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  • Covid-19 : l’OMS appelle l’Afrique à se préparer au pire et à éviter les rassemblements de masse

    L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a appelé l’Afrique à « se réveiller » face à la menace du nouveau coronavirus.

    « Le meilleur conseil à donner à l’Afrique est de se préparer au pire et de se préparer dès aujourd’hui », a lancé mercredi soir le Directeur général de l’OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus, lors d’une conférence de presse virtuelle à Genève.

    A une question d’un journaliste rwandais, le chef de l’OMS a indiqué que même si l’incidence de la maladie est faible, le continent africain devrait se « préparer au pire ».

    « Dans d’autres pays, nous avons vu comment le virus s’accélère après un certain point de basculement », a-t-il insisté, tout en ajoutant qu’il vaut mieux que « ces cas recensés soient vraiment les chiffres exacts pour que l’on puisse étouffer le nouveau coronavirus dans l’œuf ».

    « Pour l’instant, l’incidence de Covid-19 en Afrique est faible », a fait valoir de son côté, le Dr Michael Ryan, Directeur exécutif chargé de la gestion des situations d’urgence sanitaire à l’OMS.

    Selon Dr Ryan, l’incidence est peut-être « plus élevée » en raison notamment de l’absence de détection. Mais, l’Afrique a encore une occasion majeure d’éviter certains des pires effets de l’épidémie et de préparer son système de santé publique et son système de santé à cette éventualité.

    Afin d’éviter l’amplification de la maladie, l’OMS estime actuellement que tous les pays où il existe une transmission communautaire ou des grappes de cas à l’intérieur du pays, devraient envisager sérieusement de retarder ou de réduire les rassemblements de masse.

    L’agence onusienne avertit que de telles manifestations, qui rassemblent les gens de manière intense, ont le potentiel d’amplifier et de propager la maladie, en particulier « les grands rassemblements de type religieux qui mettent en contact très étroit des personnes venant de très loin ».

    La recommandation de l’OMS est en fait d’éviter ces regroupements de masse et de tout faire pour couper le virus de l’œuf, en espérant que le pire puisse se produire .

    « Car nous avons vu comment le Covid-19 s’accélère vraiment et se propage dans d’autres continents ou pays », a insisté Dr Tedros, estimant que « l’Afrique devrait se réveiller ».

    « Mon continent devrait se réveiller », a dit le Directeur général de l’OMS, qui est d’origine éthiopienne.
    ONU Info,

    Dans cette optique, l’OMS s’attend à ce que les pays africains examinent toutes les options possibles, en se basant sur l’expérience de l’Asie et de l’Europe pour déterminer les options qui leur conviennent le mieux.

    En attendant, l’agence onusienne basée à Genève réitère les mêmes conseils donnés aux autres pays, à savoir l’importance de faire des tests, de rechercher les contacts, d’isoler et de traiter les personnes atteintes.

    Pour l’OMS, il est certain qu’en ce moment, tous les pays qui ont une maladie à l’intérieur de leurs frontières doivent examiner les mesures appropriées pour limiter les contacts entre les individus, en particulier « les grands rassemblements de masse qui ont le potentiel d’amplifier la maladie ».

    Tags : OMS, Afrique, coronavirus, pandémie,

  • Coronavirus : bombe à retardement en Afrique?

    Coronavirus, augmentation du nombre de cas en Afrique, peur de la « bombe à retardement » 400 cas dans 30 pays, annulation de vols, fermeture des frontières et des écoles

    Rome, 17 mars (askanews) – L’épidémie de coronavirus n’est plus une menace, mais une réalité pour le continent africain après que le nombre de contagions a augmenté rapidement ces derniers jours, incitant les gouvernements nationaux à adopter des mesures de plus en plus restrictives pour essayer d’arrêter la diffusion dans les pays aux systèmes de santé fragiles et dans une population déjà gravement touchée par le VIH, la tuberculose, Ebola et d’autres maladies infectieuses. « Je crains que ce ne soit une bombe à retardement », a déclaré à Bruce Bassett, scientifique des données de l’Université du Cap, qui est en train d’analyser les données sur Covid-19 depuis janvier.

    À ce jour, il y en a au moins 30 sur 54 Pays qui ont signalé des cas de contagion, environ 400, principalement importés d’Europe: les plus touchés sont l’Égypte, l’Afrique du Sud, l’Algérie, le Maroc et le Sénégal. « Nous n’avons vraiment aucune idée du comportement de Covid-19 en Afrique », a prévenu Glenda Gray, pédiatre et chercheuse sur le VIH, présidente du South African Medical Research Council.

    L’Afrique subsaharienne pourrait profiter du fait qu’elle a l’âge moyen le plus bas du monde, moins de 20 ans, par rapport au fait que les enfants tombent rarement malades de Covid-19 et que les jeunes présentent pour la plupart des symptômes bénins. En fait, le risque pour les personnes âgées est plus élevé et en Afrique subsaharienne, seulement 3% de la population a plus de 65 ans. Le pédiatre Gray estime également qu’il est plausible que les températures élevées de nombreux pays africains puissent rendre la propagation du virus plus difficile, soulignant cependant qu’en Afrique du Sud la saison de la grippe commence en avril, quand il fait plus froid, laissant ainsi ouverte la question de savoir si le Covid- 19 peut s’avérer être une maladie saisonnière.

    Il y a d’autres facteurs qui pourraient aggraver la pandémie en Afrique, tout d’abord la fragilité des systèmes de santé locaux, qui n’ont pas la capacité d’aider les patients gravement malades avec Covid-19, c’est-à-dire les unités de soins intensifs et du personnel spécialisé. Mais le continent possède également des villes et des bidonvilles surpeuplés, où il serait difficile d’imposer une distanciation sociale, et la coexistence de plusieurs générations sous un même toit, de sorte que la décision d’imposer l’emprisonnement à domicile peut ne pas être efficace, où les plus anciens seraient encore exposés au danger d’infection.

    Et encore une fois, le parasitologue de l’Université Marien Ngouabi de la République du Congo a expliqué à Science Francine Ntoumi, comment les villageois peuvent être invités à se laver les mains quand il n’y a pas d’eau, ou à utiliser des désinfectants pour les mains lorsque n’y a-t-il pas assez d’argent pour acheter de la nourriture? « Je crains que ce ne soit le chaos », a-t-il commenté.

    Face à ces questions, les gouvernements africains ont commencé à adopter des mesures de confinement, même si les chiffres de contagion confirmés sont souvent à un chiffre, annulant des vols, fermant des écoles, des lieux de culte. L’Égypte, qui compte 160 cas de contagion et quatre décès, a annoncé la suspension de tous les vols internationaux jusqu’au 31 mars, a fermé des écoles et des universités et a interdit les manifestations publiques de masse. En Afrique du Sud, qui a enregistré 62 cas, le président Cyril Ramaphosa a déclaré la « catastrophe nationale », suspendant les vols avec les pays les plus touchés par la pandémie de coronavirus, tels que la Chine, l’Iran, l’Italie, l’Espagne, le Royaume-Uni et les États-Unis, clôturant écoles et universités, interdisant les fonctions et événements publics. L’Algérie, avec 60 cas d’infection et cinq décès, a également annoncé la suspension des vols avec l’Italie, la France, l’Espagne, la Tunisie, l’Égypte, les Émirats arabes unis, le Qatar et la Jordanie, fermé les écoles et les lieux de culte et suspendu le travaux parlementaires.

    Le Maroc, qui compte 37 cas, a suspendu des vols et fermé des mosquées, des écoles et des lieux publics, tout en créant un fonds spécial d’un milliard de dollars pour couvrir les frais de santé. Samedi dernier, le président du Sénégal, Macky Sall, a annoncé la fermeture des écoles et l’annulation de tous les événements publics pour un mois, annulant également les célébrations du 60e anniversaire de l’indépendance du pays par rapport à la France, le 4 avril. Aujourd’hui, il y a 26 cas dans le pays, deux de plus que la Tunisie, qui a annoncé aujourd’hui la fermeture des frontières et la suspension des vols, après avoir déjà imposé la fermeture anticipée des bars et restaurants et l’interdiction de fréquenter les marchés, les toilettes publiques et les événements publics.

    L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a recommandé de tester tout cas suspect de contagion pour freiner la propagation du coronavirus, mais tous les pays africains n’ont pas la possibilité de le faire, en particulier les plus fragiles. Comme la Libye, qui a fermé les frontières et les ports, les écoles et les universités, et interdit les événements publics, bien qu’elle n’ait jusqu’à présent confirmé aucun cas de Covid-19, et où les migrants continuent de partir pour l’Europe, comme en témoigne la 400 personnes interceptées en mer et ramenées à Tripoli ces derniers jours. « Cette maladie va bientôt disparaître, je n’ai donc pas peur d’aller en Europe », a déclaré un migrant ivoirien, cité par InfoMigrants, avant que l’UE ne décide de fermer les frontières extérieures pendant un mois.

    D’autres États particulièrement vulnérables sont la Somalie, qui a interdit tous les vols internationaux après le premier cas de contagion, et le Soudan qui a déclaré aujourd’hui l’état d’urgence, fermant tous les aéroports et les frontières terrestres et maritimes, après s’être enregistré samedi. le premier cas, avec la mort d’un homme qui est revenu des Émirats arabes unis.

    L’Union africaine (UA) a créé un organisme chargé de gérer l’urgence, les Centres africains de prévention et de contrôle des maladies, qui collabore avec l’OMS pour la distribution de matériel et de fournitures ainsi que la formation du personnel de santé.

    Source : Askanews, 17 mars 2020

    Tags : Afrique, coronavirus, Chine, masques, kits de test,

  • Du franc CFA à l’ECO-CFA: changer de symboles, garder le système?

    Après avoir affirmé à Ouagadougou en novembre 2017 que le franc CFA était une « monnaie africaine » et donc un « non-sujet » pour la France, le président Emmanuel Macron est récemment revenu à la réalité sous la pression des mouvements panafricanistes, impatients de voir L’Afrique francophone a rompu les liens coloniaux avec l’ancienne métropole.

    Macron a décidé souverainement de réformer la dernière monnaie coloniale encore en circulation sur le continent africain. « C’est en écoutant votre jeunesse que j’ai voulu entamer cette réforme », a-t-il déclaré à Abidjan, le 21 décembre 2019, avec le président de la Côte d’Ivoire, Alassane Ouattara, à ses côtés.

