Étiquette : dictature

  • Quand la télévision française célébrait la dictature marocaine

    J’ai découvert avec surprise cette émission datant de 1989 où le roi Hassan II était interrogé par les grands journalistes de l’hexagone (Alain Duhamel, Jean Daniel…). Incroyable leur docilité à l’égard de ce dictateur! Durant la première moitié de l’émission la discussion tourne autour de…la religion, la place du voile, l’immigration, l’intégration des Marocains en France… Passionnant! Certes il était « commandeur des croyants », mais tout de même Hassan II était surtout chef d’Etat!

    Il faut attendre la 45ème minute (plus exactement à 44:50) pour qu’enfin une question sur le respect des droits de l’homme soit posée (ici sur le rapport d’Amnesty International de 1989 traitant des tortures dans les prisons marocaines). D’ailleurs Hassan II répond habilement! On a également droit à une question sur la liberté de la presse où le souverain ment bien sûr, mais reconnait tout de même une certaine censure en affirmant qu’un journal comme le Canard Enchaîné ne serait pas possible au Maroc.

    L’entretien est tout de même intéressant car il nous renseigne sur la politique internationale de cette période (accord de Taëf pour régler la crise libanaise) et nous montre le talent du monarque pour la propagande.

    [youtube https://www.youtube.com/watch?v=vUIybWsYx-I&w=560&h=315]

    Tags : Maroc, Makhzen, Hassan II, dictature, France,

    Source : Blog-notes

  • Maroc : fils de son père

    Mohammed VI règne maintenant depuis douze ans. Un règne marqué à la fois par la continuité et la rupture avec les trente-huit années au pouvoir de son père. Hassan II s’est employé à bâtir une monarchie suffisamment solide et respectée pour qu’elle soit maître des institutions et du jeu politique. Un absolutisme cultivé avec la même intransigeance par Mohammed VI, mais qui semble s’appliquer à des champs différents.

    L’absolutisme royal d’Hassan II était résolument politique et visait à assurer la pérennité de la monarchie marocaine. L’absolutisme de Mohammed VI s’exerce, lui, essentiellement dans le domaine de l’économie et ne s’accompagne d’aucune stratégie politique pour assurer l’avenir de la dynastie qu’il incarne. Comprendre le coup d’État économique et financier auquel s’est livré Mohammed VI suppose d’abord de bien cerner sa personnalité et les relations (conflictuelles) qu’il a entretenues avec son père. Cela implique également de pénétrer dans les coulisses de cet univers qui se dérobe à tous les regards: celui de la dynastie alaouite.

    La proximité est souvent trompeuse, car elle donne l’illusion de la compréhension. Les élites françaises, de droite comme de gauche, croient connaître cette monarchie parce qu’elle règne sur un pays situé à trois heures d’avion de Paris. Invitées régulièrement dans les palaces de Marrakech et de Fès, elles reçoivent les confidences biaisées des hommes supposés proches du roi. Pourtant, derrière les hauts murs ocre qui ceinturent les palais, ce sont les mêmes intrigues et les mêmes mystères, soigneusement cachés, qui continuent de peser, de planer, d’un roi à l’autre. Les rumeurs se propagent constamment, la vérité jamais.

    Au tout début de son règne, Mohammed VI envisagea d’ouvrir au public un certain nombre de palais. Les attentats meurtriers de Casablanca, survenus en 2003 et qui firent quarante-cinq morts, mirent un terme à ses bonnes intentions. Il se retrancha comme son père à l’intérieur de ses forteresses luxueuses, peuplées de serviteurs silencieux qui ressemblent à des ombres. C’est ainsi que Mohammed VI commença à se glisser dans les habits d’Hassan II. Quand l’on demandait à ce dernier quelle activité il aurait aimé exercer s’il n’avait pas été roi, il répondait immédiatement: « Historien.» Pour une raison évidente: dès son plus jeune âge, il fut confronté aux aléas de l’Histoire et savait mieux que quiconque que, sans coup de pouce du destin, le pouvoir lui aurait définitivement échappé.

    La France exerce sur le Maroc un protectorat depuis 1912. En 1953, exaspérée par ses positions favorables à l’indépendance, elle décide de déposer puis d’envoyer en exil le sultan Mohammed Ben Youssef, futur Mohammed V et père d’Hassan. Un épisode qui marquera à jamais ce dernier. Les autorités françaises installent à sa place un petit cousin du sultan déchu, Mohammed Ben Arafa. L’homme est trop falot pour s’imposer et, trois ans plus tard, Paris doit se résigner au retour du sultan et à l’indépendance du pays.

    Mohammed V est le vingt et unième descendant de la dynastie alaouite, au pouvoir depuis 1659, dont les membres seraient des descendants du prophète Mahomet. Mais il devient le premier roi du pays en 1957. La même année, il désigne son fils âgé de 29 ans, l’homme fort du régime, comme prince héritier. Une décision inspirée par ce dernier et son conseiller, Mehdi Ben Barka. Première entorse voulue par le futur Hassan II avec la tradition. Jusqu’alors, en effet, le souverain était choisi par les oulémas.

    Quarante ans plus tard, en veine de confidences, il déclara : « J’ai passé la plus grande partie de mon règne à essayer de réduire le nombre d’aléas qui pèsent sur la royauté.» Traduit en clair, cela signifie: « J’ai imaginé, pensé et façonné cette monarchie dans chacune de ses composantes, pour qu’elle soit durable et indiscutée.»

    Sous sa houlette, le pouvoir royal devient pouvoir absolu puisque le roi détient à la fois le pouvoir temporel et le pouvoir spirituel. Chacune de ses décisions est sacrée. Son goût pour l’histoire le conduit à comprendre que celle-ci n’est qu’une construction subjective. Hassan II adorait Alexandre Dumas, dont il rénova, sur ses propres deniers, la propriété. L’écrivain avait écrit: « L’Histoire est un portemanteau sur lequel j’accroche mes histoires.»

    Hassan II le paraphrasant aurait pu affirmer: « L’Histoire est le portemanteau auquel j’accroche les symboles et les institutions que j’ai choisis pour légitimer et conforter mon pouvoir.» Peu après son arrivée sur le trône, il va tourner le dos à la modernité et s’employer à «retraditionnaliser» le royaume.

    En mettant ses pas, paradoxalement, dans ceux des colonisateurs français. Un intellectuel marocain, Abdallah Laroui, qui s’était pourtant rallié à Hassan II, en dresse une analyse éclairante: «Les réformes, souvent hautement symboliques, induites par la présence des étrangers furent effacées l’une après l’autre […]. L’ère de la modernisation des esprits était terminée. Archivistes et historiographes se plongèrent dans les vieux documents, poursuivant un mouvement imaginé par les nationalistes euxmêmes, mais à des fins opposées, pour ressusciter le protocole ancien, décrit en détail par maints ambassadeurs et voyageurs étrangers. Par petites touches fut reconstitué “le Maroc qui fut”, tant de fois exhibé par l’administration coloniale pour mettre en valeur son œuvre réformatrice1.»

    Source : Le Roi prédateur

    Tags : Maroc, Mohammed VI, Hassan II, dictature, despotisme, répression, enrichissement,

  • Les soulèvements non violents en Afrique ont connu le taux de réussite le plus élevé au monde

    D’après le magazine de référence mondiale en matière de relations internationales Foreign Affairs, depuis les années 1970, les soulèvements non violents en Afrique ont connu le taux de réussite le plus élevé au monde. Environ 58% des soulèvements visant à renverser les dictatures ont réussi.

    L’un des facteurs de cette efficacité est le long héritage de résistance de l’Afrique contre la domination coloniale et néo-coloniale.

    Une nouvelle vague de pouvoir populaire monte en Afrique. Le 2 avril, un mouvement de résistance non-violent en Algérie a réussi à faire pression sur Abdelaziz Bouteflika pour qu’il démissionne après 20 ans de présidence. Neuf jours plus tard, des manifestants soudanais célébraient le limogeage du président soudanais Omar al-Bashir depuis 30 ans, après trois mois de soulèvement contre son régime.

    Les renversements non-violents de Bouteflika et de Bashir ne sont pas des aberrations. Elles reflètent une tendance surprenante à travers le continent: malgré les perceptions communes de l’Afrique déchirée par la violence et les conflits, depuis 2000, la plupart des rébellions ont été pacifiques et sans armes. Au cours de la dernière décennie, les soulèvements de masse en Afrique ont représenté une campagne sur trois non violente visant à renverser les dictatures à travers le monde. L’Afrique a vu 25 nouveaux mouvements de masse non-violents, presque deux fois plus qu’en Asie, la deuxième région la plus active avec 16 pays.

