Étiquette : Aboubakr Jamaï

  • Le Maroc, victime de l’impériealisme pour l’éternité?

    La France et les Etats-Unis ont su faire du Maroc au cours du 20ème siècle une véritable tête de pont occidentale dans une région à grands enjeux géopolitiques, stratégiques et commerciaux.

    Entre accords de libre-échange et plans d’ajustement structurel, quel est le coût économique et politique de l’orientation stratégique pro-occidentale séculaire pour le Maroc ?

    Celle-ci est-elle responsable de l’échec patent du projet de société marocain?

    Et à l’heure de l’émergence de la Chine et la Russie, n’est-il pas temps de jouer la carte du monde multipolaire et de retrouver une forme d’indépendance ?

    Pour en discuter, la section française du Parti Socialiste Unifié aura le plaisir de recevoir M. Aboubakr Jamaï, professeur d’université au l’université IAU à Aix-en-Provence, rédacteur en chef et journaliste d’investigation et co-fondateur de Le Journal Hebdomadaire Inscription obligatoire sur le lien : xxxxx Lieu : Librairie Résistances, 4 villa compoint, 75017 Paris. PSU – section France

    Source : PSU France

    Tags : Maroc, impérialisme, colonialisme, monarchie, dictature, Aboubakr Jamaï,

  • Claude Moniquet, candidat aux élections européennes, accusé d’avoir conspiré contre la presse libre au Maroc

    Selon le site belge lalibre.be, Claude Moniquet, co-fondateur et directeur d’un centre d’expertise stratégique et sécuritaire à Bruxelles, emmènera l’une des Listes Destexhe aux élections du 26 mai prochain en tant que tête de liste au parlement bruxellois.

    Jusqu’au début des années 2000, Claude Moniquet cumule les emplois de journaliste et d’agent de renseignement (1).

    « Il fut aussi agent clandestin pour la DGSE, le service de renseignement extérieur de la France. A l’heure de solliciter la confiance de l’électeur bruxellois, il assure que c’est au début des années 2000 qu’il a mis un terme à cette activité de renseignement pour une puissance étrangère », ajoute la même source.

    Cependant, ce que la presse belge ignore, c’est que M. Moniquet a travaillé aussi à la solde du Maroc en tant que lobbyiste et a participé dans la mise à mort du Journal Hebdomadaire, un magazine marocain indépendant qui se battait pour la liberté de presse au royaume chérifien.

    Dans le numéro du 3 décembre 2005, Le Journal Hebdomadaire publie un dossier mettant en cause l’objectivité d’une étude de l’ESISC (Centre européen de recherches, d’analyses et de conseil en matière stratégique) sur le Polisario. Claude Moniquet, directeur du centre, décide alors de porter plainte (2).

    Le 16 février 2006, le tribunal de première instance de Rabat condamne Aboubakr Jamaï, alors directeur de publication du Journal Hebdomadaire et Fahd Iraqi, journaliste du même support, à payer trois millions de dirhams conjointement à l’ESISC et à une peine maximale prévue par le Code la presse de 50 000 dirhams chacun.

    Suite à cette affaire, Aboubakr Jamaï quitte ses fonctions au sein du journal. Il ne revient, pour occuper la fonction d’éditorialiste, qu’en septembre 2009.

    Le 30 septembre 2009, la cour de cassation confirme le jugement en appel rendu contre Aboubakr Jamaï et Fahd Iraqi. Ils doivent payer 3 millions de dirhams à Claude Moniquet à titre de dommages et intérêts. Le 16 octobre, un huissier de justice se présente dans les locaux du journal afin d’annoncer la saisie des comptes bancaires de la société Trimédia, -en charge de la gestion de l’hebdomadaire- et de ses avoirs auprès de son diffuseur Sapress.

    Acculé par le Makhzen, Aboubakr Jamaï quitte le Maroc. Dans une conférence de presse organisée à Bruxelles en octobre 2013 (voir vidéo), il revient sur les détails de l’opération menée conjointement par les autorités marocaines et M. Moniquet pour donner le tir de grâce au magazine Journal Hebdo.

