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  • JOURNÉE DE L’AFRIQUE : Une pression accrue sur le Maroc et le Conseil de sécurité

    La République sahraouie, dont une grande partie du territoire national est toujours occupée par le Maroc, a appelé l’Union africaine (UA) et les Nations-unies à assumer leurs responsabilités, en faisant pression sur l’occupant marocain pour qu’il cesse son occupation après s’être dérobé aux engagements pris à l’égard de la partie sahraouie, sous l’égide des deux organisations.

    Un appel contenu dans le communiqué, publié par le ministère sahraoui des Affaires étrangères, à l’occasion du 57e anniversaire de la création de l’Organisation de l’Unité africaine (OUA), un certain 25 mai 1963, dans le contexte des luttes de libération menées par les peuples africains pour s’affranchir de la colonisation et en finir avec l’apartheid. « La République sahraouie, encore en proie à l’agression étrangère que constitue l’occupation par le Royaume du Maroc d’une grande partie de son territoire national, appelle l’Union africaine et les Nations unies à assumer leurs responsabilités, en faisant pression sur l’occupant marocain pour qu’il cesse son occupation, après s’être dérobé aux engagements pris à l’égard de la partie sahraouie sous l’égide des deux organisations », précise le communiqué.

    Le ministère sahraoui des Affaires étrangères a souligné que « le peuple sahraoui en lutte pour défendre sa liberté et sa souveraineté est fier d’appartenir à l’Afrique et à un État qui compte parmi les fondateurs de l’Union africaine, qui constitue le cadre où s’exprime l’aspiration commune des peuples du continent à la complémentarité et à l’intégration politique et économique ». Le ministère a indiqué que la République sahraouie « œuvrera au sein de l’UA à promouvoir l’action collective de manière à réaliser les objectifs de l’Agenda de 2063 pour le développement et la paix, et contribuera aux efforts visant à unifier la voix de l’Afrique pour contrer les desseins d’un certain front au sein de l’Union qui tente d’appliquer des plans étrangers visant à créer un climat de division et d’instabilité, et à servir ses propres intérêts au détriment des peuples d’Afrique ».

    Les dirigeants de l’UA avaient réitéré, lors de la célébration du 50e anniversaire de la Journée de l’Afrique, le 25 mai 2013, « leur ferme engagement à consacrer les objectifs d’union et de libération, et leur attachement au principe du droit des peuples à l’autodétermination et à leur intégrité territoriale », a souligné le MAE sahraoui. « L’organisation continentale a accueilli, des années durant, les mouvements de libération, assuré leur financement et approvisionnement en armes, sans manquer de les soutenir dans les fora internationaux », a rappelé la même source.
    L’OUA avait également joué « un rôle prépondérant » dans la défense du droit du peuple sahraoui à l’autodétermination et à l’indépendance et accueilli le jeune État sahraoui, « en dépit de la forte pression exercée de l’extérieur du Continent et par des agents locaux expansionnistes », précise la même source.

    L’Organisation panafricaine était également l’initiatrice de la proposition ayant constitué le fondement de la solution pacifique et juste, connue sous l’appellation de plan de règlement sahraoui, dont le principal objectif consistait en l’accès du peuple sahraoui à ses droits inaliénables, lit-on dans le communiqué du ministère sahraoui.

    Le MAE sahraoui a rappelé qu’avec « la création de l’UA et en concrétisation de la solidarité avec la RASD et son peuple, il a été convenu à l’unanimité de mentionner les États fondateurs, dont l’État sahraoui dans l’acte constitutif pour contrer définitivement les tentatives de l’occupant marocain qui avait tout fait à l’époque pour que son adhésion à la nouvelle Union, héritière de l’OUA, soit au détriment de la République sahraouie ». « Les positions, les principes de l’UA ainsi que sa philosophie inspirée d’un long parcours de combat contre l’esclavagisme, la discrimination et la colonisation ont fait de cette entité, aujourd’hui, après presque 6 décennies d’existence, la seule organisation continentale qui bénéficie de l’intérêt des puissances mondiales, eu égard à l’importance stratégique qu’elle revêt au point de mériter le qualificatif de « Continent d’avenir » et compte tenu de ses richesses et du dynamisme de ses populations », a écrit le ministère.
    Les pays africains célèbrent lundi la Journée mondiale de l’Afrique commémorant le 57e anniversaire de la fondation, le 25 mai 1963, de l’Organisation de l’Unité africaine (OUA), lorsque 32 États africains indépendants ont co-signé l’acte constitutif de l’Organisation, devenue l’Union africaine (UA), en 2002, à Addis-Abeba (Ethiopie).

    En date du 25 mai 1963, les pères fondateurs ont convenu des principes et objectifs qualifiés de « fondement et ciment » de l’action africaine collective visant à libérer le continent noir du colonialisme et du racisme, tout en œuvrant à obtenir le droit à l’indépendance et à l’autodétermination dans le respect des frontières héritées de l’époque coloniale. Ces principes ont également constitué « les fondements voire l’essence de la philosophie de l’unité et de l’édification et les piliers de la stratégie africaine partagée » qui distingue l’Afrique.L’OUA a représenté, par ailleurs, le cadre continental dans lequel les leaders africains ont défini l’orientation et les politiques visant l’action collective et la coordination du mouvement de solidarité au service de la libération.

    Depuis sa création, l’OUA n’a cessé d’accompagner le combat et la lutte des peuples africains, en mettant en place une instance spéciale, en l’occurrence le Comité de libération de l’Afrique dont le siège est implanté à Dar Es-salam en Tanzanie.

    M. B.

    Le Courrier d’Algérie, 27 mai 2020

    Tags : Sahara Occidental, Maroc, Journée de l’Afrique, Front Polisario,

  • Franc CFA : Macron tente de duper les peuples africains

    Soutien total à la souveraineté monétaire des pays africains contre l’ECO nouveau nom du franc CFA
    Macron vient d’annoncer à Abidjan le changement de nom du « CFA », ex-franc des colonies d’Afrique, pour « l’ECO ».
    Gardant la « garantie de son taux de change par rapport à l’Euro » à travers le trésor français, l’impression de la monnaie, se taisant sur la détention des stock d’or des pays africains, Macron déclare sera transféré à la Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) les 50% des réserves de change des pays africains détenus au trésor de la banque de France et qu’il n’y aura plus de représentant français dans le Conseil d’Administration de la dite banque.
    Ce faisant, Macron court-circuite la décision des chefs d’états de la CEDEAO (pays de l’Afrique de l’ouest) du 29 juin 2019 qui avaient adopté le nom ECO pour mettre fin à la dépendance monétaire des Etats de la zone CFA vis à vis de l’impérialisme françafricain.
    Ce diviser pour mieux régner est mis en branle avec la complicité des Présidents Alassane Ouattara mis au pouvoir en Côte d’Ivoire, Macky Sall du Sénégal dans un silence assourdissant des autres présidents de l’UEMOA.
    Changer le nom de la monnaie tout en gardant le contrôle du système de la dépendance monétaire n’est pas nouveau : le franc CFA comorien est ainsi devenu le franc comorien tout en fonctionnant exactement comme le CFA.
    Macron a un autre objectif : faire pression sur les pays de la zone CFA de la BEAC (pays de l’Afrique Équatoriale) qui gardent le CFA mais ont décidé d’imprimer leur CFA en lançant un appel d’offre international.
    Confronté à une montée inexorable des mobilisations populaires d’une jeunesse et d’une opinion populaire africaine exigeant la sortie du CFA tout comme le monde du travail en France et dans les pays de l’UE exige la sortie de l’Euro, mais aussi à des solidarités montantes en France contre l’oppression impérialiste, Macron cherche ainsi à faire prendre des vessies pour des lanternes en faisant changer le nom de la monnaie néocoloniale.
    LE RASSEMBLEMENT COMMUNISTE 
    – dénonce ce nouvel stratagème de l’impérialisme Français contre l’indépendance nationale et la souveraineté monétaire en Afrique ;
    – proteste contre les répressions, les arrestations, les émigrations forcées, les morts et les destructions environnementales engendrées par le pillage de l’Afrique par les multinationales;
    – appelle à la solidarité totale en France avec les luttes populaires, syndicales et politiques des peuples d’Afrique contre le néocolonialisme, les diktats libéraux désastreux du FMI, de la Banque Mondiale et de l’OMC.
    Tags : France, Afrique, françafrique, Franc CFA, FCFA, eco, CEDEAO, UEMOA, 
  • Etats-Unis : un Etat négrocidaire

