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  • Les folles soirées de Hassan II

    Par Fahd Iraqi avec Azzedine El Hadef

    Couche-tard, lève-tard, Hassan II a dédié de longues, longues soirées à sa passion de toujours : la musique. Une vie parallèle où le “roi mélomane” récompensait les artistes, les blâmait, les accompagnait au bendir ou à l’accordéon et parfois même… les inspirait.

    TelQuel a retrouvé les témoins de cette folle époque.

    Le rideau s’ouvre sur un décor d’enchantement : un orchestre philharmonique au grand complet, une brochette des meilleurs musiciens du royaume, des artistes de tous genres, chanteurs, animateurs, conteurs, des invités de marque et des hôtes sur leur 31, emplis de joie, de fierté. Et de stress. Car le roi, le “maâlem”, maître absolu du pays, se tient juste là, confortablement assis, savourant cette ambiance musicale enivrante de son oreille de mélomane. Derrière les moucharabieh qui compartimentent les allées du palais, de là où elles peuvent “tout voir sans êtres vues”, les femmes du harem suivent le spectacle sans oser y prendre part… Non, ce n’est pas une scène droit sortie des mille et une nuits, mais juste le prototype d’une (folle) soirée hassanienne, artistique, musicale, enchanteresse. “Et toujours, toujours, stressante”, comme aiment à le répéter tous les artistes qui y ont pris part. C’est là, au milieu de ce cérémonial d’un autre âge, que Hassan II laissait transparaître sa sensibilité. C’est là qu’il se montrait, à l’occasion, extrêmement généreux, parfois cruel, avec ses hôtes. C’est là, enfin, qu’il a pu trouver, par moments, l’inspiration nécessaire pour réfléchir à d’importantes décisions politiques.

    Chef d’orchestre pour Abdelhalim Hafez

    Passionné de musique, Hassan Ben Mohamed l’est depuis son jeune âge (lire encadré). En dehors des fêtes nationales et religieuses, ou encore des cérémonies familiales, Hassan II ne se fait pas prier pour multiplier les soirées privées en l’honneur de ses invités étrangers : chefs d’Etat ou hommes d’affaires. Il lui arrive aussi d’improviser des soirées simplement “pour se laver les tympans”, au sortir d’une dure journée de travail. Les artistes marocains, trouvant grâce à ses yeux, assurent fièrement le spectacle, et le roi prend un malin plaisir à donner le “la”. Qui joue quoi, quand et comment : Hassan II décide de tout, un peu comme en politique…

    A l’époque, le déroulé de ces cérémonies relève presque du secret défense. Mais, depuis la disparition d’Al Fannane Al Awwal (le premier des artistes), les langues se sont déliées. Les musiciens ne se contentent plus de chanter ou de jouer, ils parlent. Enfin. Dans un livre intitulé Les amis du roi, depuis peu sur les étals, l’écrivain Saïd Houbal concentre les témoignages de plusieurs musiciens. On peut y lire, au hasard des anecdotes, que “lors du mariage de Lalla Asmae à Marrakech, Hassan II avait demandé à voir le programme de la soirée. Il a piqué une colère quand il s’est aperçu que personne n’avait eu l’idée d’inviter le chanteur Mohamed Mezgueldi pour interpréter la fameuse chanson Laâroussa Merhouna (la mariée est promise). Ils ont dû tout arrêter pour le ramener en urgence de son domicile à Fès”.

    En règle générale, Hassan II ne perd pas une seule occasion de mettre en avant son côté mélomane, pour étaler ses connaissances musicales. Surtout devant les grands artistes venus d’Orient. Un soir où le “Rossignol du Nil”, Abdelhalim Hafez, et son orchestre jouent pour Hassan II, le roi décide ainsi de s’emparer de la baguette du chef d’orchestre et de diriger lui-même la formation mythique. “C’était sur la chanson Zayyi L’hawa (comme l’air), se souvient l’écrivain Mohamed Mouak (auteur d’un ouvrage sur la mosquée Hassan II), habitué des soirées musicales du Palais. A la fin, tous les musiciens de la troupe se sont levés pour applaudir le roi, qui avait été magistral en chef d’orchestre”.

    Le crooner égyptien, idole du public arabe, était aussi le chouchou de Hassan II. Une anecdote, narrée dans les pages de Saïd Houbal, raconte comment Abdelhalim Hafez “a été pris d’un malaise suite à un repas partagé avec le chanteur Mohamed Gharbaoui dans un boui-boui de la capitale. On a dû réveiller le roi à 3 heures du matin…”. La suite ? “Le roi a immédiatement ordonné à un avion militaire de décoller pour emmener Abdelhalim se faire soigner à Londres”. En plus de Hafez, bon nombre de célébrités de la chanson égyptienne ont défilé dans les palais hassaniens. D’Oum Kalthoum à Mohamed Abdelwahab, en passant par Farid Al Atrach ou Sabah, les plus belles voix de l’époque se sont produites en privé pour le monarque.

    Entre Farid Al Atrach et Ahmed Bidaoui

    Devant ces monstres sacrés, Hassan II s’amuse souvent à vanter la qualité des artistes marocains. Exemple : lors d’une soirée avec Farid Al Atrach, il décide de faire découvrir à sa guest star son luthiste préféré. Instructions sont alors données pour ramener Ahmed Bidaoui. Sauf qu’il faut se lever tôt, beaucoup chercher, et s’armer de patience, pour espérer retrouver la trace du jeune compositeur. Qu’à cela ne tienne, les forces de police sont “missionnées” pour mettre la main sur Bidaoui. Qui se terre, quelque part, dans un bistrot casablancais. “Debout, le roi te demande”, lui assènent les policiers. Pris d’un mélange de joie et de panique, le musicien ne tient plus sur ses jambes. Il est alors escorté jusqu’au palais royal de Rabat. Quelques tasses de café et une douche froide plus tard, Ahmed Bidaoui fait son entrée sur scène, où il récupère le luth que vient de poser Farid Al Atrach. Les musiciens de l’orchestre redoutent le pire, mais leur frayeur se dissipe devant les premières notes magiques du compositeur marocain. Sa prestation lui vaut même une standing ovation de Farid Al Atrach et Hassan II himself. Sauf que l’acclamation honorifique provoque en Bidaoui une réaction inattendue. L’homme se lève de son siège et assène un violent coup de pied… à son luth, qui se brise en mille morceaux. Le tout sous le regard médusé de Hassan II. Un ange passe dans la salle… L’assistance reste hagarde, tandis que les serviteurs se mettent à scander : “Que Dieu donne longue vie à Sidi”.

    Fin de la soirée, le monarque se couche, et la vie reprend son tonus normal. Saleh Charki, musicien et fidèle compagnon de Bidaoui, raconte que ce dernier est resté silencieux sur le chemin du retour. Mais il fallait bien qu’il explique son geste, dès le lendemain, devant le souverain. Convoqué par Hassan II après sa sieste, Bidaoui se surpasse en implorations et en improvisations : “Que Dieu donne la vie à Sidi. J’ai cassé le luth car je ne voulais plus que quelqu’un touche l’instrument sur lequel a joué Farid Al Atrach et qui m’a donné toute cette inspiration”. Bonne réponse : le monarque sourit. Et passe l’éponge.

    Hayani et le bain de minuit

    Pour bien moins que cela, Hassan II pouvait se montrer peu commode. Le chanteur Mohamed Hayani l’a appris à ses dépens. Un invité rapporte que lors d’une soirée sur la plage, à la résidence royale de Casablanca, “Hayani est surpris par la main du roi sur son épaule lui demandant si tout allait bien. Hayani répond sur le ton de la rigolade : Que Dieu glorifie Sidi, tout est parfait, il ne nous manque qu’une bonne baignade”. Mal lui en a pris : quelques minutes plus tard, le chanteur est surpris par les membres de la sécurité royale qui lui remettent un maillot de bain en lui hurlant : “Le roi t’ordonne de te jeter à l’eau”.

    De retour sur la plage après son long bain de minuit, Hassan II le sermonne : “Plus jamais tu ne dis qu’il manque quoi que ce soit en ma présence. Je suis le tout, et le tout c’est moi”. On ne badine pas avec le roi…Influencé par les rituels sultaniens d’Orient, le protocole des soirées hassaniennes ne laisse aucune marge à l’improvisation ou à la fausse note.

    Les invitations ressemblent souvent à des arrestations. Mostapha Chater, membre de la troupe Izenzaren, se rappelle encore, en détails, de la première soirée du groupe au palais. C’était à quelques jours du ramadan, en 1981, à Skhirat. “Les membres du groupe étaient dispersés dans les environs d’Agadir quand un message est tombé à 3 heures du matin à la préfecture, qui ordonnait de nous rassembler. Le lendemain à 16 heures, toute la troupe s’est retrouvée à l’aéroport, où un avion spécial nous attendait pour nous emmener jusqu’à Rabat. Nous sommes descendus à l’hôtel Balima et, vers 20 h, nous étions au palais, attendant le début de la soirée”. Sauf qu’Izenzaren ignore tout du protocole musical.

    Une fois sur scène, la troupe n’attend pas l’ordre royal pour se mettre à jouer. Artistes, chambellans, ministres, généraux et autres invités se rendent compte de l’ampleur de “l’offense” faite à Sa Majesté. “Leurs visages étaient livides et un silence de mort pesait sur la salle, se rappelle Chater. On s’est alors arrêtés sec”. Mais Hassan II ne leur en voudra pas et, à la surprise de l’assistance, il saisit même un bendir et se joint aux Izenzaren, heureux de l’étrange retournement de situation.

    Les pneus de Doukkali

    Les habits des invités et des artistes n’ont jamais échappé à la rigidité du protocole de Dar Al Makhzen. Tenue de soirée exigée pour ces fêtes où Hassan II reçoit en nœud papillon et smoking. Les femmes, évidemment, sont en caftan. Et ont la formelle interdiction de se mélanger à la gent masculine. “Il y avait une certaine retenue en présence du souverain. Par exemple, personne ne pouvait applaudir si le roi ne l’ordonnait pas”, explique Mohamed Mouak. L’humoriste Gad Elmaleh, invité en 1998 pour jouer son tout premier spectacle au palais, confirme avoir eu affaire à un public particulier.

    Un public courtisan. “Au début, j’avais super peur. Il (Hassan II) était à deux mètres de moi, c’était impressionnant, raconte alors la star internationale. Quelques personnes dans la salle ne se permettaient pas de rire si Hassan II ne riait pas”.Pour le reste, la ponctualité est la moindre des politesses dans les soirées hassaniennes, même si celles-ci ne commencent jamais à l’heure. Abdelouahab Doukkali l’a compris à ses dépends. Saïd Houbal raconte comment Doukkali, un jour, “a décidé de prendre son temps avant d’arriver à une cérémonie à la résidence d’Ifrane. Malheureusement pour lui, Hassan II arrive cette fois-ci à l’heure et apprend que Doukkali n’est pas encore là”. L’artiste le paie très cher : Hassan II le programme exprès en dernier et, quand son tour arrive, il décide subitement que le spectacle était fini.

    Ce n’est pas tout : “Au parking, Doukkali trouve les quatre pneus de sa voiture crevés. Il a failli mourir de froid cette nuit-là, si ce n’était les mokhaznis qui lui sont venus en aide”. La vengeance royale est un plat qui se mange froid, dans le froid.Chez le roi, on ne fait pas non plus de manières devant le buffet. Cherif, joueur de saxophone à l’orchestre national, en a fait les frais. Invité en 1971, le musicien, souffrant d’une rage de dents, fait une grimace à la vue d’un plat de dattes que lui présente un serveur. Hassan II remarque le rictus et se dirige vers Cherif. Le roi pioche dans le plat et propose au musicien de faire de même. “Il m’a dit?: ces dattes sont trop bonnes, n’est-ce pas ? Je n’ai eu d’autre choix que de manger une datte après l’autre tandis qu’il en vantait les mérites”. La rage de dents du saxophoniste est alors à son paroxysme. Comme pour se délecter de la tournure des événements, Hassan II se tourne par la suite vers les autres musiciens, leur lançant : “Voilà ce qui arrive quand on refuse la naâma (nourriture) du palais”.

    Le roi des Ikramiyate… quand tout va bien

    Plus que le buffet, c’est le moment de distribuer les enveloppes qui est généralement le plus attendu. Point de barème précis pour les donations royales. Tout dépend, bien entendu, de l’humeur du monarque. Argent, agréments, propriétés terriennes : c’était selon. Mahmoud Idrissi est ainsi l’un des rares artistes auxquels Hassan II aime offrir ses costumes… quand il joue bien au luth. Sinon, “il lui retire tout simplement la veste qu’il venait de lui offrir”, nous raconte notre source. Une sentence bien clémente quand on rappelle le sort de ces deux musiciens qui, pour avoir multiplié les fausses notes, ont été chassés du palais… pieds nus.

    Les primes royales sont distribuées par l’intermédiaire du compositeur Ahmed Bidaoui. Ce dernier est alors l’objet de toutes les critiques, ses “amis” artistes le soupçonnant d’alléger régulièrement le contenu des enveloppes…. Dans le livre de Saïd Houbal, Omar Sayed, de Nass El Ghiwane, raconte comment Hassan II a insisté, un jour, pour savoir combien ils percevaient. “Quand il a su que nous touchions 8000 DH pour toute la troupe, il s’est mis en colère en criant : je suis entouré de voleurs !”.

    Le verdict est alors sans appel : Ahmed Bidaoui est banni des soirées hassaniennes et même licencié de sa fonction de membre de la commission d’écoute de la radio nationale. Ce n’est pas la première fois que Hassan II sévit pour détournement de donations. Aux premières années de son règne, un de ses chambellans, appelé Haj Larabi, aurait été licencié pour le même motif…Généreux, soucieux que ses dons arrivent à bon port, Hassan II déteste par-dessus tout voir « ses » artistes dans le besoin. Il n’aime pas, non plus, quand ils demandent expressément de l’argent.

    Le chanteur Hamid Zahir, lors d’une soirée en l’honneur d’un homme d’affaires américain, aurait lancé au roi : “Que Dieu glorifie Sidi, la chanson est toujours en attente de votre générosité”. Hassan II le fusille alors du regard avant de rétorquer : “Si tu n’arrêtes pas tes mesquineries, je te fais arrêter sur le champ”. Un autre jour, un artiste serait venu quémander un logement à Hassan II. Riposte royale : “L’Kelb (le chien) me prend pour un agent immobilier”…. Autre coup de sang hassanien : le jour où on lui rapporte que certains artistes marocains reprochent à l’Egyptien Abdelhalim Hafez de repartir avec des valises pleines de dollars. “Le roi a alors rassemblé ses artistes pour leur asséner : sachez que je ramène des artistes internationaux pour que vous puissiez apprendre d’eux. Ce que je donne aux uns et aux autres ne concerne personne. C’est mon argent, pas celui de l’Etat. Compris ?”.

