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  • Maroc : 8ème anniversaire du mouvement du 20 février

    Maroc : 8ème anniversaire du mouvement du 20 février

    Au Maroc, le Mouvement du 20 février fête aujourd’hui son 8ème anniversaire de sa création. Fer de lance de la protestation marocaine, lors des dénommés printemps arabes, il a été depuis affaibli par le sang et le feu des forces de l’ordre.

    Ce jour, cinq jours ont été brûlés dans une banque à Al Hoceima.

    La situation actuelle

    Malgré son affaiblissement sous les coups des matraques, le mouvement est loin d’être « mort » et son esprit plane partout dans les manifestations de protestation contre les injustices au Maroc.

    Aujourd’hui, les marocains se mobilisent contre l’oubli de ceux qui se sont sacrifiés pour maintenir le flambeau de la libération des jougs de la colonisation monarchique alaouite. Ils veulent leur rendre hommage et poursuivre les initiatives courageuses d’hommes et de femmes, d’ouvriers et de chômeurs, de jeunes et de moins jeunes, d’élèves et d’étudiants qui ont promis de renverser la situation en faveur de la population la plus démunie.

    Si, lors de la naissance du Mouvement 20F, le roi du Maroc était épargné, désormais ce n’est plus le cas. Le peuple a découvert qu’il n’est pas étranger à toute cette vague de répression qui s’abat contre lui. Les réseaux sociaux sont devenus les canaux favoris d’expression de la jeunesse marocaine qui en a fait leur arme principale de lutte contre le despotisme, la corruption et le népotisme.

    Une monarchie héritée du colonialisme

    Le Maroc est soulevé par une vague de fond pour appeler à une transformation de la société marocaine, pour exiger de vrais changements démocratiques. Partout au Maroc, même dans les petites villes, se sont créés des comités à l’origine des manifestations. Le mouvement du 20 février a été lancé par des jeunes citoyens, des militants de base, des gens du petit peuple, criant leur colère contre la situation économique, sociale et politique. Ils ont été soutenus par la société civile et des forces démocratiques qui se sont senties obligées de suivre, parfois même à contre-cœur…

    Les forces de l’ordre ont réprimé violemment certaines manifestations et ont déjà fait des morts. Il faut savoir que parmi les personnes arrêtées, certaines ont été condamnées à des peines allant jusqu’à dix ans de prison. Dans ce contexte, le mouvement du 20 février, issu de la société, porté par des jeunes, fait preuve d’une grande détermination. Par ces manifestations, les jeunes ont franchi une première étape, celle de vaincre la peur et de rendre légitimes leurs revendications…

    Une monarchie maître d’œuvre des crimes commis contre notre peuple

    Au Maroc, le roi est le représentant de Dieu sur terre et s’érige en commandeur des croyants. Dans sa constitution qu’il octroie à ses sujets, sa personne, sa parole ainsi que sa famille et ses biens sont sacrés. Ils ne peuvent faire l’objet d’aucune discussion, encore moins de critique ou d’opposition. Il s’octroie tous les pouvoirs et il est au dessus des lois. Il est le chef suprême des armées et le président de tous les conseils de l’État. C’est lui qui nomme le 1er ministre et désigne les ministres. Il peut révoquer SON gouvernement, dissoudre SON parlement et instaurer l’état d’exception quand bon lui semble. Bref, il est le monarque ABSOLU… Cette monarchie a construit un Etat militaro-policier à l’image et en héritage de l’État colonial, avec l’aide et le soutien de l’impérialisme français et américain.

    Le mouvement du 20 février

    Depuis le début du siècle dernier jusqu’à nos jours, voici des dates clés pour résumer cette histoire criminelle et ces années de plomb. En collaboration avec l’armée coloniale française et espagnole (1 million et demi de soldats et pas moins de 20 généraux et colonels), la révolution de l’un des pionniers de la lutte armée de libération nationale, le héros de la guerre du Rif et le premier président de la première république démocratique de l’histoire de notre pays, Abdel Krim El Khatt Abi (1920-1924), a été écrasée. Ensuite, ont été matées dans le sang, toujours avec l’aide de la même armée coloniale, les diverses rébellions des tribus (1930-1950). Répression sanglante de la révolte du Rif de 1958-59. Hassan II transformera cette région en un laboratoire de culture, de transformation et de trafic international du cannabis (kif).

