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  • Belgique : L’exclusion d’Emir Kir, sonne-t-elle le glas du communautarisme électorale?

    Les faits. Après la polémique qui a suivi la rencontre entre Emir Kir, bourgmestre PS de Saint-Josse, et des représentants turcs d’extrême droite, la commission de vigilance du Parti socialiste a finalement décidé d’exclure du parti celui qui constituait sans conteste l’un de ses porteurs de voix. Cette exclusion retentissante est-elle le signe d’un changement de politique ou renforcera-t-elle au contraire les adeptes de la double allégeance, partagés entre leur pays d’origine et leur pays qui les a élus ? Politologue, analyste et acteurs de terrain nous ont donné leur avis.

    « Il faut d’abord rappeler que l’exclusion d’Emir Kir a été décidée en raison de la rupture du cordon sanitaire à l’égard de l’extrême droite, et non pas dans le cadre d’une condamnation d’un communautarisme qui demeure, du reste, un concept difficile à définir », souligne le directeur du Centre de recherche et d’information socio-politiques (CRISP), Jean Faniel. « Toutefois, une fois l’exclusion prononcée, se pose effectivement la question de l’avenir d’Emir Kir qui pourrait effectivement se replier sur une base électorale communautaire à Saint-Josse. A cet égard, paradoxalement peut-être, cette exclusion pourrait y attiser cette forme de communautarisme que de nombreuses voix dénoncent aujourd’hui.

    En effet, au vu des premières réactions, il est difficile de savoir comment les choses vont évoluer en la matière. La procédure d’exclusion, puis l’exclusion elle-même ont déclenché des réactions très vives, notamment à l’encontre du militant qui a impulsé la procédure, et qui étaient assez clivées d’un point de vue communautaire ou communautariste. Emir Kir a conservé le soutien de la quasi-totalité de ses proches à Saint-Josse. Cet épisode pourrait donc contribuer à “mettre de l’ordre” dans les rangs du Parti socialiste en envoyant le signal que le communautarisme ne permet pas de déroger à des valeurs fondamentales du parti, telles que la lutte contre le négationnisme et la préservation du cordon sanitaire contre l’extrême droite. Mais il pourrait aussi déboucher sur la formation durable d’une majorité à caractère communautaire dans une commune bruxelloise, se détachant progressivement des formations politiques belges classiques, dont les contours obéissent avant tout à des logiques politiques et non à des logiques “ethniques” (même si le clivage linguistique est évidemment très marqué et peut lui aussi être considéré comme relevant en partie du communautarisme puisque chaque parti fait campagne dans sa communauté linguistique, puis défend les intérêts de celle-ci une fois passée l’élection) ».

    « S’agissant du débat sur le “communautarisme” que cette affaire a aussi entraîné, il me semble essentiel que nous nous posions la question suivante : quels phénomènes vise-t-on précisément par ce terme, et le cas échéant quels comportements doit-on proscrire ? », réagit Jérémie Tojerow, membre du PS et auteur de la plainte. « Faute de définition claire et objective, il est à craindre que l’usage de ce mot vise avant tout à disqualifier l’adversaire politique plutôt que de faire réellement avancer le débat. Par exemple, quand les candidats juifs issus de tous les partis font publier des encarts électoraux dans la revue Regards plutôt que dans la revue de telle ou telle autre communauté, est-ce du “communautarisme électoral” ? Placarder des affiches électorales à l’entrée d’une épicerie juive ou même d’une synagogue, est-ce du “communautarisme électoral” ?

    Quand les élus d’un même parti sont autorisés à voter individuellement au sujet de projets de loi relatifs à l’euthanasie ou au mariage pour tous, en fonction de leurs convictions personnelles et/ou celles de leur électorat supposé plutôt qu’en fonction d’une position commune de leur parti, est-ce du “communautarisme électoral” ? Et si l’on considère que ces différentes attitudes relèvent du “communautarisme électoral”, sont-elles nécessairement à proscrire ? Pour ma part, deux éléments me paraissent fondamentaux : d’une part, les partis doivent pouvoir s’adresser à l’ensemble de la population dans toutes ses composantes (en ce compris le cas échéant via Regards ou des affiches devant une épicerie casher…), et la représenter avec des candidats qui sont issus de toute sa diversité, notamment aussi socio-professionnelle.

    D’autre part, et c’est le point crucial, les partis et leurs candidats, quelle que soit leur origine, doivent tenir le même discours et défendre le même programme, les mêmes valeurs, les mêmes pratiques (comme le cordon sanitaire) partout et devant tous les publics. Il est compréhensible que les candidats présents à la Gay Pride mettent en avant des propositions en lien avec les droits des personnes homosexuelles et non par exemple en lien avec l’agriculture. Il est par contre à mon sens problématique que les mêmes candidats ou leurs colistiers défendent en même temps, auprès d’autres publics plus conservateurs, des propositions et discours différents afin de les séduire. Représenter toute la population avec des candidats issus de tous les milieux et origines, tout en bannissant les doubles discours, voilà l’enjeu central à notre sens. Et pour cela, les partis politiques, souvent décriés, ont un rôle fondamental à jouer ».