    La suite ? Les artistes se constituent en délégation qui se rend au palais pour implorer le pardon royal. Mais les humeurs du monarque sont changeantes et il lui arrive d’apprécier les plus altruistes parmi ses artistes. Mohamed Mezgueldi, par exemple, a grandi dans l’estime royale le jour où, à la question “Demande-moi ce que tu veux !”, il a choisi de plaider la cause d’un autre chanteur : “Majesté, je ne manque de rien, c’est plutôt Maâti Benkacem qui va très mal et est menacé d’expulsion de son domicile”.

    L’histoire du luth

    Forcément, jalousies, coups bas et autres intrigues de cour ont longtemps caractérisé les rapports entre les artistes du Palais. Un membre de Nass El Ghiwane raconte à Saïd Houbal comment Ahmed Bidaoui a voulu les “cramer” en présence du souverain. “Il lui a dit que nous ne répondions pas aux invitations pour la Fête du trône. Heureusement, Hassan II n’en a pas tenu compte”. Le luthiste Haj Younès a souffert du boycott de ses pairs. “Certains artistes ne voulaient pas que je mette les pieds au palais, mais j’ai fini par avoir ma chance en 1982”, nous raconte l’intéressé. “Je suis resté seul dans le parking quand les services de sécurité m’ont appelé. Je me suis retrouvé à accompagner Abdelhadi Belkhayat et j’essayais de repérer le roi, quand je me suis aperçu qu’il était à un mètre de moi, épris par la chanson. Il m’a demandé de jouer en solo et j’ai improvisé, improvisé”.

    A la fin, le roi, visiblement satisfait, demande à l’un de ses conseillers : “Je veux que vous commandiez un oud pour (Haj) Younès”. Quelques mois plus tard, Haj Younes est à nouveau convoqué au palais et le roi lui offre, alors, son nouveau luth. à la suite de l’épisode Haj Younès, le roi, décidément épris de cet instrument à cordes, va jusqu’à ordonner qu’un luth illustre la nouvelle coupure de 10 dirhams produite dans les années 1980.

    Souvenir, souvenir. Sawt Al Hassan…

    Nombreux sont les artistes qui le soutiennent : Hassan II aurait directement inspiré plusieurs standards connus du patrimoine de la chanson marocaine. “Kheffet Rjel d’Ahmed Ismail, Khali Omar de Tagadda et bien d’autres tubes sont plus ou moins attribués à Hassan II”, souligne le chercheur Saïd Houbal. Le roi défunt chérissait par ailleurs les chansons à sa gloire ou celles vantant les mérites de son royaume. “Ichi ya bladi de Mahmoud Idrissi et Habib Ljamahir de Doukkali appartiennent à cette catégorie”, explique notre source. Plus généralement, les interférences entre art et politique ont toujours été légion. Exemple : quand des artistes émettent le souhait de prendre part à la Marche verte, en 1975, Hassan II leur explique que le mieux à faire est de produire des chansons patriotiques pour exalter l’élan populaire. Les artistes acquiescent et produisent, alors, ce qui reste le meilleur témoignage de ces folles années hassaniennes : “Sawt Al Hassan ynadi (la voix de Hassan II appelle)“, tube transgénérationnel…

    Profil. Le musicien-roi

    Hassan II est littéralement un musicien-né. Déjà enfant, il a apprivoisé l’accordéon. Quelques années plus tard, et alors qu’il était étudiant en droit à Bordeaux, il s’est inscrit en cachette au conservatoire de la ville. Au programme : solfège et piano. La fibre musicale du futur Hassan II est déjà bien palpitante… La légende raconte qu’un rapport secret des renseignements français a prévenu le sultan Mohammed Ben Youssef de l’intérêt grandissant (inquiétant ?) du prince héritier pour la musique. Le sultan décide alors de rendre une visite surprise à Moulay Hassan dans sa résidence bordelaise. Et tombe sur un phonographe et une collection inestimable de vinyles. “Il y avait plus de disques que de livres dans la résidence princière”, raconte le chercheur Saïd Houbal. Pris de colère, Mohammed V piétine la collection de disques et lance à son fils aîné : “Tu veux être roi, marhba. Tu veux suivre l’art, que Dieu te vienne en aide”. Le prince Moulay Hassan a décidé, depuis, de mettre un bémol à sa passion avant de la laisser s’exprimer pleinement, de la manière la plus exubérante, une fois roi.

    Source : Tel Quel, 28 mars 2009

    Tags : Maroc, Makhzen, Hassan II, courtisans, soirées,

  • Mohammed VI gêné par la présence de son père au Maroc

    Mohamed Mediouri a été agressé vendredi 17 mai à Marrakech. Alors que son chauffeur a été tabassé par un groupe de 7 personnes dont au moins 1 était armé, l’ancien chef de la sécurité personnel de Hassan II s’en est sorti indemne.

    Tous les commentaires sont unanimes : il s’agir d’opération qui visait à le dissuader de se rendre au Maroc, où il n’est pas apprécié par le pouvoir, le roi Mohammed VI en premier qui n’a pas apprécié d’être contrarié lorsque Mediouri a décidé d’émigrer à Paris avec Lalla Latifa, la mère du souverain marocain, où ils vivent ensemble depuis leur marié célébré en catimini et sans la présence du roi. Mohamed Mediouri et Lalla Latifa, partagent leur temps entre leurs deux appartements de la rue de Berry à Paris et du boulevard Maurice Barrès à Neuilly. On les voit parfois rue Winston à la Résidence royale.

    Le jour où Mohammed VI a appris que Mediouri fréquentait sa mère il l’a immediatement viré. Son limogeage était accompagné d’un communique laconique : «  Médiouri est déchargé de ses fonctions de directeur de la Sécurité royale ». C’était au printemps 2000.

    Pour les auteurs français du livre « Le roi prédateur », « à l’instar de Basri, il s’était intéressé de trop près aux fréquentations du prince héritier et, fait aggravant pour lui, avait convolé avec la mère de Mohammed VI, et donc l’ancienne épouse d’Hassan II, Latifa ».

    Depuis le départ de Mediouri du Palais, l’option de recruter des champions en arts martiaux avait été abandonnée par les services. Mediouri était un champion en arts martiaux et président de la Fédération royale Marocaine de Tækwondo. D’ailleurs, il est très apprécié au sein de la Fédération Royale d’Athlétisme dont les champions nationaux et internationaux avaient demandé à Hassan II son retour pour présider la fédération.

    D’après une informations largement partagée dans les réseaux sociaux et attribué au journal Le Monde, « La mère de Mohamed VI (Lalla Latifa) était bien souvent confinée au harem avec des dizaines d´autres concubines du roi. Elle ne lui jamais était permis d´avoir des rapports intimes avec ses propres enfants qui étaient confiés, surtout, à des éducateurs juifs. Par contre, elle a eu – avec le consentement secret de son mari – une longue liaison sexuelle avec le policier Mohamed Mediouri qui est, en fait, le vrai père biologique de l´actuel roi du Maroc Mohamed VI. C’est-à-dire que Hassan II était un cocu consentant ».

    Après l’incident de Marrakech, Mediouri a voulu mettre son beau-fils devant le fait accompli. Il déposé plainte auprès des services de sécurité en vue de mettre son beau-fils devant le fait accompli.

    Tags : Maroc, Mohammed VI, Mohamed Mediouri, Hassan II, Lalla Latifa,

  • Maroc : Ahmed Dlimi, « la main du roi »

    Bien qu’il soit aujourd’hui presque totalement oublié, il fut pourtant une époque où, au Maroc, on ne prononçait pas le nom du général Dlimi sans prendre auparavant d’infinies précautions, de crainte évidemment d’être entendu par des oreilles indiscrètes. Le passage de cet officier à la tête des services de sécurité du pays, entre 1972 et 1983, a effectivement coïncidé avec la phase la plus répressive de ce que l’on a appelé les « années de plomb ». Mais c’est aussi pour cette raison que l’étude de sa vie et de sa carrière revêt un si grand intérêt pour quiconque s’intéresse à cette période cruciale de l’histoire du Maroc contemporain.

    1. Les origines

    Ahmad ibn al-Hassan ad-Dalimi (Ahmed Dlimi) est né le 16 juillet 1931 à Sidi Kacem, près de Meknès, au Maroc. Il est issu de la tribu nomade des Oulad Dalim, fraction de la tribu des Banu Hassan, elle-même issue des Banu Maktil. La tribu des Oulad Dalim, lointainement originaire du Yémen, s’est installée au Sahara au 12ème siècle. Les Oulad Dalim ont souvent servi comme soldats dans l’armée des sultans marocains dans le cadre du système de recrutement tribal appelé Guich. En échange, les souverains leur ont octroyé des terres, ce qui leur a permis de se sédentariser dans le nord du pays. Et c’est ainsi qu’un certain nombre d’entre eux se sont implantés dans la plaine du Gharb et notamment à Sidi Kacem.

    Bien qu’issu d’un milieu modeste, le jeune Ahmed va pouvoir profiter des bonnes relations que son père, Lahcène Dlimi, entretient avec l’armée française, où il s’est fait engagé comme traducteur. Ces liens vont notamment permettre à l’adolescent d’intégrer le prestigieux lycée Moulay Youssef de Rabat, véritable pépinière de l’élite marocaine. En 1951, le jeune homme décide de suivre la voie paternelle et de se lancer à son tour dans la carrière des armes. En 1953, au terme de deux années de formation à l’Académie militaire Dar el-Beïda de Meknès, il sort major de sa promotion. Aux camarades qui le côtoient, il renvoie l’image d’un garçon solitaire, très travailleur et surtout extrêmement ambitieux. A l’issue de ce séjour à Meknès, il est sélectionné avec quelques autres élèves pour aller terminer ses classes à l’école d’application de Saint-Maixent en France. Encore une fois, il en sort avec les honneurs et termine à la première place. De taille élevée, d’une grande prestance, il s’exprime dans un français excellent et ses supérieurs lui prédisent tous une belle carrière. Il est vrai que cette époque troublée est pleine d’opportunités pour ceux qui savent les saisir.

    C’est vers la fin des années 1930, c’est-à-dire après la fin des dernières résistances tribales et confrériques, que le mouvement nationaliste marocain a commencé à s’organiser politiquement. D’abord circonscrit à quelques milieux urbains et élitistes, il va acquérir une nouvelle ampleur dans la foulée du fameux discours prononcé par le sultan Mohammed V à Tanger le 10 avril 1947, discours l’occasion duquel le souverain va officiellement prendre fait et cause pour l’indépendance de son pays. Au cours des sept années qui vont suivre, les Français, qui avaient installé leur protectorat sur le Maroc en 1912, vont devoir lutter pied à pied pour tenter de conserver leur autorité malgré les grèves et les manifestations qui vont se succéder à un rythme de plus en plus soutenu. Mais la répression coloniale ne fait qu’attiser la situation et, à partir de décembre 1952, des groupes de résistance armés commencent à faire leur apparition, faisant peu à peu basculer le Maroc dans véritable un climat de guerre civile. Le 20 août 1953, le sultan est finalement déposé puis exilé à Madagascar par le pouvoir colonial.

    La cinglante défaite militaire subie par les armées françaises à Dien Bien Phu en mai 1954, puis le déclenchement d’une insurrection généralisée en Algérie le 1er novembre 1954, vont finalement hâter la sortie de crise. Des négociations s’engagent bientôt à Aix-les-Bains entre les représentants de Paris et ceux du camp nationaliste. Le 16 novembre 1955, le sultan est finalement autorisé à rentrer au Maroc et, le 2 mars 1956, après quarante quatre années de protectorat français, le sultanat retrouve finalement sa pleine et entière souveraineté.

    Aux termes d’accords négociés de façon très âpre, les bases militaires françaises installées au Maroc finiront par être toutes fermées en 1960 tandis que les bases américaines seront démantelées à leur tour en 1963. Le Maroc tiendra pourtant à conserver de bonnes relations avec l’Occident, ce qui l’isolera d’ailleurs quelque peu de ses voisins à un moment où la quasi-totalité du monde arabe basculait dans le camp pro-soviétique.

    2. L’ascension d’un ambitieux

    Dirigées par le jeune prince Hassan (le futur Hassan II, 1929-1999), les Forces Armées Royales (FAR) vont officiellement prendre le relais de l’armée coloniale le 13 mai 1956. A charge pour elles désormais d’assurer l’ordre et la sécurité à l’intérieur comme à l’extérieur des frontières. Cette jeune institution manquant alors cruellement de cadres, les carrières y sont extrêmement rapides. Le 28 février 1957, Ahmed Dlimi est ainsi officiellement versé dans les FAR avec le grade de lieutenant.

    Le jeune Etat marocain ne va pas tarder à devoir tester l’efficacité de ses nouvelles forces armées. Dès le mois de janvier 1957, une insurrection éclate en effet dans la région désertique du Tafilalet. Le gouverneur local, Addi Ou Bihi, refuse d’obéir aux ordres venus d’un gouvernement dont il conteste la politique centralisatrice et autoritaire. Sous les ordres du général Kettani, les soldats des FAR vont rapidement parvenir à mâter le rebelle, qui sera destitué et interné à Kénitra.

    A peine quelques mois plus tard, en octobre 1957, le Maroc se retrouve cette fois-ci engagé dans une courte guerre contre l’Espagne, à laquelle il dispute l’arrière-pays de Tarfaya et surtout l’enclave de Sidi Ifni, située à l’extrême sud du pays. Les forces marocaines, placées sous le commandement du caïd Ben Hammou, seront principalement constituée de contingents tribaux mais des soldats des FAR seront également présents. Mise en difficulté par les offensives chérifiennes, l’Espagne décide de faire appel à la France, qui accepte de venir à sa rescousse. C’est ainsi qu’est déclenchée l’opération Ecouvillon-Ouragan, qui parviendra effectivement à repousser les Marocains. La paix sera finalement signée le 2 avril 1958 grâce à un compromis : l’Espagne accepte de se retirer de Tarfaya mais obtient de pouvoir conserver Sidi Ifni (jusqu’en 1969).

    C’est à l’occasion de cet affrontement que Dlimi va faire la connaissance de Mohammed Oufkir (1920-1972), un personnage qui va beaucoup compter dans la suite de sa carrière. Issu d’une famille de notables du Tafilalet, Oufkir avait rejoint l’armée française en 1939. Vétéran des campagnes d’Italie (1944) et d’Indochine (1947-1949), il a travaillé pour le compte de la résidence générale à partir de 1950, avant de se voir nommé en tant qu’aide de camp du sultan Mohammed V en 1955. S’étant lié avec le prince héritier, il va rapidement devenir l’un de ses principaux conseillers. Oufkir, qui sait parfaitement juger de la valeur des hommes, a tout de suite su apprécié les qualités du jeune Dlimi.

    En octobre 1958, une nouvelle crise éclate, cette fois-ci dans le Rif central, où des rebelles se sont réunis sous la conduite du cheikh Abdessalam Haddou Améziane. Dépêché sur place, Moulay Hassan va diriger personnellement la répression avec l’aide d’Oufkir. Les combats sont durs mais les derniers insurgés doivent finalement se rendre en janvier 1959. Une dernière insurrection tribale, cette fois-ci dans le Moyen Atlas, va subir le même sort en février 1960.