    Premièrement, le nom du franc CFA, qui porte l’empreinte de ses origines coloniales (« colonies françaises franc en Afrique »), sera renommé « ECO », apparemment à partir de juillet 2020 pour les huit pays de l’Union économique et monétaire Afrique de l’Ouest (UEMOA).

    Deuxièmement, la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) ne sera plus tenue de déposer la moitié de ses réserves de change auprès du Trésor français. Troisièmement, le gouvernement français ne sera plus représenté dans les instances de la BCEAO. Ce sont les annonces du duo Macron-Ouattara.

    Au cours des dernières décennies, la logique des réformes du franc CFA a toujours été de rendre la surveillance monétaire française moins visible. Au début des années 70, la France, portée par une forte demande de décolonisation monétaire, a accepté le transfert des bureaux des banques centrales à Dakar et Yaoundé et l’africanisation de leur personnel.

    Malgré cette «africanisation» des institutions de la zone franc, la France a maintenu le contrôle du système puisque ses représentants disposaient d’un droit de veto dans les organes de la BCEAO et de la BEAC (Banque des États de l’Afrique centrale) et contrôlaient au moins 65% ses réserves de change, déposées sur un compte spécial ouvert dans les livres du Trésor français, le compte d’opérations.

    Dans les années 2000, le taux de dépôt obligatoire des réserves extérieures a été abaissé à 50%. Les banques centrales de la zone franc sont devenues juridiquement indépendantes de leurs États membres. Cependant, ils sont restés sous le contrôle du Trésor français, dont la réduction du nombre de représentants a été « rééquilibrée » avec la fermeture de leurs statuts. A ce jour, aucune décision statutaire ne peut être prise par la BCEAO et la BEAC sans l’accord du gouvernement français.

    Les réformes annoncées par Macron ne s’écartent pas de cette logique historique. La fermeture du compte de gestion et le retrait du gouvernement français des organes de la BCEAO équivalent à une transition d’un système de contrôle direct vers une forme de contrôle indirect. La politique monétaire et de change en tant que telle n’est pas affectée par ces évolutions.

    Tant que la parité fixe avec l’euro est maintenue, les réserves de change, quelle que soit la forme ou le lieu dans lequel elles sont détenues, serviront principalement à défendre cette parité. Ces réformes ne rendent donc pas la BCEAO plus autonome: elle reste une annexe à la Banque de France, liée à la politique monétaire de la Banque centrale européenne.

    Il convient de souligner que l’absence d’obligation de dépôt de réserves de change auprès du Trésor français n’implique pas nécessairement une rupture des relations financières entre ce dernier et la BCEAO. Dans le cas de la BEAC, la partie non obligatoire des réserves de change était souvent investie en titres du Trésor français.

    Si la France avait vraiment voulu « casser les amarres », le mettre à Macron, et mettre fin au franc CFA, elle aurait pu tout simplement abolir l’accord de coopération monétaire qui le lie aux pays de l’UEMOA. Mais il a choisi de la renouveler et de conserver son rôle de «garant». Cela implique qu’il reste de facto souverain sur la gestion du franc CFA rebaptisé ECO. Il s’ensuit également que les pays de l’UEMOA restent sous le contrôle indirect des autorités de la zone euro dans la mesure où ils contrôlent la « garantie » de convertibilité censée être fournie par la France.

    Que signifie cette « garantie »? La France promet de jouer le rôle du Fonds monétaire international (FMI) pour les pays qui utilisent le franc CFA en leur fournissant des liquidités en cas de problèmes de paiement extérieur. En particulier, chaque fois que la BCEAO se trouve dans une situation de réserves de change nulles, le Trésor français s’engage à lui prêter les montants souhaités en monnaie française (d’abord le franc français, maintenant l’euro).

    Cependant, le fonctionnement de la BCEAO (et de la BEAC) est mis en place pour que cette situation ne se reproduise que rarement, voire jamais. Dès que ses réserves de change atteignent un niveau critique, il adopte des mesures restrictives – limitant les possibilités de financement des économies de la zone – pour reconstituer ses actifs extérieurs. Grâce à ce mode de gestion, la garantie a rarement été activée pour les pays de l’UEMOA entre 1960 et aujourd’hui.

    La France n’a honoré sa promesse de « garantie » que dans la période 1980-1993. Il l’a fait pour permettre aux entreprises françaises, qui envisageaient une dévaluation du franc CFA, de rapatrier leur capital et leurs revenus. Selon la BCEAO, la « garantie » française à l’époque était d’un montant annuel de 32 milliards de francs CFA, un chiffre relativement négligeable par rapport à une fuite de capitaux estimée en zone franc à 750 milliards de francs CFA uniquement pour les années 1988 -1989.

    Faut-il s’étonner que le montant « zéro » soit systématiquement inscrit en droit financier français sous la « garantie » de convertibilité? Dans un document publié en 2018, intitulé « Gestion des réserves internationales de la CEMAC », le FMI a noté qu ‘ »il existe des incertitudes sur la capacité du Trésor français, qui à son tour doit se conformer aux règles plus larges de la zone euro. offrir ce type de garantie à grande échelle pour une durée indéterminée ».

    Dans ces conditions, comment la France, qui ne respecte pas ses engagements budgétaires au niveau européen, pourrait-elle jouer le rôle de «garant»? Lorsque les pays africains ont des difficultés économiques, comme c’est le cas actuellement dans la zone CEMAC, c’est le FMI qui est appelé par Paris à venir à la rescousse et à imposer des politiques d’austérité qui produisent toujours et partout les mêmes résultats: misère et désolation.

    Lorsque le ministre français des Finances, Bruno Le Maire, affirme que la « garantie » française permet aux pays de l’UEMA de s’assurer qu’ils pourront toujours financer leurs importations, il montre à Nolens volens son manque de considération pour l’intelligence collective des peuples et des économistes africains. La volonté de maintenir un lien monétaire formel – et donc de garantir les intérêts économiques français – pourrait se passer d’une justification paternaliste ou malhonnête.

    Pourquoi 14 pays de plus de 160 millions d’habitants auraient-ils besoin de la France pour leurs paiements extérieurs alors qu’un petit pays comme la Gambie bat sa monnaie nationale sans chercher la « garantie » d’une puissance extérieure?

    Le concept de «garantie» de convertibilité utilisé par les responsables et partisans français de la relique coloniale est d’autant plus absurde que nous vivons depuis les années 1970 dans une ère post-Gold Standard, dans laquelle la monnaie émise par les États est essentiellement de nature fiduciaire . Force est de constater que la France et les flatteurs du franc CFA peinent encore à sortir du paradigme monétaire du XIXe siècle, le siècle colonial par excellence!

    Les réformes de Macron ne portent que sur certains aspects visibles du colonialisme du franc CFA qui sont devenus particulièrement embarrassants pour la France. Ils ne fournissent pas une base crédible pour parler de la fin du franc CFA. Tant qu’il existe un lien formel de subordination monétaire, tant que le franc CFA / ECO est fermement ancré à l’euro et tant que la Banque de France détient 90% des réserves d’or monétaire de la BCE, le colonialisme monétaire aura encore de beaux jours devant lui. .

    Cependant, ce serait une erreur analytique de croire que les motifs du président Macron sont exclusivement populistes. Ses réformes visent également à contourner le projet d’intégration monétaire tel qu’il a été conçu jusqu’à présent au sein de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO).

    Les 15 pays de la CEDEAO, dont les huit qui utilisent le franc CFA, avaient choisi le nom ECO pour leur future monnaie unique et avaient accepté de l’appuyer avec un panier de devises. Avant de pouvoir adopter l’ECO, chacun d’eux devait répondre à une série de critères d’entrée (les « critères de convergence »).

    Cependant, selon une récente déclaration du ministre nigérian des Finances, Zainab Ahmed, aucun pays du COEEA n’est éligible à l’ECO en 2020, à l’exception du Togo, qui n’est manifestement pas assez grand pour réaliser seul le projet.

    Au moment où Macron, en présence d’Ouattara, annonçait ses réformes, les chefs d’État de la CEDEAO clôturaient une réunion à Abuja, où ils devaient décider de l’avenir du projet régional de monnaie unique. La libération définitive de la CEDEAO devait accepter le fait accompli: « Cette réforme de la zone monétaire de l’UMAA facilitera son intégration dans la future zone monétaire de la CEDEAO (ECO) », lit-on dans le communiqué.

    En s’appropriant indûment le nom ECO sans répondre aux critères d’entrée de la zone du même nom, Macron et les pays de l’UEMOA, avec Ouattara en tête, indiquent clairement qu’ils ne se soucient pas de l’intégration monétaire telle qu’envisagée dans le cadre de la CEDEAO. À Abidjan, Macron a appelé par son nom presque tous les pays ouest-africains qui n’utilisent pas le franc CFA pour rejoindre l’UEMOA, à l’exception du Nigeria et du Ghana. Le message est clair: il s’agit d’isoler le géant nigérian et même le Ghana.

    Ce projet n’a rien de nouveau. On le retrouve dans un rapport sur la zone franche de l’ancien ministre français Dominique Strauss-Kahn, publié en 2018. Dans les années 1970, la Côte d’Ivoire et le Sénégal s’étaient déjà alliés à la France pour faire dérailler un projet de réforme monétaire guidée du président nigérian Hamani Diori, destiné à renforcer la coopération monétaire entre les pays de l’Afrique de l’Ouest. Près de cinquante ans plus tard, rien n’a changé visiblement.

    Il faut souligner au passage que le sabotage de la Côte d’Ivoire ne se limite pas au domaine monétaire. En ratifiant un accord de libre-échange intérimaire avec l’Union européenne en 2016, alors que la CEDEAO fonctionne déjà dans le cadre d’une union douanière, elle a également mis en péril l’intégration commerciale régionale.

    Le « kidnapping » de l’ECO par la France et les pays de l’UEMOA a au moins un « mérite »: celui d’avoir mis fin au report récurrent du lancement de la monnaie unique de la CEDEAO. La passivité des chefs d’État de la CEDEAO face à ce détournement d’objectifs est sans doute une conséquence logique du fait qu’ils n’ont jamais pris la peine d’impliquer leurs peuples dans le débat sur l’ECO et de faire un discours véridique.

    Ils ont toujours affirmé que l’ECO – une copie grossière de l’euro qui pose des problèmes similaires au franc CFA en tant que monnaie unique – était faisable et qu’ils faisaient les meilleurs efforts au monde pour le lancer, alors qu’ils auraient dû savoir que la méthodologie des critères de convergence , importé de l’Union européenne, était le meilleur moyen de perpétuer l’immobilité monétaire. Macron et Ouattara, ayant compris l’impasse du CEDEAO, ont profité de la situation.

