Blog

  • Maroc : Les arguments farfelus sur le Sahel (document confidentiel)

    Les enjeux de sécurité au Maghreb : des facteurs de tension

    Les problématiques de sécurité au Maghreb sont au cœur des préoccupations de l’ensemble des acteurs impliqués dans la région. Ces éléments ont longtemps été considérés comme des questions internes à chaque État, ce qui a conduit à les gérer de façon fragmentée et isolée. Cependant, les dernières évolutions (mutations du terrorisme islamiste, développement de la criminalité, enlisement des tensions inter-étatiques, etc.) incitent désormais à appréhender ces éléments dans leur globalité et dans leurs interactions. En effet, il apparaît que les enjeux de sécurité au Maghreb doivent être abordés dans un environnement élargi au sud, à l’ouest et à l’est, dans une perspective de renforcement des coopérations tant au niveau local (coordination des acteurs de terrain), régional (collaborations interétatiques et régionales), que global (implication de l’UE et des États-Unis). Cette gestion intégrée des enjeux permettra de donner une cohérence tout à la fois régionale et durable aux politiques de sécurité.
    L’UE, du fait de sa proximité géographique et des liens qui l’unissent au Maghreb, doit se sentir tout particulièrement impliquée par ces enjeux. La récente adoption, en février 2010, du document-cadre de sa Stratégie de sécurité intérieure marque un pas encore timide mais encourageant dans cette direction1 – celle d’une meilleure prise en compte des enjeux globaux et du renforcement de la coopération avec ses voisins afin de construire un futur partagé, sécurisé et durable… dans son intérêt comme dans le leur.

    1. Les tensions contre les États : terrorisme et criminalité

    1.1. Les mutations du terrorisme islamique : une problématique sahélo-maghrébine

    La menace de l’islamisme radical et du terrorisme a toujours été prise au sérieux par les États de la région, qui luttent contre ce phénomène depuis le début des années 1980. Considérée initialement comme domaine réservé de la politique intérieure, la lutte anti-terroriste devient le premier domaine de coopération entre les États d’Afrique du Nord, aussi efficace qu’inattendu, comme l’illustre par exemple le partenariat entre l’Algérie et la Tunisie2.

    Les efforts en la matière ont permis de circonscrire à la fin des années 1990 les activités de mouvements comme le Groupe Salafiste pour la Prédication et le Combat en Algérie (GSPC) ou le Groupe Islamique Combattant en Libye (GICL). Cependant, après les attentats du 11 septembre 2001, ces mouvements trouvent un second souffle. L’invasion de l’Irak par les États-Unis a ainsi été instrumentalisée pour renouveler le discours de légitimation du terrorisme, qui prend alors un nouvel essor au Maghreb ; en 2007, le GSPC rejoint même la mouvance de Ben Laden pour fonder Al-Qaeda au Maghreb Islamique (AQMI), organisation qui aspire à fédérer les djihadistes de tout le Maghreb. Néanmoins, après une explosion des violences entre 2001 et 2008, culminant avec l’apparition d’attentats suicides jusqu’alors inconnus dans la région, l’année 2008-2009 marque une rupture dans le développement d’AQMI. En effet, malgré le ralliement peu significatif de quelques combattants tunisiens, libyens, ou mauritaniens, AQMI reste un phénomène essentiellement algérien. Les attentats dans le Maghreb Central diminuent au profit de pratiques de banditisme, avec notamment une recrudescence d’enlèvements de ressortissants occidentaux contre le paiement de rançons.

    Quatre raisons principales peuvent être évoquées pour comprendre ce coup d’arrêt : l’islam maghrébin est traditionnellement modéré et constitue un rempart culturel et religieux à la montée du radicalisme ; les actions du gouvernement algérien se sont révélées globalement efficaces dans la lutte anti-terroriste ; les attaques d’Al-Qaeda contre les Sunnites en Irak ont largement terni l’image du mouvement au Maghreb ; enfin, les pratiques employées par AQMI, notamment les attentats suicides, sont étrangères aux traditions locales et « la greffe » n’a en quelque sorte pas pris, d’autant plus que la société algérienne a suffisamment souffert du terrorisme aveugle pour en rejeter les actions.

    En réaction, le centre de gravité du terrorisme dans la région s’est déplacé de façon préoccupante vers le sud : profitant de la porosité des frontières, de la prolifération de trafics en tout genre, et de la faiblesse de certains États, les mouvements djihadistes se sont installés dans la région désertique du Sahel, depuis les régions semi-arides du Sénégal jusqu’à certaines parties de la Mauritanie, du Mali et du Niger. L’émergence du Chiisme radical en Afrique subsaharienne constitue sans doute à ce titre le plus grand défi sécuritaire de la région à court et moyen termes. L’attentat suicide contre l’ambassade de France de Nouakchott, l’assassinat d’un ressortissant Américain ou l’enlèvement revendiqué par AQMI d’un Français au Nord du Mali, tous survenus au cours de l’année 2009, illustrent ce glissement. Les acteurs impliqués dans la région prennent peu à peu conscience de cette réalité, comme le démontre la récente déclaration conjointe UE-Maroc qui stipule que « la précarité de la situation dans la région du Sahel et les nombreux défis qui en découlent mettent en évidence la nécessité d’une coopération régionale accrue et d’une approche intégrée dans les domaines de la sécurité et du développement. Le Maroc et l’UE considèrent [ainsi] que le Sahel représente une zone prioritaire de la lutte contre le terrorisme et la radicalisation »3.

    L’établissement d’une zone refuge pour les terroristes au Sahel menace la sécurité de toute l’Afrique du Nord mais aussi de l’Europe et des États-Unis, dont les ressortissants et les intérêts sont les cibles privilégiées des terroristes. Dès lors, comme le souligne le représentant du général William E. Ward, chef du commandement militaire américain pour l’Afrique (Africom) « une approche globale face au terrorisme est indispensable au Maghreb »4. À cet égard, la décision annoncée en juillet 2009 par l’Algérie, la Libye et le Mali d’associer leurs moyens militaires et de renseignement pour combattre le terrorisme dans la bande sahélo-saharienne doit être saluée ; elle s’inscrit dans une volonté de travail de fond sur le long terme, permettant d’asseoir les bases d’une sécurité durable dans la région5.

    1.2. Les développements de la criminalité : facteur de déstabilisation et impact sociétal

    Le crime organisé au Maghreb prend la forme classique de différents trafics, comme celui de la drogue ou de la contrebande de cigarettes. Au Maroc, la culture du cannabis produit un revenu de 200 millions de dollars par an pour les paysans et génère un bénéfice de 12 milliards de dollars pour les trafiquants. La « Stratégie nationale de lutte antidrogue » mise en œuvre par le royaume depuis 2005 produit des résultats encourageants, comme le note l’Organe international de contrôle des stupéfiants des Nations Unies (INCB) qui souligne dans son dernier rapport que « la superficie totale des cultures de cannabis a été réduite de 55 % et ramenée de 134 000 hectares en 2003 à 60 000 hectares en 2008 »6. Cependant la culture du cannabis reste encore une activité économique importante de la région du Rif, une des plus pauvres du pays, et les efforts de développement des cultures alternatives doivent être poursuivis. L’Algérie en est quant à elle devenue le relais d’acheminement vers la Tunisie et la Libye, puis vers l’Europe.

    Par ailleurs, le Maghreb tend à devenir une plaque tournante d’autres trafics : plusieurs observateurs notent le développement dans les espaces les plus désertiques et les moins contrôlés, d’une « route africaine » de la cocaïne écoulée en Europe, facilité par le degré encore élevé de corruption, la porosité des frontières, l’absence de formation des polices locales et des systèmes judiciaires inadaptés. Interpol estime ainsi qu’environ 50 tonnes de cocaïne – d’une valeur de 1,8 milliards de dollars – circulent chaque année en Afrique de l’Ouest7. Ces drogues en provenance d’Amérique du sud arrivent par les ports d’Afrique de l’Ouest, traversent le Nigeria, la Guinée et le Sénégal, pour gagner ensuite le Maghreb puis l’Europe. Or, la circulation des drogues n’est pas sans conséquences pour les populations locales : de pays de transits, les États de la région sont peu à peu devenu également consommateurs avec tout le potentiel déstabilisateur que cela implique. Moins connus sont les effets dévastateurs de la culture du cannabis sur l’écosystème des pays producteurs. À terme, les destructions qu’elle engendre (déforestation, pollution par les pesticides, etc.), et l’absence de réussite des projets de cultures alternatives risquent de produire une migration massive des populations de régions comme le Rif8.

    Dans une zone où le chômage frappe très durement les jeunes, il existe par ailleurs un risque inquiétant de voir ces trafics progresser rapidement et les trafiquants devenir des modèles de réussite pour les jeunes en perte de repères, En revanche, si les liens entre criminalité et terrorisme sont avérées au niveau international, la mise en évidence de connexions directes dans la région est moins évidente : les trafiquants maghrébins n’ont intégré ni l’appareil d’État ni la classe politique, et agissent davantage comme une composante de l’économie illégale que comme une force de déstabilisation structurée. Par ailleurs, les logiques s’opposent pour une part : du côté des trafiquants, l’anonymat prime sur les principes de publicité et de communication recherchés par les terroristes. L’Europe est directement concernée par ces développements, étant la première cliente des drogues produites ou transitant par le Maghreb, et une terre d’immigration privilégiée pour les candidats au départ. De surcroît, la montée des réseaux criminels associés aux trafics (passeurs, faux papiers, prostitution, etc.), qui se prolongent jusque sur le territoire communautaire, pose de réels problèmes de sécurité à l’UE. Le démantèlement récent d’un réseau de trafic de cannabis depuis le Maroc vers la France, via l’Espagne, ayant permis la prise record de plus de 3 tonnes de drogue, illustre ce risque. Lors de cette opération, les forces de police ont en outre saisis près d’une trentaine d’armes, dont des pistolets automatiques, plusieurs fusils et pistolets-mitrailleurs, un lance-roquette et des gilets pare-balles9.

    – Renforcer les coopérations existantes en matière de lutte anti-terroriste et anti-criminalité, en intégrant la dimension géographique élargie : la gestion des trafics et du terrorisme doit être appréhendée dans sa globalité sahélo-maghrébine, voire au-delà comme le suggèrent les connexions avec les trafiquants de drogue sud-américains.