    Depuis les années 1970, les soulèvements non violents en Afrique ont également connu le taux de réussite le plus élevé au monde. Environ 58% des soulèvements visant à renverser les dictatures ont réussi, dans des pays aussi divers que le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, Madagascar, le Mali, l’Afrique du Sud, la Tunisie, la Zambie et, plus récemment, l’Algérie et le Soudan. Cela dépasse de loin le taux de réussite de 44% des mouvements contre les régimes autocratiques dans toutes les autres régions.

    Qu’est-ce qui explique l’efficacité frappante des mouvements de masse africains? L’un des facteurs est le long héritage de résistance de l’Afrique contre la domination coloniale et néo-coloniale. Après tout, le Mahatma Gandhi a jeté les bases de sa résistance civile à la domination britannique en Inde pendant plus de 21 ans et s’est organisée avec des travailleurs migrants en Afrique du Sud. Les mouvements de résistance africains contemporains ont des racines profondes, allant des campagnes anti-fiscalité menées au début des années 1900 contre les occupants britanniques aux actions coordonnées visant à boycotter les entreprises soutenant l’apartheid en 1990 en Afrique du Sud. Les mouvements en Algérie et au Soudan se sont produits par de nombreuses vagues et font écho à des manifestations passées – en Algérie, les grèves générales survenues pendant la lutte pour l’indépendance, des micro-émeutes localisées et les bouleversements nationaux de 2010 à 2012; et au Soudan, les soulèvements de 1964 et de 1985. Outre les connaissances historiques dont la génération actuelle de manifestants a hérité, quatre autres facteurs clés sont à la base du succès des soulèvements en Afrique. Les activistes ont mobilisé des mouvements de masse, encouragé la participation et le leadership des femmes, suscité un soutien actif ou tacite de la part des services militaires et de sécurité et obtenu l’adhésion de la région.

    Les ingrédients gagnants

    Pour que les mouvements nationaux réussissent, ils doivent susciter une participation de masse qui transcende les frontières régionales, générationnelles, de classe, ethniques et religieuses. La résistance civile africaine a longtemps fait appel au pouvoir de leadership et de coordination d’associations professionnelles, de syndicats et d’autres institutions, telles que les églises, pour communiquer les principes d’un mouvement à un large éventail de participants. Au cours du soulèvement récent en Algérie, un journaliste et membre de l’association des éditeurs de livres a imprimé « 18 commandements » à l’intention des manifestants afin que la résistance reste non violente et efficace. À Khartoum et à Omdurman, l’Association des professionnels soudanais a réuni des membres des secteurs de la santé, de l’éducation et du droit sous une bannière non idéologique. Il a également aidé les participants au soulèvement à maintenir une discipline non-violente et à parler d’une seule voix. Les manifestations au Zimbabwe contre Robert Mugabe, l’un des présidents les plus anciens de l’Afrique, avaient mijoté pendant des années, mais ils n’ont menacé le dirigeant que lorsqu’un pasteur charismatique, Evan Mawarire, a commencé à mobiliser des professionnels et des jeunes. Ces efforts ont animé plus d’un an de manifestations de la part d’anciens combattants, de fidèles, d’avocats, de travailleurs pauvres et d’autres personnes, qui ont finalement renversé Mugabe en 2017.

    Au cours de la dernière décennie, la mobilisation a réussi lorsque les activistes ont transcendé leur identité. Avec 62% de la population africaine âgée de moins de 25 ans, des coalitions couronnées de succès ont été mobilisées pour avoir le soutien des jeunes, comme dans le mouvement sénégalais Y’en a Marre (2011) et Balai Citoyen (Burkina Faso) (2013). En Algérie, les jeunesont envahi les rues pour protester contre le chômage, mais également leurs parents et leurs grands-parents, qui souhaitent un avenir meilleur pour leurs enfants.

    Ces succès ont été étayés par le rôle de premier plan joué par les femmes dans l’organisation, la direction et la participation à des activités de résistance. En tant que moitié de la population, les femmes doivent participer si un mouvement de masse doit fonctionner. Mais elles ont fait plus que simplement se présenter: leur direction a ajouté une légitimité politique aux manifestations, renforcé la crédibilité des appels à une unité non partisane et a renforcé l’importance de la tactique non violente. Des images emblématiques du Soudan et de l’Algérie ont représenté des jeunes femmes dansant et récitant de la poésie, appelant les manifestants à célébrer et à s’unir face à la dictature. Au Soudan, Alaa Salah, âgée de 22 ans, surnommée la « reine nubienne » de la manifestation, a décrit sa résistance comme étant motivée par le patriotisme et non par la politique.

    Les femmes ont également rejoint les manifestations en Algérie à une échelle sans précédent et ont occupé des postes de direction dans le mouvement des citoyens, composé de plusieurs partis. Ailleurs sur le continent, les femmes ont revitalisé des tactiques historiquement novatrices, telles que la nudité publique lors de mouvements écologistes au Kenya, la protestation pour la paix au Libéria et en Sierra Leone et la pression exercée sur l’ancien président de la Côte d’Ivoire pour qu’il démissionne. Au Zimbabwe, Women of Zimbabwe Arise organisait des manifestations contre la corruption et la répression de Robert Mugabe depuis le début des années 2000, bien avant les manifestations qui avaient contribué à son renversement. Et les femmes ont dirigé les efforts pour répondre aux besoins essentiels des manifestants: prenons, par exemple, la grand-mère de Khartoum qui a coordonné des volontaires pour fournir plus de 2 000 repas par jour au sit-in.

    Les manifestations, quelle que soit leur taille et leur caractère inclusif, ont souvent du mal à susciter un changement immédiat, à moins que les élites économiques, les bureaucrates civils et les forces de sécurité ne cessent de protéger le statu quo. Par exemple, les forces de sécurité pourraient signaler la non-coopération avec le régime en jetant les armes, en refusant de se présenter au devoir, en ignorant l’ordre de tirer sur les manifestants, voire en défendant les manifestants contre la répression. L’armée soudanaise, qui était étroitement liée à Bashir, a choisi de protéger les manifestants des milices Janjaweed dans les rues de Khartoum (les groupes notoires pour leur rôle dans le génocide du Darfour) et d’autres forces de sécurité, alors même que les manifestants occupaient le siège de l’armée. Dans ce cas, la loyauté de l’armée est passée de bas en haut. Des fantassins se rangeaient aux côtés des manifestants dans la rue plusieurs jours avant que les hauts dirigeants ne convoquent une réunion à minuit pour renvoyer Bashir de ses fonctions.

    Les manifestants ont souvent besoin de l’aide des forces de sécurité, mais les forces militaires risquent toujours de détourner les soulèvements populaires pour s’emparer du pouvoir. Au Soudan, l’opposition a réprimé cette menace en continuant à organiser des manifestations massives et des débrayages même après la démission de Bashir et en annonçant rapidement ses plans pour la mise en place d’un conseil de direction de transition civile. Les manifestants en Algérie ont exercé des pressions similaires sur leurs dirigeants de transition et ont tourné leur attention à la corruption perçue dans l’élite cercle de Bouteflika en attendant les détails sur les plans civils de la transition.

    Alors que les manifestations persistent et que la pression monte, les acteurs régionaux jouent un rôle plus important en facilitant les transitions pacifiques et en consolidant les revendications populaires en matière de démocratie. L’Union africaine (UA) défend la gouvernance démocratique, mais elle a réagi de manière incohérente face à la résistance non-violente. La Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance , entrée en vigueur en 2012, rejette les changements inconstitutionnels de gouvernement. Cela empêche l’Union africaine d’adhérer explicitement aux manifestations populaires comme base légitime des transitions politiques. En raison de cette neutralité forcée, l’UA a échoué dans sa tentative d’intervenir dans la crise burundaise de 2015 en raison de la réélection controversée du président Pierre Nkurunziza pour un troisième mandat. L’UA a également envoyé des messages contradictoires lors des manifestations électorales de 2018 au République démocratique du Congo et a fermé les yeux sur les manifestations en cours au Cameroun ainsi que sur les récentes manifestations d’austérité au Tchad.

    Pourtant, la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance énonce clairement ce qui devrait suivre les changements de dirigeants induits par la mobilisation de masse: une transition rapide vers des élections démocratiques, dans le respect et la protection des droits de l’homme. En conséquence, l’UA a pris le parti des peuples algérien et soudanais au lendemain des victoires de leurs mouvements, appelant à une transition menée par des civils vers un régime démocratique dans les deux pays. Cette évolution récente vers un soutien sans équivoque de l’UA au régime civil est importante car elle témoigne de la consolidation des normes démocratiques sur le continent, même (peut-être surtout) sans l’intervention américaine et européenne pour cette fin.

