Étiquette : Hirak

  • Maroc : Deux militants rifains condamnés à des peines de 30 mois à 3 ans de prison.

    Le tribunal de première instance de la ville d’Al Hoceima (nord du Maroc) a condamné lundi le militant rifain Achraf El Bakali à 30 mois de prison pour, entre autres charges, avoir participé à des manifestations pacifiques du Mouvement populaire du Rif.

    Dans la même journée, la Chambre de première instance de la Cour d’appel de la même ville a condamné à trois ans de prison le militant Mourad Orahou du Rif pour les mêmes accusations, à savoir sa participation aux manifestations.

    Pour rappel, les protestations sociales du mouvement populaire du Rif ont éclaté en octobre 2016 après l’assassinat du marchand de poisson Mohsin Fikri, qui a été écrasé à mort dans un camion à poubelle après que les autorités aient saisis sa marchandise.

    La campagne de répression qui s’en est suivi dans le but de mettre fin aux manifestations et éteindre la colère populaire a eu comme résultat l’emprisonnement de plus de 872 militants, dont une grande majorité de la ville d’Al Hoceima, pendant que les faux procès et les condamnations se poursuivent jusqu’à nos jours.

    Tags : Maroc, Rif, Hirak, Makhzen, répression, Mohcine Fikri,

  • Maroc : De la prison d’Okacha, Mohamed Jalloul exprime sa solidarité avec le combat des enseignants

    De la prison d’Okacha, le militant Mohamed Jalloul a envoyé une lettre de solidarite avec les enseignants qui se battent au Maroc pour leurs droits légitimes.

    Texte :

    Depuis le centre de détention, j’aimerais d’abord féliciter le secteur de l’enseignement qui a été contraint d’embrasser la responsabilité de défendre l’école publique dans une conjoncture très délicate et sensible, dans laquelle l’État tend à se soustraire de sa responsabilité envers un secteur important et vital.

    Je déclare aussi ma solidarité de principe et inconditionnelle avec les enseignants qui ont été forcés au travail contractuel dans leur bataille juste et légitime en vue d’être intégrés dans la hiérarchie de la fonction publique dans des conditions d’égalité avec leurs confrères dont les contrats sont à durée indéterminée dans le secteur de l’éducation.

    Je ne peux que condamner fermement toutes les pratiques répressives et immorales à leur égard.

    Je renouvelle, enfin, mon soutien et ma solidarité à toutes les batailles justes et légitimes que les travailleurs de l’enseignement, toutes catégories confondues, mènent pour défendre la dignité du professeur et de l’école publique.

    Que Dieu vous préserve sur la voie de la lutte

    Tags : Maroc, Hirak, Rif, Mohamed Jalloul, Enseignement, enseignants contractuels,

  • Maroc: Biographie d’Abdelkrim Al Khattabi

    Né vers 1882 à Ajdir, Maroc et mort le 6 février 1963 au Caire, Egypte. Membre du Rif et icône de la lutte anticolonialiste marocaine contre la France et l’Espagne, notamment lors de la Guerre du Rif1.

    Jeunesse et parcours éducatif.

    – Fils d’un cadi(2) rifain, Abdelkrim a passé sa jeunesse dans les zaouïas traditionnelles, les écoles espagnoles puis l’université de Fès, pour terminer son éducation en Espagne (études des mines et technologie militaire). Il devient un temps journaliste au quotidien de Melilla où il « prêchait » pour la laïcité et la coopération avec les occidentaux. Il est finalement nommé cadi chef de Melilla en 1915.

    Vers la guerre du Rif.

    – Malgré ses positions pro-occidentales, il s’oppose à la domination espagnole, ce qui lui vaut l’emprisonnement dès 1917. Dès 1919, après son évasion, il travaille à apaiser les tensions entre tribus du Rif afin de
    former une République du Rif indépendante.

    – Mais ce n’est qu’en 1921 que le combat armé débute. Il informe les troupes espagnoles que franchir le fleuve rifain Arnekran serait considéré comme acte de guerre, ce que le général espagnol préfère ignorer ; 179 Espagnols sont ainsi tués, les autres menés en retraite. Malgré d’autres escarmouches, le général continue de défier le Marocain qui vainc les troupes espagnoles à la tête de 3000 hommes à la bataille d’Anoual3.

    – Fort de son succès, Abdelkrim proclame en 1922 la République confédérée des Tribus du Rif. Cette république eut un impact crucial sur l’opinion internationale, car ce fut la première république issue d’une guerre de
    décolonisation au XXe siècle. Il créa un parlement constitué des chefs de tribus qui lui vota un gouvernement (création monnaie, banque d’état, justice moderne et indépendante, infrastructures routières, téléphoniques, télégraphiques, irrigation, sécurité, écoles).

    – En 1924, l’Espagne retire ses troupes de ses possessions de la côte marocaine. La France, voulant s’emparer du Rif méridional, entre dans le conflit. Abdelkrim demande au sultan Moulay Youssef de se joindre à lui, mais sans succès, du fait des pressions françaises.

    – Dès 1925, Abdelkrim combat les forces françaises dirigées par Philippe Pétain et une armée espagnole commandée personnellement par Miguel Primo de Rivera. Au bout d’un an, ces troupes furent victorieuses.

    Abdelkrim se constitue alors prisonnier, voulant épargner ainsi les civils, mais les Occidentaux, voulant punir un tel soulèvement, bombardent les villages à l’ypérite4.

    L’exil.

    – En 1926, Abd el-Krim est exilé à la Réunion. Il reste jusqu’en 1929 à Saint-Denis, puis se rend dans l’ouest de l’île.

    – En mai 1947, il reçoit l’autorisation de s’installer dans le sud de la France, et embarque à bord d’un navire des Messageries Maritimes à destination de Marseille. Arrivé à Suez où le bateau fait escale, il réussit à s’échapper etpassa la fin de sa vie en Égypte, où il présidera le « Comité de libération pour le Maghreb arabe ».

    Bibliographie :

    Courcelle-Labrousse V. et Marmié N., La guerre du Rif : Maroc 1921-1926, Seuil, Paris, 2009.

    1921-1926 : guerre coloniale opposant les tribus rifaines contre les armées espagnoles (et français dès 1925).

    2) Juge islamique.

    3) Juillet 1921 : première défaite d’une puissance coloniale depuis la fin du XIXe siècle. Pertes espagnoles : 16 000 soldats, 150 canons, 25 000 fusils, 24 000 blessés et 700 prisonniers.

    4) Gaz moutarde, du nom de la ville d’Ypres en Belgique.

    Tags: Maroc, Hirak, Rif, Guerre du Rif, France, Protéctorat, colonialisme,

  • Maroc-Rif: Lettre adressée par Abdelkrim aux Chefs d’Etat des grandes puissances européennes et à la Société des Nations à Genève le 6 septembre 1922.