    – S’attaquer en parallèle aux racines du problème si l’on veut jeter les base d’un développement et d’une sécurité durables. La prise en compte des difficultés socio-économiques dont pâti la région est alors essentielle : en donnant des alternatives de réussite sociale aux jeunes on sapera à terme les possibilités de recrutement tant des criminels que des terroristes.
    – Soutenir et appuyer toute coopération régionale, suivant une logique de subsidiarité. Ces actions doivent en effet être optimisées de façon pragmatique, en utilisant par exemple les canaux bilatéraux aussi souvent que possible et en optant pour les coopérations à l’échelle régionale lorsque nécessaire.

    2. Les tensions inter-étatiques : le Sahara Occidental et la problématique des frontières

    2. 1. Contre l’enlisement du Sahara Occidental

    Ce conflit, qui dure depuis plus de 30 ans, constitue la pierre angulaire des tensions algéro-marocaines : la fermeture de la frontière entre les deux pays depuis 1994, l’échec de l’Union du Maghreb Arabe, la course aux armements, la décision du Maroc de quitter l’OUA et son refus de siéger à l’Union africaine lui sont en grande partie imputables. De telles implications illustrent bien le niveau de blocage atteint par la situation qui mine toute tentative de développement et de sécurisation commune.
    Le Sahara Occidental est inscrit depuis 1963 sur la liste des territoires non autonomes qui restent à décoloniser et a donné lieu depuis à d’innombrables arguties juridiques entre les parties. Cependant, comme le souligne Laurence Ammour, chercheur associé au Maghreb Center de Washington, « la gestion de ce contentieux par le droit international s’est avérée insuffisante et impuissante dans la mesure où les fondements juridiques qui ont présidé aux propositions de règlement […] n’ont pas évolué depuis 30 ans »10. Ce décalage explique les échecs successifs des plans l’ONU qui, s’ils ont permis un cessez-le-feu garanti par les casques bleus depuis 1991, n’ont pas résolu le conflit. Dès 2000, Kofi Annan, alors Secrétaire Général des Nations Unies, déclarait qu’il faudrait se préparer « à étudier d’autres moyens [que le référendum] de parvenir à un règlement rapide durable et concerté »11 du conflit. Car la tenue d’un référendum dans les conditions actuelles n’est objectivement pas envisageable : il n’existe toujours pas de consensus sur la constitution des listes électorales, l’ONU n’a aucun moyen d’imposer le référendum au Maroc, et le verrouillage politique et idéologique appliqué dans les camps de réfugiés sahraouis laisse peu d’espoir quant à une autodétermination sans contrainte et en toute connaissance de cause de la part des Sahraouis. En 2004, le Ministre des Affaires Étrangères espagnol, Miguel Angel Moratinos, considérait que « dans les circonstances actuelles, un référendum sans solution politique préalable pourrait conduire à une situation de crise généralisée en Afrique du Nord »12. Cette analyse reste d’actualité : sans accord politique entre les protagonistes, la règle de droit, inapplicable seule, ne suffira pas à sortir de l’impasse.

    Par le passé, les deux acteurs principaux, l’Algérie et le Maroc, ont en effet longtemps campé sur des positions de principe : entre revendication d’une souveraineté héritée de l’Empire Almoravide (1056-1147) et revendication d’indépendance au nom du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, le débat ne laisse que très peu d’espace à la négociation. Ces crispations s’expliquent par le fait qu’aucun des protagonistes ne peut se permettre de perdre :

    • Au Maroc, le maintien des Provinces du Sud renvoie au principe fondamental d’intégrité territoriale ; le Royaume ne peut donc consentir à une amputation conséquente de son territoire.

    • Pour l’Algérie, l’attachement aux principes d’autodétermination et de liberté des peuples à disposer d’eux-mêmes s’accompagne d’un intérêt géoéconomique majeur que constituerait une voie d’accès sur l’Atlantique pour l’exportation du gaz et du fer du Sahara algérien, et la nécessité de demeurer cohérent avec un discours qui n’a pas évolué depuis 30 ans. La reconnaissance de la République arabe sahraouie démocratique (RASD) conférerait par ailleurs à l’Algérie un allié stratégique dans la région.

    • Dans les deux États, le conflit saharien a pu être initialement utilisé sur la scène intérieure pour masquer les difficultés intérieures respectives en focalisant la population sur un ennemi extérieur. Il s’inscrit aussi dans le cadre d’une course pour le leadership régional.

    • Le Front Polisario enfin ne peut abandonner le combat sans voir disparaître du même coup sa raison d’être ; cela signifierait en outre que les réfugiés auraient vécu 30 ans d’exil dans les camps pour rien…
    Or cette situation génère un coût considérable en termes économiques, humains, politiques et sécuritaires, qui entrave l’établissement d’une véritable sécurité durable dans la région. Ce coût, reconnu par tous, semble cependant être accepté ou du moins toléré par les protagonistes :

    • Pour le Maroc, le coût est d’abord économique, avec un budget militaire important consacré au Sahara Occidental, un investissement massif dans les provinces du Sud, des exonérations fiscales nombreuses, des salaires des fonctionnaires plus élevés, etc. L’International Crisis Group affirme que ce sont plusieurs points de PIB qui ont été engouffrés dans ce dossier13.

    • Le coût économique pour l’Algérie est également très conséquent, avec le financement de l’aide aux réfugiés (surtout depuis la diminution de l’aide internationale suite à la révision à la baisse des estimations de la population des camps par l’UNHCR en 2006), les dons de matériel militaire aux indépendantistes, le maintien de plusieurs dizaines de milliers de soldats à la frontière dans la région de Tindouf, et un investissement politique et diplomatique important pour soutenir la RASD au niveau international et contrer les efforts de communication marocains.

    • Pour tout le Maghreb, le dossier du Sahara Occidental rend impossible l’intégration, limite les investissements étrangers et entretient une atmosphère de suspicion et de défiance entre les acteurs. En outre, l’enlisement constitue un risque préoccupant de balkanisation de la région : les trafics de cigarettes, drogues, armes ou essence se développent fortement dans cette zone qui comprend le Sahara occidental, le nord de la Mauritanie et le sud-ouest algérien, et dont certaines sous-régions sont difficilement gouvernable, alors que les tensions liées au conflit rendent là encore impossible une coopération raisonnée en matière de sécurité.

    • Le conflit a également un coût financier et en termes de crédibilité important pour la Communauté internationale, qui maintient la force d’intervention de la MINURSO sur place pour un budget de 35 millions d’euros par an, sans résultat probant depuis bientôt vingt ans.

    En attendant, les réfugiés des camps de Tindouf vivent dans des conditions déplorables, souffrant de pénuries alimentaires, du manque d’eau, d’infrastructures sanitaires insuffisantes… Le déclin du Polisario, qui a perdu ses soutiens politiques et idéologiques de la Guerre froide, fait également craindre un effondrement de l’organisation fragile des camps : la corruption au sein de la RASD, dirigée exclusivement par le Polisario, le clientélisme appliqué dans l’attribution de l’aide humanitaire internationale, la monopolisation du pouvoir et l’immobilisme politique qui en découle sont de plus en plus mal acceptés par la nouvelle génération. L’identité nomade sahraouie, qui avait été déconstruite pour s’incarner dans la lutte pour un territoire perdu, est en train de se reconfigurer. Ainsi, les Sahraouis « qui optent pour la Mauritanie font preuve de la même volonté d’affirmation identitaire que ceux qui restent à Tindouf, non pas quant à une indépendance qui leur paraît irréalisable, mais dans leur identité : en s’installant en Mauritanie, ils renoncent à leur militantisme pour l’indépendance de la RASD, mais ils demeurent des Delimi, des Tekna, des Ahl Ma El Aïnin ou des membres de tout autre tribu »14. Parallèlement, le Maroc administre et développe de fait le Sahara Occidental depuis 1979, conférant aux populations locales (Marocains du Nord installés au Sahara et Sahraouis) un niveau de vie évidemment bien meilleur que dans les camps. Désormais, les progrès pour la reconnaissance des Sahraouis sous administration marocaine comme des citoyens à part entière doivent être poursuivis dans le cadre global de la défense et de la promotion des droits de l’homme au Maroc.

    Les enjeux initiaux et ceux qui sont venus se greffer et se cristalliser sur le Sahara Occidental sont donc tels que le coût supposé ou estimé de l’impasse est longtemps apparu préférable à celui qu’impliquerait une issue défavorable, et ce malgré le potentiel de développement et de stabilité sécuritaire que permettrait la normalisation du conflit. Par conséquent, seule une solution politique négociée, englobant l’ensemble des problématiques liées au conflit, et dans laquelle aucun acteur ne perdrait la face semble à même de débloquer la situation. La proposition marocaine d’un Plan d’autonomie pour la région du Sahara Occidental, présentée devant le Conseil de Sécurité de l’ONU en 2007 est à ce titre la première alternative crédible au gel des positions de principe évoquées plus haut.

    L’autonomie de gestion proposée par le Maroc prévoit la mise en place d’organes législatif, exécutif et judiciaire au niveau local, dont la compétence portera sur de nombreux domaines15. À l’instar des différents modèles fédéraux européens, l’État conservera une compétence exclusive sur les domaines régaliens, qui au Maroc comprennent notamment la sécurité, la coopération internationale et les relations extérieures, la commanderie des croyants, et le système judiciaire. A la recherche d’un consensus le plus large possible, Rabat souhaite organiser un référendum de ratification du projet d’autonomie par les populations des provinces du sud, et, compte tenu de la nécessité de réformer la constitution du Royaume pour y intégrer le concept d’autonomie, réaliser également une consultation de l’ensemble du peuple marocain.

    Il apparaît donc bien que cette proposition d’autonomie doivent être considérée comme une base tangible de négociation, qui s’inscrit en outre dans la démarche plus générale de régionalisation et de démocratisation du pays évoquée dans la première partie. Car personne ne peut dire aujourd’hui si l’indépendance du Sahara Occidental constituerait une option viable, s’il ne risquerait pas de se transformer en zone grise propice à tous les trafics, à la prolifération du terrorisme et in fine à la déstabilisation de la région. Certains, comme le porte-parole du Département d’État américain en 2008 ont même été jusqu’à considérer qu’un État Sahraoui indépendant ne pouvait être considéré comme une « une option réaliste »16, ni « un objectif accessible », pour reprendre la formule de l’ancien représentant spécial du Secrétaire Général de l’ONU pour le Sahara Occidental, Peter van Walsum17. Il est en tout cas certain que la sécurité de la zone ne peut admettre un « failed » state, surtout si ce dernier sert de nouvel alibi pour renforcer les crispations et le maintien sous tutelle des sociétés maghrébines.

