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  • Algérie : L’Emir Abdelkader et le Maroc (1832-1847)

    Si l’on aborde les rapports algero-marocains…par autre voie que celle du sentiment, il convient d’ecarter des clichés traditionnels sur la fraternité maghrebine, source de solidarite en cas d’agression étrangere…

    Le moment était venu de mettre à l’epreuve la solidarité marocaine d’autant que l’émir était convaicu que le Maroc n’échaperait pas à la conquête coloniale. C’est pourquoi, il adjura le sultan de se joindre à lui et d’engager toutes ses forces dans la bataille pour le salut commun.

    Avec l’évolution de la guerre, le role objectif du Maroc s’accrut. L’émir croyait y disposer d’un sanctuaire, d’où il s’élançait à l’interieur de l’Algerie pour frapper avec la rapidité de la foudre.

    Mais avec la defaite (du sultan) à la bataille d’Isly (11 mai 1844) et la signature de l’infame traité de Tanger (1844), scellant l’allliance du Maroc et de la France contre l’Emir Abdelkader, (celui-ci) était hors la loi sur les territoires marocains et algeriens….

    Pliant devant les exigences françaises, le sultan somma l’Emir de quitter immédiatement le territoire marocain. Jettant le masque, il se decida à attaquer directement les forces de l’Emir. Il mit sur pied plus de 50.000 hommes répartis en trois divisions sous le commendement de l’un de ses neveux. Que pouvait faire Abdelkader avec ses 2000 fantassins et cavaliers contre une telle force ? Et pourtant, une nuit dans le Rif, il réussit à culbuter et à mettre en déroute deux de ses divisions marocaines, grâce à la fougue de ses combattants et à son génie militaire, usant d’un stratagème digne des plus grands généraux de l’antiquité.

    Sous le coup d’une émotion compréhensible et devant la tournure de plus en plus dramatique des événements, Abdelkader tenta une derniere fois de faire appel à la raison et à la conscience du sultan. Il envoya donc en mission à Fès Bouhmidi, un de ses meilleurs Khalifas. Ce fut en vain : Bouhmidi fut jeté dans un cachot pour y mourir. Fidèle a son pacte avec les français, le sultan Abderrahman adressa à l’Emir l’ultimarum suivant: Abdelkader doit se rendre, par lui-même, au sultan marocain, ou s’en retourner au Sahara algérien…

    L’étau franco-marocain se resserait autour de la petite armée des combattants de la liberte. Le dénouement de l’épopée était proche commencée 1832.

    Le gouvernement marocain et la conquête d’Alger

    Ali Tablit, universitaire et membre du conseil scientifique, a mis la main sur un document important, réédité récement par Thala-chihab (Alger). Il s’agit d’un recueil de lettres émanant principalement de Moulay Abderahmane, Sultan du Maroc, aux chefs militaires se trouvant avec son armée à notre frontière occidentale. Le sultan s’est allié aux français contre l’Emir; après avoir été battu par Bugeaud en 1844 (bataille d’Isly) et subi le bombardement de certains de ses ports par la marine française.

    On peut suivre presque au jour le jour dans ce recueil des lettres traduites par l’interprète Algérien Ismail Hamed (1857-1933), les difficultés que connaît l’Emir au cours des dernières années de son combat à la suite de l’accord franco-marocain.

    Dans le courant de l’année 1920, un lot de lettres chérifiennes a été aquis pour le compte de la bibliothèque générale du protectorat au Maroc. Elles émanent en effet de Moulay Abderahmane ben Hicham qui régna de 1822 à 1859 et ont trait aux événements occasionnés dans la region orano-marocaine par l’établissement des français à Alger. Ces lettres vont du 10 avril 1829 au 2 août 1848 et remontent, par conséquent, aux premières démonstrations françaises qui ont precedé la prise d’Alger.

    Cette coorespondance essentielement confidentielle, adressée à son cousin installé à Tlemcen ou ses agents operants à divers titres entre cette ville et Taza, éclaire curieusement les conséquences de la prise d’Alger et ses repercussions variées sur les divers éléments de la population indigène du nord de l’Afrique. Mais ce qui donne un intérêt particulier aux lettres du sultan Moulay Abderahmane c’est qu’elles révèlent la pensée intime de leur auteur, qu’elles mettent à nu les ressorts cachés et les procédés de la politique du Makhzen de cette epoque, ainsi que l’évolution de cette politique selon les circonstances et la nature des evenements.

    Le sultan prend immédiatement position dans la région de Tlemcen, appelé au secours par une délégation de notables de cette ville contre les conquêrants. Envoyant son cousin Moulay Ali à la tête d’une colonne expeditionnaire et charge Sid Driss ben Hommane El Djerrari d’etre l’intermédiaire entre ce prince et les dites tribus.

    Il s’agit évidement de l’établissement definitif des français à Oran et de la situation créée par cet événement grave dans les milieux indigènes.

    Le bombardement de Tanger a causé une vive émotion et avait fait craindre un déarquement; cest pourquoi Moulay Slimane, fils du sultan, est accouru sur Tanger avec une armée et c’est ce prince qui, dans une lettre datée du 27 radjeb 1260 (12 aout 1844) donne des détails précis sur les dégats faits, le compte des boulets lancés sur la ville, énumère les mesures prises, fait lire aux notables de la lettre de sa majesté. Mais s’il donnait de l’inquietude au Makhzen, Abdelkader lui-même n’était pas exempt de soucis : les algériens qui l’entouraient n’étaient pas très nombreux, il lui fallait tirer toutes les sources du pays, qui souffrait alors d’une hausse des prix, et s’y faire assez de partisans pour tenir tête à l’armée du sultan. Il profitait de la facilité que lui offrait la frontière pour se glisser entre le territoire français et les armées chérifiennes et tendre la main aux nomades Beni Guil, Oulad Djrir et autres dont le concours était précieux et dont le pays pouvait, à l’occasion, lui servir de refuge .

    Le sultan ne songe plus à lutter contre les français solidement installés à Tlemcen et à Maghnia; le danger immédiat et qui ne fut jamais redoutable, c’est la présence sur le sol marocain d’Abdelkader qui avec son prestige, son experience des hommes, de la politique et de la guerre, menace même l’existence de la dynastie filalienne. Le sultan s’arrangera toujours avec ses sujets inconstants et les plus turbulants, quand il n’y aura plus à les seduire et les entrainer cet enjoleur habile dont il parle à son fils en ces termes, dans une lettre du 2 choual 1262 (23 septembre 1846) : Quand à ce que vous dîtes avoir appris de cet intrigant (Abdelkader), de son retour sur ses vues premières, de son sentiment sur les événements auxquels ont été mêlés les krarmas et qu’il deplore amèrement, gardez-vous d’y ajouter foi. Soyez aussi en garde contre les propos que tiennent à son sujet ceux qui manquent de discernement et parlent de sa faiblesse et son impuissance; par ses stratagèmes et sa ruse, il est capable d’obtenir ce que la force des armes et le nombre ne lui donneraient pas.

    En effet, Sidi Mohammed, à la date du 28 rabia (15 avril 1845), annonce au sultan qu’Abdelkader a gagné le sahara et s’est installé chez les Hmiyanes à qui il fait payer des redevances, que les français l’ayant appris, ont fait ont fait partir de Tlemcen une colonne avec un fort convoi de chameaux portant 2 mois de vivres.

    Dans la dernière phase de sa carrière, au cours de l’année 1847 l’Emir a causé au gouvernement français, comme au gouvernement marocain, les mêmes preoccupations et les mêmes difficultés, dans la poursuite du même objectif qui était sa capture. Une entre les deux gouvernements était difficile à réaliser, bien qu’ils eussent le plus intérêt. Et cependant, alors qu’il n’y est eut pas entente concertée, la nature même des circonstances à combiner la double pression française et marocaine pour amener l’Emir à se rendre.

    Le sultan ne pouvait, sans compromettre son prestige, faire appel, contre Abdelkader, à l’aide française. Les français, n’ayant pas, les mêmes scrupules, tentèrent d’agir en liaison avec la Makhzen par une voie detournee. Nous en trouvons la preuve dans une lettre de M. de Chasteau du 19 djoumada 1er 1263(5mai 1847), adresse au Caïd Mohamed El Ahmer, envoyé dans le Rif par le sultan pour réduire Abdelkader et ses partisans. Dans cette lettre, le chef de la mission de France au Maroc offre au Caïd de lui fournir des subsides pour l’aider à accomplir sa mission et ramener les rebelles marocains à la soumission au sultan; car, ajoute la lettre, nous avons le plus gand intérêt à l’expulsion du Maroc de l’Emir Abdelkader et sommes decidés tout ce qui est en notre pouvoir pour y parvenir.

    Mais voici l’échec du Makhzen souligné par le roi à son fils dans une lettre du 2 radjab 1263(18 juin 1847) marque toute l’importance; on y voit les suites d’une attaque bien conduite par Abdelkader et cette déroute y est jugée comme plus grave que celle de la bataille d’Isly. Il y a là, sur ce dernier desastre, une appréciation que nous n’avons pas trouvé ailleurs : « Nous avons reçu, dit Moulay Adberahman, votre lettre et celles qui l’accompagnaient, nous faisant connaître la façon dont s’est comporte le traitre Abdelkader en attaquant de nuit, avec ses partisans des tribus rifaines, l’armée que vous aviez envoyeé dans le Rif. Dieu veuille que cet événement soit le terme de nos epreuves.

    Voyez, ajoute-t-il, Abdelkader avec le petit nombre d’hommes dont il dispose ,dans un pays qui n’est pas le sien, quels resultats il obtient, grâce a son esprit délié, à ses habiles stratagèmes et à sa politique avisée !… Alors que nous les obtenons pas, nous qui avons le nombre, mais nous manquons d’habileté politique! Il nous faut désormais, déployer avec les tribus rifaines une grande fermeté alliée à une bonne politique et à une administration saine; cela est indispensable pour les ramener dans le devoir.

    La lecture des lettres du sultan Moulay Abderahman, en même temps qu’elles nous éclairent sur l’état intérieur du royaume sous son règne le révele comme un prince habile, plein de sagesse et d’une prévoyance qu’il déploya largement et qui lui font honneur à ses talents, si l’on considère si l’on considere ses moyens et le peu de consistance de ses sujets.

    Nous savions que l’Emir, à la fin de sa carrière s’était trouvé acculé sur la frontière maroco-oranaise entre la mer et la basse Moloya, traque d’un côté par l’armée chérifienne et de l’autre par l’armée francaise et on avait, par une forte image, comparé cette situation désésperée à celle du lion encerclé, dont les rugissements font retentir les échos des montagnes .