    Et, bien que triste pour les partisans de la version CEDEAO, le couple franco-ivoirien a rendu un service partiel aux chefs d’Etat de la CEDEAO qui ont logiquement dû annoncer un nouveau report du lancement de l’ECO. Au moins, certains peuvent avoir l’illusion / l’espoir que les choses « bougent » dans la bonne direction pour une fois.

    Dans la mesure où les pays de l’UEMA ont adopté l’ECO sans remplir les critères d’adhésion requis, quel sens aurait-il de demander aux sept autres pays de l’ECOW de les respecter pour faire partie de la zone monétaire de l’ECO? Il est difficile de voir comment le projet de monnaie unique de la CEDEAO se remettra de ce coup de marteau.

    Au revoir franc CFA, longue vie à l’ECO CFA!

    Sans aucun doute, une telle entreprise poussera le gouvernement français à envisager avec bonne volonté les ambitions éventuelles d’un troisième mandat de certains dirigeants actuels des pays de l’UEMOA.

    Les réformes de Macron n’entraîneront aucun changement significatif dans la conduite de la politique économique ou la situation matérielle de la population. Il est cependant ironique que des réformes ayant une signification essentiellement symbolique aient échoué précisément au niveau des symboles. Car Macron et Ouattara n’étaient pas les bonnes personnes pour annoncer « la fin du franc CFA ».

    L’annonce aurait eu plus de crédibilité si elle était venue, par exemple, des chefs d’État de la CEDEAO et, peut-être, si elle avait oint le peuple. Voir le président de l’ancienne métropole coloniale « décider » de la fin d’une relique coloniale lors d’une revue des troupes françaises stationnées en Côte d’Ivoire n’est pas le moyen le plus convaincant de décréter la nouvelle mort de la résistante « Françafrique ».

    Cela dit, les nombreux mouvements panafricanistes, intellectuels, économistes, simples citoyens qui se battent pour une deuxième indépendance de l’Afrique peuvent savourer une petite victoire. Ces réformes symboliques sont des concessions qui doivent être pleinement appréciées. La forteresse CFA commence à faiblir. Une bataille vient d’être gagnée. D’autres devront être combattus.

    Sur le plan économique et monétaire, il faudra viser à doter le continent de monnaies souveraines garantissant son indépendance financière. Outre la nécessité de regagner leur souveraineté monétaire formelle vis-à-vis du gouvernement français et du FMI, les pays africains devront également mettre en œuvre des réformes de grande ampleur dans le secteur bancaire et financier, qui continue de fonctionner de manière coloniale malgré le déclin des banques françaises. Ils devront mettre en place des banques centrales «d’agents de développement» avec lesquelles travailler en étroite collaboration pour faciliter le financement des économies, les projets d’industrialisation, la création d’emplois et la transformation écologique. Ils devront essayer d’éviter les emprunts en devises en s’appuyant autant que possible sur la mobilisation des ressources internes.

    Cela implique une rupture avec l’attitude d’organisation de toute politique économique autour de la nécessité d’attirer des «financements extérieurs». Bien sûr, tout cela ne sera pas possible sans une mobilisation permanente des peuples pour demander aux «représentants» / «élus» de garantir un cadre politique plus égalitaire.

    Nous aurions tort de nous arrêter aux symboles et seulement à la réforme monétaire.

    * Economiste et chercheur à la Fondation Rosa Luxemburg à Dakar. Traduction par Andrea Mencarelli (Potere al Popolo) de la note publiée ici.

    Source 

    (Traduction non officielle)

    Tags : Afrique, Franc CFA, FCFA, françafrique, colonialisme, colonisation, ECO,

  • Comment le Maroc méprise les africains!

    Maroc contre Afrique : UNE RUSE MÊME PAS ROYALE !

    par Abdellatif Bousenane

    Non-respect du droit international dans le Sahara occidental, bafouillement des principes élémentaires du droit de la dignité humaine envers le peuple sahraoui, annulation, sans aucun état d’âme, de l’organisation du tournoi de la Coupe d’Afrique des nations à la veille de cette grande fête de football africain, bref le commandeur des croyants ne recule, en fait, devant rien.
    Mais d’où vient cette confiance aveugle et arrogante du monarque ? D’où puise-t-il cette assurance totale en l’impunité ?

    Imaginons une seule minute qu’un quelconque pays africain à part le Maroc décide d’annuler subitement et sans aucune contrainte majeur l’organisation de telle compétition programmée sur son sol ! Le châtiment le plus ravageur s’abattrait sur ses dirigeants. Ils seraient confrontés sans aucun doute aux sanctions les plus dures par la FIFA avant la CAF.

    Sans parler du  » tsunami  » d’une campagne médiatique mondiale très hostile. Toutefois contre El Makhzen, rien, silence complice et scandaleux absolu de la plus grande instance mondiale du foot à savoir la FIFA car la CAF (confédération africaine de football) est affiliée à la FIFA ! D’autant plus que les arguments de  » notre ami le roi  » sont tellement fragiles, sa raison d’annulation avancée est si farfelue que n’importe quel observateur comprendra que ce n’est pas la bonne raison et il s’agit bien d’une ruse même pas royale !

    La maladie d’Ebola, est pratiquement maîtrisée ces dernières semaines, puis elle n’est pas généralisée au point qu’on ne peut plus contrôler. Elle ne concerne pas en effet tous les pays qui participent à cette coupe d’Afrique. Au contraire la majorité de pays qualifiés pour l’instant (car les qualifications sont toujours en cours cependant on connaît la plupart des sélections qualifiées) ne sont pas touchés par cette maladie.

    Un autre élément qui va à l’encontre de la thèse du Makhzen, le fait qu’effectivement le Maroc maintient toujours ses vols vers les pays africains sans exception il n’a annulé aucun vol en provenance de ces pays ! Et puis tout le monde sait incontestablement que le Maroc, vu sa vulnérabilité, a été toujours assisté techniquement par les puissances occidentales telles que la France, l’Espagne et les Etats-Unis d’Amérique, ainsi donc il n’ y a rien à craindre d’une maladie qui est parfaitement détectable et maîtrisable. Par conséquent, on peut s’interroger légitimement sur les vraies raisons d’une telle décision du moins étrange ! S’agit-il d’un simple calcul économique financier ?

    C’est à dire le gouvernement marocain calcule dépenses et recettes et il trouve finalement qu’il n’a pas de bénéfices à tirer de cette organisation ? Donc il n’est pas dans la mesure d’assumer des dépenses supplémentaires dans ce temps de crise ?

    Ou plutôt d’un calcul purement politique. Par peur de la contagiosité d’une autre maladie qui s’appelle :  » printemps arabo-africain  » ? Surtout dans ce contexte interne actuel confus où on constate la multiplication de mouvements sociaux. A titre d’exemple l’appel des syndicats à une grève générale ces derniers jours. Sinon par peur de nuire à son image très brillante dans les grands médias mondiaux ?

    Ainsi on a peur que les hôtes découvrent une autre réalité. Car, il faut le dire, contrairement à cette image médiatique le Maroc est classé parmi les pays les plus pauvres au monde selon les rapports des Nations-unis sur tous les plans : de l’Education à la Santé, les infrastructures etc. Et les zones touristiques très sophistiquées pour justement satisfaire les touristes européens ne peuvent pas cacher  » toute la misère du royaume « . Peut être pour se venger des Africains qui soutiennent en grande majorité l’indépendance du Sahara occidentale ? La réponse à ces questionnements ne résout pas en revanche l’énigme dont il est question ici : d’où vient cette confiance aveugle et arrogante du monarque ?

    Justement, peut être on peut y trouver quelques éléments de réponse en évoquant ce dossier complètement détaché des préoccupations des médias mondiaux  » libres  » et des droits de l’hommiste. Personne n’en parle ! C’est invraisemblable tout de même ! Cette ancienne colonie espagnole qui est sous occupation marocaine depuis maintenant plus de 39 ans qu’aucun état au monde y compris les alliés naturels et éternels de la monarchie chérifienne à savoir les USA et la France, ne reconnait à l’ONU la souveraineté du Maroc sur elle. Donc ce n’est pas l’Algérie qui pose problème. Est ce que l’Algérie est dans la capacité de faire pression sur tous les pays du monde pour ne pas reconnaître la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidentale ? Soyons sérieux !

    Dès lors tout le monde est d’accord que le Sahara n’est pas marocain mais les décideurs ne veulent pas qu’elle soit indépendante ! Ainsi la civilisation dominante aime jouer avec les paradoxes ! Néanmoins, les raisons de ces comportements arrogants de la part des dirigeants d’un pays très pauvre restent tellement mystérieuses!

    Le Quotidien d’Oran, 13 nov 2014

    Tags : Maroc, Afrique, Ebola, Union Africaine, Sahara Occidental, Front Polisario, FIFA, CAF, CAN, sport, football,

  • L’Algérie et la Zone de libre-échange continentale africaine : la panacée ?