    En revanche, tout le monde reconnaît l’intérêt considérable en termes de croissance et d’amélioration des conditions de vie des populations que constituerait la fin des politiques de défiance au Maghreb et la progression de l’intégration régionale. La normalisation de la question du Sahara Occidental, qui implique nécessairement l’engagement de toutes les parties, permettrait en outre d’initier une sécurisation globale et durable de cette région fragile. Il convient désormais de convaincre les protagonistes que leur place et leurs intérêts seront préservés une fois le pas franchi : le Maghreb a besoin d’ouverture et de stabilité, pas d’une escalade sécuritaire.

    – L’UE doit soutenir la proposition marocaine d’autonomie, qui semble aujourd’hui la seule option réaliste de sortie de crise. Cette issue n’est envisageable que sur la base du plan marocain élargi afin de répondre à toutes les dimensions du conflit en particulier : (1) donner des garanties aux populations sahraouies sous administration marocaine, notamment concernant l’intégration d’une voix politique légale sahraouie. La décorrélation progressive actuelle entre identité Sahraouie et revendication territoriale est à ce titre de bon augure ; (2) établir des accords bilatéraux commerciaux et de coopération permettant la préservation des intérêts géo-économiques des deux grands États, au premier rang desquels figurent le phosphate pour le Maroc, le gaz et le fer pour l’Algérie, et l’exploitation du pétrole saharien pour les deux partie.

    – Pour ce faire, la voie des négociations directes entre les protagonistes, y compris en y associant l’Algérie doit être privilégiée et soutenue par l’UE. En ce sens, les dernières négociations informelles entre le Maroc et le Front Polisario qui se sont déroulées les 10 et 11 février 2010 à New York en présence de l’Algérie et de la Mauritanie sont encourageantes. Bien que peu d’information aient filtré au sujet des négociations en elles-mêmes, la décision des parties de se revoir prochainement est en soi une avancée qu’il convient d’appuyer. Dans la Déclaration conjointe issue du Sommet UE-Maroc du 7 mars 2010, l’UE a d’ailleurs réitéré son soutien aux « efforts du Conseil de Sécurité des Nations Unies, du Secrétaire Général et de son Envoyé personnel pour le Sahara Occidental pour parvenir à une solution politique définitive, durable et mutuellement acceptable [en exprimant son] soutien au processus de négociations en cours, dans le cadre des directives du Conseil de Sécurité et notamment la Résolution 1871 (2009) »18.

    2. Le gâchis du blocage des frontières

    Cette logique de défiance qui paralyse la région est également au cœur de la problématique des frontières, tant internes au Maghreb qu’avec les pays voisins. Parmi les tensions générées par les enjeux de sécurité, la fermeture des frontières est sans l’une des plus emblématiques, et demeure un frein considérable au développement de la région. Les frontières sont traditionnellement un marqueur de souveraineté et un baromètre des relations régionales. Elles sont d’abord un enjeu de souveraineté, comme l’a illustré la “guerre des sables” de 1963 entre le Maroc et l’Algérie qui n’a pris fin qu’en 1992 avec la Convention fixant les frontières entre les deux États.

    Les tensions entre les pays du Maghreb se traduisent ainsi immanquablement par un durcissement des contrôles comme entre l’Algérie et la Tunisie en 2007, pouvant aller jusqu’à la fermeture complète, comme c’est le cas depuis plus de 15 ans entre l’Algérie et le Maroc, un bouclage qui ruine l’économie régionale, déchire de nombreuses familles, et ne trouve pas d’issue malgré la demande de réouverture souvent réitérée par le Maroc.

    La coopération en matière de sécurité, de contrôle des frontières et de lutte contre les trafics ne doit pas se faire au détriment des populations et du développement économique. De telles mesures, si elles améliorent à court terme la gestion des trafics, ne permettent pas d’établir une sécurité profitable à tous sur le long terme.

    La réticence à l’ouverture n’est pas le fait des États seulement. La mise en œuvre de l’accord de libre-échange d’Agadir, signé en février 2004 et entré en vigueur en avril 2007, souffre de cette réalité : réunissant le Maroc, l’Égypte, la Jordanie et la Tunisie, il était conçu initialement pour permettre la levée immédiate des barrières non tarifaires et l’instauration progressive d’une zone de libre-échange. Trois ans plus tard, malgré l’accord politique officiel des États, force est de constater que les résultats attendus ne sont pas au rendez-vous, comme en témoignent la faiblesse des échanges entre les pays signataires. Pour de nombreux analystes, ce blocage serait le résultat direct des réticences de certaines entreprises. Par exemple, les exportations de la voiture Logan sont très difficiles vers l’Égypte, compte tenu des entraves administratives mises en place sous la pression des chaînes de montages égyptiennes, qui veulent conserver leurs parts dans un marché interne de l’automobile très protégé. Ces réflexes protectionnistes se retrouvent également du côté maghrébin, avec par exemple des campagnes menées contre l’importation de riz égyptien. Pour Omar Hilale, Ambassadeur représentant permanent du Maroc auprès de l’Office des Nations unies à Genève, ces blocages proviennent de « la prévalence des intérêts sectoriels sur les intérêts stratégiques collectifs de la région », au détriment de l’avenir même du Maghreb.

    – Réorienter les approches en privilégiant une gestion responsable des flux qui conjugue les exigences sécuritaires nationales légitimes et les échanges locaux, source durable de développement économique et humain.

    – Poursuivre l’effort envers l’ensemble des acteurs des sociétés civiles maghrébines en vue de les convaincre que l’ouverture aux voisins est une chance et répondre à leurs craintes est essentiel. Dans cette perspective, l’UE doit soutenir des politiques publiques d’information qui doivent permettre de faire sauter les verrous psychologiques de l’isolement et du repli sur soi.

    Source : Maroc Leaks, 26 mars 2020

    Tags : Maroc, Sahara Occidental, Sahel, terrorisme, Boko Haram, Mali, Niger, Nigeria, Burkina Faso,

  • Exclusif : Photos de la cuisine de rêve de Mme Assia Bensalah au Maroc

    Mme Assia Bensalah, ambassadeur itinérant du roi Mohammed VI, n’a aucune raison d’avoir peur du confinement au Maroc puisqu’elle le fera dans une villa de rêve dont la cuisine a été importée d’Italie.

    Grâce au hacker Chris Coleman, nous disposons des photos de cette cuisine fournie par la société italienne Linea Quattro.

    Pour rappel, en 2011, la fortune de Mme Bensalah a été révélée en 2011 après la publication d’une copie des extraits de ses comptes bancaires à l’étranger.

    Dans la banque suisse Pictet & Cie, elle disposait de 2.937.317 euros (voir image).

    Aux Etats-Unis, elle avait 257.710 dollars dans la banque Pinnacle Associated Ltd.

    En Espagne, elle est propriétaire d’un appartement de haut standing à Guadalmina Beach dont la valeur est estimée à plusieurs millions d’euros.

    Tags : Maroc, Assia Bensalah, villa, fortune,

  • «Ensemble, nous résisterons» : des Sahraouis lancent une campagne de solidarité avec l’Espagne, l’Italie et l’Algérie

    Alger, 31 mars (EFE) – Le collectif médiatique alternatif “Saharawi Voice” a lancé ce mardi sa campagne « Ensemble, nous résisterons » en solidarité avec ses voisins espagnol, italien et algérien, touchés par la pandémie de coronavirus, pour remercier du soutien reçu durant les quatre dernières décennies d’occupation.

    Cette plateforme, dédiée à l’information sur le Sahara occidental, publiera tout au long de la semaine plusieurs vidéos réalisées par des citoyens et des militants pour « leur faire savoir qu’ils ne sont pas seuls et qu’une fois tout cela terminé, les Sahraouis seront de l’autre côté à les attendre », explique-t-elle dans un communiqué.

    « Nous parlons d’expérience, nous avons pratiquement vécu dans une sorte de quarantaine depuis 45 ans et ça continue à ce jour », déclare à Efe son co-fondateur, Mohamedsalem Werad, du camp de réfugiés de Smara, dans la région désertique algérienne de Tindouf.

    « Personne n’aime être restreint dans ses mouvements, mais il faut être patient pour éviter le pire, qui est la contagion. Il faut apprécier le fait que c’est temporaire et que cela va passer, en vivant au jour le jour au lieu de penser sur le long terme », conseille ce militant et professeur d’anglais de 35 ans.

    Dans ce sens, il rappelle comment l’Espagne et l’Italie ont apporté leur aide depuis l’occupation marocaine en 1975, en accueillant des centaines d’enfants chaque été et en envoyant des caravanes médicales et de l’aide humanitaire. En outre, le rôle de l’Algérie, qui a accueilli la moitié de la population sahraouie, à laquelle elle a offert une protection internationale.

    « Nous avons un dicton en hassaniya, qui reflète parfaitement notre initiative : nous n’oublierons jamais ceux qui nous ont aidés et pas non plus ceux qui ont aidé nos ennemis », rappelle Werad.

    Jusqu’à présent, les autorités sahraouies affirment qu’il n’y a pas eu de cas positifs ni même de soupçons de contagion dans les camps, bien que 21 personnes soient en quarantaine préventive après être rentrées d’autres pays.

    Préoccupé par les effets de l’épidémie, le Front Polisario a ordonné le bouclage du périmètre avec l’Algérie le 19 mars, la fermeture de toutes les communications terrestres et aériennes, la fermeture des espaces publics, la suspension de toutes les manifestations sociales, culturelles et sportives ; il a limité les déplacements entre les camps et renforcé les mesures de surveillance sanitaire et de prévention.

    Le conflit dans l’ancienne colonie espagnole du Sahara occidental a commencé à l’automne 1975 lorsque les troupes marocaines ont profité de la faiblesse de la fin de la dictature franquiste pour prendre le contrôle du territoire.

    L’occupation a déclenché une guerre avec le Maroc impliquant la Mauritanie, qui a été suspendue en 1991, lorsqu’un cessez-le-feu a été déclaré et qu’un référendum sur l’autodétermination supervisé par l’ONU a été convenu.

    Depuis lors, Rabat et la République arabe sahraouie démocratique (RASD), reconnue par l’Union africaine, se battent pour la mise en œuvre du référendum, s’affrontant sur la questions des listes électorales.

    Tlaxcala, 31 mars 2020

    Tags : Sahara Occidental, Espagne, Italie, réfugiés sahraouis, coronavirus, covid19,

  • Le Maroc, ce bateau ivre !