    Répression sanglante des révoltes et soulèvements de notre peuple en 1965 à Casablanca, Oouled Khalifat, en 1981, 84, et 90 et tout au long de la dernière décennie( Sfrou, Sid Ifni, Tanger…)..) C’est aussi la création du mouvement marxiste-léniniste Ela Aman (En Avant)
    Des centaines de liquidations physiques et disparitions forcées, de passages à l’arme de civils et militaires, de milliers d’arrestations, de morts sous la torture et dans des bagnes secrets, de procès inéquitables où la justice à l’ordre a distribué des siècles de prisons et des dizaines de peines de mort…

    Pour répondre aux manifestations du 20 février, le roi a lâché un peu de lest le soir du 9 mars : baisse des carburants et aliments de base, promesse d’embaucher 4000 chômeurs diplômés, révision de la constitution vers une monarchie parlementaire. Ces « avancées » ont été saluées par les USA, l’Europe, la France. Mais les citoyens, et non les sujets, n’y ont pas trouvé de réponses satisfaisantes à leurs revendications.

    C’est pourquoi la lutte continue, les points cruciaux mis en avant par les manifestants du 20 février sont :

    1) Une constitution démocratique élaborée par une assemblée constituante incarnant la volonté du
    peuple.

    2) La démission du gouvernement, la dissolution des deux Chambres.

    3) Une justice indépendante, la séparation des pouvoirs.

    4) Le jugement des responsables de la torture et des crimes contre les Marocains.

    5) La lutte effective contre la corruption et la récupération des richesses volées aux peuples.

    6) La libération de tous les prisonniers politiques.

    7) La reconnaissance de la langue amazighe comme langue officielle au côté de l’arabe.

    Tags : Maroc, Mouvement 20 Février, printemps arabe, Makhzen, Rif, Hirak,

  • Analyse du Mouvement du 20 février au Maroc

    « Mouvement du 20 février » Premier essai pour un encadrement idéologique et politique
    L’apparition du mouvement du 20 février est le résultat objectif des développements de la lutte des classes dans notre pays. Ce mouvement est le produit des contradictions de classe qui régissent le développement de la société marocaine à l’instant présent, et ce sont deux principaux facteurs qui ont contribués de façon directe à l’émergence de cet instant historique :
    L’intensité des contradictions de classe entre le peuple et la coalition de classe dominante après l’offensive de celle-ci contre les classes laborieuses au niveau économique, politique, et idéologique, d’une part ; et la résistance populaire caractérisé par son amplitude de classe et géographique pendant cette dernière décennie d’autre part. Cette même attaque est le reflet de la crise des régimes néo colonialistes, et parmi eux le régime établi au Maroc. Cette même crise n’est que le résultat direct de la crise suffocante où s’embourbe l’impérialisme international.
    La forte influence des deux glorieux soulèvements du peuple tunisien et égyptien produite sur la conscience des militant(e)s et l’ensemble des masses, ce qui a aidé au développement d’une humeur (disposition) militante avancée a contribué de façon directe au lancement de cette dynamique combative au Maroc.
    Ce mouvement 20 février comme mouvement émergé du cœur des contradictions de classe dans notre pays et comme résultat d’un certain niveau d’aiguisement des contradictions de classe, ce mouvement est transpercé objectivement par les intérêts de toute les classes qui subissent la domination de la coalition de classe dominante formée essentiellement par la bourgeoisie bureaucratique et compradore et les propriétaires fonciers.
    Si nous nous basons sur la réalité concrète de ce jeune mouvement, nous pouvons montrer la forme et le contenu de la présence de ces classes au sein du mouvement à condition de se conformer à la méthode de l’analyse scientifique. D’ailleurs la tâche assumée par cet article est d’essayer de montrer les formes et le contenu de la présence de ces classes au sein du Mouvement 20 février.
    Vu les développements et les regroupements au sein du mouvement 20 février, nous pouvons observer la présence de la bourgeoisie « monopolistique », cette bourgeoisie qui s’est développée à la marge de la bourgeoisie compradore et bureaucratique, elle a une expansion économique dans divers domaines, tel que l’immobilier, la confection, l’industrie agro-alimentaire… Le développement économique de cette classe s’est heurté aux intérêts de la bourgeoisie compradore et bureaucratique puisque cette dernière domine l’appareil de l’Etat et le secteur « publique » qui l’exploite, non seulement pour l’accumulation de son capital, mais aussi pour affaiblir ses concurrents. Ce qui a crée de nombreuses difficultés pour cette classe qui scandent les slogans de la bourgeoisie libérale comme « la concurrence loyale », et « non au cumul de la richesse et du pouvoir », « laisser faire, laisser passer » dans une offensive directe contre tous ce que représente les institutions économiques de « la famille royale » et ses proches. Cette classe, qui représente la bourgeoisie libérale au sein du mouvement, est une classe présente et active dans le mouvement du 20 février, elle lutte pour ses intérêts et répandent son idéologie et sa culture. La revendication « d’une monarchie parlementaire » est son slogan politique officiel au sein du mouvement ; et c’est ce slogan qui représente pour elle l’horizon du mouvement et son but final.
    Quant aux porte paroles et représentants de cette classe au sein du mouvement du 20 février sont quelques groupes financés directement par quelques grands capitalistes comme Miloud Chaabi, Karim Tazi, Samir Abdelmoula, Ayouch…et aussi l’USFP et quelques courants au sein du PSU (Parti Socialiste Unifié) et le parti d’avant-garde.
    Tags : maroc, Mouvement 20 février, lutte, despotisme, corruption, nepotisme, Hirak, Rif,
  • Maroc : Voilà pourquoi Zefzafi et Ahmajik ont entamé une grève de la faim