    Par Mostefa Zeghlache(*)
    Du 3 juin 1991, date de l’adoption à Abuja (Nigeria), par l’Organisation de l’Unité africaine (OUA), du Traité instituant la Communauté économique africaine (entré en vigueur en 1994), dans le cadre du Plan d’action et de l’Acte final de Lagos, au 7 juillet 2019, date de la mise en œuvre de l’accord sur la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf), à l’issue du Sommet de l’Union africaine (UA) de Niamey (7 et 8 juillet) , l’Afrique aura mis près de 30 années avant de s’engager , enfin, sur un projet d’intégration régionale longtemps galvaudé par le discours unioniste africain mais qui attend toujours de voir le jour.
    En ratifiant l’accord de la ZLECAf le 15 décembre 2019, l’Algérie a indiqué clairement sa volonté de ne pas rester en marge du processus enclenché en juillet 2019. Cette adhésion est justifiée par le discours officiel algérien qui présente la Zone africaine de libre-échange comme une voie pouvant soutenir la volonté du pays de diversifier l’économie nationale pour sortir de l’impasse de la dépendance aux hydrocarbures comme principale source de financement extérieur.
    La création de la ZLECAf est le résultat d’un long processus intégrationniste africain qui a débuté à Abuja en 1991, du temps de l’OUA.
    La stratégie établie par le Traité d’Abuja visait la mise en place de la Communauté économique africaine (CEA) sur la base d’un processus d’intégration sous-régional impliquant cinq communautés économiques régionales (CER), devenue, plus tard, huit, dont l’Union du Maghreb arabe (UMA). Parmi les nombreux objectifs fixés par le Traité, l’article 4 dispose notamment que la CEA vise à « promouvoir le développement économique, social et culturel ainsi que l’intégration des économies africaines… ».
    La première étape du processus devait s’achever en 1999 et la 6e et dernière en 2028 par la création d’une union économique et monétaire. La mise en œuvre intégrale du Traité ne devait pas excéder l’année 2034. En cours de chemin, les dirigeants africains ont décidé, en janvier 2012, lors de la 18e session de l’UA de créer une Zone de libre-échange. Le processus de négociations a été initié en juin 2015, lors de la 25ème session ordinaire de l’UA à Johannesburg.
    Tags : Algérie, ZLECA, Afrique, Union Africaine, libre échange, 
  • Les nouvelles orientations de l’impérialisme français en Afrique

    Par Saïd Bouamama

    L’annonce, par simple communiqué, daté du 2 février 2020 de l’envoi de 600 militaires français supplémentaires (portant ainsi les forces de l’opération « Barkhane » à 5100 soldats) au Sahel a soulevé peu de débats contradictoires et encore moins d’oppositions. Aucune initiative militante n’a accompagné cette annonce. Pourtant la question de la clarification des buts de guerre de la France dans la région est posée explicitement par la France Insoumise depuis 2013[i] ou par le PCF depuis la même période. Le communiqué du Collectif Afrique du PCF daté du 28 novembre 2019 affirme par exemple : « la réponse militaire est un échec[ii].» Les différentes organisations dites « d’extrême-gauche » ont également dénoncées la présence française en Afrique de l’Ouest. Nous sommes donc dans une situation de « dénonciation sans action » au même moment où dans plusieurs pays de la région des manifestations populaires exigent le départ des troupes françaises de la région.

    La présence militaire occidentale en Afrique

    L’opération « Barkhane » n’est qu’un des aspects de la présence militaire française sur le continent africain. Elle se greffe et renforce le dispositif des bases militaires permanentes françaises qui sont officiellement au nombre de quatre pour un effectif de 3000 soldats (Djibouti, Abidjan, Libreville et Dakar). Il convient cependant d’ajouter à ces bases, les « Forces armées de la zone sud de l’océan indien » (FAZSOI) stationnées à la Réunion et à Mayotte avec un effectif de 1900 hommes. Les bases permanentes et les « bases temporaires » (un temporaire de plus en plus durable dans le cas de « Barkhane) des « Opérations extérieures » (OPEX) permettent un quadrillage du continent du Sahel à la Corne de l’Afrique. Ce sont ainsi près de 10 000 soldats français qui sont durablement présent sur le continent, faisant de la France le pays maintenant en permanence le plus grand nombre de militaire en Afrique. Désormais seules l’Afrique australe et l’Afrique du nord échappent à ce quadrillage.

    A ces chiffres, il convient également d’ajouter la présence militaire des autres pays de l’Union Européenne qui pour être « ponctuelle » n’en est pas moins régulière. Le plus souvent l’intervention militaire européenne prend la forme d’une aide au financement des opérations militaires menées par la France. Elle peut cependant aussi se traduire par une intervention militaire directe comme dans le cas de l’opération « ARTEMIS » en République Démocratique du Congo en 2003 dans laquelle sont présent des militaires venant de « l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, Chypre, l’Espagne, la Grèce, la Hollande, la Hongrie, l’Irlande, l’Italie, le Portugal, le Royaume-Uni et la Suède[iii] ». Ces interventions militaires européennes se déploient sous coordination française : « La France, la plus engagée, prend la fonction de « nation cadre[iv] » explique l’historienne Martine Cuttier. Paris devient ainsi un sous-traitant de l’intervention militaire européenne et l’armée française une armée mercenaire.

    La présence militaire états-unienne sur le continent n’est pas en reste. Au cœur du dispositif états-unien se trouve la base de Djibouti avec un effectif de 4000 hommes destinés à couvrir des opérations aussi bien en Afrique qu’au Moyen-Orient. Elle n’est pas la seule. « Les Etats-Unis détiennent au total 34 sites militaires entre les 14 bases principales et les 20 camps, avant-postes[v] » résume le magazine Tribune Afrique du 3 décembre 2018. Dirigé par l’AFRICOM (Commandements des Etats-Unis pour l’Afrique) installé à Stuttgart en Allemagne ce maillage militaire «permet aux forces déployées vers l’avant de fournir une flexibilité opérationnelle et une réponse rapide aux crises impliquant du personnel ou des intérêts américains[vi] » résume Thomas Waldhauser commandant de l’AFRICOM.

    Cette importance de la présence militaire occidentale sur le continent est incomparable avec celle des autres grandes puissances. La Russie ne dispose ainsi d’aucune base militaire en Afrique et la Chine d’une seule à Djibouti ouverte en 2017 et comptant 400 soldats. Comparant la présence états-unienne, russe et chinoise, une étude de l’IFRI (Institut Français des Relations Internationales) synthétise comme suit ses conclusions :

    Enjeu géopolitique durant la guerre froide, l’Afrique émerge aujourd’hui à nouveau comme un espace majeur de compétition stratégique, attirant des grandes puissances non européennes comme les États-Unis, la Chine et la Russie. Ces derniers cherchent sécuriser leur accès au théâtre africain par le biais de financements et d’accords diplomatiques, la construction de bases logistiques et l’exercice de leur soft power. Ils y conduisent également des opérations militaires. Celles-ci sont significatives et coercitives pour ce qui est des États-Unis, avant tout engagés en Afrique au titre du contre-terrorisme. La Chine se concentre pour sa part sur les opérations de maintien de la paix et l’évacuation de ses ressortissants en cas de crise. La Russie se limite encore à des actions de conseil[vii].

    Il faut bien entendu ajouter l’Union Européenne (et la place de « nation cadre » qu’y occupe la France) à cette « compétition Stratégique » en Afrique. La disproportion des présences militaires entre les différentes puissances, souligne que la stratégie militaire occidentale n’est pas une réponse à une stratégie militaire russe ou chinoise comme à l’époque de la dite « guerre froide ». La stratégie militaire apparaît dès lors comme une réponse au développement des présences économiques russe et chinoise. Voici en effet comment le conseiller à la sécurité nationale de Trump, John Bolton, explique les motivations de la stratégie états-unienne en Afrique : « Les pratiques prédatrices de la Chine et de la Russie freinent la croissance économique en Afrique, menacent l’indépendance financière des pays africains, inhibent les investissements américains et interfèrent avec les opérations militaires des États-Unis. Elles font peser une menace réelle sur nos intérêts de sécurité nationale[viii]. »

    Comme le disait déjà le théoricien militaire prussien Carl von Clausewitz : « la guerre n’est rien d’autre que la continuation des relations politiques avec l’appoint d’autres moyens[ix]. »

    Les intérêts économiques des multinationales française en Afrique

    La formule célèbre de Clausewitz souligne l’erreur consistant à ne définir l’impérialisme que sous un angle militaire. L’impérialisme est d’abord une réalité économique avant que d’être une pratique militaire. La première est la base matérielle et la véritable causalité de la seconde. La stratégie militaire française en Afrique fait l’objet d’un discours de justification et de légitimation qui aborde explicitement l’objectif de défense des intérêts économiques français. Cette stratégie est définie dans deux « livres blancs pour la défense et la sécurité nationale » respectivement datés de 2008 et 2013. Le livre blanc de 2008 insiste sur les tensions internationales liées aux « approvisionnements stratégiques » et à la « montée en concurrence avec les pays émergents » sur un continent richement pourvu en « matières premières stratégiques et en ressources énergétiques » qui constituent des « richesses vitales pour l’économie mondiale[x] ». Ce document annonce sans fard l’intensification immédiate et durable de l’interventionnisme militaire en Afrique : « l’Afrique viendra au premier rang de notre stratégie de prévention pour les quinze ans à venir[xi]. » Depuis nous avons eu la Libye, la Côte d’Ivoire, le Mali, la Centre-Afrique et maintenant l’ensemble des pays du Sahel.

    Le second livre blanc, celui de 2013 dresse un premier bilan « positif » de cette stratégie offensive qui est actualisé en 2017 dans un document intitulé « Revue stratégique de défense et de sécurité nationale ». Outre l’objectif de porter l’effort de défense à 2 % du PIB à l’horizon 2025, ce dernier document insiste sur la production d’une « cohésion nationale » (en particulier dans la jeunesse) et sur la nécessité de soutenir l’industrie d’armement. Le premier point est directement relié à la mise en place d’un « service national universel obligatoire », lui-même connecté à la production d’une « cohésion nationale » permettant de mener les guerres en prévision : « La cohésion nationale conditionne la légitimité de l’action des armées par le soutien de la Nation aux décisions de recours à la force. Cette cohésion est aujourd’hui confrontée à la diffusion d’idéologies remettant en cause les valeurs et les principes de la République. […] Dans ce domaine, les armées jouent un rôle de socialisation, par leur recrutement mais aussi par les dispositifs auxquels elles participent (Garde Nationale, Service Militaire Volontaire, Service Militaire Adapté…)[xii]. » Le second prévoit le renforcement de la « Base Industrielle et Technologique de Défense » (BITD) argumenté comme suit :

    La Base Industrielle et Technologique de Défense (BITD) française est constituée d’une dizaine de grands groupes de taille mondiale et de près de 4 000 PME, représentant en 2017 plus de 200 000 emplois en France, pour la plupart de haute technicité et difficilement délocalisables, avec un impact positif majeur sur la balance commerciale (supérieur à 6 Md€ en 2016). Elle est complétée par un ensemble de moyens et compétences étatiques (organismes de recherche, centres d’expertise et d’essais, agences…). […] la BITD doit être soutenue et entretenue à tous les niveaux (start-up, PME, ETI, grands groupes). Ce soutien s’exerce par des politiques de long terme en matière de recherche et d’investissement, de coopération, de soutien à l’export, d’acquisition et de protection vis-à-vis d’investissements étrangers[xiii].