    Une fois, un de mes amis européens, anthropologue de profession, me demanda de lui expliquer en quelques mots ce pays inexplicable, ineffable, inénarrable qu’est le Maroc. Je ne sus que répondre et puis, de fil en aiguille, une allégorie s’est imposée à moi comme une évidence : celle du bateau ivre. Un navire fantôme surgis des ténèbres, un monstre des mers venu depuis la nuit des temps par un beau jour de printemps. On ne sait rien sur ses origines ni où il va, on a juste une idée plus ou moins approximative sur la faune humaine qui le peuple, une faune bariolée, une humanité bigarrée d’origines diverses et de fortunes inégales.

    Perdu dans un océan agité, le bateau ivre avance sans vraiment avancer, sans gouvernail ni boussole. Ses seuls repères se résument, pourrait-on dire, au sens du lever et du coucher du soleil et ce n’est pas négligeable pour les pratiquants de la prière musulmane – même s’ils ne savent plus s’ils prient en direction de la première ou de la seconde Qibla : la mosquée d’Al-Aqsa ou la Ka‘ba, Jérusalem-Est ou la Mecque ! Quant à la science des étoiles, personne à bord n’y comprend rien à leurs configurations ; les quelques rares astronomes qui pouvaient les interpréter ont été chassés manu militari, jetés en mer depuis bien longtemps au motif de troubles à l’ordre public. On leur reprochait de réfléchir un peu plus que la moyenne générale, d’entretenir des idées subversives dans les esprits, d’introduire même des velléités de sédition dans les rangs de la plèbe.

    Pourtant, ces mêmes idées ont fini par bourgeonner dès les débuts du printemps. En témoigne, la dernière mutinerie menée par une vingtaine d’esclaves sous-alimentés et régulièrement violentés. Fait inédit, la répression qui s’en est suivie a provoqué une vague d’indignation et une large solidarité avec les victimes, ce qui a forcé la chefferie de l’équipage à inventer quelques subterfuges pour calmer les ardeurs des mutins et de leurs soutiens. Quelques promesses leur ont été miroitées et notamment la suppression de l’usage abusif du fouet (par les matons et les sous-fifres), une augmentation significative des rations alimentaires, ainsi que plus de repos et plus de distractions. Pour les persuader d’accepter le nouvel arrangement, les Consciences corrompues ont été mobilisés.

    Pourtant, sous la pression des éléments, les règles du jeu ont sensiblement changé en faveur des rebelles. On approchait dangereusement de l’hiver austral et il fallait absolument acheter la paix sociale, unir les forces en vue d’affronter les violentes houles de l’hémisphère sud qui s’annonçaient déjà. Bref, l’équipage devait coûte que coûte recréer une illusion d’unité, consentir des efforts, quelques souplesses, quelques largesses avec, à la clef, un peu plus de vin et d’opium, de musique et autres amusements pour ceux qui le souhaitent, mais aussi prêches et prières, morale puritaine et stricte encadrement spirituel pour les autres.

    Encore fallait-il reprendre la main, briser l’union sacrée de tous les mutins qui, pourtant, ne faisaient que défendre leurs droits légitimes : dignité et égalité, justice et liberté. Et pour atteindre le cœur de la rébellion et le corrompre de l’intérieur, rien ne valait les vieilles recettes que l’équipage a recyclé pour l’occasion, en tournant les uns contre les autres : les Blancs contre les Noirs, les Amazighones contre les Arabophones, les fanatiques contre les laïcs, les femmes contre les hommes etcætera.

    Passées les tempêtes de l’hiver austral et ses monstres-vagues, les vieilles méthodes de répression ont repris de plus belle et, pendant ce temps, une autre inquiétude s’est peu à peu installée à bord. On ne sait plus où on va, le capitaine ne fait plus acte de présence. Même l’équipage, qui passe le clair de son temps à se tourner les pouces entre deux repas somptueux, n’en sait pas davantage. Des ordres contradictoires, dont on peine à identifier la source, tombent régulièrement : le bateau ivre vire tantôt vers l’est, tantôt vers l’ouest, Orient et Occident à la fois, parfois il tourne en rond quant il n’évite pas de justesse quelque obstacle.

    En ces moments de grande incertitude, le bateau ivre est toujours à la dérive sur une mer qui s’annonce de plus en plus déchaînée ! Seule nouveauté, à la surprise générale, quelques fanatiques aveugles se relayent désormais pour occuper le haut du mat avec la bénédiction de l’équipage. Mais à défaut d’annoncer la terre ferme, ils y organisent des concours de Muezzin. Désormais, outre les prières réglementaires de la journée, ils en font l’appel pour d’autres, en inventent de nouvelles auxquelles ils donnent toutes sortes de noms tirés des vieux grimoires aux pages jaunes. Ainsi va le bateau ivre …

    Karim R’Bati : Berne, le 12 juin 2013.

    Source 

    Tags : Maroc, monarchie marocaine, Makhzen,

  • Maroc : La folle histoire du Journal Hebdo

    Tel Quel n. 410, 6/12 février 2010

    La folle histoire du Journal

    par Hassan Hamdani

    La dernière conférence de presse du Journal hebdomadaire, tenue mercredi 3 février, a des airs de veillée funèbre. La salle est bondée, il fait pourtant froid. Et la lumière, capricieuse, plonge de temps à autre la salle dans une pénombre macabre, assortie d’un silence lourd et pesant. Aboubakr Jamaï raconte, la voix tremblotante, l’histoire du journal qu’il a créé en 1997. Sa vie, et sa mort survenue le 27 janvier. Ce-jour là, cinq huissiers mettent sous scellés les locaux de la publication et saisissent tous ses biens. Selon divers recoupements, Le Journal traîne une ardoise d’environ 15 millions de dirhams auprès du fisc et de la sécurité sociale. L’Etat réclame son dû, particulièrement 4,5 MDH au titre de créances à la CNSS datant de la période 1997-2003. Jamaï ne conteste pas les impayés accumulés par Le Journal, mais s’étonne des vices de forme et de la célérité de la justice. Le jugement de première instance a été exécuté à une vitesse record avant même un recours en appel. Il n’en demeure pas moins que le titre-symbole de la décennie 2000 est bel et bien mort et enterré. Voici son histoire.

    Enfant de l’Alternance

    “Créer un journal est un acte de foi”. Cette phrase ouvre l’éditorial d’Aboubakr Jamaï dans le premier numéro du Journal paru en novembre 1997. Il ne croit pas si bien dire. Récemment converti au journalisme, sa seule expérience en matière de presse se limite à une chronique financière dans La Vie économique, dont il “accouche dans la douleur”, confie-t-il. Matrice du futur Le Journal, l’hebdomadaire de Jean-Louis Servan Schreiber est la publication où fourbit aussi ses premières armes Ali Amar. Les deux hommes se sont connus à Wafabank, où Jamaï faisait un stage dans le département dirigé par Amar. Ils ont dans l’idée de créer un journal. Le projet suscite l’intérêt de bon nombre de grands patrons déjà bien installés à l’époque : Mustapha Terrab, Fayçal Laraïchi, Saâd Bendidi, entre autres.

    Au final, le tour de table de Media Trust, société éditrice du Journal, se limitera à trois actionnaires : Amar, Jamaï et son copain de lycée Hassan Mansouri, futur patron de Primarios. “A l’époque, personne ne donnait cher de leur peau dans le milieu de la presse. Aucun n’avait la crédibilité ni l’expérience nécessaires. Ils étaient trois parfaits inconnus”, témoigne un journaliste embarqué dans l’aventure dès la première heure. “On était des bleus”, surenchérit Aboubakr Jamaï qui, le jour de la sortie en kiosque du bébé, a un sentiment mitigé : “Nous étions heureux de l’avoir fait. Mais on savait qu’il allait falloir réussir le même challenge chaque semaine”.
    Dès les premiers numéros, la répartition des rôles entre le trio dirigeant se fait selon les compétences et le caractère de chacun. Editorialiste plus que journaliste, “Jamaï était effacé et n’assistait presque jamais au bouclage”, se souvient un membre du Journal première mouture. Ali Amar, co-rédacteur en chef, endosse quant à lui le rôle de “catalyseur de la rédaction”, poursuit ce journaliste. Pour le directeur général, Hassan Mansouri, la presse était “un business, il y a mis des billes et veut les faire fructifier”, conclut notre témoin. Mansouri surveille son capital de près, assiste au bouclage, va chercher les sandwichs et les boissons, se rend au petit matin à l’imprimerie pour le suivi.

    L’économie avant tout

    La première couv’ de l’hebdomadaire porte sur le résultat des élections législatives de 1997 qui vont porter Abderrahman Youssoufi à la primature. Une simple coïncidence due à la date choisie pour le lancement. L’Alternance est sur les rails, mais la politique n’est pas encore le fonds de commerce du Journal, qui choisit de se consacrer en priorité à l’économie.
    Convaincue que le Maroc des cols blancs est l’avenir du pays, la publication se positionne comme une alternative à La Vie éco et L’Economiste. L’équipe du Journal innove en commandant des sondages d’opinion et en adoptant un ton agréable. Elle décroche aussi des scoops sur la Bourse et les télécoms, les secteurs-phares du milieu des années 1990, grâce au réseau bâti par Jamaï et Amar du temps où ils étaient banquiers. “Les futurs grands noms de la finance comme Mustapha Bakkoury, Anas Alami ou Hassan Bouhemou venaient prendre le café dans les locaux du Journal”, raconte un membre de la rédaction. Déjà à des postes de responsabilités, ils sont aussi un soutien financier en achetant des pages de publicité. “L’un de nos premiers annonceurs a été la société Marfin, une filiale de la BMCE, dirigée à l’époque par Hassan Bouhemou (actuel bras droit de Mounir Majidi, ndlr). Nous réalisions régulièrement des suppléments financiers pour attirer la publicité”, confie Aboubakr Jamaï.