    La fin du communautarisme électoraliste ? « Pas du tout… », selon Dogan Özgüden, journaliste et éditeur du site www.info-turk.be. « Le cas Emir Kir est un arbre qui cache la forêt communautariste, dans cette forêt se trouve toute espèce d’opportunisme. C’est la conséquence de l’absence pendant ces décennies d’une politique d’intégration conforme aux valeurs démocratiques européennes d’une part, et d’autre part, de la mainmise des régimes répressifs des pays d’origine sur les immigrés. Le pouvoir d’Erdogan ne cessera jamais de harceler les ressortissants turcs pour maintenir leur soutien au lobby turc contre les revendications des diasporas arménienne, assyrienne et kurde…

    Quant aux partis politiques belges, le risque de perdre le soutien des électeurs captifs du régime d’Ankara sera déterminant dans leur prise de position. D’ailleurs, n’oublions pas que le parti fasciste MHP est le partenaire principal d’Erdogan et la politique de ce dernier est devenue aussi fascisante que celle du MHP. Tant que les députés du MHP et de l’AKP font partie de la Commission parlementaire mixte UE-Turquie et sont souvent présents sans aucun empêchement dans les réunions des associations nationalistes et islamistes en Belgique, il sera difficile de juger et d’exclure tous les élus turcs pour rompre le cordon sanitaire en raison de leurs relations avec eux ».

    « Je pense que c’est une alerte, mais on ne se débarrasse pas comme ça de 50 ans de communautarisme », estime le comédien Sam Touzani (photo (c) Jef Boes), auteur-interprète de la pièce “Cerise sur le ghetto”, qui rencontre énormément de succès, tant auprès du grand public que des publics scolaires. « Je répète depuis toujours que le communautarisme contient de la nitroglycérine, on ne le comprend malheureusement que lorsqu’il explose. Avant cela, on nie la réalité, pour des raisons bassement électoralistes. La vie politique belge nous l’a montré à plusieurs reprises.

    Mais avant de vouloir lutter contre le communautarisme issu de l’immigration marocaine, turque, on ne peut faire l’économie de l’analyse de la situation belgo-belge. Nous sommes dans le pays le plus communautarisé au monde, et on oublie de le préciser, comme si c’était réglé. La question est juste mise au frigo, il ne faut pas s’étonner dès lors de la continuité du contexte national dans le contexte local, avec ses dérives perverses. Même si on parle d’un problème territorial, linguistique chez nous, et non de l’emprise d’Etats étrangers sur des communautés d’origine, d’une volonté de contrôle extérieur, c’est la même logique. Nos politiques ont laissé pourrir la situation pour garder de bonnes relations diplomatiques, mais aussi économiques, au détriment de l’éthique.

    Pourquoi s’attacher sinon à l’Arabie saoudite, si ce n’est pour lui vendre des armes ? On voit aujourd’hui où le communautarisme mène. Quand Emir Kir est élu chez nous, même s’il veut nous faire croire que l’extrême droite belge est différente de l’extrême droite turque, c’est avec des arguments nationalistes, de même que l’a été Mahinur Özdemir, première élue voilée au Parlement bruxellois, aujourd’hui ambassadrice de la Turquie en Algérie ! Non seulement ces élus ne sont pas détachés de leur pays d’origine, mais il est rare que ces pays d’origine ne soient pas une dictature ou une théocratie ».

    De l’avis de plusieurs de nos interlocuteurs, la définition du communautarisme devrait être clarifiée. Comme s’il n’était pas évident que ce que l’on condamne n’est pas le choix des candidats aux élections de s’adresser à ceux qu’ils considèrent comme leur principale cible, mais bien le double-discours dont certains font preuve, dans leur langue d’origine. Un double-discours, pour une double allégeance, relayant souvent d’autres valeurs avec les dérives que l’on connait, et qui entretient la confusion entre le pays dans lequel ils vivent et se portent candidats, et celui dont ils sont originaires, avec lequel ils ont naturellement gardé une attache. Mais jusqu’à quel point ? On évoquera toujours la communauté juive en évoquant la communauté musulmane, par souci d’équilibre sans doute, et qu’importe finalement la réalité. Comparer le cas des candidats juifs à celui des candidats d’origine turque (pour le cas d’Emir Kir) ne fait malheureusement qu’entretenir l’amalgame entre Juif et israélien, desservant le combat démocratique en faisant diversion pour renvoyer les communautés dos à dos.

    Source

    Tags : Belgique, communautarisme, Emir Kir, PS, Turquie, élections,

  • Algérie : Entamer le changement

    La santé va au plus mal. C’est le ministre qui qui pose son diagnostic à travers les symptômes les plus apparents de la déficience dans la prise en charge des patients et de la gestion des établissements hospitaliers. Ce paradoxe entre les énormes ressources financières injectées dans le système des soins et ses piètres performances n’est toutefois pas nouveau.

    Les prédécesseurs de l’actuel ministre, entre autres, ont tous relevé cette inadéquation et posé autant de fois ce même diagnostic sans que la situation n’ait évolué d’un iota dans le bon sens.

    Aujourd’hui le pays a besoin de solutions pratiques qui donnent des résultats sur le terrain en matière de qualité des prestations et qui ont des répercussions positives sur la charge financière. Les précédentes ont jusque-là totalement échoué, pour la bonne raison que le système dans son entièreté n’est pas tourné pour atteindre un tel impact et que les tergiversations autour du principe de la gratuité des soins et des plans de sa remise en cause provoquaient l’émergence d’appétits aussi féroces que ceux déjà en place, nourris par la gabegie qui y règne.

    Creuser une franche tranchée entre les sphères des intérêts permettrait déjà de solutionner à moitié le problème ; l’autre moitié se dissoudra avec l’assainissement d’une administration trop impliquée dans le jeu des affaires.

