi belle soit- elle je la vivais avec inquiétude. J’étais devenu dépendant. Et finalement arriva ce qui devait arriver. Srifi est reparti pour de bon cette fois.

    Plus aucun lien, sauf avec notre ami le gardien qui n’était pas tous les jours là. C’est le labyrinthe. De tout ce que je décrit aujourd’hui depuis mon enlèvement c’est peut être le seul instant que ma mémoire refuse de me restituer. Et pourtant ça n’avait pas duré longtemps. En tout et pour tout je n’ai passé dans les cachots que seize jours !

    L’isolement

    Un jour c’est mon tour. On m’emmène à l’isolement. Ce dernier se trouve entre le quartier des cachots et celui des condamnés à mort. Ils sont tous les trois traversés par un même couloir. On y accède par une seule porte. et ils sont aussi surveillés par les mêmes gardiens.

    Dans la cellule qu’on m’a réservée, je trouve toutes mes affaires emballés ainsi qu’une paillasse et deux couvertures. Je m’habille et m’allonge. Peu à peu une douce chaleur m’envahit. Une sorte de frémissement agréable agite les cellules de mon corps.

    La cellule est mieux éclairée, plus spacieuse et aérée…Et enfin je mange à toutes les heures de repas.

    Au cours de la même semaine je reçois un panier de ma famille. C’est un bonheur d’avoir tant de chose à mange et à goûter. Du café, des cigarettes. Mais, aussi, je culpabilise. Qu’ont-ils à gagner, eux, tous les membres de ma famille, à me suivre ainsi. Deux visites par semaine. Une fois c’est toujours ma mère et la seconde c’était à tour de rôle mes sœurs, mes frères, mes beaux-frères mes belles sœurs, mes nièces et mes neveux. Et puis aussi les cousins, les voisins, les amis de la famille. Ils continuent à venir même si la visite leur est interdite.

    Ma mère avait déjà à l’époque quatre-vingts ans environ. Elle est née à ouled frej dans les doukkalas. Elle se rappelle, quand, alors qu’elle était toute petite, se répandit l’annonce du débarquement français à Casablanca. Elle se maria avec son cousin, mon père. Ils étaient tous deux hilaliens. Mais si elle, comme ses sœurs, était appelée la fille du Hilali, lui c’était le fils de l’Oranais. Il est né, lui, selon les dires de tante Rqia, l’aînée de ma mère, dans le pays de Wast(l’Algérie) dans la région d’Oran, un an avant la mort du sultan Moulay Hassan. Son père, l’Oranais, était en fait un doukkali, parti de chez lui encore jeune pour rechercher la science, mais aussi pour des raisons de tribut, la nayba, que les gens n’arrivaient plus à payer. Il se retrouva fqih dans la tribu des Ben Zaâzouâ et se maria avec la fille d’une puissante famille.

    Son lieu d’office, le jamaâ, étant un endroit auquel avaient recours les voyageurs demandant à être les invités de Dieu, il reconnut, un jour, parmi l’un d’eux, un vieux monsieur, noir, creuseur de puits, qui lui rapporta des nouvelles de Tamou sa mère que tout le monde dans la tribu plaignait, tant elle ne finissait pas de filer la laine et de réciter des chansons sur ce fils dont elle n’avait plus de nouvelles.

    De passage en passage, le compagnon creuseur de puits rapportait des nouvelles plus fraîches, et un jour le fqih décida de rentrer au pays. Son épouse, Khaïra refusa de le suivre et il s’ensuivit un litige à propos de leur bébé. Recours au tribunal et le juge français donna raison au mari. Si la femme ne voulait pas suivre son mari, elle ne pouvait pas s’opposer à ce qu’il emmène avec lui son fils.

    De peur d’être suivi et qu’on lui enlève son garçon, celui qui à son retour s’appellera l’Oranais, se mit à voyager de nuit et se cacher le jour. Le pays était en rébellion. Il n’y avait de sécurité nulle part. Pour éviter d’être rattraper par ceux qu’il supposait être à sa chasse, ses beaux-frères et leurs hommes d’arme il prit, à partir de Fès, la route de Tanger d’où il embarquât sur un bateau pour EL jadida.