    Il s’agit donc bien de préparer de nouvelles interventions militaires en réunissant les conditions matérielles (renforcement du complexe militaro-industriel) et idéologique (« Service National Universel » et plus largement discours et propagande de « cohésion nationale » et de défense des « valeurs de la République »). Cette préparation militaire et les futures guerres qu’elle annonce sont au service de la défense des intérêts des multinationales françaises dont les positions de monopoles héritées de l’histoire sont d’ores et déjà entamées par l’émergence de nouveaux acteurs internationaux (pays dit « émergents » et en particulier la Chine). Sans être exhaustif, il n’est pas inutile de rappeler quelques-uns de ces grands groupes que nos armées défendent en Afrique :

    Bon nombre des poids lourds du CAC 40 ou des plus grandes fortunes de France ont développé des activités florissantes (et parfois quasi monopolistiques) en Afrique : Bernard Arnaut (LVMH), Bouygues, Bolloré, Pinault (CFAO jusqu’à sa récente cession en juillet au groupe japonais Toyota Tsusho Corporation, TTC, filiale diversifiée du groupe Toyota), Seillière (Bureau Veritas), Jacques Saadé (CMA-CGM), Romain Zaleski (Eramet), Lafarge, Total, Technip, Vinci, Véolia, BNP Paribas, Natixis, Crédit Agricole, Alcatel, Accor, Gaz de France, Michelin, Alstom, Air France, KLM… Liste non exhaustive à laquelle il faudrait ajouter les marchands d’armes et quelques autres groupes, dans l’agro-alimentaire notamment avec par exemple les groupes Castel et Compagnie Fruitière. Et de manière générale, les rapports du CIAN (Conseil français des investisseurs en Afrique) le confirment chaque année : en dépit de la concurrence internationale accrue, entre les patrons français et l’Afrique, c’est toujours « je t’aime plus qu’hier et bien moins que demain[xiv].

    Ces grands groupes ont été les grands bénéficiaires des privatisations des services publics imposées par les Plan d’Ajustement Structurel du FMI et de la Banque mondiale à partir de la décennie 90. C’est ainsi par exemple la Lyonnaise des eaux qui bénéficie de la privatisation de la Compagnie Nationale des Eaux et de l’Electricité du Togo ou le groupe Bolloré qui hérite de la gestion du terminal de conteneur du port de Lomé. Au Cameroun le même Bolloré hérite du trafic portuaire de Douala et de l’exploitation du chemin de fer. Bouygues est présent désormais dans la production et la distribution de l’eau en Côte d’Ivoire et au Sénégal et dans la construction et l’entretien des infrastructures de transport. Orange domine la téléphonie mobile de la plupart des pays de l’Afrique de l’Ouest. Eau, électricité, chemin de fer, gestion des ports, téléphonie, etc. : la purge de l’ajustement structurel et de ses privatisations des services publics s’est traduite pour les multinationales françaises par l’accès à de nouvelles rentes particulièrement lucratives.

    Les ressources minières et énergétiques sont la seconde « rente » de nos multinationales protégée par l’armée française. Toutes les multinationales des industries pétro-gazières et minières françaises développent leur présence dans l’exploitation des ressources du continent. Le pétrolier Total réalise par exemple un tiers de sa production d’hydrocarbure sur le continent. Technip, un autre pétrolier est fortement présent dans la pétro-chimie nigériane. Dans la sidérurgie, Eramet domine au Gabon pour la production des alliages de manganèse. Orano (ex-Areva) exploite les mines d’uranium du Niger mais aussi en Afrique du Sud. La destruction systématique des compagnies étatiques mises en place au moment des indépendances se traduit partout par l’implantation directe des multinationales dans ces secteurs stratégiques.

    L’agro-industrie qui pendant l’époque coloniale et les premières décennies des indépendances a été une source de profit immense, demeure la troisième « rente » des multinationales françaises en Afrique. L’entreprise Géocoton est fortement implantée dans la production du coton pour l’ensemble des pays du Sahel. Bolloré exploite les palmeraies au Cameroun. Rougier exploite deux millions d’hectares de forêts au Cameroun, au Congo et au Gabon pour la production de contreplaqués.

    La place des multinationales françaises est résumée comme suit par l’économiste Jean Roch : « La part de marché de la France au Sud du Sahara s’élève à 8 % (contre 4 % au plan mondial) et dépasse les 15 % dans la zone CFA, ce qui n’est pas rien. Ainsi, malgré les difficultés de la reconversion, les entreprises françaises occupent bel et bien certains des secteurs les plus profitables des économies d’Afrique noire[xv]. » Les trois « rentes » évoquées ci-dessus expliquent la forte présence militaire française et la multiplication de ses interventions militaires. En Afrique aussi la guerre est bien la poursuite de la politique par d’autres moyens. Cela d’autant plus que la Chine offre des conditions contractuelles plus avantageuses et concurrence ainsi le « pré-carré » français. Maintenir par la force, la déstabilisation et la mise en dépendance sécuritaire ce qui ne s’obtient plus par la « concurrence libre et non faussée », telle est une des logiques de la politique africaine de l’impérialisme français sur le continent.

    La stratégie du choc

    S’interrogeant sur l’inscription dans la durée de la « crise malienne » et de l’intervention militaire française qu’elle a suscitée, l’historien malien Doulaye Konaté précise que « qui contrôle le Mali contrôle l’Afrique, si ce n’est toute l’Afrique[xvi] ». Huit ans après l’éclatement de la Libye grâce notamment à l’intervention militaire française, l’ensemble du Sahel est désormais déstabilisé. La présence militaire de Barkhane n’a pas amélioré la situation sécuritaire. Cette « insécurité » est à son tour avancée comme justification de la prolongation de « Barkhane » sur le long terme. Il n’est dès lors pas étonnant que de plus en plus de voix s’élèvent en Afrique pour interroger les véritables « buts de guerre » de Barkhane : sauver le Sahel de la menace « djihadiste » ou défendre les intérêts économiques et géopolitiques de l’impérialisme français ?

    Ces deux buts de guerres peuvent en apparence apparaître comme convergents mais sont en réalité structurellement divergents. Le premier passe en effet par un renforcement des Etats africains et le second par leur affaiblissement et leur maintien dans une dépendance économique et militaire avec l’ancienne puissance coloniale. L’affaiblissement des Etats africains est la base matérielle sur laquelle se développent les conditions de possibilité de la déstabilisation « djihadiste ». Il est le résultat de l’ensemble des politiques économiques néocoloniales. Des plans d’ajustement structurel (PAS) aux Accords de Partenariat Economique (APE) en passant par le Franc CFA, ces politiques convergent vers une destruction des capacités étatiques à assurer un minimum de présence scolaire, routière, économique, etc., dans des régions entières de chaque pays. Elles forgent dans chacune de ces nations une bipolarisation entre un « pays utile » et un « pays inutile » délaissé.

    Le maintien d’un degré d’instabilité permanent mais « contrôlable » permet à la fois de maintenir l’exploitation économique des « zones utiles » et de justifier la présence militaire étrangère durable. L’économiste et journaliste altermondialiste Naomie Klein[xvii] a largement documenté il y a plus d’une décennie cette « stratégie du choc » consistant à s’appuyer sur les « chocs psychologiques » qu’entraînent les désastres (naturels ou suscités) pour justifier des politiques qui auraient été rejetées autrement. La critique de cette stratégie est de plus en plus fréquente dans les opinions publiques africaines. Elle est cependant quasi-inexistante en France par peur d’être stigmatisé politiquement comme « complotiste » ou « conspirationniste ». Cette peur à conduit dans le passé récent à cautionner pour le pire la guerre en Libye et pour le mieux au mutisme face à celle-ci. Elle mène aujourd’hui à l’absence de mouvements et de protestations anti-impérialistes au moment même où l’Etat français renoue avec une stratégie agressive pour préserver ses intérêts en Afrique. Cette peur fait en conséquence partie du vaste processus idéologique visant à produire la « cohésion » dont a besoin l’Etat français pour mener ses ingérences militaires c’est-à-dire pour produire un consentement à la guerre. La mise en place du Service National Universel vient renforcer cette fabrique idéologique du consentement.

    Saïd Bouamama

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    Notes:

    [i] Jean-Luc Mélenchon, De nouveau, à propos du Mali, https://melenchon.fr/2019/11/29/de-nouveau-a-propos-du-mali/, consulté le 18 février 2020 à 8 h 45.

    [ii] « Mali : Un drame qui souligne combien la réponse militaire est lourde de dangers », http://international.pcf.fr/113560, consulté le 18 février 2020 à 8 h 55.

    [iii] Martine Cuttier, Bilan de la présence militaire européenne en Afrique subsaharienne, 2000-2010, Res Militaris, volume 2, n° 2, Printemps-Hivers 2012, p. 17.

    [iv] Ibid., p. 17.

    [v] Ibrahima Bayo, La carte militaire africaine des Etats-Unis dévoilées, Tribune Afrique du 3 décembre 2018.

    [vi] Ibid.

    [vii] Aline Leboeuf, La compétition stratégique en Afrique. Approches militaires américaines, chinoises et russe, Focus Stratégique, n° 91, IFRI, août 2019, p. 5.

    [viii] John R. Bolton, «Remarks by National Security Advisor Ambassador John R. Bolton on The Trump Administration’s New Africa Strategy», Maison Blanche, 13 décembre 2018, https://www.whitehouse.gov/briefings-statements/remarks-national-security-advisor-ambassador-john-r-bolton-trump-administrations-new-africa-strategy/, consulté le 18 février 2020 à 11 h 55.

    [ix] Carl von Clausewitz, De la guerre, livre 1, Minuit, Paris, 1955, p. 703.

    [x] Défense et sécurité nationale : Le livre blanc, Paris, La Documentation française/Odile Jacob, 2008, chapitre 1, pp. 19-42.

    [xi] Ibid., chapitre 2, pp. 43-61.

    [xii] Revue stratégique de défense et de sécurité nationale 2017, Bureau des éditions, Paris, Octobre 2017, p. 57.

    [xiii] Ibid., p. 66.

    [xiv] Thomas Noirot, Les entreprises françaises en Afrique. Pillage contre transparence, Outre-Terre, n° 33-34, 2012, p. 540.

    [xv] Jean Roch, La place des entreprises françaises en Afrique subsaharienne, https://www.afrique-demain.org/economie-140-place-des-entreprises-francaises-en-afrique-subsaharienne, consulté le 25 février 2020 à 12 h 00.

    [xvi] Doulaye Kounaté, dans le documentaire de Bob Coen et Éric Nadler : « guerre de l’ombre au Sahara », Arte France/Crescendo Films, 2014.

