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  • Comment les USA et le Maroc se sont emparés du Sahara espagnol

    JACOB MUNDY, AU « MONDE DIPLOMATIQUE » : Comment les USA et le Maroc se sont emparés du Sahara espagnol

    Dans un long article paru dans l’édition anglophone du Monde Diplomatique du mois de janvier 2006, Jacob Mundy a démontré, en se basant sur des documents déclassifiés de l’administration américaine, que les Etats-Unis ont aidé le roi Hassan II à s’emparer du Sahara occidental.

    Tarek Hafid – Alger (Le Soir) – Le rôle du gouvernement des USA lors de la crise d’octobre-novembre 1975 a été le sujet de beaucoup de spéculations, alors que peu de faits sont connus. Avec peu d’arguments, souvent circonstanciels, divers observateurs ont accusé les USA de toute une gamme d’attitudes, allant de la passivité à la complicité.

    Ces accusations de complicité n’étaient pas totalement infondées. Trois ans après la crise, le Parlement espagnol a enquêté sur l’affaire. Plusieurs fonctionnaires ont déclaré que la France et les USA avaient fait pression sur Madrid pour accéder aux demandes de Hassan II. Et le directeur adjoint de la CIA à l’époque, le lieutenant-général Vernon Walters, a laissé entendre qu’il était intervenu au nom des USA pendant la crise, déclaration reprise plus tard par d’autres sources dans le New York Times en 1981. Etant donné les étroites relations de Walters avec Hassan II, datant du débarquement allié à Casablanca, le journaliste Bob Woodward l’a décrit une fois comme l’agent personnel du monarque au sein de la CIA, écrit Jacob Mundy dans cet article paru dernièrement dans la dernière l’édition anglophone du Monde diplomatique.

    Selon Mundy, qui a repris des documents officiels de l’administration américaine ainsi que des déclarations de hautes personnalités, Hassan II aurait reçu le feu vert pour s’emparer du Sahara occidental durant l’été 75 lors d’une rencontre avec Henry Kissinger. Les documents officiels ne révéleront jamais toute la vérité tout était possible à cette époque, note-t-il en rapportant les propos de Richard Parker, ambassadeur des USA en Algérie durant cette période.

    Accord ou pas, l’administration Ford était au courant des velléités du Maroc de s’approprier le Sahara occidental dès le départ de l’occupant espagnol. Rappelons que le Maroc avait requis un avis consultatif de la Cour internationale de justice (CIJ) portant sur l’existence de liens entre le Sahara occidental et le royaume du Maroc. Ce dernier a finalement été débouté par cette institution internationale qui a conclu que les éléments et renseignements portés à sa connaissance n’établissent l’existence d’aucun lien de souveraineté territoriale entre le territoire du Sahara occidental, d’une part, le royaume du Maroc ou l’ensemble mauritanien, d’autre part. La « marche verte » de Hassan II est donc une réponse à l’avis formulé par la CIJ.

    Rencontrant Hassan II lors d’un voyage préprogrammé pour discuter du conflit israélo- arabe, le vice-secrétaire d’Etat, Alfred Atherton, a rapporté le 22 octobre que le Maroc et l’Espagne avaient conclu un accord permettant la marche tout en sauvant la face. Ils utiliseraient par la suite l’Onu pour légitimer l’occupation marocaine au moyen d’un plébiscite contrôlé, permettant ainsi « l’Espagne de se retirer avec élégance », explique Mundy. Mais l’invasion des territoires sahraouis ne se déroule pas comme l’avait prévu le commandement marocain.

    Les FAR et les marcheurs plusieurs centaines de civils marocains font face aux troupes du Polisario. « La situation devient critique pour Hassan II. Hassan II s’est retiré du Sahara. Mais s’il ne l’obtient pas, il est fini. Nous devrions maintenant travailler à ce qu’il l’obtienne. Nous allons agir au sein de l’Onu (pour) assurer un vote favorable », a indiqué Kissinger au président Ford, le 10 novembre 1975. « Malheureusement pour Kissinger, l’Onu n’a pas été capable d’organiser un vote « truqué » durant l’administration tripartite transitoire (Maroc, Mauritanie et Espagne), qui a vu la moitié de la population indigène fuir vers le désert avant le retrait de l’Espagne en février 1976. La sanction des urnes étant refusée, le Polisario a essayé de réaliser l’autodétermination par le fusil », indique Jacob Mundy. Il en conclut que les Etats-Unis ont largement favorisé le Maroc dans l’invasion du Sahara occidental.

    « En 1976, le spécialiste renommé du droit international, Thomas Franck, a décrit avec justesse la politique des USA pendant la crise comme « un acte d’opportunisme politique fondé sur des alliances est/ouest ». On pourrait en dire autant aujourd’hui de la politique américaine de « neutralité » par rapport au conflit du Sahara occidental, ainsi qu’à d’autres conflits touchant à la négation de l’autodétermination nationale. La seule différence entre 1975 et 2005 réside dans le contexte géopolitique justificateur. On est passé de la guerre froide à la guerre contre le terrorisme, ce qui nous amène à croire que notre neutralité proclamée est un luxe que nous ne pouvons pas encore nous permettre. Mais la persistance du conflit du Sahara occidental démontre les imperfections de la politique américaine de « neutralité » au Sahara. Durant les 30 dernières années, Washington ne s’en est pas rendu compte », conclut Jacob Mundy. T. H.

    Texte traduit de l’anglais par ARSO.