    Mais ce qui sera de loin le plus grave conflit de l’époque éclate en octobre 1963, lorsque le Maroc et l’Algérie s’opposent par les armes. Le royaume chérifien assure en effet détenir des droits historiques sur une partie du territoire de l’ancienne colonie française d’Algérie, en particulier sur les régions de Tindouf et de Colomb-Béchar, droits qu’il reconnaît certes avoir mis en sommeil pendant la période coloniale, mais qu’il entend bien faire valoir à présent que l’Algérie est devenue un pays souverain.

    A plusieurs reprises, au cours de l’été 1962, des colonnes marocaines vont donc mener des raids de reconnaissance dans la région ce qui va provoquer à chaque fois des accrochages avec l’Armée Nationale Populaire. Le 2 octobre 1963, le président algérien Bella décide d’envoyer des troupes pour réoccuper les villages de Tinjoub, Ich et Hassi Beida, où des troupes marocaines se sont installées quelques jours plus tôt. Le 14 octobre, sous le commandement du général Driss Bel Omar el-Alami, l’armée marocaine entre massivement en Algérie, provoquant le début de ce que l’on appellera la « guerre des sables » (harb ar-rimal). Mise en difficulté, l’armée algérienne obtient alors l’appui de contingents cubains et égyptiens. Lees combats cessent finalement dès le 5 novembre 1963, grâce à la médiation conjointe du Mali et de l’Éthiopie. La paix, signée le 20 février 1964, imposera le retour au statu quo ante et la création d’une zone démilitarisée (le règlement définitif du conflit et la fixation du tracé frontalier n’interviendront qu’en mai 1989).

    3. L’homme du roi

    Ahmed Dlimi, issu d’un milieu modeste, sait pertinemment qu’il devra disposer de solides relais s’il veut pouvoir intégrer un jour les cercles dirigeants de l’armée et de l’Etat. L’appui d’Oufkir n’est pas suffisant. Car dans cette société encore très traditionnelle qu’est le Maroc post-colonial, les relations familiales jouent toujours un rôle déterminant. Chacun sait en effet que quelques grandes lignées (Kettani, Alaoui, Tazi, Bendjelloun, Benslimane, etc.), soutiens de longue date de la monarchie, contrôlent la quasi totalité des postes clés de l’administration et de l’économie.

    Dès lors, le jeune officier va donc faire tout ce qui lui est possible afin de pouvoir épouser la fille de Messaoud Chiguer, l’ancien ministre de l’Intérieur. Il y parviendra effectivement mais ce mariage ne durera finalement que quelques mois. Prenant prétexte que sa femme n’avait pas mené une vie convenable avant ses noces, le lieutenant Dlimi ne tardera pas en effet à la répudier. Dans la foulée, il en profitera pour se remarier avec Zahra Bousselham, fille du chef des services secrets et belle-sœur d’Abdessalam Sefriou, le futur commandant de la Garde royale. Mais le père de l’épouse bafouée compte bien ne pas en rester là. Il va donc se plaindre auprès du roi Mohammed V qui, furieux, décide de renvoyer Dlimi en garnison à Fès.

    Tandis que se déroulent ces conflits familiaux, les services de sécurité marocains connaissent eux-aussi une profonde réorganisation. Le 1er juillet 1960, le roi Mohammed V fait licencier les 300 derniers fonctionnaires français de la Sûreté Nationale et, quelques jours plus tard, il nomme le lieutenant-colonel Mohammed Oufkir à la tête de la Direction Générale de la Sûreté Nationale (DGSN), en remplacement de Mohammed Laghzaoui, qui était en poste depuis 1958.

    Dans l’ombre de son père cependant, le prince Hassan a déjà commencé à constituer son propre appareil sécuritaire, qu’il a fait rattacher directement à son cabinet personnel, d’où son nom de « Cab ». Un Cab-1 a ainsi été mis en place dès le mois de janvier 1958 en tant que service de renseignement afin de surveiller les menées subversives de la gauche. Le Cab-7 sera constitué quant à lui en juillet 1958 avec pour mission de conduire directement les enquêtes et les interrogatoires.

    Monté sur le trône après la mort précoce de son père, survenue le 3 mars 1961, le nouveau souverain décide rapidement d’imposer ses propres hommes à la tête des services de sécurité. En janvier 1962, il met donc un terme à la disgrâce de Dlimi et, après lui avoir fait effectuer un court stage de formation au bureau des renseignements militaires, il nomme celui-ci à la tête du Cab-1.

    Le nouveau roi se présente à ses interlocuteurs comme l’avocat de la modernisation et de la démocratisation de son pays. On le dit effectivement plein de charme, très intelligent et bon orateur, mais ceux qui le connaissent bien savent qu’il possède aussi un personnalité retorse et qu’il est très sourcilleux quant au respect de son pouvoir personnel. Il va le démontrer quelques mois plus tard, en faisant à la fois approuver par référendum la première constitution du royaume (décembre 1962), puis en manipulant habilement les élections législatives de mai 1963 pour obtenir une assemblée législative entièrement à sa dévotion. Son objectif est alors double, il cherche d’abord se débarrasser de l’Istiklal, le vieux parti nationaliste, qui voudrait pouvoir maintenir la monarchie sous sa tutelle, mais il veut aussi et surtout affaiblir l’Union Nationale des Forces Populaires du Maroc (UNFP). Née en 1959 d’une scission de l’Istiklal, l’UNFP a adopté dès sa création une ligne résolument progressiste et de tendance nettement socialiste. Portée par le charisme de son fondateur et principal dirigeant, Mehdi Ben Barka, elle réclame l’instauration d’une monarchie constitutionnelle, la mise en œuvre d’une grande réforme agraire et souhaite que le Maroc puisse rapidement rejoindre le « camp anti-impérialiste ». Autrement dit, elle représente un danger mortel pour le Trône. En quelques semaines, le ministre de l’Intérieur Ahmed Guedira (1922-1995) crée donc un nouveau parti, le FDIC, afin de rassembler tous les partisans de la politique royale. A force de trucages plus ou moins grossiers, le FIDC va effectivement remporter le scrutin du 17 mai 1963. Mais comme il n’a pas obtenu pour autant la majorité, le pouvoir se montre très insatisfait. Alors en juin 1963, prétextant avoir déjoué une tentative de coup d’État, le roi Hassan II entreprend finalement de liquider toute forme d’opposition à son autorité.

    A l’occasion de ce coup d’Etat royal de juin 1963, la police va procéder à l’arrestation de près de 5 000 opposants, dont celle de 21 députés de l’UNFP. Dix mois plus tard, 11 de ces responsables seront condamnés à mort complot et haute trahison. Dlimi participe de très près à cette épuration. Le 13 juin 1963, à la tête d’une centaine de gendarmes, il mène personnellement la capture de l’un des principaux chefs de l’opposition au roi, Moumen Diouri. Le militant sera immédiatement transféré à Dar el-Mokri, tristement surnommé le « Palais de la torture », dont il ne sortira que huit ans plus tard. Le 7 août 1964, Ahmed Agouliz, l’un des condamnés à mort par contumace du procès de mars précédent, est cerné dans un immeuble de Casablanca et préfère se suicider plutôt que de tomber aux mains des policiers.

    Mais, contrairement aux prévisions du pouvoir, cette répression ne va pas mettre fin aux tensions. Au contraire, elle ne va faire que les amplifier, notamment dans les milieux estudiantins et syndicaux. Nommé au grade de général en septembre 1963 avant d’être porté à la tête du ministère de l’Intérieur le 20 août 1964, Oufkir est fermement décidé à vaincre cette contestation. En mars 1965, lorsque de graves émeutes étudiantes se produisent à Casablanca sur fond de crise économique et de blocage politique, il envoie les chars et les hélicoptères pour mener la répression. Il y aura des centaines de morts, peut-être près d’un millier. La proclamation de l’état d’urgence le 7 juin 1965, transforme de fait le Maroc en un véritable Etat policier.

    L’objectif ultime des forces de sécurité marocaines demeure cependant l’élimination de Mehdi Ben Barka. Ancien professeur de mathématiques des princes de la famille royale, vétéran du combat pour l’indépendance, ex-président de l’Assemblée consultative et chef de l’UNFP, Ben Barka a du quitter le Maroc le 23 juin 1963, quelques mois après été victime d’un accident de la route qu’il soupçonnait avoir été réalité une tentative d’assassinat habilement maquillée (15 novembre 1962). Désormais en exil, il a noué des contact avec tout ce que le Tiers-Monde compte alors de leaders progressistes et révolutionnaires : Fidel Castro, Che Guevara, Ahmed Ben Bella, Amilcar Cabral, Malcolm X, etc. En octobre 1963, au début de la « guerre des sables », il n’a pas hésité à prendre fait et cause pour l’Algérie, ce qui lui a valu une condamnation à mort pour haute trahison.

    Depuis longtemps, Hassan II considère Ben Barka comme le point de cristallisation de la contestation. A l’occasion d’une réunion organisée le 25 mars 1965, il charge donc Dlimi et Oufkir de monter une opération audacieuse sous le nom de code Bouya Bashir (« le père de Bashir »). Il s’agira pour les deux hommes de parvenir à rencontrer Ben Barka afin de le convaincre de revenir au Maroc, où il devra faire acte d’allégeance à la monarchie en échange d’une amnistie et d’un portefeuille ministériel. Si jamais il refuse toutefois, Oufkir et Dlimi ont reçu pour consigne de l’éliminer.

    Le 25 avril 1965 le cousin du roi et son ambassadeur en France, le prince Moulay ‘Ali, parvient à nouer un premier contact avec Ben Barka, qu’il ira même rencontrer personnellement à Francfort en Allemagne. L’opposant accepte d’envisager son retour, à condition toutefois que son amnistie et celles des autres militants soit inscrite dans la loi. Quelques mois plus tard, tandis que l’opposant est de passage à Paris, il est mis en confiance par deux français, Georges Figon et Philippe Bernier, qui affirment vouloir l’impliquer dans un projet de film anticolonialiste intitulé « Basta ! ». Séduit par cette idée, Ben Barka accepte d’honorer le rendez-vous que lui ont fixé ses interlocuteurs. Mais alors qu’il vient à leur rencontre sur le trottoir du boulevard Saint-Germain dans l’après-midi du vendredi 29 octobre 1965, il est soudainement embarqué par deux policiers français de la Brigade mondaine qui le font monter à bord de leur véhicule après lui avoir présenté leurs cartes officielles. Transféré dans une villa isolée de Fontenay-le-Vicomte, il y reçoit la visite d’Oufkir, d’Ahmed Dlimi et de Larbi Chtouki, venus tout spécialement du Maroc pour terminer le travail initié par leurs complices. Le militant ayant probablement refusé les propositions qui lui étaient faites, il sera finalement abattu et son corps sans doute détruit à l’acide. L’opération s’achèvera donc sur une forme de succès pour le duo Oufkir-Dlimi, qui aura su débarrasser la couronne marocaine de son plus sérieux contradicteur.

    Mais c’était sans compter sur l’insistance des nombreux amis français de Mehdi Ben Barka, qui vont rapidement alerter des journalistes de l’Express. En pleine campagne présidentielle, l’opposition de gauche saute sur l’occasion pour tenter d’affaiblir le général de Gaulle, accusé d’être à la tête d’un régime de barbouzes sans foi ni loi. Le 10 janvier 1966, Georges Figon fait des confidences à l’hedomadaire et, dans un célèbre article intitulé « J’ai vu tuer Ben Barka », il met directement en cause Oufkir et Dlimi. Le 17 janvier 1966, l’infortuné Figon est retrouvé mort dans son appartement, ce qui va donner à l’affaire des proportions énormes. La justice ordonne immédiatement l’ouverture d’une enquête, et dès le 19 janvier, le patron du SDECE, les services secrets français, est mis à la retraite car on le soupçonne d’avoir été au courant de l’opération marocaine sans avoir cru bon d’en avertir les autorités gouvernementales. Le lendemain, des mandats d’amener sont officiellement lancés contre Oufkir et Dlimi. Le 22 février 1966, De Gaulle est finalement contraint de s’exprimer publiquement sur l’affaire Ben Barka qui va empoisonner les relations franco-marocaines durant plusieurs années. Le procès de Dlimi s’ouvre par contumace le 5 septembre 1966 devant la Cour d’Assise de la Seine, mais, en octobre 1966 l’officier marocain gagne la France et, dans un véritable coup d’éclat, se constitue prisonnier afin de « laver son honneur et celui de son pays ». Acquitté faute de preuve le 5 juin 1967, il retourne alors au Maroc où il est accueilli en héros et rapidement promu au grade de colonel.

    Devenu le nouveau directeur de cabinet d’Hassan II, Dlimi se retrouve plus que jamais placé au cœur du pouvoir marocain. Aussi discret qu’efficace, il est très apprécié de Sa Majesté. Comme souvent en pareil cas, sa famille profite également de son ascension. Son père, Hadj Lahcène, devient ainsi le président du club de football local tandis que son frère Mohammed parvient à occuper le poste de secrétaire général de la province de Kénitra. A vrai dire, c’est toute la ville de Sidi Kacem qui va profiter de l’ascension de l’enfant chéri du pays car les investissements et les projets vont s’y multiplier.

    En 1970, Dlimi devient directeur de la Sureté Nationale. Moins d’un an plus tard, le 10 juillet 1971, va produire la fameuse tentative de putsch de Skhirat. Alors que le souverain a réuni près d’un millier d’invités dans son palais de Skhirat, au sud de Rabat, pour fêter à leurs côtés son 42e anniversaire, une cohorte de mutins fait soudainement irruption parmi les convives. Ils sont dirigés par le général Mohammed Medbouh et par son complice, le capitaine M’Hamed Ababou, directeur de l’école des sous-officiers. Une fusillade éclate. Intense, elle va provoquer un massacre atroce qui fera plus de 100 morts (dont l’ancien Premier-ministre, Ahmed Bahnini) et 150 blessés. Présent aux côtés du roi, Oufkir et Dlimi font preuve d’un extraordinaire sang-froid. Ils organisent la mise à l’abri du chef de l’Etat et appellent des renforts. Finalement, la tentative échoue et la répression sera féroce. Une dizaine de félons ont déja été abattus pendant les évènements. La traque de leurs complices va se poursuivre durant plusieurs mois. Lors du procès, ils seront près d’un millier d’accusés à comparaître devant les juges. Une dizaine d’entre eux (dont 4 généraux) seront passés par les armes.

    Le roi peut se montrer satisfait de Dlimi et ce dernier ne tarde d’ailleurs pas à prendre du galon. Il est ainsi confirmé à la tête de la Sureté Nationale mais se voit débarrassé au passage de la tutelle pesante d’Oufkir, qui se trouve pour sa part promu à la tête du ministère de la Défense. Le bras de fer entre les deux hommes, jusque-là plutôt feutré, va devenir de plus en plus acerbe.