    Le Makhze est en train de tuer les leaders rifains à petit feu. L’état de santé des prisonniers politiques Nasser Zefzafi et Nabil Ahamjik est inquiétant, d’autant plus qu’ils entament une grève de faim pour une durée indéterminée, pour les revendications suivantes :

    1. Bénéficier de soins médicaux urgents (Zefzafi souffre d’une sévère allergie associée aux saignements nasaux et Nabil Ahamjik d’atroces maux de tête et d’allergie);

    2. Elargir le droit de communiquer avec leurs familles par téléphone; sur trois jours par semaine au lieu de 15 minutes sur 2 jours par semaine.

    3. Droit de visite pour les proches;

    5. La permission de recevoir des livres, des journaux et des revues sans présélection de la part de l’administration ;

    6. Bénéficier du droit de sortie à l’air libre, surtout que leur allergie a atteint un degré alarmant;

    7. Rassembler tous les détenus politiques du Hirak dans le pénitencier de Selouan et la libération immédiate de tous les détenus politiques.

    8. Ils exigent que tous les détenus du mouvement rifain et dispersés dans diverses prisons soient regroupés à la prison de Selouane, car c’est l’établissement pénitentiaire le plus proche de leurs familles

    9. Ils exigent une amélioration du tarifs pratiqués dans l’épicerie de la prison et la levée d’interdiction sur la pâtisserie locale d’Al Hoceima ( Millefeuille, Boyo, galettes …)

    10. Ils exigent de bénéficier de la promenade le plus longtemps dans la journée (fermer les portes en permanence est difficile de profiter de l’air, ce qui affecte leur santé et les expose à des allergies).

    11. Ils exigent d’améliorer l’alimentation et la nutrition des prisonniers et diversifier les repas qui leur sont servis.

    Tags : Maroc, Rif, Hirak, Nasser Zefzafi, Nabil Ahmajik,

  • Algérie : «Bouteflika est un cachotier qui n’a pas d’amis» (Farid Alilat)

    Propos recueillis par Naoufel Brahimi El-Mili

    Farid Alilat, journaliste au Matin dès le début des années 1990, est l’auteur d’un ouvrage, Vous ne pouvez pas nous tuer, nous sommes déjà morts, paru en 2002 chez Calmann-Lévy où il relate les tragiques événements de la Kabylie en 2001. Il prend l’année suivante la direction de la publication du quotidien Liberté. Depuis 2004, il est journaliste à Jeune Afrique. Son dernier livre est une grande première, jamais biographie d’un président algérien n’a été écrite. Il nous livre une narration fouillée des vies successives de Bouteflika. A travers de nombreux témoignages, il porte un éclairage sur des aspects peu connus de l’enfance ensuite de la jeunesse du président déchu. Très tôt guidé par une obsession du pouvoir chevillée au corps, entre frasques, manigances et manipulations, Bouteflika trace un long et sinueux chemin vers une présidence qu’il voulait conserver à vie. Seule sa fin est très connue, sur les antres pans de sa trajectoire, Farid Alilat laisse très peu de zones d’ombres.

    Le Soir d’Algérie : Quel est l’événement ou l’aspect de la personnalité d’Abdelaziz Bouteflika qui a déclenché en vous l’envie d’écrire sa biographie ?

    Farid Alilat : La vie d’Abdelaziz Bouteflika est guidée par deux obsessions : conquérir le pouvoir et le garder à tout prix. C’est le fil conducteur de sa vie, bâtie autour de cet objectif. L’idée d’écrire un livre sur Bouteflika est née en 2002. A l’époque, j’ai interrogé ceux qui l’ont connu par le passé, ses anciens amis, d’anciens ministres et même ses ministres et ses collaborateurs. Pour des raisons personnelles et professionnelles, j’ai mis le projet d’écriture en stand-by sans pour autant abandonner l’idée. Depuis, je n’ai de cesse de travailler sur lui en recueillant les témoignages de dizaines d’acteurs politiques, y compris les Premiers ministres de Bouteflika.