    Les détails de cette lutte épique, telles que rapportent les lettres chérifiennes, justifient ce qui a été dit des talents de l’Emir Abdelkader, de son habileté politique et de sa trempe exeptionnelle.

    Notes:

    1)D’apres Ismail Hamet, le gouvernement marocain et la conquête d’Alger, « le sultan estime la défaite de son armée plus grave que celle d’Isly ».

    2)Churchill décrit ainsi le stratagème : »Entièrement couverts d’alfa ….qu’on avait plongé dans la poix et le goudron, deux chameaux furent poussés en tête de la petite colonne (celle de l’Emir) et ont mit le feu à l’alfa des chameaux qui, affolés, se lancèrent au galop furieux … les hommes (marocains) se bousculèrent dans toutes les directions.

    Source : algerie-dz.com

    Tags : Maroc, Algérie, France, Emir Abdelkader, colonisation, colonialisme,

  • Frontière entre l’Algérie et le Maroc

    La frontière terrestre entre l’Algérie et le Maroc est une frontière internationale continue longue 1 601 kilomètres ou 1 559 kilomètres si l’on considère les 42 kilomètres avec le Sahara Occidental comme n’en faisant pas partie.

    La frontière terrestre est fermée depuis 1994.
    Sommaire [masquer]
    1 Historique
    1.1 Avant l’occupation française
    1.2 Période française
    1.3 Depuis l’indépendance
    2 Dispute frontalière
    3 Caractéristiques
    3.1 Nord
    3.2 Hamada du Guir
    4 Hamada du Draâ
    5 Références
    6 Liens externes

    Historique

    Avant l’occupation française

    1557, Hassan Pacha repousse les attaques de Mohammed ech-Cheikh sur Tlemcen avant de le faire assassiner pour faire respecter la frontière entre le royaume Saadien et la Régence d’Alger au niveau de l’Oued Moulouya. Cette frontière sera respectée pendant plus d’un siècle avant que Moulay Ismaïl ne réussisse a étendre son territoire jusqu’à la Tafna pour une courte période puisqu’il sera battu en 1663 par le dey Hadj Chaâbane qui le contraint de conclure la paix.
    1795, le sultan alaouite Moulay Sliman entreprit de reconquérir Oujda, le bey d’Oran n’y opposa pas de résistance et la frontière est définitivement fixée à l’oued Kiss.

    Période française

    Frontière entre le Maroc et l’Algérie en 1963La frontière moderne entre l’Algérie française et le Maroc a été définie la première fois le 18 mars 1845 par le traité de Lala-Maghnia suite à la bataille d’Isly remportée par le Maréchal Bugeaud. Ce traité concernait le nord de la frontière jusqu’à Teniet-Sassi à 120 kilomètres de la méditerranée, le sud n’ayant pas encore été colonisé par les français.

    En 1903 le Général Lyautey fonde Colomb-Béchar poste avancé face au Maroc et les luttes du Cheikh Bouamama. Les autorités marocaines affirment que Béchar a été construite sur leur territoire.

    1912 une nouvelle limite administrative dite ligne Varnier est établie entre Figuig et Tiberiatine.
    La région de Tindouf est conquise par les français en 1934 elle est aussi réclamée par le royaume du Maroc.

    Depuis l’indépendance

    Le « Grand Maroc » revendiqué par l’Istiqlal1956, Allal El Fassi dirigeant de l’Istiqlal énonce sa théorie du Grand Maroc et affirme les revendication sur le Touat, Béchar et Tindouf.

    6 juillet 1961, accord entre Hassan II et Ferhat Abbas président du GPRA stipulant que les revendications marocaines seront discutées le lendemain de l’indépendance de l’Algérie.

    Du 1e octobre au 5 novembre 1963, la guerre des sables. Trêve signé à Bamako.

    Mai-juillet 1966, incidents suite à la nationalisation des mines de Gara Djebilet par l’Algérie.

    15 janvier 1969, Signature du Traité d’amitié de bon voisinage et de coopération d’Ifrane[1].

    Juillet 1970, mise en place d’une commission mixte de bornage.

    15 juillet 1972, signature entre le président algérien Houari Boumediene et le roi du Maroc Hassan II de l’accord frontalier décidé par convention un mois plutôt.

    17 mai 1973, ratification du traité par l’assemblée algérienne.

    28 mai 1992, la chambre des représentants du royaume chérifien ratifie a son tour le traité de 1972 délimitant la frontière avec l’Algérie.

    1994, suite à décision marocaine d’imposer le visa au ressortissants algériens, l’Algérie ferme ses frontières avec le Maroc.

    2004,samedi 31 juillet 2004 l’accès au territoire marocain n’est plus soumis aux formalités de visa suite à une décision prise sur hautes instructions du roi, Mohammed VI .

    2005 le visa d’entrée en Algérie, est levé . Cette décision intervient plus de huit mois après que le souverain chérifien (le 30 juillet 2004 ), Mohammed VI, eut annoncé la suppression du visa pour les Algériens désirant se rendre au Maroc.

    2008 le Maroc souhaite une normalisation avec l’Algérie.

    Dispute frontalière

    La dispute frontalière au nord est due aux interprétations différentes qu’en font les algériens et les marocains. Pour le Maroc la frontière naturelle se situe au niveau de l’Oued Tafna alors que pour l’Algérie elle se situe à l’Oued Moulouya, les deux fleuves étant distant de 100 à 150 kilomètres l’un de l’autre.

    Caractéristiques

    Nord

    La frontière entre le Maroc et l’Algérie débute au nord par l’Oued Kiss sur prés de 48 kilomètres jusqu’à quelques kilomètres du poste frontière de Zoudj Baghel entre les villes de Oujda (Maroc) et Maghnia (Algérie). Il commence a son embouchure sur la Méditerranée en séparant les villes de Saïdia (Maroc) et Marsa Ben M’Hidi (Algérie).

    Après le contournement de ville d’Oujda, la frontière retrouve un obstacle naturel avec les massifs de Beni Snous et Beni Bou Saïd qui s’étendent à l’est côté algérien.

    Après un tracé plus ou moins rectiligne, La frontière épouse en partie les courbes de l’Oued Bou LArjam dans la vallée aride du Chott El Gharbi (lac salé) dans la Wilaya de Naâma. Elle se prolonge avec d’un côté la plaine aride côté marocain et et la plaine steppique côté algérien.

    Hamada du Guir

    Ensuite ce sont les Monts des Ksours contreforts de l’Atlas Saharien qui servirons de frontière naturelle à l’exception de l’enclave formée par la région de l’Oasis de Figuig.
    Un lignage Est-Ouest de près de 160 km de long au nord de Béchar jusqu’à l’Oued EchChair le long duquel elle descend plein sud sur une quarantaine de kilomètres jusqu’à l’Oued Guir.

    Hamada du Draâ

    Elle repart de façon linéaire sur un axe Est-Ouest sur près de 80 kilomètres avant de repartir plein sud à travers le Hamada du Guir. La frontière est matérialisée par un léger massif côté algérien et par les dunes de la Marzouga côté marocain.

    Ensuite sur près de 200 kilomètres sur un axe Nord-Est – Sud-Ouest le long des contreforts rocheux du Hamada de la Daoura jusqu’à Dayet Ahrbor et la Vallée du Draâ.

    C’est l’Oued Draâ qui 380 kilomètres durant prolongera la frontière jusqu’au point méridien 8° 40′ ouest.

    Enfin pour finir la frontière descend sur 158 kilomètres (dont 42 avec le Sahara Occidental) le long de la ligne située par 8° 40′ ouest.

    Tags : Algérie, Maroc, Sahara Occidental, frontières, colonisation, 

  • Il est temps que l’Afrique s’affranchisse de l’odieux colonialisme français

    Avant de prétendre délier les crises constitutionnelles ainsi qu’électorales, semblables à une malédiction sans fin, l’Afrique françafricaine doit, en premier lieu, s’affranchir définitivement de l’odieux colonialisme français. Car sans véritable souveraineté nationale, il est impossible d’instaurer une « démocratie » crédible, un Etat de droit digne de ce nom, et d’amorcer l’indiespensable dynamique du développement.

    Autrement dit, tous les protectorats bananiers soumis par Paris, seront toujours à la traîne du progrès et de la prospérité économique, comme depuis 1960.

    Entretemps, les despotes et néo-autocrates continueront de sévir, grâce à la protection inqualifiable de la France. Il n’existe pas d’autre noble combat et vrai débat. Tou raccourci soporifique n’est qu’inuutile et vaine incantation.

    Ali Muhammad Diallo

    Source : Twitter

    Tags : France, Afrique, françafrique, colonialisme, colonisation, démcoratie, dictature, despotisme, 

  • L’Occident vu par un ancien colonisé

    Je republie ce magnifique texte, plein de vérités en marg du débat sur le séparatisme musulman,

    qui m’a été envoyé par une chère personne. Merci à elle !

    Quand ils font la guerre, elle devient mondiale.

    Quand ils ont une opinion, elle est internationale.

    Quand ils s’expriment, ils le font au nom de la communauté internationale.

    Quant à leurs valeurs, elles sont universelles.

    Quand ils ont une crise, elle est mondiale.

    Quand ils parlent d’eux c’est une langue.

    Quand ce sont les autres c’est forcément des dialectes.

    Leurs fruits ont des noms du genre pomme, abricots, pèche. Ceux de l’Afrique sont exotiques, sauvages.

    Ils se sont installés de force en Amérique, au Canada, en Australie, en Afrique du sud, Amérique du sud et ils nous traitent d’immigrés.

    Lamentable !

    Quand ils viennent chez nous ils disent qu’ils sont expatriés et quand c’est nous qui allons chez eux ils nous traitent d’immigrés. Mesquinerie quand tu nous tiens.

    Ils disent d’eux qu’ils sont en situation irrégulière dans un autre pays.

    Et quand il s’agit de nous, ils disent que nous sommes des sans papiers, des clandestins.

    Quand ils s’attaquent à l’occupant, ce sont des résistants.

    Et quand nous on s’attaque à l’occupant, nous sommes des terroristes.

    Ils sont les seuls à pouvoir se doter des bombes atomiques et bizarrement ce sont les autres qui fabriquent et utilisent des « armes de destruction massive »

    Quand ils les combattaient il y’a à peine un demi siècle, on les appelait homosexuel, pédé.

    Et maintenant qu’ils les acceptent on les appelle gays.

    Quand ils croient en Dieu, le monde entier doit croire en Dieu.

    Et maintenant qu’ils n’y croient plus, le monde entier devrait accepter le mariage entre deux personnes de même sexe. Croire en Dieu est devenu ringard’.