    Membre fondateur de l’Association « Friends of the Western Sahara », Jacob Mundy poursuit des études en post-graduation à l’université de Washington. Il est coauteur, avec Stephen Zunes, de Western Sahara: war, nationalism and conflict irresolution, Sahara occidental: guerre, nationalisme et conflit irrésolu), à paraître prochainement aux Editions Syracuse University Press.

    Le Soir d’Algérie, 4 fév 2006

    Tags : Sahara Occidental, Maroc, ONU, MINURSO, France, Etats-Unis, USA, décolonisation,

  • Enjeux des droits de l’homme au Sahara Occidental : Thèse de doctorat à Alger

    « Les droits de l’homme comme enjeu des relations internationalescas du Sahara occidental » est le thème d’une thèse de doctorat présentée dimanche à la faculté des sciences politiques de l’Université d’Alger 3, avec comme problématique « l’exercice du droit à l’autodétermination pour la résolution du conflit du Sahara occidental.

    Le droit à l’auto-détermination étant l’un des droits de l’homme figurant dans la catégorie de la troisième génération des droits de l’homme reconnue par les Nations unies dans la Charte des droits de l’Homme est pour le doctorant, Djallal Benabdoun, suffisant pour réclamer le droit des Sahraouis à l’indépendance.

    « Le droit à l’autodétermination est la norme impérative. C’est un droit opposable à tous », a plaidé le doctorant. « Le droit à l’auto-détermination a donné lieu, d’ailleurs, dans l’histoire à plus de 80 % des pays ayant connu la colonisation à l’indépendance, et ce, à travers les différents continents », soutient- il.

    « Le Maroc qui mesure l’importance et le poids de cet argument a de tout temps tenté de manipuler l’opinion internationale, en brandissant tantôt le principe de +l’ingérence étrangère et tantôt la souveraineté territoriale+ », fait remarquer en outre le doctorant.

    Soutenu par ses alliés, le Maroc, relève l’auteur de la thèse, a entravé en 2013 l’initiative de l’ancien envoyé spécial des Nations- Unies pour le Sahara Occidental, James Baker, d’élargir les prérogatives de la MINURSO (Mission des Nations unies pour l’organisation d’un référendum d’autodétermination au Sahara occidental). « L’un des alliés du Maroc avait menacé de recourir au véto pour faire tomber à l’eau ladite initiative », dira-t-il.

    Le droit à l’autodétermination n’est toutefois pas mis en avant -du moins jusqu’ici- par les autres Missions intervenant au Sahara occidental. « Sur les 14 opérations de maintien de la paix (OMP), il n’y que 5 qui s’intéressent au respect du droit à l’autodermination du peuple sahraoui « , relève en outre M. Benabdoun, insistant sur le fait que c’est le Maroc qui se trouve à chaque fois derrière la manipulation de l’opinion internationale. « Pour gagner du temps qui constitue désormais le plus grand allié du Maroc, ce dernier crée d’autres concepts à l’image du +compromis+ », soulignet- il.

    « Le droit à autodétermination n’est pas le seul droit qui est bafoué dans le cas du Sahara Occidental. De nombreux droits de l’homme figurant dans les autres catégories ne sont pas tenus en compte », conclut le doctorant, affirmant que « la nouvelle génération de Sahraouis ne vont pas se laisser faire à l’avenir ».

    Le chercheur a abordé, également, au cours de son exposé la genèse de la question sahraouie, en passant en revue les différentes étapes caractérisant désormais la dernière colonie en Afrique. « Le silence de l’ancien colonisateur du Sahara occidental, l’Espagne en l’occurrence suscite moult interrogations », a déploré le chercheur.

    Par ailleurs, le régime marocain a de nouveau empêché la présence des avocats et des observateurs internationaux au procès de la journaliste sahraouie Nazha El Khalidi poursuivie pour ses activités de défense des droits de l’Homme dans les territoires sahraouis occupés, ont rapporté hier des médias espagnols. Les autorités marocaines ont empêché dimanche l’accès à Laâyoune occupée aux avocats espagnols Miguel Angel Jerez, Jose Maria Costa et Ines Miranda, qui ont été accrédités par le Conseil général du droit espagnol (CGAE), ont indiqué des sources médiatiques espagnoles.

    Arrivés dans la capitale du Sahara occidental occupé en provenance de Las Palmas de Gran Canaria, pour assister au procès de la journaliste sahraouie, prévu lundi 24 juin, les juristes espagnols ont été empêchés par la police marocaine de descendre de l’avion et ont dû rentrer le même jour aux îles Canaries, ont poursuivi les mêmes sources.

    Selon le site d’information sahraoui Equipe Media, deux autres observateurs internationaux n’ont pas été aussi autorisés samedi à se rendre à l’aéroport de Casablanca (Maroc) pour assister au procès contre la journaliste sahraouie. Ces expulsions d’avocats et d’observateurs surviennent après celles enregistrées le 19 mai dernier contre une autre délégation d’avocats espagnols qui devait se rendre au Sahara occidental occupé pour assister au procès prévu le 20 mai contre la journaliste sahraouie, avant d’être reporté au 24 juin.

    Source : La Tribune des Lecteurs

    Tags : Sahara Occidental, Maroc, ONU, autodétermination, occupation, décolonisation,

  • Décolonisation: le Séminaire régional pour les Caraïbes se déroulera du 2 au 4 mai à la Grenade

    La Grenade accueillera, du 2 au 4 mai, le Séminaire régional pour les Caraïbes du Comité spécial de la décolonisation qui est consacré, cette année, à l’accélération de la mise en œuvre de la troisième Décennie internationale de l’élimination du colonialisme (2011-2020).