    Pour revenir à ces deux obsessions…

    Elles ont façonné sa vie. Déjà à vingt ans, au cœur même de la guerre d’indépendance, Bouteflika voulait être président. En 1976, lors de l’élaboration de la Constitution, Bouteflika demande à Mohamed Bedjaoui, alors en charge de ce projet, d’inscrire dans les textes fondamentaux du pays le poste de vice-président, un «ticket» à l’américaine. Informé de cette demande, Houari Boumediène y met son veto.

    Pourtant, Bouteflika est connu, à cette période, pour ses longues et nombreuses absences loin d’Alger, et même loin du pays. Comment expliquer cette contradiction, loin et proche de Boumediène ?

    Bouteflika n’a pas la réputation d’être un acharné du travail. Ministre des Affaires étrangères, il se rend rarement à son bureau. Il reçoit ses proches collaborateurs chez lui ou bien dans une des annexes du ministère. Aussi, a-t-il la manie de disparaître sans laisser de traces, et ce, depuis la période de la Révolution où la discipline était de rigueur. Je raconte dans mon livre, que lors de sa mission malienne dans ce qui est appelé «Le Front du Mali», Bouteflika fait des va-et-vient erratiques entre Bamako et Gao avant de disparaître au Maroc, sans laisser de traces. Boumediène demande souvent : «Il est où Abdelkader (nom de guerre de Bouteflika) ?» (Cette question est le titre d’un chapitre, page 75).

    Plus généralement, Bouteflika n’est pas un bourreau du travail. La lecture des dossiers l’ennuie. Il compense cela par le téléphone, une grande capacité de captation et une mémoire d’éléphant. Les escapades et les bouderies font partie intégrante de son mode de vie et surtout de son mode de gouvernance. Lors de ses premiers mois de présidence, il était persuadé que son bureau à El-Mouradia était mis sur écoute. En colère, il hurle : «Je m’en vais, je m’en vais. Je rentre chez moi. Ce n’est pas un pays ça !» (page 251) Bouteflika rentre quand même chez lui et reste trois semaines sans donner signe de vie. Vous imaginez le président de la République disparaître et bouder chez lui pendant trois semaines ?

    L’absence du père biologique était-elle palliée par l’omniprésence de sa mère et, surtout, par la tutelle de Boumediène et à quel point ?

    La présence de son père a été gommée, effacée. Comme si ce père n’avait jamais existé. Tous les témoignages le confirment : il n’évoque presque jamais son père. Sauf à de très rares occasions. La mère a pris la place du père. Il a une relation fusionnelle avec sa mère qui joue un rôle cardinal dans sa vie tant privée que politique. Je présume que Bouteflika occulte son père à cause du passé douteux de celui-ci. Dès lors, il a fait de Boumediène son père de substitution. Il lui pardonnait toutes ses escapades alors que Boumediène était d’une rigueur sans nom. Sur son lit d’hôpital à Moscou, en novembre 1978, Boumediène dit à un de ses confidents : «J’ai été pour lui le père qu’il n’a pas eu.» C’est tout dire.

    Ce sont les militaires, qu’il hait, qui l’ont, pourtant, porté au pouvoir. Pouvez-vous nous éclairer sur ce paradoxe ?

    Ses relations tendues et conflictuelles avec les militaires datent de la mort de Boumediène, en 1978.

    A l’époque, Bouteflika est convaincu d’être le successeur du président défunt. Il parle même d’un testament que Boumediène avait laissé et dans lequel il le désigne à ce poste suprême. Trois ou quatre officiers supérieurs ont choisi Chadli Bendjedid. Il a gardé une rancœur vis-à-vis des militaires. Mais aussi un goût de revanche. Dans une interview à une radio française en 1999, il dit même : «J’aurais pu prétendre au pouvoir à la mort de Boumediène. Mais la réalité est qu’il y a eu un coup d’État à blanc et l’armée a imposé un candidat imprévu.» Il veut dire qu’il y a coup d’Etat à blanc contre lui et que ce n’est pas Chadli qui était prévu pour la succession, mais lui. C’est cette rancœur et ce goût de revanche qui lui ont servi comme carburant pour alimenter cette ambition chevillée au corps. Il n’arrivait pas à comprendre comment Chadli a pu être président à sa place.