    4. Au sommet du pouvoir

    Le 16 août 1972, le Boeing 727 qui ramène le souverain marocain d’Europe est pris en chasse au-dessus de Tétouan par plusieurs avions F-5 venus de la base de Kénitra. Ils visent l’appareil et le mitraillent avec des balles perforantes. Treize passagers trouvent la mort et près de cinquante autres sont blessés. Trois des quatre réacteurs sont mis hors d’usage. Dans l’avion, c’est la panique. Le roi ordonne alors au pilote de diffuser un communiqué annonçant à la tour de contrôle qu’il est gravement blessé. Les avions s’éloignent aussitôt. Le Boeing 727, piloté avec maestria, réussit finalement à se poser. Les F-5 passent alors à basse altitude et reviennent ensuite pour mitrailler le palais dont le souverain vient juste d’être évacué.

    Dlimi (qui était lui-aussi dans l’appareil), prend alors les choses en mains. Son enquête est rapide et pointe la responsabilité du général Oufkir, qui se trouvait dans la tour de contrôle d’où il commandait sans aucun doute l’action des putschistes. Dans la soirée, après avoir été convoqué au Palais de Skhirat, Mohammed Oufkir est abattu de plusieurs balles dans les jardins royaux1. Le lieutenant-colonel Amekrane, qui dirigeait les putschistes, sera quant à lui fusillé le 13 janvier 1973. Afin que tous ses complices puissent recevoir un sort à la hauteur de leur trahison « sacrilège », Dlimi fait construire la prison secrète de Tazmamart, dont il va confier la direction à l’un des ses protégés, le lieutenant El-Caïd. Cette institution abritera en tout cinquante huit détenus, dont la moitié mourra de mauvais traitements. La femme d’Oufkir, Malika, et ses six enfants, seront arrêtés en décembre 1972 et resteront internés dans le sud du pays jusqu’en mars 1991.

    Ayant hérité des dossiers d’Oufkir, Dlimi crée en 1973 la Direction Générale de l’Etude et de la Documentation (DGED) afin de pouvoir centraliser entre ses mains l’ensemble de l’appareil sécuritaire sous la tutelle directe du roi. La répression, qui se fait de plus en plus dure, visera en particulier les militants de l’UNFP2, dirigée depuis la mort de Ben Barka par l’ancien président du Conseil, Abdallah Ibrahim, et par un ex-diplomate, Abderahim Bouabid. Tous les moyens seront bons pour détruire ce groupe, même les plus contestables : espionnage, harcèlement, intimidation, torture, procès truqués, etc. En janvier 1973, l’un des principaux leaders de l’USFP, l’avocat Mohammed El-Yazghi, sera même blessé dans l’explosion d’un colis piégé.

    Le pouvoir s’attaque aussi à l’extrême-gauche, très puissante dans les universités, et notamment aux membres du groupe Ilal Amam (« En avant ! ») d’Abraham Sarfaty et Abdelatif Laabi. Arrêté une première fois en 1972, puis à nouveau en 1974, Sarfaty restera finalement détenu dans les prisons marocaines jusqu’en septembre 1991. Les militants du Parti Communiste Marocain (PCM), à commencer par ses chefs, Ali Yata et Simon Lévy, vont subir un sort comparable.

    Dlimi affronte également les islamistes, dont la montée en puissance devient manifeste dès le début des années 1970. Deux groupes émergent alors. D’une part l’Association de la Jeunesse islamique (Djami’a as-shabiba al-islamiyya), fondée en 1972 par Abdelkrim Moutii, qui prône l’application de la shari’ah, y compris par la violence. L’autre groupe est celui présidé par le guide confrérique Abdessalam Yassine. Ce dernier met surtout l’accent sur l’importance de la justice sociale et évoque peu la politique stricto sensu mais, contrairement aux autres maîtres soufis, il n’hésite pas émettre des conditions avant d’accepter de reconnaître au roi son statut de « commandeur des croyants ». La répression ne se fait pas attendre. Tandis que Moutii doit s’exiler en Belgique, Yassin sera quant à lui interné dans un hôpital psychiatrique sur l’injonction du pouvoir de 1973 à 1979.

    Au besoin, Dlimi n’hésitera pas à utiliser les islamistes pour mieux lutter contre la gauche. Ainsi, l’assassinat le 18 décembre 1975 à Casablanca de l’un des principaux leaders de l’USFP, Omar Benjelloun, par un membre de l’Association de la Jeunesse islamique, sera-t-il vu par beaucoup d’observateurs comme le résultat d’une habile manipulation de la DGED.

    Dlimi fait aussi de son mieux pour diviser cette opposition et y il parviendra en grande partie en 1982, lorsque l’un des anciens partisans de Moutii, Abdelilah Benkirane, acceptera de se rallier au trône et de renoncer publiquement à l’extrémisme et à la violence. Il emmènera avec lui plusieurs dissidents et fondera avec eux la Communauté islamique (Al-Djama’a al-islamiyya). Pour essayer de réguler le problème plus en amont, le pouvoir met aussi en place en janvier 1980 un Haut Conseil des Oulémas, qui sera chargé de définir l’orthodoxie et l’orthopraxie officielles, tout en veillant à la stricte conformité des prônes avec l’idéologie monarchique.

    De facto, de 1972 à 1983, Dlimi va donc agir comme le véritable n°2 du régime marocain. Conseiller spécial du roi pour toutes les questions de sécurité, il est aussi son principal confident en matière politique. Ministre de l’Intérieur depuis la mort d’Oufkir, il dirige la gendarmerie royale par l’intermédiaire de son adjoint, le général Hosni Benslimane. Directeur des aides de camp du roi et proche du prince Abd Allah, il est devenu un intime de la famille royale. Supérieur hiérarchique de Mohammed Mediouri, chef depuis 1971 du « Département de la Protection royale » (DPR), Dlimi a ainsi un œil sur tout ce qui se déroule au Palais. Interlocuteur privilégié des services de contre-espionnage étrangers, il surveille de près les activités des Marocains de l’étranger grâce aux nombreux réseaux d’agents qu’il entretient au sein des services consulaires.

    Dans le peuple, si l’on prononce certes son nom avec crainte, on répand aussi de nombreuses rumeurs à son sujet. On le dit bon vivant, amateur de bonne chère et de belles femmes. On raconte que, dans ses villas, il anime des soirées arrosées où se succèdent danseuses et chanteuses et où la cocaïne n’est jamais absente. On l’accuse aussi de s’enrichir considérablement. Il est certes difficile de faire ici la part entre la vérité et la calomnie, mais ce qui est certain c’est qu’une grande partie de l’élite marocaine vit alors dans un luxe très ostentatoire et qu’elle jouit de mœurs qui sont bien loin des normes en vigueur dans le reste de la société.

    Le 1er septembre 1976, à l’initiative de son partenaire et ami, Alexandre de Marenche, le directeur du SDECE, service de renseignement extérieur français, le général Dlimi participe à la création du « Safari Club ». En raison du traumatisme provoqué par la fin de la guerre au Vietnam et le scandale du Watergate, la CIA s’est en effet retrouvée mise sous tutelle par le Congrès. Depuis lors, la diplomatie américaine semble en crise et incapable de contrer efficacement l’expansionnisme soviétique. En 1974 et 1975, le Mozambique, l’Angola et l’Ethiopie vont basculer coup sur coup dans le camp de Moscou. Les services secrets français, saoudiens, égyptiens, iraniens et marocains décident donc de s’unir et de créer une commission spéciale. Installée au Caire, elle sera chargée de centraliser leur travail afin de s’opposer à l’avancée russe. C’est dans la même optique que sera fondé en 1981 le « Midi Club », une structure d’échange d’informations organisée cette fois ci par les services de renseignement marocains, français, espagnols, italiens, tunisiens et palestiniens, afin de lutter contre les organisations terroristes liées à Moscou, en particulier le FPLP-COSE de « Carlos » et le « Fatah-CR » d’Abu Nidal.

    Les services marocains entretiennent par ailleurs des contacts suivis avec leurs homologues israéliens. Cette relation, tout à fait exceptionnelle pour un pays musulman, remonte en réalité au début du règne de Hassan II qui, contrairement à son père, avait décidé d’autoriser l’émigration des juifs marocains vers Israël (émigration qui sera d’ailleurs directement prise en charge par le Mossad à la faveur de l’opération Yakhin menée de 1961 à 1964). Après la mort d’Oufkir, Ahmed Dlimi va reprendre à son tour le dossier très sensible des relations israélo-marocaines, si sensible d’ailleurs que tous les contacts entre les deux pays resteront clandestins. Cela n’empêchera pourtant pas Dlimi de rencontrer à de nombreuses reprises le ministre de la Défense israélien, le célèbre Moshe Dayan, héros de la Guerre des Six Jours.

    Mais les services marocains de Dlimi ne se contentent pas d’échanger des informations avec leurs homologues Occidentaux. A plusieurs reprises, ils vont aussi mobiliser leurs propres troupes pour mettre en échec la « subversion communiste » qui menace l’Afrique subsaharienne3. En janvier 1977, Ahmed Dlimi joue ainsi un rôle clé dans la tentative de renversement orchestrée contre le régime marxiste de Matthieu Kérékou au Bénin. Les participants de cette opération, baptisée « Crevette », seront ainsi entraînés sur la base de Benguerir près de Marrakech sous la direction de l’agent français Bob Denard. A peine débarqués au Bénin, les mercenaires devront toutefois se replier devant la réaction des forces de sécurité locales.

    Si cette tentative s’est donc soldée par un échec retentissant, d’autres opérations, toujours pilotées par les services de Dlimi, fonctionneront mieux, comme celle qui permettra de renverser en août 1979 le président pro-communiste de Guinée-Équatoriale, Macias Nguema. A la fin des années 1970, des conseillers militaires marocains sont également envoyés un peu partout dans le continent noir pour servir aux côtés des Français et des Américains, qu’il s’agisse d’appuyer l’UNITA de Jonas Savimbi, le Tchad d’Hissène Habré ou le Zaïre de Mobutu. En 1977 puis en 1978, lorsque les troupes françaises vont investir la ville minière de Kolwezi pour la reprendre à des rebelles communistes, elles seront accompagnés sur leurs talons par des soldats marocains.

    En contact permanent avec les milieux diplomatiques et militaires occidentaux, Dlimi négocie personnellement les grands contrats d’armement passés par l’armée chérifienne. Diplomate habile, il participe en compagnie du roi aux grands sommets internationaux de la Ligue Arabe comme à ceux des Nations Unies. En avril 1974, il accompagne très officiellement le jeune prince Mohammed (futur Mohammed VI) lors des funérailles du président français Georges Pompidou. Au début du septennat de François Mitterrand, Dlimi sera régulièrement reçu par son conseiller occulte, François de Grossouvre, avec lequel il ira souvent chasser dans les marais de Sologne.

    Il nous parait utile de citer ici l’épisode narré dans ses mémoires par Pierre Marion, alors directeur général du SDECE, car il met en scène le personnage de Dlimi dans une situation cocasse et à vrai dire assez symbolique de son statut, alors proche et en même temps subalterne :

    « Au Maghreb, nous sommes en contact étroit avec les Marocains et les Tunisiens. Chez les premiers, mes interlocuteurs sont le roi lui-même et le général Dlimi, chef des services secrets, qui j’ai rencontrés dès septembre 1981. Mes rapports avec Hassan II sont faciles et sympathiques ; je le vois pratiquement un mois sur deux. Nous échangeons des renseignements et des analyses sur la situation en Afrique du Nord, notamment en Algérie. En Afrique noire, il est proche de plusieurs chefs d’Etat et, au Proche-Orient, il suit les évènements de près […]. Une fois, en septembre 1981, il me fait demander de venir le voir en urgence. Je le rencontre dans son palais en altitude situé à Ifrane […]. Une fois la discussion terminée, il propose de me ramener lui-même à Fez. Sortant du palais, il s’installe au volant d’une Aston Martin dernier modèle et nous faisons le trajet de cent cinquante kilomètres à toute allure, accompagnés par deux hélicoptères de sécurité volant à base altitude de chaque côté de la route. Dlimi est assis à l’arrière sur un strapontin, les genoux dans la bouche […]. Nous conversation se termine dans les beaux jardins du palais de Fez […]. Je suis surpris par ce curieux régime de pouvoir personnel, mariant modernisme et archaïsme, comme l’illustrent notre course folle au volant d’une voiture occidentale et ces jardins où s’agenouillent à chaque coin d’arbre des courtisans. Moi-même suis honoré d’accolades très travaillées » (Marion, Pierre : Mémoires de l’ombre, Flammarion, 1999, p. 198-199).

    5. La bataille du Sahara

    A partir de 1974, Ahmed Dlimi va également prendre en main le dossier jugé ultra prioritaire du Sahara espagnol. Depuis qu’il a obtenu son indépendance, le royaume du Maroc revendique en effet la souveraineté sur ce territoire dont il se considère comme le légitime propriétaire en vertu de droits historiques qui remontent à l’époque médiévale.

    En novembre 1975, afin de manifester sa volonté d’annexer cette région riche en minerais, le roi Hassan II organise une grande démonstration, la « Marche Verte », qui va réunir près de 500 000 civils « volontaires » (bien encadrés il est vrai par près de 20 000 soldats). Le 14 novembre 1975, le gouvernement espagnol co-signe finalement les accords de Madrid, qui vont partager leur ancienne possession en deux, un tiers de la zone revenant à la Mauritanie et les deux autres au Maroc. Immédiatement, et tandis que les derniers soldats espagnols quittent le pays avec armes et bagages, l’armée marocaine se met en ordre de marche et franchit la frontière, occupant Laayoune le 11 décembre puis Lagouira neuf jours plus tard. Alors que la monarchie était au plus bas, la bataille du Sahara, promue au rang de grande cause nationale, lui permet de redorer son blason auprès d’une opinion chauffée à blanc.

    Mais cette occupation ne va pas sans rencontrer des résistances. Fondé en 1973 et fortement soutenu par l’Algérie, le Front Polisario, l’organisation armée de la résistance sahraouie, s’oppose en effet fortement à la politique marocaine. Au motif que les populations locales n’ont pas été consultées après les accords de Madrid, il réclame la création d’une République sahraouie indépendante. A partir de janvier 1976, cette organisation se lance dans une véritable guerre de guérilla contre les armées marocaines et mauritaniennes. Bien armés et connaissant très bien le terrain, ses militants vont se révéler de redoutables adversaires. En janvier 1979, à la surprise générale, ils parviendront même à occuper brièvement la ville de Tan-Tan. Quelques mois plus tard, leurs attaques vont contraindre la Mauritanie à se retirer de la partie du Sahara espagnol qu’elle occupait jusque-là, mais le Maroc va immédiatement intervenir pour récupérer le contrôle de la zone ainsi évacuée.

    C’est dans ces conditions difficiles que Dlimi est nommé commandant de la zone militaire Sud avec le grade de général. Après quelques années d’une lutte indécise, il finit par comprendre que la défense statique n’a aucune chance d’aboutir à des résultats durables face à une guérilla toujours très mobile comme celle qu’entretient le Polisario. Il organise alors la création de trois colonnes mobiles composées de 7 000 hommes chacune. Baptisées Uhud (1979), Zellaga (1980) et Al-Arak (1981), ces trois unités vont sillonner le Sahara à la recherche des éléments ennemis tout en utilisant en appui des Mirage 3 français et des F-15 américains. L’autre arme de Dlimi sera le fameux « mur des sables », une gigantesque ligne de fortifications destinée à isoler le « Sahara utile » des attaques de la rébellion. Débutée en août 1980, l’édification de ce « mur », long de plusieurs milliers de kilomètres, va s’étaler en six étapes jusqu’en 1987. Il ne tardera pas à prouver son efficacité, forçant finalement le Polisario à signer un cessez-le-feu en septembre 1991.