    À l’aune des récents développements dans les Caraïbes, le Pacifique, et d’autres régions, la tenue du séminaire sera l’occasion de faire le point sur la situation dans les 17 territoires non autonomes qui relèvent du Comité spécial, notamment en ce qui concerne l’appui qui leur est accordé par les systèmes de l’ONU et d’autres organisations.

    Les conclusions et recommandations du Séminaire seront ensuite étudiées par le Comité spécial au mois de juin, lors de sa session de fond, puis transmises à l’Assemblée générale.

    L’intitulé complet du thème du Séminaire régional pour les Caraïbes est: « Mise en œuvre de la troisième Décennie internationale de l’élimination du colonialisme: accélérer la décolonisation grâce à un engagement renouvelé et à l’adoption de mesures pragmatiques ».

    Il se déroulera sous les auspices du Comité spécial et sera présidé par la Présidente de celui-ci, Mme Keisha Aniya McGuire, Représentante permanente de la Grenade.

    Parmi les participants qui ont été invités au Séminaire, il faut citer le Bureau et les membres des groupes régionaux du Comité spécial, les États Membres, notamment les puissances administrantes, ainsi que des représentants de territoires non autonomes, de la société civile, d’ONG et des experts.

    Communément appelé « Comité spécial des Vingt-Quatre », cet organe porte officiellement le nom de Comité spécial chargé d’étudier la situation en ce qui concerne l’application de la Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux.

    En tout, le Comité compte 29 membres, à savoir Antigua-et-Barbuda, la Bolivie, le Chili, la Chine, la Côte d’Ivoire, Cuba, la Dominique, l’Équateur, l’Éthiopie, la Fédération de Russie, les Fidji, la Grenade, l’Inde, l’Indonésie, l’Iraq, le Mali, le Nicaragua, la Papouasie-Nouvelle-Guinée, la République arabe syrienne, la République du Congo, la République islamique d’Iran, la République-Unie de Tanzanie, Sainte-Lucie, Saint-Kitts-et-Nevis, Saint-Vincent-et-les Grenadines, la Sierra Leone, le Timor-Leste, la Tunisie et le Venezuela (République bolivarienne du Venezuela).

    Les 17 territoires qui relèvent du Comité spécial sont: Anguilla, les Bermudes, Gibraltar, Guam, les îles Caïmanes, les îles Falkland (Malvinas)*, les îles Turques et Caïques, les îles Vierges américaines, les îles Vierges britanniques, Montserrat, la Nouvelle-Calédonie, Pitcairn, la Polynésie française, le Sahara occidental, Sainte-Hélène, les Samoa américaines et les Tokélaou.

    Les documents de travail du Secrétariat sur chacun des territoires non autonomes sont disponibles sur le site Internet des Nations Unies consacré à la décolonisation: http://www.un.org/fr/decolonization/.

    La Grenade a déjà accueilli le Séminaire régional à trois reprises: du 9 au 11 mai 2018, du 22 au 24 mai 2007 et du 17 au 19 juin 1992.

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    * La souveraineté sur les îles Falkland (Malvinas) fait l’objet d’un différend entre le Gouvernement de l’Argentine et le Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord (voir ST/CS/SER.A/42).

    Tags : Décolonisation, Décennie internationale de l’élimination du colonialisme, colonialisme, territoires non autonomes,

  • Le Maroc doit arrêter de courir avec le lièvre et chasser avec les chiens

    RASD: Un frère qui pleure dans le désert!

    Le colonialisme, comme l’impérialisme, est une pratique de domination et de soumission d’un peuple par un autre. Le désir de posséder et de contrôler les territoires d’autres peuples est au cœur du colonialisme, un phénomène qui n’est ni nouveau ni accidentel.

    La colonisation européenne des sociétés africaines n’est pas le fruit du hasard, car elle repose sur une volonté bien calculée d’acquérir des matières premières et une main-d’œuvre bon marché pour des industries en expansion. Avec les opportunités offertes par l’industrialisation et l’esclavage en déclin, le capital a dû trouver un moyen d’expansion et la route naturelle est devenue l’Afrique, le Moyen-Orient et l’Asie s’avérant non rentables (Williams 1944).

    Parce qu’il s’agit d’une forme de conquête, le colonialisme s’appuie fortement sur la puissance du pouvoir impérial et suit un schéma qui rend difficile la décolonisation complète des colonisés sans exercer une dose correspondante de violence en représailles, car il affecte le psychisme par l’érosion culturelle et un système éducatif volontairement structuré (Fanon 1967).

    La terre d’un peuple est sa fierté et son espoir, car elle rapporte son identité et façonne ses aspirations. Comme l’écrit Nilene Omodele Adeoti Foxworth dans « Bury Me in Africa » (1978), « un peuple sans terre est comme du bétail sur une terre nue, sans rien pour brouter, il se morfond sans espoir ».

    Celui qui contrôle la terre contrôle tout ce qui est digne de la vie ; les richesses minérales, les rivières et tout ce qui bouge dans leur ventre, les oiseaux et tout. La terre ne perd pas de valeur, en tant que telle avec le temps, elle peut être mise en gage pour n’importe quoi.

    Beaucoup considéreraient un terrain rocailleux et sablonneux aujourd’hui comme stérile, pour qu’il devienne demain une mine de diamants ou d’or, et qu’il soit toujours gardé jalousement. Les luttes de libération à travers le continent africain ont été stimulées par la promesse d’une reprise de possession et de la propriété de la terre, un héritage ancestral.

    Les Africains ne peuvent pas vraiment se considérer libres si la liberté ne se traduit pas par la propriété de la terre, la propriété totale de la patrie. Il y avait eu des bains de sang hideux à cause du désir ardent de contrôler la terre, à cause de son importance dans la matrice de survie de l’homme. La terre est un héritage dont la valeur est équitable pour la vie et ne peut donc pas être mesurée en termes monétaires.