    Quand on se met tout nu avec un cache sexe, nous sommes des sauvages.

    Et quand c’est eux, ils font du naturisme.

    Quand nos femmes se voilent, nous les opprimons. Quand les leurs se voilent, ce sont des saintes (sœurs).

    Quand ils y régnaient, on parlait de noble art.

    Depuis que nous les terrassons, on parle de boxe tout court.

    Quand ils nous prêtent de l’argent, ils parlent d’aide. Quand ils viennent nous piller, ils nous parlent de partenariat ou d’accord de partenariat.

    Quand ce sont eux qui le font, c’est du lobbying.

    Quand c’est nous, c’est de la corruption, du clientélisme, du népotisme.

    Ils traitent nos scarifications (marque de reconnaissance ethnique) de sauvage. Aujourd’hui ils pratiquent le tatouage à outrance et c’est devenu de l’art.

    Ils disent chez eux que la femme est plus libre, mais ils oublient que le corps de la femme se vend en vitrine à Amsterdam et aujourd’hui pour une pub de yaourt on a droit à un sein nu. Quel culot !!

    Saluons l’homme Blanc comme il se salue lui-même dans le miroir.

    Pas pour notre salut, mais pour celui de son nombril.

    Source : Mediapart

    Tags : Occident, Tiers Monde, Afrique, colonisation, lobbying, spoliation, pillage, homme blanc, noir, esclavage, migration, émigrés, expatriés,

  • Franc CFA : Quand la France sort par la porte pour rentrer par la fenêtre

    Le 21 décembre 2019, un accord monétaire signé par le gouvernement français et les gouvernements de 8 Etats de l’Union Monétaire Ouest-Africaine (UEMOA). Cet accord a donné lieu à une loi autorisant son approbation, loi qui a été adoptée en Conseil des Ministres le 20 mai dernier en France.

    Il s’agit de réformer les instances et le fonctionnement du Franc CFA, monnaie créée en 1945 et qui est donc, une survivance de l’ère coloniale contre laquelle ont lutté beaucoup de responsables politiques, parfois au prix de leurs vies, pour certains. Ont lutté également des économistes, des chercheurs, et des mouvements citoyens qui ont été de plus en plus nombreux ces dernières années pour sensibiliser les opinions publiques à la question monétaire et à la question centrale de la souveraineté monétaire.

    Cette loi propose de rebaptiser le Franc CFA « éco », mais au delà de cette symbolique, qu’en est-il exactement de cette réforme, des changements qu’elle a introduits? Acte-t-elle la mort du Franc CFA ou organise-t-elle une continuité ou maintient-t-elle la servitude monétaire?

     Pour Martial-Ze Belinga, économiste et sociologue, membre du comité scientifique de l’UNESCO pour l’histoire générale de l’Afrique, coauteur du livre « Sortir de l’incertitude de la monnaie A qui profite le Franc CFA », paru en 2016, la politique monétaire restera la même puisqu’on a toujours un encrage à l’euro et c’est une monnaie à change fixe avec les contraintes qu’on connaît sur cette monnaie. Sur le régime de change, rien n’a changé. La gouvernance générale de la monnaie n’a pas changé non plus. Les mêmes critères qui sont, d’ailleurs repris de la construction européenne, rien n’a changé de ce point de vue-là.

    « Il y a une proposition de changement de nom et une proposition de changement ethnique dans la garantie financière. C’est d’ailleurs ce que l’UE a retenu. C’est la modalité technique de la garantie financière qui change mais, fondamentalement, l’impression reste française » a-t-il ajouté.

    Pour N’dongo Samba Sylla, économiste chargé de programme à la fondation Rosa de Luxembourg à Dakar, coauteur de « L’arme invisible de la françafrique », parue en 2018, il y a deux Francs CFA : celui de l’Afrique de l’Ouest et celui de l’Afrique Centrale. La réforme qui a été annoncée en décembre concerne le Franc CFA émis par la Banque Centrale et les Etats de l’Afrique Centrale.

    Il a ajouté que ces réformes annoncées sont des réformes administratives parce que rien ne change à la politique monétaire, les mêmes relations asymétriques entre la France et les pays utilisant le Franc CFA, parce que le France CFA, au delà du nom, est un système qui repose sur des piliers qui sont là depuis 1939 .

    M. Sylla rappelle que la parité fixe avec la monnaie française, au départ sur le franc CFA et maintenant sur l’ECO. Rien n’a bougé. La possibilité pour les entreprises françaises de pouvoir rapatrier leurs fonds sans restriction, cela n’a pas changé non plus. Le principe que le trésor français soit le « garant » du Franc CFA et on sait que cette notion de garantie, en fait, n’a aucune valeur, parce que, historiquement parlant, ce sont les pays africains qui ont garanti la parité du Franc CFA vis-à-vis de l’euro. C’est des mécanismes disciplinaires mis en place pour que les pays africains ne puissent jamais avoir besoin de la garantie, un fait que même le texte de projet de loi reconnaît. Tant qu’il y a un accord de coopération entre les pays africains et la France avec ce statut de « garant » du trésor français, on est toujours dans le colonialisme monétaire.

    Tags : France, Franc CFA, Afrique de l’Ouest, CEDEAO, UEMOA, Afrique Centrale, 

  • La Françafrique vue par Wikileaks

    WIKILEAKS : UNE CERTAINE IDÉE DE LA FRANCE ET DE SA POLITIQUE ÉTRANGÈRE

    Si 2% seulement des câbles Wikileaks ont été rendus publics, ils ont déjà permis de brosser un bout de l’histoire contemporaine de la France vue par la diplomatie américaine.

    Ces dernières semaines, la publi­cation des câbles diplomatiques par Wikileaks s’est focalisée sur la Tunisie, l’Egypte et la Lybie, mettant en lumière les connivences de certaines chancelleries avec les régimes en place, notamment de la France avec celui de Ben Ali. Il ressort de ces télégrammes que les États-Unis sont à la fois admiratifs des dispositifs répressifs et inquiets du racisme français.

    Ils font état de la visite de différentes personnalités politiques françaises à l’ambassade des Etats-Unis à Paris ou sur le sol américain. Si certains n’y passent que pour livrer leurs opinions, d’autres, comme Alain Madelin s’y rendent pour demander un soutien à leur carrière [1]. D’autres encore pour assurer les diplomates américains de leur proximité idéologique : Brice Hortefeux ou Nicolas Sarkozy qui, en 2005, promet de faire en France « ce que Reagan a fait aux Etats-Unis ou Thatcher au Royaume-Uni » mais aussi Dominique Strauss-Khan ou Michel Rocard, qui propose la création d’un think tank franco-américain.

    Rwanda : le juge Bruguière en service commandé

    Parmi les visiteurs de l’ambassade américaine, on trouve aussi le juge anti-terroriste Jean-Louis Bruguière. Il y fournit les détails de plusieurs affaires en cours, racontant notamment comment il s’est coordonné avec l’exécutif français pour délivrer les mandats d’arrêt contre plusieurs personnalités rwandaises [2].

    Un responsable français affirme plus directement que le dossier Bruguière était une réponse de la France à l’enquête rwandaise sur les responsabilités fran­çaises dans le génocide de 1994. Bruguière n’aurait pas caché sa volonté d’isoler le gouvernement Kagamé lors de sa visite. Une volonté qu’on s’attendrait à retrouver chez un politicien plutôt que chez un juge, dont l’indépendance n’est manifestement pas la plus grande qualité…

    En mars 2007, un diplomate américain analyse les orientations en matière de politique étrangère des candidats Royal et Sarkozy et se félicite de leur volonté affichée de rompre avec la gestion interpersonnelle des affaires africaines de Chirac et de « réduire l’empreinte militaire » de la France en Afrique, ce qui, cependant, « ne signifie pas un retrait », puisqu’elle « voudra continuer à exercer son influence au maximum » [3].

    Dans plusieurs télégrammes ultérieurs, les diplomates décortiquent la réalité de cette promesse de rupture avec la Françafrique. Le terme est d’ailleurs explicitement employé dans plusieurs notes, pas comme dénonciation militante, mais comme grille d’analyse géopolitique par la diplomatie américaine.

    La Françafrique comme grille de lecture en Afrique

    En 2008, trois longues notes [4] brossent la définition d’une Françafrique quel­que peu édulcorée (les crimes de la Françafrique ne sont abordés que par le biais de quelques affaires arrivées en justice, comme l’assassinat du juge Borrel), qui connaîtrait un réel tournant avec l’arrivée de Sarkozy. Néanmoins, la politique africaine de la France continue d’être dictée par la cellule africaine de l’Elysée. L’un de ses membres, Romain Serman, reconnaît que les accords de défense encore en vigueur avec huit pays africains sont absurdes, donnant à la France « un accès monopolistique aux ressources naturelles ». Les diplomates américains semblent alors croire à la rup­ture annoncée par Sarkozy, qui n’aurait connu que « quelques accidents de parcours, comme l’éviction de Bockel impliquant le Gabon », mais qui pêcherait plus par manque de réussite que de volonté.

    La dernière note, concernant la présence militaire française en Afrique, conclut en excusant la non-rupture pour cause de difficulté de la tâche. Un fonctionnaire du ministère de la Défense français décrit, sans honte, la relation franco-africaine comme une relation « parent-enfant », dont l’enfant, maintenant « adulte, est capable et mérite plus d’autonomie, ayant cependant toujours besoin d’aide et d’orientation ».

    En 2009, lors d’un entretien, portant longuement sur la Françafrique [5], Stephan Gompertz, du ministère des Affaires étrangères, reconnaissait l’influence de Robert Bourgi, « opérant dans l’ombre ».

    Les diplomates américains concluaient que la France use d’un panel large de politiques en Afrique, « allant d’une approche idéale exprimée par Sarkozy » à ses débuts, « à des approches plus opaques mais probablement plus judicieuses, conformes au vieux modèle de la Françafrique. Les circonstances et la nature imprévisible, voire violente, des évènements en Afrique peuvent parfois inciter ou forcer les Français à agir moins idéalement qu’ils le voudraient – un comportement connu de tous les gouvernements de la planète – quand les décisions doivent conforter les intérêts nationaux par les méthodes les plus efficaces, même quand les méthodes les plus efficaces ne sont pas forcément les plus jolies ».

    La plus grande puissance impérialiste du monde ne peut que comprendre, évidemment…

    Les coulisses diplomatiques de la Françafrique

    Si la plupart des câbles ne contiennent que peu d’informations nouvelles, ils livrent parfois un aperçu du jeu diplomatique de la France pour influencer l’avenir des pays africains. Ainsi, en 2006, une proposition de résolution du Conseil de Sécurité de l’ONU présentée par Chirac sur la Côte d’Ivoire inquiète les Anglais et les Américains [6]. Ils y voient une dérive qui pourrait aller « au-delà des lois et jurisprudences internationales » en se «substituant à la constitution d’un pays souverain».