    Les groupes sous-régionaux ont encore plus d’influence que l’UA dans la consolidation des acquis politiques obtenus grâce à la résistance non-violente. Des manifestations de masse en Côte d’Ivoire en 2011 , au Burkina Faso en 2014 et en Gambie en 2016 ont amorcé des transitions politiques en partie grâce à la médiation des dirigeants de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest. Les principaux alliés et les institutions qui soutiennent les autocrates peuvent également jouer un rôle décisif en retirant leur soutien. Par exemple, la décision de la Southern Africa Development Community de ne pas défendre Mugabe lors des manifestations était cruciale pour la transition politique au Zimbabwe.

    Pouvoir au peuple

    Les campagnes de résistance civile en Afrique ne réussissent pas toujours. Les récents mouvements en faveur de la démocratie au Cameroun et au Togo n’ont jusqu’à présent débouché que sur une répression violente de la part du gouvernement. Au Sahara occidental occupé par le Maroc, le mouvement d’autodétermination sahraoui n’a pas encore accédé à l’indépendance. Et même lorsque la résistance civile fonctionne à court terme, le nouveau système ne parvient parfois pas à apporter un réel changement. En Afrique du Sud, par exemple, de nombreux observateurs se plaignent de ce que, bien que l’apartheid légal ait pris fin en 1994, les inégalités, la ségrégation et le racisme persistent. Dans d’autres cas où des bouleversements populaires ont renversé des dictateurs, une deuxième vague de forces contre-révolutionnaires s’est mobilisée contre le nouvel ordre, comme ce fut le cas avec le coup d’État qui a installé Abdel Fattah Al Sisi à la présidence égyptienne.

    Pourtant, les archives historiques fournissent un motif d’optimisme prudent. En Afrique plus que partout ailleurs dans le monde, les campagnes de résistance civile dépassent la lutte armée. Et les mouvements non-violents mènent généralement à des démocraties de meilleure qualité à long terme. Les acteurs internationaux et les organisations régionales, telles que l’Union africaine et ses huit communautés sous-régionales constitutives, ont un rôle important à jouer pour dénoncer la répression des manifestants pacifiques, protéger les institutions démocratiques et les droits de l’homme et aider à consolider la transition vers la démocratie. Les acteurs externes ne doivent pas renverser ou coopter les manifestations populaires, mais ils peuvent soutenir leurs aspirations à la démocratie et au respect des droits de l’homme.

    Par Zoe Marks, Erica Chenoweth, et Jide Okeke

    Source : Courrier du Rif

    Tags : Afrique, printemps arabe, soulèvement pacifique, démocratie, dictature, répression,

  • Gabon : Vous vous êtes trompés de génération!!!

    Les dirigeants criminels, imposteurs et usurpateurs prétendent que ke Gabon serait un pays *”émergent”*.

    Comment expliquent-ils les malheurs des gabonais ?

    Voilà pourquoi le peuple gabonais est majoritairement résistant contre la barbarie, la tyrannie et la dictature des bongo-pdg, contre ceux-là qui ont commis le hold-up militaro-électoral du 31 août 2016 ; véritable traumatisme de trop contre le peuple gabonais souverain !

    Nous ne croyons plus aux institutions inféodées au régime dictatorial des Bongo-pdg et qui ne servent pas les intérêts du peuple gabonais.

    Notre génération n’acceptera plus et ne subira plus ces mascarades démocratiques qui piétinent la souveraineté des peuples africains.

    La dynamique insurrectionnelle qui anime le peuple ne saurait s’arrêter par un quelconque dialogue ou négociation avec les criminels notoires et imposteurs qui illégitimement dirigent le Gabon !

    La France, le Maroc et la nébuleuse mondialiste qui usent de stratagèmes pour faire plier la Résistance en vue de normaliser ou d’apaiser les tensions sociopolitiques nées de la crise post-electorale, perdent leur temps s’ils croient pouvoir venir à bout de notre determination à instabiliser le Gabon.

    Nous résistants, nous rendrons le Gabon ingouvernable jusqu’à *la chute de ce régime des criminels, imposteurs et usurpateurs* et que soient *respectés le vote et le choix légitime du peuple gabonais souverain*.

    Nous allons faire, ce qui n’a jamais été fait pour obtenir ce qui n’a jamais été obtenu !…

    Jusqu’au bout, nous irons, nous ne lâcherons rien mais vraiment rien !

    Ensemble nous sommes et ensemble nous serrons et nous poussons !

    *”Le Gabon d’abord, la Patrie avant tout !”*

    Paul Éric

    Gabon Voice

    Tags : Gabon, pays émergent, propagande, Ali Bongo, dictature, despotisme,

  • Gabon : Mais de quoi parlez-vous loesque vous appelez à la négociation?

    Et comme ça, aujourd’hui on veut nous parler de dialogue ou de négociation avec les criminels notoires !?!

    Ceux-là même qui à chaque élection présidentielle, trichent pour se maintenir au pouvoir mais bien plus, tuent impunément nos frères et sœurs, nos enfants, violent nos droits, emprisonnent et commettent des forfaits inimaginables …

    Pire encore pour des supposés bantous, n’ont même pas accordé à nos morts des sépultures décentes préférant des charniers comme s’ils avaient à faire à des animaux !

    Ces démons-là car c’est comme cela qu’il faut les nommer, ont érigé la mendicité comme système pour soumettre les consciences et maintenir le peuple dans une forme d’obéissance pour ne pas dire de servitude.

    Ce régime use à chaque fois des mêmes stratagèmes qui consistent à acheter la paix et la concorde après avoir massacré et commis l’infamie.

    Et aujourd’hui on nous dit que c’est nous résistants qui entretenons le clivage et l’intolérance entre les gabonais.

    Les hommes qui composent le régime des Bongo-pdg ne résument pas tout le peuple gabonais.

    Notre préoccupation n’est pas tant les relations entre gabonais que la question du pouvoir usurpé et la justice qui doit être rendue contre ceux-là qui s’y maintiennent coûte que coûte.

    La question ici n’est pas seulement politique avec sa perspective partisane mais bien plus, elle relève du paradigme citoyen et patriotique qui commande à tous un sursaut. C’est le peuple qui majoritairement s’érige contre ce régime et pas une confrontation entre hommes politiques.

    C’est le régime dictatorial incarné par le système des Bongo-pdg qui est l’objet de notre cible. Ce sont les hommes qui composent ce régime et le régime lui-même qui doivent quitter le pouvoir et c’est contre eux, auteurs de tant de malheurs pour le Gabon que nous nous érigeons en tant que Résistance.

    Comment négocier pour faire la paix avec ceux qui depuis commettent régulièrement des massacres et les crimes rituels et qui ne sont jamais jugés?

    Nous sommes en résistance contre l’infamie, contre ceux qui ont mis le pays à terre et qui maintiennent le peuple gabonais dans la misère et la pauvreté.

    Nous sommes en résistance contre ceux qui considèrent le Gabon comme le royaume des Bongo-pdg et qui piétinent la dignité du peuple gabonais.

    Nous sommes en résistance pour que justice soit rendue à tous les morts et à toutes les personnes dont les droits ont été et sont toujours violés.

    Nous sommes en résistance parce que trop c’est trop, la dignité du peuple a été trop longtemps bafouée.

    Nous sommes en résistance pour que ce régime qui depuis 52 ans écrase et sommet le peuple tombe, qu’il quitte le pouvoir détenu illégitimement parce qu’il n’est pas issu de la souveraineté du peuple gabonais.

    Nous avons essayé à plusieurs reprises la voie du suffrage universel pour faire tomber ce régime sans y parvenir et aujourd’hui plus que jamais déterminés, nous sommes entrés en insurrection et ce n’est pas une chimère.

    Nous allons faire ce qui n’a jamais été fait afin d’obtenir ce qui n’a jamais été obtenu.

    Ce régime des Bongo-pdg doit tomber et il va tomber !

    Il n’est pas question de le maintenir en place en lui substituant d’autres hommes…

    Vox populi, vox Dei. Seule compte la souveraineté du peuple gabonais !

    Notre défi est la construction d’un Gabon nouveau auquel nous aspirons et espérons fermement et la chute de ce régime dictatorial est un préalable.

    «Quelque soit la durée de la nuit, le jour finit par poindre …» Nous savons que L’Aurore s’est levée au Gabon…

    Les filles et les fils du Gabon considèrent qu’il est temps de relever l’honneur de notre Mère Patrie.

    Pour nous résistants, c’est «le Gabon d’abord, la Patrie avant tout !»

    «Le Gabon nouveau, nous y croyons fermement !»

    Paul Éric

    Source : La Voix du Gabon

    Tags : Gabon, Ali Bongo Ondimba, françafrique, clan, dictature,

  • La dictature au Maroc règne par la peur du pire « C’est moi ou le chaos ! ».