    Contrairement à l’idée répandue, l’accès aux soins n’est pas gratuit, il est financé par les deniers publics. Verrouiller les accès aujourd’hui faciles à la dépense stérile et impunie est le seul moyen réaliste et efficace pour entamer le changement de la culture prévalant dans le système actuel et amener ce dernier à se soumettre à une gestion plus conforme aux canons de l’économie de la santé.

    Ne pouvant plus être entretenue, toute la fumée qui se dégage aujourd’hui à travers les comportements anomiques des uns et des autres finira forcément par se dissiper pour laisser place aux questions sérieuses de la formation, de l’organisation, de l’équité dans l’accès aux soins, de la performance, de la recherche médicale et, pourquoi pas, de la contribution à l’économie nationale à travers le tourisme médical, à l’instar de ces pays qui nous en administrent la leçon alors qu’ils ne sont pas forcément mieux dotés que l’Algérie.

    Horizons, 1 jui 2019

    Tags : Algérie, transition, élections, Bouteflika, Hirak, démocratie, constitution, article 102,

  • Opinion : Une éclaircie dans le brouillard!

    Par Mustapha KHAMMARI

    La diplomatie tunisienne a agi, dans la tradition bourguibienne, mobilisant l’appui des pays frères et amis, en comptant sur ses acquis de pays prônant toujours la coexistence pacifique, la non ingérence dans les affaires intérieures des pays et le soutien permanent aux causes justes et à la nécessaire préservation de la paix universelle.

    La voix de la Tunisie , est de nouveau écoutée après l’éclipse des premières années post-révolution. Présente aux grandes réunions et conférences internationales, notre pays a organisé avec succès le dernier sommet arabe et s’apprête à accueillir le sommet de la francophonie.

    Dans une scène internationale tourmentée, des visiteurs étrangers de haut rang se succèdent en Tunisie sollicitant ses analyses et éclairages à propos de questions régionales et internationales et ouvrant de grandes opportunités à la coopération et aux échanges avec notre pays.

    Le ministre des affaires étrangères M. Jhinaoui appuyé sur le travail préparatoire des dossiers par les experts de son département et du travail de nos ambassades, parcourt le monde portant haut la voix de la Tunisie et lui engrangeant des amitiés et des supports dont notre pays a grandement besoin alors que son économie connaît une récession paralysante.

    Ne boudons donc pas notre fierté et soulignons le regain de dynamisme de la diplomatie nonobstant le rôle à minima dévolu aux membres non permanents face au pouvoir immense mais anachronique du véto des cinq membres permanents.

    L’élection de la Tunisie fera entendre la voix d’une Tunisie soucieuse de paix et de concorde dans les relations internationales.

    Sur le même plan, la présence tunisienne aux réunions du conseil de sécurité offre à son représentant l’opportunité de défendre la cause palestinienne, qui est une préoccupation permanente de la diplomatie tunisienne et un sujet d’intérêt et de préoccupation pour le peuple tunisien.

    Ce n’est donc pas sacrifier à l’autosatisfaction que de relever l’importance de cette opportunité gagnée par la Tunisie suite à une élection serrée et gagnée par une belle majorité de l’assemblée générale de l’ONU.

    Et puis ça nous change du brouillard qui marque la vie politique nationale perturbée par la course cahotique et effrénée aux élections en attendant le habemus papam !

    Le Diplomate Tunisien

    Tagged: Tunisie, diplomatie, Élections, Sommet Arabe,

  • Algérie : IMPASSE À PLUSIEURS SENS

    » Il est également permis de pousser le raisonnement plus loin et rappelant, sans le moindre risque de se tromper, que le vol, la rapide, la corruption, le népotisme… avaient commencé bien avant l’ère Bouteflika, et que pour venir à bout de tous ces fléaux, il est absolument nécessaire de s’attaquer au mal à la racine, au lieu de se contenter de » déboutefliker » pour recycler un système frappé d’obsolescence-crasse, qui tente désespérément de se maintenir en livrant à la rue quelques têtes dont le sacrifice est supposée calmer la colère citoyenne « .

    Par Mohamed Abdoun

    Cette fameuse conférence de la société civile, dont la tenue est prévue dans les tous prochains jours, dans le cas où le pouvoir en autoriserait la tenue, nécessité très certainement que l’on s’y appesantisse. De fait, elle intervient au moment où le chef de l’Etat appelle à un second round de négociations inclusives, alors que le premier s’était achevé en queue de poisson, et que les conditions actuelles permettent de dire qu’il en sera de même cette fois-ci encore, étant donné que le pouvoir n’a daigné faire aucune concession depuis l’annulation de l’élection présidentielle du 4 juillet, et cette décision prise de prolonger sine die le mandat de Bensalah jusqu’à l’élection d’un nouveau président de la République.

    Une pareille décision, que le Conseil constitutionnel a personnellement tenté de justifier dans son communiqué annonçant l’annulation du scrutin en question, me donne quand même l’air de contredire l’esprit et la lettre de cette même construction.

    En fait, à partir du moment où ce vote a été annulé de facto, le pays s’est automatiquement placé dans une situation extraconstitutionnelle, puisqu’il lui sera désormais impossible de se contenter de respecter la stricte durée du mandat du chef d’Etat intérimaire, fixée à trois mois seulement.

    Les appels itératifs du commandement de l’armée à ne pas quitter la voie constitutionnelle sont eux aussi frappés d’obsolescence à partir de ce même constat axiomatique de base. Voilà pourquoi cette conférence me donne l’air de mériter un minimum d’attention. Elle se propose, par exemple, de regrouper quelques 500 personnes venues des mouvements syndicat, associatif et même politique. Cela n’est franchement pas négligeable.