    En juin 1981, alors qu’éclatent les émeutes de Casablanca, provoquées par la dégradation des conditions de vie de la population dues à l’envolée du prix des denrées alimentaires, le général Dlimi est à Laayoun au Sahara. Il ne participera donc qu’indirectement aux dures opérations de répression qui feront encore une fois plus d’une centaine de morts.

    6. Une fin brutale

    Alors que débute l’année 1983, le général Dlimi semble parvenu au fait de sa puissance. N’est-il pas entré au conseil de régence en décembre 1981 ? Peut-être s’estime-t-il devenu invulnérable ? On dit en tout cas qu’il lui arrive même de ne plus répondre à certains coups de téléphone royaux !

    Dans la soirée du mardi 25 janvier 1983, tandis qu’il sort d’une entrevue avec le roi à Marrakech, et alors qu’il regagne sa villa de Rabat, son véhicule est brutalement percuté par un camion lancé à peine vitesse. Le général Dlimi meurt sur le coup. Le choc est grand dans l’opinion publique, qui soupçonne évidemment un règlement de compte. Toujours est-il que le défunt aura droit à des funérailles officielles célébrées à la grande mosquée de Rabat en présence du prince-héritier Moulay Mohammed et de son oncle Moulay Abd Allah (traditionnellement, le roi du Maroc n’assiste pas aux funérailles).

    Dans les jours qui suivent, Hassan II va organiser de main de maître la succession de Dlimi, dont les prérogatives vont être soigneusement partagées entre plusieurs responsables. Le général Hosni Benslimane (1935), commandant de la Gendarmerie royale, conservera son poste mais passera sous l’autorité directe du roi. Le général Abdelaziz Bennani (1931) deviendra pour sa part le nouveau commandant de la zone Sud avec pour mission de poursuivre la lutte contre le Polisario. Enfin, Driss Basri (1938-2007), secrétaire d’Etat au ministère de l’Intérieur depuis 1974, prendra la tête du ministère. Moins flamboyant et plus technocratique que son mentor, il saura cependant se montrer tout aussi efficace que lui. D’ailleurs, à peine six mois plus tard, il organisera sans pitié la chute du clan Dlimi dont tous les membres se retrouveront déchus de leurs fonctions officielles.

    Depuis lors, c’est un voile pudique qui a recouvert l’épopée de ce sémillant général qui aura pourtant été l’homme fort du pays pendant près de onze ans.

    Bibliographie :

    . Arboit, Gérard : L’Affaire Ben Barka, le point de vue des services de renseignement, Note historique n°43, Centre français de recherche sur le renseignement, 2015.

    . Burgat, François : L’islamisme au Maghreb, Payot, 1995.

    . Leveau, Rémy : Le Fellah marocain défenseur du trône, Presses de la Cité, 1985.

    . Marzouki, Ahmed : Tazmamart, cellule 10, Editions Paris-Méditerranée, 2001.

    . Perrault, Gilles : Notre ami le roi, Folio, Gallimard, 1990.

    . Smith, Stephen : Oufkir, un destin marocain, Pluriel, Hachette, 2002.

    . Tobji, Mahdjoub : Les Officiers de Sa Majesté, les dérives des généraux marocains, Fayard, 2006.

    Notes :

    1 D’après les dires de sa veuve Malika, le général Oufkir aurait été abattu par Ahmed Dlimi en personne.

    2 L’UNFP était née en 1959 d’une scission d’avec l’Istiklal. En 1972, une nouvelle scission, cette fois-ci en son sein, donnera naissance à l’USFP.

    3 Parmi les principaux représentants des services français au Maroc on trouvait notamment Raymond Sasia. Ancien garde du corps du président de Gaulle et directeur du centre de tirs de Rabat, il fut l’un des principaux responsables de la sécurité personnelle du roi Hassan II entre 1972 et 1999.

    Crédit photographique : Carte de l’Afrique du Nord datée du milieu du 19ème siècle, cartotecadigital.icc.cat, Institut Cartogràfic de Catalunya [via Wiki Commons]. Comme on peut le voir, elle attribue une large partie du Sahara au sultanat du Maroc.

    Source: devirisillustribusblog

    Tags : Maroc, Hassan II, Ahmed Dlimi, Sahara Occidental, Oufkir,

  • Maroc – La mystérieuse tentative d’assassinat du beau-père de Mohamed VI à Marrakech

    Qui sont-ils et pourquoi ont-ils voulu mettre fin à la vie du policier qui fut pendant 20 ans le plus fidèle des gardes du corps du roi Hassan II et mari actuel de sa veuve ?

    Ignacio Cembrero

    Lorsque Mohamed Mediouri, âgé de 81 ans, est descendu vendredi dernier de sa voiture près de la mosquée Al Anouar à Marrakech, où il allait prier, a été attaqué par sept hommes, dont un armé, qui sont sortis de deux véhicules qui y étaient stationnés. Mediouri s’est miraculeusement échappé de ce qu’il décrirait plus tard, lorsqu’il a déposé au commissariat central de la ville une plainte pour tentative d’assassinat. Le chauffeur de l’octogénaire a été gravement blessé, selon le quotidien digital marocain ‘Barlamane’. La police judiciaire a ouvert une enquête.

    L’information sur cette agression a été succintement relayée par la presse marocaine pendant le week-end. Celle-ci rappelle en outre que Mediouri a été, entre 1976 et 2000, garde du corps puis chef du Département de Protection Royale, c’est-à-dire chargé de la sécurité du roi Hassan II, décédé en 1999.

    Cependant, les journaux s’abstiennent de mentionner que Mediouri est depuis quelques années le mari de Lalla Latifa, 73 ans, la deuxième épouse de Hassan II et surtout la mère du roi Mohamed VI, de son frère et de ses sœurs. Le mariage disccret qu’ils ont célébré il y a quelques années à Paris n’a pas été du goût de l’actuel monarque, il a refusé d’assister à la cérémonie, et c’est peut-être pour cela que la presse ne mentionne pas qui est le conjoint de l’ancien garde du corps.

    Mediouri a entamé sa carrière de policier en tant que sous-inspecteur dans les Compagnies Mobiles d’Intervention (les anti-émeutes) jusqu’à ce qu’il croise le Français Raymond Sassia, ancien gard du corps du général Charles de Gaulle qui a été chargé par Hassan II d »Améliorer sa sécurité après les tentatives de putsch qu’il a affrontées dans les années 1970″. Sassia engagea Mediouri pour l’intégrer dans l’équipe des gardes du corps du monarque alaouite. Le jeune policier, amateur de la boxe et du tir au blanc, a attiré la sympathie de Hassan II, qui a fini par le nommer directeur du Département de Protection Royale. Pendant deux décennies, il est devenu l’ombre du souverain.

    Au palais vivait Lalla Latifa, qui n’a jamais reçu de la part de Hassan II le titre non seulement de reine mais aussi de princesse dont jouissait Lalla Salma, qui, jusqu’à mars 2018, date de son divorce, était l’épouse de Mohamed VI. Lalla Latifa était simplement « la mère des princes ». Elle ne participait à aucun acte public et seulement deux de ses photos ont été publiées, l’une d’elles prise lors du mariage de sa fille Lalla Hasna.

    Pour avoir demandé au palais royal, en février 2009, la permission de publier quelques instantanés de la mère et de la grand-mère de Mohamed VI, Lalla Abla, Nouredin Miftah, directeur de l’hebdomadaire marocain ‘Al Ayam’, a fini par être interrogé par la police au même temps qu’elle perquisitionnait le siège de sa publication. Elle voulait découvrir l’origine de ces photos que François Cléret, le médecin de Hassan II, avait données, peu avant sa mort, à une journaliste d’Al Ayam.

    La relation de Mediouri avec celle qui était à l’époque, l’épouse de Hassan II, quand a-t-elle commencé ? On ne sait pas avec certitude. Le roi est décédé en juillet 1999 et au début de la décennie suivante, ils ont commencé à être vus ensemble à Marrakech. Hicham Bouchti, un policier antiémeute qui a fini par s’exiler en Espagne, affirme, sans apporter de preuve, que pour empêcher sa mère de fréquenter Mediouri, Mohamed VI l’a confinée quelque temps dans le palais royal de Skhirat, au sud de Rabat.

    Une relation qui déplaît au roi du Maroc

    Par contre, ce qui est prouvé, c’est que le roi a destitué Mediouri de ses fonctions au palais en 2000, quelques mois après son intronisation en juillet 1999, puis a été destitué de ses fonctions à la tête du Kawakab, un club de football de Marrakech, la ville dont il est originaire, et de la Fédération Royale Marocaine d’Athlétisme. Afin de ne pas compromettre son petit business dans le secteur des télécommunications, Mediouri l’a transférée à son fils unique.

    La relation sentimentale de sa mère ne plaisait pas à l’actuel monarque. La preuve en est que l’ancien garde du corps et Lalla Latifa ont dû émigrer en France pour se marier et Mohamed VI a refusé d’assister à la cérémonie qui s’est déroulée discrètement à Paris. Le couple vit dans un appartement du boulevard Maurice Barres de Neuilly-sur-Seine, un quartier luxueux de la périphérie de Paris, mais de temps en temps il se rend à Marrakech.

    Ce qui est arrivé vendredi à Marrakech, aux portes de la mosquée d’Al Anouar, n’était probablement pas une tentative de mettre fin à la vie de Mediouri. Commettre un meurtre n’a pas besoin de sept tueurs, et si l’un d’eux portait une arme, c’est aussi pour ouvrir le feu, ce qu’il n’a pas fait. L’interprétation la plus courante de cet épisode est qu’on a voulu l’effrayer. Dans quel but ? Peut-être pour le dissuader de se rendre régulièrement au Maroc. À en juger par la plainte déposée par l’ancien garde du corps, il ne semble pas disposé à se laisser intimider. En faisant ainsi, il a révélé à la presse un incident qui, autrement, n’aurait pas transcendé.

    Source : Vanitatis, 20 mai 2019

    Tags : Maroc, Mohammed VI, Mohamed Mediouri, Département de Protection Royale, gardes du corps, Lalla Latifa, Hassan II,

  • Maroc – Tentative d’assassinat de Médiouri : Ça sent le complot royal

    L’ancien chef de la sécurité du roi le plus sanguinaire de l’histoire du Maroc a été victime d’une tentative d’assassinat à Marrakech.

    Selon des informations vehiculées par le site Le360, proche du cabinet royal, Mohamed Mediouri s’appretait à descendre de sa voiture lorsqu’il a été approché par 7 individus qui se déplaçait à bord de 2 voitures. Les assaillants portaient au moins une arme à feu et l’un d’eux a pointé son arme sur la nuque de Médiouri qui est arrivé à s’en sortir grâce à ses performances en matière de défense personnelle acquérie le long de sa carrière de gardecorps de Hassan II.

    Selon des sources médiatiques, son chauffeur a été gravement blessé au cours de l’incident.

    Pour rappel, Mohamed Médiouri vit à Paris avec Lalla Latifa, la mère de Mohammed VI qu’il a épousé après le décès de Hassan II.

    Il y a lieu de se demander si cette tentative ne fait pas partie d’un complot ourdi par l’entourage du roi du Maroc dans le cadre d’un règlement de compte. On dit que Mohammed VI a condamné sa mère à l’exile à Paris à cause de sa relation avec l’ancien gardecorps de son père.

    Tags : Maroc, Mohammed VI, Hassan II, Mohamed Médiouri, gardecorps,

  • Discours de Hicham Alaoui au Lycée de Belmont

    Entre éthique et éducation : Une vie de dissidence

    Je tiens à remercier le corps professoral, les élèves de l’école Belmont Hill, et en particulier le Directeur pédagogique de l’éducation globale, Adam Harder, pour cette merveilleuse occasion. Je dois avouer que lorsque j’ai reçu cette invitation, j’étais très honoré mais aussi un peu anxieux.

    J’étais heureux de cette invitation, parce que notre discussion d’aujourd’hui me permet de me sentir partie intégrante du tissu social de cette communauté scolaire en partage. Cependant, j’étais aussi inquiet, parce qu’aujourd’hui, je ne parle pas comme à mon habitude dans le cadre de mon expertise scientifique. Les organisateurs m’ont demandé de vous provoquer, de vous inspirer…Et c’est très clairement le défi intellectuel le plus difficile qu’il soit !

    Pour essayer de répondre à cet appel du mieux que je peux, il me faut retourner en arrière dans le temps, et convoquer les images et les bruits d’un pays lointain. Ce que j’entends dans ce souvenir c’est le sourd bruit des bottes de combat qui marchaient sur le tarmac, et le grincement des barrières métalliques des check-points.

    Nous étions en 1971, et j’étais ce garçon de sept ans, au Maroc, qui regardait de loin un coup d’État militaire se dérouler contre mon oncle, le roi Hassan II. Le coup d’État visait à renverser une monarchie vieille de 400 ans et à faire disparaître une institution vieille de 1200 ans. Le coup a échoué, mais pas avant que les troupes rebelles ne fassent un bain de sang au palais royal. J’ai vu un officier de l’armée dire à ses deux soldats de tuer ma mère. Après son départ, ils ont refusé, car elle était enceinte de ma future sœur.

    Mon père a été blessé par balle et de nombreux membres du palais ont été tués. Ce jour-là, la monarchie marocaine, dirigée par la famille royale dans laquelle je suis né, a failli se terminer. Après cela, ni la monarchie ni la politique de mon pays n’ont été les mêmes. En y repensant, cette journée épouvantable a représenté bien des choses. Mais avant toute chose, elle a marqué une transition. Depuis ce jour, s’est ouverte une ère de répression violente et brutale alimentée par le nationalisme, dont les cicatrices sont toujours présentes aujourd’hui. Au plan personnel, elle a aussi marqué ma propre transition de l’innocence de l’enfance à la vie adulte. Quand vous devez arrêter d’agir mais commencer à réfléchir; mais aussi quand vous devez arrêter de réfléchir et commencer à agir.

    Soyons honnêtes. Aucun d’entre nous n’est le Pape François ou le Dalai Lama. Nous sommes des êtres humains profondément imparfaits. Et personne d’entre nous ne prétend être un exemple de rectitude, ou de perfection. Nous avons des défauts, des faiblesses, et des regrets. Avoir un fondement éthique ne signifie pas être parfait. En revanche, cela signifie que, quoique vous fassiez, vos actions résonnent en correspondance de vos valeurs les plus profondes. Ainsi, fiez-vous à votre conscience quand vous poursuivez vos rêves, ils sont interdépendants, et le seront toujours. Ils se nourrissent les uns des autres. On ne peut pas poursuivre un rêve sans conscience, ou, à l’inverse, avoir une conscience sans rêve.