    Mon point de vue sur les formes élémentaires de la dictature dans mon pays ( Maroc).

    Par Orilio Leaks

    Indépendamment des explications sociologiques et politiques présentées concernant le régime néo-féodal marocain, les processus historiques de son implantation et le profil de ses principaux acteurs, en laissant de côté les schémas théoriques sur la dictature, le totalitarisme et l’autoritarisme et en prenant uniquement pour matière première ce qu’on a lu, vu et écouté, on peut déduire sans ambages le profil et le système de fonctionnement de la dictature au Maroc.

    Le pouvoir au sommet de l’État est personnel et absolu. Un chef d’État issu d’un protectorat français, ou d’un plébiscite populaire, contrôle tous les rouages sécuritaires, civils, économiques, militaires et administratifs du pays. Pour exercer ce pouvoir absolu, il n’a cure d’aucun texte, d’aucune loi, d’aucun code qui puisse freiner sa volonté ou contrôler ses directives. Les textes et les lois n’existent que pour servir le système de domination et constituer un support à l’arbitraire des sanctions.

    Le noyau du pouvoir est le chef de l’État entouré d’un cercle restreint de fidèles qui lui sont liés par des rapports de parenté et de consanguinité : les fils, les frères, les cousins maternels et le beau-frère, les copains etc.

    Trois instruments « basiques » font fonctionner le pouvoir : la terreur, la corruption et le couple propagande-endoctrinement. La terreur pratiquée est sidérale, infinie, une capacité à donner la mort sans limites sous la couverture de lois d’exception quasi éternelles.

    Pour ce faire, la population, les citoyens, au regard du pouvoir, muent et deviennent « inhumains ». Ils se transforment, selon le régime en « rats », en « criminels monstrueux », en « traitre », en « madaouikh », en «jiaanine», en « citoyens de 20 dhs ». Ainsi, on peut faire feu à volonté.

    Quant à la corruption, elle peut faire en soi l’objet d’une recherche approfondie, tant elle est variée, multiple et « créative ». Ce qu’il y a à retenir, c’est le grand dessein de « clientélisation à la corruption » de l’ensemble de la population. Tout le monde est invité à participer à la «grande bouffe» de la corruption, du petit douanier à la tête du pouvoir.

    S’il existe un droit reconnu par la dictature marocain, c’est bien le droit à être corrompu ! Tout le monde est impliqué, tout le monde est complice. Ceux qui refusent de jouer le jeu sont les suspects et les traîtres en puissance, des êtres « asociaux », potentiellement dangereux. Attention ! Honnête, donc suspect.

    Enfin, la dictature marocaine se construit « une image » supposée combler le degré zéro de liberté et de démocratie. À coups de propagande et d’endoctrinement, nos dictateurs de pouvoir absolu au Maroc choisissent leur thème préféré. Actuellement « c’est nous ou le chaos ! », un système de matraquage et d’informations distillées qui diffuse frayeur et méfiance au sein de la population. Celle-ci, atomisée, ayant perdu les liens fondamentaux de la solidarité de base, devient, selon les attentes du régime fasciste, demandeuse de stabilité à n’importe quel prix.

    L’image du régime telle qu’elle apparaît dans la propagande-endoctrinement est celle du gardien de la stabilité, d’une soupape de sécurité qui empêche les catégories sociales et les divers segments de la population de s’entretuer. Le propre de pouvoir au sommet de l’État est personnel et absolu est de créer et d’entretenir la guerre civile larvée tout en prétendant la contrecarrer.

    En matière de relations internationales, il recoure surtout au mensonge et au chantage. Le mensonge comme moyen de gagner du temps et de mettre en confiance les démocraties occidentales : en effet, les potentats marocains montrent patte blanche et déversent moultes promesses afin de gagner du temps et, en fin de compte, de ne tenir aucun engagement. Ils disposent par ailleurs de machines bien rodées pour pratiquer le chantage, au terrorisme, au trafique de drogue, à l’émigration clandestine surtout, dirigées aussi bien contre le monde occidental que contre leurs pays « frères ».

    Quand ils prétendent lutter contre le trafic de drogue, l’émigration clandestine et au terrorisme surtout dans ses versions islamistes fondamentalistes, ils le font en fait contre des groupes qu’ils ont eux-même crées, entretenus et entraînés. Il les « vendent » au moment opportun, avec de juteux dividendes, au plus offrant.

    Dans le système de guerre civile larvée mis en place, le régime constitue ses propres bases sociales. La dictature au Maroc n’est pas isolée socialement à l’instar des autres dictatures arabes et de certaines dictatures militaires africaines, d’Asie ou d’Amérique centrale. Elle émane et s’enracine dans des segments socio-culturels qui alimentent ce que Ibn Khaldoun a bien vu et nommé le asab, cet ensemble diffus de solidarité fondé sur la parenté, le clientélisme et le pillage, en vue de construire et de maintenir un pouvoir autour d’une famille tribale, d’une communauté religieuse et d’une région spécifique. C’est au sein de ces groupes ethno-socio-culturels que le pouvoir constitue ses réserves de sbires, hommes de main et autres barbouzes, supplétifs de l’armée régulière et de la police. Forces sûres, surarmées et surentraînées, elle surveille l’armée et les forces de l’ordre, intervient en parallèle et fait le ménage dans les unités trop sensibles aux doléances et aux chants de sirènes du peuple. Ultime rempart de sauvegarde du régime.

    L’économie n’est pas au centre de la vie sociopolitique. Elle ne produit pas le réseau d’intérêts qui crée normalement les liens sociaux et détermine (la politique). Elle constitue entre autres un outil de la dictature, est assujettie à la volonté du pouvoir et fonctionne comme un système de récompenses pour les clients et de sanctions pour les opposants et les récalcitrants.

    À noter aussi l’inexistence de frontières claires entre les biens publics et les caisses privées du chef de l’État et de sa famille au Maroc et l’utilisation de celles-ci contre les citoyens et les opposants. Il n’est pas hasardeux de faire observer la reproduction de ces « formes » dans tous ces pays arabes. Relèvent-elles d’un même fonds culturel ? Marquent-elles l’échec de l’État moderne démocratique face à la toute-puissance des structures primordiales, celles des ahl ? À quel prix les révoltes du printemps arabe pourraient-elles réduire ces structures faute de les éradiquer ? Face à la capacité infinie de nuisance et de violence, la non-violence est-elle possible et gagnante ? Dans la logique de ces systèmes, la guerre civile n’est pas une alternative malheureuse, mais semble bien constituer un fait accompli !

    Tags : Maroc, Makhzen, Mohammed VI, prédation, dictature, répression, corruption, clientélisme,

  • Hicham Alaoui : « L’exception marocaine » est une idée française pour faire échec à l’aspiration démocratique au Maroc

    Source : Alifpost, 29/04/2019

    De l’exceptionnalisme à la singularité: L’expérience maghrébine dans une perspective contemporaine/ Hicham Alaui

    Aujourd’hui sera un jour de débat délibératif, je ne vous accablerai donc pas de discussions académiques excessives. Par-dessus tout, je voudrais vous souhaiter à tous la bienvenue à cet atelier, qui représente l’aboutissement d’un riche voyage intellectuel. Ce voyage a commencé en 2015, lorsque le professeur Stephen King, le professeur Abdeslam Maghraoui et d’autres interlocuteurs ont commencé à organiser une conférence pour explorer la politique contemporaine en Afrique du Nord.

    L’effort qui en a résulté en avril 2016 a rassemblé un cercle impressionnant d’universitaires dans un atelier chargé pour engager les courants sociaux, économiques et politiques du Maghreb. Les contributeurs à ce projet sont devenus les auteurs de divers chapitres de ce nouvel ouvrage, que nous sommes tous heureux de voir se concrétiser. En même temps, je suis intimidé par les connaissances dans cette salle. Beaucoup d’entre vous connaissent mieux que moi les nuances empiriques et les contours théoriques de la région. C’est pourquoi, dans cet esprit, permettez-moi de ne présenter qu’une seule idée en guise de réflexion dans le cadre de nos discussions. Je présente cette idée non pas comme un technicien académique mais comme un citoyen privé marocain qui, d’un point de vue unique en tant que chercheur et témoin, a vu cette région évoluer au fil des décennies.

    Il y a longtemps eu une idée qui se cache dans le discours politique au sein du monde arabe, et même dans les milieux universitaires, sur l’exceptionnalisme maghrébin. Par ” exceptionnalisme “, j’entends l’idée que les États d’Afrique du Nord ne suivent pas le modèle général du Moyen-Orient ou d’autres pays en voie de modernisation. Au contraire, les pays du Maghreb évoluent à leur propre rythme en raison de leur spécificité culturelle.

