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  • Sahara Occidental, l’autre mur

    Par: Guillermo Alvarado

    Depuis qu’en 1975 l’Espagne a abandonné sa colonie au Sahara Occidental pour la remettre de façon honteuse au Maroc ignorant le droit légitime du peuple sahraoui à l’indépendance et à la souveraineté, beaucoup d’iniquités ont fait leur apparition face au silence complice de la communauté internationale.

    L’ONU s’est bornée à classer cette zone comme « territoire non-autonome » et à recommander un référendum pour que les Sahraouis déterminent leur statut, mais rien ne s’est traduit dans les faits dans la pratique.

    Le Maroc a été le principal bénéficiaire de la guerre qui a duré depuis 1975 jusqu’à 1991 au cours de laquelle le Front Polisario, de la République Arabe Sahraouie Démocratique a dû faire face à deux armées, à celle de Rabat et à celle de la Mauritanie qui est intervenue à l’instigation de la France.

    À la fin du conflit, plus de 60% de la jeune république sahraouie, proclamée en 1976, est resté au pouvoir du régime marocain, justement les sols les plus riches en gisements de phosphates, de fer, de pétrole et de gaz ainsi que mille kilomètres de côtes sur une mer riche en ressources de la pêche.

    Des centaines de milliers de personnes ont fui vers l’Algérie voisine et d’autres vivent dans des campements précaires sur des terres sableuses qui n’ont pratiquement aucune valeur économique.

    Le pays a été divisé par un mur dont on connaît peu, mais qui mérite tant de condamnation que celui construit par Israël en Cisjordanie ou celui que prétend dresser Donald Trump à la frontière avec le Mexique.

    Il s’agit d’une combinaison de haies qui ont commencé à être construites en 1980 au fur et à mesure que de nouveaux pans de territoire sahraoui étaient occupés. Actuellement c’est un complexe de huit murs d’une extension de 2 mille 700 kilomètres qui constituent une des plus grandes forteresses de la planète.

    Sa construction a été faite, comme pourrait-il en être autrement ? par des spécialistes israéliens et c’est l’Arabie Saoudite qui l’a financée, ce qui les transforme tous les deux en complices de cette brutale agression.

    Tous les quatre kilomètres il y a un campement militaire et tous les 15 kilomètres se dressent des radars modernes qui captent le moindre mouvement d’unités d’artillerie à proximité. Quelque 150 mille soldats marocains, équipés de drones et d’autres technologies sophistiquées y sont affectés.

    Les alentours constituent le champ de mines le plus grand du monde. Des spécialistes estiment que jusqu’à 40 millions de mines et d’autres engins explosifs y sont semés. Ce n’est pas par hasard qu’on le connaît sous le nom du « mur de la honte », pas seulement en raison de ses dimensions, mais aussi à cause de la façon dont le monde l’ignore.

    Radio Havane Cuba

    Tags : Sahara Occidental, Maroc, Front Polisario, mur de la honte,

  • Maroc : Le pillage de la RASD ne remplit plus les caisses du Makhzen

    La machine de propagande du makhzen, chargée généralement d’étouffer toute voix dénonçant l’illégalité de l’occupation des territoires du Saharaoui, est également appelée à soigner l’image du royaume. Très souvent, des articles de presse et des reportages vantant la réussite politique et économique du royaume de Mohammed VI sont diffusés sur différents supports.

    Mais la crise du covid-19 a vite fait de rappeler la réalité aux marocains. Dès le début de la pandémie, le Maroc va solliciter une aide du FMI en recourant à la ligne de précaution et de liquidité d’un montant de 3 milliards de dollars. Mais le gouvernement marocain a besoin de plus d’argent pour faire face aux conséquences économiques de la pandémie. Selon le gouvernement marocain d’autres demandes de crédits seront faites auprès d’autres institutions financières internationales tout au long de l’année en cours.

    La raison, le Maroc à une dette extérieure de 34 milliards de dollars et doit payer 4,15 milliards de dollars à de service de la dette en 2020. Face à cet endettement plus ou moins élevé, le Maroc ne dispose pas d’importantes réserves de change. Ces dernières s’élevaient à 24,4 milliards de dollars à fin février 2020, alors que l’Algérie dispose de 60 milliards de dollars. Mais la situation se complique davantage quand on aborde la structure du commerce extérieur de nos voisins de l’ouest. Le déficit commercial des biens s’est élevé à plus de 21 milliards de dollars en 2019, alors qu’il n’a été que de 6,11 milliards de dollars pour l’Algérie.

    Les performances économiques du Maroc, tant chanté par le makhzen, étale au grand jour une fragilité structurelle. L’économie marocaine doit importer deux dollars pour exporter un seul dollar. Ce lourd déficit du commerce extérieur des biens est plus ou moins atténué grâce aux rentrés en devises du tourisme et des transferts de l’argent de la diaspora. Enfin, les investissements directs étrangers ont chutés de 45% en 2019 pour n’atteindre que 1,8 milliards de dollars. Remettant en cause l’attractivité de l’économie marocaine.

    Le gouvernement marocain s’attend à une année très difficile sur le plan économique et social. La sécheresse qui frappe l’agriculture va réduire du tiers la production céréalière. Les principaux secteurs économiques exportateurs sont presque à l’arrêt. Le tourisme sera long à la reprise vu que les principaux pays émetteurs maintiennent leurs frontières fermées. Tandis qu’on s’attend à une baisse mondiale des transferts d’argent des émigrés de l’ordre de 20%. Une situation tellement critique que le gouvernement marocain n’a d’autres choix que de s’endetter encore plus.

    Puis il y a le Sahara occidental. La colonisation de ce territoire coute cher à Rabat. Le mur qui sépare les territoires libérés de ceux occupés par le Maroc, long de2700 kilomètres, doit être régulièrement entretenu. Des dizaines de milliers de soldats marocains, avec leurs équipements, sont mobilisés tout au long de ce mur. Le gouvernement accorde des avantages financiers pour encourager les marocains à s’implanter dans les territoires occupés pour modifier la démographie.

    La facture est tellement élevées que les richesses pillées du Sahara occidental, phosphate et poissons, ne couvrent que faiblement les dépenses engagées par le palais royal pour maintenir la colonisation d’une partie des territoires Sahraouis. A titre d’exemple, les exportations de phosphate du Sahara occidental n’ont rapportés que 90,4 millions de dollars en 2019 contre 164 millions de dollars en 2018, tandis que le pillage des ressources halieutiques a généré 100 millions de dollars la même année. Ces montants sont loin de couvrir le cout annuel de la colonisation, qui est en réalité supporté par le peuple marocain.

    Le Jeune Indépendant, 20 mai 2020

    Tags : Maroc, Sahara Occidental, Makhzen, Front Polisario, phosphates, pillage, ressources naturelles, armée, mur de la honte,