    L’enfant n’oublia jamais. Et son père lui aussi ne cherchait pas à lui faire oublier mère. Chaque fois qu’il se fâchait avec sa belle-mère, l’Oranais lui disait : « Aller va seller l’ânesse, on rentre chez Khaïra ». Lui aussi l’appellera de son prénom et ne dira jamais ma « mère ».

    Les parents de ma mère, Bacha, habitaient le douar des Aâbbaras. Son père, à elle, Mohamed Lahlali, était lui aussi, Fqih. Une fois il avait pris contrat dans un autre douar. Et il l’avait emmener avec lui. Habillée en garçon, on l’appelait Salah.

    Elle n’avait que des sœurs et aussi Khouyyi unfrère dont son père avait toujours refusé de reconnaître la paternité et qui habitait avec sa mère. Adolescent, il venait souvent à la maison. Une fois il était même rester très longtemps, puis il est reparti chez ses grands-parents maternel, tout continuant à revenir de temps en temps.

    Une nuit Lahlali entendit du bruit dehors. Il prit son fusil et sorti. Il n’y avait pas de lune. Impossible de voir quoi que se soit. Soudain, une pierre frappe contre le mur et tombe à ses pieds. Il reconnaît cette pierre. Elle se trouve d’habitude prés du pic d’attache de l’âne. Alors il vise approximativement cette direction et fait feu. Puis plus rien ne se passe.

    Le matin, de bonheur, Il va voir. Il y a du sang et les traces de quelqu’un qui traversait le champs. Une vieille femme est chargée d’aller aux nouvelles. Elle ne revint que le soir. Elle avait parcouru plusieurs douar avant de trouver. L’homme de la veille était un voleur notoire ; Bléssé, il est mort chez lui le jour même. Sa famille parlait de vengeance. Mais il fallait d’abord l’enterrer.

    Lahlali, lui craignait pour ses filles et sa femme qui pouvaient être enlevées et vendues comme esclaves du fait qu’elles avaient une couleur de peau noirâtre qu’elle tenaient de Boujemaâ, leur grand-père maternel. Il prévint justement son beau-père, dans la tribu des Ouahla. Ce dernier était un genre de rebelle, chef de guerre ou brigand. Les oncles arrivèrent, le soir même, armés, sur leurs chevaux et des chameaux pour déménager la famille et la mettre en sécurité prés d’eux.

    Plus tard, alors qu’ils avaient déjà Baba, leur premier enfant, ma mère s’inquiétait quand il tardait trop à revenir de ses randonnées de commerçant ambulant, « Attar. Quand il lui disait qu’il était passé par la région de Fès, elle pensait « c’est sur la route d’Oran. Chaque fois, qu’il avait participait à une caravane de chameaux transportant le blé à Casablanca, elle constatait que tout ce qu’il lui racontait de ses voyages n’avait trait qu’à ses discussions avec les gens du port. Des discussions où Oran revenait souvent.

    Vers la fin des années vingt notre famille quitta les Doukkalas pour les Oulad Saîd.Ils avaient déjà trois enfants. Baba, Lalla et Khouyti. Mon père devint travailleur au cinquième. Les temps et ce genre de travail étaient dures, mais ma mère était fière de son homme. « Jamais il ne m’a laissée dans une situation difficile ». Un jour la femme du patron est venue l’emmener pour préparer avec les autres épouses de khammas, pour préparer les repas des faucheurs de blé. Le soir quand elle était rentrée, il était trop tard. Il avait l’habitude de trouver de l’eau chaude pour se laver les pieds à son retour. « C’est moi le Khammas, pas toi. Tu n’es pas leur bonne, lui dit-il. La prochaine fois, si on te demande quelque chose, tu réponds que ton mari te l’interdit ».

    Et aussi quand le patron venait à la maison. Ce qui était courant à l’époque c’est que quand ce dernier rentrait chez l’un de ses ouvriers, il était considéré comme le propriétaire. On posait le plat de thé devant lui, et c’est lui qui préparait. La femme restait à la cuisine, et l’homme faisait le service. Chez le doukkali c’était le contraire, le patron, quand il était là, n’était que l’invité. Cela faisait dire à tout le monde : « Mais pour qui se prend-il, ce doukkali, avec ses manières ?! ».