    Pareil regroupement peut s’avérer relativement représentatif. Cela même s’il me parait anormal qu’il ait été décidé d’exclure de cette conférence l’ensemble des responsables, présents et passés, ayant pris part à la gestion des affaires de la cité sous le régime de Bouteflika. Une pareille exclusion, qui a le chic de renier les principes démocratiques les plus usuels qui soient, peut en effet exclure des compétences avérées, pouvant aider à trouver les voies idoines de sorties de crise.

    Ce n’est pas tout. Cette idée d’exclusion, si on devait l’appliquer à la lettre, pour rester en phase avec la rue, devrait également inclure les représentants et élus de l’opposition, puisque ces derniers ont servi de » faire-valoir « , et ont eux aussi profité des énormes largesses du système. Il est également permis de pousser le raisonnement plus loin et rappelant, sans le moindre risque de se tromper, que le vol, la rapide, la corruption, le népotisme… avaient commencé bien avant l’ère Bouteflika, et que pour venir à bout de tous ces fléaux, il est absolument nécessaire de s’attaquer au mal à la racine, au lieu de se contenter de » déboutefliker » pour recycler un système frappé d’obsolescence-crasse, qui tente désespérément de se maintenir en livrant à la rue quelques têtes dont le sacrifice est supposée calmer la colère citoyenne.

    Enfin, les tenants de cette conférence souhaitent, au finish, soumettre leurs propositions à l’institution militaire, alors que celle-ci refuse catégoriquement de se mêler de politique. Elle a déjà décliné sèchement l’invitation d’Ahmed Taleb Ibrahimi. Reste juste à étudier de près les conclusions finales de cette conférence, avant d’en mesurer la popularité à l’aune des manifs du vendredi.

    La Tribune des Lecteurs

    Tags : Algérie, transition, Hirak, élections, dialogue,

  • Algérie : Le dialogue d’abord

    La société civile s’emploie à mettre en action une grande œuvre historique, à la condition d’éviter toute lecture idéologique ou radicale de la crise institutionnelle que traverse le pays. La conférence du 15 juin prochain constitue, à cet égard, une opportunité idéale pour enclencher un processus salvateur pour l’Etat, la société et plus au-delà encore, la Nation.

    Les animateurs de cette initiative, qui se trouve être la seule sur le terrain, ont la responsabilité d’ébaucher un début de réponse aux questions que se posent les 40 millions d’Algériens, inquiets de ne pas voir surgir une solution à la crise qu’ils vivent de plus en plus difficilement. Il ne faut pas se fier à la seule ambiance des vendredis de mobilisations populaires. Il faut voir plus loin et les Algériens ont cette pointe d’inquiétude lorsqu’ils se projettent en 2020 ou en 2021.

    Notre pays est, présentement, l’un des rares Etats de la planète à n’avoir pas un président à sa tête.

    Cet état de fait doit cesser et seul le dialogue, avec des concessions de part et d’autre, est à même de permettre à l’Algérie de se remettre debout et reprendre sa route vers l’épanouissement social et politique. Il serait naïf de penser qu’une attitude radicale débouche sur une société parfaitement égalitaire et un système démocratique idéal.

    D’ailleurs, il n’existe aucun exemple de par le monde qui a donné ce genre de résultats après un soulèvement populaire, pacifique ou pas. La question n’est donc pas d’aboutir à la plénitude, mais à un système réformable démocratiquement. Cela ne peut être obtenu par l’exclusion d’une ou d’une autre partie en présence.

    De fait, le dialogue est et demeurera le seul moyen civilisé de faire faire au pays et aux Algériens des bonds en avant. Il n’est pas dit que le bond que devra faire l’Algérie soit le dernier, mais il est impératif qu’il soit le bon et dans la bonne direction. Cela passe par une attitude, certes patriotique, mais également emprunte d’ouverture d’esprit.

    Le propos n’est pas d’accepter les symboles du système et leur redonner les clés du pays, mais d’engager un dialogue qui garantisse à terme, un Etat civil, une justice indépendante et une presse véritablement libre. C’est sur ces trois piliers que sera édifiée l’Algérie de demain. Mais pour s’assurer une justice indépendante et une presse libre, il faut en parler entre Algériens, tous les Algériens. Les animateurs de la société civile ont fait la première partie du chemin, ils doivent le poursuivre jusqu’au bout.

    Par Nabil.G

    Ouest Tribune

    Tags : Algérie, transition, Hirak, élections, dialogue,

  • Algérie : L’institution militaire persiste et signe

    Dialogue et solution constitutionnelle : L’institution militaire persiste et signe

    Le Midi Libre, 9 Juin 2019

    Seul le dialogue est à même d’ouvrir la voie à une issue légale et constitutionnelle garantissant l’organisation des élections présidentielles »le plus rapidement possible ».