  • Sahara Occidental : Les raisons d’un exil

    Occupé par le Maroc depuis 1975, le Sahara occidental est, selon l’ONU, le dernier territoire à décoloniser en Afrique. Pour imposer sa souveraineté contestée, le royaume use de la stratégie du fait accompli en militarisant et en peuplant la zone, tout en exploitant illégalement les ressources naturelles. Celles et ceux qui luttent contre cette colonisation s’exposent à des violences policières systématiques et à de lourdes peines de prison, ce qui les pousse parfois à l’exil. C’est le cas de Fatimatou Iaazza, militante indépendantiste sahraouie, arrivée en France à la mi-mars.
    Je rencontre Fatou à Paris en novembre 2018. Tout juste âgée de 20 ans, elle s’efforce de sensibiliser les Français au sort des Sahraouis au cours d’une tournée express : Paris, Grand Est, Normandie, Bretagne. Lourde tâche, tant les médias et les politiciens français ignorent le sujet ou prennent largement parti pour le Maroc. En février 2019, tandis que je suis en mission d’observation dans les territoires occupés, Fatou me met en contact avec des activistes à Laâyoune et Smara. En raison de mon expulsion par la police marocaine [1], je ne pourrai malheureusement pas la rencontrer à Tan-Tan où réside sa famille [2].
    Lorsque j’apprends en mars dernier que Fatou est à Paris et demande l’asile politique, je suis stupéfait. Que lui est-il arrivé ?
    Un ami qui prend vingt ans
    « Ma famille a toujours été pour l’indépendance du Sahara occidental, commence-t-elle. Mon grand-père s’est engagé au sein du Front Polisario [3] et a été estropié par une mine marocaine en 1987 au cours de la guerre d’indépendance [4]. Mon père est un défenseur des droits humains, je le considère comme un modèle. Il a été arrêté en 2004, en 2006 et la dernière fois en mars 2008. On l’a accusé d’être responsable de la mort d’un policier lors d’une manifestation à Tan-Tan le 28 février 2008. Il n’était pas à cette manifestation, mais il a été torturé puis condamné sans la moindre preuve à 15 ans de prison. Aujourd’hui encore, mon père est en détention à Bouizakarne, au Maroc. J’avais 10 ans le jour de son arrestation et ma sœur cadette était un bébé. »
    Côté militantisme, Fatou n’est pas en reste : « Je suis membre de l’Association pour la protection des détenus sahraouis dans les prisons marocaines. J’ai également participé à l’organisation de plusieurs manifestations à Tan-Tan et à Laâyoune, la capitale des territoires occupés. En avril 2018, c’est là que nous avons organisé l’accueil de Horst Köller, l’envoyé personnel du secrétaire général des Nations unies pour le Sahara occidental. C’était sa première visite sur place. Ce jour-là, j’ai été battue dans la rue par la police puis transférée à l’hôpital. À Laâyoune, où j’ai fait mes études d’assistante sociale, nous manifestions très souvent : il ne se passait pas une semaine sans que nous ne sortions dans la rue avec des drapeaux. »
    En mars dernier, invitée en Espagne par Amnesty International, Fatou participe à un séminaire sur les droits de l’Homme au Sahara occidental, à l’Université de Jaén. Depuis l’Andalousie, elle apprend qu’un autre militant sahraoui, Khatri Faraji, vient d’être condamné à vingt ans de prison ferme à l’issue d’une parodie de procès [voir encadré]. « Khatri est un ami, nous avons participé à de nombreuses actions ensemble, à Tan-Tan et à Smara. J’ai été très choquée, car j’ai toujours pensé que nous avions le même destin. »
    « J’ai pris la menace au sérieux »
    À son retour à Casablanca, ses bagages sont fouillés, puis elle est longuement interrogée dans une petite pièce de l’aéroport et menacée d’être arrêtée à son arrivée à Laâyoune. « Je savais qu’il est plus facile d’arrêter les activistes au Sahara occidental que dans cet aéroport sous le regard d’étrangers, explique Fatou. C’est pourquoi j’ai pris au sérieux la menace de la DGST [5] et malgré mon billet sur un vol dans la soirée pour Laâyoune, j’ai décidé de rester à Casablanca jusqu’à ce que la situation se calme. Le lendemain ma mère m’a appelée et m’a dit que la police était à ma recherche, qu’elle avait encerclé et fouillé la maison. J’ai eu très peur et j’ai appelé mon oncle pour lui demander conseil. Il m’a dit qu’il ne voulait pas que je connaisse le sort de mon père ou de Mahfouda Lefkir [voir l’encadré]. Il m’a suggéré de m’enfuir en France pour éviter l’arrestation et les traitements qui vont avec. J’ai accepté par peur de la torture. Je suis jeune, je veux vivre. »
    Le 10 mars dernier, Fatou, dont le visa Schengen est encore valide, prend le bus pour Tanger puis monte dans un camion de marchandises qui la dépose à Paris six jours plus tard. Depuis, elle est hébergée par une cousine qui vit dans l’Eure, avec son mari et leurs trois enfants.
    La jeune femme a entamé la procédure de demande d’asile. En attendant son audition par l’administration, elle aide les enfants du couple à suivre l’école à distance pendant le confinement.
    Intimider, emprisonner, forcer à l’exil : le Maroc affaiblit la résistance sahraouie en privant sa jeunesse de perspectives. Une stratégie coloniale dont a largement usé la France en son temps.
    Nicolas Marvey
    CQFD, mars-juin 2020
    Tags : Maroc, Sahara Occidental, Front Polisario, répression, Fatimatou Iaazza, 
  • Etude / 55 ans de rapports entre l’Algérie et la France

    Par Hassane Zerrouky (*)
    Satisfaisant à un rituel bien établi depuis François Mitterrand après l’élection d’un nouveau président de la République, Emmanuel Macron se rend le 6 décembre à Alger pour une courte visite de «travail et d’amitié» d’une dizaine d’heures. Sauf que, cette fois-ci, sans doute pour marquer sa différence avec ses prédécesseurs, il est le premier chef d’État français à débuter une visite au Maghreb par le Maroc (17 juin) et non par l’Algérie. Ce qui n’a pas manqué de provoquer quelques froncements de sourcils côté algérien, alors que, pour la première fois depuis 1962, les relations entre les deux pays, souvent marquées par de réelles tensions, étaient dans une phase d’apaisement. Candidat à la présidence de la République, Emmanuel Macron a agréablement surpris les Algériens en qualifiant, sur une télé privée algérienne, le colonialisme de «crime contre l’humanité». Un propos vite atténué une fois installé à l’Élysée, assurant dans un entretien accordé à deux quotidiens algériens – El Watan (francophone) et El Khabar (arabophone) – qu’il ne voulait pas être «l’otage » du passé. Mais voilà, une fois à Alger, il est vite rattrapé par le passé colonial, quand, lors d’un bain de foule dans la rue Ben-M’hidi (ex-rue d’Isly à Alger), il est interpellé sur ce sujet par un jeune Algérois. L’échange est vif et musclé : les images des deux hommes, amplifiées sur les réseaux sociaux, vues par des millions d’Algériens, illustrent bien la difficulté d’une normalisation apaisée des relations, débarrassées du poids du passé. Tourner la page, comme si de rien n’était, est un exercice qui risque de s’avérer bien compliqué «lorsque l’on en connaît la toile de fond historique». En effet, «les Algériens ont plus qu’aucun autre peuple de la région souffert de la domination coloniale, soulignait l’historien Gilbert Meynier. Nulle part ailleurs, il n’y eut conquête aussi atroce, dépossession des terres et confiscation à une telle échelle des meilleurs sols, domination coloniale aussi bouleversante ; et, in fine, une guerre de libération aussi meurtrière que traumatisante».(1) Tandis qu’en France, pour des raisons opposées, la droite et l’extrême droite n’hésitent pas à réveiller ce lourd passif parce que les harkis et les nostalgiques de l’Algérie française constituent un vrai vivier électoral.


    Le pari impossible des Accords d’Évian

    Les Accords d’Évian, signés le 18 mars 1962, mettant fin à sept ans et demi de guerre et à une domination coloniale de 132 ans, fixant le cadre politico-juridique de la coopération et des relations entre l’Algérie et la France, auraient dû autoriser tous les espoirs si l’Algérie indépendante n’avait pas été soumise à des conditions limitant sa souveraineté. «La coopération avec la France limite certes notre indépendance économique ; les troupes françaises continueront de stationner sur notre territoire. Mais la coopération que nous avons définie avec la France ne revêt aucune forme institutionnelle […] La révolution algérienne n’est pas terminée ; l’indépendance n’est qu’une étape», prévenait le Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA).(2) «La coopération telle qu’elle ressort des accords (d’Évian) implique le maintien des liens de dépendance dans les domaines économique et culturel», avertissait le programme de Tripoli adopté par le Conseil national de la révolution algérienne (CNRA) fin juin 1962.(3) Parmi les conditions imposées au nouvel État algérien : des garanties concernant les intérêts économiques français (exploitation pétrolière notamment), les droits acquis pour les personnes physiques et morales, le maintien de l’Algérie dans la zone franc, les droits culturels. De plus, la France conserverait l’usage de la base navale de Mers el-Kébir pour un bail d’une durée de quinze ans renouvelable, les sites et installations nucléaires au Sahara pour cinq ans et bénéficierait de facilités de liaisons aériennes militaires pour une même durée de cinq années sur des aérodromes algériens. En contrepartie, Paris assurerait une assistance technique, culturelle et financière d’un montant d’un milliard de francs par an, équivalant à celle en vigueur avant l’indépendance algérienne et les immigrés algériens bénéficieraient d’un statut privilégié relativement favorable par rapport aux autres nationalités.(4) En ce qui concerne le million de «Français d’Algérie», ils se voyaient garantir des droits politiques, sociaux et civiques – la jouissance de leurs biens, le droit d’administrer les quartiers d’Alger, d’Oran et d’autres villes où les Européens étaient numériquement majoritaires et de créer leurs propres associations. Ces accords qui dessinaient les contours d’un État multiculturel étroitement lié à la France, comme le voulait le général De Gaulle, vont être vidés de leur contenu par l’OAS (Organisation de l’armée secrète). En pratiquant une politique de «terre brûlée » – destruction et sabotage des infrastructures socio-économiques, culturelles et éducatives – et meurtrière à l’endroit des Algériens et des Européens tentés par le vivre-ensemble, l’organisation fasciste provoque le départ massif des Européens d’Algérie craignant des représailles du FLN. Ce qui fait que le pari de la réconciliation entre Algériens et Européens sur lequel reposait une partie de cet édifice politicojuridique signé à Évian devenait de fait caduc. Côté algérien, le premier gouvernement de l’Algérie indépendante dirigé par Ben Bella, issu d’un conflit au sein du FLN ayant pour enjeu le pouvoir, se réfère au programme de Tripoli dont les orientations socialisantes et anti-impérialistes allaient nécessairement à l’encontre de l’esprit des Accords d’Évian. C’est le cas lorsqu’il décide d’entériner par décret dès novembre 1962 l’occupation, par des collectifs de travailleurs constitués en comités de gestion, des grandes fermes coloniales et des entreprises industrielles et commerciales abandonnées par leurs propriétaires européens : c’est le début de l’autogestion socialiste qui sera institutionnalisée par les décrets de mars 1963(5). Et ce, alors que les Accords d’Évian prévoyaient, dans le cas d’une réforme agraire, le rachat négocié des terres coloniales. Ce processus autogestionnaire couplé aux demandes de révision des clauses militaires des Accords d’Évian, exprimées par le gouvernement Ben Bella qui, par ailleurs, a commencé à nouer des relations avec les pays socialistes d’Europe et d’Asie, l’Égypte de Nasser et Cuba, dans un contexte d’ascension du Mouvement de libération des peuples, allait nécessairement provoquer de premières frictions entre les deux pays, moins de deux ans à peine après l’accession de l’Algérie à l’indépendance. Paris prend des mesures de rétorsion : l’aide financière est maintenue, mais diminuée de quelque 200 millions de francs représentant le montant de l’indemnisation des colons expropriés par l’État algérien. Bon an mal an, la coopération se poursuit, notamment dans le domaine culturel : Paris tient à ce que le français reste langue de travail et d’enseignement, d’autant que le premier gouvernement algérien a engagé un effort de scolarisation et d’éducation visant à réduire l’analphabétisme qui touchait en 1962 plus de 80% de la population.(6) Toutefois, une chose était sûre : l’Algérie ne faisait pas mystère de son intention de récupérer la totalité des richesses minières et pétrolières. Ce n’était qu’une question de timing. Le général De Gaulle, pas dupe des intentions algériennes, savait qu’il serait difficile de faire respecter la totalité des engagements pris à Évian. Aussi avait-il recommandé de maintenir la coopération avec l’Algérie quelles qu’en soient les «péripéties »(7). Selon Le Monde, il voulait démontrer qu’il était «possible de réussir avec l’Algérie ce que les États-Unis n’ont pas su faire avec Cuba».(8) Mais à l’évidence, ses successeurs, Valéry Giscard d’Estaing en particulier, n’étaient pas sur la même longueur d’onde.