    Transcription de la déclaration d’Aboubakr Jamaï sur M. Moniquet :

    « Claude Moniquet est à la tête d’une espèce de think-tank qui s’appelle l’ESISC. Fin 2005, il a publié un rapport sur le Polisario absolument aberrant où il explique que le Polisario était une organisation terroriste. Nous, on a pris ce rapport comme étant quelque chose de grave parce que la logique de l’autonomie c’était une logique de discussion avec le Polisario et vous ne discutez pas avec quelqu’un que vous traitez de terroriste. Ça n’a pas de sens. Donc, pour nous, la signification politique de la publication de ce rapport, il ne faisait pas de doute que ce monsieur l’avait fait sur commande. D’ailleurs, ça s’est justifié plus tard puisqu’il s’occupe de la communication de l’ambassade du Maroc vis-à-vis des eurodéputés. J’ai reçu un email d’un de ses employés qui dit « nous nous occupons de la communication de l’ambassade vis-à-vis des institutions européennes ».

    On a pris ce rapport et on en a parlé à des spécialistes de l’affaire du Sahara qui nous ont dit « ce rapport est nul » et nous avons conjecturé, c’est vrai, on a dit que ça ne peut qu’être payé.

    Il a décidé de porter plainte. Il était question qu’il sorte un droit de réponse que nous avions accepté sans aucun problème. Il a refusé et il a préféré porter plainte au Maroc alors qu’il peut le faire en France puisqu’il est de nationalité française et que le journal était vendu en France. Là, sa réputation aurait été sauvegardée puisqu’il y a une justice qui est considérée comme un peu plus indépendante que la marocaine.

    Ce qui est important de rappeler ici, c’est qu’il est passé par le processus de la citation directe. Vous avez deux façons de faire lorsque vous voulez porter plainte pour diffamation. Soit, vous passez par un procureur et donc la police judiciaire, qui enquête et qui appuie votre cas, soit, vous allez directement chez un juge et ça doit être jugé. Dans ce cas-là, le procureur de la République, ou du Roi en ce qui nous concerme, peut ne pas prendre position et dire « moi je n’ai pas d’avis particulier là-dessus ». Et dans notre cas à nous, parce que M. Benabdallah qui est toujours ministre et qui, à l’époque était ministre de la communication, a fait le tour des popotes en expliquant que c’était une histoire privée, qu’il n’avait rien à voir là-dedans. Pas du tout. Le procureur du roi a totalement appuyé la demande de Moniquet à qui on a été condamnés à payer 5 millions de DH, à peu près 400.000 euros et de m’interdire l’exercice de la profession de journaliste pendant 10 ans. Et le procureur du roi a appuyé cette demande très démocratique de ce citoyen français qui vit à Bruxelles. Al’issue de cela, j’étais condamné à payer 3 millions de DH, à peu près 250.000 euros. N’ayant pas les moyens de le faire, j’ai dû démissionner de mon poste de directeur de la publication du Journal hebdomadaire et de quitter le Maroc. Je l’ai fait lorsque l’huissier se plantait chez moi. J’ai été condamné en première instance, en appel et j’ai attendu vraiment jusqu’à ce qu’on vienne saisir mes meubles. A ce moment-là, il fallait que je parte ».

    Tags : Maroc, Makhzen, Le Journal Hebdomadaire, Claude Moniquet, élections européennes, Aboubakr Jamaï, presse, répression,

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  • L’histoire d’un journal qui déplaisait au roi du Maroc

    Le Journal hebdomadaire, vous connaissez? Mais oui, cette publication marocaine qui eut ses heures de gloire, entre sa naissance en 1997 et son décès en 2010… Un journal pas comme les autres, au Maroc. Indépendant et compétent. Gênant, donc. Qui devait mourir, et qui est mort.

    Une conférence originale s’est tenue à Bruxelles, à l’Espace Magh, le samedi 16 février dernier. De nombreux acteurs de cette expérience originale se sont en effet retrouvés pour l’évoquer, à l’initiative de Radouane Baroudi(1).

    Pourquoi donc des hommes et des femmes ont-ils un jour lancé un organe que Hassan Bousetta, admiratif, a appelé « une voix critique dans un contexte d’unanimisme imposé, un travail de transgression de l’ordre politique balisé par des lignes rouges »? Les anciens du Journal en conviennent: c’est Hassan II qui, dans un souci d’ouverture, a permis en fin de règne que l’expérience prenne son envol. Quitte à le regretter? En tout cas, a avancé Aboubakr Jamaï, directeur du Journal, «c’était une des premières fois qu’une entreprise privée marocaine appuyait un projet éditorial respectant la déontologie d’une presse libre tout en ayant le souci de faire du bénéfice. C’est original car, au Maroc, c’est l’un ou l’autre… ».