    Dans le passé, l’argument en faveur de l’exceptionnalisme maghrébin a été mis à profit par divers acteurs au service de projets antidémocratiques. La France a invoqué cette croyance pour justifier sa domination coloniale. Il l’exploiterait à nouveau au cours des décennies suivantes en insistant sur le fait que c’était la stabilité et l’ordre, et non la transformation politique, qui étaient recherchés par les sociétés de l’Afrique du Nord. N’oublions pas la quintessence de la déclaration de l’ancien président français Jacques Chirac, qui, dix ans avant le printemps arabe, proclamait que les Tunisiens voulaient du pain et de la nourriture, et non la liberté et les droits humains. Une telle déclaration est venue du président du lieu de naissance de l’illumination.

    Ironiquement, de nombreux analystes ont réagi à la démocratisation tunisienne en affirmant que c’est le caractère exceptionnellement tolérant et libéral du pays qui a présidé à la révolution jasminienne. Il semble que l’exceptionnalisme ne meurt jamais. De même, pendant et après le printemps arabe, alors même que la Tunisie subissait ses changements révolutionnaires, les régimes marocains et algériens ont insisté sur le fait qu’ils restaient uniques par leur résistance et leur durabilité face aux troubles régionaux. La version algérienne de l’exceptionnalisme implique qu’une économie planifiée centralisée, une position géopolitiquement neutre et un tiers-mondisme d’origine révolutionnaire font du pays un candidat improbable à l’agitation révolutionnaire.

    L’exceptionnalisme au Maroc a reposé sur la persistance du monarchisme. Le régime royal est présenté comme une panacée essentielle, mystérieuse et même orientaliste aux besoins de la société marocaine, ce qui rend le pays résistant au changement. Autre exemple, des observateurs ont parfois suggéré que l’islam et l’islamisme en Afrique du Nord sont exceptionnels par leur caractère modéré et leur pratique historique.

    Cette notion plus large d’exceptionnalisme maghrébin peut aussi provenir en partie du discours postcolonial, qui a profondément imprégné la façon dont des générations d’Occidentaux sympathisent avec les luttes du monde arabe. Elle a été à son tour instrumentalisée par certaines élites françaises et leurs homologues autocratiques du Maghreb. Pourtant, aujourd’hui, près d’une décennie après le printemps arabe et alors que nous assistons à la dernière vague de changements politiques en Algérie, il est devenu évident que l’exceptionnalisme maghrébin est une idée qui doit être recalibrée.
    Ce que je propose, c’est que l’Afrique du Nord ne soit pas considérée comme exceptionnelle, mais comme singulière. Il y a une singularité maghrébine que l’on peut observer aujourd’hui, une singularité qui ne se définit pas par son insularité par rapport à d’autres événements ou traits immuables arabes, mais plutôt par la manière dont les forces structurelles se combinent et se recombinent d’une manière dynamique. En effet, le Maghreb est un microcosme du monde arabe. C’est là que réside sa singularité.

    Dans les seuls États d’Afrique du Nord, nous pouvons saisir les variations transversales spectaculaires qui caractérisent les tendances régionales plus larges. Nous voyons à la fois le monarchisme contre le républicanisme, la démocratie contre l’autoritarisme, l’ordre politique centralisé contre l’effondrement des États, la laïcité contre l’islamisme, et le rentierisme pétrolier contre le développement pauvre en ressources. La liste est longue : au sein de cette sous-région, nous avons une diversité extraordinaire. Le seul point commun entre les pays du Maghreb est peut-être la langue : tout le monde dans le monde arabe s’accorde à dire que nos différents dialectes nationaux sont tout aussi inintelligibles !

    Il y a beaucoup à déballer ici, au carrefour de la singularité maghrébine. Je voudrais me concentrer sur un seul aspect, à savoir les possibilités de changement démocratique au niveau macroanalytique. Permettez-moi de considérer un sous-ensemble du Maghreb, à savoir le Maroc, l’Algérie et la Tunisie, que je connais bien. En Tunisie, comme nous le savons, il y a une démocratie électorale qui est en train de se consolider et qui lutte pour institutionnaliser l’État de droit. Sa démocratisation en 2011 n’était pas censée avoir lieu, étant donné les revendications répétées de l’exceptionnalisme maghrébin ou tunisien utilisé par les élites françaises dans leur soutien aux Ben Ali.

    Tout comme la Troisième Vague de la Démocratie, la démocratie tunisienne a été conçue à travers des pactes entre acteurs politiques concurrents. En l’espèce, ces acteurs concurrents étaient des islamistes et des laïcs. Divisés par une discorde idéologique mais incapables de se conquérir mutuellement, les partis islamistes et non islamistes tunisiens ont coopéré à travers une gouvernance houillère pour jeter les bases de leur transition démocratique, y compris les élections et le constitutionnalisme. Ce chemin n’était ni facile ni parfait. Les négociations islamo-sécularistes ont été marquées par des tensions et ont failli s’effondrer à plusieurs reprises. De plus, les luttes économiques, les questions de justice transitionnelle et la corruption ont accablé l’Etat tunisien.

    Pourtant, la Tunisie pourrait bien révéler que le mode de transition politique le plus avantageux au Moyen-Orient est la démocratie paritaire. Par conséquent, il peut être intellectuellement bénéfique de réengager l’étude comparative du pacting et des transitions pactées. Les acquis de la Tunisie ont également produit un fait extraordinaire qui n’a pas été mentionné dans les médias arabes. Lorsque Tunis a accueilli le 30e sommet de la Ligue arabe le mois dernier, c’était la première fois que la Ligue arabe se réunissait dans une démocratie arabe fonctionnelle.

    L’Algérie, aujourd’hui, présente une dynamique différente. Comme le montrent les événements qui se déroulent encore, les Algériens se rebellent depuis des années contre deux contraintes politiques. Le premier est le fantôme de la guerre civile des années 1990 et le long effet paralysant que son héritage a eu sur la mobilisation populaire et le pluralisme politique. A bien des égards, le soulèvement d’aujourd’hui montre que le pays “rattrape” le Maroc et la Tunisie pour ce qui est d’avoir son printemps arabe. Plus profondément, elle “rattrape” son propre passé en reprenant là où elle s’était arrêtée en 1988. La deuxième contrainte est l’autoritarisme militarisé qui caractérise l’Algérie depuis son indépendance, un autoritarisme où les forces armées gouvernent derrière une façade de pouvoir civil. L’ère Bouteflika a été une modeste reconfiguration, car l’ancien président Bouteflika s’est taillé un petit royaume d’autonomie exécutive en faisant appel à de nouvelles élites commerciales et en réorganisant les services de sécurité.

    En rejetant Bouteflika et le système autocratique au sens large, les Algériens rejettent également les trois formes d’évasion qui ont longtemps façonné la politique. Il s’agit de l’émigration vers l’Europe, du virage vers l’islamisme, de la déconnexion totale et de la marginalisation. Les Algériens appellent ceux qui ont fait ce dernier comme des hittistes, c’est-à-dire ceux qui s’appuient sur le mur. Ce que nous voyons aujourd’hui, c’est le renversement de la tendance hittiste, dans laquelle de nombreux citoyens ont cherché à sortir du traumatisme politique par un désengagement existentiel.

    Ce moment politique marque la chute de Bouteflika aujourd’hui mais aussi le retour des militaires. Il s’agit d’une transition, mais pas nécessairement démocratique, car les manifestants continuent de faire pression contre l’État. En réponse, l’armée algérienne tente d’apprendre de son ennemi juré, le makhzen marocain. Il reflète le makhzen. Face à la contestation populaire, sa réaction sera de recycler le système afin de le pérenniser avec une nouvelle façade civile.

    Cela nous amène au Maroc, où le makhzen observe avec appréhension les événements en Algérie. Si le soulèvement algérien aboutit à une véritable transformation politique, il se trouvera dans une position délicate, car il sera seul à s’accrocher à l’ordre ancien. La politique marocaine dégage un stéréotype différent de l’exceptionnalisme maghrébin. Ici, la monarchie et ses institutions ont été justifiées en tant que piliers de l’ordre marocain, qui est par conséquent imperméable aux courants révolutionnaires et aux exigences démocratiques.

    Comme nous le savons, c’est trompeur. Le Maroc a connu des émeutes de grande ampleur dans les années 1960, deux coups d’État militaires qui ont failli renverser la monarchie, une mobilisation politique dans les années 1980 et 1990 et, au printemps arabe, une nouvelle vague de manifestations populaires. Plus récemment, avec l’atomisation de la société, les soulèvements se sont localisés. Le mouvement du Rif en est le dernier exemple, car les vives protestations qui y ont eu lieu depuis 2016 reflètent la colère politique, la marginalisation régionale et les exigences de dignité de la base.