    Nationalisation des hydrocarbures et tournant giscardien

    Avec l’arrivée de Houari Boumediene au pouvoir, succédant à Ben Bella après l’avoir renversé le 19 juin 1965, l’Algérie affiche clairement sa volonté d’entamer la dernière étape de la décolonisation en procédant à une série de nationalisations durant les années 1966-1968 — mines, banques, commerce extérieur, industries — suivie, cinq années plus tard, le 24 février 1971, par la nationalisation des hydrocarbures. Avec la création de la compagnie pétrolière Sonatrach, en décembre 1963, puis la création, en 1965, avec l’aide de l’URSS, de l’Institut algérien du pétrole (IAP) pour former des techniciens et des ingénieurs, il était évident que les autorités algériennes, engagées dans un ambitieux plan de développement (1971-1974), voulaient se donner les moyens de leur politique. Et de ce fait, la récupération et le contrôle des ressources naturelles revêtaient une importance stratégique. La nationalisation des hydrocarbures le 24 février 1971, que seuls le PCF et le PSU avaient soutenue, provoque la première crise majeure entre les deux pays : mise en quarantaine du pétrole algérien, menaces de poursuites judiciaires à l’endroit d’acheteurs éventuels du «pétrole rouge», fermeture de l’usine de montage Renault-Algérie, cessation d’achat du vin algérien, le tout assorti d’une menace de révision de l’accord de 1968 sur la main-d’œuvre en France. S’ensuit alors une flambée raciste – «chassons les fellaghas qui nous prennent notre pétrole» – avec mort d’hommes, culminant, deux ans plus tard, le 2 avril 1973, par un attentat à la bombe visant le consulat algérien de Marseille, faisant plusieurs morts et blessés. La multiplication des actes racistes conduit, le 19 septembre 1973, le président Boumediene à suspendre «jusqu’à nouvel ordre» l’émigration algérienne vers la France, alors contingentée à raison de 35 000 personnes par an. Les relations entre les deux pays sont alors à un niveau critique. Avec la nomination de Michel Jobert à la tête de la diplomatie française en avril 1973, les relations entre les deux pays connaissent un début d’apaisement. Il sera de courte durée. Un an plus tard, avec l’arrivée au pouvoir de Giscard d’Estaing, connu pour ses liens avec les milieux de l’extrême droite «Algérie française» et qui n’a pas pu se faire à l’idée d’une Algérie indépendante, la politique française à l’égard d’Alger va subir une inflexion porteuse de nouvelles tensions. Or, en avril 1975, Giscard d’Estaing surprend en étant le premier président français à se rendre en Algérie. Sa visite, toutefois, n’aboutit à aucun résultat. Pourtant, Houari Boumediene, tout nationaliste sourcilleux qu’il était, était disposé à une coopération avec la France. Il n’en sera rien. Les années Giscard, souligne René Galissot, sont celles de «l’alliance triangulaire» France-États- Unis-Maroc face à ce qui est considéré comme «le triangle adverse» Algérie-URSSPolisario. Une «alliance» sur fond de poursuite d’actes racistes souvent meurtriers contre les Algériens en France, de préparation par le Maroc de la «marche verte», qui lui permettra, avec le concours de l’armée française et de l’Espagne franquiste, d’occuper le Sahara occidental en 1975.(9) Prenant ainsi le parti du Maroc, la France giscardienne prétexte la capture de cinq techniciens français par le Polisario et la menace que fait peser ce dernier sur la Mauritanie pour intervenir militairement — c’est l’opération Lamentin — contre les forces sahraouies.(10) Paris accuse de plus l’Algérie de complicités avec les ravisseurs. Alger redoute alors une guerre impliquant la France aux côtés du Maroc.
    Cuba met rapidement à la disposition de l’Algérie une assistance militaire. Renouant avec un atlantisme avec lequel De Gaulle avait rompu, Giscard d’Estaing, qui voyait déjà d’un mauvais œil le positionnement de l’Algérie sur la scène internationale avec l’aide aux mouvements de libération africain, arabe et latino-américain et le rapprochement avec les pays socialistes d’Europe et d’Asie et Cuba, est encore plus irrité quand il apprend, le 27 décembre 1977, la libération des techniciens français de la bouche de Georges Marchais de retour d’Alger où il avait été reçu par le président algérien.(11) Et le fait que l’Algérie regarde avec sympathie communistes et socialistes français alliés autour d’un programme de gouvernement ne va naturellement guère contribuer à faire baisser la tension. Elle va même franchir un nouveau palier quand, le 9 février 1978, Giscard d’Estaing demande la révision des Accords d’Évian pour les remplacer par «un nouveau cadre juridique» plus adapté «à la situation actuelle».(12) Pire, évoquant «l’importance de la population algérienne en France», il entendait mettre en place une politique fondée sur le retour volontaire, voire forcé, de quelque 500 000 Algériens, à raison de 100 000 par an, malgré l’opposition de Raymond Barre et Simone Veil, retour volontaire que l’historien Patrick Weil qualifiera de «déportation».(13) S’il a fini par y renoncer, il a maintenu un quota de retour de 35 000 par an pour les 400 000 Algériens installés en France après le 5 juillet 1962. Quant aux relations économiques, déjà en berne depuis la crise de 1971, elles le resteront jusqu’à l’arrivée de la gauche au pouvoir en 1981.