    L’Amérique de Trump Obama W et consorts a toujours été un état négrocidaire. C’est à dire un état qui s’est construit sur la négation de la dimension humaine des Noirs qui y ont été déportés il y a maintenant près de 5 siècles.
    Durant toute la période esclavagiste les Noirs y ont été soumis à un régime d’extermination physique par le travail jusqu’à qu’à la mort. Après qu’ils aient vécu des années de misère de sévices et de tortures sur les plantations. 
    Puis il y’a eu abolition et donc redéfinition des méthodes d’extermination des Noirs.
    Entre 1865 et 1965, moment où le mouvement des droits civiques fut à son apogée pour céder la place à celui du pouvoir noir qui ne devait durer que quelques années, près de 5000 Noirs ont été lynchés par des petits Blancs, les Redneck du sud, les ouvriers et petits salariés ou commerçants blancs du nord. Parce qu’ils ne supportaient pas d’avoir à partager des espaces de vie avec ceux qu’ils ont toujours vus comme des Nègres c’est à dire des gens dont la seule fonction sociale consistait à les servir et à subir leurs sévices au nom du privilège blanc.
    La seule période où les Blancs ont du ranger leurs armes aura été quand des militants noirs auront eu le courage de sortir les leurs pour défendre leur droit à la vie.
    Mais le rapport de force avait été tellement déséquilibré qu’il n’avait fallu que quelques années au pouvoir blanc pour éradiquer le Black Panther Party la Black Libération Army et leurs mentors idéologiques comme Malcolm X Fred Hampton ou même Martin Luther King qui lui prônait pourtant la fin des violences et des meurtres de masse contre les Noirs par une méthode de non-violence.
    Le pouvoir blanc a alors pu relancer sa machine à écraser et à tuer les Noirs en masse.
    Ouvertement, et cette fois par les sommets de l’état.
    C’est Bill l’anguille alias Slick Willy et sa femme Killary qui auront décrété la réouverture de la chasse aux Nègres.
    Une fois, deux fois, trois fois et vous êtes éliminés de la société a lancé Bill Clinton, celui qui pourtant avait été qualifié mal à propos de premier président noir par un symbole de la microbourgeoisie noire.
    Puisque l’esclavage avait été aboli il suffisait de mettre en place une vaste politique d’incarcération de masse des Noirs pour faire revivre le good old times des plantations. 
    Mais cette nouvelle politique de négation de masse de la vie et des droits des Noirs ne suffisait plus à calmer la haine et la rage blanche. Le pouvoir blanc renaissant voulait faire couler du sang noir sur les trottoirs des grandes villes et dans les campagnes du pays. 
    Entre alors en jeu Killary. 
    Et en la matière elle surpassa celui qui lui sert de mari. 
    Selon elle il y avait de quoi se sentir en danger dans la rue à 22 h face à un Noir à capuche. 
    Killary décréta donc la criminalisation des Noirs pour le seul fait qu’ils étaient des Noirs. 
    Imparable. 
    Les femmes blanches ont toujours jouer leur partition dans les politiques d’extermination des Noirs.
    Et le féminisme blanc ne pouvait pas déroger à la sacro-sainte feuille de route du pouvoir blanc puisqu’il a toujours été une composante de ce pouvoir .
    Les petites mains blanches ont alors capté 5/5 le message de Killary. Après les diatribes rageuses et enflammées de cette dernière, tout jeune ou moins jeune Noir, femme ou homme (pour le coup pas question de faire de distinction de genre en s’adressant aux Noirs) devenait une cible des hommes et des femmes blancs en arme dans les espaces publics. 
    Qu’ils soient policiers agents de sécurité de grands sociétés ou simples vigiles-citoyens en patrouille dans leur quartier. 
    Certains policiers ont même été tellement assoiffés de sang nègre qu’ils sont allés jusqu’à pénétrer dans des appartements de Noirs en toute illégalité sans mandat et sans raison valables pour les éliminer. 
    Le déclencheur de cette nouvelle campagne de haine, de violence et d’assassinats ciblés aura été Barack Obama et sa meuf.
    Barack, le beau gosse propre sur lui, costume sur mesure et sourire banania qui aura osé allé dormir dans le lit du maître à la Maison blanche.
    Et que dire de Michelle qui depuis les deux mandats de son mari passe son temps à nous expliquer le rêve américain de la jeune femme noire et pauvre des bas quartiers de Chicago qu’elle a été mais qui a fini par réussir parce qu’elle en voulait. Becoming qu’elle nous dit. 
    Traduisez, l’Amérique c’est l’avenir, même pour une femme noire. 
    En attendant, depuis l’élection du Premier président noir qui du reste n’en a jamais rien eu à foutre du sort des Noirs, c’est l’hécatombe chez les Noirs
    Tamir Rice, Éric Garner Michael Brown Sandra Bland Laquan Mac Donald Freddie Gray Alton Sterling Philando Castile Charleena Lyles Ahmaud Arbery Breonna Taylor … et aujourd’hui George Floyd.
    Le négrocide aux États-Unis ne cessera qu’avec l’éradication des fondations du pouvoir blanc. Parce qu’on ne réforme pas un régime génocidaire et barbare on le fait disparaître.
    Ahmad Ngoubo
    Source

    Tags : Etats-Unis, noir, noirs, racisme, esclavage, nègres, esclaves, Malcolm X, Barack Obama, 

  • Pourquoi l’Algérie rompt avec un demi-siècle de non-ingérence?

    Dalia Ghanem*

    Des modifications constitutionnelles permettraient à Alger de participer aux opérations de maintien de la paix et d’envoyer des unités de l’armée à l’étranger.

    La semaine dernière, un avant-projet de la constitution algérienne révisée a été publié. Selon ce schéma, l’Algérie peut, «dans le cadre des Nations Unies, de l’Union africaine et de la Ligue des États arabes», participer aux opérations de maintien de la paix. En outre, le président peut décider d’envoyer des unités de l’armée à l’étranger après un vote majoritaire des deux tiers du parlement.

    S’ils étaient adoptés, ces deux amendements constitueraient un changement important. Depuis son indépendance de la France en 1962, l’Algérie a promu une politique de non-ingérence, poursuivant la médiation, l’inclusion et le dialogue avec tous les acteurs – y compris les islamistes tels que le Ennahda tunisien – sur l’intervention militaire.

    Lever un tabou

    Dans la nouvelle architecture régionale caractérisée par une multitude de menaces à ses frontières, l’Algérie tente de se repositionner en s’écartant de ses principes rigides non interventionnistes. Alors que le recadrage de cette doctrine peut prendre plus de temps et d’efforts, un tabou important est levé.

    Cela aura un effet dissuasif, décourageant potentiellement les acteurs étatiques et non étatiques de prendre des mesures indésirables ou de se livrer à une agression militaire contre les voisins directs de l’Algérie. Cela rendra également les actions de l’Algérie moins prévisibles, ce qui lui donnera un avantage tactique. Plus important encore, cela permettra à l’Algérie de projeter sa puissance militaire et de prendre les devants si une action bien préparée et bien dirigée par l’Afrique doit voir le jour dans la région.

    Alors, l’Algérie s’apprête-t-elle à devenir un acteur pertinent dans la gestion des multiples crises dans son voisinage direct?

    Ce qui est certain, c’est que le pays tente de maximiser la protection de son arrière-cour dans une région tumultueuse, où la Libye, entre autres États, a été une source de problèmes de sécurité.

    Il est trop tard pour que l’Algérie fasse une réelle différence en Libye. Ses efforts pour parvenir à un règlement politique ont échoué.

    Le début de la crise libyenne en 2011 était une occasion manquée – un moment qu’Alger aurait pu façonner grâce aux efforts diplomatiques et militaires. Au lieu de cela, son principe fondamental de non-intervention a ouvert les portes à une opération militaire mal conçue de l’OTAN, sachant qu’elle ne provoquerait pas une réponse algérienne décisive.

    Intervention à l’étranger

    Cette position a facilité l’ingérence étrangère et les indiscrets de divers acteurs régionaux et internationaux (Égypte, Émirats arabes unis, Qatar, France, Italie, Russie et Turquie), en plus du maréchal libyen Khalifa Haftar, dont l’offensive de plusieurs mois pour saisir Tripoli du gouvernement d’accord national (GNA) – bien qu’Alger ait qualifié la capitale de «ligne rouge que personne ne devrait franchir» – en est un bon exemple.

    On peut en dire autant des manœuvres diplomatiques infructueuses, comme l’opposition de l’Algérie en janvier à l’intervention d’Ankara en Libye. La Turquie a finalement envoyé des troupes pour soutenir le GNA.

    Les amendements constitutionnels suggèrent qu’Alger a tiré des leçons de ses erreurs en Libye depuis 2011. Ils lui permettraient d’être plus proactif si un autre conflit éclatait dans un État voisin. Parmi les pays limitrophes de l’Algérie figurent le Mali, le Niger et la Mauritanie, tous considérés comme des États fragiles, susceptibles de déclencher un conflit.

    Dans un tel scénario, l’Algérie pourrait désormais intervenir pour dissuader les menaces potentielles ou l’aventurisme militaire de tiers. Les adversaires de l’Algérie peuvent désormais peser plus soigneusement leurs options en matière d’intervention ou d’ingérence soit dans son voisinage direct, soit chaque fois que ses alliés sont menacés.

    Des études ont montré que les perceptions sont essentielles au succès ou à l’échec des efforts de dissuasion. Déployer une puissance militaire importante directement sur le chemin des acteurs étatiques et non étatiques non seulement briserait la prévisibilité de la politique étrangère algérienne, mais enverrait également un message fort et clair.

    Changement stratégique

    Pour ce faire, le gouvernement algérien doit planifier et préparer sa population à ce changement stratégique. Le côté de la planification est clair, car le pays dispose d’un budget de défense substantiel et a consacré des années au renforcement des capacités logistiques et à la formation des troupes.