    C’est ce qu’a indiqué la revue El- Djeich, affirmant que les discussions « stériles ne sont que perte de temps et d’occasions pour l’ouverture d’un dialogue véritable et sincère, fait deconcessions réciproques ». « Seul le dialogue est à même d’ouvrir la voie à une issue légale et constitutionnelle garantissant l’organisation des électionsprésidentielles le plus rapidement possible,tant

    il est vrai que les discussions stérileset infructueuses ne sont que perte detemps et d’occasions pour l’ouverture d’un dialogue véritable et sincère, fait de concessions réciproques, qui rapprocheraitles points de vue au service de l’intérêtsuprême du pays et la satisfaction davantage de revendications exprimées par le peuple », a en effet souligné l’éditorialdu dernier numéro de la revue de l’ANP. « Cette aspiration participera au renforcement de la cohésion du peupleainsi que la conjugaison des efforts de tous, garantissant au pays de poursuivre sa marche vers le développement dans unclimat de sécurité et de stabilité », a ajouté la publication. Soulignant l’importance du dialogue, la revue a relevé qu’en pareille crise complexe que traverse le pays,

    « l’intérêt de la nation, comme l’avait souligné le Haut commandement de l’Armée nationale populaire (ANP) dès le début, est d’opterpour la voie du dialogue sérieux, fructueux et constructif et d’aller, dans les plus brefs délais, vers la recherche de solutions adéquates, à même d’éviter à notre pays de verser dans des futilités qui rendraientla situation encore plus complexe et couperaient définitivement la voie à la période de transition qui ne pourrait que conduire à une situation encore plus difficile à maîtriser ». Dans ce contexte, la revue a mis en exergue la nécessité de convier à la table du dialogue « des personnalités nationales et des élites sincères et fidèles à la Patrie afin de trouver une issue favorable qui satisfasse l’ensemble, découle de la conviction de l’institution, de son souci de veiller à la continuité de l’État et de son attachement aux engagements qu’elle aexprimés, en de maintes occasions,

    d’accompagner le peuple algérien et les institutions de l’État et de faire échec à tous les scénarii aux néfastes desseins ». »Bien plus, la conviction en la nécessitédu dialogue entre les fils de la Patrie uneet indivisible et à ce que ce dernier soit lapriorité, en cette conjoncture précise, est de nature à économiser du temps enréduisant la durée de la crise, comme elledonnera lieu à la proposition d’initiativessérieuses de sortie de crise et, par lamême, permettra de neutraliser toute proposition destinée clairement à faire perdurerla crise », a noté El-Djeich, qui a réaffirmé,en outre, l’importance d’installerune instance indépendante chargée de l’organisationet de la supervision des élections »en tant qu’outil légal garantissant le déroulement d’élections présidentielleslibres, intègres et crédibles ».

    Pour la publication, « aujourd’hui, et plusque jamais, les intentions malveillantes et les plans diaboliques, les dépassements outranciers et dangereux de certaines parties qui, suivant la logique des bandes, cherchent à abuser l’opinion publique, les tentatives désespérées de susciter le doutesur toute initiative nationale crédible àmême de mener vers une véritable sortie de crise, à travers l’utilisation immoraledes médias, qu’il s’agisse de journaux ou de supports audiovisuels, pour construiredes scénarii farfelus et distiller des mensongesvenimeux, des informations erronées ou falsifiées, n’ont d’autre but que de voir la situation perdurer, voire s’aggraver ».Cet état de fait requiert, comme l’a souligné le général de corps d’arméeAhmed Gaïd salah, vice-ministre de la Défense nationale, chef d’état-major de l’ANP, lors de sa dernière visite en 6eRégion militaire « la mobilisation de tous, chacun dans son domaine de compétence et dans la limite de ses responsabilités,notamment dans le secteur de l’information à travers toutes ses branches, au service de l’Algérie,

    car l’information se doit d’être le miroir qui reflète les revendications réelles du peuple algérien et sa voix sincère qui relate les vérités et communiqueses revendications, sans déformation ni falsification et sans instrumentalisationà des fins autres que les intérêts du pays », a rappelé la revue.El-Djeich a affirmé que « la crise que traverse notre pays aujourd’hui impose que ses fils loyaux et jaloux de leur patrie,préoccupés par son présent et son avenir,apportent tout ce qui est attendu d’eux comme contribution sérieuse et sincère denature à trouver une solution qui aural’assentiment et qui sera adoubée par tous ». « L’importance de cette démarche aété clarifiée par le général de corps d’arméequi a déclaré ’notre confiance en notre peuple est grande et en Allah l’estencore plus, afin d’assister notre ANPdans l’accompagnement des fils de notre patrie lorsqu’ils présenteront leurs propositions constructives comme le requiert le noble devoir national et l’Histoire retiendratout effort ayant contribué à trouver une sortie saine à la crise en Algérie », aajouté la publication. Par ailleurs, larevue a indiqué, que « pendant que l’ANP, à travers les réalisations et acquis enregistrésdans nombre de domaines, démontraitqu’elle appliquait avec succès lastratégie de développement et de modernisationadoptée par son Haut commandement,en droite ligne d’une vision prospectiveet éclairée qui a nécessité, cesdernières années, la mobilisation de forces et de moyens conséquents afind’assurer la surveillance, la défense et laprotection des frontières contre toute tentatived’atteinte à notre intégrité territoriale,il apparaît évident aujourd’hui quel’acquisition par notre armée des élémentsde la modernité et des facteurs de la puissancedissuasive dérange certaines partiesqui ne s’attendaient pas à ce qu’ellepuisse atteindre un tel niveau et en si peude temps ».

    « Le général de corps d’armée a situé avec précision les visées et objectifsde ces derniers, en affirmant ’le ressentimentqu’ils nourrissent à l’égard de,l’armée et de son Commandement a faitque ces avancées enregistrées par notre armée dans plus d’un domaine les dérangentvéritablement, au point de les pousserà des actions aux objectifs clairs, àsavoir tenter d’affaiblir l’armée et de faire barrage à cet effort de développement,ignorant que celui qui se dresse sur le chemin de l’ANP et de son commandementse dresse nécessairement contre les intérêts de l’Algérie », a conclu El-Djeich

    Par : LAKHDARI BRAHIM

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  • Algérie : La nécessité d’un dialogue inclusif

    Le dialogue est le plus court chemin qui mène, en acquis inestimable, à la stabilité politique et institutionnelle. Et tout aussi incontournable, l’urne est la voie idoine pour consolider le processus démocratique et garantir le libre choix du peuple.