    Les Africains sont inséparables de leur terre.

    Il est donc tristement décourageant qu’un pays africain reste colonisé au XXIe siècle, non pas par les accapareurs de terres européens habituels, mais par un autre frère africain. Que le peuple du Sahara Occidental, aussi connu sous le nom de République Arabe Sahraouie Démocratique (RASD), reste colonisé, ou a été colonisé par le Maroc, voisin africain en premier lieu, qui est censé jouer un rôle de  » gardien du frère « , cela dégage l’odeur de l’avarice, l’insensibilité et l’égoïsme absolu.

    Et que le monde occidental, les soi-disant champions de la démocratie ferment les yeux sur ce qu’on appelle « l’altérité », donne une mauvaise réputation au terme mondialisation, est un exemple de deux poids, deux mesures et un poignard dans le dos de la justice internationale. Le fait que l’Afrique regarde un frère se faire mutiler, tué et laisser pour mort est aussi déchirant qu’enraciné dans l’appareil colonial que le continent a enduré et qu’il subit encore avec le traumatisme qui en découle.

    Ironiquement, le Maroc est membre de l’Union africaine, anciennement Organisation de l’Union africaine (OUA), dont les protagonistes et les fondateurs étaient idéologiquement clairs sur ce qu’ils voulaient réaliser : la libération totale des peuples africains. Avec le peuple sahraoui attaché à la machine coloniale d’un frère, on peut se demander où sont les pères du continent et si la fraternité a pris un nouveau nom.

    A qui appartient la main du Maroc ? Quelles cartes gagnantes tombent sur la table de poker africaine ? Et à qui appartient la roulette de l’Union africaine et à quelle fin ?

    Si le Maroc est sincère sur le fait d’être africain, et sur ce qu’il ressent comme africain, comme le stipule l’Acte constitutif de l’Union africaine dont il est signataire, alors la noble chose à faire est de se comporter dans l’esprit africain. Il est plutôt hypocrite de la part du Maroc de faire partie d’une organisation qui prône la libération totale des griffes du colonialisme, tout en parodiant le train du cirque de l’Empire.

    C’est dans cet esprit de lutte fraternelle que la SADC réaffirme son engagement en faveur de la décolonisation du Sahara Occidental sous les chaînes coloniales marocaines depuis 1975, comme il est de coutume. L’organe régional s’est réuni à Pretoria, en Afrique du Sud, récemment, en solidarité avec le peuple sahraoui dans son désespoir face à ses terres pillées et ses rêves ardents.

    S’exprimant lors de la Conférence de solidarité de la SADC avec la République démocratique arabe sahraouie, le président Mnangagwa a souligné que, sans une RASD libre, les rêves de l’Afrique restent enfermés dans un coffre-fort ailleurs, donc la libération du frère traumatisé devrait être la priorité absolue.

    Cet appel a été lancé par d’autres dirigeants de la SADC, qui ont estimé que la politique de diviser pour régner à l’instigation de l’Empire devait être évitée avec le mépris qu’elle mérite.

    « La quête d’une paix durable et d’une prospérité collective dans la mise en œuvre de l’Agenda 2063 de l’Afrique ne sera pas pleinement réalisée tant que le peuple sahraoui travaillera et souffrira dans un cycle d’oppression et de privations, perpétrées par un autre membre de la famille africaine. La libération du peuple sahraoui doit être au premier plan de nos priorités continentales « , a déclaré le président Mnangagwa.

    « Nous rejetons totalement l’idée que l’Union africaine (UA) n’a pas de locus standi dans le différend sur le Sahara occidental. Les parties belligérantes sont des Africains qui se battent pour des territoires en Afrique « , a-t-il réitéré.

    Oui, comment l’UA peut-elle prétendre qu’elle est incapable de maîtriser l’un des siens à contre-courant de la nature? Le principe de « l’animalisme » qui dit que tous les animaux sont égaux devrait s’appliquer à tous les membres, quelle que soit leur influence.

    Le Maroc ne devrait pas courir avec le lièvre et chasser avec les chiens, et les Nations Unies ne devraient pas traiter le Maroc avec clémence lorsqu’il s’agit de l’application du droit international et des droits souverains des peuples colonisés. Pourquoi le Maroc, connu sous le nom de colonisateur ou d’occupant illégal pour l’euphémisme, devrait-il être autorisé à faire partie à la fois de l’ONU et de l’UA ? C’est vraiment époustouflant.

    L’UA devrait être informée du fait que le colonialisme demeure la cause de la névrose sociale universelle dans les sociétés post-coloniales en raison de la façon dont il affecte la pensée et le comportement individuels. C’est une sorte d’emprisonnement psychologique permanent.

    Selon Lacan (1973) dans « Le Séminaire de Jacques Lacan : Livre 111 », la névrose est plus profonde qu’une condition spécifique, mais prend la forme d’une illusion « lisible » qui est structurée comme un langage. En raison de son impact sur le psychisme, le colonialisme est une sorte de maladie (névrose) qui n’est pas guérissable, en ce sens que pour les opprimés, c’est un état qui est vécu et revécu ; génération après génération, devenant ainsi un système social complexe.

    Certes, les Africains sont conscients de la nature subtile du colonialisme et de son impact sur la psyché ; précurseurs des luttes de libération, alors pourquoi joueraient-ils aveuglément le sort du peuple sahraoui, et restent sourds à ses cris. Si la solidarité peut durer une saison et renforcer la conviction, elle ne suffit pas si elle se limite aux salles de conférence. Le sort des Sahraouis va au-delà de la solidarité des conférences et, en fait, au-delà des groupements régionaux.