    Quant au public, un débat national sérieux peut être nécessaire pour convaincre les citoyens de la nécessité du changement doctrinal. Cela impliquerait des messages sans ambiguïté à d’autres États que l’Algérie a non seulement les capacités, mais aussi la volonté de mettre à exécution les menaces si nécessaire. Toute perception de faiblesse compromettra les efforts de dissuasion.

    Compte tenu de son histoire diplomatique, de sa puissance militaire et de ses ambitions régionales, ce changement pourrait permettre à l’Algérie de remplir efficacement son rôle autoproclamé de courtier en énergie et de stabilisateur régional – le premier pas vers un changement de sa politique étrangère plus en phase avec la volonté de l’Algérie de être reconnu comme un fournisseur de sécurité régionale.

    Il est encore trop tôt pour dire s’il y aura un changement significatif dans la politique étrangère de l’Algérie, mais une chose est sûre: la rigidité doctrinale de la non-intervention n’est plus valable pour la sécurité et les intérêts nationaux de l’Algérie.

    L’Algérie doit mobiliser des ressources proportionnées à ses capacités réelles et afficher une ferme volonté de réagir si elle n’a pas d’autre choix.

    *Dalia Ghanem est une étudiante algérienne résidente au Carnegie Middle East Centre à Beyrouth, où son travail étudie la violence politique et extrémiste, la radicalisation et le djihadisme en mettant l’accent sur l’Algérie. Elle est l’auteur de nombreuses publications sur l’Algérie et a été conférencière invitée sur ces questions dans diverses conférences et commentatrice régulière dans les médias imprimés et audiovisuels arabes et internationaux.

    Source : Middle East Eye, 19 mai 2020 (traduction non officielle)

    Tags : Algérie, armée, Afrique, Maghreb, Afrique du Nord,

  • Propagande antiterroriste : Les attentats de Casablanca

    La vague d’attentats kamikazes qui a endeuillé le Maroc, le 16 mai 2003, a été présentée comme une opération conçue par Abou Moussab Zarquaoui pour les réseaux Al-Qaïda. Le royaume chérifien aurait rapidement arrêté les complices, les aurait jugés et condamnés, sauvant ainsi son processus démocratique. Une thèse taillée en pièces par le professeur Omar Mounir qui relève, dans un récent ouvrage, les incohérences de la version officielle. Selon notre enquête, les attentats pourraient être liés à la question saharaouie et auraient été utilisés par le gouvernement pour museler un parti islamiste que tous donnaient gagnant aux élections municipales imminentes.

    RÉSEAU VOLTAIRE | PARIS (FRANCE) | 28 FÉVRIER 2005

    Le 16 mai 2003, le Maroc est secoué par une vague d’attentats sans précédent. Par une série de cinq attaques quasi-simultanées dans la ville de Casablanca, le royaume est soudainement touché par le « terrorisme international ». L’opération fait une quarantaine de morts et une centaine de blessés. Immédiatement, le pouvoir adopte une législation antiterroriste jusque-là soumise à une forte opposition, et incarcère un grand nombre d’opposants politiques issus des mouvements islamistes. Ces mesures légitimes et appropriées sont d’une efficacité redoutable, le Maroc éradique rapidement le terrorisme et retrouve sa stabilité antérieure.

    C’est en tout cas la version officielle de cet événement qui a aujourd’hui disparu de la mémoire collective. Cependant, Omar Mounir, ancien professeur de la Faculté de droit de Casablanca, vient de publier un livre, Les Attentats de Casablanca et le complot du 11 septembre, dans lequel il expose les contradictions de la thèse des autorités marocaines. Replaçant cette vague d’attentats dans le contexte général de « guerre au terrorisme » et du conflit irakien, il propose une interprétation tout à fait différente de ces événements.

    Des versions contradictoires

    Dès les premières heures, les versions données aux médias sont très confuses, à la fois sur les cibles visées et sur le mode opératoire des terroristes. Pour le journal Le Monde, « trois voitures piégées ont explosé respectivement près du consulat de Belgique, de l’hôtel Farah-Maghreb (ex-Safir) et du Cercle de l’alliance israélite, et une ou deux bombes ont explosé à la Casa Espana (Maison d’Espagne), le centre culturel hispanique, pourvu d’un restaurant très fréquenté ». Dans son chapeau, le « quotidien de référence », se contredisant lui-même, explique que les attentats sont « pour la plupart des attaques-suicides de kamikazes ». Des kamikazes suffisamment amateurs pour rester à bord des voitures en stationnement qu’ils ont eux-mêmes piégées ? Dans le même article, le journaliste affirme qu’« une bombe aurait été apportée à l’entrée de l’immeuble [de l’hôtel Farah-Maghreb] par un kamikaze à pied, selon un témoin ». Le ministre marocain de l’Intérieur, Moustapha Sahel, explique que « ces attentats portent la signature du terrorisme international ». Selon lui, « le but visé par les terroristes était de porter atteinte au processus démocratique au Maroc et à son « pluralisme » politique ». Objectif atteint : dans les jours qui suivent, la police marocaine arrête de nombreux opposants issus des mouvements islamistes, alors même que le président du Parti de la justice et du développement, la branche politique de cette tendance, a qualifié ces attentats de « crime terroriste sauvage » [1].

    Les enquêteurs ne s’attardent pas beaucoup sur les motivations éventuelles des terroristes. Ils se contentent d’une cassette sonore distribuée en février 2003 et attribuée à Oussama Ben Laden dans laquelle celui-ci affirmait que « les musulmans doivent se mobiliser pour se libérer du joug de ces régimes apostats, asservis par l’Amérique. (…) Parmi les pays qui devraient être libérés figurent la Jordanie, le Maroc, le Nigéria, le Pakistan, le pays des deux saintes mosquées et le Yémen » [2].

    Selon la police, « une dizaine de kamikazes ont trouvé la mort et trois suspects, tous de nationalité marocaine, ont été arrêtés ». Parmi eux, figurerait un kamikaze blessé. Dans les jours qui suivent, la police identifie huit membres des cinq commandos et procède à une trentaine d’arrestations. L’enquête vise un groupe islamiste, Assirat Al-Moustaquim (Le Droit Chemin), une bande d’un quartier populaire de Casablanca qui prône une application rigoriste de la loi coranique. Dans la foulée, le président états-unien, George W. Bush, offre son aide pour « arrêter et traduire en justice les responsables » des attentats. Une proposition qui suscite immédiatement une forte opposition populaire, Bush étant même qualifié de « pompier-incendiaire ». Puis, après avoir interpellé deux autres kamikazes survivants, la police marocaine arrête « le coordinateur principal » des attentats, mais celui-ci décède avant d’avoir été présenté à la justice, de « mort naturelle ». Il n’empêche, d’après les enquêteurs, les personnes déjà arrêtées ont permis d’identifier huit des quatorze kamikazes, et de connaître l’intégralité du fonctionnement du réseau.

    Dans les jours qui suivent, c’est un suspect français qui est interpellé à Tanger. Ce dernier, Robert Richard Antoine Pierre, réside au Maroc depuis six ans et est rapidement soupçonné d’être un maillon essentiel du dispositif.


    Les suites judiciaires de l’affaire sont une véritable parodie de justice. Fin juin, une trentaine de Marocains arrêtés avant les attentats et soupçonnés d’appartenir à l’organisation clandestine « Salafia Jihadia » sont jugés… pour leur rôle dans l’opération de Casablanca ! Le procureur requiert contre eux la « peine maximale », donc la peine de mort pour une dizaine d’entre eux. Tous ont pourtant nié les faits à l’exception de Youssef Fikri, baptisé « l’émir du sang » par la presse. Le tribunal suivra malgré tout ces réquisitions [3].

    Quelques jours plus tard, alors que le ministre de la Justice Mohammed Bouzoubaa affirme que 700 personnes sont sous le coup de procédures judiciaires en raison de leur implication « directe ou indirecte » dans cette tragédie, le premier procès directement lié aux « attentats-suicides » s’ouvre à Casablanca. Les 52 suspects (qui seront bientôt 87) sont des membres de la Salafia Jihadia. Parmi eux, les trois kamikazes présumés rescapés. Ceux-ci sont d’ailleurs les seuls à être poursuivis pour leur rôle dans les attentats du 16 mai, les autres étant pour leur part soupçonnés d’avoir fomenté des projets similaires à Marrakech, Agadir et Essaouira. Ils sont jugés sur la base de la nouvelle loi antiterroriste, votée juste après l’attaque, en juin 2003 et appliquée rétroactivement [4]. Seul élément matériel retenu contre eux par l’accusation : « plusieurs cassettes faisant, selon elle, l’apologie du jihad en Tchétchénie, en Palestine et en Afghanistan et que les inculpés auraient visionné en groupe avant le drame du 16 mai » [5]. Au finale, quatre d’entre eux sont condamnés à mort et trente-neuf à la prison à perpétuité [6]. Un Français, Pierric Picard, arrêté et jugé dans le cadre de cette affaire, est acquitté.