    Ne souhaitant pas s’opposer à la France, les Anglais sont néanmoins surpris que les Français aient réussi à obtenir le soutien du Ghana et du Congo. Pour ce dernier, ce soutien n’a pourtant rien de surprenant quand on sait à quel point Denis Sassou Nguesso doit à la France sa longévité au pouvoir.

    En 2009, une note sur la perspective des élections en Côte d’Ivoire analyse les accords de « Ouaga IV » comme « essentiellement un accord entre Blaise Compaoré et Laurent Gbagbo sur le contrôle du nord » du pays.

    Les Américains considèrent alors que les « FAFN gardent, de facto, le contrôle de la région, en particulier en ce qui concerne les finances » et que « le désarmement et la réunification ne sont pas des processus séparés. Ils sont intimement liés ».

    Une grille de lecture qui semble avoir été oubliée de la communauté internationale aujourd’hui…

    En juin 2009, un autre télégramme (censuré à moitié) [7] rapporte que la France considère le président mauritanien Abdallahi renversé par les putschistes comme « un obstacle », à qui il faudrait forcer la main lors des négociations. Le rôle de Robert Bourgi y est à nouveau pointé du doigt, tant dans le rapprochement du putschiste Aziz avec les autorités françaises que dans le cas du Gabon ou de Madagascar. Pour Romain Serman, la Lettre du Continent sert régulièrement à Bourgi pour diffuser ses informations et que « tout ce qui [y] paraît avec un lien potentiel avec Bourgi doit être considéré avec précaution ».

    D’autres exemples de cet acabit se trouvent dans l’infime partie des câbles déjà publiés mais ils fournissent déjà un matériau riche.

    Le cablegate de Wikileaks nous parle avant tout de la diplomatie des Etats-Unis et la Françafrique n’est donc pas son objet principal. Néanmoins, les Américains s’y sont suffisamment intéressés pour qu’on puisse espérer que quelques affaires françafricaines récentes soient mises à jour.

    Notes:

    [1] 05PARIS6744 Alain Madelin Seeks U.s. Support For His Candidacy To Head The Oecd And His Project To Reform The Oecd

    [2] 07PARIS322, C/t Judge On France, Rwanda, Pakistan, And His Political Future, 07PARIS186, Rwanda : Effect Of Bruguiere Report On Usg, Status Of Mrs. Habyarimana , lire aussi France-Rwanda : l’enquête Bruguière était suivie de près à l’Elysée, Philippe Bernard, le Monde, 11 décembre 2010

    [3] 07PARIS921, French Foreign Policy Under Nicolas Sarkozy Or Segolene Royal

    [4] 08PARIS1501, France’s Changing Africa Policy : Part I (background And Outline Of The New Policy), 08PARIS1568, France’s Changing Africa Policy : Part Ii (french Implementation And African Reactions), 08PARIS1698, France’s Changing Africa Policy : Part Iii (military Presence And Other Structural Changes)

    [5] 09PARIS1534, « francafrique » — Mfa Disputes Reports On A Return To Business As Usual

    [6] 06LONDON7670, (c) Cote D’ivoire : Uk Shares U.s. Concerns But Does Not Want To Oppose France In Unsc

    [7] 09PARIS815, Mauritania : French See Abdallahi As Obstacle

    Source : Survie, 3 mai 2011

    Tags: Côte d’Ivoire, Rwanda, Mauritanie, Nicolas Sarkozy, Jean-Louis Bruguière, Wikileaks, Françafrique, Wikileaks, Afrique, Gabon, Tchad, Sénégal, RCA, RDC, Franc CFA, FCFA, colonisation, colonialisme, 

  • La francophonie patrimoine universel ou françafrique par d’autres moyens ?

    Chems Eddine Chitour*

    «Passionnée, étais-je à vingt ans, par la stature d’Averroes, cet Ibn Rochd andalou de génie dont l’audace de la pensée a revivifié l’héritage occidental, mais alors que j’avais appris au collège l’anglais, le latin et le grec, comme je demandais en vain à perfectionner mon arabe classique » Assia Djebbar de l’Académie française(…) j’ai dû restreindre mon ambition en me résignant à devenir historienne, En ce sens, le monolinguisme français, institué en Algérie coloniale, tendant à dévaluer nos langues maternelles, nous poussa encore davantage à la quête des origines ».
    Assia Djebbar de l’Académie française

    La ministre ruandaise Louise Mushikiwabo a été intronisée par « consensus » comme la nouvelle secrétaire générale, Michaelle Jean la secrétaire générale sortante n’a même pas pu défendre son bilan. La Francophonie est entre les mains d’un petit pays anglophone qui a supprimé le français de l’enseignement ! De plus , il ne brille pas sur le chapitre des droits de l’homme ou de l’alternance. Voilà pour la politique et ses desseins impénétrables !

    Qu’est ce que la francophonie ?

    Le terme francophonie désigne l’ensemble des gouvernements, pays ou instances officielles qui ont en commun l’usage du français dans leurs travaux ou leurs échanges. La carte de la francophonie se confond largement avec celle de l’expansion coloniale française. Dès le début des années 1960, des chefs d’État, des anciennes colonies françaises, comme le Sénégalais Léopold Senghor,- l’agrégé de grammaire- proposent de regrouper les pays nouvellement indépendants, désireux de poursuivre avec la France des relations fondées sur des affinités culturelles et linguistiques.

    La Francophonie naît officiellement en 1970, à la conférence de Niamey. La francophonie est elle seulement au nom de la realpolitik, une continuation de la Franceafrique ? Ou est-ce, aussi un vecteur culturel universel qui paradoxalement ferme la porte à celles et ceux qui maîtrisent de loin la langue de Voltaire au profit , de pays qui n’ont qu’un lointain rapport avec le français .

    Abdelkader Kherfouche écrit à ce propos Au cours d’un point de presse organisé au musée copte du Caire le 18 avril, François Hollande a déclaré : « La francophonie n’est pas un cadeau simplement de ceux qui parlent français. La francophonie c’est un combat, un combat pour des valeurs, un combat pour la culture, un combat pour la diversité » Les mots qu’utilise le président ne sont pas sans rappeler la rhétorique qu’employaient les élites françaises du XIXe siècle pour justifier la colonisation. La langue française, la langue d’une nation civilisée pour faire sortir le colonisé de sa barbarie primitive, la langue française comme un don « humanitaire et civilisateur » pour reprendre la formule de Jules Ferry. Comme le rappelle l’écrivaine algérienne d’expression française, ce n’est pas par les œuvres de Pierre de Ronsard ou de Jean Racine que les Algériens sont entrés dans la langue française, c’est la langue française qui est entrée par effraction en Algérie () La langue française était un outil au service de la colonisation. Une partie des colonisés était formée en français,« la langue des autres, celle des colonisateurs, ses maîtres », la langue de l’école coloniale : Le français donc, celui de l’école, celui de « nos ancêtres, les Gaulois », or ils n’étaient pas « nos ancêtres », et ils n’étaient pas Gaulois ! Mes, nos ancêtres parlaient, ou criaient, ou chantaient en arabe, en berbère, en Ma grand-mère, en arabe, racontait aux enfants autour d’elle, la guerre, les otages, l’incendie des oliviers, à la zaouïa. À l’école française, l’institutrice venue de France racontait Charlemagne, et même Charles Martel à Poitiers confie Assia Djebar dans un poème »(1).

    Les «défenseurs grincheux» du français

    C’est un fait, et de l’avis de plusieurs spécialistes, la langue française perd du terrain dans le domaine scientifique «l’usage du français dans les sciences tombe en désuétude, la moitié des publications scientifiques est en anglais, seulement 7% en français. Aux Nations unies, le français bataille pour garder son rang: aujourd’hui, seulement 14% des discours sont tenus en français, plus de la moitié le sont en anglais. L’écart entre les deux langues se creuse aussi à l’Union européenne, notamment dans la rédaction des rapports de la Commission, et ce phénomène s’est accentué depuis l’entrée des dix nouveaux pays membres qui parlent plutôt l’anglais. La domination de l’anglais sur les ondes, est aussi avérée. (2)

    Promouvoir la francophonie en parlant anglais, le paradoxe n’a pas manqué d’irriter les inconditionnels de la langue française . Après l’injonction vaine en son temps, de Jaques Toubon à parler français, après le prix de la carpette, décernée à ceux qui parlent anglais : « un organisme québécois de défense de la langue française a décerné dimanche un «prix citron» au président français Emmanuel Macron pour des propos défendant son usage occasionnel de l’anglais sur la scène internationale. L’organisme culturel «Impératif français» a choisi le président Macron pour avoir, créé en 1975, Impératif français se décrit comme un «oranisme voué à la promotion de la langue française, de la culture d’expression française et de la francophonie.» Lors de la visite à Paris début mars du Premier ministre québécois, le président Macron avait déclaré ne pas faire partie «des défenseurs grincheux» de la langue française, égratignant au passage les tenants d’une stricte prééminence du français. «lors de la visite du Premier ministre du Québec Philippe Couillard, déclaré vouloir renouveler le logiciel’ de la francophonie en s’inspirant de l’exemple nord-américain’ selon lequel parler l’anglais renforce la francophonie’! Ouf!», écrit cet organisme sur son site ». (3)

    La francophonie et l’arabophonie

    On pourrait se demander pourquoi l’Algérie veut prendre la défense de la langue arabe en France en lieu et place de plusieurs pays arabes qui sont dans la francophonie. Pourtant l’un des vecteurs de l’acculturation croisée, en l’occurrence la langue arabe , perd elle aussi du terrain en France. Ce que dit Assia Djebbar est important, en ce sens que la langue arabe est consubstantielle de notre personnalité. L’enseignement de la langue arabe est ancien sur le territoire français. Il remonte à l’époque de François 1er. L’agrégation d’arabe fut créée en 1905. A l’époque, l’enseignement de l’arabe était essentiellement lié au phénomène colonial. Durant la période coloniale, la politique «intégro-assimilationniste» de la puissance coloniale fut en grande partie menée contre la langue arabe. Après la décolonisation, la langue arabe continua d’être enseignée et en 1975 le Capes d’arabe fut créé. Depuis, l’arabe semble appelé à connaître un déclin inéluctable. En 2005, la session du Capes d’arabe a été supprimée Pourtant, la langue arabe ne peut pas être considérée comme une langue «rare» puisqu’elle est parlée par plus de 250 millions d’individus dans le monde et qu’elle est la langue officielle de plus de vingt pays (.. 😉 L’éducation nationale en France considère que l’arabe est une langue étrangère alors qu’elle fait partie intégrante du patrimoine culturel de millions de Français. Elle est usitée dans les familles, dans les cages d’escaliers, dans les quartiers. Elle domine dans les banlieues, dans les prisons. Pourtant, elle n’est pas enseignée à l’école primaire, elle est marginalisée au lycée. L’arabe en France est la langue des sous-scolarisés et des savants.»(3)