    La gauche au pouvoir, espoirs et désenchantements

    Avec l’arrivée de la gauche au pouvoir en 1981, suivie par la visite de François Mitterrand à Alger (30 novembre-1er décembre 1981), les rapports entre les deux pays connaissent leur première embellie depuis 1962. Un climat de confiance s’instaure, que le ministre des Affaires étrangères, Claude Cheysson, qualifie de «coup de passion». On parle alors de politique de «codéveloppement» entre le Nord et le Sud. La gauche socialiste enterre le projet de renvoi massif des immigrés algériens, régularise plus de 15 000 Algériens en situation irrégulière, les visites ministérielles se multiplient, des accords économiques sont signés — la France acceptant même que le prix du gaz soit indexé sur le prix du baril. Bien plus, Mitterrand apprécie le nouveau président algérien, Chadli Bendjedid, en train de rompre graduellement avec la voie socialiste de développement de son prédécesseur, Houari Boumediene, décédé prématurément à l’âge de 46 ans en décembre 1977, et qui prend peu à peu ses distances avec l’URSS et le camp progressiste (Alger n’a pas soutenu la candidature du Nicaragua à la tête du Mouvement des non-alignés), avant d’opérer en cours de mandat un recentrage de l’État autour des valeurs araboislamiques. «Le coup de passion» sera pourtant de courte durée. Politique de rigueur oblige, Paris demande la révision des accords sur le prix du gaz, et ce, au moment même où Alger subissait de plein fouet la chute du prix du baril (40 à 8 dollars). De plus, selon Le Monde, «le remplacement de M. Mauroy par M. Fabius» au poste de Premier ministre, «et celui de M. Cheysson par M. Dumas (Affaires étrangères) n’ont pas réjoui Alger».(14) La visite officielle à Rabat le 27 avril 1985 de Laurent Fabius, assurant qu’il tenait à visiter le Maroc avant l’Algérie(15), «l’attirance » de F. Mitterrand pour la monarchie marocaine(16) et le fait que, selon Hubert Védrine, sur le Sahara occidental, «il a été plus ouvert au Maroc»(17), compliquent encore la relation franco-algérienne. Le changement de majorité intervenu en France en mars 1986 ne modifiera pas la situation. Pour satisfaire son électorat de droite, le nouveau Premier ministre, Jacques Chirac, veut durcir les conditions d’entrée et de séjour des Algériens. Prétextant la vague d’attentats ayant frappé Paris en 1986, l’exécutif chiraquien instaure un visa d’entrée aux non-Européens. Alger réplique en instaurant la réciprocité. Les échanges entre les deux pays connaissent un tassement (elles ont baissé de 15 milliards de francs par rapport aux années précédentes). La France, premier créancier de l’Algérie, multiplie les pressions, veut la contraindre à aligner le prix du gaz sur les cours du marché forcément en baisse. La question des enfants de couples mixtes devient une nouvelle source de discorde : près de 300 enfants étaient retenus par leurs pères (divorcés) en Algérie suite à des décisions de justice d’inspiration islamiste accordant la garde de l’enfant au père. Même la visite de François Mitterrand à Alger en mars 1987 – il se préparait à entrer en lice pour un second mandat – ne peut débloquer la situation. Faute d’accord sur les prix, les négociations sur le gaz commencées en juillet 1986 sont rompues en novembre 1987. Et comme Alger, tournée désormais vers un projet d’union avec Tripoli (Libye), considérait que le gaz est, selon le Premier ministre islamo-conservateur Abedelhamid Brahimi, le nerf de la coopération, les projets d’usines Renault et Peugeot sont gelés au profit du constructeur italien Fiat et des instructions sont données aux entreprises algériennes pour chercher des partenaires autres que français. Pire, au nom de l’arabisation de l’administration, des entreprises et du système éducatif, la coopération technique et culturelle est réduite au minimum : il est ainsi mis fin aux contrats de milliers d’enseignants, ingénieurs et cadres français ou d’autres nationalités étrangères exerçant en Algérie. Même les réfugiés chiliens et latino-américains, victimes collatérales de cette fièvre araboislamiste et nationaliste, sont poussés vers la sortie. Comme si cela ne suffisait pas, s’y ajoute la décision de l’Algérie de récupérer les lycées français, avec interdiction d’accès aux élèves algériens, y compris aux enfants de couples mixtes, à compter de la rentrée scolaire 1988- 1989. Dans un violent discours prononcé le 19 septembre 1988, moins de deux semaines après la visite de Roland Dumas, dépêché par François Mitterrand pour tenter de mettre fin à l’étiolement des relations entre les deux pays et jeter les bases d’une coopération renouvelée, le président Chadli Bendjedid considère la récupération des lycées français comme une «question de souveraineté nationale, sacrée et non négociable».(18) En vérité, «cette affaire ne concerne que quelques centaines d’enfants à Alger […] Elle est l’un des symptômes d’un contentieux beaucoup plus large qui oppose, au sein du parti (FLN), un nationalisme rigide, en l’occurrence partisan d’une arabisation totale de l’enseignement, aux tenants d’une politique de libéralisation et d’ouverture».(19) Seule la coopération sécuritaire semble échapper au climat de suspicion réciproque s’installant entre Paris et Alger.(20) Avec les grèves sociales de septembre 1988, suivies par l’explosion populaire d’octobre 1988 qui vont mettre fin au système du parti unique, l’Algérie s’ouvre au multipartisme au prix d’une répression sanglante, et un cycle se termine. La forte poussée de fièvre nationaliste à forte connotation islamo-arabiste antifrançaise, actionnée par le président Chadli et l’aile la plus réactionnaire du régime, n’aura servi à rien. Les tensions avec la France vont passer au second plan et le projet d’union avec la Libye tombe à l’eau. Le régime FLN, miné par des conflits internes, sera vite débordé sur sa droite extrême par les islamistes du Front islamique du salut (FIS) à qui cette même aile réactionnaire du régime était prête à remettre les clés de la maison Algérie après lui en avoir préparé le lit.

    Années 1990, les rapports franco-algériens dans le collimateur du GIA 
    L’ouverture de l’Algérie au multipartisme et à la liberté de la presse à partir de 1989 et, surtout, la victoire du FIS aux élections locales de juin 1990, frappent comme un coup de tonnerre. Tout en encourageant le gouvernement réformateur de Mouloud Hamrouche à poursuivre sa politique de libéralisation de l’économie et de la vie politique, la France mitterrandienne reste attentive à l’émergence des islamistes comme nouvel acteur majeur dans un paysage politique complètement modifié. Des contacts discrets sont noués avec ces islamistes aux portes du pouvoir, d’autant que le président Chadli Bendjedid jouit de la confiance des socialistes français qui voient en lui un artisan possible d’un compromis avec les islamistes, puisque se disant prêt à gouverner avec le FIS si ce dernier remportait les élections législatives fixées à fin 1991. Mais, le 11 janvier 1992, en annulant les élections législatives, dont le premier tour avait été remporté par le FIS, frôlant la majorité absolue, et en poussant le président Chadli à démissionner, les artisans de ce coup de force — l’armée et des civils — soutenus par la société civile et une partie des forces politiques, dont Ben Bella, vont de fait empêcher l’instauration d’un État théocratique, avec l’aide de la frange la plus réactionnaire du FLN. L’annulation des élections, que François Mitterrand qualifiera trois jours après d’«acte pour le moins anormal», enjoignant le pouvoir algérien de «renouer au plus tôt les fils d’une vie démocratique qui s’amorçait»,(21) et la violence qui va progressivement embraser l’Algérie vont être le début d’une nouvelle brouille entre les deux pays qui va durer jusqu’en 1999. Les réserves et critiques françaises qui ne vont pas cesser, les propos du ministre de la Défense, Pierre Joxe, n’écartant pas la possibilité d’une intervention pour évacuer les ressortissants français en Algérie, les facilités accordées sur le sol français aux islamistes fuyant la répression font que la relation franco- algérienne va traverser un moment difficile.( 22) Selon Paul-Marie de la Gorce, instruction était donnée de ne pas trop s’engager avec les «putschistes» algériens. S’ensuit alors une période de gel, y compris sous la courte période de la présidence de Mohamed Boudiaf (assassiné en juin 1992).(23) Il faudra attendre janvier 1993, pour qu’un ministre de haut rang, le chef de la diplomatie Roland Dumas se rende à Alger, déclarant «être prêt à écouter les Algériens», et que la France était disposée à aider l’Algérie qui faisait face à une situation économique difficile et financière jugée catastrophique.(24) Il était trop tard, les Algériens, qui venaient de recevoir Jacques Chirac, pariaient désormais sur un retour de la droite aux affaires. Mais, à la décharge des Français, avec un gouvernement algérien dirigé par un Premier ministre, Belaïd Abdesselam, hostile par nationalisme étroit à la France, peu enclin à nouer de bons rapports afin de complaîre aux islamo-conservateurs, et qui attribuait les attentats, dont celui ciblant Air France et l’aéroport d’Alger en juillet 1992, à un complot «ourdi» par la France avec la complicité des «laïco-assimilationnistes », autrement dit les communistes, les progressistes et les démocrates algériens en général, prônant de surcroît une «économie de guerre» à la Ceausescu, il ne fallait pas s’attendre à une détente entre les deux pays.(25) À compter de la fin 1993, l’Algérie entre dans sa phase la plus délicate. Les assassinats de ressortissants français, qui ont débuté après le rapt des trois agents consulaires français en novembre 1993, l’attaque des gendarmes français assurant la sécurité d’une cité habitée par des coopérants français (cinq morts dont trois gendarmes) par le GIA (Groupe islamique armé) en juillet 1994, la prise en otage de l’Airbus d’Air France le 24 décembre 1994 par un commando du GIA vont rebattre les cartes dans les rapports entre les deux pays. La France est désormais dans la ligne de mire du GIA. La donne sécuritaire s’insinue dans la relation franco-algérienne. Paris est convaincu que l’État algérien est incapable d’assurer la sécurité des étrangers. Air France, suivie aussitôt par toutes les compagnies aériennes européennes, cesse d’assurer les vols en direction de l’Algérie. Les consulats, les centres culturels et les établissements scolaires français ferment. À leur tour, les entreprises françaises, imitées par les firmes européennes et asiatiques, ferment leurs bureaux et succursales et quittent le pays. Les ambassades occidentales, excepté celle des États-Unis, ferment également et transfèrent leurs activités consulaires à Tunis. Et humiliation supplémentaire, le service de délivrance des visas est transféré à Nantes. Le nombre de visas délivrés chute à moins de 50 000 contre près de 400 000 avant 1994, limitant ainsi les voyages entre les deux pays. La vague des attentats frappant Paris durant l’été 1995 et les voix de plus en plus nombreuses, surtout parmi la gauche socialiste et les Verts, accusant le pouvoir algérien de manipuler les groupes islamistes incitent le gouvernement français à ne pas trop s’engager envers des Algériens jugés de plus en plus nerveux. D’autant que François Mitterrand, en fin de mandat, ne fait rien pour dégeler la situation. Au contraire, il propose en février 1995 une conférence européenne sur la «crise algérienne», prenant pour base la plateforme de Rome signée par le FIS et des partis algériens dont le FLN, le FFS (socialistes), s’attirant les foudres du pouvoir algérien qui qualifie la proposition française de «grossière ingérence».(26) Sous la présidence de Jacques Chirac, qui a eu à gérer la vague d’attentats revendiqués par le GIA ayant frappé Paris durant l’été 1995, les relations restent empreintes de méfiance, surtout après le refus du président Zeroual de le rencontrer de manière non officielle en octobre 1995 comme le souhaitait l’Élysée. «L’Algérie n’a pas pour habitude d’assumer sa diplomatie en rasant les murs», expliquait la présidence algérienne(27). L’élection de Liamine Zeroual en novembre 1995, en dépit du GIA et d’Anouar Haddam qui assurent qu’ils empêcheront l’élection présidentielle, constitue un tournant. D’autant que ce premier scrutin présidentiel pluraliste depuis 1962 sonne comme un cinglant désaveu des thèses répandues dans la classe politique française, affirmant que le GIA et l’AIS (Armée islamique du salut) contrôlaient la population et que le boycott prôné par le FLN et le FFS d’Aït Ahmed serait largement suivi. Rabah Kébir en prend acte au nom du FIS, reconnaissant la légitimité de l’élection de M. Zeroual, tandis que les capitales occidentales, Paris et Washington en tête, décidaient de reconsidérer positivement leurs rapports avec l’Algérie, encourageant le président Zeroual à poursuivre la démocratisation promise. Sept mois après cette élection présidentielle, alors qu’a lieu un vaste débat public associant le pouvoir politique, tous les partis (excepté le FIS), les syndicats, les personnalités et acteurs de la société civile algérienne, sur le projet de Constitution et l’élection d’un parlement au suffrage universel, se produit en juin 1996 l’assassinat des moines du monastère de Tibhirine. Une partie des médias français l’attribue alors aux militaires algériens. Sur cette sombre toile de fond, le ministre des Affaires étrangères, Hervé de Charrette, se rend à Alger en août 1996 pour éviter que les rapports ne se tendent davantage avec un pays qui s’est vu imposer par les institutions financières internationales un Plan d’ajustement structurel (PAS). La France chiraquienne, sous forte pression médiatico-politique, opte alors pour une politique empreinte de prudence à l’égard d’un pouvoir algérien divisé sur la conduite à tenir à l’égard des islamistes.( 28) Avec les massacres de civils à grande échelle de la fin de l’été et de l’automne 1997 aux portes mêmes d’Alger, Jacques Chirac et le gouvernement de Lionel Jospin, confrontés à une incroyable campagne médiatique demandant une enquête internationale en raison des présomptions pesant sur la responsabilité du régime dans tout ou partie des violences en cours, sont sommés de se positionner. Hésitant sur la conduite à suivre, ils se bornent dans un premier temps à faire part de leurs «préoccupations». Toutefois, bien qu’estimant, à l’instar de Washington, que «le régime de Liamine Zeroual reste la moins mauvaise des options»(29), le Quai d’Orsay n’en rappelle pas moins «le droit légitime de la population algérienne à être protégée».(30) Aussi, la France penche-t-elle prudemment pour une internationalisation contrôlée de la crise algérienne en appuyant, par la voix d’Hubert Védrine, la proposition allemande d’envoi d’une «troïka» européenne à Alger, qui sera ensuite suivie par une mission du Parlement européen conduite par André Soulier et Daniel Cohn-Bendit, avant de soutenir le principe d’une commission d’enquête onusienne qui sera conduite par le socialiste Mario Soares, laquelle conclut que ce sont bien les islamistes qui ont commis les massacres de civils durant l’été et l’automne 1997. Il faudra attendre l’arrivée d’Abdelaziz Bouteflika au pouvoir en avril 1999, dans un contexte de reflux de la violence islamiste, pour voir un début de détente et de normalisation entre les deux pays.(31)