    Je réalise que ce que j’énonce ici peut sembler énigmatique ou abstrait. Cependant, permettez-moi d’illustrer mon propos à travers l’expérience personnelle et ce que signifie concrètement avoir une boussole morale comme guide de ses actions et cela, en particulier dans les moments de transitions tumultueux et de changements imprévisibles. Les trois points sur lesquels je voudrais insister aujourd’hui sont : l’universalité de l’éthique, le pouvoir de la dissidence et l’importance de l’éducation.

    Éthique universelle

    Premièrement, l’éthique est une question universelle. Par éthique, j’entends les règles, les croyances et les loyautés sous-jacentes qui nous soufflent intérieurement quand nous agissons avec vertu ou que nous nous trompons. Les codes éthiques, par ailleurs, sont aussi différents pour chaque individu que peuvent l’être leurs empreintes digitales. Mais tout comme les empreintes digitales, tout le monde doit avoir un système éthique. C’est pourquoi l’éthique est universelle. Je voudrais vous parler de ma propre perspective éthique, en partant de mon expérience personnelle, en tant que musulman ancré dans la foi islamique et socialisé dans la tradition du Prophète. Les rudiments de l’islam peuvent sembler familier a beaucoup d’entre vous qui êtes non-musulmans.

    Par exemple, la foi islamique m’a aidée, moi comme beaucoup d’autres, à adopter une gamme extraordinaire de bons comportements. Je citerais d’abord le besoin de lutter contre l’oppression partout où nous pouvons la voir, lorsque certaines personnes sont injustement lésées, marginalisées ou ciblées par le triomphalisme d’autres. Une autre leçon importante est de faire preuve de compassion et de bienveillance envers les pauvres et les personnes vulnérables. Leur vie est égale à la nôtre, et pourtant ils sont souvent oubliés au sein de la société. Une autre idée encore est l’importance de l’évolution et de la croissance individuelle, du moins d’après ma propre expérience de musulman.

    J’ai commencé ma vie en pensant au bien en le rapportant à mes propres actions ou aux faits qui pouvaient me rendre dignes. Cependant, tout au long de mes études, au fur et à mesure que j’explorais les traditions philosophiques occidentales et que je voyageais à travers le monde, mon horizon s’est élargi. J’ai commencé à croire non seulement à ce qui était bon, mais aussi à ce qui était juste. J’ai été éduqué comme un membre d’une communauté de croyants. Notre cohésion et notre foi avaient la valeur de droits collectifs pour nous. Cependant, mes différentes expériences m’ont obligées à considérer l’individu comme méritant également tous les droits et libertés inhérents aux personnes. Ce n’était pas une transition facile, car elle exigeait une longue réconciliation entre le fondement de ma foi et ce flot de nouvelles idées. Et cela reste d’ailleurs pour moi, encore aujourd’hui, une quête sans fin.

    C’est ce fondement éthique qui m’a poussé, il y a vingt ans, à rejoindre le corps des casques bleus des Nations Unies au Kosovo, pays qui sortait alors d’une guerre terrible. Ce fondement éthique m’a également convaincu du bien-fondé de la protection des droits les plus fondamentaux des êtres humains, y compris le droit de vote en démocratie. Vos propres ambitions et objectifs vous mèneront certainement dans des directions très différentes. Mais ce que j’ai appris durant ces années, c’est que peu importe comment vous construisez et calibrez votre boussole morale, elle reflétera probablement une partie de cette universalité qui s’étend à toutes les traditions culturelles.

    De plus, il vous faudra réussir à relier vos actions à votre éthique. Ils sont imbriqués : l’un est le produit de l’autre. Je peux vous assurer qu’à chaque étape de votre vie où vous sentirez que vous avez réalisé quelque chose d’important, vous serez encore plus satisfaits et tranquilles. Vous devez pouvoir vous retrouver dans la phrase de Frederick Douglass : « L’âme qui est en moi, personne ne peut la dégrader. »

    Considérant l’époque dans laquelle nous vivons il s’agit d’une intuition particulièrement vitale. Notre époque est marquée par la montée de la peur, de l’incertitude et de l’imprévisibilité. Nous ne pouvons pas prévoir l’avenir. Mais individuellement, nous pouvons toujours connaître nos valeurs. C’est l’ultime certitude.

    Le pouvoir de la dissidence

    J’aimerais maintenant parler un instant de ce que signifie être dissident, surtout en ces périodes de transition. Parfois, vos convictions éthiques sont si fortes, et votre engagement envers elles si inébranlable, que vous pouvez devenir un dissident sans jamais avoir eu l’intention de l’être. Dans mon cas, le voyage vers la dissidence a eu le temps lent de la géologie. Mes convictions dans le bien fondé des droits de l’homme et de l’importance de la démocratie se sont sédimentés au fil des années. A chaque fois que je me suis engagé personnellement parce que j’étais témoin d’injustice ou à chaque étape de mon éducation, une nouvelle couche de ma conviction démocratique s’est sédimentée.

    Finalement, ces engagements ont été si forts et inévitables qu’ils m’ont forcés à prendre position dans mon pays natal, le Maroc. Et cela a créé des tensions. D’une part, la monarchie régnante s’accroche au pouvoir absolutiste. Aux yeux de beaucoup, l’autorité royale est ointe de Dieu. La Monarchie a survécu aux coups d’État et a écrasé les soulèvements grâce au soutien de la providence. Pour les défenseurs de cet ancien système de gouvernement pourtant humainement construit, des notions démocratiques comme les élections ne servent qu’à perpétuer cette réalité.

    D’autre part, il y a beaucoup de voix comme la mienne qui croient en la monarchie constitutionnelle, où le souverain est le symbole de la continuité de l’État et de l’unité du peuple – mais pas le chef de l’exécutif, comme c’est le cas de pays comme le Royaume-Uni et le Japon. Inversement, les défenseurs de l’absolutisme invoquent toujours l’argument que leurs systèmes de gouvernement sont les produits d’histoires uniques, et sont donc à la fois exceptionnels et culturellement authentiques.

    L’absolutisme peut prendre différentes formes. En fin de compte, l’arbitre ultime est la loterie biologique. Le pouvoir absolu peut être exercé par les forts et les dominateurs, ou il peut être manié par les inconstants et les capricieux. De même, il peut être exercé par l’indifférent et le lointain. Aucun n’est supérieur à l’autre, car le pouvoir absolu ne se perpétue pas seulement grâce aux caprices d’un dirigeant, mais plutôt grâce aux institutions politiques qui soutiennent l’ensemble du système. Ces institutions existent souvent bien au-delà du cadre d’un gouvernement officiel. Par-dessus tout, nous croyons que lorsqu’une société veut une réforme, la réponse du pouvoir devrait être accommodante et empreinte de tolérance plutôt que de résistance et d’obstruction.

    Si ces tensions m’ont forcé à me séparer de la monarchie et de l’environnement dans lequel je suis né, elles m’ont également permis de découvrir une grande vérité. Aujourd’hui, le Maroc, comme beaucoup d’autres pays, est en pleine transition vers l’inconnu. Et l’extrême incertitude -c’est un instinct humain – déclenche la peur. Cette peur pousse les personnes à se raccrocher à ce qui leur est familier. Il s’agit, tout comme l’éthique, d’une caractéristique universelle. Je dois avouer que moi aussi j’ai ressenti cette peur et, avec elle, le désir de me rabattre sur les éléments plus familiers de ma vie.

    Si vous vous tenez debout dans cette tempête de peur, vous apprendrez à résister à cet instinct fondamental – et c’est précisément celaqui fera de vous un dissident. Cela veut dire aussi, ignorer la pensée dominante de l’époque et toujours défendre ses propres positions. « La croyance aveugle en l’autorité est le plus grand ennemi de la vérité » a dit Albert Einstein.

    La dissidence est encore plus subversive lorsqu’elle est, en plus, raisonnable. Si vous avez des objectifs extrêmes, il est facile pour les autorités de vous disqualifier mais lorsque vous proposez des changements réalistes et réalisables, vous devenez une menace toujours plus grande. Je sais que cela peut sembler ambitieux. Mais cela touche réellement chacun de vous ici, en tant que jeune. Nous vivons, ici, dans une société libre, ce qui veut dire beaucoup plus qu’organiser des élections tous les deux ou trois ans, ou encore bénéficier de droits civils. Vivre en démocratie, signifie aussi pouvoir devenir un citoyen engagé qui, quel que soit son âge, se bat pour faire de son école, de sa communauté et de son pays des endroits meilleurs et plus justes.

    Alors que mon combat a consisté à introduire la démocratie dans un système de gouvernement absolutiste, votre combat portera sur la défense de la démocratie en période de stress et d’incertitude. Les démocraties occidentales, sont en ce moment mêmes soumises à de fortes pressions. En Occident, l’aggravation des inégalités économiques a mis en évidence l’étendue de la pauvreté et du dénuement. Culturellement, les normes de comportement de base comme la tolérance et le respect disparaissent de nos relations. Tout cela est encore plus fort en politique, les élus mettent de plus en plus à l’épreuve les limites de leur pouvoir et de leurs privilèges. Ils accusent souvent ceux qui ne sont pas d’accord avec eux d’être déloyaux, ou pire encore, les désignent comme l’ennemi.

    En Amérique, nous avons beaucoup de qualificatifs pour exprimer cette décadence politique : populisme, nativisme et polarisation. Peu importe comment nous les appelons, ces forces centrifuges menacent de déchirer le tissu social de la démocratie américaine. Votre combat ici sera de rétablir la civilité et la tolérance en politique et de préserver les droits et la dignité de tous – y compris ceux qui sont en désaccord avec vous.

    Dans ce contexte, je vous encourage à remettre en question l’autorité. Avec discernement, et en mettant à part l’autorité de ceux qui vous souhaitent le meilleur, comme vos professeurs et vos parents. Mais soyez critiques et souvenez-vous toujours du pouvoir de votre voix. Et avant tout, rappelez-vous que le premier devoir d’un dissident est sa propre conservation. Ne confondez pas sacrifice et autodestruction. En suivant cette voie, vous pourrez être impopulaire à certains moments. Pendant les périodes particulièrement difficiles, vous subirez de multiples pressions pour vous conformer à la majorité dans ce climat de peur.

    En effet, les dissidents peuvent vivre un ostracisme total. Votre meilleure réponse est de rester humain et de ne pas laisser votre cœur devenir impitoyable. Vous perdrez peut-être beaucoup d’amis, mais vous découvrirez que la plupart n’ont jamais été des amis, seulement des connaissances. Vous découvrirez aussi que les personnes fiables qui restent seront vos meilleurs amis pour la vie.

    Je me souviens précisément quand ma dissidence a dépassé les limites de la tolérance de mon oncle, le roi Hassan II, qui m’a élevé après la mort de mon père. Pour me punir, on m’a presque interdit d’entrer au Palais. Un soir, j’ai décidé d’aller à une soirée royale sans invitation et sans m’annoncer. Pour moi, le roi n’était pas seulement mon oncle, mais un homme plus grand que nature. Plus généralement, quels que soient ses excès ou les taches indélébiles de son règne, le roi était mythique pour les Marocains en raison de son esprit et de son habileté. A la fin de sa vie, il a aussi posé les jalons pour une potentielle percée démocratique du pays. Souhaitant me châtier devant des centaines d’invités, le roi m’a appelé et m’a demandé : « Et vous, qui êtes-vous ? »

    A ce moment-là, portant mon smoking, j’ai répondu de la seule façon qui me semblait appropriée : « Je m’appelle Bond. James Bond. Aux services secrets de Sa Majesté. » Inutile de dire que le roi m’a permis de rester, mais pas avant de dire : « Je suis le seul à avoir un permis de tuer ! » Cette histoire est restée un bon souvenir, mais toutes les expériences de dissidences n’ont pas été aussi amusantes et le voyage (vers l’indépendance) n’as pas été sans encombre. Au début, je me sentais coupable, car je violais l’esprit de cohésion et d’unité. Rapidement, cependant, j’ai réalisé que la force se trouvait plutôt dans la diversité et le questionnement. Et avec le temps, j’ai embrassé mon ostracisme.

    Être dissident peut sauver votre esprit. Un esprit brisé est plus difficile à guérir que des os brisés. Cependant, ne laissez pas les autres briser votre esprit. Au début des années 1990, une prison bien connue dans le désert du Maroc a fermé ses portes et ses prisonniers politiques ont été libérés après des décennies d’incarcération brutale. Certains de ceux qui ont été relâchés étaient dans un état épouvantable. Ils avaient des griffes à la place des ongles et leurs visages ressemblaient à ceux de fauves. Certains avaient rapetissés, ayant été forcés de s’asseoir accroupis pendant des années. Pourtant, de cette prison sont également sorties des histoires extraordinaires de survie et d’héroïsme. Beaucoup de prisonniers politiques n’ont jamais renoncé à leurs convictions et croyances les plus profondes malgré les conditions barbares auxquelles ils ont été soumis. Leurs os étaient brisés, mais leur esprit est resté intact.

    Inversement, il y avait beaucoup d’opposants politiques au Maroc qui ont eu la chance de ne jamais connaître la prison. Leurs os étaient entiers. Pourtant, leur esprit s’est lentement évanoui en raison de leur étouffement progressif et de leur isolement par les autorités politiques. Ils n’ont pas tant été attaqués, mais marginalisés. Ils n’étaient pas tant punis, mais châtiés, pas tant réprimés que réprimandés par ceux qui étaient au pouvoir. Parce qu’ils n’ont jamais été forcés de confronter leurs convictions morales dans un moment de vérité déterminant, pour lequel ils auraient eu besoin de rassembler toutes leurs forces, ils sont lentement tombés dans l’abîme de l’insignifiance.

    Sur un autre plan, ma dissidence m’a fait affronter d’innombrables défis. L’État a orchestré de nombreuses campagnes, publiques et secrètes, pour me faire pression, m’intimider et me contraindre à plusieurs niveaux. Outre les attaques politiques, j’ai été la cible d’étranglement économique, je suis devenu un bouc émissaire public et subi l’ostracisme social. J’ai été expulsé de pays en raison de mes opinions politiques et je reconnais que mes actions sont sous surveillance constante. Mes courriels et mes appels téléphoniques ont fait l’objet de piratage informatique et de fuites publiques bien avant que le rapport Mueller ne montre aux États-Unis que la communication de personne n’était vraiment pas sûre. Et il vaut mieux ne pas parler en public d’autres actions encore qui ont été prises contre moi. Cependant, ces difficultés ne sont rien en comparaison à ce que certains ont enduré.

    Mais le plus dur a été de quitter mon pays. Comment élèverais-je mes deux enfants si loin de chez moi ? C’était une peur profonde, comme James Bond l’aurait dit, ‘it scared the living daylights out of me’ Comment pourrais-je me rattacher à mon pays de naissance ? Pour paraphraser Bond à nouveau, je n’ai eu qu’un ‘Quantum of Solace’, qu’un certain réconfort. Mais aujourd’hui, avec le recul, je me rends compte que l’exil que je me suis imposé était une bénédiction déguisée. J’ai adopté ce pays comme le mien. Grâce à ce pays, j’ai pu m’épanouir d’une manière que je n’aurais jamais pu imaginer possible auparavant.