    Quelques mois à peine après le lancement, un différend entre actionnaires survient. Hassan Mansouri s’oppose au recrutement de Jamal Berraoui, l’oncle maternel de Jamaï et ancien rédacteur en chef de La Vie économique. Pour Mansouri, cette plume politique n’est pas en adéquation avec la ligne éditoriale économique. Mais Aboubakr Jamaï n’en démord pas. “Berraoui était mon idole, j’admirais son intelligence et sa culture”, confie-t-il. Il compte sur son oncle pour le décharger d’un fardeau lourd à porter, et surtout pour se rassurer. C’est que, à l’époque, Jamaï manque de confiance en soi et doute de ses capacités d’éditorialiste : “Je me réveillais en pleine nuit en me posant des questions. Mais tu fais quoi ? Tu te prends pour qui ? Je craignais d’être une escroquerie intellectuelle”, confie Jamaï. Le directeur de publication finit par avoir gain de cause. Berraoui intégrera la rédaction du Journal tandis que Hassan Mansouri décide de revendre ses parts. En quête d’un nouvel actionnaire sûr, Jamaï a un “réflexe tribal”, selon son expression. Il contacte un cousin qui lui présente Fadel Iraki, assureur et marchand d’art. Fidèle à un trait de son caractère, Iraki dégaine son chèque sans sourciller et rachète les parts de Mansouri. “Il lui a même accordé une plus-value de 30% par rapport à son investissement initial de 500 000 dirhams”, raconte Jamaï. Le Journal se remet vite de cette première crise, mais pas l’amitié entre Jamaï et Mansouri qui, aujourd’hui, se taillent des croupières par presse interposée.

    Basri ou le virage politique

    En cet été 1998, le nouveau tour de table est verrouillé, la rédaction est prise en main par le duo Berraoui et Amar. Aboubakr Jamaï, de son côté, peut s’envoler tranquille pour Oxford où il décroche une bourse pour un master. Toujours en quête de plus de bagages, il “replonge dans ses premières amours, la finance”, confie-t-il. Et aiguise ses idées, à l’université londonienne, au contact de l’intellectuel palestinien Edward Saïd. Durant l’absence du directeur de publication, Jamal Berraoui fait prendre un virage politique au Journal. La conjoncture est propice, Abderrahman Youssoufi est au gouvernement, l’Alternance bat son plein et trouve dans Le Journal son plus grand défenseur.

    Le 28 septembre, l’hebdomadaire sort sa première Une choc, qui marque d’entrée les esprits : “Pour sauver l’expérience de l’Alternance, Driss Basri DOIT PARTIR”. “C’est à ce moment que nous avons une révélation. On se découvre, nous sentons qu’il est possible de faire entendre notre voix”, analyse Jamaï.

    “Enfants de l’Alternance”, comme ils se définissent désormais, les mentors du Journal décident de défricher un terrain encore vierge, celui des droits de l’homme, en appelant notamment au retour d’exil d’Abraham Serfaty. L’audace du Journal se confirme de semaine en semaine. En mars 1999, il publie une interview de Malika Oufkir qui vient d’écrire La prisonnière, livre où elle témoigne de ses années d’enfermement sous Hassan II. “C’était une vraie première. On pouvait parler sans crainte de la Constitution, d’Abraham Serfaty et des années de plomb. Mais dans le cas de Malika Oufkir, on s’attaquait au jardin secret de Hassan II. C’était la dernière ligne rouge”, raconte Jamaï. Le Journal la franchit allégrement sans subir, à son grand étonnement, les foudres de Hassan II. Explication de Jamaï : “Avec cette Une, nous optimisions l’équation de l’ouverture posée par le roi”. La preuve, suite au coup du Journal, L’Humanité, quotidien français peu amène avec Hassan II en temps ordinaire, titre “Le Printemps marocain”, au grand bonheur, paraît-il, du roi défunt.

    Hassan II apprécie Le Journal comme interface médiatique à l’international, témoignant du vent démocratique qui souffle sur le Maroc. Il le fait savoir à Fadel Iraki, via Fouad Ali El Himma, proposant même aux dirigeants du Journal un chèque de 50 millions de dirhams pour monter une imprimerie. Les anciens camarades de classe du prince héritier sont tout aussi fans du nouvel hebdo : Hassan Aourid, futur porte-parole du Palais, y tient une tribune, tandis qu’El Himma, secrétaire particulier de Sidi Mohammed, agit comme émissaire auprès des dirigeants du Journal quand Hassan II ou son fils veulent leur transmettre un message.

    Au bonheur des années fastes

    En résumé, tout baigne. Le Journal est devenu influent, Aboubakr Jamaï, qui a pris de la bouteille, a l’oreille des puissants, et la ligne éditoriale convainc un lectorat de plus en plus nombreux. De semaine en semaine, les ventes explosent et atteignent des pics de 30 000 exemplaires en 1999. Et les vannes publicitaires inondent Le Journal : “Nous étions reçus personnellement par les dirigeants des grandes boîtes. On sentait un respect chez eux. Alors que nous engrangions 150 000 dirhams de publicité par mois au début, nous sommes passsés à 450 000 dirhams en 1999 et 2000. Rien qu’avec un supplément sur Agadir, nous avons atteint le montant record de 1 million de dirhams. J’avais l’impression d’avoir décroché la lune”, témoigne un ancien commercial du Journal qui, durant cette période d’euphorie, gagnait facilement entre 40 et 50 000 dirhams en commissions publicitaires.

    Le cash coule à flot au point que l’hebdomadaire n’hésite pas à imprimer en France quand il a des problèmes avec son imprimeur marocain. Le résultat ferait pâlir d’envie n’importe quel patron de presse : un journal au format et avec la même qualité d’impression que Le Courrier International. Le prix à payer lui arracherait par contre des cris d’effroi : 7 à 8 millions de dirhams par an de frais de transport depuis la France. “Chaque semaine, un membre de l’équipe prenait l’avion pour Paris afin de porter les films à l’imprimeur. C’était un week-end de luxe aux frais de la princesse, raconte un ancien du Journal. Les voyages à Paris étaient devenus tellement banals qu’ils étaient considérés parfois comme une corvée”.

    L’hebdomadaire ne regarde plus à la dépense. Il troque le modeste appartement, où il a incubé, pour prendre ses aises dans un plateau de 400 m2 qu’il réaménage de fond en comble. Ordinateurs flambant neufs, matériel d’impression dernier cri, voitures de direction, ça flambe à tout va. Et quand il s’agit d’évènementiel, le management débourse aussi sans compter : “Le Journal a organisé un séminaire en France où il a invité une dizaine de businessmen. Un avion privé a été loué pour l’occasion. Un dirigeant de la publication a même songé un moment à le repeindre aux couleurs de l’hebdomadaire”, se souvient un ancien de la maison. Le Journal est “the place to be” pour un journaliste. Les plumes prometteuses et confirmées sont débauchées à des salaires mirobolants pour l’époque. Elles ont la reconnaissance salariale mais aussi, donnée essentielle, enfin, un espace d’expression libre où elles peuvent se lâcher après des années de frustration et d’autocensure.

    L’hebdo enchaîne les enquêtes qui dérangent. Il va fouiner dans les transactions immobilières de Mohamed Benaïssa, alors ministre des Affaires étrangères, dénonce les opérations boursières douteuses de l’ONA (l’affaire Diwan). Tout passe comme une lettre à la poste, sans retour de manivelle de l’Etat. Tout, quasiment tout, sauf quand Le Journal aborde la “cause sacrée” du Sahara en avril 2000.

    Pas touche au Sahara

    Plan serré sur Mohamed Abdelaziz, le chef du Polisario. Un titre choc : “Sahara, quelle alternative à un référendum dépassé ?”. Voilà résumée la couv’ du Journal du 14 avril 2000, qu’aucun lecteur ne verra jamais. Les 35 000 exemplaires de l’hebdomadaire sont saisis sur le tarmac de l’aéroport Mohammed V, à peine débarqués de l’avion, après impression en France. Interviewer le chef du Polisario est une idée d’Aboubakr Jamaï, née suite à un entretien avec un membre du département d’Etat américain. Le diplomate lui annonce tout de go que les Etats-Unis considèrent que la solution au conflit du Sahara passe par une “troisième voie”, à savoir l’autonomie. La confrontation armée n’a mené à rien, le référendum n’est plus d’actualité pour les Etats-Unis, l’autonomie est l’unique sésame à ce conflit qui n’a que trop duré. Jamaï sent qu’il tient un “truc”. Rentré au Maroc, il compulse les discours de Hassan II, relève plusieurs références à la régionalisation et au fédéralisme, appelle un ami qui lui annonce qu’il a travaillé sur la question au sein du G14 (un think tank créé par Hassan II). Jamaï décide de donner la parole à Abdelaziz, pensant être “couvert” puisqu’il ne faisait que prendre les devants par rapport à une solution en cours de validation en haut lieu. Mal lui en prend. On ne lui pardonnera pas d’avoir été plus vite que la musique. “Juste après l’interdiction, je reçois un coup de fil d’un ami qui me demande de passer à son domicile. Quelqu’un veut me parler, il ne m’en dit pas plus”, raconte Jamaï. Cet illustre inconnu n’est autre qu’Edward Gabriel, ambassadeur des Etats-Unis au Maroc. Selon Jamaï, le diplomate était furieux à cause de la censure de l’interview de Mohamed Abdelaziz. Gabriel jugeait qu’elle tombait comme un cheveu dans la soupe alors que Mohammed VI avait accepté l’option de l’autonomie. Quelques mois plus tard, le Maroc enterre officiellement l’idée d’un référendum pour s’engouffrer dans une “troisième voie”, concrétisée depuis par la proposition d’autonomie des provinces du Sud.
    Cette première escarmouche avec l’Etat n’affecte pas la vie comptable de l’entreprise. Bien au contraire. Les annonceurs attendent avec impatience la réimpression du Journal, qui ressort avec une page blanche en Une, en signe de protestation, mais avec plus de pubs que jamais. L’hebdo a désormais sa médaille, une interdiction en bonne et due forme, qui dope sa notoriété et ses ventes. Mais les nuages s’amoncellent à l’horizon. Les contacts avec les proches de Mohammed VI, qui occupent désormais des fonctions officielles, se font de plus en plus rares. Le “printemps marocain” est fini et l’hiver s’annonce précoce : “Lors du dernier dîner où se sont croisés Fouad Ali El Himma et les actionnaires du Journal, on sentait que les rapports n’étaient plus ce qu’ils étaient”, confie un témoin de la rencontre. Les premiers signes du désamour entre Le Journal et le Pouvoir sont déjà flagrants quand un coup de massue frappe à nouveau la publication.

    Le Journal est mort, vive Le Journal hebdomadaire !