    [xvii] Naomi Klein, La stratégie du choc. La montée d’un capitalisme du désastre, Actes Sud, Paris, 2008.La source originale de cet article est Le Blog de Saïd BouamamaCopyright © Saïd Bouamama, Le Blog de Saïd Bouamama, 2020

    Source : Tribune diplomatique internationale, 5 mars 2020

    Tags : France, impérialisme, Afrique, françafrique,

  • : Quand un plein de voiture peut nourrir un africain pendant un an : L’anomie du monde.

    « Contrôlez le pétrole et vous contrôlerez les nations, contrôlez la nourriture et vous contrôlerez la population. » Henry Kissinger

    Ces mots de Kissinger cités par le professeur Michel Chossudovsky résument mieux que mille discours l’état des lieux du monde. En effet, cette devise est mise en oeuvre d’une façon magistrale. En effet, le pétrole est sous contrôle et on dit souvent suivez les routes du pétrole pour voir où sont implantées les bases américaines. De plus, à travers la nourriture, on peut tenir en apnée des peuples entiers et les faire basculer, à volonté, dans la famine par bioéthanol interposé. « Qu’en est-il de la récurrence des famines dans l’histoire ? La pénurie alimentaire se fit sentir dès le printemps. En chaque pays le prix du blé enfla : en France, l’hectolitre qui valait 17,15 francs monta à 39,75 francs et même à 43 francs à la fin de l’année… La crise des subsistances se traduisit aussitôt par des désordres populaires… » L’historien Charles Pouthas décrivait la situation agricole européenne entre 1847 et 1848. Parti d’Italie, le vent de révolte gagnait la France puis Vienne, tout l’Empire austro-hongrois et bientôt les Etats allemands et même la Suisse. Phillippe Chalmin fait l’analogie avec le Printemps arabe. En Tunisie, en Egypte, ils vivent la même exaltation. Une situation très difficile, le prix du pain est d’autant plus douloureusement ressenti que le travail manque : plus de la moitié des ouvriers parisiens sont au chômage. (1)

    Pour l’histoire, l’Algérie connut aussi plusieurs famines, celle de 1868 fut particulièrement atroce, la population algérienne, d’environ 3 millions à la veille de 1830, était tombée à 2,2 millions en 1872, du fait des morts de la conquête que Jacques Frémeaux a évalué à environ 400.000, et des victimes de l’épouvantable famine de 1867-1868 qui fut peut-être bien à elle seule aussi meurtrière. Se produisit ensuite ce que les Québécois appellent une « revanche des berceaux ». (2)

    Les causes des famines

    Les émeutes de la faim se rappellent d’une façon récurrente à notre bon souvenir les pays du Sud dépendant pour leur survie d’un Nord opulent qui, à bien des égards, est responsable de ces malheurs. Certes, le Nord jette des miettes sous forme d’APD qui, malheureusement, demeure sans lendemain. Si on ajoute à cela l’hypocrisie des promesses du Millénaire (réduire de moitié la faim d’ici 2015) , nous avons un tableau complet de la mise en scène des pays industrialisés qui laissent en 2011 sur le bord de la route un milliard de personnes menacées par la faim. Pour éradiquer ce fléau, il suffirait de seulement 30 milliards de dollars par an. En comparaison, le budget militaire de base du Pentagone est de 533,7 milliards de dollars pour l’exercice 2010. Washington prévoit de vendre pour 46,1 milliards d’équipements et de services militaires soit près de 50% de plus qu’en 2010. Par ailleurs, les institutions financières américaines ont distribué, pour l’année 2010, 144 milliards de dollars en seuls bonus, primes et stock-options à leurs dirigeants.

    Parlant de l’instabilité des prix, devenue structurelle, Philippe Chalmin souligne le passage du stable à l’instable avec la fin des prix producteurs pour les métaux et des marchés agricoles organisés. La volatilité de ces marchés a, une fois de plus participé à la révolte qui a balayé l’autre rive de la Méditerranée. La « mondialisation » s’est de même étendue à l’ensemble de la planète. Mais la conscience du bouleversement n’est pas totale, estime Philippe Chalmin. « Le Printemps des peuples et malédiction des matières premières », souligne le rapport avec la vague révolutionnaire qui a emporté l’Europe en 1848. S’il ne s’agit pas en 2011 d’émeutes de la faim en Afrique du Nord et au Moyen-Orient, la vie chère a fortement contribué à la naissance de ces mouvements. Et, encore une fois, ces mouvements ont eu lieu dans des pays qui se sont révélés incapables de gérer leurs richesses naturelles. (…) La situation est inquiétante pour les produits agricoles, avec des stocks de clôture en baisse, particulièrement pour le maïs. Des accidents climatiques majeurs auraient des conséquences catastrophiques, met-il en garde. (3)

    Cette flambée des prix des matières premières en général et des produits alimentaires a connu une accélération ces dernières années. 2010 aura été l’année de toutes les hausses. Faiblesse du dollar, croissance chinoise, spéculation, raréfaction de l’offre, sont autant de facteurs qui tirent vers le haut le prix des matières premières. La part des spéculateurs sur les marchés alimentaires explique en partie la hausse continue des prix depuis l’été 2010. Les produits alimentaires sont devenus des actifs financiers comme les autres.

    Difficile également de ne pas souligner le rôle des agrocarburants, qui ont détourné plus du tiers de la production de maïs des Etats-Unis, l’année dernière. Les Américains ont subventionné, en 2009, la transformation de 144 millions de tonnes de maïs et de centaines de millions de tonnes de blé en biodiesel et bioéthanol. Les terres qui y sont donc, consacrées, sont autant de terres disponibles en moins pour le soja ou le blé, ce qui explique la hausse corrélative des cours mondiaux, directement liés aux prix américains. De ce fait, la part des spéculateurs par rapport aux acteurs commerciaux (c’est-à-dire qui échangent réellement des biens agricoles) a explosé. Les produits alimentaires deviennent ainsi des actifs financiers comme les autres, dans une stratégie de rentabilité maximale des portefeuilles des investisseurs. (4)

    Pour le professeur Michel Chossudovsky directeur du Centre d’analyse Mondialisation.ca, cette « mondialisation de la pauvreté, » qui a annulé bon nombre des progrès de la décolonisation d’après-guerre, a commencé dans le tiers-monde avec la crise de la dette du début des années 1980 et l’imposition des réformes économiques meurtrières du Fonds monétaire international (FMI). Avec de grands pans de la population mondiale déjà bien en dessous du seuil de pauvreté, la hausse des prix des denrées alimentaires de base, qui se produit sur une courte période, est dévastatrice. Des millions de personnes dans le monde sont dans l’incapacité d’acheter de la nourriture pour leur survie. Ces augmentations contribuent d’une manière très réelle à « éliminer les pauvres » à travers « la mort par la famine. » (…) L’escalade des prix des produits alimentaires est en grande partie le résultat d’une manipulation du marché. Elle est en grande partie attribuable à la spéculation boursière sur les marchés des matières premières. (…) Grâce à la manipulation concertée, les opérateurs institutionnels et les institutions financières font augmenter les prix. Ils placent alors leurs paris sur la hausse du prix d’un produit en particulier. La spéculation génère la volatilité du marché. À son tour, l’instabilité qui en résulte encourage la poursuite de l’activité spéculative. (…) Les famines à l’ère de la mondialisation sont le résultat de ces politiques. La famine n’est pas la conséquence d’un manque de nourriture, c’est en fait, tout le contraire : les surplus alimentaires mondiaux sont utilisés pour déstabiliser la production agricole dans les pays en développement. « Pourtant, écrit Michel Chossudovsky, qui dénonce le rôle des multinationales de l’agroalimentaire, l’agriculture mondiale a, pour la première fois de l’histoire, la capacité de satisfaire les besoins alimentaires de toute la planète, mais la nature même du marché mondial de ce système ne permet pas que ça se réalise ». (5)

    Même appréciation de Jean Ziegler qui résume en quelques phrases le pourquoi de la désespérance et de l’impuissance des faibles à combattre la faim. Lui aussi cite le dumping, la spéculation, les agrocarburants : Toutes les cinq secondes, un enfant de moins de dix ans meurt de faim. Près d’un milliard d’êtres humains sont gravement sous-alimentés. Un enfant qui meurt de faim est donc un enfant assassiné. Il cite aussi la dette extérieure. Au 31décembre 2009, celle des 122 pays dits du « tiers-monde », était de 2100 milliards de dollars. La presque totalité de leurs gains à l’exportation est donc absorbée par les intérêts de la dette. (6)

    L’alerte de l’ONG Oxfam

    Pour nourrir les neuf milliards d’habitants de la planète en 2050, une réforme majeure du système alimentaire mondial s’impose alors que les récoltes de certaines régions sont menacées par le réchauffement climatique, a averti mardi l’organisation humanitaire Oxfam. Si rien n’est fait, le prix de certaines denrées alimentaires comme le maïs aura plus que doublé d’ici 2030, frappant en premier les plus pauvres qui dépensent déjà jusqu’à 80% de leurs revenus pour se nourrir, selon le rapport de l’ONG britannique. « Le système alimentaire ploie sous l’intense pression du changement climatique, de la dégradation écologique, de la croissance démographique, de la hausse des prix de l’énergie, de l’augmentation de la demande de viande et de produits laitiers, de la concurrence pour l’obtention de terres pour produire des biocarburants, de l’industrialisation et de l’urbanisation », selon le document. Selon l’ONG, la réforme du système alimentaire doit passer par davantage d’investissements dans l’agriculture paysanne et familiale, la valorisation des ressources naturelles, un meilleur accès aux marchés pour les petits exploitants, la lutte contre le gaspillage, d’eau notamment, et l’arrêt des subventions à la production de biocarburants dans les pays riches.

    Le rapport a également, réclamé l’arrêt de la domination de quelques grandes multinationales sur le marché des matières premières agricoles et des semences. Prenant l’exemple de l’Inde, Oxfam a rappelé que la croissance économique y a plus que doublé entre 1990 et 2005 mais que le nombre de personnes souffrant de la faim a augmenté de 65 millions. En effet, les populations pauvres en milieu rural restent exclues du développement économique. En parallèle, l’engouement des Etats-Unis pour le bio-éthanol a conduit à utiliser 15% du maïs mondial pour en faire du carburant, même en période de forte crise alimentaire. Et l’ONG de rappeler que la quantité de céréales nécessaires pour faire le plein d’éthanol d’un véhicule 4×4 peut nourrir une personne pendant un an. (7)

    Comment nourrir la planète ?