    De quoi une presse libre devrait-elle donc parler? « Nous avons assumé notre « naïveté », a .expliqué Jamaï. Nous considérions que si la Constitution dit que le pouvoir c’est le roi, notre contrat était de parler de celui ou de ceux qui ont un impact sur la vie des gens, de là où le pouvoir se trouve. On nous a accusés de « vendre » en mettant le roi en scène (il est vrai qu’un quart des couvertures lui était consacrée), mais pourquoi les Marocains achètent-ils un journal qui fait de l’investigation à propos du roi? Les gens s’intéressent à la politique quand on les prend pour des adultes. »

    « On a cru que c’était le dernier numéro! »

    Ali Lmrabet, rédacteur en chef peu après la période initiale, en 98-99, raconte: « On a essayé de faire “autre chose”, sous Hassan II. En se demandant comment asticoter le régime. On a écrit des dossiers. Sur Ben Barka (assassiné à Paris en 1965), sur Abraham Serfaty (juif marocain d’extrême gauche longtemps exilé). A l’époque, ces choses-là étaient en principe impossibles! On essayait des sujets que les autres n’osaient pas traiter. Comme les droits de l’homme. Lorsque nous avons publié l’interview que j’avais faite à Paris de Malika Oufkir (fille aînée du général qui avait tenté un coup d’Etat contre Hassan II en 1972, le roi se vengeant ensuite sur toute sa famille), on a cru que c’était le dernier numéro! »

    Fadel Iraki, assureur de son état et, surtout, principal actionnaire du Journal hebdomadaire, confirme l’anecdote. « Je ne me suis jamais mêlé du contenu éditorial, c’était même une condition que j’avais posée pour mettre de l’argent dans cette expérience. La seule fois que Aboubakr Jamaï m’a appelé, c’était pour la une sur Malika Oufkir. Il m’a dit qu’on risquait de se faire interdire une fois pour toutes. J’ai lui ai dit, vas-y si c’est ce que tu veux. »

    Ces péripéties funestes qui datent de Hassan II auraient pu – dû – s’arrêter avec Mohammed VI, qui a succédé à son père en juillet 1999. Mais c’est tout le contraire qui s’est produit! « Nos vrais ennuis ont commencé avec « M6 » en 2000, a souligné Aboubakr Jamaï. Avec notre interview de Mohamed Abdelaziz, chef du Polisario (les indépendantistes du Sahara occidental, pestiférés au Maroc), et un dossier sur la connivence entre une partie de la classe politique et les putschistes des années 70. On a été interdit deux fois, puis on a subi une répression judiciaire basée sur des dossiers fabriqués de diffamation. Mon exil est dû à un Français de Bruxelles qui nous a fait un procès. Je suis parti quand un huissier est venu frapper à ma porte, je devais 250.000 euros… Et je ne parle pas du boycott économique (la pub…) pratiqué par les entreprises publiques mais aussi par la plupart des privées qui craignaient pour leurs contrats. Finalement, notre modèle économique a vécu car le roi l’a souhaité »…

    « On m’a dit: ”Aboubakr doit partir” »

    Mais le combat a été plutôt long car le Journal a fait de la résistance. Ali Lmrabet quittait certes l’hebdo en 1999 car il estimait, contrairement à Jamaï, que le « makhzen » (le système de pouvoir pyramidal à partir du roi) ne se réformerait pas avec le nouveau roi. L’histoire lui donna raison. « On m’a dit: ”Aboubakr doit partir”, a raconté Fadel Irak; c’était mon seul pouvoir, celui de décider qui était directeur; j’ai refusé. Il y a ensuite eu la censure à propos du Sahraoui Abdelaziz: on a publié des pages blanches et atteint un record de 70.000 exemplaires vendus au lieu de 25.000, on a dû refuser de la pub! Mais cela a vite changé: l’interdiction de décembre 2000 dura cinq à six semaines en raison du papier sur la gauche des années 70 en phase avec les putschistes. En fait, personne ne voulait qu’il soit su que la gauche et les militaires avaient pactisé contre Hassan II ! Il a fallu une brève grève de la faim d’Aboubakr à Paris pour qu’on puisse reparaître mais la pub s’est réduite comme peau de chagrin et on a commencé des procès en cascade. Jusqu’au moment où cela ne fut plus possible, et que survienne une décision de justice de liquidation. »