    Ces expériences m’ont appris que, même lorsque les circonstances sont difficiles nous devons toujours séparer nos liens affectifs de nos principes moraux et des buts que nous nous efforçons d’atteindre. Mais ne vous laissez jamais intimider. Vous ne devriez pas non plus succomber au ressentiment. Rappelez-vous que votre dissidence vient du pouvoir de résister à la peur de l’inconnu. En effet, le vrai courage vient de la capacité de surmonter cette peur.

    L’éducation, une clé de voute

    Cela m’amène à mon dernier point qui porte sur le fait que l’éducation et la connaissance doivent constituer une clé de voûte dans votre vie alors que vous construisez une boussole morale et apprenez le pouvoir de la dissidence. Vous allez tous quitter cette école, à un moment donné, pour poursuivre vos études supérieures. Pour beaucoup, cela signifie aller à l’université. Pour certains cette échéance est proche, pour d’autres elle est à l’autre bout du monde. Cela signifie un chemin hors du collège encore rempli de leçons et de visions.

    Lorsque je parle d’éducation, je parle de deux dimensions différentes. Tout d’abord, dans la salle de classe, rappelez-vous l’avertissement du poète classique Rumi : « Laissez-vous entraîner par la plus forte attraction de ce que vous aimez vraiment. Elle ne vous perdra pas. » En d’autres termes, donnez-vous la liberté d’expérimenter, d’explorer et d’expliquer sans abnégation. Il n’y a aucune pénalité pour l’apprentissage d’une matière ou d’un sujet qui n’est peut-être pas nécessaire plus tard dans la vie. Ce faisant, vous découvrirez peut-être votre véritable passion.

    La deuxième dimension de l’éducation va au-delà de la salle de classe. Il ne s’agit pas seulement de salles de cours ou de bibliothèques ou encore de la supervision d’un professeur. Cette deuxième dimension requiert plus encore que l’effort intellectuel et retenir des notions pour les examens. L’éducation, c’est saisir l’impact de vos actions sur le monde. Cela signifie comprendre comment vos actions peuvent non seulement miner et blesser les autres, mais aussi les inspirer et les enrichir. Apprendre la différence critique est votre impératif éducatif.

    En même temps, cette introspection exige que vous alliez au-delà dans la recherche de vos fondements éthiques et de votre voix personnelle. Vous méritez en même temps, le droit de tout critiquer et celui de défendre ce en quoi vous croyez.

    Mais il y a un piège. Une fois que vous aurez quitté cette école, personne ne pourra vous contrôler ou dicter vos actions. Il vous faudra choisir. C’est la partie la plus terrifiante de votre éducation future, l’idée austère mais libératrice qu’à partir de ce moment, vous serez seul responsable de ce que vous apprenez, de comment vous l’apprenez, et de pourquoi vous luttez.

    Ces choix, à leur tour, auront un impact durable, « car l’âme prend la couleur et la teinte des pensées qu’elle entretient » a dit Marc Aurèle. Ainsi, vous deviendrez votre propre artiste. Tout au long de ce processus, vous devez rester humble. L’humilité est une source de force. Avoir beaucoup d’amis n’est pas nécessairement mieux que d’en avoir quelques-uns fiables, et les plus grands plaisirs de la vie proviennent souvent des plus petites choses.

    Surtout, rappelez-vous qu’il y aura des périodes où vous douterez. Peut-être êtes-vous en train de vivre une période de doute en ce moment même, alors que vous vous préparez à obtenir votre diplôme et à plonger tête la première dans ce moment de transition. Ce faisant, suivez votre boussole morale, rappelez-vous le pouvoir de la dissidence et restez déterminés à faire de l’éducation la clé de voûte de votre vie. C’est votre choix, mais ce sera aussi votre destin – le vôtre et le vôtre seul.

    Hicham Alaoui

    Source: Fondation Hicham Alaoui

    Tags : Hicham Alaoui, Maroc, Hassan II, Collège Belmont,

  • Le roi du Maroc, président du Comité Al-Qods et allié des sionistes

    Par Orilio Leaks

    Savez-vous que le Président du comité Al-Qods parmi les 45 inventions israéliennes géniales qui changent le monde!!!

    Le Comité Al-Qods, censé notamment suivre l’évolution de la situation à Jérusalem, a été créé en 1975, à Djedda, lors de la 6e Conférence Islamique des ministres des Affaires étrangères et placé sous la présidence du roi Hassan II en 1979 lors de la première session tenue dans la ville de Fès.

    Hassan II devenait alors le « défenseur de la cause sacrée » palestinienne et « pourfendeur de la colonisation des territoires occupés ». Un rôle ambigu qu’occupait ce roi lorsqu’on sait combien est grande la place qu’avait le roi Hassan II dans le cœur des autorités israéliennes.

    Israël devrait largement remercier les Présidents du comité Al-Qods prévenant les renseignements et des enregistrements top secrets des discussions entre les dirigeants arabes où se déroulait la conférence ont encore montré que d’une part, les états arabes se dirigeaient vers un conflit auquel les israéliens devrons se préparer.

    D’autre part, leurs divagations sur l’unité arabe et l’existence d’un front uni contre Israël ne reflétaient pas l’unanimité réelle entre eux.

    Les profits du régime du Maroc ne peuvent dépendre uniquement du seul soutien d’Israël, mais aussi des organisations juives israéliennes et de Fille de Hassan II (Hedva Selaa), sœur de « commandeur des croyants musulmans » chef d’état actuel au Maroc.

    Dans son récit s’appuie sur des recoupements familiaux impressionnants dit-elle, est de « rencontrer son demi-frère, le roi Mohammed VI.

    Le même sang coule dans les veines qui a déjà permis recruté parmi les meilleurs cabinets de lobbying de Washington, le monarque marocain s’est visiblement tourné vers l’AIPAC (American Israël Public Affairs Committee)».

    Depuis le décès du Hassan II, c’est son fils le roi Mohammed VI, qui a hérité du siège à la présidence du Comité Al Qods. Ce dernier à son tour, quelle sera sa position lorsque, dans le cadre du projet de judaïsation de la ville sainte de Jérusalem, Israël donnera l’ordre de détruire la mosquée Al-Aqsa pour y construire le temple juif ?

    Une vidéo produite par le ministère israélien des Affaires étrangères montre comment la mosquée pourrait être détruite. Une maquette du “futur temple” a même été construite ! Aucune réaction du Président du comité Al-Qods, le silence roi !

    Évidemment, Israël en alliance avec le roi prédateur Mohamed VI et ses services secrets. Grace à Israël le monarque est capable pour atteindre ses objectifs sataniques ! s’enrichit plus vite que son ombre, fait qu’embellir la vitrine du pays, pour mieux nous aveugler sur la réalité obscure de son absolutisme. La seule solution pour rester au pouvoir et sauver son régime de toutes ces conspirations est d’y instaurer une vraie démocratie, la liberté d’expression et d’organisation politique pour tous les citoyens.

    Le régime marocain qui subsiste depuis quelques décennies par le soutien inconditionnel d’Israël est dans l’obligation de crâner, de montrer ses dents pour exister, de se fabriquer un curriculum-vitae pour impressionner, tans dis que tous ces « formateurs » ou ces « techniciens » sont des Juifs ou des israéliens déguisés en Juifs. L’Etat hébreu n’empêche pas la fructuosité des échanges entre ces deux pays. Le montant des échanges commerciaux entre le Maroc et Israël. Le total a été évalué à plus de 2 milliards 500 millions de dollars…O les arabes peu importe…

    Ya basta d’hypocrisies et des mensonges !

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    Tags : Maroc, Mohammed VI, Hassan II, al qods, jerusalem, comité al qods,

  • Maroc : Un absolutisme légal

    Pourtant la médiocrité, parfois flagrante, de certains de ces hommes a le don de l’exaspérer. Alors qu’il a décidé d’élections générales et que la campagne électorale bat son plein, il arrive sur un terrain de golf, suivi de son fils. – Vous avez regardé les débats télévisés, hier? me demande-t-il.
    Non? Eh bien, vous avez bien fait. Ils étaient tous nuls. Comment voulez-vous que j’arrive à convaincre les gens d’aller voter avec des incapables pareils?

    Quel merveilleux sursaut démocratique! Tandis que son père est sur le green, le futur Mohammed VI s’approche.

    – Comment se déroulent les choses avec mon père? – Plutôt bien, merci! Il se penche alors vers moi en souriant.

    – Soyez tout de même sur vos gardes, c’est un immense manipulateur1.

    En réalité, malgré leurs divergences, les deux hommes sont faits de la même étoffe. Celle de dirigeants qui savent qu’ils sont au-dessus des lois et n’ont de comptes à rendre à personne. Hassan II a façonné un pouvoir absolu et sans entraves qui n’a cessé de fasciner celui qui, plus tard, allait en disposer à son tour. Un absolutisme légalisé à travers les textes constitutionnels consacrés au droit traditionnel et divin (l’allégeance, commandeur des croyants). Les droits du souverain sont ainsi réputés «inviolables et sacrés».

    Toutes les stratégies mises en place par Hassan II sont observées avec soin par le prince héritier. Or, derrière chacun de ses choix, il y a un calcul personnel. «La grande fierté de mon règne, affirmait Hassan II, ce sont ces barrages que j’ai fait construire à travers le pays.» Au total, cent vingt grands barrages auront été édifiés durant son règne, et à un rythme soutenu. Certaines années, 40% du budget de l’État auront été consacrés à ces travaux. Une politique des barrages qui aura masqué un véritable détournement d’actifs opéré par le roi. C’est lui qui choisit les régions où ils seront construits et évalue le nombre d’hectares qui seront irrigués. Le processus d’expropriation sera l’occasion de faire passer de nombreuses surfaces de qualité dans le giron royal…

    Dans un pays où les trois quarts des entreprises agricoles ont moins de cinq hectares, la terre permet non seulement au roi de s’enrichir mais de disposer d’un système de corruption efficace. S’il ne prétend en aucun cas connaître ou évaluer le nombre d’hectares appartenant aux Domaines royaux, l’économiste Najib Akesbi se livre néanmoins à un calcul intéressant: celui des terres qui ont disparu des registres fonciers après l’Indépendance du Maroc. «En 1956, on comptabilise un peu plus de un million d’hectares. On sait que, sur ce total, trois cent vingt-cinq mille hectares de terres de colonisation officielles ont été récupérés en 1963 et distribués lors de la réforme agricole qui s’est étendue de 1963 à 1975, sous forme de lots de cinq hectares, notamment lors des périodes de tensions sociales, qu’Hassan II cherchait ainsi à calmer. Il y a eu ensuite les deux cent mille à deux cent cinquante mille hectares récupérés au début des années 1970, lors de l’opération dite de marocanisation, et confiés à deux sociétés d’État, la Sodea, spécialisée dans les fermes plantées, et la Sogeta, dans les terres nues1.»

    Au final, il resterait donc entre quatre cent mille et quatre cent cinquante mille hectares qui n’ont jamais été récupérés par l’État et qui ont fait l’objet de cessions illégales entre colons et Marocains. La famille royale en a-t-elle profité? Si oui, dans quelles proportions? Cinquante-six ans après l’Indépendance du royaume, le mystère demeure. Un sujet sensible dans un pays agricole où la moindre indication sur l’ampleur de la confiscation royale pourrait avoir des conséquences politiques et sociales graves.

    Dernier legs d’Hassan II, utilisé avec encore moins de scrupule par son successeur: l’appel à l’aide internationale pour financer des projets dans lesquels la famille royale est souvent impliquée. Outre la Banque mondiale, engagée dans le financement des barrages, la France figure naturellement au premier rang des bailleurs de fonds.

    En 1992, Hassan II est reçu à Paris par François Mitterrand et Jacques Chirac, cohabitation oblige. Depuis 1990, l’aide française atteint annuellement 1 milliard de francs, montant qui doublera à partir de 1995. La France est alors le premier créancier du Maroc, dont elle détient 13% de la dette, pourcentage qui grimpera à 19% en 1999. Elle est également le premier bailleur de fonds bilatéral du pays, au titre de l’aide publique au développement, avec 50% du total. Une filiale de l’Agence française de développement, la Proparco, dont les bureaux marocains sont installés à Casablanca, accorde également des fonds propres et des prêts à des entreprises ainsi qu’à des banques marocaines.

    En 2001, Proparco investit ainsi de l’argent des contribuables français, au total 160 millions d’euros, notamment dans le groupe minier Managem, appartenant au roi, pour l’exploitation d’une mine d’or au sud-est d’Agadir 1. Elle investit également, dès cette époque, dans l’énergie éolienne contrôlée par le souverain. À l’époque, Proparco est aussi partenaire dans Upline Technologies, un fonds d’investissement créé par la banque d’affaires et appartenant au groupe Upline, dont l’un des actionnaires « cachés» aurait été le propre frère du roi, le prince Moulay Rachid.

    La monarchie marocaine a paisiblement prospéré à l’ombre de l’omerta française. Les responsables politiques qui se sont succédé ont tous fait preuve, qu’ils soient de droite ou de gauche, d’une tolérance coupable. «Ne pas désapprouver l’inacceptable» semblait depuis longtemps la règle d’or adoptée par Paris. Ainsi, à l’abri des critiques ou des pressions, le roi et son entourage pouvaient sans risque se livrer à tous les excès.

    Staline, dit-on, avait confié un jour: «Donnez-moi un homme, j’en ferai un procès.» Hassan II aurait pu déclarer en le paraphrasant: «Donnez-moi un homme, j’en ferai un courtisan.» Le spectacle désolant des personnalités françaises se pressant à ses réceptions faisait peine à voir. Chaque année, le 31 décembre, le roi organisait une immense réception pour le nouvel an. Des centaines de voitures officielles déposaient des invités aux sourires béats devant les portes d’un palais illuminé. J’ai (É. L.) assisté à l’époque à l’une de ces soirées, et je puis témoigner que la vision offerte était particulièrement obscène. Des hommes et des femmes en robe du soir et smoking remplissaient à ras bord leurs assiettes de caviar, comme autant de Thénardier affamés se précipitant sur un bol de soupe.

    Au terme du repas, des serviteurs en livrée portant des hottes emplies de cadeaux étaient littéralement bousculés par les invités qui s’efforçaient, un instant après, d’en récupérer un maximum. Hassan II n’apparaissait pas une seule fois, mais nul doute que, bien à l’abri des regards, il devait observer ce spectacle avec satisfaction. Sans doute le confortait-il dans son scepticisme sur la nature humaine et le mépris qu’il éprouvait pour l’immense majorité des gens.

    Source : Le Roi prédateur

    Tags : Maroc, Mohammed VI, le roi prédateur, Hassan II, monarchie marocaine, alaouite,

  • Un diplomático estadounidense explica por qué Marruecos se opone a un referéndum en el Sáhara Occidental

    En un telegrama enviado el 17 de agosto de 2009, el Encargado de Negocios de la Embajada estadounidense en Rabat, Robert P. Jackson, subraya que Marruecos no confía en los votantes procedentes de la región de Guelmim y Tan-Tan y que han sido inscritos en las listas electorales.