    Le plus sérieusement du monde, on dit que la FAO étudie un scénario se basant sur une alimentation complémentaire d’insecte ! « On dit que les sauterelles frites ont un goût qui se rapproche de la crevette et que la majorité des insectes ont un goût de noisette. Il faut savoir que plus de 95% des millions d’espèces d’insectes qui peuplent la planète sont comestibles et sont consommés quotidiennement en Afrique, en Asie et en Amérique centrale. Pour de nombreux spécialistes, l’élevage d’insectes nécessite beaucoup moins de ressources alimentaires et peut être une alternative intéressante pour les décennies à venir dans la mesure où cela permettrait de subvenir aux besoins alimentaires des dix milliards d’habitants de la planète ». (8)

    Les partisans de la réduction de la population

    Déjà au début des années 1960, le Rapport Meadows du Club de Rome : « Halte à la croissance » donnait le « La ». Pour les experts, il fallait réduire la population. En 2100, nous risquons d’être non pas 9 mais 10 milliards d’individus dans le monde. C’est en tout cas ce que prévoit un nouveau rapport des Nations unies. « A 9 milliards, se disait-on, il faudra se serrer. Mieux, partager les ressources et les richesses. Mais à 10 milliards ? Un rapport des Nations unies, publié le 3 mai penche plutôt vers une poursuite de l’augmentation. Et prévoit que 10,1 milliard d’individus arpenteront le monde en 2100. (…) Il semble impossible d’éviter la crise écologique globale. Tout au plus, pouvons-nous l’atténuer. C’est en tout cas la tâche à laquelle s’attelle l’association Démographie responsable. Oui, il faut en finir avec l’apologie des familles nombreuses dans les pays du Sud (et du Nord) et cela passe par l’amélioration du niveau de vie et une meilleure éducation… malheureusement ces deux derniers critères sont liés fortement à la consommation d’énergie et à la destruction de l’environnement. Alors, que faire ? La décroissance n’est pas seulement économique, elle doit être aussi démographique. Toujours les grands mots et les grandes utopies…mais la Terre : forêts, cours d’eau, océans… animaux sauvages… ne pourront survivre à une telle quantité d’humains qui ne sont pas prêts à sacrifier leur mode de vie à la survie de la planète et qui veulent tous un grand confort…si les humains ne sont pas capables de limiter leur nombre il est évident que « la nature » s’en chargera d’une façon ou d’une autre. (8)

    Même si à l’heure actuelle de nombreuses organisations alimentaires recommandent de consommer de préférence des insectes plutôt que de la viande, à la fois pour des considérations économiques et écologiques, il paraît difficile de changer les mentalités occidentales et de convaincre les Européens de consommer ces nouvelles espèces » (9).

    Conclusion

    L’astrophysicien bien connu Hubert Reeves voit dans l’anomie actuelle les signes d’une apocalypse. Il écrit « le gaspillage des ressources naturelles, les rejets de gaz carboniques et l’écart grandissant entre riches et pauvres sont en train de causer la perte de l’humanité ». Il s’en remet à une « volonté communautaire » pour que ce scénario catastrophe soit évité. D’après lui, la disparition de la race humaine bien qu’hypothétique, ne peut être écartée à court terme. « On ne touche pas à des milliers d’années, on parle d’une échelle de quelques décennies ». Si nous disparaissions, il s’agirait, depuis l’apparition de la vie sur terre, de la sixième extinction, la première depuis le départ des dinosaures il y a de cela 165 millions d’années. Reeves nous dit que « la seule différence, c’est que, pour la première fois, une espèce disparaîtra par sa faute ». Quand on y pense bien, la science qui devrait être la bouée de sauvetage de l’humanité, et somme toute, au service de notre bien-être, deviendrait-elle le fruit de notre décadence et de notre disparition ? » (10)

    Le chauvinisme de la prospérité du Nord, la spéculation atroce, le détournement de la nourriture par bio-nécro-carburant interposés, pour les 4×4 et les changements climatiques de plus en plus récurrents, amènent inexorablement l’humanité au déclin. Cette anomie concerne, en priorité, les millions d’hommes de femmes et d’enfants des Sud épuisés qui seront les variables d’ajustements d’un eugénisme accepté tacitement dans ce XXIe siècle de tous les dangers. Manger pour rester en vie ou conduire d’une façon non indispensable l’humanité aura à choisir…

    Chems Eddine Chitour

    Legrandsoir

    1. Philippe Chalmin 1848, 2011 : les révoltes de la faim, Le Monde économique 15.02.2011

    2. Pierrette et Gilbert Meynier http://badjadja.e-************/rubrique,gilbert-meynier-4,797063.html

    3. Daniel Krajka http://www.usinenouvelle.com/article/les-matieres-premieres-dans-l-age-de-l-instabilite.N152038 Le 17 mai 2011

    4. Chems Eddine Chitour : Les émeutes de la faim. Mondialisation.ca, Le 8 février 2011

    5. Michel Chossudovsky : La famine mondiale Global Famine Traduit Dany Quirion Alter Info 4 mai 2008 :

    6. Jean Ziegler : « Le massacre de la faim se déroule dans une normalité glacée » L’Humanité des débats. 5 Février 2011

    7. Faim dans le monde : catastrophe en 2050 Al Manar. Mercredi 1er Juin 2011

    8. http://www.come4news.com/index.php?… (http://www.come4news.com/index.php?option=com_content&);task=view&id=44246&Itemid=999

    9.http://www.terraeco.net/10-milliard… (http://www.terraeco.net/10-milliards-d-humains-en-2100),17220.html# 5. 05.2011

    10.Mehr Licht. L’humanité va-t-elle disparaître ? Site Oulala 5.11.2003

    Tags : Afrique, famine, pauvreté, développement,

  • La Banque Mondiale au coeur d’une arnaque africaine ?

    Une partie de l’aide aux pays pauvres est détournée par les élites africaines qui placent l’argent dévoyé dans les paradis fiscaux, accuse une étude. Papa Demba Thiam, un ancien fonctionnaire de la Banque mondiale, appelle à des réformes en profondeur et suggère que l’institution aiderait davantage l’Afrique en y menant une politique active d’industrialisation.

    Dévoilé il y a une dizaine de jours, le scandale de détournement de l’aide au développement versée par la Banque mondiale à des pays pauvres défraie la chronique, particulièrement en Afrique. Selon l’étude «Elite Capture of Foreign Aid» réalisée par l’un de ses cadres et deux collaborateurs extérieurs, une partie des financements serait dévoyée par les élites des pays assistés et placée dans des comptes offshore en Suisse, au Luxembourg et dans d’autres paradis fiscaux. Pour Papa Demba Thiam, un économiste sénégalo-suisse qui a travaillé pendant quatorze ans à la Banque mondiale, le rapport qui incrimine les dirigeants africains corrompus reflète la réalité. Mais ce n’est que le côté pile de la pièce.

    Côté face, selon Papa Demba Thiam, «la corruption est à la Banque mondiale. Ses cadres sont présents à chaque étape – de la conception à l’évaluation finale, en passant par le financement par tranches – de tout projet, détaille-t-il. Le décaissement ne se fait pas sans avoir obtenu le satisfecit de la mise en œuvre. Il y a forcément des complicités à l’intérieur.»

    Ce n’est pas la première fois que la Banque mondiale est confrontée à de telles accusations. Pour ne pas rester les bras croisés, elle a mis en place une unité spécialisée dans la lutte contre la corruption. Une unité qui traque les pots-de-vin dans l’exercice d’appel d’offres pour des projets financés par elle. Mais pour Papa Demba Thiam qui dit connaître le mal de l’intérieur, la bureaucratie étouffe les initiatives. «Des lanceurs d’alerte sont censurés et dans certains cas, ils sont licenciés sous des prétextes divers», accuse-t-il. Mais plus généralement, selon lui, des collaborateurs ne daignent pas dénoncer leurs collègues ou leurs supérieurs.

    L’économiste sénégalais tient à signaler que des centaines de collaborateurs de la Banque mondiale, originaires d’Afrique et d’Asie, se complaisent dans leurs rôles respectifs par peur d’être licenciés. «Ils préfèrent garder leur emploi de fonctionnaire international avec les privilèges (le salaire moyen est de 15 000 dollars, sans taxe) qui vont avec, y compris le permis de séjour aux Etats-Unis, raconte-t-il. Pour certains, il est impensable de sacrifier leur emploi dans la mesure où leurs enfants sont scolarisés aux Etats-Unis ou ont des prêts à rembourser.» Et d’ajouter: «Le système se nourrit de lui-même et tous les maillons sont solidaires.»

    La Banque Mondiale au coeur d’une arnaque africaine ?
    La Banque mondiale est mise dans une position inconfortable par l’étude. Cette dernière était prête déjà en novembre 2019 mais, pour la direction, les conclusions étaient trop à charge. C’est seulement après que l’un des auteurs l’a publiée sur son propre site internet, faisant éclater le scandale au grand jour, que la Banque mondiale l’a adoptée et finalement fait paraître le 18 février, non sans avoir nuancé certains propos. C’est dans le sillage de cette affaire que sa cheffe économiste Pinelopi Goldberg a démissionné de son poste.

    Dans une note laconique postée sur son site internet le même jour, l’institution reconnaît que l’étude commençait à attirer beaucoup l’attention. «La direction prend au sérieux la corruption et les risques de fiduciaire, peut-on lire. L’étude «Elite Capture of Foreign Aid» a été revue plusieurs fois et a, par conséquent, été améliorée.»

    Selon Papa Demba Thiam, cette étude serait restée dans les tiroirs sans le courage de ses auteurs. Le fait qu’elle a été réalisée par trois économistes ressortissants de pays nordiques a joué un rôle décisif. «Ils ont une culture de bonne gouvernance et du respect de la loi, commente-t-il. Ils ont bravé le système d’autant plus que leurs pays sont les premiers pourvoyeurs d’aide.»

    La Banque mondiale reste-t-elle tout de même pertinente? Papa Demba Thiam, qui la qualifie de «gestionnaire de la pauvreté», affirme que David Malpass, son président depuis avril 2019, est partisan des réformes. «Il faut aller revoir la mission de cette institution de sorte qu’elle fonctionne comme une banque commerciale. Elle ne doit prêter que pour financer des projets solides et avérés. Mais surtout, elle doit promouvoir en Afrique une politique d’industrialisation fondée sur les matières premières locales, avec des partenaires qui acceptent qu’une partie de la valeur ajoutée revienne au continent.»