    Le 2 décembre 2000, une nuit pluvieuse de ramadan, pas de Journal chez les terrassiers. Quelques heures plus tôt, un communiqué de la MAP est tombé : le Premier ministre Abderrahmane Youssoufi a interdit l’hebdomadaire. Une semaine avant, Le Journal a publié un document inédit prouvant l’implication du parti de Youssoufi dans le putsch militaire d’Oufkir en 1972. En plus d’être interdit, il doit faire face à une campagne médiatique sans précédent. Libération, l’organe de presse de l’USFP, se fend d’un article en Une sur six colonnes, rien de moins, pour descendre en flammes l’hebdomadaire. Le titre parle de lui-même : “Pour en finir avec une escroquerie nommée Le Journal”. 2M, quant à elle, organise une émission spéciale pour décrédibiliser l’hebdomadaire. En réaction à l’interdiction, les actionnaires du Journal font la tournée des plateaux de télévision et des rédactions parisiennes pour faire valoir leur droit à reparaître. “Il fallait réagir en conséquence car, en face, ils avaient sorti la Grosse Bertha”, confie Jamaï, qui entame une grève de la faim pour pouvoir ressusciter sa publication. En bon communicateur qu’il est devenu, il choisit bien sa tribune pour annoncer la nouvelle : le congrès de la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH) qui se tient à Casablanca.
    Après 40 jours d’interdiction, Le Journal reparaît sous un autre nom : Le Journal hebdomadaire. Tout le monde continue à l’appeler Le Journal, comme avant, mais le changement de ton est clair. L’heure est à la guerre. Sur les 8 premiers numéros, cinq sont consacrés à l’USFP, la formation de Youssoufi. Le Journal a clairement pris le maquis et affiche un ton revanchard.

    L’hebdomadaire publie ainsi les bonnes feuilles du livre de Jean-Pierre Tuquoi, Le dernier roi, interdit au Maroc. Le chouchou de la génération Mohammed VI devient leur pire cauchemar en se transformant en porte-voix des “réfractaires”. Hicham Mandari, Ali Lmrabet, Moulay Hicham, Nadia Yassine et le PJD deviennent des sujets récurrents. Galonnés de l’armée, puissants de l’économie, hauts commis de l’Etat, tout le monde en prend pour son grade.

    Les dossiers du Journal sont souvent percutants, fruits d’enquêtes approfondies ou d’analyses pointues. Ce travail d’investigation renforce la notoriété de la publication, qui devient incontournable pour les médias internationaux s’intéressant au Maroc. Aboubakr Jamaï est désormais abonné des plateaux télé à l’étranger, quitte à survendre, parfois, son image de héraut du 4ème pouvoir : “Invité d’une émission, il a appelé la rédaction pour qu’elle change la Une prévue. Il voulait qu’on traite de Mohammed VI afin de coller sa photo sur la couverture du Journal. Il voulait la montrer à l’antenne pour bien marquer les esprits”, confie un ancien de l’hebdomadaire.

    En panne sèche

    L’hebdomadaire est désormais en conflit ouvert avec l’establishment politique et économique, mais n’a plus le nerf de la guerre pour soutenir ses positions. L’interdiction par Youssoufi a entraîné un boycott publicitaire des sociétés publiques et des grandes entreprises privées : “Nous avons perdu 80% de nos recettes publicitaires, les autorités ont tout fait pour acculer Le Journal à l’asphyxie”, s’indigne Jamaï. “Nous étions désormais considérés comme un journal à problèmes pour les annonceurs”, ajoute un ancien commercial du Journal.

    Sans entrée d’argent frais, le canard commence à tirer le diable par la queue car, à l’image de la cigale de la fable, il a trop flambé pendant sa période faste. A l’arrêté des comptes en 2000, Media Trust traîne déjà un déficit de plusieurs millions de dirhams, malgré un chiffre d’affaires de 25 millions (un joli score à l’époque). Les dettes se sont accumulées auprès des fournisseurs, de l’Etat et des banques. Et comme un malheur n’arrive jamais seul, l’hebdomadaire est mis à l’amende, condamné à verser 800 000 dirhams à Mohammed Benaïssa qui a gagné son procès en diffamation. Suite à ce jugement, les biens de Media Trust font l’objet d’une saisie en 2002. Les ordinateurs, les meubles et les bureaux de la société sont vendus aux enchères. Rachetés par Fadel Iraki, ils ne quitteront jamais les locaux du Journal.

    Les actionnaires trouvent une parade pour permettre la survie de l’hebdomadaire. Une nouvelle société, Tri-Media, est créée en 2002 afin de pouvoir émettre des factures et encaisser les chèques pour le compte du Journal. Criblée de dettes, la société éditrice, Media Trust, est quant à elle mise en stand-by.

    Fini le faste, l’heure est aux économies. Le Journal abandonne l’impression en France pour se rabattre sur les rotatives de Maroc Soir. Il est aussi contraint de lâcher ses plateaux de bureaux pour des locaux plus modestes. Les arriérés et les pénalités de retard s’accumulent et Le Journal n’arrive plus à honorer ses engagements. L’hebdomadaire paye le prix d’une gestion chaotique, qui lui vaut d’être comparé à une république bananière ou à une société offshore par certains journalistes de la rédaction : “C’était une blague entre nous. On savait pertinemment que la société ne payait ni ses impôts ni ses cotisations, et que la comptabilité n’était pas claire”, témoigne un ancien de la maison. Endettement colossal, trésorerie exsangue qui interdit notamment le paiement des impôts et de la sécurité sociale ? En tout cas, cela n’empêchera pas l’hebdomadaire de passer au format magazine en juin 2004, triplant par là ses frais d’impression. “La gestion du Journal témoignait pour le moins d’une mauvaise hiérarchisation des priorités”, poursuit notre source. Et de fait, le trou financier, déjà conséquent, devient abyssal.

    Cherche repreneur désespérément

    “On savait que la seule issue était de vendre Le Journal. J’étais prêt à le vendre à n’importe qui, même à la DST. Il leur suffisait de remplir trois conditions : annoncer officiellement que la DST rachetait Le Journal, préserver les emplois et payer les dettes de Media Trust”, déclare Jamaï. Ce n’est pas la DST, mais Moulay Hicham qui propose d’intégrer le tour de table de l’hebdomadaire en 2003. La transaction capote car le cousin de Mohammed VI exige que sa participation ne soit pas rendue publique, chose que refusent les actionnaires du Journal.

    En 2006, un nouveau repreneur se présente, en l’occurrence Mohamed Bensaleh, le boss de Holmarcom. Il charge Hassan Alaoui, patron d’Economie & Entreprises, de mener les négociations pour lui. Mais encore une fois, le deal ne se fait pas. Ironie du sort, les tractations ont lieu au moment même où Le Journal vit un nouveau procès retentissant qui plombe davantage l’hebdomadaire. Il est condamné à payer 3 millions de dirhams de dommages et intérêts à Claude Moniquet, directeur de l’Esisc (Centre européen de recherche, d’analyse et de conseil en matière stratégique), pour avoir douté de son rapport sur le Polisario : n’était-il pas “téléguidé” par Rabat ?

    Cela va de mal en pis. Les ventes sont en baisse, les dettes s’accumulent, mais le journal trouve le moyen de changer plusieurs fois de maquettes, payées rubis sur l’ongle. En pure perte. L’entreprise est dans le couloir de la mort et n’attend plus que son exécution. Pour retarder la sentence, Aboubakr Jamaï annonce, lors d’une conférence en 2007, qu’il “se retire du journalisme” afin de sauver la publication. Il s’exile aux Etats-Unis avant d’être rappelé par Fadel Iraki moins d’une année plus tard. Ali Amar, qui a assuré un intérim peu convaincant, est remercié par Iraki. Et Jamaï de reprendre logiquement les rênes d’un hebdomadaire agonisant. “Je ne compte pas m’impliquer au Journal pour ne pas le mettre en danger. Je serai simple chroniqueur”, nous déclarait-il au printemps 2009, juste après son retour au Maroc. Il n’en fera rien puisqu’il reprend très vite sa plume pour signer des éditos de plus en plus cinglants. Aboubakr est de nouveau l’homme qu’il faut faire taire. Le bâillon est déjà sous le coude. L’Etat sort à point nommé les arriérés financiers du Journal…

    Les trois mousquetaires

    Ali Amar. La cheville ouvrière – L’idée de créer un hebdomadaire économique germe lors de réunions dans son F2 de Hay Riad à Rabat. Au lancement du Journal, il se voit attribuer gratuitement 8% des actions de Media Trust, la société éditrice. Sa participation est multipliée par 2 quand Fadel Iraki rachète les parts de Hassan Mansouri et augmente le capital. Minoritaire dans le tour de table, Ali Amar est toujours resté en retrait, écrasé par Aboubakr Jamaï qui attire les projecteurs sur lui. C’est pourtant lui qui fabriquait Le Journal au quotidien, n’hésitant pas à descendre sur le terrain pour enquêter ou enchaîner les nuits blanches de bouclage. “C’est un journaliste talentueux. D’une intelligence redoutable, il peut se révéler très manipulateur”, raconte un ancien de la rédaction. Licencié par Fadel Iraki en août 2008, Ali Amar rebondit l’année suivante en publiant un brûlot sur les 10 ans de règne de M6 : Mohammed VI, le grand malentendu (Ed. Calman- Lévy). L’ouvrage, qui parle abondamment du Journal, est très mal accueilli par ses anciens amis et associés qui lui reprochent de déformer la vérité. Après une éclipse de courte durée, Ali Amar est revenu dans la presse. Il signe sous pseudonyme dans l’hebdomadaire Le Temps. Mercredi 3 février, alors que Jamaï faisait d’émouvants adieux dans une dernière conférence de presse, l’absence de Amar a été remarquée.

    Aboubakr Jamaï. La tête pensante – “Dans les réunions de rédaction, on le surnommait ‘M. Il faut…’ Il lançait des idées irréalisables avant de saisir son tapis de prière et courir rattraper la Joumouaâ à la mosquée la plus proche”, se rappelle un ex-rédacteur en chef de “l’hebdo de Jamaï”. Petits-fils de nationaliste et fils du journaliste Khalid Jamaï, l’éditorialiste du Journal a démarré dans la finance. Cofondateur de la société de Bourse Upline Securities, il bifurque vers la presse pour “changer d’air”, confie-t-il. Orateur charismatique, il a très mal vécu son bannissement de la télévision marocaine, une fois l’hebdomadaire devenu honni. Coqueluche des médias étrangers, il y fustige les dérapages du régime dans de prestigieux journaux ou sur les plateaux télé. Directeur de publication, il s’est très peu impliqué dans les finances du magazine, même quand la gestion y est devenue hasardeuse. Editorialiste avant tout, il laissait à Ali Amar le soin de gérer la rédaction. Parti étudier à Oxford en 1998, puis à Yale en 2004, il a ponctué sa carrière au Journal par de longues absences.