    Mais encore…

    En 1993, les généraux sollicitent Bouteflika pour devenir président à l’expiration du mandat du HCE. Bouteflika négocie, obtient même le rare privilège de prononcer un discours au ministère de la Défense devant tout le haut commandement militaire qui l’applaudit. C’est son jour de gloire. Les militaires acquiescent à toutes ses conditions. Il a carte blanche. Bouteflika refuse, néanmoins, une seule formalité, celle de se présenter à Club-des-Pins devant la Conférence nationale. Ce n’est qu’un prétexte pour décliner. Je pense qu’il avait pris peur. Il ne pouvait assumer un état de guerre. Bouteflika claque la porte au nez des généraux. «Je rentre chez moi, en Suisse.» Il prend son vol pour Genève. Il attend son heure.

    Arrive enfin celle-ci…

    La question est de nouveau sur la table avec la démission de Zeroual annoncée en septembre 1998. Le général Larbi Belkheir se met à convaincre individuellement les généraux de faire confiance à Bouteflika avec ses arguments : grand diplomate, beau parleur, et il est de l’ouest. Trois mois et demi de discussions. Belkheir réussit à surmonter les réticences de Mohamed Lamari, Khaled Nezzar et Toufik, échaudés par l’épisode de 1994. En décembre 1998, Bouteflika est adoubé par les militaires.

    Ceux qui le connaissaient intimement étaient convaincus, dès 1999, que Bouteflika voulait mourir au pouvoir (d’El-Mouradia à El-Alia selon l’expression de Mohamed Cherif Messaâdia). Comment a-t-il pu avoir son deuxième mandat, malgré l’objection majeure du puissant général Mohamed Lamari ?

    En 2004, Bouteflika a réussi à provoquer un schisme au sein des deux têtes de l’institution militaire : il a divisé l’état-major et les services de sécurité. Mohamed Lamari réalise l’étendue de son erreur à la veille du deuxième mandat. N’avait-il pas déclaré, «si Bouteflika passe, je me rase les moustaches» (page 307) ? Pour le chef d’état-major de l’époque, Bouteflika était une erreur de casting. Mais avait-il le pouvoir de s’opposer à cette réélection ? Il se disait à Alger qu’Ali Benflis était le candidat de Mohamed Lamari. Pour ce dernier, le deuxième mandat est la conséquence de la trahison ou de la défection de Mohamed Mediène, dit Toufik. Lamari finit par démissionner en août 2004. Il est remplacé par Ahmed Gaïd Salah, destiné à une retraite. Ainsi, Bouteflika, après avoir utilisé Toufik comme marchepied pour être réélu, fait du nouveau chef d’état-major son obligé. Rien ne pouvait alors s’opposer à sa présidence à vie.

    Le véritable coup de force de Bouteflika est la modification, en 2008, de la Constitution qui lui ouvre un boulevard pour la présidence à vie. Comment a-t-il pu y parvenir ?

    Sa maladie en 2005 (ulcère hémorragique) aurait pu le disqualifier de rempiler. Mais il a pu compter sur le soutien de Toufik et de Gaïd Salah qui ont permis l’amendement de la Constitution de 1996 qui limitait les mandats présidentiels à deux. Il y a eu des voix pour s’opposer à ce viol de la Constitution, mais elles étaient trop faibles. La machine de Bouteflika était un rouleau compresseur.

    Il faut savoir que dès son élection en 1999, Bouteflika avait l’idée ferme d’une présidence à vie de fait. A aucun moment il n’avait envisagé de prendre sa retraite. Il a une conception monarchique du pouvoir. Il a vécu au Maroc et aux Emirats arabes unis. Ses modèles sont les autocrates. Pour Bouteflika, le pouvoir se donne et ne se restitue pas.

    Printemps arabe en 2011, sérieux AVC avec séquelles irréversibles en 2013 et pourtant, en 2014, il arrache son quatrième mandat. Quel est, selon vous, son secret ?

    En 2013, Bouteflika avait tous les pouvoirs en main : Présidence, gouvernement, Assemblée nationale, armée, UGTA, armée, partis de l’alliance, oligarques, médias publics… Qu’est-ce qui pouvait empêcher un quatrième mandat ? Rien. On a fait croire que Toufik et le DRS s’y opposaient. Toufik était loyal et discipliné. S’il a pu émettre un avis ou une recommandation sur l’opportunité d’un quatrième mandat, il ne s’y est pas opposé.