    Aux nations civilisées

    Nous avons déjà adressé des communications aux ambassadeurs de certaines puissances à Tanger, en leur exprimant nos griefs à l’égard de l’Espagne et nous ignorons si notre correspondance vous est parvenue. Aujourd’hui, nous faisons appel encore une fois à vos sentiments humanitaires et nous vous demandons d’agir pour le bien-être de l’humanité entière indépendamment de toute religion ou de toute croyance. Il est temps que l’Europe, qui a proclamé au XXème siècle sa volonté de défendre la civilisation et d’élever l’humanité, fasse passer ces nobles principes du domaine de la théorie à celui de la pratique ; il est temps qu’elle se dresse pour défendre les humiliés contre les agresseurs et qu’elle défende, face aux puissants, les droits des faibles que leur sens traditionnel de la dignité ne peut mener, sans apport de secours extérieurs, qu’à une seule fin : l’autodestruction.

    Le Rif est actuellement le théâtre d’une guerre, une guerre injustifiée aux yeux du seigneur, qui causera la destruction inutile de beaucoup d’Espagnols et de Rifains.

    Les Espagnols croient que l’Europe les a chargés de réformer et de civiliser le Rif. Mais les Rifains demandent : » Est-ce que la réforme consiste à détruire des maisons en utilisant des armes interdites, est-ce qu’elle consiste à s’ingérer dans la religion d’autrui ou à usurper ses droits ? Ou bien n’est-elle qu’un mot pour désigner l’annexion de la terre des autres sous couvert de protection ? L’objectif de la protection est de préserver les droits et de protéger les sujets en question, et l’Europe peut constater à l’heure actuelle que nous avons besoin de quelqu’un qui nous protège contre l’agression de ce pouvoir qui s’attaque à notre liberté, notre indépendance, notre honneur et nos femmes.

    Le soulèvement du Rif est le résultat de l’oppression et des abus de pouvoir par des jeunes Espagnols placés ici à des postes de commande. Ils ont autorité même sur les grands docteurs Musulmans, les fonctionnaires civils et les troupes indigènes ; c’est ainsi qu’ils ont commencé à prendre possession de la terre et des gens – ce qui nous rappelle les temps de la barbarie -, mais par le simple fait de porter le nom d’Européens, ils prétendent être des gens civilisés, alors qu’en réalité, loin d’être des réformateurs ou des protecteurs, ils ne sont que des conquérants aveugles.

    Le Rif a mené une existence libre et ses hommes sont sacrifiés actuellement dans la défense de leur liberté et de leur religion.

    Le Rif ne s’oppose pas à la civilisation moderne ; il n’est pas non plus opposé aux projets de réforme ni aux échanges commerciaux avec l’Europe. Le Rif aspire à l’établissement d’un gouvernement local : c’est un point fondamental pour la protection de ses propres droits ainsi que des droits des étrangers, conformément aux clauses des accords commerciaux qui lient les puissances européennes aux puissances d’Afrique occidentale. Mais le Rif ne veut pas que les rênes du pouvoir soient aux mains d’hommes qui reçoivent de l’or étranger en paiement de leur autorité et de leur patriotisme, qui livrent la terre et ses habitants à ceux qui leur offrent de l’argent et qui ne se soucient que de veiller à leurs seuls intérêts personnels. Ces hommes, sous le couvert de titres divers qui leur ont été conférés, ne sont à l’heure actuelle que les instruments des intérêts des Espagnols, et n’ont aucun égard pour la loi islamique et pour les coutumes nationales.

    Le Rif est soucieux d’établir un système de gouvernement pour lui seul, qui dépende uniquement de sa propre volonté ; il veut établir ses propres lois et ses traités commerciaux afin d’être le protecteur de ses droits sur le plan intérieur et international. L’Europe ne peut refuser un gouvernement de ce genre, tant qu’il ne s’oppose en aucune façon aux droits des Européens ou aux réformes ou à la civilisation.

    L’Europe entend qu’il existe au Rif un soi-disant « Khalife » avec un « Protectorat espagnol » et des « Protecteurs ». Elle peut donc penser que ceux-ci sont établis constitutionnellement et qu’ils gouvernent en toute justice. Il n’en est rien.

    Le Rif a déjà fait appel à l’aide de ceux qui en Europe ont un sens de la justice, il a adressé une communication aux représentants des puissances, et il se trouve encore en armes pour chasser les destructeurs, dans l’attente d’une réponse des nations civilisées. Si celles-ci interviennent, et règlent le problème d’une manière satisfaisante pour le Rif et protègent les droits des deux parties, le Rif aurait alors la certitude que ces réclamations en faveur de l’humanité et de la civilisation étaient bien fondées; mais si elles se tiennent à l’écart et ne convoquent pas une conférence à laquelle les chefs du Rif seraient invités pour établir le bien-fondé de leurs déclarations et se charger d’exécuter tout accord conclu, il sera clair que l’Europe ne cherche qu’à lutter contre tout le monde Musulman avec n’importe quelles armes et par n’importe quel moyen.

    Cependant, nous ne pouvons pas penser que la conscience de ceux qui tiennent les rênes politiques du monde civilisé, qu’ils soient Présidents ou Princes, puisse accepter avec sérénité une telle ignominie ; nous entendons ici particulièrement les pays que des liens solides unissent au monde de l’Islam. C’est le temps lui-même qui comblera ou détruira nos espoirs et l’opinion des justes estimant le moment venu nos espoirs à leur vraie valeur.

    Quel était le but de l’Europe en réunissant la conférence d’Algésiras ?

    Cherchait-elle à établir la loi et l’ordre, à promouvoir le bien public et garantir la prospérité économique ? Si le motif était bon et exempt de toute convoitise ou de toute visée politique ou militaire (comme nous croyons qu’il le fut sans aucun doute), il répond exactement aux vœux du Rif. Le Rif n’a aucune objection d’aucune sorte à ces conditions. Tout ce qu’il veut est de se débarrasser de l’oppression espagnole, de l’agression militaire et établir son propre gouvernement local, avec une administration qu’il contrôlera lui-même.

    Est-ce que l’Europe trouve dans ce souhait quoi que ce soit de nuisible à ses intérêts ou une atteinte aux droits de ses communautés ? Y a-t-il quelque préjugé racial ou national qui l’oblige à fermer les portes de ses cercles politiques à ceux qui souffrent sous le joug espagnol ? Si l’Europe n’est pas prête à entendre les doléances du Rif et si elle considère que celles-ci sont loin de la vérité, laissons-la découvrir la vérité par la bouche des Espagnols mêmes, par ceux qui ont déclaré à leur parlement qu’il était nécessaire de se retirer à cause de leur échec et des outrages commis par les soldats et d’autres éléments, qui ne leur ont pas permis d’apaiser l’indignation et la colère du Rif.