    El diplomático estadounidense recuerda que «desde que el rey Hassan II lanzó la Marcha Verde en 1975, la cuestión del Sáhara Occidental ha estado íntimamente ligada a la estabilidad del trono y de Marruecos mismo, debido a los «intentos de golpe de Estado» y de su «guerra contra la izquierda». «Utilizó el Sáhara Occidental para reforzar el nacionalismo y aparcar su ejército lejos en el desierto», añade.

    A continuación, precisa que: Después de tomar el control del Sáhara Occidental, Marruecos trató de influir en cualquier voto favoreciendo la inmigración de sus nacionales, que ahora representan más de la mitad de los aproximadamente 385.000 residentes del territorio. Sin embargo, quizás la mitad de los inmigrantes eran de origen saharaui y proceden de zonas situadas al norte de la línea de demarcación, donde también vivían algunos de los saharauis más nacionalistas. En un referéndum que podría incluir la independencia, el Gobierno no los considera votantes fiables, lo que explica en parte la reticencia del Gobierno marroquí al voto».

    Jackson añade en un comentario que « curiosamente no conocemos a ningún defensor de la independencia que haya reivindicado ya los territorios saharauis en Marruecos, Argelia o Mauritania como parte de una patria nacional, aunque algunos miembros del CORCAS han intentado sin éxito incluir a las partes marroquíes (los territorios saharauis bajo ocupación marroquí, ndlr) en la región autónoma, en el momento en que se propuso por primera vez. La ausencia de un nacionalismo más amplio, con la guerra del Polisario en los años 70 contra Mauritania — el único Estado sahariano del mundo— sugiere que el conflicto es menos nacionalista que geopolítico, vinculado a un conflicto mucho más antiguo entre Argelia y Marruecos, y que favorece poco la creación de un Estado independiente».

    El argumento del diplomático norteamericano rechaza en bloque la tesis de la supuesta integridad territorial esgrimida por los marroquíes con el fin de justificar su agresión contra los saharauis. Hassan II invadió el Sáhara Occidental porque veía a su régimen en peligro con la presencia de un Estado saharaui independentista cercano a Argelia.

    Jackson propone resolver el problema de los refugiados saharauis otorgándoles la nacionalidad española y permitiéndoles emigrar . «Habida cuenta de la escasa población en juego, España, al conceder la nacionalidad española, con la posibilidad de migrar a España, a sus islas canarias vecinas o a otras partes de Europa, es significativa e, incluso en un tiempo más oportuno, el reasentamiento podría ser una forma sencilla de resolver la difícil situación de los refugiados».

    Tags: Sáhara Occidental, Marruecos, Frente Polisario, Hassan II, Marcha Verde, Argelia, Guerra Fría, Mauritania,

  • Quand Boumediène traitait le roi du Maroc de « bâtard »

    Lors d’un entretien entre le regretté président Algérien Houari Boumédiene et feu le roi Hassan II. Entretien qui à un moment donné, avait tourné au vinaigre et le ton c’était durci.

    Devant le ton dur de Boumédiene, le roi Hassen II pour impressionner le président algérien lui avait dit :

    « N’oublie pas que tu a affaire à un descendant du prophète (swsa) »

    Et le président Algérien de rétorquer :

    « Je ne savait pas que le prophète (swsa) avait laissé des bâtards ».

    Mediouri : le père biologique de Mohammed VI

    D’après le journal le Monde du 06/09/2004: « Mohamed Médiouri  était en effet épris de l’épouse légitime de Hassan II, « la mère des princes ». Il l’épousera après la mort du roi, en 1999, et vit aujourd’hui avec elle entre Versailles et Marrakech. »

    Oui, effectivement, la mère de Mohamed VI habite actuellement à Neuilly à Paris avec son amant Mohamed Mediouri ancien garde du corps de Hassan II chargé de la sécurité du palais royal.

    Au cours de Janvier – Fevrier 2008, Mohammed VI était absent du Maroc pendant plus d’un mois. Il était avec sa mère Lalla Latifa (veuve de Hassan II) et son amant Mohamed Mediouri (père biologique de Mohamed VI) qui habitent ensembles à Neuilly, dans les Hauts-de-Seine, où ils se sont installés. La soeur de Mohamed VI Lalla Hasna vient également
    de quitter sa résidence de Londres et a acquis – avec son amant français – un joli appartement à Paris, rue Dumont d’Urville dans le seizième arrondissement, à deux pas de celui de la soeur chérie du Roi, Lalla Meriem.

    Mohamed Mediouri et Lalla Latifa, partagent leur temps entre leurs deux appartements de la rue de Berry à Paris et du boulevard Maurice Barrès à Neuilly. On les voit parfois rue Winston à la Résidence royale.

    Qui est donc ce Mohamed Mediouri que Mohamed VI propose  de mettre à la disposition de son ami Sarkozy pour assurer sa protection personnelle contre d´éventuels « cons » au cours de ses bains de foule en France – et à la manière royale makhzénienne marocaine ?

    En 1975, la sécurité royale marocaine a pour la première fois un nom, le Département de protection royale (DRP), et un visage, celui de Mohamed Mediouri. Un inspecteur de police de Marrakch qui excelle dans le tir et la boxe. L’homme au teint mat et à la fine moustache colle au monarque chérifien. Il est derière Hassan II sur toutes les photos, en toutes circonstances. Celà lui confère une certaine aura, qui lui permet de grignoter quelques prérogatives aux équipes de la Gendarmerie censées veiller sur Hassan II. Il était donc le Garde du corps du roi et chef des gardes du corps qu´il commandait avec maestria. Mediouri a véritablement été l’homme de confiance de Hassan II.

    « La mère de Mohamed VI (Lalla Latifa) était bien souvent confinée au harem avec des dizaines d´autres concubines du roi. Elle ne lui jamais était permis d´avoir des rapports intimes avec ses propres enfants qui étaient confiés, surtout, à des éducateurs juifs. Par contre, elle a eu – avec le consentement secret de son mari – une longue liaison sexuelle avec le policier Mohamed Mediouri qui est, en fait, le vrai père biologique de l´actuel roi du Maroc Mohamed VI. C´est-à-dire que Hassan II était un cocu consentant. Hassan II, lui-même, n´était pas le fils biologique de son « père » officiel Mohamed V, mais celui de

    Thami L´Glaoui, l´ancien pacha de Marrakech. « Le jour où le prince (future Mohammed VI) a appris que son vrai père n´était pas Hassan II, mais Mediouri, il a pris sa voiture et il est parti en roulant à tombeau ouvert. Il a alors eu un accident « , rappelle Jean-Pierre Tuquoi, l´auteur du livre « Le dernier roi ». Comment ce policier s´est-il introduit au palais?

    Dans les années 80, marquées par les émeutes urbaines, l’ambiance sociale est généralement tendue mais la vie du roi n’est pas mise en danger. Ce calme relatif permet à Mohamed Mediouri de mener une vie publique « au service de Sa Majesté ». En plus de son travail de garde du corps, Mediouri trouva aussi le moyen de se profiler en « dirigents sportif ». Il n’en a pas oublié sa vocation première pour autant et travaillait d’arrache-pied pour moderniser la sécurité de Hassan II, et celle des princes et princesses.

    L’omniprésent Mediouri recrute des jeunes à tour de bras dans les écoles de police, mais également dans les clubs de sport. Mehrad, Fikri et Jaïdi (le trio qui veille aujourd’hui sur la sécurité de Mohammed VI) sont par exemple ses recrues et ses élèves ». La sécurité rapprochée de Hassan II se professionnalisa.

    « Lors d’un voyage de Hassan II en Libye, ses gardes du corps ont été dépassés par les bains de foule que s’offrait le colonel Kadhafi. C’est l’une des rares fois où tout le monde, y compris Hassan II, a paniqué. Lorsque l’un des hommes de Mediouri a tenté de former un cordon de sécurité humain avec l’une des gardes du corps du colonel, cette dernière lui a sauvagement mordu la main », rapporte un ancien cadre de la sécurité royale de Hassan II.

    Plus tard, ce sont les escapades du jeune prince héritier Sidi Mohammed (future Mohamed VI) qui donnent du fil à retordre aux durs à cuire engagés au service de Mediouri (et de Hassan II). « Les équipes de Mediouri faisaient également du « renseignement » quand il s’agissait du prince héritier. Il n’était pas rare de voir le prince tentant, au volant de sa voiture, de semer ses gardes du corps, se mettant de facto en danger », se rappelle un gendarme, en poste près de la plage de Skhirat où le futur Mohammed VI se rendait souvent, vers la fin des années 1990.

    Deux intéressants ouvrages sur le Maroc : Notre ami le roi de Gilles Perrault (1990) et Le dernier roi de Jean-Pierre Tuquoi (2001). Leurs auteurs dressent un portrait sans complaisance du régime monarchique et un bilan critique de son règne, citant les propos de nombreux observateurs de la société marocaine : Sur Mohamed VI, par exemple: « Le mémoire qu’il a rendu était bidon. Ce n’est certainement pas lui qui l’a écrit. » (Jean-Pierre Tuquoi) ; « Quand il s’est rendu au sommet de la francophonie au Canada en 1999, il a demandé à être logé à part. Lui et sa cour sont arrivés dans trois Airbus. Il a pris la résidence des chefs d’Etat pour lui seul. Tout cela pour ne rester que vingt-quatre heures » (un observateur) et « Nous sommes noyés dans la corruption, la gabegie et l’inertie de l’administration. Mohammed VI pratique un despotisme enfantin. »

    Mohammed VI s´est marié avec Salma Bennani, jeune femme de 25 ans, native de Fès et issue d´une famille d´origine juive.  » Ce mariage est éminemment politique. Les rumeurs sur l’homosexualité de Mohammed se faisaient insistantes. Le palais devait réagir « , analyse l’écrivain Gilles Perrault, dont le livre Notre ami le roi avait été interdit par Hassan II.  » C’est vrai, il y a des rumeurs sur les mOEurs du roi. Mais Mohamed VI pense certainement que quand il aura un héritier, on n’en parlera plus « .  Homo, hétéro ? Cette question à une importance au Maroc! Le fait est que par bien des aspects, Mohammed reste mystérieux. Comme Sarkozy, Il peut se montrer colérique « , affirment invariablement les habitués de la Cour.  » Aujourd’hui, nul observateur ne peut se vanter de bien connaître le roi. Il reste, également comme Sarkozy, une dangereux énigme .

    « C’est peut-être en étudiant le comportement du père que l’on comprend le fils. – explique Jean-Pierre Tuquoi, auteur de l´ouvrage Le Dernier Roi – Hassan II était  quelque peu détraqué. Il vivait encore au XVIIe siècle. C’était quelqu’un de violent. Il battait ou faisait battre ses enfants pour un mot de travers, une mauvaise note, ou pour rien. Le roi a broyé l’existence de tout son entourage. Les enfants ont peut-être été les plus exposés et Mohammed VI en particulier. En qualité de prince héritier, il était en première ligne.  » Gilles Perrault confirme :  » Les enfants d’Hassan étaient battus. La punition classique, c’étaient les coups de cravache. Cela a lourdement pesé sur la personnalité de Mohammed VI. Très tôt, pour compenser le manque d’affection parental, Mohammed se crée un cocon en dehors de sa famille : un groupe d’amis, une petite équipe de fidèles qui partagent ses goûts pour les boîtes de nuit, la danse, les discothèques, le sexe et les autres plaisirs interdits de la vie. Ils ne le quitteront plus.

    Certains l’accompagnent jusqu´aujourd’hui à des postes clés.  » Le mémoire qu’il a rendu (à l´issue de ses études) était bidon . Ce n’est certainement pas lui qui l’a écrit « , raconte Tuquoi. Au dire de beaucoup, c’est l’ensemble de son cursus scolaire qui ne fut pas des plus brillants. Qu’importe, à l´issue de ses « études », il occupe le poste de coordinateur des services de l’état-major de l´Armée royale.  » Il n’y a pas laissé le souvenir d’un dingue de boulot « , raconte un proche.

    Durant cette période, Mohammed sort aussi beaucoup. L’argent ne manque pas. Avec ses frères et soeurs, il dévalise les boutiques à la mode ou s’amuse dans les boîtes et les restaurants, s’offre quelques virées à Londres, Paris ou New York. Le 23 juillet 1999, Mohammed succède à Hassan II, décédé. Il devient roi et se donne des titres : « roi », en tant qu’autorité qui exerce le pouvoir et « amir al mouminim », (« commandeur des croyants »!!!) En dépit de ces titres et d’autres, beaucoup de Marocains préfèrent le surnommer  » Sa Majetski « , en référence à sa passion pour le scooter des mers qu’il pratique régulièrement au large de Rabat. Car Mohammed aime le luxe. Comme Hassan II, qui comptait plus de costumes que de jours dans l’année, des milliers de cravates et de paires de chaussures, Mohammed s’habille chez les plus grands tailleurs juifs du monde. Certains couturiers, comme Smalto, se rendent régulièrement au Maroc pour renouveler sa garde-robe.

    La  » simplicité  » des grands hôtels internationaux ne lui sied guère.  » Quand il s’est rendu au sommet de la francophonie au Canada, en 1999, il a demandé à être logé à part. Lui et sa cour sont arrivés dans trois Airbus. Il a pris  la résidence des chefs d’État pour lui seul. Tout cela pour ne rester que vingt-quatre heures « , raconte un observateur. À l’instar d’Hassan II, il est un roi nomade. Il réside à Rabat, Agadir, Skhirat et dans les multiples palais dont il dispose.  » Au cours de ses incessants déplacements, Hassan II ne se séparait jamais de ses ministres. En revanche, Mohamed donne l’impression de voyager pour fuir le travail et les rudesses du pouvoir « , souligne Tuquoi. Il n´est vraiment à l’aise qu´à l’ombre de ses palais. Il adore égalament – comme Sakozy – prendre des bains de foule.   Après Hassan, il continue la tradition du baise-main.  ‘

    Un Marocain sur deux est analphabète. Un Marocain sur cinq végète en dessous du seuil absolu de pauvreté, avec moins d’un dollar par jour. 70 % des jeunes rêvent de  quitter le pays.  Nous sommes toujours noyés dans la corruption, la gabegie et l’inertie de l’administration. Mohammed VI continue à pratiquer le même  despotisme que celui de son père.

    Au Maroc, c’est la stagnation totale. Le pays est dirigé par une élite de quelques familles le plus souvent d´origine juive qui sont prêtes à tout pour défendre leurs intérêts. Aujourd’hui, la déception est à la mesure de l’espoir né à la mort d’Hassan II.

    Aucune de nos institutions traditionnelles, ni le Parlement ni les partis politiques ni même la monarchie, n’a sérieusement entrepris le travail nécessaire de reconstruction.

    Source : Blida Eveil

    Tags : Maroc, Mohammed VI, Hassan II, Médiouri, Gilles Pérault, Jean-Pierre Tuquoi,