    Bouteflika, la repentance et la sécurité régionale 

    En démissionnant de ses fonctions de président de la République en août 1998, Liamine Zeroual ouvre la voie à l’arrivée d’Abdelaziz Bouteflika au pouvoir en avril 1999.(32) L’élection de ce dernier est l’épisode d’une nouvelle passe d’armes quand, le 16 avril, prenant connaissance d’une déclaration d’Hubert Védrine, ministre des Affaires étrangères, émettant un doute sur son élection, le nouveau chef d’État algérien, jouant sur les ressorts d’un nationalisme à fleur de peau de nombreux Algériens, réplique vivement : «La France doit comprendre que l’Algérie n’est pas sa chasse gardée.»(33) Ou quand il feint de s’étonner que le président Chirac n’a «jamais trouvé une demi-journée à consacrer à l’Algérie » alors qu’il a visité, dit-il, la plupart des capitales arabes… Reste qu’Abdelaziz Bouteflika est sans doute le dirigeant algérien qui connaît le mieux la France, pour avoir rencontré, en tant que chef de la diplomatie algérienne, les présidents Charles de Gaulle, Georges Pompidou, Giscard d’Estaing et, en tant que chef d’État, Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy, François Hollande. Et ce, sans compter les nombreux ministres et responsables de partis de gauche et de droite. Et, c’est en France qu’il se soigne depuis qu’il est tombé malade en 2005. Le dialogue est vite renoué, Algériens et Français vont donc s’efforcer d’aplanir une brouille qui dure depuis sept ans : visite d’Hubert Védrine en juillet 1999 à Alger, la première depuis deux ans, rencontre entre Abdelaziz Bouteflika et Lionel Jospin le 21 septembre à New York, visite d’État d’Abdelaziz Bouteflika en France en juin 2000, où il se prononce pour «un partenariat d’exception» avant de se rendre à Verdun pour un hommage aux 25 000 soldats algériens morts en 1914-1918. Jacques Chirac visite à son tour l’Algérie en mars 2003, visite ponctuée par la signature d’un texte, «La déclaration d’Alger», au terme duquel les deux pays s’engagent à établir «un partenariat politique, économique et culturel renforcé», qualifié par les deux parties de «partenariat d’exception». Les services consulaires rouvrent leurs portes et le nombre de visas augmente, mais sans retrouver son niveau d’avant 1994, les échanges économiques et culturels vont s’intensifier, Air France reprend ses vols sur Alger, la réalisation du métro d’Alger et de l’aéroport international sont confiés aux Français… Mais la lune de miel ne va pas durer. Le traité d’amitié, «comparable au Traité de l’Élysée, conclu entre la France et l’Allemagne en 1963», voulu par Jacques Chirac, ne sera pas signé entre les deux pays. En cause, la loi du 23 février 2005 vantant les aspects positifs de la colonisation. Les Algériens conditionnent alors la signature d’un traité d’amitié à l’abrogation de cette loi scélérate. Ce ne sera pas tout à fait le cas.
    Le président algérien, en besoin de se relégitimer pour un éventuel troisième mandat, exige désormais des «excuses» de la France pour les crimes commis pendant la colonisation. Le thème de la repentance s’invite désormais dans les rapports entre les deux pays, surtout sous la présidence de Nicolas Sarkozy, dont le positionnement sur la colonisation, l’entreprise de réhabilitation des anciens de l’OAS, la création d’un ministère de l’Identité nationale, sa stigmatisation des enfants d’immigrés d’origine surtout algérienne et son intention de réviser les accords sur la main-d’œuvre de 1968 passent mal. Il «n’est pas le bienvenu» en Algérie(34) où sa visite manque même d’être annulée(35). Elle aura lieu, mais sous haute surveillance. Mais à la place d’un traité d’amitié, il y aura une simple «convention de partenariat» entre les deux pays. Et ce n’est pas fini. L’intervention française en Libye, qui a abouti à la chute du régime de Kadhafi, divise les deux pays. Pour une fois, l’Algérie n’avait pas tort, et les faits lui ont donné raison, quand elle avait prévenu que l’intervention franco-britannique allait déstabiliser la région. Mais Nicolas Sarkozy en rajoute. «Dans un an l’Algérie, dans deux ans l’Iran», s’enthousiasme- t-il le 5 septembre à Tripoli, croyant que le régime algérien allait être à son tour balayé par la vague du Printemps arabe(36). Nouveau coup de froid. Jean-Pierre Raffarin, en mission commandée – il se rend à trois reprises à Alger –, parviendra à mettre la coopération à l’abri des aléas diplomatiques. De ce fait, l’élection de François Hollande est accueillie presque comme un soulagement par les autorités algériennes, y compris, une fois n’est pas coutume, par les forces démocratiques et progressistes et la société civile. Lui aussi veut tourner la page du passé avec un pays qu’il connaît bien, en jouant la carte de l’apaisement et en voulant imprimer une nouvelle dynamique aux relations francoalgériennes. L’hommage rendu aux victimes du 17 octobre 1961 et à la mémoire du mathématicien communiste Maurice Audin sur la place portant son nom à Alger, en décembre 2012, sont autant de marqueurs plaidant en sa faveur. D’autant qu’aucun de ses prédécesseurs ne l’avait fait. Sa relation avec l’Algérie intervient toutefois dans un contexte régional radicalement transformé, porteur de menaces potentielles pour les pays de la région, comme l’a montrée l’attaque du site gazier d’In Amenas par le groupe djihadiste de Mokhtar Belmokhtar en janvier 2013.(37) La relation franco-algérienne va donc intégrer cet élément nouveau qu’est la menace djihadiste en provenance de Libye et du Sahel et, partant, la sécurité régionale. Celle-ci va même prendre le pas sur le volet économique où la France, malgré la forte concurrence de la Chine (premier fournisseur de l’Algérie), conserve de solides positions sur le marché algérien : elle est son deuxième partenaire commercial, avec des échanges s’élevant à 10,5 milliards d’euros en 2016 et la 3e destination mondiale hors OCDE, avant les pays du Golfe ; elle est aussi son premier partenaire sur le continent africain avant le Maroc. Quelque 7 000 entreprises françaises exportent en Algérie et près de 500 y sont installées, dont de grands groupes comme Renault, Sanofi, Alsthom, Total, Peugeot, ainsi que des banques. Et puis Hollande a visité un pays ayant un niveau d’endettement extérieur faible, à peine 3% de son PIB, et disposant de réserves de change de plus de 150 milliards de dollars. Et il a su habilement éviter les sujets qui fâchent, comme le Sahara occidental. Malgré les réticences algériennes, Paris intervient au Mali pour stopper l’offensive djihadiste vers Bamako : informé quelques heures avant cette intervention, Alger donne son accord pour que l’aviation française traverse son espace aérien et fournit aux forces terrestres françaises un soutien logistique.(38) Mais la France de François Hollande, de concert avec l’Amérique de Barack Obama, ne s’arrête pas là : elle tente de persuader l’Algérie de s’engager militairement dans le Sahel et de rompre ainsi avec sa doctrine de non-engagement dans des systèmes multilatéraux qui hypothéqueraient sa liberté de décision. Une chose est sûre, malgré des différences d’appréciation sur la situation au Sahel et surtout sur la Syrie, jamais, assuret- on à Alger, les relations entre les deux pays n’ont connu une telle embellie. Pour Abdelaziz Bouteflika, confronté à une crise financière provoquée par la chute du baril de pétrole à compter de 2014, l’appui de la France valait certainement quelques concessions, et ce, malgré l’impair commis par Manuel Valls, twittant une photo en compagnie du chef de l’État algérien diminué par la maladie et donc pas à l’avantage de ce dernier, impair qui manque de tourner à l’incident diplomatique, alors que les Algériens étaient déjà remontés à propos d’un article du Monde sur les Panama Papers, mettant en cause le ministre de l’Industrie, Abdeslam Bouchouareb, illustré par une photo du président algérien(39). C’était jugé d’autant mal venu que François Hollande, quelques mois avant, en juin 2015, avait effectué une visite éclair à Alger, mû par le désir de l’Élysée de voir les Algériens s’impliquer militairement en Libye après la chute de Syrte aux mains de Daech et la menace que faisait peser ce dernier sur la Tunisie.(40) Et sans doute était-il préoccupé par l’état de santé du président algérien un an après sa réélection controversée.(41) Quelle sera la politique algérienne d’Emmanuel Macron ? À défaut d’une visite d’État au protocole très lourd, ce que ne pouvait assumer son homologue algérien en raison de sa maladie, Emmanuel Macron a effectué une courte visite à Alger, sans grande annonce, tenant des propos déjà entendus dans la bouche de ses prédécesseurs par les Algériens. Sur le passé colonial, passage obligé, il a plaidé pour la « réconciliation des mémoires» et il ne veut «ni déni ni repentance». Fermez le banc. En matière de coopération, même si l’Algérie reste, selon l’Élysée, un potentiel économique considérable avec pour l’heure un niveau d’endettement extérieur faible, la préoccupation majeure pour Emmanuel Macron – c’était l’un des buts de sa visite – reste la sécurité régionale (Libye, Sahel). À Alger, il en aurait brièvement discuté avec le chef d’état-major de l’armée algérienne et vice-ministre de la Défense, le général Gaïd Salah : Paris souhaiterait que l’Algérie, seul pays de la région disposant d’une capacité opérationnelle, intègre le G-5 Sahel, structure sur laquelle la France pense se décharger à terme en matière de lutte antiterroriste, lui permettant ainsi de se désengager du bourbier sahélien.(42) Déjà réticent à la présence de forces étrangères à ses frontières — en plus des Français, 800 militaires américains sont basés à Agades au Mali —, Alger voit d’un mauvais œil l’intrusion de l’Arabie Saoudite et des Émirats arabes unis qui, dans un premier temps, participeront au financement du G-5 Sahel à hauteur de 130 millions 0d’euros.(43) Enfin, autre préoccupation de l’Élysée qui l’empêche pour l’heure de définir sa politique algérienne, c’est l’incertitude liée à la maladie du président Bouteflika, dont la succession, au cas où il renoncerait à se présenter, est l’enjeu d’une sourde lutte au sein du pouvoir algérien, avec en toile de fond un contexte financier et économique difficile et un contexte régional qui reste potentiellement porteur de menaces. Pour l’heure, donc, c’est le «wait and see».