    Je me surprends en train de parler à Bouchaîb, mon ami, avec lequel j’ai passé une partie de ma vie. Je lui raconte tout à haute voix, que je sois sur la couchette , debout, ou encore en train de faire mes besoins. Je lui raconte à nouveau que je me suis surpris à lui parler. J’ai parfois l’impression que mon cerveau va éclater. Impossible de sortir du cercle de parler à haute voix , en prendre conscience, et raconter sur le champs cette situati on de la même façon…

    De temps en temps notre ami le gardien, lorsqu’il est de garde dans le quartier, passe me voir. Aucun rapport avec les autres gardiens. De mon côté je ne recherche pas le contact. Et de leur côté il n’y a, certainement, rien à attendre de quelqu’un qui ne traficote pas.

    Un jour j’entends des bruits de pas dan le couloir. Beaucoup de pas. Je vais au judas. Plusieurs gardiens guide un groupe de prisonniers vers les cachots. Ces derniers avaient tous des bandages autour des jambes. Quatre marchaient à quatre pattes et le cinquième était porté sur un brancards par d’autres prisonniers. En fait je n’ai rien compris, c’est notre ami le gardien qui revient m’informer, quelques minutes après, qu’il s’agit du groupe qui avait tenté de s’évader, les amis de Kassem. Ils étaient tous plâtrés. Mais de quelle façon ! Pour leur faire payer cher leur tentative on avait plâtré leurs jambes toutes tordues afin de les rendre infirme. Et cela faisait déjà prés de deux mois qu’is portaient le plâtre.

    Source : Blog de Abdallah Zaazaa

    Tags : Maroc, prison, Kenitra, cachot, répression,

  • Le politicien français Jack Lang dit que le don d’Epstein était pour financer un film

    L’ancien ministre est confronté à des questions sur l’argent de l’organisme de bienfaisance du financier en disgrâce.

    Par PAUL DE VILLEPIN 14/10/20,

    PARIS – Le politicien français à la retraite Jack Lang a rompu son silence sur un don important du financier en disgrâce Jeffrey Epstein, disant à POLITICO qu’il était censé financer un film.

    En 2018, un an avant son arrestation pour trafic sexuel et son suicide en prison, Epstein a fait un don de plus de 57000 dollars à une association française par le biais de son association caritative privée. Le président, le trésorier et le secrétaire de l’association étaient tous des collaborateurs de longue date ou des amis de Lang, ministre de la Culture de la France au début des années 1980, puis de 1988 à 1993.

    La nouvelle du don – rapportée pour la première fois la semaine dernière par le Daily Beast – a soulevé une foule de questions pour Lang, une personnalité éminente du Parti socialiste français étroitement associée à la grande promotion des arts du défunt président François Mitterrand.

    L’ancien ministre, aujourd’hui président de l’Institut français du monde arabe, a refusé de répondre à toutes ces questions lorsqu’il est contacté par téléphone mardi. Mais, dans une brève conversation, il a dit que l’argent était destiné à financer un film – sans fournir de détails.

    Lorsqu’on lui a demandé si le travail avait commencé sur le film, il a répondu: « Il est en cours de finalisation, je crois. »

    Une enquête menée par POLITICO suggère que l’organisation à but non lucratif a jusqu’à présent à peine existé au-delà de quelques formalités administratives de base.

    Sylvie Aubry, amie de longue date de Lang et l’un des cofondateurs de l’organisation à but non lucratif, a déclaré lors d’une conversation téléphonique qu’elle «ne se souvenait pas que l’organisation à but non lucratif ait jamais été vraiment active». Elle a également déclaré qu’il «avait été essentiellement mis en place par Jack Lang», bien que le nom du politicien n’apparaisse sur aucun des documents.

    L’association à but non lucratif, dont le nom se traduit par «Association pour la promotion de la politique culturelle nationale menée dans les années 1980 et 1990 du XXe siècle» – période pendant laquelle Lang était à la tête de la politique culturelle de la France – a été créée en juillet 2018 par les trois des proches de l’ex-ministre.

    Le don de 57 897 $ à l’association est enregistré dans les déclarations de revenus de l’organisme de bienfaisance privé d’Epstein, Gratitude America. L’association est la seule entité française à laquelle Epstein ait jamais fait un don, selon les déclarations fiscales.