    D’une part, l’Etat marocain conserve des outils familiers de maintien du pouvoir. Contre les partis politiques, elle s’est longtemps engagée dans la cooptation politique ou dans la marginalisation juridique. Entre-temps, contre la société civile marocaine, qui est devenue la véritable source de changement politique, l’État est devenu plus intolérant. Bien qu’il n’ait pas encore adopté une mentalité purement contre-révolutionnaire comme ses homologues monarchiques du Golfe, le régime est devenu plus rigide et rigide dans ses attitudes répressives envers la dissidence civique. Il a également déployé un nouvel outil au sein de son répertoire de contrôle, à savoir l’utilisation du pouvoir judiciaire lui-même pour faire taire ses détracteurs les plus ardents.

    Le sort de nombreuses ONG et organisations sociales qui sont victimes de la instrumentalization de la justice por la part de l Etat, telles que le mouvement de protestation Rif, Freedom Now o bien Racines, montre que le makhzen marocain reste implacable dans sa répression des opinions dissidentes.

    D’autre part, la société marocaine est aussi résiliente que l’Etat. Sa génération de jeunes ainsi que la société civile sont toujours en mesure de se recalibrer continuellement en réponse aux pressions exercées d’en haut. Ils savent qu’historiquement, le monarchisme n’est pas insensible au changement. Comment interpréter ces marées changeantes qui minent la notion d’exceptionnalisme marocain ? J’invoquerais les deux optiques académiques les plus célèbres selon lesquelles les spécialistes des sciences sociales ont considéré l’ordre politique dans le royaume.

    La première est la théorie de John Waterbury sur la segmentation de l’élite, qui met l’accent sur le fait que la création institutionnelle de réseaux de dépendance, de favoritisme et de clientélisme a été une stratégie délibérée par laquelle l’appareil royal maintient la classe politique enchaînée. La seconde est la théorie du maître et disciple d’Abdellah Hammoudi, qui suggère d’anciens fondements culturels et religieux sur lesquels les Marocains sont censés soumettre leur obéissance et leur autorité aux détenteurs du pouvoir absolu.

    -Aujourd’hui, les deux optiques ont besoin d’être retouchées. Le sous-développement économique a fait en sorte qu’il reste très peu de mécénat pour alimenter la segmentation des élites en réseaux de dépendance clientéliste. Pourtant, les institutions politiques créées pour consacrer l’obéissance culturelle et religieuse sont incapables de se reproduire sous la pression populaire.

    – En résumé, les règles de l’engagement politique au Maroc sont en train de changer.

    -Ces trois vignettes de la Tunisie, de l’Algérie et du Maroc présentent un fil conducteur. Avant le printemps arabe, ils avaient tous des États de type “jacobin”, définis par un degré élevé d’autoritarisme centralisateur. Dans le même temps, ils ont également permis un pluralisme très limité, qui a été exploité en cas de besoin.

    -Aujourd hui, ces vieilles stratégies de survie ne fonctionnent plus. En effet, la question intelligente n’est peut-être pas tant de savoir si les changemant prevue à grande échelle se produit, mais quand, comment et à quel prix, sur la base des tendances tunisiennes et algériennes.

    Mon sentiment, enraciné dans la singularité maghrébine et sa représentation de la politique arabe au sens large, est que la démocratisation peut venir si elle se fait par un pacte. La démocratie sera poussée d’en bas, mais en fin de compte, elle devra être façonnée et institutionnalisée par le biais de compromis entre des acteurs concurrents. Il existe de nombreux groupes et forces en compétition qui revendiquent le pouvoir au Maghreb. Certains ont été historiquement réprimés, tandis que d’autres sont restés au pouvoir pendant des décennies. S’il y a une rupture populaire, il appartiendra à ces concurrents de forger une compréhension mutuelle afin de créer un ordre politique commun.

    Si nous voyons de tels changements positifs catalysés de cette manière, nous parlerons peut-être dans quelques années non pas d’exceptionnalisme maghrébin, ou de singularité maghrébine, mais plutôt de leadership maghrébin pour le monde arabe en termes de son caractère démocratique. Et c’est une réalité qui mérite d’être étudiée.

    Tags : Printemps Arabe, Printemps marocain, Maroc, Algérie, démocratie, exception maghrébine, exception marocaine, répression, dictature, despotisme,

  • Le roi du Maroc: une erreur de chromosome, selon son père

    « Une erreur de chromosome »

    Le futur souverain est né en 1963, au moment où son père, le dos au mur, devait affronter une contestation croissante à l’intérieur du pays, mais également une opération de déstabilisation venue de l’étranger, notamment de l’Algérie. À l’époque, l’avenir de la monarchie est des plus incertains.

    Hassan II impose à son fils une éducation stricte, des châtiments corporels, le fait surveiller en permanence, et autant il manifestera un profond attachement à ses petits-enfants, autant il se conduira comme un père dur et distant. Le cousin germain de Mohammed VI, le prince Moulay Hicham, évoque en ces termes les châtiments corporels infligés par Hassan II: «Un jour, raconte-t-il, le roi s’est rendu compte que les serviteurs étaient gentils avec son fils aîné et moi-même. Il leur a dit: “Ce que vous avez enduré, ce ne sont pas des cris de douleur, c’est une mise en scène de cinéma.” Et il s’est mis à cogner: vingt coups de fouet(1).»

    Le prince héritier ne semble pas avoir été l’enfant préféré de son père. C’était un jeune homme plutôt ouvert et rieur, et d’une grande courtoisie. Des traits qui semblent s’être complètement évanouis, depuis qu’il est monté sur le trône.

    En 1998, Hassan II est malade, fuit même ses plus proches courtisans, les bouffons qui jusqu’alors le divertissaient. Il vit seul, replié dans son palais, et il sait que son successeur, grâce à lui, disposera de pouvoirs institutionnels sans précédent. La mort, qui l’obsède, rôde dans le palais. Nul doute qu’il éprouve en ces heures un profond désarroi envers cette toute-puissance qui va bientôt lui être enlevée, et de la jalousie pour celui qui va en hériter. À cet instant, il est piégé. Il avait balayé la tradition qui voulait que ce fussent les oulémas qui désignent le futur souverain, pour s’imposer, en tant qu’aîné, comme prince héritier. Et, sous peine de remettre en cause la stabilité monarchique, il a perpétué ce choix. Sans enthousiasme.

    En ces heures, comme si le temps lui était compté, il multiplia confidences et petites phrases. Lorsque je lui demandai: «Est-ce rassurant pour vous de savoir que votre succession se déroule de façon stable?», il répliqua d’une voix cinglante: « Jusqu’au bout je m’interroge, et malgré les apparences mon choix n’est toujours pas définitivement arrêté…» Il marqua alors une pause pour mieux accroître son effet, et ajouta : « Je ne voudrais pour rien au monde que ce pays soit victime d’une erreur de chromosome(2).»

    La formule était évidemment d’une violence inouïe, mais, impassible, il me regarda la noter, sans me demander de l’atténuer.

    La toute-puissance politique qu’Hassan II léguera à son successeur se double d’une puissance économique et financière déjà considérable. Dès le début des années 1980, il a ordonné la libéralisation de l’économie et engagé un programme de privatisations. Le bon vouloir du roi s’exerce dans ce domainelà aussi. Les entreprises publiques les plus juteuses tombent alors dans son escarcelle, mais chaque fois, comme le souligne la presse marocaine aux ordres du Palais, avec «le plein accord des pouvoirs publics». On s’en serait douté.

    Le roi rachète ces entreprises publiques à travers l’ONA, l’Omnium nord-africain, qu’il a acquis en 1980 et qui regroupait tous les biens, considérables, détenus par Paribas au Maroc. Déjà présent dans tous les secteurs de l’économie marocaine, l’ONA va, au fil des ans, beaucoup accroître son périmètre. Le holding royal contrôle ainsi des dizaines de filiales. Dans le secteur agroalimentaire, l’ONA rachète la Centrale laitière, Lesieur Cristal, Cosumar. Mais aussi des banques, de l’immobilier, de la chimie, des mines…

    Robert Assaraf, qui fut l’un des responsables du groupe, expliquera plus tard, sans mesurer sans doute l’énormité du propos: «L’idée était de marocaniser un maximum d’entreprises cruciales pour le développement du Maroc. L’ONA avait un rôle de locomotive(3).» Le seul objectif des dirigeants du groupe, qui sont tous des courtisans accomplis, est pourtant bien de donner satisfaction au souverain en maximisant ses profits. Ils savent que le maintien à leur poste en dépend. Entre 1981 et 1985, l’ONA multiplie son chiffre d’affaires par sept. 72% du volume d’activités sont réalisés dans l’agroalimentaire(4).