    Voici les doléances que nous vous adressons ouvertement, ô, nations civilisées de l’Europe ! Que la paix soit sur vous !

    Source: Espana y el Rif, Maria Rosa de Madariaga.

    Tags: Maroc, Rif, Hirak, Abdelkrim El Khattabi, Guerre du Rif, colonialisme,

  • L’Emir Abdelkrim Al-Khattabi : de la lutte contre l’impérialisme à la construction de l’union maghrébine.

    La lutte de Muhammad Ben Abdelkrim Al-Khattabi contre les forces impérialistes franco-espagnoles a eu lieu au moment même où règne partout dans le monde arabe une effervescence de la renaissance arabe (An-Nahada). Elle s’inscrit dans le cadre des luttes anticoloniales menées par les peuples colonisés du sud et d’Orient, et plus particulièrement les révoltes arabes contre les accords de Sykes-Picot (en 1916). Elle est le symbole des luttes pour l’indépendance et l’autodétermination des peuples à disposer d’eux-mêmes.

    L’action révolutionnaire de l’Emir Abdelkrim Al-Khattabi suscita l’enthousiasme et un soutien authentiques aux quatre coins du monde : l’Emir Al-Khattabi devint une icône pour toute une génération de révolutionnaires assoiffés de liberté et d’indépendance. Il ne fut pas uniquement cet habile stratège rifain qui combattit l’impérialisme occidental à partir de la région du Rif, mais il fut l’unificateur des luttes menées au nom d’un Maghreb uni et indépendant. Il est le fondateur de la guerre moderne anticoloniale du XXe siècle, son combat servira de modèle à toutes les guerres d’indépendances futures.

    Le Maroc, comme bien d’autres pays dans le monde, fut la proie des prédateurs impérialistes qui lorgnaient sur ses ressources minières (phosphate, zinc, plomb, fer, cobalt, cuivre, barytine, charbon , argent…) et convoitaient son littoral. Il sera soumis à un double protectorat français et espagnol en 1912 parachevant ainsi la mise sous tutelle du Maroc dont les prémices remontent au XVe siècle.

    C’est contre ce colonialisme que l’Emir Abdelkrim va s’insurger et combattre tour à tour les espagnols au nord, les français au sud et une coalition franco-espagnole appuyée et soutenue par les puissances occidentales notamment la Grande Bretagne.

    Le 21 juillet 1921, l’Emir Abdelkrim inflige une défaite monumentale à l’armée espagnole suréquipée lors de la mythique bataille d’Anoual. 3000 rifains font face à plus de 100 000 hommes ; la bataille se solde par une véritable débâcle dans le camp espagnol : 16 000 soldats tués, des milliers de blessés et des centaines de prisonniers, 20 000 fusils, 400 mitrailleuses, 200 canons passeront entre les mains des moudjahidines du Rif . L’Espagne vient de perdre le terrain qu’elle avait gagné par des années de guerre. Le général espagnol Fernandez Sylvester se donnera la mort à la suite de la déroute; à Madrid le gouvernement tombe. L’hécatombe est telle que la Société des Nations parle du « cataclysme marocain ». C’est aussi cette guerre du Rif qui provoquera l’ascension de Franco au pouvoir (en février 1926, alors qu’il n’a que 34 ans, il sera le plus jeune général d’Europe).

    La bataille d’Anoual marque un tournant historique décisif dans les luttes anticoloniales : c’est la première fois qu’une armée impérialiste est mise en échec de façon aussi foudroyante. Un historien déclarera : « c’est l’un des plus effroyables désastres enregistrés au cours des entreprises coloniales européennes en Afrique. ».

    Très vite cette victoire dépasse les limites du Rif pour se propager à l’ensemble du Maroc où chaque marocain se sentit rifain. L’aura de l’Emir Abdelkrim s’étendra à l’ensemble du Maghreb et du monde arabe et plus largement encore jusqu’en Indochine où Ho Chi Minh reconnut en Abdelkrim Al-Khattabi son frère d’armes : il le voyait comme « le précurseur de la guerre populaire moderne. »

    Dans un monde marqué par les préjugés racistes et ethnocentristes, la victoire d’Anoual était tout un symbole : elle eut des répercussions psychologiques et politiques immenses chez les peuples qui vivaient sous la domination et le joug colonial. La victoire d’Anoual représentait une victoire triomphale des peuples de « couleurs » exploités par les impérialistes sur une nation « blanche » ; c’était une revanche des pays colonisés et une humiliation de l’Occident arrogant.

    La victoire des moudjahidines rifains venait non seulement de mettre fin au mythe de l’invincibilité des armées occidentales mais elle inaugurait une technique de guerre qui allait faire le succès de toutes les guerres de libération du Tiers-Monde sous occupation coloniale : la guérilla.

    A ce propos, en 1971, recevant une délégation du Fatah, Mao Tsé-toung leur déclara : « Vous êtes venus pour que je vous parle de la guerre populaire de libération alors que, dans votre histoire récente, il y a Abdelkrim, qui est une des principales sources desquelles j’ai appris ce qu’est la guerre populaire de libération. Pourquoi donc avez-vous fait tout ce chemin alors que vous avez le Maitre : Abdelkrim ? »

    L’Emir Al-Khattabi réussit à unir et à mobiliser toutes les tribus du Rif sous son commandement et sous le mot d’ordre de la lutte pour l’indépendance. Il vainquit une armée impérialiste et proclama la création de la « République du Rif » qu’il dotera des institutions étatiques les plus modernes de son temps.

    Cette jeune république, la première dans le monde arabe, représentera alors une menace insupportable pour tous les belligérants :

    – d’une part pour le Makhzen et le sultan Moulay Youssef à qui Abdelkrim reprochait sa passivité, son manque de combattivité pour la libération nationale. En effet le sultan restera sagement sur son trône pendant que les français et les espagnols mèneront une guerre impitoyable au Rif. Le sultan percevait l’Emir Abdelkrim comme une menace pour son pouvoir royal.

    – d’autre part cela représentait pour les français un danger colossal : en effet le risque encouru était de voir les moudjahidines rifains embraser tout le Maroc et la guerre du Rif s’étendre à l’Algérie voisine. Il est vrai que chacune des victoires de l’Emir Abdelkrim sera accueillie par le peuple algérien comme étant la sienne et sa défaite finale aussi. De plus c’est après la reddition d’Al-Khattabi en 1926 que naîtra, à Paris, l’Etoile Nord-Africaine qui va organiser les travailleurs d’origine maghrébine dans un cadre de lutte commun avec comme programme : la libération de l’ensemble des trois colonies du Maghreb. L’idéologie et le programme de cette Etoile Nord-Africaine s’inspire du combat anticoloniale d’Abdelkrim et de ses mots d’ordre unificateur.