    Si la SADC est divisée, et si la SADC n’est pas l’Afrique, et certainement pas l’UA, quelles sont les chances que la voix bâillonnée du peuple opprimé et colonisé du Sahara occidental trouve de l’écho à l’ONU ? Si la justice porte tant de nuances, comme des nuances de gris trompeuses, quelle justice l’UA et l’ONU avancent-elles lorsqu’elles s’entretiennent en l’absence du Maroc ou des Sahraouis, ou même en leur présence ?

    Aux prises avec ses propres malheurs internes, le Maroc ne doit pas s’accabler ou être tenu responsable des malheurs des Sahraouis. Les ressources du Sahara Occidental appartiennent à son peuple, et non au Maroc, à la France, à l’Espagne ou à tout autre pillard. Toute forme de négociation pour la décolonisation doit respecter la volonté du peuple sahraoui. En tant que voisin et compatriote, le Maroc a besoin de Sahraouis autant que les Sahraouis ont besoin du Maroc, ils doivent donc se retrouver dans un esprit de fraternité, pour le bien commun de leurs peuples.

    La paix, la paix et plus de paix, voilà ce que leur région instable réclame si la prospérité doit voir le jour et rester illuminée. C’est pourquoi le Maroc et le Front POLISARIO, mouvement en faveur de l’indépendance du Sahara occidental, doivent s’engager de toute urgence et sincèrement.

    Le traumatisme colonial façonne les sociétés, des générations après la colonisation, parce que les expériences individuelles du colonisateur (maître) et du colonisé (indigène) façonnent leur manière de penser, d’où, en fin de compte, un comportement névrotique contradictoire, comme l’exprime Spivak dans son « hallucination rétrospective » (Spivak 1967:275). Ayant enduré 43 ans d’impunité, de violence, d’abus et de pillage de leurs ressources naturelles, le peuple sahraoui réclame de l’aide, surtout de la part de frères qui comprennent ce que signifie être enchaînés, ayant vécu la même chose.

    Les Africains doivent affronter violemment le colonialisme et rejeter toute tactique visant à les entraver, car c’est la seule façon de se décoloniser et de décoloniser leurs sociétés (Fanon 1967). Ils devraient parler d’une seule voix et écouter les gémissements déprimés de l’un des leurs.

    Mais le leur pourrait-il être un cri sourd dans le désert ?

    Comme l’a souligné le Président Mnangagwa : « L’Union africaine et tous les États membres ont un intérêt direct dans cette affaire. A cet égard, nous appelons tous les Etats membres de l’UA à apporter leur plein appui à l’ancien président du Mozambique, Joaquim Chissano, dans l’exécution de son mandat en tant que Haut Représentant de l’UA au Sahara occidental ».

    C’est l’esprit, c’est la voie à suivre, car l’Afrique est notre terre, notre patrie ! Aucun membre de l’UA ne devrait rester une colonie.

    The Herald, 30 mars 2019

    Tags : Sahara Occidental, Sahara Occidental, SADC, Union Africaine, UA, décolonisation,

  • Sahara occidental : un conflit de décolonisation toujours sans solution

    Mardi 12 mars 2019 / DE : JACQUES FONTAINE

    Le Sahara occidental est l’un des derniers territoires non autonomes reconnu par l’ONU et sa situation reste plus que jamais bloquée. Pourquoi ce territoire, vaste comme la moitié de la France, peu peuplé mais riche (phosphates, minerai de fer, pêche…) n’a t-il pas encore pu exercer son droit à l’autodétermination pourtant demandé à l’Espagne par l’ONU dès 1963 ? Pourquoi 43 ans après le départ de l’Espagne est-il encore sous la férule du pouvoir marocain et pourquoi les multiples résolutions et initiatives de l’ONU ne sont-elles toujours pas appliquées ?

    Un territoire désertique, sous-peuplé et sans allégeance politique

    Comme son nom l’indique, le Sahara occidental est la partie de l’immense désert saharien qui s’étend en bordure de l’Atlantique. Jusqu’au XXe siècle, il n’était peuplé que de populations qui nomadisaient de manière aléatoire en fonction des rares précipitations. Ces « pâturages » à la végétation temporaire parsemée de rares épineux permettaient de nourrir des troupeaux de chèvres et de dromadaires qui assuraient l’essentiel des besoins alimentaires (avec des céréales venant du Maghreb) d’une population peu nombreuse appartenant dans sa grande majorité à deux confédérations tribales maures, celles des R’guibat et des Teckna. (Les populations maures vivaient sur un territoire aux confins indéfinis de près de 2 millions de km² qui s’étendait de la vallée du Draa [sud du Maroc actuel] jusqu’au fleuve Sénégal et comprenant le Sahara occidental actuel, la Mauritanie et l’extrême ouest algérien [région de Tindouf]). Le cadre existentiel (politique, économique, social…) de ces populations était la tribu. Ces tribus ne reconnaissaient aucune allégeance politique au seul État constitué dans la région, le Maroc, même si, à certaines époques de l’histoire, l’expansion marocaine avait atteint les fleuves Sénégal et Niger. Le seul lien avec le Maroc était de nature religieuse, en raison du statut de « commandeur des croyants » du sultan.