    Cette démarche, qui s’oppose au scénario du pire prôné par les aventuriers et les indus occupants du mouvement citoyen privé de son droit légitime de représentation, repose sur la quête incessante du consensus pour éviter une impasse préjudiciable à la pérennité de l’Etat nation, dépasser les divergences idéologiques et politiques, et promouvoir un débat démocratique.

    Face à une crise entretenue par les faiseurs du chaos institutionnel, coupables de déni de légalité et du refus invétéré à toutes les propositions de sortie de crise, l’option stratégique du dialogue inclusif, universellement admis tel le mode adéquat de règlement des litiges, a été réitérée par le chef de l’Etat, Abdelkader Bensalah, plaidant, lors de son discours à la nation, pour la tenue dans «les meilleurs délais» de la prochaine présidentielle.

    Un appel à toutes les «parties concernées» a été lancé pour participer au «processus consensuel» et à «saisir cette nouvelle opportunité pour s’impliquer pleinement dans la concertation que nous prônons aujourd’hui plus que jamais».

    La sagesse, le sens des responsabilités et l’esprit patriotique qui ont prévalu au sein du mouvement citoyen plébiscité dans le monde entier l’exigent pour préserver l’Algérie des retombées néfastes d’un environnement régional en bouillonnement intense et permettre la poursuite du développement national.

    Les enjeux sécuritaires et économiques l’imposent. La main tendue du chef de l’Etat, destinée à favoriser l’amorce de la concertation avec la classe politique, la société civile et les personnalités patriotiques nationales pour la mise en œuvre d’une solution consensuelle, s’appuie sur l’offre de «dialogue sérieux, fructueux et constructif» lancé par le haut commandement de l’armée acquis à la primauté de la légitimité constitutionnelle.

    Tout en refusant l’ouverture d’une période de transition aux conséquences incertaines et toute implication de l’armée dans la gestion des affaires politiques, l’ANP, attachée à son rôle d’accompagnateur, a décliné une feuille de route en quatre points inhérents au respect de la légitimité constitutionnelle, le lancement du dialogue approfondi entre les différents acteurs, la mise en place d’une commission indépendante en remplacement du gouvernement dans la conduite du processus électoral et, au final, la tenue de la présidentielle.

    Horizons

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  • Algérie : Bensalah reste…

    Les élections du 4 juillet annulées

    La date du dimanche 2 Juin marque un nouveau tournant de la crise politique et institutionnelle que vit l’Algérie, notamment depuis le départ forcé du président Bouteflika le 2 avril dernier. En effet, le Conseil Constitutionnel vers lequel tous les regards étaient braqués a rendu en quelque sorte son verdict au sujet de la présidentielle du 4 Juillet, constatant l’impossibilité de sa tenue à la date indiquée.»

    Le Conseil Constitutionnel, réuni les 21, 24 et 27 Ramadhan 1440 correspondant aux 26 et 29 Mai et 1er Juin 2019, à l’effet de délibérer sur les dossiers de candidatures pour l’élection du Président de la République prévu le 4 Juillet 2019, s’est prononcé par le rejet des deux dossiers de candidature déposés auprès de lui, en vertu de deux décisions individuelles n 18/D.CC/19 et n 19/D.CC/19 datées du 1er Juin 2019, lit-on dans le communiqué qui justifie l’annulation du rendez-vous électoral par l’annulation des dossiers des deux candidats, sans donner pour autant des détails sur les raisons de cette annulation.

    Il est néanmoins aisé de les deviner, à savoir que ces deux candidats, en l’occurrence Abdelkrim Hamadi et Hamid Touahri, (les seuls qui ont déposé leurs dossiers, sur les 77 qui ont retiré les lettres d’intention) sont des inconnus qui n’ont pas le profil ni les épaules pour prétendre à la magistrature suprême.

    C’est précisément pour cette raison que l’annulation de l’élection du 4 Juillet était déjà dans l’air du temps, le Conseil Constitutionnel n’a fait qu’acter cette impossibilité qui rebat de facto les cartes. Autant cette annulation était attendue, autant la décision du Conseil Constitutionnel de prolonger indéfiniment le mandat de Bensalah, jusqu’ à l’élection du nouveau président de la République constitue une surprise qui prend de court toutes les exégèses des experts en droit constitutionnel qui ont évoqué plusieurs scénarii qui postulent tous au départ de Bensalah à la fin de son mandat le 4 Juillet.

    Non seulement Bensalah restera comme président de l’Etat, mais en plus son nouveau mandat n’a pas de limites dans le temps, assuré de garder le pouvoir jusqu’ à l’élection du nouveau président de la République. « Il revient au Chef de l’Etat de convoquer de nouveau le corps électoral et de parachever le processus électoral jusqu’à l’élection du Président de la République et la prestation du serment constitutionnel», explique le communiqué du Conseil Constitutionnel. Cette institution est allée puiser ses arguments, pour justifier sa décision de maintenir Bensalah à la tête de l’Etat, d’abord dans sa réunion « du 1er juin 2019, par laquelle il déclare l’impossibilité de tenir l’élection du Président de la République, le 4 Juillet 2019, et la réorganisation de celle-ci de nouveau. » Puis de se référer dans un deuxième temps à la Constitution, plus précisément le paragraphe numéro 12 du préambule qui stipule « la Constitution est au-dessus de tous, elle est la loi fondamentale qui garantit les droits et libertés individuels et collectifs, protège la règle du libre choix du peuple, confère la légitimité à l’exercice des pouvoirs, et consacre l’alternance démocratique par la voie d’élections libres et régulières. »