    Abdelkrim poursuit son combat tous azimuts contre les troupes françaises qu’il harcèle de toutes parts : au 20 juillet 1925, les pertes françaises s’élève à près de 6 000 hommes. Face à cette déroute, le général Hubert Lyautey sera contraint de démissionner. Le maréchal Philippe Pétain, partisan d’une guerre agressive et sans merci, prendra le relais.

    Une coalition franco-espagnole se mettra alors en place mobilisant une armée d’un demi-million d’hommes. De partout dans le monde occidental, on veut s’engager pour croiser le fer avec les moudjahidines du Rif. Les Etats-Unis participeront activement à la guerre du Rif avec leurs escadrons de la mort.

    La guerre du Rif était devenue le moyen de préserver la suprématie de l’homme blanc et les Empires coloniaux occidentaux en luttant brutalement contre la population rifaine.

    Charles Willoughby, (1892-1972) major général de l’armée des États-Unis, publia un article en août 1925 où il écrit : « Une foule d’hommes noirs et de couleurs avait été précipitée contre des hommes blancs, d’Ypres jusqu’à Bagdad, théâtres d’opérations sur lesquels ils avaient appris à les tuer. Les races assujetties avaient découvert une étrange vérité : les suzerains blancs, ces insondables maîtres de leurs destinées, s’étaient opposés les uns aux autres. Les demi-dieux avaient chu de leurs piédestaux séculaires et avaient été réduits à des fragments d’argile. […] Il y a peu de temps encore, les Empires coloniaux étaient fondés sur une légende, la légende de l’invincible homme blanc. Il n’est pas bon de détruire ce mythe, de toucher au piédestal sur lequel reposait le demi-dieu depuis tant de siècles.[…] Seule une guerre agressive, conduite jusqu’au cœur de leur pays par des expéditions punitives incendiant les villages, détruisant les réserves de blé et dispersant les troupeaux, pourrait accomplir la subordination des tribus rebelles. »

    Pour se faire, Willoughby suggéra l’utilisation de chars, de voitures blindées, de lance-flammes et de gaz. Les Espagnols, aidés par l’armée allemande et l’industrie, construisirent des usines pour la fabrication de gaz en Espagne et au Maroc. Des milliers de tonnes de gaz moutarde furent ainsi répandus sur des villages marocains ce qui préfigurera les guerres coloniales contre-révolutionnaire à venir.

    Le Rif, comme aujourd’hui Gaza, sera soumis à un blocus meurtrier, la population sera pilonnée par un intense bombardement (3 000 tonnes par jour), l‘utilisation inhabituel du gaz moutarde fera des civils rifains les premières victimes gazés de l’histoire contemporaine (mais ce ne sont pas des juifs de l’holocauste – l’histoire n’en parle pas) : 150 000 est le nombre de victimes rifaines.

    Les armées impérialistes, suivant la logique coloniale de responsabilité collective, ne distinguèrent pas les objectifs militaires des objectifs civils. Les Rifains étaient collectivement responsables des revers des armées coloniales et devaient, de fait, être « punis » en conséquence. Cela contraste avec l’esprit humaniste et chevaleresque de l’Emir Abdlekrim Al-Khattabi qui affirmait la distinction qu’il faisait entre les troupes coloniales espagnoles qu’il combattait sans relâche, et le peuple espagnols avec qui il espérait établir des relations amicales : « Le Rif ne combat pas les Espagnols et ne ressent pas de haine envers le peuple espagnol. Le Rif combat cet impérialisme envahisseur qui veut lui ôter sa liberté à force de sacrifices moraux et matériels du noble peuple espagnol. (…) les Rifains luttent contre l’Espagnol armé qui prétend lui enlever ses droits, et cependant garde ses portes ouvertes pour recevoir l’Espagnol sans armes en tant que technicien, commerçant, industriel, agriculteur, et ouvrier »

    La coalition disposant d’un appui aérien américain et d’armes de destruction massive provoquera la capitulation de l’Emir Abdelkrim le 27 mai 1926, mais la pacification complète du Rif ne s’achèvera que 12 ans plus tard en 1934.

    Abdelkrim désormais prisonnier de guerre sera exilé sur l’île de la Réunion où il y demeurera jusqu’en mai 1947. Il réussira à prendre la fuite du navire qui l’emmenait en France pour trouver asile en Egypte et s’installe au Caire. Cette évasion suscitera l’enthousiasme des nationalistes arabes et l’effroi dans le camp franco-espagnol ainsi que pour le Makhzen qui est pris d’une sainte terreur rien qu’à l’idée de voir revenir au Maroc le moudjahid Abdelkrim Al-Khattabi.

    A partir du Caire, il continue son combat pour l’indépendance non seulement du Maroc mais de tout le Maghreb. Il en profitera pour diffuser ses thèses radicales anticoloniales. Il fonde, avec l’aide d’étudiants maghrébins, les commandos nord-africains qui avaient pour but de former des cadres militaires dans la perspective d’une insurrection généralisée des 3 pays du Maghreb. A côté de cet activisme militariste, l’Emir Abdelkrim cherchait à fédérer les différents mouvements nationalistes maghrébins en vue de coordonner la lutte anticolonialiste dans les 3 pays. C’est dans ces conditions qu’il créa, le 9 décembre 1947, le « Comité de Libération du Maghreb Arabe » qui affirmait clairement son identité arabo-islamique et se donnait pour objectif : l’évacuation des pays par les troupes d’occupations et la réalisation de leur indépendance totale et leur souveraineté nationale complète.

    Dans le Manifeste d’Abdelkrim du 5 janvier 1948, on peut lire : « Nous le faisons en vue de réaliser la coalition entre tous les partis du Maroc, de l’Algérie et de la Tunisie qui réclament l’indépendance et la constitution d’un seul front afin de poursuivre la lutte pour libérer nos pays du joug colonialiste. Au moment où les peuples travaillent pour assurer leur avenir, les pays du Maghreb arabe étudient attentivement les moyens de recouvrer l’indépendance dont ils ont été spoliés et leur liberté perdue. Il est donc du devoir de tous les dirigeants maghrébins de s’unir. Tous les partis de l’indépendance doivent également se coaliser et s’aider. Seule cette méthode nous permettra d’atteindre la réalisation de nos buts et de nos aspirations.

    Désormais, notre cause entre dans une phase décisive. Nous affronterons dorénavant les usurpateurs comme un seul bloc, se composant de 25 millions d’hommes rassemblés autour d’un programme et déployant leurs efforts vers un objectif unique : l’indépendance complète pour l’ensemble des pays du Maghreb arabe.