    La mission de l’association française, détaillée dans les documents soumis au registre local des ONG et obtenus par POLITICO, était de «pérenniser les relations entre les milieux culturels et économiques [en France]», de «favoriser les liens entre les créateurs, les chercheurs et les producteurs qui en découlent » et « soutenir la production d’œuvres de création … y compris audiovisuelles et cinématographiques, visant à sensibiliser à cette politique ».

    « Ce sont des gens qui ont collecté des fonds pour financer un film, c’est tout », a déclaré Lang.

    Lang a renvoyé POLITICO à son bureau pour d’autres questions. Son bureau a refusé de répondre à de multiples demandes de commentaires et de clarifications, notamment à quel stade en était le film ou à son sujet.

    On ne sait pas si l’organisation à but non lucratif avait d’autres donateurs. Aubry a déclaré qu’elle n’avait aucune connaissance du don d’Epstein et qu’elle n’avait jamais reçu de revenu via l’organisation à but non lucratif.

    Fleuriste et ami

    Fleuriste qui travaille notamment pour l’hôtel de luxe parisien Le Meurice, Aubry est un ami de longue date de Lang.

    Sur une photo datée du 27 avril 2018 et publiée sur son profil Instagram, on peut voir Lang se livrant à du thé et des pâtisseries sous une toile monumentale de plafond en or et ocre peinte à la main dans le restaurant du Meurice. Elle a posté une autre photo de Lang célébrant un anniversaire de famille en décembre de l’année dernière.

    En juin 2018, Aubry a signé un protocole d’association, une déclaration légale signée par tous les administrateurs acceptant de former l’association.

    Contactée par POLITICO, Aubry a d’abord déclaré qu’elle n’était pas au courant de l’existence de l’organisation à but non lucratif. Plus tard dans la conversation, elle a dit qu’elle se souvenait que Lang avait discuté du projet avec elle et « en gros mis en place ».

    Dans une conversation téléphonique ultérieure, Aubry a déclaré: «à un certain moment, je me souviens qu’on m’avait demandé si je voulais [créer l’association à but non lucratif] et j’ai dit oui. Elle a dit qu’elle croyait que l’organisation à but non lucratif avait l’intention de «faire un film sur la culture dans les années 1980 et 1990 ou quelque chose du genre», mais a refusé de fournir des preuves matérielles du projet de film.

    Dans les archives publiques, l’organisation répertorie une adresse dans le 14e arrondissement de Paris, dans un immeuble majoritairement occupé par des cabinets de médecins où réside également Aubry. L’organisme à but non lucratif n’est actuellement pas répertorié parmi les boîtes aux lettres et les buzzers du bâtiment.

    Le groupe ne semble pas avoir de présence en ligne. L’Observatoire français des politiques culturelles, un organisme national étroitement impliqué dans la vie culturelle à travers le pays, a déclaré qu’il n’avait jamais entendu parler de l’organisation à but non lucratif.

    Aux côtés d’Aubry dans la structure de gouvernance de l’association, on trouve Christophe Degruelle, coté président, et Jacques Renard, coté trésorier.

    Degruelle a travaillé comme chef de cabinet de Lang lorsque ce dernier était ministre de l’éducation et a passé trois ans à conseiller Lang à l’Institut du monde arabe. Degruelle occupe désormais un poste élu de président de la communauté urbaine de Blois, ville de la vallée de la Loire où Lang a été maire pendant 11 ans. Ils y ont été photographiés ensemble lors d’un événement culturel en octobre 2018.

    Degruelle n’a pas répondu à plusieurs messages et e-mails sollicitant des commentaires.

    Renard était le chef de cabinet de Lang au ministère de la Culture. Il a refusé de répondre aux questions en personne et par téléphone.

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    Bien que le nom de Lang n’apparaisse pas sur les documents officiels de l’organisation à but non lucratif, son nom rappelle son activité politique dans les années 80 et 90.

    Lang est largement reconnu pour son rôle en rendant la culture plus accessible à un public de masse et pour la création d’un festival de musique de rue populaire (Fête de la Musique) organisé chaque année le premier jour de l’été, lorsque des musiciens amateurs donnent des spectacles gratuits en plein air. à travers le pays.

    En 2013, le président français de l’époque, François Hollande, l’a nommé président de l’Institut du monde arabe, un centre culturel dédié à la civilisation arabe à Paris. Lang a également été conseiller spécial de Ban Ki-Moon lorsqu’il était secrétaire général des Nations Unies.