    L’institution présidée par Kamel Fenniche se réfère également aux articles 7, 8, stipulant que « le peuple est la source de tout pouvoir et qu’il exerce sa souveraineté par l’intermédiaire des institutions qu’il se donne.» Référence aussi aux articles 102 alinéas 6, 182 et 193 de la Constitution qui définissent la mission du Conseil Constitutionnel de « veiller au respect de la Constitution. »

    Cette même Constitution, ajoute le communiqué « prévoit que la mission essentielle dévolue à celui investi de la charge de Chef de l’Etat est d’organiser l’élection du Président de la République, il y a lieu de réunir les conditions adéquates pour l’organisation de cette élection dans la transparence et la neutralité en vue de préserver les institutions constitutionnelles qui concourent à la réalisation des aspirations du peuple souverain. »

    Si l’exégèse du Conseil constitutionnel a le mérite d’éloigner le spectre du vide constitutionnel et institutionnel, jusqu’ à l’élection du nouveau président, elle risque en revanche de braquer davantage le mouvement citoyen et la classe politique qui continuent de réclamer à cor et à cri le départ des deux « B », Bensalah et Bédoui.

    H.Khellifi.

    L’Est Républicain, 3 juin 2019

    Tags : Algérie, Constitution, Bensalah, élections, armée,

  • Algérie : Comment sera l’Aïd El Fitr ?

    En ces temps de bouillonnement politique, il serait hasardeux d’évoquer d’autres événements d’ordre social, culturel ou sportif, sans paraître anachronique. Pourtant, il faut bien souligner que la vie continue et doit continuer de toute façon et les Algériens n’ont pas que la politique pour vivre.

    Présentement, et même s’ils ne le disent pas entre eux, ces mêmes Algériens ont un double objectif à plus ou moins court terme. Ils voudraient bien voir leur équipe nationale de football débuter la phase éliminatoire pour la prochaine coupe d’Afrique des nations par une victoire.

    Ils aimeraient aussi passer un Aïd El Fitr tranquille, dans la communion et dans le respect de leur religion. A ce propos, ils craignent certainement pour leur portefeuille, après un mois de dépenses et une perspective de dépenses « douloureuses » que sont les achats de l’Aïd. Mais bonne nouvelle sur ce front. Les prix des habits ne se sont pas enflammés, bien au contraire.

    A l’orée de l’une des deux fêtes les plus importantes du calendrier musulman, il est de tradition de faire un bilan d’un mois de Ramadhan très particulier, dans l’histoire de l’Algérie indépendante. Il aura été marqué par un grand défi que se sont lancé les Algériens, celui de manifester les quatre vendredis du mois. Défis relevés haut la main. De fait, durant ce Ramadhan, un seul sujet meublait les soirées : Le mouvement populaire et son actualité passionnante.

    Accessoirement, les familles ont jeté un œil à la grille spéciale Ramadhan des chaînes de télévision nationales. Un programme, une ville et un quartier ont eu la palme de la satisfaction. Le programme est un feuilleton, la ville, c’est Oran et le quartier Ederb. Ouled lahlal a fait pénétrer toute la société dans l’un des quartiers mythiques de la capitale de l’Ouest et montré toute l’humanité, la sensibilité et la générosité des Algériens.

    Le feuilleton a eu le succès qu’il a eu, parce que les Algériens s’y sont reconnus. Et le fait qu’il soit diffusé en ce mois de piété et dans l’ambiance du mouvement populaire, il a fait le consensus que les politiques ne parviennent toujours pas à trouver sur le moyen de sortir de la crise institutionnelle. Il est vrai enfin, que l’Algérien s’est redécouvert, qu’il revit, mais n’oublions pas que nous n’avons pas réglé le problème de l’institution présidentielle.

    Cela dit, on aura vécu un Ramadhan particulier aux couleurs de la mobilisation citoyenne, comment sera donc notre Aïd El Fitr ? Certainement meilleur que les précédents.

    Par Nabil.G

    Ouest Tribune, 1er juin 2019

    Tags : Algérie, transition, Hirak, armée, dialogue, élections,

  • Algérie : Peut-on dialoguer à l’ombre du « limogeons-les tous »?

    Nadia Abdat

    Pour une deuxième république ! non ce n’est pas l’affiche d’une réclame mais une vraie question qui taraude en ce moment, les esprits universitaires et certaines élites politiques ; l’intelligentsia de circonstance se coule quant à elle, dans la fadeur des généralités, étant peu habituée à visiter ce type de questions qui conduiraient à la question.

    Pourtant, tout le monde a rapidement adopté plein de nouveautés langagières depuis le commencement du Hirak, mais entend-on pareillement ce dont il s’agit, à l’aune de l’inimaginable et inconvenable « limogeons les tous » ?

    Un petit retour sur ces quinze grandes marches populaires permet de relever que le mouvement de protestation qui est allé crescendo a porté sur deux revendications majeures.

    Celle du rejet populaire unanime du cinquième mandat présidentiel, qualifié de mandat de la honte à laquelle, il a été donné satisfaction presque instantanément par l’annulation pure et simple du rendez-vous électoral. Au point où on en était du rigorisme constitutionnel, l’argument politique a prévalu sur les arguties juridiques.

    Puis, celle du rejet massif toujours en vigueur, de tout le système politique ayant produit ces forces extra constitutionnelles qui ont cherché à rééditer l’escroquerie au mandat présidentiel.