    Désormais, l’occupant colonialiste ne trouvera plus l’opportunité de contrecarrer notre résolution. Il ne sèmera plus de discorde entre nous, en exploitant la multiplicité des partis et les divergences d’opinion pour nous asservir et consolider ses positions dans nos pays.

    Nous considérons que, dans nos trois pays, notre cause est une seule et même cause. Nous affronterons le colonialisme, solidement unis. Nous n’accepterons aucune solution ne réalisant pas notre indépendance complète et notre souveraineté totale. »

    Même après la libération du Maroc en 1956, l’Emir Abdelkrim professait de la manière la plus radicale toujours les mêmes idées de solidarité intermaghrébine. Ainsi, le 4 mai 1956, il affirma son refus de voir la question de la décolonisation des 3 pays du Maghreb être traitée séparément : « Nous n’acceptons pas de solution de compromis en Algérie, au Maroc ou en Tunisie. Nous voulons l’indépendance totale ». L’Emir Abdelkrim était partisan d’une solidarité active avec la révolution algérienne qui devait être pour lui le prélude à une révolution maghrébine permettant d’unifier les trois pays. Lorsque la guerre d’Algérie tourne au carnage, il déclare en avril 1958 qu’il « ne mettra pas le pied sur le sol marocain avant le départ du dernier soldat français du Maghreb ».

    Même si sa préoccupation première était la libération du Maghreb tout entier de toute occupation militaire étrangère et la création d’un Maghreb sous la forme d’une « Union fédérale », son combat avait une portée internationale : à la demande de Ho Chi Minh, L’Emir Abdelkrim lance un appel à la désobéissance des troupes marocaines engagées en Indochine sous le drapeau français. « Choisissez le camp de ceux qui défendent la liberté et affrontent la mort pour l’indépendance dans le but de se libérer de ce que vous endurez vous-même de la part du colonialisme », ordonne l’Emir à ses compatriotes.

    A Cuba, Che Guevara, tenant en respect le génie tactique du héros rifain, avait été initié, avec Fidel et Raul Castro, aux actions de guérilla d’Abdelkrim Al-Khattabi par Alberto Bayo, un général espagnol d’origine cubaine, vétéran de la guerre du Rif, ayant combattu ensuite du côté républicain lors de la guerre d’Espagne. Ce sont ces hommes entraînés par le général républicain qui débarqueront à Cuba pour constituer le premier maquis castriste dans la Sierra Maestra en 1958 : “Bayo nous enseignait comment mettre en place une guérilla pour briser une défense à la manière des Marocains d’Abdelkrim face aux Espagnols”, a raconté Fidel Castro à Ignacio Ramonet (directeur de la rédaction du Monde Diplomatique, dans Cien Horas con Fidel ).

    Quant à la Palestine dès l’annonce de son partage, le 29 novembre 1949, Mohamed ben Abdelkrim Al-Khattabi leva une armée d’un millier de volontaires arabes et maghrébins qui sont allés combattre auprès de leurs frères palestiniens. Prenant de vitesse l’arrivée des volontaires armés des pays de la Ligue. Les leaders palestiniens, Yasser Arafat, Abou Jihad et autres ont pris source à l’enseignement des méthodes de guerre populaire du vainqueur de la légendaire bataille d’Anoual pour lancer leur mouvement de résistance dès janvier 1965. Les Palestiniens en formation militaire se voyaient distribuer des brochures sur les diverses techniques de guérilla dont celle sur Abdelkrim Al-Khattabi à laquelle était donnée la priorité.

    Mohamed ben Abdelkrim Al-Khattabi révolutionnaire sincère, affranchi de toute gangue idéologique qu’elle vienne de l’Est ou de l’Ouest, ennemi intraitable de la langue de bois aura un regard très critique face aux activistes nationalistes arabes auxquels il reproche leur arrivisme, leur affairisme et leur esprit de corruption. Il dénonce les contradictions flagrantes entre leurs discours et leurs actes. Il prendra ses distances avec eux, et deviendra un farouche opposant à Allal el-Fassi dont le parti Istiqlal truste tous les postes importants du jeune Maroc indépendant et fait main basse sur le pouvoir exécutif. Abdelkrim Al-khattabi restera hostile à la monarchie marocaine jusqu’à la fin de sa vie.

    Admirable dans le combat, noble dans la défaite, L’Emir Muhammad Ben Abdelkrim Al-Khattabi restera pour les marocains et pour tous les hommes épris de liberté et de justice un symbole de la lutte contre l’oppression. Il aura été l’un des inventeurs du nationalisme marocain, ou, plutôt maghrébin.

    Décédé loin de sa patrie le 6 février 1963 à l’âge de 80 ans, Nasser lui rendra hommage en organisant des obsèques dignes d’un chef d’Etat.

    Presque 100 ans après la guerre du Rif, le combat d’Abdelkrim contre le colonialisme, son projet révolutionnaire, son refus des concessions et sa vision unificatrice de la Nation arabe représentent toujours le symbole de la résistance contre le pouvoir monarchique qui œuvre depuis pour effacer et taire cette page de l’histoire marocaine.

    Aujourd’hui, il est de la responsabilité des peuples arabes et musulmans de puiser dans leur propre dynamique historique et de se réapproprier le modèle révolutionnaire que fût Abdelkrim al-Khattabi, afin de façonner leur action et leur projet de société de manière autonome et endogène. Il ne fait aucun doute que seule l’unité au sein de la nation arabe pourra être la source de l’émancipation des peuples et du développement économique au bénéfice de tous.

    Comité Action Palestine

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  • Maroc: Le mouvement rifain : état des lieux (Mars 2019)

    Aujourd’hui, le situation du mouvement populaire et pacifique rifain ne varie pas. C’est le statut quo ante qui prédomine. Rien ne bouge. C’est l’impasse. Cela oblige plus que jamais les soutiens au mouvement rifain de se réinventer.

    Dans la province d’Al Hoceima, le siège militaire, sécuritaire et policier est toujours d’actualité. Tout est sous contrôle. Tout est bouclé. La surveillance de tout le monde est de mise. Le pouvoir continue de sévir en toute impunité. Pire, le pouvoir est en train de , d’une part, tuer la vie à petit feu, forcer à l’exil la fine fleur de la population et de l’autre, sinistrer toute l’économie de la région. Autant dire, et c’est le sens que je peux donner à ces indices : Un nettoyage ethnique graduel, insidieux, systématique et programmé est à l’œuvre. Décidément, rien ne semble empêcher le pouvoir de poursuivre son œuvre.