    Omar Brouksy, qui participa à l’aventure entre 2001 et 2010, n’a pas donné une explication très différente, au contraire. « Aboubakr misait sur le lectorat: on allait parler du vrai pouvoir; ce qui était ressenti comme une menace par le régime car on était vraiment indépendant, ce qui suffisait pour déranger. Notre second point fort: nous n’étions pas un tract antirégime; on partait de l’info, on donnait la parole à toutes les sensibilités, surtout les minorités. Car le Maroc n’est pas une démocratie, l’accès aux infos fiables n’est guère aisé, c’était notre force avec aussi des infos recoupées, démontrées. »

    Et d’ailleurs, conclura-t-il, rien n’a vraiment changé. « Actuellement, les thématiques restent les mêmes, malgré la nouvelle constitution, malgré le printemps arabe: l’autoritarisme, la prééminence de la monarchie, la non-indépendance de la justice, les détentions politiques (plus de cent militants du 20 février sont encore en prison), les atteintes à la liberté d’expression, les pressions économiques qui continuent, tout est toujours là. »

    « On en a pris plein la gueule »

    Que deviennent les journalistes courageux? (2) Ils ont le loisir de méditer: après un séjour en prison, Lmrabet a été condamné en 2005 à une peine inconnue au code pénal, une interdiction d’exercer le métier de journaliste pour dix ans; Aboubakr Jamaï doit toujours payer des centaines de milliers d’euros d’amendes et vit en Espagne; Omar Brouksy, reconverti à l’Agence France Presse, s’est vu retirer son accréditation il y a quelques mois pour avoir écrit dans un reportage que les candidats du PAM (Parti authenticité et modernité) étaient « proches du palais royal », ce qui est pourtant une banalité bien connue au Maroc; quant à l’assureur Fadel Iraki, il a subi un redressement fiscal énorme pour prix de son engagement dans le Journal hebdomadaire.

    Il fallait que ces choses soient dites. Comme l’a précisé mi-figue mi-raisin Aboubakr Jamaï, « on a été utilisé comme punching-ball, pour faire un exemple, et on en a pris plein la gueule. La presse marocaine fonctionne avec le bâton et la carotte, on a subi le bâton, d’autres profitent de très grosses carottes, il y a beaucoup de directeurs de publication qui en profitent bien ». Il n’est pas étonnant, dès lors, que le même homme lâche ce jugement amer: « Maintenant, on peut dire que l’état de la presse marocaine est pire que dans les années 90 ». BAUDOUIN LOOS

    (1) Il est symptomatique que la rencontre ait eu lieu en Belgique et non au Maroc, mais il est vrai qu’elle n’a pu se tenir qu’en raison de la volonté et de la ténacité du réalisateur Radouane Baroudi, fils de l’exilé politique Mohamed el-Baroudi, qui avait quitté son pays en 1963 et est mort en Belgique en 2007 sans avoir jamais revu son pays. Les efforts de Radouane Baroudi ont été récompensés: le public, plus d’une centaine de personnes, a répondu présent, ainsi que la plupart de ses invités, passionnants. Mais parmi les plus de cent vingt élus belges d’origine marocaine de tous niveaux politiques, seuls trois ont assisté aux travaux: les sénateurs PS Hassan Bousetta (qui a même présidé une partie de la conférence) et Ahmed Laaouej, président de l’Espace Magh, ainsi que le député Ecolo Fouad Lahssaini.

    (2) Ali Lmrabet dirige un journal en ligne: www.demainonline.com et Aboubakr Jamaï participe à l’expérience journalistique de fr.lakome.com/

    Tags : Maroc, Makhzen, Mohammed VI, Le Journal Hebdomadaire, Aboubakr Jamaï, Radouane Baroudi, Ali Lmrabet, Fadel Iraki, presse, Demain Online,