    Une colonisation brève et superficielle (1884-1975)

    C’est en 1884 que l’Espagne place sous son protectorat les populations nomades de la côte atlantique du Sahara, de l’embouchure du Draa au cap Blanc (cf carte). En 1885, la conférence de Berlin entérine le partage colonial de l’Afrique et donc la présence de l’Espagne sur la côte atlantique du Sahara. En 1900, une convention franco-espagnole délimite les frontières du Sahara occidental de manière totalement artificielle, sans tenir compte des populations qui voient leurs aires de nomadisation partagées entre les puissances coloniales (ce qui ne les empêche pas de continuer à mener leur mode de vie ancestral, d’autant plus que la présence coloniale reste très ponctuelle jusqu’au milieu des années trente).

    La découverte de réserves de phosphate en 1947 à Boucraâ par les Espagnols rend le Sahara occidental économiquement viable et retarde sa décolonisation. En 1957/58, suite à son indépendance (1956), le Maroc – dont certains hommes politiques rêvent d’un « Grand Maroc » qui s’étendrait jusqu’au fleuve Sénégal et comprendrait aussi l’ouest de l’Algérie et le nord-ouest du Mali – entreprend la conquête du Sahara occidental. L’opération militaire conjointe franco-espagnole (dite opération Écouvillon) met en échec le projet marocain. Un accord avec Franco permet néanmoins au Maroc d’annexer le nord du Sahara occidental (région de Tan-Tan/Tarfaya).

    La fin de la colonisation espagnole (1963-1975)

    En 1963, le Sahara espagnol est inscrit à la demande du Maroc sur laliste des territoires non autonomes de l’ONU. De 1965 à 1973, huit résolutions de l’Assemblée générale des Nations unies demandent à l’Espagne de mettre en œuvre le processus d’autodétermination du Sahara occidental. Devant l’inaction de l’Espagne, les nationalistes sahraouis commencent à se structurer dans la seconde moitié des années soixante et ce mouvement aboutit, le 10 mai 1973, à la création, en Mauritanie, du Front POLISARIO (Front populaire de libération de la Saguia el-Hamra et du Rio de Oro) dont le but est la libération par les armes du Sahara occidental ; El-Ouali Moustapha Sayed en est élu secrétaire général. Le Maroc réplique par la création d’un mouvement collaborationniste en 1974, le FLU (Front de libération et de l’Unité).

    Devant la pression politique marocaine et militaire sahraouie, le 21 août 1974, l’Espagne annonce la tenue d’un référendum d’autodétermination pour le début de 1975. Le roi du Maroc s’y oppose et demande l’arbitrage de la Cour internationale de Justice (CIJ). En octobre, lors du sommet de l’OUA à Rabat, le Maroc et la Mauritanie (réconciliés depuis 1969, date de la reconnaissance de la seconde par le premier) concluent oralement un accord secret afin de se répartir le territoire sahraoui. Le 13 décembre 1974, l’Assemblée générale de l’ONU adopte la résolution 3292 qui réaffirme le droit à l’autodétermination du Sahara espagnol et demande à la CIJ d’émettre un avis consultatif sur le statut et les liens juridiques du territoire et mandate une mission de visite dans le territoire.

    Dans le courant de l’année 1974, l’Espagne a effectué un recensement partiel de la population (ni les nomades – nombreux- ni les réfugiés n’ont été pris en compte) et a comptabilisé 70 à 80 000 habitants, soit moins du tiers des estimations du Polisario (250 à 300 000 personnes). A la mi-octobre 1975, la mission d’observation et la CIJ rendent leurs conclusions : il existe un « consensus écrasant parmi les Sahraouis vivant sur le territoire en faveur de l’indépendance et en opposition à l’intégration avec tout pays voisin » ; la CIJ ne constate aucun lien de souveraineté territoriale entre le Maroc et le Sahara espagnol et demande « l’application du principe d’autodétermination grâce à l’expression libre et authentique de la volonté des populations du territoire ».

    Le lendemain de l’avis de la CIJ, Hassan II annonce l’organisation d’une « Marche Verte » pour laquelle la logistique a déjà été mise en place (avec l’aide de puissances étrangères) afin d’« expulser les infidèles colonialistes » et d’incorporer le Sahara occidental au Maroc. Début novembre, 350 000 civils organisés en « marche pacifique » encadrés par 20 000 militaires franchissent la frontière. Le 6, le Conseil de sécurité des Nations unies approuve la résolution 380 qui « demande au Maroc de retirer immédiatement du territoire du Sahara occidental tous les participants à la marche ».

    Fort du succès de la « Marche Verte » et servi par la situation politique interne de l’Espagne déstabilisée par la longue agonie de Franco (16 octobre – 20 novembre), Hassan II obtient un aval quasi-inconditionnel du gouvernement espagnol : par les accords de Madrid du 14 novembre 1975, le Maroc obtient les deux tiers nord du territoire sahraoui (dont la région de El-Aïoun [ou Layyoune] et les mines de phosphate de Boucraâ) et la Mauritanie le tiers sud. La population locale n’est pas consultée et le Front Polisario s’oppose violemment aux accords. Le 10 décembre, l’Assemblée générale de l’ONU adopte la résolution 3458, qui demande aux parties concernées « de mettre fin à toute action unilatérale ou autre qui outrepasserait les décisions de l’Assemblée générale relatives au territoire ». Le Maroc et la Mauritanie n’en n’ont cure.

    Les débuts de la guerre et la proclamation de la RASD (1975-1976)

    Pendant l’hiver 1975-76, de violents affrontements opposent le Front Polisario et l’armée marocaine aux méthodes brutales (torture, assassinat de civils, utilisation du napalm, selon la Croix-Rouge) tandis que des dizaines de milliers de civils sahraouis (40 000 selon la Croix-Rouge) quittent leurs villes, leurs oasis ou leurs campements devant l‘avancée des troupes marocaines d’occupation et s’installent en Algérie, dans la région de Tindouf où seront progressivement édifiés des camps… qui existent toujours aujourd’hui.