    Il est facile de comprendre pourquoi. Pour ce groupe qui détient quarante-trois sociétés au Maroc et en contrôle indirectement quatre-vingt-six autres, l’alimentaire est un formidable marché aux bénéfices importants. Pour une raison simple. Des sociétés comme Cosumar, qui détient le monopole du sucre, la Centrale laitière, celui du lait, ou Lesieur Cristal, celui de l’huile, opèrent sur des marchés où les produits sont subventionnés. Là encore, l’État marocain courbe l’échine sous l’ampleur des prélèvements: le secteur subventionné, tel qu’il est organisé au Maroc, vise à puiser dans le budget de l’État pour financer les entreprises royales et leur garantir des bénéfices records. Ce système de subventions, baptisé Caisse de compensation, censé acheter la paix sociale, contribue avant tout à enrichir le roi.

    La stratégie de l’ONA reflète la psychologie d’Hassan II: ne pas tolérer d’opposition à sa volonté. Bientôt il nommera son gendre, Fouad Filali, à la tête du groupe. Tous les concurrents potentiels de l’ONA sont impitoyablement écartés, quels que soient leurs secteurs d’activités.

    Au fil des ans, le Maroc devient de plus en plus un pays en trompe-l’œil, où vie politique et fonctionnement de l’économie de marché ne sont plus qu’illusions. Hassan II aura au moins eu l’habileté de tolérer, à côté de l’ONA, un secteur privé où des hommes d’affaires pouvaient encore agir. Ce qui n’est plus le cas aujourd’hui, dans le cadre de la stratégie de contrôle mise en œuvre par son successeur.

    Hassan II, interventionniste en diable, décide du casting et des figurants sur la scène publique. Lui qui a dessiné les contours de la monarchie va faire de même avec la vie politique. « J’étais sur la route et je conduisais, racontait-il, quand je me suis dit: il serait bon que dans l’éventail politique il y ait un parti communiste. Je me suis tourné vers Ali Yata, qui était assis à mon côté, et je lui ai dit: “Tu vas créer un parti communiste dont tu prendras la direction(5).” » Il professe un profond mépris pour une classe politique qu’il veut aux ordres, et dont les représentants sont choisis pour leur souplesse d’échine. Un fonctionnement que Mehdi Ben Barka, son ancien professeur de mathématiques devenu son principal opposant, a résumé d’une formule cinglante: «Tu baisses la tête, tu baises la main et tu finiras par être récompensé.»

    Il adore tirer les fils, jouer les montreurs de marionnettes. Un soir, alors qu’il est un peu plus de 22 heures, nous discutons dans son palais de Skhirat, à trente kilomètres de Rabat. Soudain, il glisse dans la conversation:

    – À propos, je vous ai préparé une petite surprise. J’ai organisé pour vous un dîner avec le Premier ministre et les dirigeants des grands partis politiques.

    Je réponds, surpris: – Merci, Majesté. Quel jour?

    Il jubile littéralement.

    – Maintenant, ils vous attendent déjà !

    Comme je m’apprête à partir, d’un geste de la main il m’intime l’ordre de rester.

    – Il n’y a pas d’urgence, ne vous inquiétez pas.

    Il est 0 h 45 quand il me laisse enfin quitter le palais, et 1 heure 30 du matin quand j’arrive sur le lieu du dîner. Je pousse la porte, je découvre des hommes âgés assoupis dans des fauteuils. Je dis au Premier ministre, Karim Lamrani:

    – Je suis désolé pour ce retard.

    – Aucun problème, me répond-il en se frottant les yeux pour se réveiller. Nous vous attendions en discutant(6).

    Un absolutisme légal

    Pourtant la médiocrité, parfois flagrante, de certains de ces hommes a le don de l’exaspérer. Alors qu’il a décidé d’élections générales et que la campagne électorale bat son plein, il arrive sur un terrain de golf, suivi de son fils.

    – Vous avez regardé les débats télévisés, hier? me demande-t-il. Non? Eh bien, vous avez bien fait. Ils étaient tous nuls. Comment voulez-vous que j’arrive à convaincre les gens d’aller voter avec des incapables pareils?

    Quel merveilleux sursaut démocratique! Tandis que son père est sur le green, le futur Mohammed VI s’approche.

    – Comment se déroulent les choses avec mon père?

    – Plutôt bien, merci!

    Il se penche alors vers moi en souriant.

    – Soyez tout de même sur vos gardes, c’est un immense manipulateur(7).

    En réalité, malgré leurs divergences, les deux hommes sont faits de la même étoffe. Celle de dirigeants qui savent qu’ils sont au-dessus des lois et n’ont de comptes à rendre à personne. Hassan II a façonné un pouvoir absolu et sans entraves qui n’a cessé de fasciner celui qui, plus tard, allait en disposer à son tour. Un absolutisme légalisé à travers les textes constitutionnels consacrés au droit traditionnel et divin (l’allégeance, commandeur des croyants). Les droits du souverain sont ainsi réputés «inviolables et sacrés».

    Toutes les stratégies mises en place par Hassan II sont observées avec soin par le prince héritier. Or, derrière chacun de ses choix, il y a un calcul personnel. «La grande fierté de mon règne, affirmait Hassan II, ce sont ces barrages que j’ai fait construire à travers le pays.» Au total, cent vingt grands barrages auront été édifiés durant son règne, et à un rythme soutenu. Certaines années, 40% du budget de l’État auront été consacrés à ces travaux. Une politique des barrages qui aura masqué un véritable détournement d’actifs opéré par le roi. C’est lui qui choisit les régions où ils seront construits et évalue le nombre d’hectares qui seront irrigués. Le processus d’expropriation sera l’occasion de faire passer de nombreuses surfaces de qualité dans le giron royal…

    Dans un pays où les trois quarts des entreprises agricoles ont moins de cinq hectares, la terre permet non seulement au roi de s’enrichir mais de disposer d’un système de corruption efficace. S’il ne prétend en aucun cas connaître ou évaluer le nombre d’hectares appartenant aux Domaines royaux, l’économiste Najib Akesbi se livre néanmoins à un calcul intéressant: celui des terres qui ont disparu des registres fonciers après l’Indépendance du Maroc. «En 1956, on comptabilise un peu plus de un million d’hectares. On sait que, sur ce total, trois cent vingt-cinq mille hectares de terres de colonisation officielles ont été récupérés en 1963 et distribués lors de la réforme agricole qui s’est étendue de 1963 à 1975, sous forme de lots de cinq hectares, notamment lors des périodes de tensions sociales, qu’Hassan II cherchait ainsi à calmer. Il y a eu ensuite les deux cent mille à deux cent cinquante mille hectares récupérés au début des années 1970, lors de l’opération dite de marocanisation, et confiés à deux sociétés d’État, la Sodea, spécialisée dans les fermes plantées, et la Sogeta, dans les terres nues(8).»

    Au final, il resterait donc entre quatre cent mille et quatre cent cinquante mille hectares qui n’ont jamais été récupérés par l’État et qui ont fait l’objet de cessions illégales entre colons et Marocains. La famille royale en a-t-elle profité? Si oui, dans quelles proportions? Cinquante-six ans après l’Indépendance du royaume, le mystère demeure. Un sujet sensible dans un pays agricole où la moindre indication sur l’ampleur de la confiscation royale pourrait avoir des conséquences politiques et sociales graves.

    Dernier legs d’Hassan II, utilisé avec encore moins de scrupule par son successeur: l’appel à l’aide internationale pour financer des projets dans lesquels la famille royale est souvent impliquée. Outre la Banque mondiale, engagée dans le financement des barrages, la France figure naturellement au premier rang des bailleurs de fonds. En 1992, Hassan II est reçu à Paris par François Mitterrand et Jacques Chirac, cohabitation oblige.

    Depuis 1990, l’aide française atteint annuellement 1 milliard de francs, montant qui doublera à partir de 1995. La France est alors le premier créancier du Maroc, dont elle détient 13% de la dette, pourcentage qui grimpera à 19% en 1999. Elle est également le premier bailleur de fonds bilatéral du pays, au titre de l’aide publique au développement, avec 50% du total. Une filiale de l’Agence française de développement, la Proparco, dont les bureaux marocains sont installés à Casablanca, accorde également des fonds propres et des prêts à des entreprises ainsi qu’à des banques marocaines.

    En 2001, Proparco investit ainsi de l’argent des contribuables français, au total 160 millions d’euros, notamment dans le groupe minier Managem, appartenant au roi, pour l’exploitation d’une mine d’or au sud-est d’Agadir (9). Elle investit également, dès cette époque, dans l’énergie éolienne contrôlée par le souverain. À l’époque, Proparco est aussi partenaire dans Upline Technologies, un fonds d’investissement créé par la banque d’affaires et appartenant au groupe Upline, dont l’un des actionnaires « cachés» aurait été le propre frère du roi, le prince Moulay Rachid.