    Objectivement, dans le RIF, le mouvement n’est plus à l’œuvre, pour ne pas dire qu’il n’existe plus, vraisemblablement, il couve toujours. En ce moment, la province d’Al Hoceima connait une accalmie. Les manifestations sont quasi nulles. En revanche, les causes qui ont déclenché le mouvement sont toujours là. Ceux qui animent cette actualité, sont, d’une part, les détenus politiques, de l’intérieur de leurs lieux d’incarcérations, et d’autre part, les communications régulières traitant du déroulement des procès en appel et les spéculations sur leur issue, et enfin, les actions de soutien de la diaspora. Par ailleurs, les réseaux sociaux se révèlent des outils indispensables d’activisme, et de socialisation. Ils sont investis massivement comme un espace public (Opinion publique, médias) où se tiennent publiquement des échanges citoyens, plus ou moins rationalisés, car non productifs, interminables et nuisibles parfois. Ce n’est pas une zone de non-droit, pour autant, il y a des risques de représailles du pouvoir qui peut réagir en poursuivant les auteurs de certaines publications déplaisantes. Cela représente, tout de même, un avantage de taille. La Toile est une source abondante de connaissances et de révélations, où beaucoup y prennent s’informer sur le terrain.

    Le terrain physique, quant à lui, est désinvesti, de crainte de rafles et d’arrestations abusives. Le droit fondamental, les libertés politiques constitutionnelles sont confisquées et le droit international est violé. Le déni est total. Une sorte d’ »apartheid » qui ne dit pas son nom. Comme tout le monde le sait, tout cela est prémédité. La mobilisation à l’international, quant à elle, ne faiblit pas

    Dans ce faisceau d’éléments, on discerne les signes d’un désir du pouvoir en place de laisser pourrir la situation en jouant la montre. Le pouvoir détient le monopole de la violence physique légitime. Ses agents sont autorisés à commettre les dépassements de toutes nature, et en toute impunité, et ce au nom de la sécurité et sûreté de la société. Les rifains sont ainsi accusés de vouloir renverser l’ordre dont il se dit le garant, d’où la sanction de leur insoumission. Dès le départ, sa réaction a été autoritaire et constamment dans la négation. Il me semble qu’il ne changera pas de sitôt. C’est délibéré, prémédité, et s’inscrit dans une stratégie savamment élaborée par les sécuritaires haut gradés du régime, et validée par la hiérarchie étatique. A rappeler que le roi est le dirigeant effectif du pays, loin de camper la fonction symbolique ou cérémonielle qu’on lui prête. En bref, le rapport de forces est en sa faveur et il reste maitre du jeu.

    Le mouvement, quant à, doit réaménager sa stratégie militante car le modèle qu’elle a adopte jusque-là, a atteint ses limites. A présent, ce statu quo et cette impasse ne font que s’éterniser, d’où la nécessité d’examiner cette configuration, et de construire un projet et des choix stratégiques. Dans ce sens, il faudra tâcher d’élever ce combat au lieu de le rétrograder.

    Pour que le mouvement et ses soutiens se maintiennent debout, il y a urgence à du sang neuf, revaloriser le combat et repousser ses horizons. C’est vital. Certes, le mouvement rifain est inépuisable, cependant il faudra penser à amorcer un nouveau tournant et un nouveau palier de nouvelles revendications. Plus concrètement, il faudra penser à remettre d’autres options au centre de l’agenda, élargir les perspectives et le répertoire d’actions. Si mouvement il y a, il doit être durable, il doit être motivé par une transformation globale du contexte rifain actuel, faute de cela, on risque d’esquiver l’essentiel.

    Par ailleurs, la logique de la compromission du sort des détenus politiques rifains, entretenue et martelée pendant à ce jour, se révèle une tactique fantaisiste, infondée, dénuée de base logique et rationnelle. Elle a servi pendant longtemps, pour certains, à neutraliser tout débat de fond et pour écarter les tenants des thèses dites « radicales » ou « extrémistes ». En effet, à un certain stade du processus du mouvement, certaines voix ont décrété que toute « radicalisation » du mouvement exposerait les détenus à des difficultés dans leur procès, les pénalisait, et alourdirait leurs peines. Mais ce que nous ignorons est que le sort des détenus et leur procès a été ficelé et scellé en amont..

    Ce que nous devons garder à l’esprit 

    Ne jamais renoncer, ne jamais désespérer. La cause rifaine est juste. Le mouvement | HIRAK est une dynamique sociale et politique, tout à fait normale et intervient dans la logique des choses.

    Le désenchantement du peuple rifain et le malaise sont réels, et il faudrait le reformuler correctement. Assez de tergiversations, d’irrésolution et d’indécision

    Il y a une vraie nécessité de changements structurels pour répondre à de nombreux périls qui nous guettent

    Le pouvoir marocain est illégitime, son contentieux avec le RIF est séculaire, il n’est pas inédit ; et n’est qu’un prolongement de l’Histoire

    La justice marocaine est une justice aux ordres, soumise à l’exécutif. C’est le palais, le cabinet du roi, qui détient l’essentiel du pouvoir et qui controle le sort des détenus

    On n’est jamais mieux servis que par soi-même. Il faudra réhabiliter le principe de « l’auto organisation » des masses à travers les comités populaires et des assemblées pour réaliser les objectifs en vue.

    Les corps intermédiaires en présence, dont les partis politiques marocains, sont faussés et impuissants. Ils sont animés par l’unique volonté de conquérir et d’exercer le pouvoir ( Le but naturel de tout parti politique).

    Cela dit, ils sont indispensables dans toute société. Il faudra penser à une stratégie pour développer ces institutions.

    Quelques recommandations fondées sur une synthèse des observations

    Quel qu’en soit les circonstances, l’attitude de la militance rifaine et leurs amis , doit rester immuable :

    Préserver le principe unificateur de l’action du mouvement : Le RIF au-dessus de toutes considérations.

    Faire primer le bien commun sur les intérêts personnels
    Continuer à agir pour obtenir la reconnaissance internationale, à exiger une enquête internationale indépendante. Chercher des mesures effectives.

    Agir pour mettre un terme à toute coopération entre l’union européenne et le Maroc. L’Europe contribue substantiellement à financer l’oppression des rifains

    Articuler la réflexion sur le temps court et le temps long

    Assainir le mouvement et promouvoir les bonnes pratiques. Poursuivre son combat quitte à coexister avec les « parasites ». Si la majorité décide de bannir cette minorité agissante, elle sera exclue et isolée de fait. C’est regrettable mais ce passage est nécessaire. Nous sommes en présence d’intérêts divergents. Par ailleurs, ces « trolls » frustrés du monde, ces esprits tristes, englués dans l’invective permanente, avec pour objectif de jouer les coqs, de mettre le bazar dans cet effort d’ordre et d’organisation, seront jugés par l’Histoire.