    Un troisième procès s’ouvre fin août. Il permet à la justice marocaine de s’intéresser au cas de Pierre Robert (également appelé Richard Robert et Didier Robert), un « islamiste français » arrêté à Tanger le 3 juin 2005 et accusé par le parquet de Rabat d’être « le principal responsable de cellules terroristes constituées à Tanger, Fès (centre), Casablanca, et dans le nord du pays » [7]. Également visée, la Salafia Jihadia, dont le Français aurait été l’ « émir ». Pierre Robert, qui comparait aux côtés de trente-trois islamistes salafistes marocains, affirme le 9 septembre 2003 qu’il a travaillé pour la DST française, pour le compte de laquelle il aurait infiltré la mouvance islamiste algérienne. Il aurait été impliqué dans « le démantèlement d’un réseau de seize Algériens, Tunisiens et Marocains opéré conjointement dans cinq pays européens, dont la Belgique et la France, qui menaçaient, à travers des attentats à la bombe, la Coupe du monde 1998 ainsi que la cathédrale de Strasbourg » [8]. Le Quotidien d’Oran rappelle d’ailleurs que « la DST est concernée dans l’enquête de Casablanca, du fait que trois ressortissants français ont péri dans les attentats. Le lendemain des faits, quatorze agents de la DST sont arrivés au Maroc, dont les spécialistes de l’identification judicaire, des spécialistes en explosifs et des experts du laboratoire central, pour épauler leurs homologues marocains ». Bien que le ministère français ait immédiatement démenti ces informations, les déclarations de Robert font sensation. Cela n’empêche cependant pas la justice marocaine de le condamner lourdement, malgré l’absence de tout élément matériel dans le dossier d’accusation. Le 29 septembre, il écope de la prison à perpétuité, tout comme deux autres prévenus. Les autres sont condamnés à des peines allant de trois mois à trente ans d’emprisonnement, tandis que deux seulement sont relaxés [9].

    Ainsi se termine cette ténébreuse affaire. Avec cette dernière vague de condamnations, les autorités marocaines referment le dossier des attentats les plus meurtriers qu’a connus le Maroc, quatre mois seulement après qu’ils ont été commis. On ne sait pourtant rien, ni des motivations des auteurs, ni de l’idéologie de leur réseau, ni des cibles désignées, ni du mode opératoire. Tant sur le plan politique que matériel, ces attentats restent un mystère. Un mystère qu’Omar Mounir a choisi d’éclaircir.

    Le choix des cibles

    La première attaque a été commise dans le quartier de Sahat Al-Arsa, dans la vieille médina de Casablanca. Contrairement à ce qui deviendra plus tard la version officielle, l’attentat n’est pas réalisé par un commando de trois kamikazes, mais par un seul. Les trois autres victimes seraient simplement des passants, d’après les témoignages recueillis par l’hebdomadaire TelQuel. Les médias vont rapidement éclipser ce détail pour chercher à expliquer quelle était la cible du ou des terroristes. Selon eux, c’est le cimetière juif voisin qui était visé. Pourtant, comme le note Omar Mounir, « le dernier enterrement remonte quand même à 1950 » et l’explosion a eu lieu à plusieurs rues de son emplacement. Et l’auteur de s’étonner : « Venir avec, apparemment, l’intention de faire sauter un cimetière ou l’on ne sait quoi et ne même pas savoir où il se trouve ! ».
    Concernant l’attaque du Centre de l’alliance juive, elle est réalisée, selon des témoignages également recueillis par TelQuel, par deux terroristes munis de bombes. La veille, les terroristes y auraient perturbé un banquet de 150 personnes. Ils ont préféré l’attaquer alors qu’il était désert, un vendredi soir de shabbat. La troisième cible visée est le restaurant « Le Positano », qui se trouve en face de l’ambassade de Belgique. Il est fréquenté par une bonne partie de la communauté juive de Casablanca, et se situe dans le quartier de la ville qui compte le plus de synagogues. Il est également situé non loin de l’ambassade états-unienne. Mais là encore, les incohérences sont multiples : les terroristes se sont faits sauter, ou tout au moins les explosions ont eu lieu, à l’extérieur du restaurant et non à l’intérieur. Les victimes sont des passants, notamment un Français qui descendait de son véhicule. Aucun Juif ne pouvait être visé, puisque là encore, l’attentat a été perpétré le soir du shabbat.
    Voilà pour les trois attentats « ratés », où les victimes sont principalement les auteurs eux-mêmes. Seuls quelques passants subissent, parfois de manière fatale, les conséquences de la « maladresse » des terroristes. L’attentat qui vise les intérêts espagnols au Maroc est bien plus meurtrier. Vers 22h30, trois terroristes pénètrent dans la Casa de España, qui comprend un restaurant et un club social espagnol subventionné par Madrid. L’attaque fait vingt-deux morts, dont un Italien, deux Espagnols et dix-neuf Marocains.
    Enfin, le dernier attentat vise l’hôtel Farah. L’attaque fait trois morts : un kamikaze, un vigile et le concierge.

    Quelle est la logique de ces attentats ? D’après l’AFP, « les attaques (…) ont visé des cibles juives et des établissement fréquentés par des étrangers ». Pourtant, « la majorité [des victimes] sont des Marocains » [10]. En ce qui concerne les « cibles juives », il semble que les attaques n’aient pas été réalisées dans le but de tuer, puisque les lieux choisis ne pouvaient pas être fréquentés par des Juifs ce soir-là. D’où l’hypothèse d’Omar Mounir : les terroristes « voulaient avertir les Juifs et non pas les tuer, peut-être…. Les contraindre à quitter le Maroc pour Israël comme Sharon le leur demandera au lendemain des explosions ».

    Une seule cible peut être clairement identifiée : l’Espagne. Comme le note Omar Mounir, « le Casa de Espana se trouvait dans le même bâtiment que la Chambre de commerce espagnole, non loin de la mission catholique ibérique de Saint François d’Assise, derrière le restaurant. L’État et l’Église espagnols étaient donc représentés ici ». À quelques jours d’élections municipales cruciales pour le gouvernement Aznar, allié inconditionnel de Washington, celui-ci se retrouve ainsi confronté à un flot de critiques de José Luis Rodrigues Zapatero, qui l’accuse « d’avoir placé l’Espagne sur la liste des objectifs du terrorisme international » [11].

    Liens avec Al-Qaïda
    Au cours de leur enquête, les autorités marocaines vont désigner plusieurs groupes islamistes comme les responsables de l’organisation de ces attaques : Assirat Al-Moustaquim, puis la Salafia Jihadia. Deux organisations peu connues des spécialistes mondiaux du terrorisme. La presse évoque des connexions internationales multiples : le journal Al-Ittihad Al-Ichtikari affirme que « au moins deux kamikazes résidaient en Égypte et aux Émirats et seraient arrivés au Maroc par avion en provenance de Londres et de Bruxelles ». Le 5 juin, on apprend dans le Washington Post que les attentats étaient préparés depuis plusieurs mois et que l’ordre d’exécution a été donné par Abou Moussab Zarquaoui lui-même. Deux semaines plus tard, Al-Qaïda revendique les attentats « par l’enregistrement vidéo d’un homme masqué qui a promis de nouvelles opérations suicides ». Le même jour, le 23 juin, le journal As Sabah publie des informations selon lesquelles les attaques auraient été financées par « un groupe de Marocains résidant en Grande-Bretagne, dans des pays scandinaves, en Suède et au Danemark ». Ce qui permet de rattacher l’opération aux réseaux du terrorisme international, et notamment la nébuleuse Al-Qaïda d’Oussama Ben Laden. L’identité des kamikazes et leur origine sociale, abondamment diffusées dans la presse, vont pourtant totalement à l’encontre de cette théorie du complot. Venus des bidonvilles les plus défavorisés de Casablanca, les terroristes présumés étaient marchand ambulant, soudeur, poissonnier, ou encore gardien de parking. Un profil qui ne cadre pas avec la thèse des « agents infiltrés » soutenus de l’étranger… L’inexpérience des personnes choisies exclue également qu’elles aient pu mener ces attaques avec un timing aussi minutieux puisque les explosions se sont succédées, comme à Madrid, dans une plage horaire inférieure à 15 minutes.

    À partir de ces éléments, l’auteur élabore deux hypothèses : pour lui, les « kamikazes » ont agi sous l’emprise de psychotropes, et leurs bombes étaient actionnées à distance. Une hypothèse qui a le mérite d’expliquer pourquoi les bombes déposées à l’hôtel Farah-Maghreb et au Cercle de l’alliance israélite ont explosé avant que les terroristes ne soient ressortis du bâtiment. Cela expliquerait aussi pourquoi les informations sur les explosifs et leur dispositif de mise-à-feu sont aussi contradictoires. En définitive, on ne sait toujours pas aujourd’hui quel type d’explosif a été utilisé, qui a assemblé les engins et comment ils étaient censés être déclenchés, plusieurs journaux évoquant des minuteries de mise à feu fixées à 5 minutes. Un mécanisme qui exclurait que l’on parle de « kamikazes », et n’explique pas pourquoi la plupart des bombes ont explosé à l’extérieur des cibles qu’elles étaient sensées détruire.