    Il s’agit d’une revendication de haut grade qui taille aussi dans les journées ouvrées de la semaine.

    Cette revendication qui a pris de court tous les politiques installés, a cependant inauguré une séquence plus complexe et plus lourde avec une protesta farouche et toujours sans relais.

    Il n’est dès lors, pas surprenant, que cette séquence béante, soit tiraillée par des tensions, étirée par une surenchère artificielle et, émaillée par des escalades verbales, des mises en garde et, hélas des échauffourées ça et là aussi.

    Arrêtons-nous à cette phrase injonctive « limogeons les tous ».

    Ainsi exprimée, cette formule éruptive, tracée sur les banderoles arborées lors des marches, sera exploitée dans ce qu’elle comporte d’excessif et de radical.

    Pour ceux qui ont oublié ou manqué l’anecdote, cette phrase impérative a été balancée à chaud, comme une rebuffade, au micro d’une chaine étrangère par un manifestant, à l’adresse de la journaliste qui, au lieu de rapporter fidèlement la manifestation dont elle assurait la couverture, se livrait à un commentaire pour le moins biaisé et provocateur de ce qui se produisait cette journée de Hirak.

    Proférée avec la fougue propre à la jeunesse dans ce qu’elle a de spontané, cette injonction deviendra la formule sensationnelle dont on tirera l’obstacle dissuasif au dialogue.

    Etrangère au lexique et au mode politiques, cette phrase injonctive a installé le malentendu au sein des marcheurs eux mêmes, au sein de la classe politique et avec les autorités qui s’arcboutent contre la frêle constitution. On se regarde depuis, en chiens de faïence.

    Cette formule s’est surtout muée, en un piège qui se referme sur tous mais aussi, sur ceux qui y ont trouvé, l’alibi pour tenter de saborder une possible sortie de la longue crise politique et morale qui a exaspéré durant vingt ans tout un peuple qui en souffre encore. La méfiance maladive gagnant du terrain, les paramètres imprévisibles aux conséquences incalculables qui entourent tout soulèvement populaire, risquent de compromettre sa finalité, à savoir, l’avènement d’une deuxième république.

    Le « limogeons les tous » qui fait office d’écran de fumée, ne peut pas tenir lieu de proposition politique ni un préalable à verser au dossier de sortie de crise. La maison Algérie doit être remise en ordre, elle trouvera ses hommes naturellement.

    Le « limogeons les tous » qui visait au départ, le personnel de proue du système honni, en l’occurrence les trois B, a été mystérieusement étendu sans distinguo, à tout l’appareil étatique, devenant ainsi une condition irréaliste mais surtout démagogique.

    La justice a pourtant, depuis quelque temps, la main lourde. Elle fait suite à cette formule transformée pour les besoins de salubrité morale publique, en une requête solennelle introductive d’instance. Un nombre important de hauts dignitaires en exercice, en retraite et en réserve de la République, sont attraits en justice, tous présumés coupables de graves délits. On assure, sous l’œil des médias invités à ouvrir les bans, que ce n’est que le prélude à une gigantesque et longue opération mains propres.

    Le dégagisme total et absolu qui revient en ce moment, tel un leitmotiv, trahit l’influence sourde d’un courant d’obédience anarchiste qui entend semer le chaos pour le chaos.

    Or, c’est de changement de logiciel politique pour le pays qu’il est question, pour peu qu’il soit mené, par la volonté de tous, dans le cadre d’une entreprise sérieuse de refondation et d’édification d’un Etat de droit.

    La révolution populaire pacifiste qui a cours en Algérie n’a rien à voir avec la sanglante révolution française qui a servi à meubler aveuglément des charrettes pour raccourcir des hommes par milliers.

    Pour disparaître, ses effets ravageurs pour la société française, ont mis autant de temps que la méditerranée lorsqu’elle renouvelle ses eaux.
    Confier l’œuvre de justice à la vindicte populaire, c’est transgresser le droit avec tout ce que cela comporte comme funestes conséquences.

    Se défaire du droit, c’est se mettre soi même en danger d’avoir à en manquer pour faire valoir le moment venu, ses propres droits.

    En panne d’initiative ou démesurément circonspects, les acteurs politiques et ceux qui font de la chose publique leur métier, tardent à réagir à l’unisson alors qu’il y a péril en la demeure. La langue de bois dont ils ne s’émancipent pas, les fera passer sous le couperet de ce dégagisme sans frein. Ils donnent à penser à ceux qui les critiquent, qu’ils dépendent du Pouvoir tapi dans l’ombre et qu’ils se complaisent dans la procrastination à moins qu’ils n’en soient à attendre un signe des astres.

    Retranchés dans leur pré carré, ils ne se sont même pas saisis des invites à requérir le dialogue, qui ont été faites par le désormais historique trio de sages. Ces derniers ont tenu à préciser, avec juste raison, qu’ils ne peuvent se substituer aux concernés dont les partis politiques et l’administration pour saisir, réunir et convaincre tous les protagonistes en vue de l’organisation d’un dialogue de sortie de crise.

    L’appel au dialogue « réaliste et constructif » du chef d’Etat major des armées, le 28 mai 2019, fera t-il bouger les lignes comme le fit, en d’autres circonstances pour sa patrie en danger, celui d’un Général de Gaulle tout aussi excédé et inquiet, un 18 juin 1944 ?

    Le Jeune Indépendant, 1 juin 2019

    Tags : Algérie, transition, Hirak, armée, dialogue, élections,