    Soutenu et armé par la Libye et l’Algérie, renforcé par l’ex-police territoriale coloniale licenciée fin octobre par les autorités espagnoles, le Front Polisario – dont les hommes connaissent bien leur territoire – devient un adversaire redoutable pour l’armée marocaine souvent statique. Plusieurs affrontements ont lieu à partir de décembre 1975, en particulier le Polisario détruit la bande transporteuse qui relie les mines de Boucraâ et le port de El-Aïoun, ce qui empêche l’exportation de phosphates pendant plusieurs années ; les plus violents combats se produisent à Amgala, oasis par où transitent les réfugiés qui fuient en direction de l’Algérie l’occupation marocaine ; l’armée chérifienne attaque les forces du Polisario soutenues par militaires algériens le 27 janvier, la bataille fait plusieurs centaines de morts et de prisonniers ; le Maroc reste maître du terrain, mais pour peu de temps, il en est chassé par le Polisario deux semaines plus tard. Les deux batailles d’Amgala font craindre un affrontement direct entre le Maroc et l’Algérie, perspective qui s’estompe progressivement au printemps 1976.

    Le 27 février 1976, le Front Polisario proclame la République arabe sahraouie démocratique (RASD) à Bir-Lahlou, au lendemain du retrait total de l’armée espagnole du territoire. La RASD sera progressivement reconnue par 72 ou 85 États (selon les sources), principalement africains ou latino-américains ; mais aucun État membre du Conseil de sécurité de l’ONU, ni de l’UE ne l’a fait.

    De la guerre au cessez-le-feu (1976-1991)

    A partir de février 1976, il n’y aura plus de batailles importantes, mais une multiplication des coup de mains souvent audacieux du Polisario contre le Maroc et surtout la Mauritanie, perçue comme le maillon faible : raids contre Nouakchott, la capitale mauritanienne (juin 1976), puis Zouérate (mai 1977) où deux coopérants français sont tués et six autres enlevés, ce qui justifie, selon Giscard d’Estaing, une intervention française en décembre (Opération Lamentin), nouveau raid sur Nouakchott le même mois, puis multiplication des opération de guérilla…

    La Mauritanie est épuisée par le conflit, son armée diminuée par les défections au profit du Polisario dont le nombre de combattants ne cesse d’augmenter (5000 en 1976, 15 000 en 1980). Un coup d’état renverse le président Mokhtar Ould Daddah en juillet 1978. Le Polisario arrête ses opérations en Mauritanie et un an après, la Mauritanie accepte toutes les conditions du Polisario et se retire du sud du Sahara occidental… immédiatement occupé par l’armée marocaine.

    Dès janvier 1979, le Polisario, de mieux mieux équipé, lance des attaques massives sur les positions marocaines, aussi bien dans le territoire sahraoui (Bir Anzarane, Smara, Mahbès…) que dans le sud du Maroc : Tan-Tan (janvier 1979), Lebouirat (août 1979), Djebel Ouarkziz (mars 1980, probablement la plus importante victoire sahraouie)… Ces batailles, qui regroupent parfois plusieurs milliers d’hommes dans chaque camp, vont amener le Maroc à changer de stratégie.

    Dès 1979, l’idée d’un mur de défense s’impose comme une évidence pour les autorités marocaines. En 1980, le génie militaire marocain, conseillé par des spécialistes israéliens, commence la construction d’un « mur des sables » dans le nord-ouest du territoire sahraoui pour préserver le « Sahara utile » (triangle Boujdour-Boucraâ-Smara) des attaques du Polisario. Ce premier mur, achevé en 1982 sera suivi de cinq autres (dont l’un dans le sud du Maroc, à l’ouest de la frontière algérienne), financés principalement par l’Arabie Saoudite avec l’accord des Etats-Unis (la difficile situation économique et sociale du Royaume ne lui permet pas de financer ces travaux titanesques).

    Terminé en 1987, c’est, avec 2 720 km, l’un des plus longs du monde. Il est formé de remblais, de tranchées, protégé par des champs de mines et des radars de surveillance et par une centaine de milliers de soldats qui peuvent bénéficier d’un appui aérien immédiat en cas de nécessité (Mirage français et F5 étasuniens). Désormais, le Maroc peut intégrer sans crainte de nouvelles attaques, 80% du territoire sahraoui, seuls 20% à l’est (sans grand intérêt économique) ne sont pas à l’intérieur du « mur ». La construction de ce « mur des sables » change radicalement les conditions du conflit : le Polisario ne peut plus mener des attaques au-delà du « mur », sauf au prix de pertes humaines beaucoup trop lourdes pour ses faibles effectifs : ses rares attaques qui durent jusqu’en 1990 ne sont pas couronnées de succès.

    A partir de 1982, le conflit se déplace sur le terrain diplomatique : la RASD est admise à l’OUA (Organisation de l’unité africaine, devenue par la suite Union africaine – UA) en 1982, ce qui entraîne le départ du Maroc en 1984. La même année, l’OUA adopte une résolution qui réaffirme le droit des Sahraouis à l’autodétermination et appelle à des négociations directes entre le Maroc et le Polisario, à un cessez-le-feu et à l’organisation d’un référendum. En septembre, à l’Assemblée générale de l’ONU, Hassan II s’engage en faveur du référendum d’autodétermination.