    Etat des lieux de l’usage du français en Algérie

    Avant 1962 l’enseignement du français à dose homéopathique faisait que les Algériens étaient des v oleurs de feu selon l’élégante expression de Jean Amrouche. Ce fut pour nous la la langue du roumi mais aussi la langue pain On dit que les Algériens sont comme monsieur Jourdain ils font de la prose sans le savoir, ils «font de la francophonie» sans le savoir. Ils contribuent efficacement au rayonnement de la langue française sans y émarger ou attendre un quelconque subside. Les Algériens font autant pour la diffusion de la langue française -belle langue au demeurant- que plusieurs pays faisant partie de la liste des pays francophones sans plus mais qui, au premier vent défavorable, tournent casaque, comme c’est le cas des pays de l’Est ou des pays anglophones. L’usage du français véritable butin de guerre pour Kateb Yacine que nous avons préservé sans réciprocité est quotidien. C’est un lieu commun que de dire que l’Algérie est le deuxième pays francophone. Qu’est-ce que cela veut dire au juste? C’est d’abord l’enseignement du français depuis l’indépendance d’une façon intensive avec des fortunes diverses mais tout de même déterminée à telle enseigne qu’il y avait à l’indépendance moins de cent mille francophones- il y a de nos jours plus de 12 millions – d’autres sources parlent d’un tiers des Algériens- qui, d’une façon ou d’une autre, parlent le français de Voltaire . C’est le rai, le cinéma Ce sont des centaines de mots arabes notamment algériens qui sont passés dans la cagnotte de la langue française..

    La génération de l’indépendance qui a été acculturée à son corps défendant s’était faite un point d’honneur d’être partout autant que possible malgré tous les obstacles, à l’école ou au lycée, la première notamment en orthographe et en mathématiques. En discutant avec des collègues universitaires français il m’est arrivé de les reprendre gentiment quand ils se prenaient les pieds dans des subjonctifs pas commodes. J’étais étonné de leurs « insuffisances » et ils étaient étonnés de constater que l’enseignant des sciences dures, paléo-bougnoule que j’étais, venu du plus profond du bled se permettait de leur apprendre la fameuse poésie de Malherbes : « Et rose elle a vécu ce que vivent les roses l’espace d’un matin » ou encore la belle poésie la ballade des pendus de François Villon Nous sommes à nous demander, en le paraphrasant mais où est la langue d’antan ? La Révolution de 1789 nous a accompagnés par le vent de liberté qu’elle avait déclenché. Bien plus tard au collège nous récitions le Chant des Partisans pendant que les valeureux moudjahid se battaient pour arracher l’indépendance du pays . Bref tout a été fait par le pouvoir colonial pour magnifier la langue française, l’histoire de France et faire apparaitre les indigènes que nous étions comme des êtres in-civilisés. Il nous fallait cependant nous battre avec les armes de la colonisation pour avoir des chances d’émerger après un parcours du combattant à travers les interstices de tolérance du pouvoir colonial

    Les humains dit on ne sont pas seulement eux-mêmes , ils sont aussi le milieu où ils sont nés , le foyer ou la chaumière où ils ont appris à faire les premiers pas, les contes qu’ils ont entendus de leurs grands-mères, les poètes qu’ils ont lus les auteurs qui ont bercé leurs enfances au point de les mettre sur des piédestaux comme ce fut en l’occurrence les auteurs du Moyen âge au XIXe siècle qui ont bercé notre enfance, notamment décrits dans le Lagarde et Michard C’est enfin les instituteurs « ces hussards noirs de la République » Ces instituteurs, on ne le rendra jamais assez justice pour avoir traversé le no man’s land qui nous séparait des européens d’Algérie Ils nous ont appris outre le bon usage du français, le bel usage du français.

    La francophonie du XXIe siècle entre l’Algérie et la France

    La France apprécie-t-elle à sa juste mesure l’apport inconditionnel des millions d’Algériennes et d’Algériens qui, qu’on le veuille ou non, font plus pour la langue française que des dizaines de pays qui émargent au râtelier de la Francophonie ? Il faudra bien qu’un jour «on rende à César ce qui appartient à César», en reconnaissant à l’Algérie un rôle majeur dans la diffusion du français.

    C’est toute la littérature algérienne d’expression française, c’est une cinquantaine de quotidiens francophones, c’est 80% des vols des Algériens vers la France, c’est des milliards de dollars pour le tourisme c’est enfin le marché algérien qui fait que la France est le deuxième partenaire depuis l’indépendance malgré toutes les vicissitudes. Quand on parle français, on consomme français, on roule français et ceci malgré la mondialisation. De la même manière, la culture francophone est toujours prégnante, notamment dans la fonction publique que nous avons héritée pour le meilleur et pour le pire, la littérature, la musique, les arts plastiques, le cinéma, la mode vestimentaire.Bref le vécu au quotidien.

    Enfin, il ne faut pas cacher la réalité; des dizaines de milliers d’universitaires, ingénieurs, médecins s’installent en France, participant de ce fait au dynamisme scientifique de la France et ceci sans que la France n’ait déboursé un maravédi à l’Algérie qu’il faut rappeler et les normes de l’Unesco l’attestent, près de 100.000 dollars pour la formation d’un universitaire. Mieux encore, l’Algérie participe enfin à l’enrichissement de la langue française en y apportant de nouveaux mots qui ont été adoptés. Cette acculturation croisée est peut-être un signe que la vitalité d’une langue a besoin de sang exogène pour conjurer son dépérissement. Malgré cela, la France des arts, des armes et des lois selon du Bellay fait une sélection incompréhensible. Il nous parait qu’il est plus facile d’obtenir un visa commercial qu’un visa pour les intellectuels, notamment les enseignants.

    Tout d’abord et pour toutes les raisons, deuxième pays francophone, pays arabophone et amazighophone, l’Algérie ne peut pas et ne devrait pas de mon point de vue être traitée comme les autres pays pour ce qu’elle fait pour la langue française En tant qu’universitaires qui, pendant des dizaines d’années, avons enseigné en français, nous sommes nombreux à penser que la France doit développer une relation spéciale avec l’Algérie au nom de l’histoire des liens de sang tissés, du sang versé sans rapport dominant dominé mais avec une parole désarmée et une réelle volonté de faire un aggiornamento de notre histoire commune pour la reconnaissance du fait que la colonisation ne fut pas un long fleuve tranquille

    La « reconnaissance objective» de l’Algérie pour la France passe par la résolution des contentieux en premier lieu, la restitution sans condition des restes des patriotes algériens qui sont entreposés dans les musées de France et de Navarre, C’est aussi la mémoire constituée par toutes archives qui contribueront certainement à la sérénité des relations , c’est enfin cette diaspora trait d’union qui peut être un vecteur de stabilité et vivification de la langue dans une acculturation apaisée Un signe fort et symbolique serait celui de la mise en place d’une grande bibliothèque numérique qui contribuerai ce faisant à l’apaisement des mémoires, par la restitution sous une forme ou une autre des fonds d’archives .

    Souvenons nous ! Quand Mitterrand a inauguré la Bibliothèque d’Alexandrie, les députés égyptiens anglophones qui se sont fait traduire son discours l’ont acclamé debout Pour rappel il faut bien le dire que l’armée d’invasion a brûlé en 1837 la bibliothèque de Sidi Hammouda Constantine et comme rapporté par Adrien Berbrugger : « chaque soldat voulait avoir «son Coran» et que faute de bois, on allumait le feu avec les ouvrages. » .Dans le même ordre du plaidoyer il est utile de rappeler qu’un matin de juin 1962 , le cadeau de l’OAS a pris la forme d’un gigantesque incendie. Ce furent 600.000 ouvrages de la Bibliothèque d’Alger dont certains uniques, qui furent dévor és par le feu.

    Si on y ajoute la mise en place d’une présence culturelle digne de ce nom en France dans sa double dimension arabe et amazighe, rien ne s’opposerait alors de mon point de vue à l’acceptation par l’Algérie de donner la pleine mesure de son talent au sein de la Francophonie. Cependant et pour terminer la question qui se pose est la suivante : La francophonie devra t-elle continuer à être une sorte de « françafrique » par d’autres moyens ? Ou doit elle s’affranchir du passé pour aller vers l’universel ? De notre point de vue si elle veut perdurer la francophonie ne doit pas se départir de sa fonction culturelle qui devrait , sans condescendance, favoriser le dialogue des cultures qui peuvent s’exprimer en langue française tout en favorisant une altérité croisée par un accueil bienveillant des autres expressions linguistiques.

    Note

    1.Abdelkader Kherfouche http://orientxxi.info/magazine/l-heritage-colonial-de-la-francophonie,1356,1356

    2.Chems Eddine Chitour https://www.mondialisation.ca/francophonie-que-peut-faire-de-plus-lalgerie/5304176

    3.https://www.huffingtonpost.fr/2018/03/25/macron-recoit-un-prix-quebecois-parodique-pour-ses-propos-sur-la francophonie_a_23394921/?

    Professeur Chems Eddine Chitour

    Ecole Polytechnique Alger

    Source : Blog du Professeur Chitour

    Tags : Afrique, France, françafrique, Francophonie, coloniaslime, colonisation, exploitation, spoliation, pillage, ressources naturelles, 

  • La Françafrique est-elle enterrée?

    Hollande, la Françafrique et la crise !

    par Kamal Guerroua*

    La Françafrique est-elle enterrée? Le rêve de «l’Afrique sans la France», tel que conçu par l’intellectuel centrafricain Jean-Paul Ngoupandé dans un ouvrage portant le même nom (Albin Michel éditions, 2002) serait-il possible ? Il serait presque une utopie ou une chimère d’y croire.