    Le démantèlement du DRS et le pilonnage médiatique contre Toufik n’étaient pas liés au quatrième mandat, mais à la lutte contre la corruption. Le différend entre Toufik et Bouteflika n’était pas lié au quatrième mandat, mais aux dossiers de corruption, notamment celui impliquant Chakib Khelil, ancien ministre de l’Énergie et ami d’enfance du président déchu. Il fallait casser les services qui ont travaillé sur les dossiers de corruption impliquant ministres, walis et hommes d’affaires et enterrer les affaires. La preuve, Chakib Khelil a été réhabilité en 2016 en dépit des documents qui l’accablent.

    Pour revenir au quatrième mandat…

    Il restait une inconnue : le FLN sans secrétaire général depuis la démission forcée de Belkhadem en 2013. Avec la désignation de Ammar Saïdani, c’était réglé. Bouteflika avait donc tous les réseaux et tous les leviers pour être de nouveau réélu. L’état-major lui est resté fidèle tant et si bien que Ahmed Gaïd Salah s’était opposé à l’application de l’article 88 (devenu article 102- vacance du pouvoir). Deux forces travaillaient pour la même finalité (4e mandat) mais avec des objectifs différents. Bouteflika voulait mourir sur le trône, son frère Saïd voulait peser sur sa succession, les hommes d’affaires voulaient consolider leurs richesses et le clan garder le pouvoir. Maintenir Bouteflika au pouvoir, c’est l’assurance de ne pas devoir rendre des comptes. Tous ceux qui sont aujourd’hui en prison ont soutenu le 4e et le 5e mandats. Ils auraient eu la possibilité qu’ils auraient soutenu un 6e mandat.

    La vie privée de Bouteflika est peut-être plus riche que sa vie politique. Pourquoi autant de pudeur pour l’évoquer ?

    Bouteflika est dissimulateur, cachotier, mystérieux, un solitaire qui n’a pas d’amis mais des serviteurs. Quand il n’en a plus besoin, il les jette. Regardez comment il finit sa vie : seul.

    A aucun moment dans votre livre vous n’avez utilisé le mot «hirak». Pourquoi ?

    Le 22 février 2019 n’est pas une contestation, c’est une révolution qui a empêché un président et son clan de briguer un cinquième mandat. C’est une révolution pacifique qui a déboulonné un homme et le système qu’il a implanté depuis 20 ans. Bouteflika a mis 20 ans à consolider son régime. Il s’est écroulé en 40 jours. C’est une révolution car les Algériens se sont défaits de la dépendance vis-à-vis de ce président, de sa clique, de sa cour. Une révolution, car elle a aboli le régime de la présidence à vie qui a fait tant de mal au pays. Les Algériens se sont réappropriés l’espace public, la parole, l’emblème national et la révolution de 1954. Cette révolution est une grossesse qui a duré plusieurs années.

    C’est Bouteflika qui a provoqué la révolution en annonçant une nouvelle candidature à la Présidence le 11 février. Deux jours plus tard, à Bordj Bou Arréridj, des jeunes se sont révoltés en scandant : «Bouteflika le Marocain, il n’y aura pas de cinquième mandat !» Ils lui ont même dénié sa nationalité algérienne. C’est comme si Bouteflika s’est toujours comporté comme un étranger en Algérie. En 1999, avant même d’être élu, il déclare : «Si je n’ai pas un soutien franc et massif du peuple algérien, je ne suis pas chargé de faire son bonheur malgré lui… Je considère qu’il doit être heureux dans sa médiocrité. Après tout, je ne suis pas chargé de faire son bonheur malgré lui. Je sais rentrer chez moi, c’est ce que j’ai fait pendant vingt ans.» Saisissant, comment, 20 ans après, ces propos sont presque prémonitoires. Massivement, les Algériens sont sortis dans la rue pour lui signifier qu’il n’a pas fait leur bonheur, qu’ils ne veulent plus de lui et qu’il doit renter chez lui.

    N. B. E.-M.

    Le Soir d’Algérie, 19 fév 2020

    Tags : Algérie, Bouteflika, Hirak,

  • Maroc : Presbytie politique

    Sa trahison dévoilée en pleine journée, le roi du Maroc a ordonné à son peuple de sortir en guise de solidarité avec la Palestine.

    Ainsi, des milliers de marocains ont investi dimanche les rues de Rabat pour dénoncer le plan du président américain dénommé « deal du siècle » qui s’est avéré plutôt le fiasco du siècle à l’instar de la tentative marocaine de marchander avec la question palestinienne en échange d’un soutien américain à l’occupation du Sahara Occidental par le Maroc.

    La foule et l’excitation qui ont accompagné cette manifestation ont provoqué de nombreux commentaires. Un intellectuel marocain a écrit : « Plus les distances sont grandes plus les solidarités sont faciles: les Rohingas, les Ouigours….mais pas de solidarité avec les détenus politiques au Maroc ».