    L’intérêt des islamistes à réaliser ces attentats reste par ailleurs l’objet de toutes les interrogations. L’opération a en effet eu lieu à quatre mois d’élections municipales pour lesquelles « observateurs et politologues s’accordaient à dire [qu’elles] allaient être un raz-de-marée islamiste ». La vague d’arrestations qui suit les attentats de Casablanca vise avant tout les figures les plus connues et les plus populaires de l’islamisme marocain, notamment Abdelbari Zemzmi, Mohamed Fizazik et de nombreux cadres du Parti de la justice et du développement (PJD), troisième formation politique au Parlement. Sous la pression, le mouvement ne présentera des candidats que dans 16 % des circonscriptions aux élections municipales. De ce point de vue, la vague de répression qui suit les attentats doit être comparée à celle qui suivit la victoire des islamistes algériens aux municipales de 1990, à la différence près qu’au Maroc les attentats ont permis d’agir avant le scrutin.

    Parallèlement, l’invention du délit d’« apologie de crime de terrorisme », qui permet de réprimer tout discours de contestation politique dont la virulence rappellerait celle d’organisations terroristes, permet aux autorités marocaines de déférer devant la justice plusieurs journalistes et directeurs de journaux. À l’unisson des « démocraties » occidentales après le 11 septembre, le Maroc a également adopté une législation antiterroriste ultra-sécuritaire peu de temps après les attentats.

    Tous ces éléments ne permettent pas de mettre à jour les motivations des auteurs des attentats. Tout au plus réduisent-ils à néant la version officielle en démontrant une opposition complète entre l’amateurisme supposé des « kamikazes » fanatiques et la préparation méthodique que présuppose une telle vague d’attaques simultanées. En renforçant l’assimilation des mouvements islamistes à la nébuleuse terroriste internationale érigée en nouvel ennemi par Washington, les attentats de Casablanca légitiment la guerre au terrorisme menée par les États-Unis depuis le 11 septembre 2001. L’absence de cohérence réelle dans le choix des cibles laisse pourtant supposer que l’objectif visé est encore largement inconnu du grand public. Tout comme les attentats de Madrid, qui surviendront neuf mois plus tard, les attentats de Casablanca doivent s’inscrire dans un agenda – ou au moins un contexte – dont la logique reste à déceler. Il est fort possible que la question du Sahara ex-espagnol, vieux sujet de discorde entre le Maroc et l’Algérie, y soit liée. Le 16 mai 2003, jour des attentats, le ministre des Affaires étrangères marocain, Mohammed Benaïssan, rencontrait Dick Cheney, Condoleezza Rice, Paul Wofowitz, Richard Armitage et le sous-Secrétaire d’État aux affaires du Proche-Orient, William Burns. Depuis près de trente ans, le Maroc occupe les deux tiers du Sahara occidental, une ancienne colonie espagnole. Depuis, il est confronté à une résistance armée du Front Polisario, qui prône l’autodétermination. Mais Rabat ne semble pas décidé à abandonner cette portion de territoire, riche en fer et en phosphate – voire en pétrole – et ce, malgré de nombreuses propositions de l’Organisation de l’unité africaine et de l’ONU.

    Cette question est devenue une préoccupation première de Washington depuis 2002 et l’adoption de l’ « Initiative Pan Sahel », lancée fin 2002 avec le Tchad, le Niger, la Mauritanie et le Mali pour « assurer conjointement la protection des frontières, le suivi des mouvements de personnes, la lutte contre le terrorisme et la coopération régionale ». Le tout avec un budget de 7 millions de dollars, avec une possibilité de réévaluation à hauteur de 125 millions dans les cinq ans à venir. Sous couvert de lutte contre Al-Qaïda et de son allié supposé, le Groupe salafiste pour la prédication et le combat algérien, l’administration états-unienne a déjà considérablement accru son emprise militaire sur la région. Le Maroc aurait-il été sanctionné pour son intransigeance dans le dossier, qui bloque depuis des années le bon fonctionnement de l’Union du Maghreb arabe en polluant les relations entre Rabat et Alger ? Il est indiscutable en tout cas que les attentats de Casablanca sont arrivés au pire moment pour le pouvoir marocain, en pleine négociation diplomatique du nouveau plan Baker sur cette question. Ce plan prévoit notamment l’organisation d’un référendum au Sahara occidental d’ici à 2010, auquel tous les habitants de la région depuis fin 1999, qu’ils soient Marocains ou Saharaouis, seront autorisés à voter. Une proposition à laquelle le Maroc s’est opposé tandis que le Front Polisario y apportait son soutien, avec l’appui du Conseil de sécurité de l’ONU, fin juillet 2003.

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    [1] « Plusieurs attentats font au moins 24 morts à Casablanca », par Mohammed Chakir et Dominique Pettit, Le Monde, 18 mai 2003.

    [2] « Fragile Maroc », Le Monde, 28 mai 2003.

    [3] « Au Maroc, dix condamnations à mort dans le procès d’intégristes », Le Monde, 13 juillet 2003.

    [4] « Au Maroc, début du premier procès lié aux attentats-suicides de Casablanca »,Le Monde, 22 juillet 2003.

    [5] « Les inculpés de Casablanca nient en bloc », par Mounia Daoudi, RFI, 29 juillet 2003.

    [6] « Maroc : Le procès des attentats de Casblanca débouche sur 4 condamnations à mort et 39 à perpétuité », Quotidien du Peuple, 29 août 2003.

    [7] « Le procès de l’islamiste français Pierre Robert reprend au Maroc », Le Monde, 30 août 2003.

    [8] « Le cerveau des attentats de Casablanca est un agent de la DST », Le Quotidien d’Oran, 9 septembre 2003.

    [9] « L’ »émir » français Richard Robert échappe à la peine capitale au Maroc », par Jean-Pierre Tuquoi, Le Monde, 20 septembre 2003.

    [10] « Attentats au Maroc : le lien possible avec Al-Qaïda prend corps », AFP, 19 mai 2003.

    [11] « L’Espagne, objectif du terrorisme », Le Monde, 20 mai 2003.

    Source : Réseau Voltaire

    Tags : Maroc, Terrorisme, attentats de Casablanca, 16 mai 2003, salafisme, al qaida,

  • Belgique : Espions venus du Maroc

    Gilbert Dupont, La Dernière Heure

    Des agents actifs à Bruxelles à la recherche du trésor de Belliraj

    Des Belgo-Marocains de Bruxelles et leurs familles, de près ou de loin liées à l’affaire Belliraj, ont souffert, entre février et juillet, en Belgique, de la présence, des procédés et des agissements d’agents des services secrets marocains ou présentés comme tels.

    Leur objectif était aussi d’en savoir plus sur le trésor Belliraj , une partie de l’argent, estimée par les services marocains à 11 millions d’euros, provenant d’un hold-up au Grand-Duché, qui n’a pas été retrouvée.

    Selon des sources rencontrées par La DH/Les Sports, ces agents marocains ont recouru au chantage, à l’intimidation et à la menace. Ils se sont vantés de torturer Belliraj et Abdellatif Bekhti qu’ils détenaient dans leur centre de Temara. Belliraj, selon eux, avait travaillé pour eux dans l’affaire Mellouk. Dans les années 1990, Farid Mellouk, le dernier du groupe Kelkal (attentats GIA de 1995) était soupçonné de se cacher en Belgique. Les Marocains le payaient alors 40.000 francs belges/mois pour les aider à le localiser.

    À Bruxelles, des avocats s’étonnent de ces agissements tolérés sur le sol belge d’agents présentés comme liés à la DGET, la Direction générale des études techniques, le contre-espionnage marocain.

    En concurrence avec les services belges, ces équipes n’observaient pas la même déontologie et certainement pas les mêmes scrupules. Elles ont cherché à recruter. Elles ont dissuadé des Belgo-Marocains de travailler pour les Belges. Elles avaient l’avantage de travailler dans une communauté où le seul prononcé des initiales DGET provoque une sainte terreur.

    Pendant des semaines, des Belgo-Marocains de Bruxelles se sont cachés pour leur échapper. Des pressions ont été exercées sur les familles au Maroc.