    Source : decryptnewsonline.com, 28 fév 2020

    #Afrique, #Corruption, #Crime, #Education, #Emploi, #Environnement, #Économie, #sécurité, #pauvreté, #sahel, #mali, #négociations

  • Sahara occidental: Comment le Maroc achète des ONG africaines

    Un document officiel du gouvernement marocain datant de 2014 met en relief la probité pour le moins douteuse de certaines ONG africaines dans le dossier du Sahara occidental.

    Adressé par l’ambassadeur du royaume chérifien auprès du conseil onusien des droits de l’homme au ministère des Affaires étrangères, le document indique que les ONG africaines, notamment l’Action internationale pour la paix et le développement dans la région des grands lacs (AIPD-GL), le Comité international pour le respect et l’application de la charte africaine des droits de l’homme et des peuples (CIRAC) et l’Organisation pour la communication en Afrique et de promotion de la coopération économique internationale (Ocaproce International), ont refusé de répondre positivement à la demande marocaine qui consiste à critiquer l’Algérie parce que les fonds qui leur ont été destinés n’ont pas été versés. «J’ai le regret de vous informer que les ONG africaines, traditionnellement amies du Maroc, ont décliné poliment notre demande de soulever la question de l’assassinat par des éléments de l’armée algérienne de deux Sahraouis habitants des camps et d’envoyer des lettres au secrétaire général de l’ONU, le Haut commissaire aux droits de l’homme et le Haut commissaire pour les réfugiés conformément à votre note du 4 février 2014», rapporte Ennahar sur son site Internet.

    L’auteur de la missive signale aux autorités marocaines que le refus de ces trois ONG est motivé, entre autres, par «la non satisfaction de leurs besoins financiers», mais aussi par le fait qu’elles sont ciblées par les critiques des ONG pro-Polisario. L’ambassadeur marocain recommande en outre le déblocage en urgence de l’enveloppe financière promise à ces ONG «amies».

    Mais, l’infiltration du lobbying marocain en Afrique ne se limite pas aux ONG. Avant de rejoindre l’Union Africaine, le Maroc a mené une intense activité de corruption et d’achat de consciences auprès des pays et des personnalités africaines. Tout cela accompagné d’un plan d’action résumé par l’ambassadeur Moha Ouali Tagma dans la note suivante :

    PROPOSITION DE PLAN D’ACTION SUR LE PLAN BILATERAL :

    Pays du 1er cercle : Sénégal, Guinée, RCI, Gabon plus Mali

    *Réunions conjointes au niveau des Hauts Fonctionnaires des différents Départements

    *Réunions conjointes des Hauts responsables des Départements des Affaires Etrangères

    *Réunions conjointes des Organismes chargés des affaires économiques : Patronats, Chambres de Commerce, Organismes de promotion du commerce, Banques

    Pays du 2e Cercle : Benin, Burkina, Cameroun, Cap Vert, RCA, Comores, Congo, RDC, Djibouti, Gambie, Guinée Bissau, RGE, Niger, Tchad, Togo.

    • Forums Economiques : Burkina, Niger, Tchad, Cameroun, RDC, Congo

    • Commissions Mixtes : RGE, Djibouti, Niger,

    • Table Ronde des bailleurs de fonds : Guinée Bissau

    • Consultations Politiques : Visites de M. le MAEC : Tchad, Cameroun, RDC, Congo, Djibouti, Comores

    PAYS DU 3e Cercle : Burundi, Erythrée, Ghana, Kenya, Liberia, Madagascar, Maurice, Sao Tome et Principe, Seychelles, Sierra Leone,

    • Commissions Mixtes : Liberia, Sierra Leone, Sao Tome et Principe, Madagascar, Erythrée, Burundi

    • Réunions sectorielles :

    Maurice : Tourisme/Pêches/

    Kenya : Tourisme/Transport aérien,

    Seychelles : Tourisme

    PAYS DU 4e Cercle : Angola, Ethiopie, Rwanda, Tanzanie

    • Forums Economiques : Angola, Ethiopie, Tanzanie

    • Visites de M. le MAEC : Rwanda

                                    SUR LE PLAN SOUS REGIONAL

    • UEMOA / CEDEAO : Visites combinées MAEC/MCE à Dakar, Abidjan et Ouagadougou.

    • CEEAC : Visites combinées MAEC/MCE à Ndjamena, Libreville, Yaoundé, Brazzaville, Kinshasa et Malabo

    • CEN-SAD :

    -Réunion à Rabat : Atelier sur Immigration et Développement

    Dans cette offensive diplomatique, le Maroc compte sur 5 pays qu’il appelle, dans ses notes diplomatiques confidentielles, le « noyau central » ou « axe stratégique marocain en Afrique » (voir image). Dans un courrier, Tagma met l’accent sur le rôle de ce noyau :

    Honneur porter votre connaissance qu’un dîner en l’honneur des Ambassadeurs des pays africains représentant le noyau central des amis du Maroc a été organisé ce jour dans un restaurant de la ville. Étaient présents outre l’Ambassadeur Abdeljabar Brahim et les membres de la délégation marocaine , les ambassadeurs du Sénégal,de Cote d’Ivoire, du Burkina Faso, du Bénin et du Gabon , et les charges d’affaires du Niger, de la Guinée et de la Gambie. Les Ambassadeurs de ces derniers pays se trouvent a New York dans le cadre de la mission du CPS dont ils sont membres aux Nations Unies .
    L’Ambassadeur Abdeljabar Brahim a été désigné pour présider le diner dans le but renforcer sa position auprès de ces collègues . Mission dont il s’est acquittée avec beaucoup de talent.

    L’atmosphère était très cordiale et l’ambiance très détendue . Après avoir remercie les Ambassadeurs et Charges d’Affaires d’avoir répondu a l’invitation , notre délégation a souligné que notre pays les considère comme ses représentants et qu’il compte sur leur engagement pour la défense de sa juste cause et pour faire entendre la voix de la raison et de la justice et faire contrepoids aux manœuvres de ceux qui tendent a diviser les rangs de l’Afrique et a l’embarquer dans des querelles d’un autre temps.
    Tous ont été anonymes pour remercier notre pays et Sa Majesté le Roi pour son engagement pour la prospérité et la paix en Afrique et ont fait part de leur détermination sans faille a contrer toutes les tentatives visant a réintroduire la question du Sahara dans l’agenda de l’organisation panafricaine. Ils ont souligné toute leur détermination a rester vigilants face aux manœuvres occultes des adversaires dont ils ont saisi les motivations .

    Ils ont fait part de leur assurance et optimisme du fait que la question n’est pas inscrite a l’ordre du jour du Sommet et qu’il n’a pas encore été fait mention de la présentation du Rapport sur le Sahara pour le Sommet de Malabo. Ils n’ont cependant pas exclu que la question soit a nouveau évoquée au sein du CPS comme cela a été tenté l’année passée mais ils vont rester vigilants et prêts a rejeter toute tentative allant dans ce sens.

    Tous ont apprécié que notre pays ait délégué une délégation de haut niveau pour maintenir le contact avec eux et ont été très reconnaissants pour cette marque d’estime et de confiance .

    Demain un déjeuner plus élargi aura lieu a la résidence du Senegal qui a de sa propre initiative décidé d’y inviter le Kenya et le Ghana car a t il estime pour montrer que le Maroc n’exclut personne .

    Certains ambassadeurs en aparté ont estimé qu’il est nécessaire que le Maroc soit représente a Malabo par une forte délégation pour continuer a marquer notre intérêt pour l’Afrique et aussi pour être en mesure de contrer toute tentative d’introduction de la question a la dernière minute devant les Chefs d’Etat. Le Senegal a cependant ajouté qu’étant membre du Comité de rédaction il sera aux aguets pour donner l’alerte a tout moment.

    En conclusion nous proposons que MMS Taleb chef de division et ancien d´Addis ainsi que Farahat chef de division se rendent a Addis des Mardi prochain pour assister l’Ambassadeur dans le suivi des travaux du COREP qui débutent des le Lundi.

    Il serait également souhaitable de prévoir qu’un émissaire se rende en Guinee Équatoriale pour rencontrer le Président Obiang et s’assurer de sa coopération pendant le Sommet.

    L’optimisme reste de mise mais la vigilance est nécessaire pour faire face aux manœuvres adverses dans un terrain ou ils conservent l’initiative.

    Haute considération

    Tags : Sahara Occidental, Maroc, Afrique, Union Africaine, lobbying, corruption,

  • LE VIRUS ET LE VIDE AFRICAIN

    par Abdou BENABBOU

    Le mot est lancé : pandémie ! Malgré les timides déclarations rassurantes de l’Organisation mondiale de la santé, la lame du coronavirus continue d’avancer à travers le globe emportant des milliers de morts. La comptabilité morbide s’amplifie et ne semble pas près de s’arrêter. Le phénomène non encore éclairci n’offre plus à la majorité des Etats que le palliatif des recommandations et les oblige à ériger une variété de remparts dans une apparente similitude avec les démêlés des temps très anciens quand la peste ou la grippe espagnole avaient sévi.

    Tous les continents sont touchés par ce curieux tsunami d’un nouveau genre auquel personne ne s’attendait et curieusement seule l’Afrique semble épargnée par cette vague maléfique. Le seul et unique cas de contamination annoncé est égyptien. On a du mal à confirmer que le continent africain a bénéficié de la grâce des dieux pour être épargné et comprendre comment une des plus vastes régions du monde, sans doute la plus faible et la plus vulnérable, a pu être mise à l’abri d’une catastrophe planétaire.

    De rares semblants d’hôpitaux, un désert de médecins et d’infirmiers et des moyens de surveillance et de contrôle de la circulation des personnes dérisoires prédisposaient un continent très en retard à la déferlante biologique actuelle. L’absence flagrante de structures sanitaires, le vide total de praticiens médicaux renvoyaient en toute logique à penser que les Africains seraient les premiers à être touchés.

    S’il faut s’en féliciter bien que le virus n’a pas encore dit son dernier mot, il est permis aussi de tenir compte de deux paramètres importants. D’abord faute de moyens conséquents et à cause des ravages de la misère, la culture africaine privilégie l’arme de la fatalité. Elle étouffe et ralentit ensuite la communication permettant aux dirigeants l’art du mensonge et de la dissimulation pour éviter la panique au sein de leurs populations déjà grandement perturbées.

    Le seul gain de la parade providentielle est celui d’avoir pour le moment soustrait aux différentes extrêmes droites du grain à moudre pour amplifier leur haine de l’étranger et particulièrement celle de l’Africain.

    Le Quotidien d’Oran, 26 fév 2020

    Tags : Virus, coronavirus, Afrique, épidémie, pandémie,