    En effet, les marocains semblent victimes d’un nouveau syndrome méconnu sur la scène politique qu’on va nommer « presbytie politique », puisque les marocains voient et défendent les droits des peuples lointains et ils ne voient pas les violations quotidiennes de ces droits perpétrées par le pouvoir marocain dans la région du Rif ni au Sahara Occidental où le Makhzen se livre à des atrocités qui ne semblent pas émouvoir ni le peuple ni la société civile marocaine.

    Tags : Sahara Occidental, Rif, Hirak, Maroc, Palestine, Israël,

  • Algérie : Il faut maintenant concrétiser l’essai

    Le plan d’action du gouvernement est aujourd’hui connu. Peut être pas dans ses plus petits détails, mais on sait grandement les grandes lignes de travail du premier gouvernement Tebboune, dirigé par le Premier ministre Abdelaziz Djerad. Au-delà des questions purement techniques, il faut d’abord et surtout retenir que tout est fait pour répondre aux attentes et doléances du citoyen dans sa vie de tous les jours.

    Ce qui semble guider l’action de ce gouvernement et sur laquelle repose toute la stratégie de cette nouvelle pédagogie de gestion de la chose publique, c’est de mettre le citoyen au centre de toute l’action de la machine gouvernementale. D’ailleurs, dans le premier communiqué repris par l’Aps, juste après le fin du conseil des ministres de ce jeudi, il est clairement et explicitement stipulé que « le Plan d’action du Gouvernement, qui puise sa référence des engagements du président de la République, met en avant l’urgence de procéder à une révision profonde des modes de gouvernance et de concevoir de nouvelles règles afin de mener à bien les politiques de développement et d’insuffler une dynamique interactive ».

    Autrement dit, les bases d’une rupture manifeste avec le mode de gestion qu’a connu le pays durant ces vingt dernières années, est clairement assumée et revendiquée par la nouvelle équipe dirigeante du pays. En économie par exemple, le gouvernement se basera sur « la triptyque d’un renouvellement économique basé sur la sécurité alimentaire, la transition énergétique et l’économie numérique ». Une approche nouvelle que l’on met pour la première fois sur la table et qu’on voudrait mener jusqu’au bout, à côté de « l’opérationnalisation de mécanismes innovants de réforme financière et fiscale et l’assurance des opérateurs économiques les plus affectés par les choix inappropriés en matière de gestion des affaires économiques ».

    Beaucoup de points nouveaux et innovants dans divers domaines ont été traités lors de ce Conseil des ministres qui signe de manière effective le début de la concrétisation des promesses du candidat Tebboune, et qu’on aura plus loisirs de connaitre avec plus de détails lors des débats qui auront lieu au sein des deux chambres du Parlement. Les questions des députés et les réponses qu’apporteront les ministres finiront par définir clairement la politique que compte mettre en musique l’équipe du Premier ministre Abdelaziz Djerad. Il faudra après, pour reprendre un terme propre au rugby, concrétiser alors l’essai.

    Par Abdelmadjid Blidi

    Ouest Tribune, 7 fév 2020

    Tags : Algérie, gouvernement, Abdelmajid Tebboune, Hirak,

  • Algérie : Une occasion en or

    par Abdou BENABBOU

    Par leur présence, leur comportement participatif dans la dynamique quotidienne de la vie économique, culturelle et sociale, de nombreux acteurs anonymes ne se rendent pas compte que ce sont eux les vrais acteurs politiques du pays. La sacralisation des définitions fige parfois des compréhensions trop étroites pour échapper à la réalité et il en est ainsi du terme politique.

    Si ce mot renvoie à l’organisation de la vie de la cité, on constate depuis un temps lointain que, dans la majorité des sociétés humaines, le sens restreint que l’on prête à sa définition a toujours causé une fracture entre les citoyens, parfois en annihilant totalement le réel condensé de la citoyenneté. Seuls quelques rares pays comme la Confédération helvétique se sont inscrits dans le vrai et l’Helvète comme le Suédois se sont renforcés par le pouvoir légitime, conséquent et entier pour donner un sens à leur vie.

    Pour leur bonheur et leur prospérité, par de larges dispositions et règles, ils ont inversé la pyramide qui régit leurs cités en déplaçant du sommet à la base tous les centres de décision qui façonnent leur existence. Il est vrai, toutefois, qu’ils n’arrivent pas encore à se départir totalement des différents systèmes d’alternance partisans, mais l’essentiel est à première vue garanti.