    H. Z.
    (*) Hassane Zerrouky, journaliste
    Etude parue dans Recherches Internationnales


    1) Gilbert Meynier, Questions internationales, n° 81, juillet-septembre 2016, Documentation française.
    2) Redha Malek, L’Algérie à Évian, Seuil, 1994, p. 212. Le chef d’état-major de l’ALN, le colonel Boumediène, et ses adjoints étaient opposés à la signature de ces accords (voir M. Harbi, Le FLN mirage et réalités, Éditions Jeune Afrique, 1982).
    3) Le programme de Tripoli adopté en juin 1962 par le CNRA.
    4) Jusqu’en 1968, les Algériens étaient dispensés de carte de résidence et de travail.
    5) Partie de la Mitidja et de la plaine du Chélif durant l’été 1962, l’occupation des fermes coloniales s’est par la suite propagée
    à d’autres régions. Petites et moyennes entreprises ont également connu le même processus.
    6) Malgré l’arabisation de l’école et de l’administration algériennes, le français est encore utilisé comme langue professionnelle
    et de travail, ainsi que d’enseignement dans les disciplines scientifiques et techniques. Depuis la rentrée de 2003,
    il est enseigné comme deuxième langue dès la deuxième année du primaire, au point que la langue française est plus implantée à l’ère actuelle
    que durant la période coloniale.
    7) Cité par Jean-François Daguzan in Les rapports franco-algériens, 1962-1992, Politique étrangère n°4 1993.
    8) Le Monde du 13 mars 1964.
    9) Voir René Gallissot, Henri Curiel, Le Mythe mesuré à l’histoire, Éditions Rive-neuve, 2009.
    10) Pas moins de huit attaques aériennes françaises avaient été lancées contre les forces du Polisario qui menaçaient
    l’armée mauritanienne entre novembre 1977 et mai 1978.
    11) François Mitterrand a également été informé de cette libération par les Algériens.
    12) Conférence de presse de Giscard d’Estaing, vidéo de l’Ina.
    13) L’Humanité du 24 juin 2015, «Quand Giscard chassait l’Algérien».
    14) Le Monde du 13 mai 1985.
    15) Le Monde, cité.
    16) Le Monde du 4 avril 1986.
    17) Liberté (Algérie) du 1/02/2018.
    18) El Moudjahid du 20 septembre 1988.
    19) Le Monde du 6 septembre 1988.
    20) Les services algériens ont été actifs dans la libération des otages français au Liban. En contrepartie, dit-on, Paris expulse 12 opposants
    algériens proches de l’ex-président Ben Bella en octobre 1986 et ferme les yeux sur l’assassinat de l’opposant Ali
    Mecili, membre du FFS, le 4 avril 1987.

    21) Le Matin du 15 janvier 1992.
    22) Sur cette question, voir Hassane Zerrouky, La Nébuleuse islamiste, éditions 1/Calmann-Levy, 2001.
    23) «La France et le Maghreb», article de Paul Marie de la Gorce, Politique Étrangère n°4, 1995. Site Persée.
    24) Les créanciers de l’Algérie, un consortium de 200 banques piloté par le Crédit lyonnais, exigeaient le paiement de 9 milliards de dollars au titre du service d’une dette de 24 milliards de dollars alors que les recettes algériennes excédaient à peine les 11 milliards de dollars.
    25) Dans la bouche des islamo-conservateurs, le terme de «laïco-assimilationnistes» désignait tous ceux qui étaient opposés à tout compromis avec les islamistes radicaux.
    26) L’Humanité du 6 février 1995.
    27) La rencontre devait avoir lieu à New York en marge de l’Assemblée générale de l’ONU.
    28) Alors que pour Liamine Zeroual «le dossier du FIS est clos», des cercles du pouvoir négociaient en sous-main avec l’AIS et une partie du FIS représentée par Rabah Kébir.
    29) Libération du 27-28/12/1997.
    30) Voir Le Matin du 16 octobre 1997 et El Watan du 6 janvier 1998.
    31) Après la reddition de l’AIS (Armée islamique du salut) fin 1997, et l’écrasement du GIA par l’armée algérienne durant l’année 1998-1999, la violence baisse d’intensité.
    32) Voir La Nébuleuse islamiste en France et en Algérie et mes écrits sur les raisons de cette démission dans l’Humanité et le Matin d’Algérie d’août-septembre 1998.
    33) L’Humanité du 29 juillet 1999.
    34) Voir l’article de H. Zerrouky, Le Matin, 29 novembre 2007. Le ministre des Moudjahidine (anciens combattants) et pratiquement toute la presse tonnaient contre le président français.
    35) Le Matin, idem.
    36) Soir d’Algérie, 19 juillet 2012.
    37) Sur l’attaque du site gazier d’In Aménas, voir l’Humanité des 16 au 22 janvier 2013.
    38) Selon plusieurs médias algériens, des avions militaires algériens gros porteurs C 130 et Illiouchine ont transporté du matériel militaire français au Mali.
    39) Le Soir d’Algérie du 28 avril 2016.
    40) L’Humanité du 26 février 2015.
    41) Voir Recherches internationales n°99, avril-juin 2014.
    42) Dépêches AFP du 14 et du 15 12/2017. À propos du G- 5 Sahel, une première réunion élargie regroupant la France, l’UE, les États-Unis, l’Arabie Saoudite et les Émirats a eu lieu à Paris le 13 décembre et une seconde est prévue fin février à Bruxelles. Le G5 Sahel est constitué du Mali, du Tchad, du Niger, du Burkina et de la Mauritanie.
    43) L’Algérie est le seul pays, avec l’Irak et le Liban, à ne pas faire partie de la coalition antiterroriste lancée par Riyad en novembre dernier.
    Le Soir d’Algérie