    « Ils expliquaient qu’ils torturaient Bekhti et Belliraj à Temara, qu’ils leur lâchaient les chiens et aussi qu’ils les faisaient violer par des gardiens d’origine djbela (apparemment très opposée aux Rifains) pour casser leur honneur. »

    Les agents marocains auraient menacé de procéder à des enlèvements sur le sol belge. Ils ont cherché à attirer à Lille, hors Belgique, des Belgo-Marocains qui les intéressaient, notamment un frère Bekhti et un certain Boucif .

    dh.be, 31 déc 2008

    Tags : Maroc, Belgique, Belliraj, terrorisme, DGED,

  • Maroc – Les couacs de la lutte anti-terroriste

    Le fait que la cellule terroriste d’Abdelfattah Raydi ait pu préparer des attentats qui auraient dû être commis dans plusieurs villes du Maroc en dit long sur les lacunes des services de sécurité.
    Des lacunes déjà apparues au grand jour au lendemain des attentats de Casablanca en 2003 et qui ont été pointées par les Nations Unies. Analyse des carences mais aussi des difficultés auxquelles est confronté l’anti-terrorisme au Maroc. Publié pour la première fois la semaine dernière sur le site web www.geopolitique.com, ce document, daté de 2003, est encombrant pour les services marocains en charge de la lutte anti-terroriste de l’époque. Il s’agit d’un rapport rédigé par deux experts des Nations Unies mandatés au Maroc par le Groupe de suivi sur le terrorisme de l’ONU, du 5 au 10 septembre 2003. Composé d’une douzaine de personnes et placé sous la houlette d’un diplomate britannique, ce groupe est chargé de vérifier que les Etats membres des Nations Unies -dont le Maroc- appliquent les résolutions du Conseil de sécurité sensées aider à mettre fin aux réseaux de soutien au terrorisme international.
    La conclusion de ce rapport de deux pages rédigée par les experts à leur retour à New York, au siège de l’organisation, résume à elle seule les causes de l’échec de leur mission : « les autorités marocaines ne voulaient pas collaborer avec eux ». Pour étayer cette thèse, ils accusent le Maroc de ne pas les avoir laissés vérifier si la liste noire des individus soupçonnés d’être liés à Al Qaïda, et établie par les Nations Unies, avait bien été intégrée aux fichiers de la Police des frontières de l’aéroport Mohammed V de Casablanca. « Les experts n’ont pas été autorisés par les services de la police des frontières à contrôler le fait que tous les noms de la liste des Nations Unies avaient été ajoutés dans les ordinateurs utilisés pour contrôler les identités des passagers. La police des frontières n’a pas été prévenue à temps par le ministère des Affaires étrangères. Ils ont toutefois mentionné le fait que tous les noms avaient déjà été ajoutés dans leur système. Ils n’ont arrêté aucun des individus figurant sur la liste », écrivent-ils.
    Comptes bancaires suspects gelés dans l’anarchie
    Autre difficulté rencontrée : le contrôle des avoirs bancaires et financiers de personnes ou d’organisations suspectées d’être liées à Al Qaïda et gelés par les autorités marocaines. Sur ce point, le rapport des experts est accablant pour le Maroc. Par exemple, en ce qui concerne les comptes de la société textile Nascotex, “black listée” par les Nations Unies depuis septembre 2002, les experts relèvent que ses avoirs au Maroc n’ont été gelés que six mois plus tard, ce qui signifie que celle-ci a eu le temps de “transférer son argent à l’étranger”. Les experts onusiens pointent également le fait que les Marocains étaient incapables d’indiquer le montant des sommes de Nascotex gelées par leurs soins. Idem pour une autre société figurant aussi sur la liste noire de l’Onu, Akida Investment Company. Encore plus grave : les experts signalent que les autorités marocaines leur ont fourni un listing de comptes bancaires gelés sans être capables de dire à qui appartenaient ces comptes ni les montants bloqués !
    Toutefois, ce qui semble avoir le plus surpris les deux experts restent les affirmations des représentants du ministère de l’Intérieur qui ont « nié toute présence de cellules d’Al Qaïda dans le pays ou une quelconque menace persistante émanant de cette organisation ». Pourtant ce même rapport souligne que le Maroc a gelé 17 000 dirhams d’un compte bancaire au nom d’un certain Said Bahaji, bien connu des services de sécurité du monde entier : il est suspecté d’appartenir à la “cellule de Hambourg” qui a fourni de l’argent aux auteurs des attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis et d’avoir partagé un appartement en Allemagne avec le kamikaze Mohamed Atta. Les déclarations des représentants du ministère marocain de l’Intérieur sont d’autant plus légères qu’un an plus tôt, ces mêmes autorités avaient affirmé qu’une cellule terroriste d’Al Qaïda avait été démantelée. Elle aurait eu pour projet de faire exploser à l’aide de Zodiacs piégés des navires de guerre anglais et américains croisant dans le détroit de Gibraltar. Parmi les personnes arrêtées lors de cette opération connue sous le nom d’« opération Gibraltar » figuraient quatre Saoudiens. De surcroît, l’un des hommes-clés de cette cellule, dite de Gibraltar, le saoudien El Gareh avait, lors de son interrogatoire dans les locaux de la DST à Temara, déclaré que le Maroc était « dans la ligne de mire d’Al Qaïda ». Il avait même été encore plus explicite, lançant : « Personne, même le Maroc, n’échappera au mektoub par Allah ».
    Pieds et mains liés par l’Arabie Saoudite
    Ce n’est toutefois pas la première fois que des représentants de l’autorité marocaine emploient ce type d’arguments. En ce qui concerne les attentats de Casablanca, le numéro deux de la DST de l’époque, Noureddine Benbrahim, a confié en mai 2003 à des agents travaillant pour les services français que « se retourner vers Al Sirat al Moustakim (le groupe présenté comme responsable des attentats de Casablanca) est une décision prise au plus haut niveau en coordination avec les Français et les Américains pour limiter l’impact sur la situation interne. Car dire que ces attentats sont signés Ben Laden entraînera une panique totale dans le pays », « et la fureur de l’Arabie Saoudite », aurait très bien pu ajouter Noureddine Benbrahim…
    C’est là en effet l’une des principales difficultés à laquelle a été confronté l’anti-terrorisme marocain au lendemain des attaques sur Casablanca. Comment en effet lutter efficacement contre le terrorisme quand on a besoin des capitaux du Golfe et sans se mettre à dos l’Arabie Saoudite dont le jeu idéologique pervers dans les années 80, 90 et au début des années 2000 n’est plus un secret pour personne ? En ce qui concerne le 16 mai 2003, Noureddine Benbrahim a déclaré aux espions français qu’au moins deux ressortissants du Golfe -un Saoudien et un Emirati- figuraient parmi les terroristes mais que le ministère marocain de l’Intérieur s’était tu pour « préserver les amis du Maroc ». C’est en tout cas ce que l’on peut lire sur une note blanche émanant du ministère français de la Défense et rédigée quelques jours à peine après les attentats de Casablanca. Noureddine Benbrahim y effectue aussi le recoupement suivant pour accréditer l’implication d’Al Qaïda : un homme d’affaires émirati (“un ancien ami”) lui a confié, lors d’une soirée à Ryad, avoir entendu un très jeune cheikh saoudien faisant partie de “l’institution religieuse” parler des « Marocaines qui sont commercialisées par les maquereaux (…). Et qu’il faut les frapper afin qu’ils quittent ce pays musulman et obliger le roi à se débarrasser de ses conseillers (…) ». L’homme d’affaires émirati s’était alors ému du fait qu’un jeune Saoudien n’ayant jamais quitté son pays soit en mesure d’être aussi précis sur le Maroc, noms de conseillers royaux, dont certains discrets, à l’appui. Plus précis encore, Benbrahim ajoute que « les relations avec Ryad passent par une zone de turbulences (nous sommes en mai 2003). Les Marocains ne font plus aucunement confiance aux Saoudiens, notamment le prince Nayef Ben Abdel Aziz (ministre saoudien de l’Intérieur), qui était au courant après des interrogatoires avec deux (membres) de la tribu Al Ghamdi (du nom de l’un des pirates de l’air du 11 septembre 2001) que Casablanca est la prochaine sur la liste. Mais il n’a pas averti ». Un discours analogue à celui tenu en juin 2003 par Fouad Ali El Himma à un autre interlocuteur travaillant lui aussi pour le compte des services français. « Il (El Himma) assure que le financement des groupes (…) provient des pays du Golfe en premier lieu, de la contrebande à travers l’Espagne et de l’argent de la drogue. Pour ce qui est du premier volet, El Himma n’a pas hésité à accuser les associations saoudiennes qui agissent probablement (…) avec une partie et avec le consentement des services. Aussi des Emirats Arabes Unis et du Koweït. Mais le cas est ici différent car les aides viennent de la part de commerçants. Une liste a été transmise aux Koweïtiens ainsi qu’aux Emiratis pour faire le nécessaire. Par contre, le prince Nayef (ministre saoudien de l’Intérieur) n’a pas donné suite à nos revendications en la matière », peut-on lire sur la note blanche consacrée à Fouad Ali El Himma et rédigée en juin 2003 par les services français
    Les Etats-Unis ont bon dos
    Déjà peu performant en matière d’anti-terrorisme, comme le montre le rapport de l’ONU, et de surcroît pieds et mains liés par l’Arabie Saoudite, le Maroc a également subi une très forte pression des Etats-Unis au lendemain des attentats de Casablanca. Depuis le 11 septembre 2001, l’Amérique est en effet entrée “en guerre” contre le terrorisme international et exige des résultats de la part de ses partenaires nord-africains sommés d’éradiquer ce mal chez eux. Surtout ceux qui ont besoin du parapluie anti-terroriste de Washington, de sa puissance diplomatique ou économique. Aujourd’hui, les autorités marocaines reconnaissent avoir collaboré très étroitement avec des services étrangers sans que l’on sache jusqu’où cette collaboration a été poussée. Dans la première moitié des années 2000, les Américains ont-ils effectivement sous-traité aux Marocains les interrogatoires de présumés islamistes capturés à l’étranger comme l’attesterait par exemple le témoignage de Benyam Mohammed al Habashi, un Ethiopien résident au Royaume-Uni qui affirme avoir été sauvagement torturé pendant 18 mois au Maroc en 2002, sur ordre des autorités américaines ? Des anglo-saxons ont-ils interrogé des terroristes présumés marocains au Maroc ? Mystère… À ce jour, l’on sait juste avec certitude que des jets privés affrétés par la CIA ont fait escale au Maroc. On sait également que c’est par ce biais que des ressortissants marocains ont été rapatriés après avoir été capturés ou arrêtés à l’étranger (Arabie Saoudite, Afghanistan, Pakistan, Irak…). On est pas certain cependant si ces avions ont effectivement transporté des ressortissants d’autres pays qui auraient pu être débarqués discrètement au Maroc pour des interrogatoires où la torture est pratiquée. Pour le reste, et notamment l’éventuelle existence de prisons secrètes de la CIA au Maroc, aucune preuve formelle n’a été à ce jour apportée même si les ONG internationales des droits de l’Homme nourrissent des soupçons envers le royaume.
    Aujourd’hui, les nouveaux responsables sécuritaires du Maroc dédouanent un peu trop facilement l’appareil sécuritaire en estimant qu’à cause des pressions internationales subies, le royaume a dû procéder en 2003 à des rafles massives d’individus fichés par ses propres services comme islamistes. Selon ces mêmes responsables, cela aurait abouti à un encombrement des prisons du royaume tel qu’à un moment les autorités ont même caressé l’idée de créer des prisons « d’exception » dont une aurait été basée à Benslimane. Suite à un veto émis par le ministère de la Justice -ce sont les arguments des hauts responsables sécuritaires actuels- l’idée de ces petits Guantanamo marocains a été abandonnée au profit de l’aménagement de deux pavillons de haute sécurité à la prison de Salé.
    Le « ventre mou » du Sahel
    Outre les pressions américaines, au demeurant réelles, et l’hypocrisie criminelle de l’Arabie Saoudite, la lutte antiterroriste marocaine butte sur une autre difficulté de taille : la région que l’on qualifie de « ventre mou » du Sahel et qui se situe aux confins du Maroc, de l’Algérie, de la Mauritanie et du Mali. Une région qui, traversée par les immigrés subsahariens tentant de rallier l’Europe, se caractérise par des trafics en tous genres, notamment de cigarettes et d’armes. « On sait avec certitude que des islamistes marocains ont été formés dans cette région par des bandes armées sans obédience particulière et nous nous attendons à ce que certains d’entre eux remontent vers le Maroc en empruntant les réseaux de la contrebande. On évalue également à 80 000 le nombre de kalachnikovs éparpillée dans la région par l’intermédiaire du trafic d’armes », estime Fouad Ali El Himma, ministre délégué à l’Intérieur. Pour le ministre de l’Intérieur, Chakib Benmoussa, des Marocains ont été entraînés par le GSPC dans le Nord du Mali et pourraient alimenter des cellules terroristes au Maroc s’ils parviennent à rejoindre le royaume, en passant notamment par les filières d’immigration clandestine.
    Au sujet des liens du Front Polisario avec des organisations proches d’Al Qaïda dénoncées par le ministre de la Justice la semaine dernière, Fouad Ali El Himma, qui affirme qu’en matière de lutte anti-terroriste, Marocains et Algériens collaborent, atténue considérablement les propos de Mohamed Bouzoubâa : « en tant qu’organisation, le Front Polisario lui-même, qui conserve une idéologie marxiste-léniniste, n’est pas associé à Al Qaïda. Par contre, certains de ses individus ont noué, à titre personnel, des relations avec le GSPC qui contrôle le sud algérien ». Toujours selon Fouad Ali El Himma, un membre du Front Polisario, agissant pour son compte personnel, aurait ainsi participé à une récente attaque d’une caserne militaire en Mauritanie aux côtés d’hommes du GSPC. Par ailleurs, selon la même source, des individus des campements de Tindouf, dont certains ont été formés aux côtés des islamistes marocains dans le Sahel, se livreraient à des trafics d’armes pour survivre. Toutefois, aucune preuve formelle n’a à ce jour été fournie par l’appareil sécuritaire marocain qui dit avoir recoupé ces informations avec celles de services étrangers.
    Des méthodes contre-productives
    Au regard des évènements de Sidi Moumen du 11 mars dernier, pour les autorités marocaines le plus urgent semble être de relever le niveau des services de sécurité. Mieux vaut tard que jamais… En effet, quelques jours seulement après les attentats de Casablanca en 2003, les services secrets français ont appris par l’intermédiaire de Noureddine Benbrahim que Mohammed VI, furieux, a découvert très tardivement l’avertissement lancé par le juge anti-terroriste français Jean-Louis Bruguière à l’occasion d’un séminaire de la société Thalès au Maroc et spécifiant que le royaume « pourrait connaître de grosses opérations ». Ou encore « que le roi a ouvert une enquête après qu’il ait découvert que les forces de sécurité du royaume étaient concentrées ce soir-là (le 16 mai 2003) à Rabat et Meknès seulement ». À ce sujet, Benbrahim se montre précis indiquant que « l’alerte de la veille évoquant l’existence d’une bombe au théâtre Mohammed V à Rabat était une fausse alerte pour attirer les services dans la capitale où s’effectuaient les cérémonies d’Al Akika fêtant la naissance du prince Moulay Hassan ». Là encore, c’est ce que l’on peut lire sur une note blanche rédigée en mai 2003 par un espion travaillant pour les services français qui a visiblement beaucoup « confessé » Benbrahim.
    En ce qui concerne les méthodes de lutte anti-terroriste à proprement parler, pour la première fois, les autorités marocaines reconnaissent que celles employées au lendemain des attentats du 16 mai 2003 n’ont pas produit les résultats escomptés comme le montre le cas du kamikaze Abdelfattah Raydi. Ce dernier faisait en effet partie de ces quelque 2 000 islamistes présumés raflés, dont environ 800 ont été condamnés ensuite à de la prison après des procès souvent expéditifs. Des prisons où, outre les mauvais traitements subis, certains ont noué des liens avec des salafistes combattants de groupuscules radicaux avant d’être graciés par le roi. Mais on peut tout aussi bien s’interroger sur le fait qu’une fois sortis de prison, des individus comme Raydi, sensés être fichés par les services et résidant de surcroît dans des quartiers quadrillés par des norias de mokadems, ont réussi à préparer des attentats (cf. encadré) sans être repérés… Une réalité accablante pour les services de sécurité qui a vraisemblablement conduit les autorités à annoncer une réforme de la lutte anti-terroriste au Maroc. En espérant que celle-ci produise plus d’effets que la rénovation du quartier de Sidi Moumen, actée en 2003 mais dont les habitants attendent toujours les bénéfices.
    Catherine Graciet, Le Journal Hebdomadaire
    2 avril 2007
    Tags : Maroc, terrorisme, salafisme, attentats de casablanca, 16 mai 2003, lutte antiterroriste, 
  • Maroc : Une nationalité qui vous colle à la peau