    Et pourtant son annulation est l’une des trente propositions ayant permis à François Hollande d’accéder au palais de l’Elysée en mai 2012 ! En réalité, cette Afrique en pleine effervescence, militarisée à outrance, appauvrie et dessaisie de ses richesses est victime de ses contradictions historiques et la France y est liée tantôt par intérêt stratégique tantôt par esprit de grandeur et d’hégémonie sous couverture humanitaire. Les leaders des Etats africains postcoloniaux étaient, dès le sommet d’Addis-Abeba en 1963, lequel fut à l’origine de l’instauration de l’organisation de l’unité africaine (O.U.A), ancêtre de l’union africaine (U.A) actuelle très naïfs comme l’a bien analysé le Dr Tlemçani. Car, penser à une unité «formelle» sans une vision globale d’avenir ni un regard clairvoyant sur les rapports à entretenir avec l’ex-puissance colonisatrice est un saut dans l’inconnu. De même, ne pas résoudre les problèmes des frontières hérités de la période coloniale ni pouvoir désamorcer à temps les bombes à retardement des complexités ethniques, tribales et religieuses qui sapent le continent noir en cimentant la citoyenneté au cœur des naissants Etats-Nations fut une erreur fatale qui ne pardonne jamais en ces temps incertains de la mondialisation-laminoir. L’opération militaire Sangaris menée en décembre dernier par la France en Centrafrique en est un cas de figure qui prouve, à lui seul, la quadrature du cercle dans laquelle s’embourbent et les Etats africains et l’ancienne métropole.

    En effet, un pays comme la Centrafrique qui dort dans le ventre de l’Afrique, déstructuré, infesté par des milices armées jusqu’aux dents, gagné par des bisbilles ethniques, rongé par la rouille des pronunciamientos et des coups de force, sans aucune assise institutionnelle viable (armée et forces de l’ordre) est on ne peut plus un casse-tête troublant pour la métropole parisienne qui en avait fait, depuis l’ère de la décolonisation, avec la plupart des pays du Sahel, un point de mire et un terrain d’essai de ses stratégies d’influence dans la région. Bien que les réalités sociopolitiques africaines soient différentes les unes des autres, elles se rangent toutefois sous un dénominateur commun : l’instabilité politique. La Centrafrique en est une. Rien à avoir avec le spectre de la guerre malienne où le syndrome Sanogo, du nom de ce fameux capitaine ayant renversé par un coup d’Etat militaire le président Amadou Toumani Touré en mars 2012 compose, nonobstant tous les aléas, une équation aux contours bien gérables. Car, quoiqu’envahi dans sa partie nord par des groupuscules d’A.Q.M.I et des rebelles Touarègues d’ Azawad, le Mali reste relativement sécurisé dans sa partie sud. En plus, il dispose d’un semblant d’Etat sur lequel, le cas échéant, les forces françaises pourraient s’appuyer pour pousser dans ses derniers retranchements la nébuleuse intégriste. La curée anarchique des islamistes au nord fut, il est vrai, pour l’Hexagone le fil curseur pour une lecture objective des rebondissements pouvant avoir lieu bien après. A proprement parler, l’opération  » Serval « , en dépit de sa complexité pratique (les forces françaises ont mené des attaques du type asymétrique sans ennemi réellement identifiable sur le terrain), s’est avérée, à la longue, tactiquement jouable (objectifs clairs, soutien citoyen), politiquement justifiable (combattre l’intégrisme), et pratiquement explicable même si elle s’est déclenchée dans le sillage de l’intervention critiquée de Nicolas Sarkozy en Libye contre les milices d’El-Gueddafi dans le contexte fort confus du printemps arabe. Laquelle opération a, du reste, donné à l’époque une impression de « replay de scénarios interventionnistes aux relents néocolonialistes ». En revanche, le cas de la Centrafrique est problématique, l’opération militaire  » Sangaris  » est une plongée dans le chaos, l’opinion publique hexagonale n’y distingue pas clairement les belligérants. Les rebelles de Séléka, ces guerriers déjà invétérés au Darfour (Soudan) et au Tchad (20 000 éléments environ) qui ont mis à la porte fin mars un certain François Bozizé, lâché, atrophié, peu ou prou estimé, encore moins soutenu par l’Elysée n’affichent pas, quant à eux, un profil bien discernable (coalition de factions hétéroclites).

    En fait, ceux-ci furent déjà aux portes de la capitale Bangui dès le début mars sans que l’U.A ou la France ne bougent le petit doigt. Bozizé aux abois a beau crier au secours, à l’Elysée pas âme qui vive, ses murs n’ont cette fois-ci, paraît-il, pas d’oreilles ! Hollande boude, raccroche ! Peine perdue pour le leader centrafricain puisque le locataire de l’Elysée n’est pas du tout prêt à se scinder en deux fronts (Mali et Centrafrique). En plus, en ce moment très dur des vaches maigres, la France craint les folies budgétaires, se serre la ceinture et le président  » normal  » a d’autres chats à fouetter : un front social sur le qui-vive, le chômage massif (en effet, une simple annonce par le gouvernement de Jean-Marc Ayrault d’une inversion de la courbe du chômage 20 500 de demandeurs d’emploi en moins au mois d’octobre dernier a emballé, chose étonnante, médias et classe politique compris), la crise des banlieues (le climat d’insécurité et les règlements de compte à Marseille), la montée dans les sondages du front national de Marine le Pen en perspective des municipales et des européennes prochaines ainsi que, cerise sur le gâteau, une impopularité présidentielle inquiétante qui fait tache de l’huile, du jamais-vu dans l’historique de la V république! La seule solution d’urgence à portée de main : temporiser, tergiverser, attendre que le brouillard se dissipe pour y voir clair. Bref, gagner du temps ! Une rengaine peu commode devenue style de gouvernance chez Hollande. Cinq mois plus tard, la situation est allée de mal en pis, Bangui suffoque sous la violence. Mise à sac, pillée, vandalisée, elle s’est transformée en un théâtre de lynchages publics, de tueries et de conflits confessionnels entre chrétiens et musulmans.

    L’Etat centrafricain ou ce qui en reste est à terre, Bozizé prend la fuite, le désordre y règne ! La France des  » droits de l’homme  » ne peut pas se taire, elle est là pour assumer sa responsabilité historique et renouer avec cette vieillotte politique de la Françafrique. Intervenir pour des raisons humanitaires est plus qu’une obligation, c’est un devoir ! En chef guerrier, Hollande tranche cette fois-ci, retrousse les manches et mobilise les troupes. Mais avant de s’y aventurer, un point d’orgue est nécessaire : il va falloir convaincre une opinion publique sceptique, peu enthousiaste et, plus qui est, touchée par les effets de la crise de l’urgence et du bien-fondé d’une telle campagne militaire. Avantage de taille à son actif, le président français bénéficie du soutien inconditionnel de toute la classe politique. Reste à déterminer toutefois le coût de la guerre, sa durée, ses implications et ses retombées immédiates puisque même sous mandat de l’O.N.U, l’intervention n’attire pas grand monde, les pays européens et les alliés stratégiques (Etats Unis et Angleterre) se contentent de regarder le spectacle depuis les tribunes alors que l’armée française est au front : première moisson de la guerre, deux soldats tués le 10 décembre dernier mais à côté de ce décompte macabre, le président Obama fait un clin d’œil généreux à Paris et touche au porte-monnaie : 60 millions de dollars sont alloués à l’opération par l’Oncle Sam qui s’ajoutent aux 40 millions du mois de novembre dernier.

    Du retour des obsèques de Mandela , Hollande fait escale en Centrafrique, rend hommage aux deux soldats tués et rencontre le vice-président Michel Djotodia, chef des rebelles de sélékas qui s’est autoproclamé président dès la chute de Bozizé. La réalité du terrain va de soi, une situation humanitaire qui laisse à désirer, un pays retourné en champ miné, à l’aspect d’un capharnaüm à ciel ouvert : le haut-commissariat aux réfugiés des nations unies (H.C.R) tire la sonnette d’alarme, environ 935 000 personnes sont déplacées et plus de 510 000 hébergées à la capitale. En conséquence de quoi, le rêve d’une intervention courte et sans grands frais s’évanouit, le  » timing  » qui a été fixé à 5 mois au départ pourrait bien se rallonger davantage. Dans l’espoir d’organiser des élections présidentielles avant 2015, les 1600 soldats français déployés, un nombre moins important par rapport au Mali (environ 4500) seraient confrontés selon beaucoup d’analystes à une configuration de terrain beaucoup plus complexe que celle au Nord du Mali. La guerre urbaine ou les guérillas des rues sont très difficiles à maîtriser, les missions de ratissage portent des risques majeurs, les rivalités interethniques nécessitent une présence pérenne. En ce sens, débusquer les milices qui sévissent dans un milieu quasiment tropical prend du temps et coûte des énergies et des moyens énormes. Ce qui contraste avec la topographie désertique du Mali, caractérisée par des étendues vastes et vides dans lesquelles les moindres agissements ou mouvements des djihadistes d’A.Q.M.I sont faciles à repérer. L’ennemi à abattre serait plus efficace dans les broussailles que dans un désert. Une telle différence ne saurait qu’alourdir le bilan des pertes humaines (déjà 2 soldats tués le 10 décembre dernier comparativement au 7 tués depuis le 11 janvier au Mali), cependant, le ministre de la défense Jean-Yves le-Drian relativise ce tableau pessimiste et renvoie ses détracteurs aux faux pronostics déjà projetés avant la guerre au Mali. Une première grande tâche se profile : les milices devraient être désarmées et démantelées. Compter sur la mission internationale de soutien à la Centrafrique (M.I.S.C.A) serait sans effet immédiat. Peu pointé du doigt que dans l’opération  » Serval « , Hollande craint l’enlisement dans le bourbier centrafricain, c’est une guerre intestine inextricablement confuse qui non seulement appelle à  » une pacification  » d’urgence mais aussi et surtout à une restrucuration voire à une refondation d’un Etat déficitaire, la mise en place de mécanismes de gouvernance démocratiques efficaces et la garantie de l’alternance, un long chemin ! L’enjeu est d’autant plus colossal que l’U.A devrait, elle aussi, s’engager sur le fond du problème. C’est en vérité la mission que devraient s’assigner déjà au départ les démocraties occidentales avant que le feu prenne racine dans la maison africaine!