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  • 20 mai 1973 : Première balle de la lutte armée sahraouie

    Les mesures de confinement empêcheront le peuple sahraoui de commémorer une des plus importantes dates de la lutte du peuple sahraoui pour sa libération nationale : le 47 anniversaire du déclenchement de la lutte armée contre le colonialisme espagnol et l’invasion marocaine.
    En effet, le 20 mai 1973, Le Front Populaire pour le Libération de Saguia El Hamra et Rio de Oro (Frente Polisario) menait sa première opération militaire contre le colonialisme espagnol au poste d’El Khanga.
    Moins de deux ans après, le colonialisme espagnol s’est vu obligé de plier bagage face à la pression des combattants sahraouis. Ensuite les succès enregistrés par l’Armée de Libération Populaire Sahraouie sur l’adversaire marocain ont mis en évidence la supériorité des combattants sahraouis sur le terrain.
    Malgré les conditions environnementales difficiles, le peuple sahraoui dirige, lui-même ses institutions selon la voie tracée par la révolution depuis son déclenchement le 20 mai 1973.
    Le peuple sahraoui a combattu le colonialisme espagnol durant de longues années. Depuis, il poursuit ce combat pour résister à cette guerre d’extermination sauvage, dirigée contre lui régime marocain soutenu par une puissance mondiale connue par ses précédents historiques colonialistes dans cet univers dont elle n’a pas du en tirer aucune leçon confirmant ainsi cette vérité qu’avait dit le leader vietnamien : « Le colonialisme est un mauvais élève ». Cette puissance n’est autre la France impérialiste dont les élites ne jurent plus que par le tourisme de Marrakech.
    La logique du gouvernement français est une vieille logique colonialiste que les dirigeants français n’ont pas su dépasser. Ils tentent ainsi d’arrêter le cours de l’histoire qui atteste de plus en plus de la fin des empires coloniaux. Chose que Élysée n’a pas encore pu comprendre et tente vainement de s’y opposer.
    Malgré sa détermination à poursuivre le combat, le peuple sahraoui réitère sa volonté de rechercher une paix définitive susceptible de garantir le bien-être à tous les peuples de la région sans que cela soit au détriment des intérêts de notre peuple, un peuple qui conserver de bonnes relations avec tous ses voisins.
    Tags : Sahara Occidental, Maroc, Espagne, colonialisme, Front Polisario, 20 mai 1973, 47ème anniversaire, lutte armée, peuple sahraoui, 
  • Un prisonnier du Sahara occidental ouvre la boîte de Pandore sur les prisons marocaines

    En mai 2020, le Maroc a demandé que le militant sahraoui et ancien prisonnier politique Mohamed Dihani soit extradé de Tunisie. Dihani se trouve en Tunisie pour suivre un programme de réhabilitation d’Amnesty International pour les blessures physiques et mentales qu’il a subies lors d’un séjour de cinq ans dans les prisons marocaines entre 2010 et 2015.

    Mohamed Dihani a commencé en mai à raconter en direct sur Facebook les tortures les plus incroyables et autres traitements dont il a été victime et vécu pendant sa détention au Maroc. Entre autres choses, il a été enfermé en isolement pendant un an et demi dans une cellule de 1 x 2 mètres et trois ans sans voir le soleil.

    Les autorités tunisiennes ont récemment informé Dihani que le Maroc avait demandé son extradition pour des accusations liées au terrorisme. Cependant, selon ses avocats, les autorités tunisiennes auraient traité Dihani avec politesse et respect.

    Mohamed Dihani, qui a grandi et vécu dans la partie occupée du Sahara occidental, a été arrêté en 2010 et a disparu pendant 6 mois. Il s’est avéré plus tard qu’il se trouvait dans la prison secrète de Témara et a été torturé pendant 10 jours. Il a ensuite été emmené à la prison de Salé, près de Rabat, où il a également été torturé.

    Il a été accusé de terrorisme présumé; pour avoir planifié une attaque terroriste en Italie, des tentatives d’exemption de prisonniers sahraouis et des meurtres et condamné à 10 ans de prison. La seule preuve contre lui était des aveux sous la torture. Mohamed Dihani a fait appel du verdict, affirmant qu’il était innocent et avoir été torturé.

    En 2013, un nouveau procès a eu lieu. Cinq jours auparavant, il avait été très violemment battu en prison. Des photos de ses supplices ont fuité de la prison. Lors du nouveau procès, la peine a été réduite à 6 ans et il a été libéré en 2015.

    Amnesty International écrit dans un rapport du 26 avril 2019 que Mohamed Dihani est surveillé depuis sa libération en 2015. Les défenseurs des droits humains du Sahara occidental comme Mohamed Dihani sont souvent soumis à divers types de harcèlement. En 2018, il a été arrêté à deux reprises lors de participation à de manifestations pacifiques. Il a été arrêté pour cela et accusé d’avoir diffusé de fausses nouvelles. En février, cependant, il a été libéré des charges, écrit Amnesty.

    Dans ses enregistrements sur Facebook en mai, Mohamed Dihani dit qu’il avait également été soumis à divers types d’extorsion pendant la prison: il serait libéré s’il organisait des attaques terroristes dans la partie occupée du Sahara occidental. Les propositions étaient des explosions, des assassinats et semer la peur dans la population. De cette façon, le Sahara occidental serait considéré par le monde extérieur comme une plaque tournante du terrorisme et des menaces à la sécurité internationale, tandis que la présence marocaine serait considérée comme importante pour la sécurité et la lutte contre le terrorisme. En outre, les autorités marocaines pourraient blâmer les militants du Sahara occidental et les condamner à de longues peines de prison. Ils pourraient également accuser le Polisario de financer le terrorisme et de collision avec Al-Qaïda. Ainsi, le Maroc apparaîtrait comme ayant une force de police fiable dans la région.

    Pendant longtemps dans les prisons marocaines, Mohamed Dihani a rencontré des prisonniers marocains condamnés pour terrorisme. L’un d’eux serait libéré s’il devenait officier d’information des services de sécurité marocains et était envoyé au Mali pour infiltrer Al-Qaïda. Après deux ans avec Al-Qaïda en 2005-2007, il a été arrêté parce qu’il refusait de fournir des informations spéciales au service de sécurité.

    Mohamed Dihani dit également qu’à travers ses codétenus, il a compris que les autorités marocaines elles-mêmes avaient créé de faux cellules terroristes juste pour montrer qu’ils les « démantelées ». Il cite en exemple la dénommée « cellule d’Amgala ».

    Lena Thunberg

    Sources:

    Tidskriften Västsahara nr 2/2013: Marockansk fångvård

    Amnesty International: UN must monitor Human Rights in Western Sahara and Sahrawi Refugee Camps

    Saharawinet: Former Saharawi political prisoner tells his story and unmasks Morocco manipulation of terrorism

    Saharawinet: Moroccan intelligence race against the clock to fabricate new terrorism charge against Saharawi former political prisoner Mohamed Dihani

    Tunisie: Malgré sa protection par Amnesty International, un saharaoui risque l’extradition vers le Maroc

    Vast-Sahara, 17 mai 2020

    Tags : Maroc, Sahara Occidental, Front Polisario, terrorisme, Mohamed Dihani,

  • Un ex prisonnier politique sahraoui arrêté en Tunisie et risque d’être extradé en raison de ses vidéos sur Facebook

    Mohamed Dihani, défenseur des droits humains et ex-prisonnier politique sahraoui arrêté par les autorités tunisiennes, vendredi 16 mai, et risque d’être extrader vers le Maroc, alerte les médias tunisiens.
    L’activiste s’est rendu en Tunisie dans le cadre d’un programme de soin organisé et sponsorisé par Amnesty International, et a été arrêté en Tunisie après avoir publié des vidéos en direct sur Facebook pour parler de « son arrestation par les services marocains de sécurité et l’implication des services secrets marocains dans les attentats terroristes commis au Maroc ».
    Il a vécu de longues années de torture entre les prisons de Temara et Salé-2 suite à son refus de collaborer avec les services de sécurité dans la création de fausses cellules terroristes dans le cadre des pratiques marocaines visant à instrumentaliser la menace terroriste contre le peuple sahraoui et attirer le soutien de l’Occident à ses ambitions de contrôler les ressources naturelles du territoire du Sahara Occidental, indique le média tunisien Kapitalis.
    Dihani a raconté son histoire en détail, et il a décrit avec précision les méthodes inhumaines de torture qu’il a subies dans le tristement célèbre camp de détention secret marocain, la prison de Tmara. Il a souligné que cette prison est en fait une « usine » dans laquelle les services de renseignements marocains ont pratiqué une torture psychologique et physique brutale pour laver le cerveau de centaines de détenus, les forçant à subir des tortures insupportables et les menaçant de « passer aux aveux » et de déclarer qu’ils sont des terroristes, explique de son côté le site Sahrawi.
    Dihani a également affirmé dans ses vidéos que toutes les cellules terroristes que le régime marocain déclare avoir été démantelées grâce à la finesse de son intelligence ne sont que des arnaques fabriquées de toutes pièces, dont les prétendus membres sont pris aux mêmes victimes qui sont forcées sous la torture d’avouer des crimes qu’elles n’ont pas commis pour être exploitées dans la propagande et les médias marocains. Et le but est de faire chanter certains pays, notamment européens, ajoute la même source.
    Ainsi, selon plusieurs source, l’activiste fait l’objet d’un mandat d’extradition délivré par le Maroc après ses déclarations sur Facebook.
    Courrier du Rif, 17 mai 2020
    Tags : Maroc, Sahara Occidental, Front Polisario, Mohamed Dihani, terrorisme, 
  • Maroc : Un sahraoui ouvre la boîte de Pandore terroriste