    En août 2019, Lang a déclaré à France Info qu’il connaissait Epstein. Il a dit avoir rencontré Epstein lors d’un dîner en l’honneur de Woody Allen en 2012 à Paris. Lang a exprimé son soutien au réalisateur – également un ami d’Epstein – à la suite d’accusations d’abus sexuels portées par sa fille adoptive Dylan Farrow. En janvier 2018, le jour où Dylan Farrow a détaillé les abus présumés de son père dans sa première interview télévisée, Lang a tweeté «#WoodyAllenforever». Allen a nié à plusieurs reprises les accusations.

    Lang a déclaré qu’il n’avait déjeuné à l’appartement d’Epstein sur l’avenue Foch près des Champs-Elysées qu’une seule fois et a qualifié le financier de «personne charmante, courtoise et agréable».

    «Il est vrai qu’il était souvent accompagné de jolies femmes, mais qui n’étaient évidemment pas mineures», a-t-il déclaré à France Info. Lang a dit qu’il était sidéré quand il a appris «toutes ces histoires à son sujet».

    Lang a également invité Epstein en mars 2019 à célébrer le 30e anniversaire de la pyramide du Louvre, en présence également du ministre de la Culture de l’époque, Franck Riester.

    Rien n’indique que Lang ait participé aux crimes d’Epstein. L’ancien ministre n’a fait l’objet d’aucune accusation de la part d’aucune des victimes d’Epstein.

    Epstein a d’abord plaidé coupable à une accusation de sollicitation de prostitution impliquant un mineur en 2008, et a été condamné à 18 mois de prison en Floride, dont il a purgé 13 ans. Le financier a ensuite été contraint de s’inscrire comme délinquant sexuel.

    Il a de nouveau été arrêté en 2019 et accusé d’avoir abusé sexuellement de nombreuses filles mineures pendant plusieurs années.

    Dans les années qui ont suivi sa première peine de prison, Epstein a vanté ses efforts philanthropiques dans des communiqués de presse hagiographiques réguliers, se décrivant comme un mécène des arts et des sciences dans le but de raffermir sa réputation.

    La fondation Gratitude America d’Epstein a été créée en 2012 pour «apporter un soutien à d’autres organisations du monde entier qui cherchent à célébrer les États-Unis d’Amérique et les idéaux américains, notamment la liberté, l’égalité, la démocratie, l’individualisme, l’unité et la diversité».

    L’argent de la fondation proviendrait d’un don de 10 millions de dollars effectué par l’intermédiaire d’une société à responsabilité limitée liée au milliardaire de capital-investissement Leon Black.

    Gratitude America a mis en banque via Deutsche Bank AG, a rapporté le Wall Street Journal, qui a été condamné en juillet 2020 à une amende de 150 millions de dollars «pour manquements importants à la conformité», dans ses relations avec Epstein.

    Deux des associés d’Epstein en charge de Gratitude America, les avocats Darren Indyke et Erika Kellerhals, n’ont pas répondu à plusieurs messages et appels demandant des commentaires.

    Les activités philanthropiques d’Epstein ont fait l’objet d’un examen minutieux. Le scandale Epstein a incité à un compte philanthropique d’accepter des dons de sources corrompues. Plusieurs scientifiques, organisations à but non lucratif et institutions, telles que Harvard, ont été critiquées pour avoir reçu des millions d’Epstein.

    Selon Patricia Illingworth, professeur d’éthique à la Northeastern University aux États-Unis, il est difficile de justifier la sollicitation ou la réception d’argent de donateurs controversés comme Jeffrey Epstein.

    «Epstein a violé les droits des jeunes filles» et il y avait «toutes les raisons de croire qu’il [ferait] de mauvais actes à l’avenir», a-t-elle déclaré.

    Epstein a été arrêté le 6 juillet 2019 à l’aéroport de Teterboro dans le New Jersey à son arrivée de France.

    En août 2019, à la suite du suicide d’Epstein dans sa cellule de prison à New York, le parquet de Paris a ouvert une enquête préliminaire sur des infractions sexuelles présumées liées aux activités du financier en France.

    Source : POLITICO, 14 oct 2020 (traduction non officielle)

    Tags : Jack Lang, Jeffrey Epstein, pédophilie, pédocriminalité,