    Au travers le prisme des exemples ivoirien avec Gbagbo, malien et centrafricain pour n’en citer que trois de ces dernières années, l’Afrique a donné l’image peu reluisante d’un continent sous tutelle, défait, incohérent, incapable de se prendre en charge, assurer sa sécurité et venir en aide à des populations au bord du désespoir. Or, la mémoire d’un géant comme Mandela (1918-2013) est là vivante, féconde et jaillissante pour confirmer que les africains sont aussi des artisans de miracles ! Aujourd’hui, la leçon à retenir des bouleversements du monde est que les leaders africains ne peuvent guère s’attendre à ce que des panacées universelles viennent de l’extra-muros, d’amples priorités doivent être accordées au développement national, à la relève intergénérationnelle et à la démocratie participative ! Par ailleurs, sur le plan médiatique, toutes les épithètes tombent d’un seul coup : génocide, tragédie, chaos. D’un côté, on assimile le Centrafrique au Mali, d’un autre, on y voit le fantôme du génocide interethnique du Rwanda entre les hutu et les tutsi qui date de 1994. Un conflit que, il faut bien le rappeler, la France s’était peu engagée à résoudre. Le Centrafrique est un pays anéanti qu’il faudrait ressusciter de ses cendres et remettre en ordre afin de permettre aux deux communautés chrétiennes et musulmanes de vivre en osmose, ce qui prendrait peut-être beaucoup plus du temps qu’il n’y paraît à priori. Et sûrement qui dit temps, dit logistique, moyens financiers, plans à moyen et à long terme. Comment réunir tous ces ingrédients alors qu’à l’autre bout du miroir, l’orthodoxie libérale a du mal à s’enraciner dans une France accrochée au social et aux idéaux de l’Etat-providence, où les réformes ne mènent pas nécessairement aux réussites économiques, où les ondes du tourbillon de la zone euro commencent à s’y faire ressentir. La majorité de gauche au pouvoir fissurée et déchirée en interne est tenue à la gorge par l’imminence des échéances électorales où elle n’attend pas vraiment récolter l’assentiment populaire dans une France qui, effets de crise obligent,  » se droitise  » davantage, et où les slogans  » lepinistes  » gagnent sérieusement du terrain. Profitant de cette aubaine, Sarkozy tente  » un come-back  » discret après le non-lieu obtenu in extremis dans l’affaire d’  » abus de faiblesse  » concernant la milliardaire Bettencourt. Dernièrement même, il a posé devant Hollande au stade de Soweto en Afrique du Sud et a multiplié des allusions et des déclarations à l’emporte-pièce à l’encontre des cadres de l’U.M.P (union pour le mouvement populaire), formation plus que jamais divisée (Copé-Fillon) sur fond de l’échéance présidentielle de 2017 ! A l’extrême, Jean-Luc Mélenchon, le leader du front de gauche crie, quant à lui, du haut de son piédestal d’eurosceptique et d’activiste anti-capitaliste convaincu sur tous les toits son ras-le-bol en galvanisant les foules pour l’avènement d’une VI république et aussi pour une révolution fiscale où les pauvres auront pleinement leur place. Sans l’ombre d’un doute, sous une grille de lecture semblable, la guerre en Centrafrique est une boîte à fantasmes mais aussi une source de bien mauvaises surprises dont il faudrait bien savoir pour la gauche hexagonale en tirer les dividendes à moindres frais. L’héritage colonial de la Françafrique, quoique avantageux à bien des égards pour l’ex-puissance coloniale, pèse d’un poids lourd sur une réalité française faite aujourd’hui de crispations, d’austérité et de polémiques. Serait-ce alors le début de la fin de la Françafrique?

    * universitaire

    Source : Le Quotidien d’Oran

    Tags : Afrique, France, françafrique, impot colonial, spoliation, pillage, colonialisme, colonisation, 

  • Le véritable mal de la Guadeloupe

    Le mal dont souffre la Guadeloupe, n’est pas la covid-19 mais le colonialisme.

    Si le peuple guadeloupéen était maître de ses frontières et de ses terres, il aurait pu prendre des mesures aussi strictes que la Barbade ou la Dominique et ne serait pas dans la situation actuelle.

    Des années qu’on endoctrine nos frères dans un nationalisme français stupide qui voudrait les faire remercier la France d’être encore colonisés pour finir sacrifiés sur l’autel du tourisme national! Que dieu et les ancêtres veillent sur eux et Vive la lutte independentiste guadeloupéenne.

    Source : La Question Noire

    Tags : France, Guadeloupe, colonialisme, colonisation, esclavage, exploitation, indépendance, liberté, lutte,

  • M. Macron, rendez-nous Baba Merzoug !

    Pour récupérer notre patrimoine historique, faisons tonner les canons !

    Par Noureddine Khelassi

    Ce n’est pas encore la réconciliation historique franco-algérienne moyennant le salut au canon, loin s’en faut ! Les relations entre l’ex-puissance coloniale et son ancienne colonie émancipée depuis 1962 traversent de nouveau une sérieuse zone de turbulences ! La récente campagne médiatique menée en France par des organes publics, en dehors de toute connexion éditoriale logique avec l’actualité, a en effet eu en Algérie l’effet de l’essence que l’on jette, délibérément ou pas, sur des braises toujours ardentes sous la cendre de la mémoire coloniale.

    C’est que, cinquante-huit ans après l’indépendance, le passé colonial ne passe pas alors même que les relations entre l’ancienne puissance coloniale et sa colonie libérée suivent une courbe d’évolution en ligne sinusoïdale ! Une relation bilatérale portée par des intérêts pas toujours mutuellement bien compris. Des rapports fortement indexés sur la mémoire coloniale.

    L’anamnèse coloniale est à la fois une donnée de base et une variable d’ajustement dans l’histoire de la relation franco-algérienne. Tandis que les contentieux divers se nourrissent aussi de la mémoire du passé douloureux dont l’Algérie et la France n’ont pas encore fait le solde de tout compte, à l’image des deux anciennes puissances ennemies historiques que sont Paris et Berlin. Dans la panière riche des litiges bilatéraux, figure en bonne place le mythique canon algérois Baba Merzoug qui fut une terreur militaire des siècles durant en Méditerranée sous domination de la Régence d’Alger.

    Dans les annales historiques de la Régence ottomane, il s’agit de cette pièce d’artillerie, unique en son genre, que la France officielle garde par devers elle et refuse obstinément de restituer à l’Algérie. La préfecture maritime de Brest n’envisage toujours pas de se séparer du célèbre canon. Et elle le répète à chaque fois : «Nous n’avons reçu à ce jour aucune demande officielle concernant le canon La Consulaire», ainsi baptisé par les Français, lors de la prise d’Alger, le 5 juillet 1830. Baba Merzoug est toujours planté au milieu d’un parking de la zone militaire du port de Brest. Son retour à l’Amirauté d’Alger, son ancien lieu d’accueil, n’est pas pour demain.
    Le combat pour sa restitution, mené sans tambour ni trompette, par un comité ad hoc, créé en 1999 par le défunt historien algérois Abdelkrim Babaci, non sans discrétion, n’a jamais abouti.

    Baba Merzoug, le père fortuné des Algérois qu’il protégeait en leur apportant chance et baraka, est, par certains aspects, avant d’être le combat de militants algériens de la mémoire, une histoire singulièrement bretonne. Le célèbre canon fut en effet transféré dans la capitale du Finistère par Victor-Guy Duperré, amiral en chef breton de la marine coloniale. En juillet 1830, dès les premiers jours de la chute d’Alger, le fameux canon est saisi et expédié comme précieux trophée de guerre à Brest, pour être installé dans l’arsenal militaire de la ville. «C’est la part de prise à laquelle l’armée attache le plus grand prix», écrit-il alors.

    Un autre Breton, homme d’affaires de son état, milite activement depuis 2003 pour sa restitution à l’Algérie. Encouragé par le précédent du sceau du dey Hussein, remis par le président Jacques Chirac à son homologue Abdelaziz Bouteflika, Domingo Friand, passionné d’histoire, humaniste et altruiste s’il en est, a mené une campagne assidue en faveur du retour de Baba Merzoug à Alger. Il a souhaité que le canon, érigé à l’affût et à la verticale, soit transféré aux autorités algériennes. Il a promis alors une cérémonie œcuménique à Alger, avec un imam et un évêque, «en mémoire des victimes de la colonisation et en lieu et place du traité d’amitié franco-algérien qui n’a jamais été signé». Militant de l’ancienne UMP, parti du président Nicolas Sarkozy, Domingo Friand a d’abord plaidé la cause de Baba Merzoug auprès de la députée UMP du Finistère Marcelle Ramonet, qui a notamment évoqué l’affaire, en 2004, avec Alain Juppé alors ministre des Affaires étrangères. La députée a ensuite transmis le dossier à la ministre de la Défense de l’époque, Michelle Alliot-Marie, en mars 2005. Cette cacique de l’UMP a vite opposé un refus, certes poli, mais qui exhalait un parfum de la loi scélérate de février 2005 glorifiant la colonisation : «Ce canon fait partie intégrante de notre patrimoine historique de la défense (…). De plus, le personnel de la marine manifeste un attachement particulier à ce monument qui commémore la participation des marins à un épisode glorieux de l’histoire de nos armées.»

    Baba Merzoug avant la Grosse Bertha

    L’homme d’affaires breton a réussi par ailleurs, miraculeusement, à susciter l’intérêt de l’ambassade d’Algérie à Paris. Cette dernière a transmis le dossier au ministère de la Culture à Alger, tandis que l’Élysée «ne se dit pas opposé à une restitution, sous la forme d’un prêt à long terme».
    Un bail emphytéotique gracieux et susceptible de renouvellement.
    Le tenace Breton semblait s’inscrire dans l’esprit d’une pétition d’anciens officiers de l’armée coloniale qui, en 1912, réclamaient déjà le retour au bercail de Baba Merzoug.

    Invité de la chaîne publique française TV5 Monde, Yves Bonnet, patron de l’ex-DST de 1982 à 1985, a déclaré qu’il a écrit à Jean-Yves Le Drian, ministre des Affaires étrangères, pour lui demander de remettre à l’Algérie Baba Merzoug. L’ex-député, ami de l’Algérie assumé et président du Centre international de recherches et d’études sur le terrorisme et l’aide aux victimes du terrorisme (Ciret-AVT), a encore dit que ce serait de la part de l’ancien ministre de la Défense un «geste d’amitié» envers les Algériens dont «c’est le bien historique ».

    Un autre ami de l’Algérie, Jean-Pierre Chevènement (ministre de la Défense, ministre de l’Intérieur et de l’Éducation), invité à un colloque sur l’Émir Abdelkader, avait plaidé, quant à lui, pour la restitution des archives coloniales. Pour ce faire, Français et Algériens doivent, selon lui, «arriver à une conscience commune». Il a même soufflé une idée pratique aux autorités de son pays : «Rien n’empêche le partage des archives, on peut même les dupliquer.» Pour le papier, ça va, mais pour un canon de 12 tonnes de bronze tel Baba Merzoug, sorti de la fonderie Dar Ennahas en 1545, au cœur même de La Casbah, c’est un peu plus compliqué ! Comme les pouvoirs publics français ne peuvent réaliser une copie conforme de Baba Merzoug que leur marine a féminisé en le baptisant La Consulaire, s’offrait donc à eux une solution plus simple que la suggestion de M. Chevènement : le restituer tout simplement à qui de droit.