    Chercher un socle commun, rapprocher les points de vue, et trouver une convergence sur les questions essentielles, et une coopération minimale.
    Définir les principes élémentaires de la vie publique et la vie politique rifaine pour renforcer la démocratie interne des institutions, des individus et accroître leur crédibilité aux yeux du public

    Respecter le pluralisme. Que les forces qui veulent s’organiser indépendamment, le fassent en toute liberté. Le mouvement rassemble des profils divers, des polarités différentes, et des rifains de tous bords politiques. Cela ne fragilise en aucun cas le mouvement, tout au contraire, cela le renforce.

    Promouvoir des principes démocratiques : l’égalité, le dialogue, la coopération et la transparence.

    Améliorer la maitrise de la communication politique. Apprendre à communiquer correctement et fidèlement sur le mouvement et répandre ses idées vers un public plus large

    Dégager une conception de ce que l’on veut, et prendre des engagements clairs.

    Aller en rang dispersé, nous ferait perdre non seulement en efficacité, mais surtout, nous perdrons la force de frappe que représente Notre rassemblement.

    Enfin, j’attire l’attention sur les effets de la délocalisation du combat à mener, du RIF vers la diaspora.

    Le mouvement n’a cessé d’évoluer et d’agréger de nombreuses revendications.

    Si la revendication intiale était de faire toute la lumière dans l’assassinat du Mohcine FIKRI, il y a eu par la suite un ensemble de revendications qui se sont greffés à la premiere dont la levée du dahir qui remonte à 1958 et décrète la province d’al Hoceima une zone militaire, et d’autres revendications socio-économiques et culturelles : une infrastructure hospitalière, dont un hôpital oncologique, une université, la lutte contre la corruption, le développement de la région , la lutte contre l’expropriation des terres etc… Après les arrestations des manifestants, les revendications ont été déviées vers la réclamation de la libération immédiate et inconditionnelle des détenus politiques rifains.

    Aujourd’hui on en est à dénoncer et à condamner les mauvais traitements des détenus politiques rifains, c’est là qu’une déviation s’opère, on détourne le sens du mouvement, on rétrograde le combat pour focaliser sur des détails au lieu de pointer toute la structure. Ces mauvais traitements sont consubstantiels à l’Etat makhzenien. Un état de non droit. Derrière les interrogations de ces aspects des choses, se cache un problème politique très important : celui de la définition de l’Etat.

    Le fait diasporique rifain a besoin d’être institutionnalisé

    L’actualité nous persuade définitivement que l’organisation des de la diaspora rifaine en un modèle institutionnel général, et en un corps politique viable, et plus ou moins élaboré. Il doit constituer notre principal atout. Après des décennies de tâtonnements, il est temps d’avoir une approche globale du fait diasporique rifain et mettre en place des institutions, à la fois pour :

    Défendre ses intérêt

    Sauvegarder la langue et la culture rifaine

    Contribuer à une meilleure intégration des rifains dans leur pays d’accueil.
    Gagner en capacité d’influence, pour négocier, séduire et convaincre
    Pour ce faire, rien n’est plus simple que d’exploiter et mettre en œuvre des connaissances portant sur la structuration de l’identité rifaine à l’étranger.

    Les institutions auront pour mission de réguler les pratiques des groupes issus de la diaspora rifaine en contexte européen, dont le rôle sera de défendre ses valeurs, ses objectifs, ses intérêts, et ceux de ses citoyens. Elles fonctionneront en étroite collaboration avec les gouvernements et les administrations locales.

    Une Assemblée populaire, démocratique et représentative des Rifains Expatriés (RE)

    Des ONG de défense des droits humains pour faire connaître à l’opinion occidentale le sort des rifains, celles qui doivent agir dans l’humanitaire, des actions d’aide et de développement, et des associations diverses.

    Des médias d’information de qualité pour relayer un AUTRE regard sur le RIF

    Un festival annuel pour promouvoir l’art et la culture rifaine

    Une cellule d’Information, de documentation et de promotion de la culture rifaine visant à donner un nouvel essor à la langue écrite, à la littérature et à la musique

    Promouvoir un réseau d’entrepreneurs et d’investisseurs pour explorer le potentiel économique et de développement dans le RIF

    Mieux canaliser les retombées des transferts d’argents des migrants rifains vers le RIF et les mobiliser pour financer l’économie du RIF. Cela passe par la mise en place d’une banque d’investissement de la diaspora.

    Travailler sur un projet d’Institut de la statistique et des études économiques et démographiques avec pour mission de collecter, produire, analyser et diffuser des données sur la diaspora rifaine.

    La méthodologie qui sera adoptée au sein de ces institutions, est celle des règles de la démocratie élémentaire. Ces institutions vont agir comme un ensemble d’éléments en interaction, regroupés au sein d’une structure pilote ayant un système de communication pour faciliter la circulation de l’information, dans le but de répondre à des besoins et d’atteindre des objectifs spécifiques.

    Source : Blog de Rachid Oufkir, 8 mars 2019

    Tags : Maroc, Rif, Hirak, répression, diaspora,

  • Les banques du Maroc en Europe et à Al Hoceima ferment en raison du boycott rifain

    Selon le site Arif News, la sucursale de la Banque Chaabi à La Haye a fermé ses portes en raison du boycott mené par la communauté rifaine en Europe.

    La seule sucursale de la Banque Chaabi qui reste aux Pays Bas se trouve à la capitale, Amsterdam.

    « On savait déjà depuis un certain temps que les banques marocaines en Belgique et aux Pays-Bas n’allaient pas bien. « Des sources de la Banque Chaabi, elle-même, ont déclaré à plusieurs reprises à Arif News que l’entreprise est confrontée à des problèmes en raison du boycott d’une partie des Rifines en signe de protestation contre la répression marocaine au Rif », ajoute la source.

    « Hier, il a également été annoncé que les agences bancaires marocaines ferment leurs portes dans la province d’Al Hoceima », conclue la mème source.

    L’économie du Makhzen a été sérieusement touchée par les campagnes de boycott. Danone, Afriquia et Sidi Ali ont connu une baisse considérable de leurs chiffres d’affaires depuis qu’une bonne partie des marocains boycottent leur produits.

    Tags : Maroc, Hirak, Rif, Banque Chaabi, Banque Populaire, boycott,

  • Maroc: Al Bouchtaoui, l’avocat du Rif obtient l’asile politique en France

    Rabat, 6 mars (EFE) – Les autorités françaises ont accordé l’asile politique à l’avocat et militant et actividte rifain Abdesadeq Al Bouchtaoui, condamné au Maroc à deux ans de prison pour avoir participé à la révolte sociale dans la région du Rif au nord du Maroc en 2017.

    Al Bouchtaoui a déclaré aujourd’hui à Efe qu’il a reçu « avec joie et satisfaction » la décision du gouvernement français de lui accorder l’asile politique en France le 13 février, ainsi qu’à son épouse et à leurs trois enfants.