    En décembre, l’Assemblée générale de l’ONU reprend le plan de paix de l’OUA à son compte. En août 1988, l’ONU présente au Maroc et au Polisario son plan de règlement du conflit. Les propositions de l’ONU sont acceptées « en principe » par les deux parties mais sont accompagnées de commentaires contradictoires. En octobre 1989, Hassan II déclare qu’« il n’y a rien à négocier, car le Sahara occidental est un territoire marocain ». Un cessez-le-feu, organisé par l’ONU, entre en vigueur le 6 septembre 1991.

    L’impasse (1991-2019)

    A partir des propositions conjointes de l’OUA et de l’ONU du milieu des années quatre-vingts, la dynamique de paix commencée avec le cessez-le-feu de 1991 se poursuit, mais du fait de l’intransigeance marocaine (cf les déclarations de Hassan II de 1989 comme quoi « il n’y a rien à négocier »), cette dynamique ne débouche pas.

    Une « Mission des Nations unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental » (MINURSO) est mise en place par une résolution du Conseil de sécurité du 19 avril 1991. Mais son application rencontre rapidement des obstacles dont le plus important est l’identification des électeurs pouvant participer au référendum. Le Polisario souhaite limiter l’inscription aux résidents identifiés lors du recensement de 1974 et à leurs descendants ce qui favoriserait un résultat pro-indépendance. Le Maroc souhaite que les Sahraouis installés au Maroc ainsi que les Marocains installés au Sahara occidental puissent également se prononcer ce qui favoriserait un résultat pro-annexion.

    Plusieurs plans de paix se sont succédé en particulier à l’époque ou Kofi Annan était secrétaire général de l’ONU (1997-2006). Il désigne James Baker, ancien secrétaire d’État étasunien, comme envoyé personnel pour le Sahara occidental. Il proposera successivement deux plans de paix, le premier (2000), plutôt favorable au Maroc est rejeté par le Polisario, le second (2003), plus équilibré est rejeté par le royaume chérifien. James Baker démissionne en 2004.

    La plus grande partie du territoire sahraoui étant désormais sécurisée par le « mur des sables », le Maroc peut y développer sa politique de colonisation : exploitation des ressources naturelles notamment le phosphate de Boucraâ), création d’infrastructures, politique de peuplement (200 000 à 300 000 colons) stimulée par de considérables avantages salariaux qui peuvent se monter jusqu’à 95% du salaire de base. Les Sahraouis vivant aujourd’hui dans la partie colonisée de leur territoire sont largement minoritaires et sont de plus discriminés (emploi, logement…). A partir de 2005, les manifestations et émeutes (appelées « intifada pour l’indépendance ») se multiplient dans les villes occupées par le Maroc.

    Elles culminent en octobre-novembre 2010 avec les émeutes du camp de Gdim Izik, situé dans la banlieue d’El Aïoun : en octobre 15 000 Sahraouis ont installé un camp de 3 000 tentes à Gdim Izik pour protester contre leurs conditions de vie (logement, emploi…). Le 8 novembre, les forces armées marocaines démantèlent le camp, ce qui entraîne une violente réaction de la population dans le camp puis en ville. Le bilan officiel fera état de 14 morts dont 12 membres des forces de répression et 2 civils ; le Polisario évoquera la mort de 36 civils ; chiffres invérifiables, le régime marocain ayant interdit – comme c’est fréquemment le cas – la venue de journalistes et d’une commission d’enquête à El-Aïoun.

    En avril 2007, le Conseil de sécurité adopte une nouvelle résolution qui engage les parties à négocier « en vue de parvenir à une solution politique juste, durable et mutuellement acceptable qui permette l’autodétermination du peuple du Sahara occidental ». Ces négociations directes se déroulent a proximité de New York, mais n’aboutissent pas et, 5 ans après, l’ONU ne peut que constater leur échec. Le mandat de la MINURSO est prolongé d’année en année, puis depuis 2018 de 6 mois en 6 mois. Après une absence de négociations pendant 6 ans, le dialogue entre les protagonistes a repris en décembre 2018 à Genève.

    Une colonisation qui n’en finit pas

    Malgré la relance récente des négociations, l’autodétermination du peuple sahraoui paraît encore lointaine. La position du Maroc a changé de multiples fois : acceptation, puis refus du référendum d’autodétermination, proposition d’autonomie avec maintien d’importantes forces armées (une centaine de milliers de soldats)… Sans fortes pressions internationales, le royaume chérifien n’acceptera pas un référendum d’autodétermination du peuple sahraoui. Or, depuis le cessez-le-feu de 1991 – bientôt 30 ans – on ne peut pas dire que la cause sahraouie ait progressé : de nombreux États, pour des raisons internes (changement d’orientation politique) ou externes (pressions des puissances impérialistes) ont retiré leur reconnaissance de la RASD au prétexte de la promesse d’un référendum, référendum que l’on attend, comme Vladimir et Estragon attendent Godot !

    Les États-Unis et la France, dont la position influence largement l’UE, sont les premiers soutiens du Maroc, malgré leurs discours et leur accord à l’ONU sur le référendum d’autodétermination. En ce qui la concerne, l’UE vient d’élargir au territoire sahraoui les tarifs douaniers préférentiels octroyés par accord commercial au Maroc (16-01-2019), en faisant fi des règles internationales, de l’avis du Front Polisario et de la reconnaissance par l’UE de 155 000 réfugiés sahraouis vivant dans les camps de la région de Tindouf. Comme pour les Palestiniens, le droit international et les résolutions de l’ONU de permettent pas aux Sahraouis de réaliser leur droit à l’autodétermination.

    Jacques Fontaine, Ensemble ! 01 et commission Palestine, Proche-Orient et Maghreb

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