    Côté algérien, on sait que des amis de Baba Merzoug militent toujours pour sa restitution à l’Algérie, dans le cadre d’un comité pour le retour de ce «prisonnier de guerre». Ce comité va dans le sens de l’Histoire. Il sait que notamment Napoléon Bonaparte avait indûment subtilisé la célèbre statue d’Apollon qui se trouvait sur la place de Brandebourg à Berlin.

    Le monument a quand même fini par être remis à l’Allemagne. Le combat franco-algérien pour le rapatriement de Baba Merzoug fait sens car il tire sa substance de l’histoire de ce canon à nul autre pareil, jusqu’à l’invention par les Allemands de l’extraordinaire Grosse Bertha, utilisé pendant la Première Guerre mondiale.

    Son histoire propre est indissociable de celle de la Régence turque et de la colonisation de l’Algérie. Ainsi, après la reconquête d’Alger, consécutivement à la reprise du Penon aux Espagnols par Kheireddine Baba Arroudj, ce dernier, devenu souverain en 1529, entrevit la nécessité de fortifier la ville. Lui et son successeur Baba Hassan la dotent donc de forts et d’une série de puissantes batteries de marine. C’est grâce à ses travaux de génie qu’en 1541 Alger a repoussé l’impressionnante armada de Charles Quint, venu en personne récupérer ses «possessions» algériennes et venger l’humiliante défaite de sa marine, à Oran, face à Kheireddine.

    En 1542, pour célébrer la fin des travaux de fortification, Baba Hassan fait fabriquer un gigantesque canon par un fondeur vénitien, long de 6,25 mètres et d’une portée de 4,872 km – exceptionnelle pour l’époque. Cette pièce est baptisée affectueusement Baba Merzoug, père fortuné et protecteur béni de la rade et de la ville. Dirigé vers la Pointe Pescade, servi par quatre artilleurs et installé entre Bordj Essardine et Bord El Goumène (goumène = câbles, amarres, cordes), Baba Merzoug interdisait à l’époque à tout navire ennemi, quelle que soit sa puissance de feu, d’accéder à la rade d’Alger. Avec ses mille pièces d’artillerie, dont le canon en chef était Baba Merzoug, Alger avait mérité donc son surnom de Mahroussa. Dormez en paix braves gens, les canons algérois tirent au loin !

    Les Algériens, maîtres intraitables de la Méditerranée

    Plus d’un siècle plus tard, après avoir dicté aux Hollandais et aux Anglais des pactes de non-agression, les corsaires algériens deviennent les maîtres intraitables de la Méditerranée. Cette année-là, ils capturent une frégate française et vendent son commandant comme esclave sur l’actuelle place algéroise des Martyrs. Louis XIV, le Roi-Soleil, soucieux de rester en lumière, réagit en envoyant l’amiral Abraham Duquesne à la tête d’une expédition punitive d’une centaine de navires lourdement armés. Cette fois-ci, les marins français disposaient de bombes et de boulets incendiaires. Leur puissance de feu finit par contraindre le dey à demander un armistice et l’ouverture de négociations.

    L’intermédiaire français est alors le vicaire apostolique Levacher, désigné par le roi comme consul à Alger depuis 1671. Duquesne exige et obtient la libération de la plupart des captifs chrétiens. Mais c’était sans compter sur un certain Mezzo Morto, alias Hadj Hussein, riche renégat génois qui fomenta alors un complot politique, assassina Baba Hassan et ligua la population algéroise contre l’envahisseur français. L’amiral Duquesne reprend alors les bombardements. Mezzo Morto, devenu dey, inaugure en ces temps-là une méthode de représailles très expéditive et restée célèbre : le consul Levacher est introduit dans la bouche de Baba Merzoug avant que les artilleurs algériens ne fassent feu. C’est depuis ce jour que la marine française a donné le nom de La Consulaire à Baba Merzoug, en mémoire du diplomate pulvérisé.

    Après lui, d’autres captifs malchanceux subirent les mêmes foudres canonnières, et la terrifiante réputation de Baba Merzoug s’en trouva d’autant plus grandie. Finalement, l’amiral Duquesne rentra bredouille en France, et la marine française rumina sa défaite… jusqu’à la conquête de l’Algérie en 1830. Le 5 juillet de cette année, après la prise d’Alger, la plupart des canons sont fondus et transformés en francs nouveaux. Mais l’amiral en chef de l’armada française, Victor-Guy Duperré, lui, n’a pas oublié Baba Merzoug, le canon de l’amertume historique de la marine française. Il le fit donc transférer en Bretagne où il est érigé, à ce jour, en colonne votive dans l’arsenal de la ville militaire de Brest, au magasin général, Quai Tourville. Aujourd’hui, les promeneurs qui empruntent le pont de La Recouvrance peuvent distinguer en surplomb le canon planté au milieu d’un parking de la zone militaire.

    Les curieux découvriront alors un monument un peu piteux, l’affût recouvert d’un magma de plâtre jauni. Puis une grille rouillée autour d’un socle carré en marbre. Sur les côtés, des gravures de bronze commémorent l’histoire coloniale. Sur la plus réactionnaire de ces inscriptions, on peut lire : «L’Afrique délivrée, vivifiée, éclairée par les bienfaits de la France et de la civilisation.»

    Déjà, gravé dans le marbre de la condescendance coloniale, l’esprit du discours de Dakar de Nicolas Sarkozy ! Tout aussi bien, la philosophie de la loi infâme de février 2005 glorifiant le fait colonial.

    Les huit canons des Invalides et les crânes du Muséum aussi !

    Le militant de la mémoire Belkacem Babaci avait bien reçu des promesses de l’Élysée, faites par un certain Claude Guéant, alors secrétaire général. Bien des années plus tard, et malgré ces promesses qui peuvent être des promesses de Gascon, les autorités françaises ne semblent guère davantage disposées à se séparer de Baba Merzoug. Elles rappellent à l’occasion, à qui veut bien les entendre, qu’il se dresse maintenant depuis des décennies dans l’enceinte de la base navale de Brest, qu’il figure même sur des cartes postales de la ville et que la marine de guerre française en a surtout fait une question d’honneur militaire et d’orgueil national. Et si, à propos d’honneur militaire algérien et d’orgueil national, de ce côté-ci de la Méditerranée, les amis de Babaci, en attendant un sursaut d’orgueil des pouvoirs publics algériens, demandent de nouveau aux autorités françaises la restitution de Baba Merzoug et d’autres canons de la marine algérienne ? À savoir, les huit couleuvrines en bronze gisant sur le sol, à l’entrée de l’esplanade de l’Hôtel des Invalides ? Le cas échéant, la fête serait plus complète car Baba Merzoug serait ainsi accompagné de huit «petits frères» d’armes.
    Mais, il ne faut pas rêver, et surtout ne pas croire aux promesses quand elles existent. Pour revoir un jour Baba Merzoug à Alger, là où il a craché des boulets de feu des siècles durant, il faut plutôt sortir les canons de la fermeté et du bon droit !

    Tonner, comme doivent le faire les autorités algériennes, présidence de la République et ministère de la Défense en tête. Sortir le gros calibre pour revendiquer sa restitution. Tonnerre de Brest, ce ne serait alors que justice que de rapatrier de cette ville grise et triste Baba Merzoug, père national affectueux, jadis dispensateur de baraka aux Algérois ! Bénis soient donc son tube et son affût exceptionnels !

    Gouvernement et présidence de la République devraient aligner les batteries d’artillerie diplomatique. Monter en première ligne pour ne pas laisser les militants de la mémoire tirer à blanc sur les réseaux sociaux, au même titre que des journalistes esseulés comme l’auteur de cet article, réduits à lancer des pétards mouillés. Que nos militaires, nos diplomates, nos politiques et nos journalistes sachent donc que des Français n’ont pas hésité à donner de la voix, chez eux, utilisant, tour à tour, les armes de la pétition et du lobbying pour inciter à rendre Baba Merzoug aux Algériens. Il en est ainsi de ces honorables officiers de l’armée française qui, déjà en 1912, ont signé une pétition réclamant sa restitution à ses primo-propriétaires. De même que cet homme d’affaires breton, Domingo Friand, qui a porté la question devant le président Jacques Chirac et au Parlement français, comme déjà signalé supra. En vain. Mais si les Français trouvent toujours dans la séquestration de Baba Merzoug une justification de la mémoire coloniale, les Algériens, eux, devraient inverser l’argument mémoriel pour revendiquer la récupération d’un canon qui fit tant de bien pour la défense d’Alger contre des vagues d’envahisseurs successifs. En son temps, le canon providentiel avait fait des étincelles en tirant à boulets d’enfer sur moult escadres ennemies.

    Il est vrai que les marins français maugréent sous le képi bicorne à l’idée qu’on puisse déboulonner un jour Baba Merzoug de son piédestal brestois. Soit. Mais si la marine française y voit encore quelque gloire militaire à préserver en s’appropriant encore indûment le canon mythique de l’ennemi d’hier, son maintien au cœur de l’Arsenal de Brest ne relève pourtant d’aucune fatalité historique. Tout bien mal acquis est condamné à revenir à ses légitimes propriétaires. C’est presque une fatalité historique.
    Ne pas oublier à ce propos que le président Chirac, exemple symbolique à méditer, a déjà restitué le sceau du dey Hussein, ce potentat émasculé qui a capitulé sans tirer un coup de canon, en juillet 1830. La France, d’autre part, n’a-t-elle pas rendu aux ennemis héréditaires allemands la statue d’Apollon que Napoléon Bonaparte leur avait volée comme un vulgaire chapardeur de poules ? Alors, pour Baba Merzoug, chargeons tous les canons possibles pour exiger son retour, mais aussi celui des huit couleuvrines du château parisien des Invalides et des crânes du Chérif Boubaghla, de Cheikh Bouziane et de Moussa Derkaoui, entre autres, conservés au Muséum d’histoire naturelle de Paris comme des curiosités anthropologiques.
    Plus que des canons ou des restes mortuaires prestigieux, ce sont là des corpuscules insécables et incessibles de la mémoire historique algérienne. Inaliénables, ad vitam aeternam. Alors, Monsieur le Président Macron, rendez-nous notre bien patrimonial spolié, rendez-nous notre père Baba Merzoug ! On ne vous en supplie guère, on vous l’exige !

    N. K.

    Le Soir d’Algérie, 4 juin 2020

    Tags : France, Algérie, colonisation, Macron,