    « Ma famille a subi à mes côtés les mêmes pressions et le même harcèlement qui ont même conduit à des menaces de mort pour avoir défendu les droits de l’homme au Maroc « , a-t-il dit.

    En outre, il a ajouté que les autorités françaises ont décidé de lui accorder, ainsi qu’à sa famille, un permis de séjour de dix ans et qu’il poursuivrait son action en faveur des droits de l’homme dans la région du Rif et dans le reste du pays.

    Le 8 février, le tribunal de première instance d’Al Hoceima, dans le nord du Maroc, a condamné Al Bouchtaoui à 20 mois de prison pour, entre autres,  » humiliation de fonctionnaires et d’agents de sécurité  » et pour  » organisation d’une manifestation non autorisée « .

    La peine a même été portée à deux ans en avril, mais entre-temps, l’avocat s’était enfui avec sa famille en Europe, profitant du fait que la peine de première instance était encore provisoire.

    L’avocat est le visage le plus médiatique de la défense de centaines de militants rifains arrêtés et jugés devant les tribunaux marocains pour leur participation aux manifestations qui ont éclaté dans la région du Rif fin 2016 et ont duré plusieurs mois.Rabat, 6 mars (EF

    Après la décision de l’Etat marocain de recourir à des moyens répressifs pour mettre fin à la révolte du Rif, des dizaines de militants locaux se sont réfugiés, légalement et clandestinement, dans des pays européens, bien que le nombre de ceux qui ont obtenu un refuge politique soit encore très réduit. EFE

    Tags: maroc, Rif, Hirak, Abdessadeq Al Bouchataoui, asile,

  • Maroc : « La civilisation devrait tendre à libérer les peuples au lieu de les asservir » (Abdelkrim El Khattabi)

    Déclaration d’Abdelkrim El Khattabi dans un une gazette française:

     » Je déclare que, lorsqu’on me reproche de faire la guerre sainte, on commet une erreur, pour ne pas dire plus. Le temps des guerres saintes est passé; nous ne sommes plus au Moyens-Age ou au temps des Croisades. Nous voulons simplement être et vivre indépendants et n’être gouvernés que par Dieu.

    Nous avons un vif désir de vivre en paix avec tout le monde et avoir de bonnes relations avec, car nous n’aimons pas faire tuer nos enfants. Mais pour arriver à ce but désiré, à ces aspirations, à cette indépendance enfin, nous sommes prêts à lutter contre le monde entier s’il le faut. (…) Il n’est pas douteux pour moi que la France désire faire la conquête du Rif; immédiatement peut-être, peut-être encore dans un délai quelconque, mais telle est sa volonté.

    La France attendra une occasion mais, je le répète, je suis convaincu qu’elle a un vif désir de conquérir le Rif. (…) Le Parti colonial veut nous asservir, sans tenir compte des droits d’un peuple à disposer de lui-même et à l’époque où l’on prétend être arrivé au summum de la civilisation. Cette civilisation devrait tendre à libérer les peuples au lieu de les asservir (…).

    (…) En vous parlant du Rif comme je le fais, j’ai voulu vous montrer que nous avions conscience de nous-même et que nous avons toujours manifesté le vif désir de vivre en paix, surtout avec la France. Je lisais dernièrement dans un journal français une interview de Primo de Rivera qui s’exprimait ainsi : « Abd-el-Krim n’est ni fanatique, ni partisan de la guerre, ni nationaliste. » C’est en partie exact. Je ne suis pas fanatique, car, tout en étant fier d’être musulman, la religion que professent les autres ne m’intéresse pas.

    Il est exact aussi que je n’aime pas la guerre, mais par, nationaliste, je le suis. La seule chose qui nous importe aujourd’hui, ce n’est pas l’existence d’un Sultan au Maroc, mais l’indépendance entière, sans réserve, du malheureux peuple rifain qui est prêt à se sacrifier avec honneur pour la réalisation de ce but.

    Personnellement, je n’ai aucune ambition, je n’aspire ni au sultanat, ni au pouvoir absolu. Si je suis une gêne, je suis prêt à disparaître pour laisser la place à un autre. Je le déclare solennellement, mon plus grand désir, mes aspirations les plus élevées tendent vers la paix et, pour arriver à ce résultat, il n’y a qu’un seul moyen logique : Que la France reconnaisse l’indépendance du Rif. »

    Déclaration d’Abdelkrim dans L. Gabrielli, Abd-el-Krim et les Evénements du Rif, pp. 85-89, Editions Atlantides, Casablanca, 1953, Plon, Paris.

    Tags : Maroc, Rif, Hirak, Abdelkrim El Khattabi, colonialisme, protectorat,

  • Maroc: Quand le Makhzen manipule Ahmed Zefzafi contre les républicains rifains

    « Lettre ouverte » à M. Ahmed Zafzafi

    Avant tout je vous demande de rester chez vous et de ne pas vous rendre ni à Paris à la fête de l’Humanité ni à Den Haag faute de quoi,vous devrez assumer vos responsabilités devant toute une nation, tout un peuple mais le plus dur pour vous sera de faire face à votre fils Nasser.

     Depuis le début du hirak en Europe, tout le monde était mobilisé et nous étions tous sur la même longueur d’ondes: les revendications sociales et économiques.

    «L’Etat» n’a pas voulu répondre favorablement aux revendications, pourtant légitimes, de toute une région et a décidé de régler le problème à sa façon, la manière forte, la violence, les kidnappings, le vol, la seule réponse que nous avons depuis que nous sommes en conflit avec cet «état».

    « L’Etat » a décidé de s’en mêler et à infiltrer le Hirak en usant de plusieurs ruses que nous, républicains Rifains, avons déjoué.

    Nous avons tout tenté pour trouver une issue à ce problème qui nous ronge autant que vous.

    (Je passe certains passages douloureux et vais aller droit au but)

    Vous êtes la dernière carte que cet « Etat » criminel peut jouer, ayez un peu de jugeote, ça serait triste de finir sur une mauvais note et ainsi manquer l’occasion de contribuer à l’écriture de notre histoire qui s’écrira avec vous ou sans vous.

    Nous sommes Rifains aussi vrai que vous êtes le père de Nasser, nous défendons notre terre contre cette bande de voyous à qui vous tendez la main afin de nous mettre hors jeu.

    Je vous redemande encore une fois de rester chez vous, de défendre votre fils depuis Al hoceima, ne prenez pas la défense d’un groupe plus que celle d’un autre et laissez les rifains qui vivent à l’étranger se débrouiller entre eux.

    Source

    Tags : Maroc, Rif, Hirak, républicains rifains, Ahmed Zefzafi, Nasser Zefzafi,