    Fadel Iraki. Le financier mécène – Collectionneur d’objets d’art, courtier en assurances, boursicoteur à gros portefeuille, ce fils d’un magistrat très respecté a toujours considéré Le Journal comme un coup de cœur. En investissant dans l’hebdomadaire, Fadel a pu approcher de hauts dirigeants et des membres de la famille royale avec lesquels des affinités se sont développées. Mais son étiquette “Le Journal” lui a aussi valu des misères. En 2004, son entreprise d’assurances subit un contrôle fiscal. En 2005, il est incarcéré plusieurs heures suite au scandale de la vaisselle royale volée dans les palais de Mohammed VI. Après que son domicile a été perquisitionné et qu’il a été entendu par la police, Iraki est relâché. 128 verres de cristal et 2 carafes issus de la collection recherchée sont saisis chez lui. “Je ne pouvais soupçonner ces objets d’être volés vu qu’il en circulait des milliers”, explique à l’époque Fadel Iraki. Sans lui, Le Journal n’aurait pas survécu aussi longtemps. Il y injectera à plusieurs reprises du cash pour parer au plus pressé. Fadel Iraki a tenté plusieurs fois de vendre le magazine, mais le lourd passif financier de l’hebdomadaire a toujours empêché la conclusion des transactions. Comme il le dit lui-même, Le Journal est son “plus beau mauvais coup financier”.

    Les puissants et eux

    Mohammed VI. “Le prince vous félicite”

    Le prince héritier a longtemps apprécié le ton nouveau du Journal, en harmonie avec la partition d’une nouvelle ère prête à s’ouvrir. Le futur Mohammed VI caresse même un temps l’idée d’accorder une interview à l’hebdomadaire. Le Journal rate le scoop en annonçant que l’initiative vient du Palais et non pas d’eux. Une erreur de protocole vite oubliée. Durant l’été 1999, le futur Mohammed VI aurait contacté les gens du Journal, via Fouad Ali El Himma, pour qu’ils jouent les médiateurs avec Jean-Pierre Tuquoi. Le journaliste du Monde vient alors de publier un article révélant qu’un certain Hicham Mandari fait chanter Hassan II, mourant à l’époque. Le prince héritier veut “aider son père dans ces moments difficiles”, raconte Amar. Il demande au trio du Journal de “convaincre Jean-Pierre Tuquoi que ses révélations sont émaillées de contre-vérités”, poursuit Amar. Curieux de voir de quoi il en retourne, les dirigeants de l’hebdomadaire acceptent de monter à Paris pour en discuter avec le journaliste du Monde. Reconnaissant, le prince héritier les aurait félicités au téléphone.

    Fouad Ali El Himma. Le messager de Leurs Majestés

    Le futur patron du PAM a été longtemps l’ambassadeur du Palais auprès de l’hebdomadaire, aussi bien pour le compte du prince héritier que pour Hassan II. Dans son livre Le grand malentendu, Ali Amar raconte qu’El Himma a appelé un jour Fadel Iraki, actionnaire principal du Journal, pour lui transmettre les compliments de Hassan II : le roi trouvait le Journal “formidable”. Et, jugeant regrettable qu’il soit obligé d’imprimer en France, il propose de leur signer un chèque de 50 millions de dirhams pour qu’ils s’offrent une imprimerie. Les dirigeants du Journal refusent le cadeau royal. Avant que leurs rapports ne tournent au vinaigre, El Himma recevait souvent les fondateurs du Journal à son domicile rbati. La dernière rencontre remonte à l’automne 2000, au cours d’un dîner à Rabat, chez une journaliste proche de celui qui était devenu alors ministre délégué à l’Intérieur.

    André Azoulay. Le relais parisien

    En juin 1999, le conseiller royal de Hassan II reçoit les fondateurs du Journal à son domicile parisien pour les briefer sur une affaire qui inquiète en haut lieu : le cas Hicham Mandari. “Nous lui remettons le pli cacheté, frappé des armoiries de l’altesse royale, qu’El Himma nous a confié à son attention. Azoulay ouvre l’enveloppe et lit attentivement le petit bristol qu’elle contient avant de s’éclipser et de revenir avec un volumineux dossier”, raconte Ali Amar dans Le grand malentendu. “Il ne dira presque rien, mais les quelques documents auxquels il nous donne accès nous convainquent qu’il s’agit là d’une affaire d’Etat sans précédent”, poursuit Amar. Les rapports policés d’André Azoulay avec Le Journal vont se dégrader pour devenir rugueux en 2004. Cette année-là, l’hebdomadaire est banni de la liste des partenaires du Festival d’Essaouira, dont le conseiller royal est le parrain.

    Hassan Aourid. Le chroniqueur de la première heure

    Longtemps chroniqueur au Journal, l’actuel historiographe du royaume entretenait des liens étroits avec la rédaction de l’hebdomadaire où il avait carte blanche. “L’une de ses chroniques avait d’ailleurs fait sensation car il prenait la défense des prénoms amazighs”, raconte Ali Amar. Une autre de ses tribunes, moins glorieuse, était une attaque en règle contre la famille Oufkir qui, selon Aourid, payait d’une certaine manière la traîtrise du général. Avec le temps, Hassan Aourid, devenu porte-parole du Palais, prendra ses distances avec la publication. La rupture définitive survient en juin 2001 dans le bureau d’André Azoulay, au cabinet royal. Aboubakr Jamaï, qui est là à la demande du conseiller royal, tombe sur un Hassan Aourid au ton nouveau. Fini les rapports amicaux, le porte-parole du Palais, désormais distant, accuse Jamaï “d’ébranler les institutions du royaume”.

    Driss Basri. L’ami surprise

    “Vous m’avez beaucoup critiqué, pourtant je ne vous ai jamais interdit”. Driss Basri l’a répété à satiété aux responsables du Journal. A l’époque, il n’était plus le tout-puissant vizir de Hassan II, mais un has-been tombé dans la ligne de mire des nouveaux hommes forts du Pouvoir. Durant cette période, Si Driss se rend souvent dans les locaux du Journal, reçoit aussi les journalistes de l’hebdomadaire dans son bureau à Casablanca, dans sa villa de la route de Zaërs ou sa maison à Bouznika. C’est d’ailleurs dans les colonnes du Journal qu’il fait l’une de ses premières sorties médiatiques, en accordant à l’hebdomadaire une longue interview, quelques années après avoir été débarqué. Durant son exil en France, l’équipe du Journal lui rendait souvent visite à son domicile parisien du 16ème arrondissement, espérant à chaque fois lui soutirer des révélations fracassantes sur le roi défunt. Mais “l’ex-femme de ménage” de Hassan II, comme il se définissait lui-même, ne franchira jamais le pas. Il mourra avec ses secrets.

    Moulay Hicham. L’actionnaire impossible

    En 2000, Aboubakr Jamaï se rend au Kosovo pour brosser un portrait du “prince rouge” en mission pour l’ONU. Quelques mois plus tard, Moulay Hicham signe une tribune dans Le Monde diplomatique où il appelle à la création d’un conseil de famille afin de moderniser l’institution monarchique. Sa thèse est décortiquée et décryptée par Le Journal qui lui ouvre ses colonnes. L’hebdomadaire couvre régulièrement l’actualité du cousin de Mohammed VI, rythmée par ses déboires avec les sécuritaires. Moulay Hicham rencontre régulièrement les responsables du Journal dans les locaux de l’hebdomadaire, dans sa villa rbatie ou lors de dîners chez Fadel Iraki. En 2004, alors que la crise financière du Journal atteint son paroxysme, le prince propose de rejoindre le tour de table de la société éditrice. Les négociations capotent à Genève, dans le cabinet d’avocats mandaté par le prince. Les protagonistes ne s’entendent pas sur le prix et encore moins sur le montage juridique : Moulay Hicham veut bien devenir actionnaire mais incognito. Ça sera non. En 2006, le prince rouge tend encore la main à Aboubakr Jamaï, lui proposant de payer l’amende de 3 millions de dirhams consécutive au procès Moniquet. Il essuie un nouveau refus.

    Tags : Maroc, Le Journal Hebdomadaire, Fadel Iraki,

  • La pandémie n’a pas arrêté le trafic de cannabis entre le Maroc et l’Espagne

    D’après Le Figaro, même en plein pic de la pandémie du coronavirus, les trafiquants de cannabis continue à donner de maux de tête aux services de sécurité espagnols qui n’ont pas baissé la garde en cette période critique.

    Selon des communiqués de la gendarmerie espagnole, ce premier avril, en quinze jours 58 trafiquants en Andalousie ont été arrêtés et plus de 5,5 tonnes de haschich, neuf embarcations et douze véhicules ont été saisies.

    Depuis le début de l’état d’alerte, le 14 mars, «la capacité de mouvement des organisations criminelles a diminué mais cela n’a pas entraîné un arrêt de l’activité des trafiquants de drogue qui transportent le haschisch du Maroc jusqu’au littoral andalou, par voie maritime», constate la Garde civile, dans un communiqué.

    Selon des rapports révélés par Wikileaks, le trafic de drogues au Maroc est géré par des membres de l’entourage de Mohammed VI.

    Tags : Maroc, haschich, cannabis, drogues, trafic, stupéfiants,

  • Sahara Occidental : Mhammed Khaddad n’est plus

    Après une longue bataille contre le cancer de la prostate, Mhammed Khaddad est décédé ce matin.

    Selon le porte-parole officiel du gouvernement sahraoui, Mhammed Khaddad, un des dirigeants du Front Polisario est décédé ce matin après une longue bataille contre un cancer de la prostate.

    A cet égard, un communiqué de presse est attendu de la part de la présidence de la RASD pour annoncer les mesures de deuil et les procédures funèbres à suivre.

    Mhammed Khaddad était membre du Secrétariat National du Front Polisario et coordinateur avec la MINURSO.

    Tags : Sahara Occidental, Front Polisario, Mhammed Khaddad, MINURSO,

  • Selon Fox News, le roi du Maroc a rattrapé le coronavirus

    Le peuple marocain s’en doutait. Depuis quelques jours, les rumeurs les plus folles circulent sur Facebook.