    Les marocains savent pourquoi, il est impossible de se débarrasser de la nationalité marocaine. Telle une malédiction, elle vous poursuit partout. Le gouvernement utilise cet « outil » pour contrôler ses sujets. Ainsi, il peut demander l’extradition d’un opposant ou lui interdire de se rendre au Maroc sachant qu’il y risque la prison. Le belgo-marocain Abdelkader Belliraj a eu l’occasion d’expérimenter le poids de la nationalité et la loi marocaines sans que l’État belge puisse rien faire pour sauver un citoyen qui était un collaborateur des services de sécurité fédérales.
    Pour Laila Ezzeroili, publiciste aux Pays Bas, avoir la deuxième nationalité signifie avoir sur le dos des lois marocaines, «des lois discriminatoires». « Je suis hollandaise et je veux pouvoir l’exprimer et je veux avoir la liberté de choisir par moi-même », explique-t-elle. «Quand j’avais dix-huit ans, j’ai demandé la nationalité néerlandaise dès que j’ai pu, mais vous découvrez que vous ne vous débarrassez pas du passeport marocain. Ni du gouvernement marocain, ni du système juridique et des lois».
    Ezzeroili qualifie les lois marocaines de discriminatoires et menaçantes pour certains groupes. «Ensuite, je parle des lois morales. L’homosexualité est interdite et punissable ».
    Selon Ezzeroili, ses filles et petits-enfants continueront également d’être soumis à la loi marocaine. «Ils sont soumis à une législation sans égalité des sexes. En tant que femme, vous êtes donc inférieur aux hommes et la polygamie est par exemple autorisée au Maroc. Cet homme a la possibilité d’épouser une autre femme aux Pays-Bas ou au Maroc et tout est arrangé et à vendre au Maroc. Aux Pays-Bas, vous voyez principalement que dans le droit du mariage et du droit de la famille, les gens ont à voir avec le droit marocain ».
    Tags : Maroc, Pays Bas, nationalité, binationaux, 
  • Maroc : Le pillage de la RASD ne remplit plus les caisses du Makhzen

    La machine de propagande du makhzen, chargée généralement d’étouffer toute voix dénonçant l’illégalité de l’occupation des territoires du Saharaoui, est également appelée à soigner l’image du royaume. Très souvent, des articles de presse et des reportages vantant la réussite politique et économique du royaume de Mohammed VI sont diffusés sur différents supports.