    Lorsque Mohamed Dihani a entamé son travail de thérapie, il était loin d’imaginer que sa sortie était si attendue par des milliers de jeunes marocains qui ont été sacrifiés au nom de la lutte antiterroriste.
    L’activiste sahraoui des droits de l’homme est arrivée en Tunisie dans le cadre d’un programme de thérapie conçu pour aider les victimes de la torture à se débarrasser des séquelles de celle-ci. Il y a un peu plus d’une semaine, il a entamé une série de live à travers les réseaux sociaux en vue de partager avec le public marocain son expérience dans les prisons marocaines.
    Dihani a été arrêté pour la deuxième fois en 2010 dans la ville d’El Aaiun, capitale du Sahara Occidental occupée par le Maroc depuis 1975. Dans la prison de Temara, il a subi les pires supplices en vue de le forcer à accepter de participer dans un plan de conception de fausses cellules terroristes en vue d’accuser les sahraouis de collision avec la mouvance terroriste.
    Pendant son séjours en prison, qui a duré plus plus de 5 ans, il a eu l’occasion de rencontrer d’autres marocains qui ont été manipulés dans le cadre des opérations des services secrets marocains en vue d’instrumentaliser la menace terroriste au service des thèses expansionnistes marocaines, notamment le soutien des Etats-Unis à l’occupation du Sahara Occidental par le Maroc.
    Les révélations faites par Dihani sur la toile ont eu un large écho au niveau des milliers de marocains qui se sont identifiés avec lui dans sa souffrance et dans l’injustice qu’il a vécue en prison pour la simple raison de refuser de participer à une mascarade visant à tromper les alliés occidentaux du Maroc.

    Des dizaines de marocains ont exprimé leur solidarité avec lui et ont promis de révéler ceux qu’ils ont vu dans les prisons Temara et de Salé-2 et comment les services marocains poussent des jeunes innocents à s’impliquer dans des opérations terroristes téléguidées par les services de la DST marocaine et comment, moyennant les méthodes de torture les plus cruelles, ces jeunes sont poussés aux aveux forcés.
    Conscient de la boîte de Pandore que M. Dihani vient d’ouvrir, le Makhzen tente de faire pression sur la Tunisie pour l’amener à extrader ce sahraoui dont le seul crime a été de raconter son calvaire sur les réseaux sociaux.
    Selon son avocat, Nicolo Bussolti, Mohamed Dihani a été informé par les autorités tunisiennes que le Maroc a sollicité son extradition pour des accusations liées au terrorisme. Après avoir entendu sa version des faits, il a été reconduit chez lui en vue d’apporter quelques documents relatifs à sa présence en Tunisie. Il a déclaré avoir reçu un traitement courtois et respectueux.
    Tags : Sahara Occidental, Maroc, front Polisario, terrorisme, menace terroriste, 
  • Tunisie : Malgré sa protection par Amnesty International, un sahraoui risque l’extradition vers le Maroc

    Mohamed Dihani sous les supplices des bourreaux marocains (2013)
    Mohamed Dihani est un activiste des droits de l’homme originaire du Sahara Occidental. Il a vécu de longues années de torture entre les prisons de Temara et Salé-2 suite à son refus de collaborer avec les services de sécurité dans la création de fausses cellules terroristes dans le cadre des pratiques marocaines visant à instrumentaliser la menace terroriste contre le peuple sahraoui et attirer le soutien de l’Occident à ses ambitions de contrôler les ressources naturelles du territoire du Sahara Occidental, ancienne colonie espagnole qui figure dans la liste des territoires non autonomes des Nations Unies.
    Il se trouve actuellement en Tunisie dans le cadre d’un programme organisé par Amnesty International en vue de le soigner des séquelles de la torture et les années en cellule isolé. Dans ce contexte, des experts lui ont conseillé de parler en public de tout ce qu’il a vécu pour vaincre les états de dépression et d’angoisse qui l’accompagnent depuis son injuste incarcération. Pour cela, il a choisi d’en parler en direct à travers des vidéos qui ont été regarder par des milliers de sahraouis et de marocains. Suite à ces vidéos, M. Dihani a été contacté par des dizaines de sahraouis et de marocains qui se trouvent dans la même situation que lu. Eux aussi, ils sont hantés par les cauchemars de la prison et la torture après avoir refusé de collaborer avec les services d’intelligence du royaume.
    Son initiative a eu un large écho au Maroc. Grâce à lui, les langues ont commencé à se délier pour condamner les pratiques terroristes du pouvoir marocain. Depuis leur lieu de résidence actuelle, certains ont enregistré, eux aussi, des vidéos, pour raconter leurs expériences, comment la sécurité du Maroc a tenté de les manipuler en vue de les présenter comme des terroristes.
    Acculé, le pouvoir marocain tente d’endiguer l’ampleur du phénomène. Rabat a sollicité l’extradition de Mohamed Dihani dans le but d’arrêter le phénomène qu’il a déclenché dans la toile et qui risque de sortir des centaines de marocains de leur silence pour mettre à nu la nature terroriste du régime marocain.
    Des pratiques de torture marocaines telles que décrites par Mohamed Dihani:

    Tags : Sahara Occidental, Maroc, Front Polisario, Mohamed Dihani, Tunisie, Interpol, Amnesty International, 
  • Maroc-Algérie : La subtile réponse d’Alger à Rabat

    L’annonce de la mise en place d’un hôpital de campagne au profit du peuple sahraoui intervient alors que le Maroc poursuit ses attaques frontales contre l’Algérie. Dernière en date, celle du chef de la diplomatie marocaine qui accuse l’Algérie de mobiliser ses ressources pour alimenter « le séparatisme » plutôt que d’améliorer la situation « précaire » de sa population. Aucune réaction officielle à cette attaque mais une subtile démonstration des ressources pouvant être mobilisées.
    Nawal Imès – Alger (Le Soir) – Pas de crise diplomatique publiquement assumée mais une multiplication d’attaques en règle de la partie marocaine. Lorsque ce ne sont pas les médias marocains qui trouvent des prétextes pour critiquer de manière acerbe l’Algérie, c’est le ministre des Affaires étrangères qui s’en charge.
    Profitant du sommet du groupe de contact du mouvement des non-alignés tenu en visioconférence, la semaine dernière, le chef de la diplomatie marocaine a évoqué l’Algérie sans la citer nommément, affirmant qu’un « pays voisin » qui, « malgré les circonstances actuelles exceptionnelles », s’obstine à « alimenter le séparatisme, en violation des principes fondateurs du mouvement des non-alignés». Et d’ajouter : «Ce pays, au lieu d’utiliser ses ressources pour améliorer la situation précaire de sa population dans le contexte de la pandémie de Covid-19, les détourne pour alimenter la déstabilisation régionale». Quelques jours plus tard, le commandement de l’armée faisait savoir que « dans le cadre du raffermissement des efforts de solidarité et de la promotion des relations humaines et fraternelles entre les deux peuples algérien et sahraoui, notamment à l’ombre de la situation sanitaire actuelle relative à la propagation de l’épidémie de coronavirus, le Haut Commandement de l’Armée nationale populaire a chargé les services de la santé militaire de mettre à la disposition du peuple sahraoui un hôpital de campagne afin d’assurer toutes les prestations et l’assistance médicale nécessaires tout au long de la pandémie que connaissent actuellement l’ensemble des pays du monde ».
    Dans ce même communiqué, il a été rappelé que « l’Algérie avait envoyé au peuple sahraoui, le 30 avril 2020, des aides humanitaires composées de produits alimentaires et d’équipements pharmaceutiques acheminées par des avions militaires depuis la base aérienne de Boufarik ». Il s’agit là d’une subtile mise au point au voisin qui émet des doutes sur la capacité de l’Algérie à couvrir les besoins de sa population, selon les dires du ministre marocain des Affaires étrangères. Une attaque en règle après que Abdelmadjid Tebboune eut lancé, au cours du même sommet, « un appel au Conseil de sécurité des Nations-Unies pour se réunir, dans les plus brefs délais, et adopter une résolution appelant solennellement à l’arrêt immédiat de toutes les hostilités à travers le monde, notamment en Libye, sans omettre les territoires occupés en Palestine et au Sahara Occidental ». Le président de la République ne faisait que rappeler une position de principe de l’Algérie.
    Dans son discours d’investiture, le président de la République avait pourtant insisté sur le fait que la question sahraouie était une affaire de «décolonisation» qui doit trouver un règlement dans le cadre des Nations-Unies et de l’Union africaine ,et qu’elle ne devait pas « envenimer les relations avec les frères marocains», tout en ajoutant que «l’Algérie œuvrera à préserver le bon voisinage et raffermir ses relations fraternelles avec les pays du Maghreb». Un message qui n’a visiblement pas trouvé écho auprès des voisins marocains.
    Tags : Maroc, Algérie, Sahara Occidental, Front Polisario, covid-19, coronavirus, pandémie, réfugiés sahraouis,