    Si pour les marocains, le roi du Maroc s’est exilé aux Iles Canaries pour échapper à a pandémie, la chaîne américaine Fox News vient d’apporter des éclaircissements. Mohammed VI est confiné après avoir attrapé le coronavirus.

    Il s’agit d’une nouvelle très grave étant donné la santé fragile du souverain marocain. En effet, il souffre de problèmes respiratoires très aiguës. Une infection au covid19 serait fatale pour lui, voire mortelle.

    L’effacement du roi de la vie publique confirme la nouvelle diffusée hier par Fox News. Depuis plusieurs jours, il n’a réalisé aucune activité dans cette période dont les conditions de confinement imposée au peuple marocaine sont pénibles en raison de manque de moyens pour vivre.

    Au Maroc, la santé du roi est un tabou et son fils n’a pas encore la majorité d’âge pour s’asseoir sur le fauteuil de la couronne.

    Tags : Maroc, Mohammed VI, coronavirus, covid19, confinement, pandémie, Fox News, 

  • La question du Sahara occidental au Conseil de Sécurité au mois d’avril

    Action attendue du Conseil

    En avril, le Conseil s’attend à recevoir un exposé sur la Mission des Nations Unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental (MINURSO), comme le prescrit la résolution 2494. Colin Stewart, le Représentant spécial pour le Sahara occidental et chef de la MINURSO, est susceptible de présenter un exposé. Des séances d’information sur le Sahara occidental ont généralement eu lieu lors de consultations.

    Le mandat de la MINURSO expire le 31 octobre.

    Développements récents clés

    La situation politique concernant le Sahara occidental reste relativement inchangée. Le Secrétaire général n’a pas encore nommé de nouvel envoyé personnel depuis que l’ancien envoyé, l’ancien président de l’Allemagne, Horst Köhler, a démissionné de son poste le 22 mai 2019 en raison de problèmes de santé. L’envoyé personnel est mandaté pour faire avancer le processus politique vers le règlement du différend sur le Sahara occidental et, l’année précédant sa démission, Köhler avait dirigé avec succès plusieurs tables rondes. Le mandat de l’envoyé personnel repose sur la possibilité d’établir la confiance entre les participants, à savoir le Maroc, le Front Polisario, l’Algérie et la Mauritanie. (Le Sahara occidental fait l’objet de différends territoriaux depuis le retrait de l’Espagne en 1976. Initialement, le Maroc et la Mauritanie ont présenté des revendications, mais la Mauritanie a renoncé à sa revendication en 1979. Le mouvement pour l’indépendance est dirigé par le Front Polisario, qui représente les habitants de la Région du Sahara occidental connue sous le nom de Sahraouis.) Au cours des dix mois qui ont suivi le départ de Köhler, aucune initiative visant à parvenir à un accord politique n’a été avancée.

    Pendant ce temps, la situation sur le terrain reste tendue. Le Représentant spécial Stewart a informé les membres du Conseil pour la dernière fois lors de consultations privées le 16 octobre 2019, soulignant ses préoccupations concernant la situation humanitaire ainsi que le déficit de financement. Stewart a décrit la frustration croissante des jeunes sahraouis en raison du manque d’opportunités et de tout règlement définitif du problème. Les acteurs de la société civile continuent de critiquer la violence de la police marocaine contre les militants du Sahara occidental. Selon l’enquête nutritionnelle du Programme alimentaire mondial de 2019, l’état nutritionnel des femmes et des enfants s’est détérioré, l’anémie dans les camps de réfugiés prévalant chez 50,1% des enfants âgés de 6 à 59 mois et 52,2% chez les femmes en âge de procréer. Au 1er mars, aucun cas de COVID-19 n’avait été signalé dans les camps de réfugiés de Tindouf.

    Par ailleurs, les relations sont restées tendues entre le Maroc et le Front Polisario. En juillet 2019, le roi Mohammed VI du Maroc a souligné dans un discours que le Sahara occidental faisait partie du Maroc et a exhorté la communauté internationale à travailler sur le plan d’autonomie du Maroc, qui a été soumis pour la première fois à l’ONU en 2007. Avec le soutien du gouvernement marocain, Le Burundi, la République centrafricaine, les Comores, la Côte d’Ivoire, le Gabon, la Gambie, la Guinée, le Libéria et São Tomé et Príncipe ont tous récemment ouvert des consulats à Laayoune et Dakhla, contrôlées par le Maroc, dans le territoire contesté.

    Le 30 octobre 2019, le Conseil a adopté la résolution 2494 renouvelant le mandat de la MINURSO pour un an. Les États-Unis, en tant que porte-plume, ont choisi de ne pas apporter de modifications importantes au texte à ce moment-là, en dehors d’un retour au cycle de mandat de 12 mois, pour lequel la France et d’autres pays avaient plaidé. Un mandat de 12 mois était la norme jusqu’en 2018, lorsque les États-Unis ont fait pression pour un mandat de six mois afin d’accroître la pression sur les parties pour œuvrer à une solution pacifique. Le retour au mandat d’un an semblait indiquer que les États-Unis croyaient que l’absence continue d’un envoyé personnel avait considérablement réduit la possibilité de tout progrès politique positif.

    Treize membres du Conseil ont voté en faveur de la résolution 2494, la Russie et l’Afrique du Sud s’abstenant (comme lors du vote précédent, en avril 2019). Dans leurs déclarations, la Russie et l’Afrique du Sud ont souligné leur soutien aux travaux de la MINURSO. La Russie a toutefois indiqué qu’elle croyait que certains tentaient d’utiliser le renouvellement pour «prédéterminer l’orientation du processus de négociation mené sous les auspices des Nations Unies ou pour modifier les approches établies affirmées dans les résolutions adoptées précédemment». L’Afrique du Sud ne pense pas que le texte soit équilibré entre les parties et s’inquiète des tentatives de bousculer les principes de l’autodétermination.

    Du 19 au 24 décembre 2019, le Front Polisario a tenu son 15e Congrès à Tifariti. Environ 2 000 personnes y ont assisté, dont des délégués sahraouis, des responsables de l’administration du Front Polisario et plusieurs délégations étrangères, dont des représentants du gouvernement nouvellement élu en Algérie. Dans une lettre adressée au Conseil de sécurité en janvier, le Front Polisario a dénoncé le fait que le rally «Africa Eco Race» traversait sa région et a également protesté contre le fait que le Secrétaire général ne critiquait pas suffisamment les actions marocaines. Le Front Polisario continue également de plaider pour la nomination immédiate d’un nouvel envoyé personnel.

    Problèmes clés et options

    La MINURSO est l’une des plus anciennes missions de maintien de la paix des Nations Unies, établie en 1991 avec pour objectif principal de faciliter un référendum pour l’autodétermination du peuple du Sahara occidental. En l’absence de référendum, ses fonctions consistent aujourd’hui principalement à surveiller le cessez-le-feu à travers les Bermes, un mur de terre de 1700 miles de long qui sépare la partie marocaine du Sahara occidental administrée par celle contrôlée par le Front Polisario. Les membres voudront connaître les difficultés rencontrées par la MINURSO sur le terrain ou les difficultés rencontrées pour exécuter son mandat.

    Étant donné l’absence persistante de l’envoyé personnel du Secrétaire général, les membres du Conseil pourraient envisager de publier un communiqué de presse exhortant le Secrétaire général à nommer un successeur à Köhler dès que possible. Dans le passé, il y a eu des tentatives infructueuses de transmettre ce message au Secrétaire général, y compris lors des négociations sur le renouvellement du mandat en octobre 2019: certains membres souhaitaient un appel plus ferme à ce sujet, tandis que d’autres estimaient qu’une résolution n’était pas le bon endroit. Le fait que le poste soit vacant depuis près d’un an a peut-être accru le sentiment de pression du Conseil.

    Conseil et dynamique plus large

    Le Conseil est resté silencieux sur la question du Sahara occidental depuis l’adoption de la résolution 2494. Avec de nombreux États membres frustrés par l’absence d’un envoyé personnel et l’absence concomitante de progrès politique, ils peuvent exprimer ces préoccupations.

    En janvier 2017, le Maroc a rejoint l’UA après une absence de 33 ans. Le Maroc est parti lorsque l’organisme prédécesseur de l’UA a admis le Sahara occidental en tant que membre en 1984. Depuis qu’il a rejoint l’organisation, le Maroc a intensifié ses efforts pour maintenir sa gouvernance de facto sur une partie du territoire du Sahara occidental et tenter d’amener certains membres de l’UA à sa façon de penser. Cela se reflète dans l’ouverture des neuf consulats, ce qui était imprévisible auparavant.

    L’Afrique du Sud reste l’allié le plus fidèle du Polisario au Conseil. Elle continuera probablement à pousser pour plus de négociations afin de déterminer le statut du Sahara occidental dès que possible, et pour maintenir l’accent sur les droits de l’homme. L’ouverture de consulats par neuf pays africains à Laâyoune, sur le territoire litigieux, peut signaler une dynamique changeante parmi les États africains qui étaient auparavant cohérents dans leurs positions sur la MINURSO et dans leur soutien au Polisario. La Tunisie, en tant que nouveau membre du Conseil et faisant partie de la région, peut avoir un point de vue utile à partager, mais elle le fera délicatement compte tenu de ses relations critiques avec toutes les parties prenantes. Le voisin de la Tunisie, l’Algérie, a également renouvelé son engagement sur le Sahara Occidental après s’être retiré récemment alors qu’elle formait un gouvernement. L’Algérie est l’un des pays qui a dénoncé les récentes ouvertures de consulats.

    Source : Security Council Report, 31 mars 2020

    tags : Maroc, Sahara Occidental, Front Polisario, ONU, MINURSO, Conseil de Sécurité,

  • Le roi du Maroc contaminé par le coronavirus

    Depuis plusieurs jours, le roi du Maroc est absent des radars médiatiques. Les marocains ont commencé à se poser des questions sur cette absence qui a donné lieu aux rumeurs les plus folles à son sujet.

    En effet, une rumeur largement relayée par les réseaux sociaux prétend qu’il s’est réfugié aux Iles Canaris pour échapper à la pandémie.

    L’explication de son absence vient d’être donnée par la chaîne de TV américaine Fox News. Mohammed VI se trouve en état de confinement après avoir attrapé le coronavirus.

    Pour rappel, le roi du Maroc souffre de problèmes respiratoires héréditaires qu’il soigne à coups de puissants cortisones. Une infection au coronavirus serait fatale pour lui.

    Tags : Maroc, Mohammed VI, coronavirus, covid19, pandémie, Fox News,