    Mais la crise du covid-19 a vite fait de rappeler la réalité aux marocains. Dès le début de la pandémie, le Maroc va solliciter une aide du FMI en recourant à la ligne de précaution et de liquidité d’un montant de 3 milliards de dollars. Mais le gouvernement marocain a besoin de plus d’argent pour faire face aux conséquences économiques de la pandémie. Selon le gouvernement marocain d’autres demandes de crédits seront faites auprès d’autres institutions financières internationales tout au long de l’année en cours.

    La raison, le Maroc à une dette extérieure de 34 milliards de dollars et doit payer 4,15 milliards de dollars à de service de la dette en 2020. Face à cet endettement plus ou moins élevé, le Maroc ne dispose pas d’importantes réserves de change. Ces dernières s’élevaient à 24,4 milliards de dollars à fin février 2020, alors que l’Algérie dispose de 60 milliards de dollars. Mais la situation se complique davantage quand on aborde la structure du commerce extérieur de nos voisins de l’ouest. Le déficit commercial des biens s’est élevé à plus de 21 milliards de dollars en 2019, alors qu’il n’a été que de 6,11 milliards de dollars pour l’Algérie.

    Les performances économiques du Maroc, tant chanté par le makhzen, étale au grand jour une fragilité structurelle. L’économie marocaine doit importer deux dollars pour exporter un seul dollar. Ce lourd déficit du commerce extérieur des biens est plus ou moins atténué grâce aux rentrés en devises du tourisme et des transferts de l’argent de la diaspora. Enfin, les investissements directs étrangers ont chutés de 45% en 2019 pour n’atteindre que 1,8 milliards de dollars. Remettant en cause l’attractivité de l’économie marocaine.

    Le gouvernement marocain s’attend à une année très difficile sur le plan économique et social. La sécheresse qui frappe l’agriculture va réduire du tiers la production céréalière. Les principaux secteurs économiques exportateurs sont presque à l’arrêt. Le tourisme sera long à la reprise vu que les principaux pays émetteurs maintiennent leurs frontières fermées. Tandis qu’on s’attend à une baisse mondiale des transferts d’argent des émigrés de l’ordre de 20%. Une situation tellement critique que le gouvernement marocain n’a d’autres choix que de s’endetter encore plus.

    Puis il y a le Sahara occidental. La colonisation de ce territoire coute cher à Rabat. Le mur qui sépare les territoires libérés de ceux occupés par le Maroc, long de2700 kilomètres, doit être régulièrement entretenu. Des dizaines de milliers de soldats marocains, avec leurs équipements, sont mobilisés tout au long de ce mur. Le gouvernement accorde des avantages financiers pour encourager les marocains à s’implanter dans les territoires occupés pour modifier la démographie.

    La facture est tellement élevées que les richesses pillées du Sahara occidental, phosphate et poissons, ne couvrent que faiblement les dépenses engagées par le palais royal pour maintenir la colonisation d’une partie des territoires Sahraouis. A titre d’exemple, les exportations de phosphate du Sahara occidental n’ont rapportés que 90,4 millions de dollars en 2019 contre 164 millions de dollars en 2018, tandis que le pillage des ressources halieutiques a généré 100 millions de dollars la même année. Ces montants sont loin de couvrir le cout annuel de la colonisation, qui est en réalité supporté par le peuple marocain.

    Le Jeune Indépendant, 20 mai 2020

    Tags : Maroc, Sahara Occidental, Makhzen, Front Polisario, phosphates, pillage, ressources naturelles, armée, mur de la honte,

  • Sahara Occidental : Les raisons d’un exil

    Occupé par le Maroc depuis 1975, le Sahara occidental est, selon l’ONU, le dernier territoire à décoloniser en Afrique. Pour imposer sa souveraineté contestée, le royaume use de la stratégie du fait accompli en militarisant et en peuplant la zone, tout en exploitant illégalement les ressources naturelles. Celles et ceux qui luttent contre cette colonisation s’exposent à des violences policières systématiques et à de lourdes peines de prison, ce qui les pousse parfois à l’exil. C’est le cas de Fatimatou Iaazza, militante indépendantiste sahraouie, arrivée en France à la mi-mars.
    Je rencontre Fatou à Paris en novembre 2018. Tout juste âgée de 20 ans, elle s’efforce de sensibiliser les Français au sort des Sahraouis au cours d’une tournée express : Paris, Grand Est, Normandie, Bretagne. Lourde tâche, tant les médias et les politiciens français ignorent le sujet ou prennent largement parti pour le Maroc. En février 2019, tandis que je suis en mission d’observation dans les territoires occupés, Fatou me met en contact avec des activistes à Laâyoune et Smara. En raison de mon expulsion par la police marocaine [1], je ne pourrai malheureusement pas la rencontrer à Tan-Tan où réside sa famille [2].
    Lorsque j’apprends en mars dernier que Fatou est à Paris et demande l’asile politique, je suis stupéfait. Que lui est-il arrivé ?
    Un ami qui prend vingt ans
    « Ma famille a toujours été pour l’indépendance du Sahara occidental, commence-t-elle. Mon grand-père s’est engagé au sein du Front Polisario [3] et a été estropié par une mine marocaine en 1987 au cours de la guerre d’indépendance [4]. Mon père est un défenseur des droits humains, je le considère comme un modèle. Il a été arrêté en 2004, en 2006 et la dernière fois en mars 2008. On l’a accusé d’être responsable de la mort d’un policier lors d’une manifestation à Tan-Tan le 28 février 2008. Il n’était pas à cette manifestation, mais il a été torturé puis condamné sans la moindre preuve à 15 ans de prison. Aujourd’hui encore, mon père est en détention à Bouizakarne, au Maroc. J’avais 10 ans le jour de son arrestation et ma sœur cadette était un bébé. »
    Côté militantisme, Fatou n’est pas en reste : « Je suis membre de l’Association pour la protection des détenus sahraouis dans les prisons marocaines. J’ai également participé à l’organisation de plusieurs manifestations à Tan-Tan et à Laâyoune, la capitale des territoires occupés. En avril 2018, c’est là que nous avons organisé l’accueil de Horst Köller, l’envoyé personnel du secrétaire général des Nations unies pour le Sahara occidental. C’était sa première visite sur place. Ce jour-là, j’ai été battue dans la rue par la police puis transférée à l’hôpital. À Laâyoune, où j’ai fait mes études d’assistante sociale, nous manifestions très souvent : il ne se passait pas une semaine sans que nous ne sortions dans la rue avec des drapeaux. »
    En mars dernier, invitée en Espagne par Amnesty International, Fatou participe à un séminaire sur les droits de l’Homme au Sahara occidental, à l’Université de Jaén. Depuis l’Andalousie, elle apprend qu’un autre militant sahraoui, Khatri Faraji, vient d’être condamné à vingt ans de prison ferme à l’issue d’une parodie de procès [voir encadré]. « Khatri est un ami, nous avons participé à de nombreuses actions ensemble, à Tan-Tan et à Smara. J’ai été très choquée, car j’ai toujours pensé que nous avions le même destin. »
    « J’ai pris la menace au sérieux »
    À son retour à Casablanca, ses bagages sont fouillés, puis elle est longuement interrogée dans une petite pièce de l’aéroport et menacée d’être arrêtée à son arrivée à Laâyoune. « Je savais qu’il est plus facile d’arrêter les activistes au Sahara occidental que dans cet aéroport sous le regard d’étrangers, explique Fatou. C’est pourquoi j’ai pris au sérieux la menace de la DGST [5] et malgré mon billet sur un vol dans la soirée pour Laâyoune, j’ai décidé de rester à Casablanca jusqu’à ce que la situation se calme. Le lendemain ma mère m’a appelée et m’a dit que la police était à ma recherche, qu’elle avait encerclé et fouillé la maison. J’ai eu très peur et j’ai appelé mon oncle pour lui demander conseil. Il m’a dit qu’il ne voulait pas que je connaisse le sort de mon père ou de Mahfouda Lefkir [voir l’encadré]. Il m’a suggéré de m’enfuir en France pour éviter l’arrestation et les traitements qui vont avec. J’ai accepté par peur de la torture. Je suis jeune, je veux vivre. »
    Le 10 mars dernier, Fatou, dont le visa Schengen est encore valide, prend le bus pour Tanger puis monte dans un camion de marchandises qui la dépose à Paris six jours plus tard. Depuis, elle est hébergée par une cousine qui vit dans l’Eure, avec son mari et leurs trois enfants.
    La jeune femme a entamé la procédure de demande d’asile. En attendant son audition par l’administration, elle aide les enfants du couple à suivre l’école à distance pendant le confinement.
    Intimider, emprisonner, forcer à l’exil : le Maroc affaiblit la résistance sahraouie en privant sa jeunesse de perspectives. Une stratégie coloniale dont a largement usé la France en son temps.
    Nicolas Marvey
    CQFD, mars-juin 2020
    Tags : Maroc, Sahara Occidental, Front Polisario, répression, Fatimatou Iaazza,