    La monarchie marocaine a paisiblement prospéré à l’ombre de l’omerta française. Les responsables politiques qui se sont succédé ont tous fait preuve, qu’ils soient de droite ou de gauche, d’une tolérance coupable. «Ne pas désapprouver l’inacceptable» semblait depuis longtemps la règle d’or adoptée par Paris. Ainsi, à l’abri des critiques ou des pressions, le roi et son entourage pouvaient sans risque se livrer à tous les excès.

    Staline, dit-on, avait confié un jour: «Donnez-moi un homme, j’en ferai un procès.» Hassan II aurait pu déclarer en le paraphrasant: «Donnez-moi un homme, j’en ferai un courtisan.» Le spectacle désolant des personnalités françaises se pressant à ses réceptions faisait peine à voir. Chaque année, le 31 décembre, le roi organisait une immense réception pour le nouvel an. Des centaines de voitures officielles déposaient des invités aux sourires béats devant les portes d’un palais illuminé. J’ai (É. L.) assisté à l’époque à l’une de ces soirées, et je puis témoigner que la vision offerte était particulièrement obscène. Des hommes et des femmes en robe du soir et smoking remplissaient à ras bord leurs assiettes de caviar, comme autant de Thénardier affamés se précipitant sur un bol de soupe.

    Au terme du repas, des serviteurs en livrée portant des hottes emplies de cadeaux étaient littéralement bousculés par les invités qui s’efforçaient, un instant après, d’en récupérer un maximum. Hassan II n’apparaissait pas une seule fois, mais nul doute que, bien à l’abri des regards, il devait observer ce spectacle avec satisfaction. Sans doute le confortait-il dans son scepticisme sur la nature humaine et le mépris qu’il éprouvait pour l’immense majorité des gens.

    1. Ignace Dalle, Hassan II, entre tradition et absolutisme, Paris, Fayard, 2011.

    2. Propos recueillis par Éric Laurent, Rabat, 1998.

    3. Fahd Iraqi, «Il était une fois l’ONA», TelQuel, nº 456.

    4. Ibid.

    5. Entretien avec Éric Laurent, Skhirat, 1993.

    6. Propos recueillis par Éric Laurent, Rabat, 1993.

    7. Propos recueillis par Éric Laurent, Bouznika, 1994.

    8. Entretien avec les auteurs, Rabat, septembre 2011.

    9. L’Économiste, 5 septembre 2001.

    Source : Le Roi prédateur

    Tags : Maroc, Mohammed VI, le roi prédateur, erreur de chromosome, Hassan II, ONA, dictature, répression,

  • Nous serons un peuple lorsque… (Mahmoud Darwich)

    « Nous serons un peuple, si nous le voulons, lorsque nous saurons que nous ne sommes pas des anges et que le mal n’est pas l’apanage des autres.

    Nous serons un peuple lorsque nous ne dirons pas une prière d’action de grâces à la patrie sacrée chaque fois que le pauvre aura trouvé de quoi dîner.

    Nous serons un peuple lorsque nous insulterons le sultan et le chambellan du sultan sans être jugés.

    Nous serons un peuple lorsque le poète pourra faire une description érotique du ventre de la danseuse.

    « Nous serons un peuple, si nous le voulons, lorsque nous saurons que nous ne sommes pas des anges et que le mal n’est pas l’apanage des autres.

    Nous serons un peuple lorsque nous ne dirons pas une prière d’action de grâces à la patrie sacrée chaque fois que le pauvre aura trouvé de quoi dîner.

    Nous serons un peuple lorsque nous insulterons le sultan et le chambellan du sultan sans être jugés.

    Nous serons un peuple lorsque le poète pourra faire une description érotique du ventre de la danseuse.

    Nous serons un peuple lorsque nous oublierons ce que nous dit la tribu…, que l’individu s’attachera aux petits détails.

    Nous serons un peuple lorsque l’écrivain regardera les étoiles sans dire : Notre patrie est encore plus élevée… et plus belle !

    Nous serons un peuple lorsque la police des mœurs protégera la prostituée et la femme adultère contre les bastonnades dans les rues.

    Nous serons un peuple lorsque le Palestinien ne se souviendra de son drapeau que sur les stades, dans les concours de beauté et lors des commémorations de la Nakba. Seulement.

    Nous serons un peuple lorsque le chanteur sera autorisé à psalmodier un verset de la sourate du Rahmân dans un mariage mixte.

    Nous serons un peuple lorsque nous respecterons la justesse et que nous respecterons l’erreur. »

    Si nous le voulons – Mahmoud Darwich nous oublierons ce que nous dit la tribu…, que l’individu s’attachera aux petits détails.

    Nous serons un peuple lorsque l’écrivain regardera les étoiles sans dire : Notre patrie est encore plus élevée… et plus belle !

    Nous serons un peuple lorsque la police des mœurs protégera la prostituée et la femme adultère contre les bastonnades dans les rues.

    Nous serons un peuple lorsque le Palestinien ne se souviendra de son drapeau que sur les stades, dans les concours de beauté et lors des commémorations de la Nakba. Seulement.

    Nous serons un peuple lorsque le chanteur sera autorisé à psalmodier un verset de la sourate du Rahmân dans un mariage mixte.

    Nous serons un peuple lorsque nous respecterons la justesse et que nous respecterons l’erreur. »

    Si nous le voulons – Mahmoud Darwich

    Source : La Palestine et les poètes

    Tags : Maroc, Algérie, Tunisie, Libye, Mauritanie, Maghreb, nationa arabe, peuple, dictature, sultan, roi, despote, desptisme, répression, Mahmoud Darwich,

  • Au Maroc, le pouvoir se trouve entre les mains d’un Chef d’État issu d’un protectorat français

    par Orilio Leaks

    L’étoile quand, je reçois des factures des impôts et des taxes. Bah moi je le prends très mal. J’ai honte de voir un régime marocain « néo-féodal » et un conseil d’état corrompu, nous prendre pour des vaches à lait.

    Vous répondez quoi bande de mafieux ?. Ah oui vive le Maroc de la mafia !.

    Hé oui !. Dégoûté, écœuré !. Que le chef d’Etat et ses membres de gouvernement fassent un tour de Maroc au lieu de statuer sous l’or de leurs bureaux, palais, voitures de luxe et avions en niant la réalité du pays. Honte à vous, oui pour avoir trouver un prétexte !

    Vous ne représentez plus la majorité des citoyens marocains démunies et pauvres. Un Maroc non respectueux aujourd’hui des droits humain, qui ne respecte et ne reconnait pas ni la souffrance des humains ni des animaux.

    Les pages du temps se tournent pour d’autres horizons que j’espère sans vous !

    Pour juger sans faute, il ne faut pas avoir le pouvoir de condamner ou être un esclave d’un tyran. Où est la conscience collective de tous nos héros libéraux ? Vous croyez avoir découvert l’eau chaude !? Qu’attendez-vous, de former un comité et montrer à nos despotes que vous n’avez pas que des muscles pour hisser ce pouvoir absolu et cette dictature au Maroc qui règne par la peur du pire dans notre mère patrie ».
    L

    e pouvoir au sommet de l’État est personnel et absolu. Un chef d’État issu d’un protectorat français, contrôle tous les rouages sécuritaires, civils, économiques, militaires et administratifs du pays. Pour exercer ce pouvoir absolu, il n’a cure d’aucun texte, d’aucune loi, d’aucun code qui puisse freiner sa volonté ou contrôler ses directives. Les textes et les lois n’existent que pour servir le système de domination et constituer un support à l’arbitraire des sanctions.

    Mais vous avez aussi des cerveaux, des valeurs et des principes humains qui n’acceptent ni l’injustice ni l’humiliation. Faites votre part, parce que, ensemble, vous pouvez faire marche arrière à la machine répressive du régime dictatorial.

    N’oubliez pas que vous êtes très puissants et que le régime ne peut s’en passer de votre soutien. Ensemble, il ne suffit que d’un seul appel pour rallier tous les Baltajis du régime à vos côtés et contre les despotes.

    Quand ses charognes sont arrivées au pouvoir, tu sème le vent et tu récolte la tempête ! Dans leur idéologie, la terre leur appartient, nous, nous sommes des impurs et nous méritons la mort pour les avoir choisis. Quand allez-vous les dégager ? Ils s’y croiront chez eux et finiront par vous jeter dehors comme moi!..

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    Tags : Maroc, Makhzen, protectorat, répression, baltajis, dictature, despote,