    Le sujet s’offre aujourd’hui à l’Algérie dans sa plénitude. Le Hirak a d’abord ouvert la porte à la nécessité d’un chamboulement réfléchi et ordonné de toutes les pratiques imposées jusqu’ici pour tracer l’itinéraire du pays. Il est tentant d’amender la sincérité du président de la République dans la volonté ferme affichée de vouloir émerger une nouvelle classe politique. L’idéal serait qu’elle naisse avec une essence et une structure originale à l’opposé de toutes celles qui ont présidé jusqu’ici en responsabilisant la totalité des Algériens.

    La perspective de la future loi électorale est une occasion en or pour une innovation jamais connue jusqu’ici pour que l’Algérie puisse se prendre en charge. D’originelles règles de gestion de la cité devraient s’installer pour en premier lieu libérer de leur encerclement les compétences juste prolixes dans la gymnastique du verbe et de la récrimination. Elles raseront l’immense nuée des réclamations et l’étalage des vérités virtuelles pour que chaque Algérien qui prétend détenir une recette probante puisse avancer.

    Le Quotidien d’Oran, 8 fév 2020

    Tags : Algérie, Hirak, Abdelmajid Tebboune,

  • Maroc : L’épouse de Nasser Zefzafi Nawal Benaissa obtient l’asile politique aux Pays-Bas

    L’activiste du mouvement Hirak Nawal Benaissa est arrivée aux Pays-Bas en mai de l’année dernière après avoir été condamnée à dix mois de prison au Maroc.

    La militante rifaine Nawal Benaissa a obtenu l’asile politique aux Pays-Bas. Son avocat et un porte-parole d’Amnesty International l’ont confirmé au CNRC. Benaissa a été l’un des visages du mouvement Hirak, qui a manifesté dans la région du Rif en 2016 et 2017. En règle générale, le service d’immigration et de naturalisation (IND) ne répond pas aux cas individuels et ne souhaite donc pas confirmer l’octroi du permis de séjour de Benaissa.

    Nawal Benaissa est arrivée aux Pays-Bas en mai de l’année dernière, peu après avoir été condamnée à 10 mois de prison avec sursis au Maroc pour sa participation aux manifestations dans la région du Rif. Elle avait été arrêtée plusieurs fois pour son activisme.

    « Visage de femme »

    Après l’arrestation et la condamnation d’un certain nombre de dirigeants de ces manifestations – le leader Nasser Zafzafi a été condamné à 20 ans de prison l’année dernière – Benaissa est devenu visible dans ce mouvement. Bien qu’elle ait souvent été désignée comme le successeur de Zafzafi, Benaissa a préféré être « le visage de la femme libre dans le Rif », a-t-elle déclaré l’an dernier à NRC.

    En 2016 et 2017, les montagnes du Rif au Maroc protestaient farouchement pour de meilleures conditions de vie et contre la corruption, le chômage et, à leurs yeux, la privation structurelle de la région par le gouvernement marocain à Rabat. À son tour, il a riposté et arrêté et poursuivi des centaines de manifestants.

    Source : ncr.nl, 7 fév 2020

    Tags : Maroc, Rif, Hirak, Nawal Benaissa, Nasser Zefzafi,

  • Algérie : Les hommes d’affaires enfoncent Saïd Bouteflika

    Son nom est cité dans plusieurs dossiers : Les hommes d’affaires enfoncent Saïd Bouteflika

    Le nom de Saïd Bouteflika est revenu de manière récurrente lors de plusieurs auditions auxquelles ont été soumis les hommes d’affaires incarcérés dans le cadre de la lutte anti-corruption. Des sources concordantes indiquent que le frère-conseiller de l’ancien président de la République a été une nouvelle fois cité dans le dossier Tahkout.

    Abla Chérif – Alger (Le Soir) – Il s’agit d’un dossier très lourd dans lequel 149 personnes ont été d’ailleurs auditionnées ,et plus de douze mandats de dépôt prononcés à l’encontre de Mahieddine Tahkout et ses trois frères, mais aussi des fonctionnaires, directeurs d’entreprises de transport, et cadres de sociétés publiques.

    Les principaux accusés, les frères Tahkout, ont tenté de se défendre comme ils le pouvaient, nous dit-on, mais en citant toutefois l’intervention faite par Saïd Bouteflika dans certaines situations, dont les détails seront connus lors du procès à venir. Aucune date n’a été encore retenue à ce propos, apprend-on de la même manière, mais l’instruction de l’affaire a tiré à sa fin il y a un peu plus de quinze jours.

    Durant ce processus, le nom de Ahmed Ouyahia est également apparu de manière très évidente, sur la base de témoignages qui risquent de l’accabler une nouvelle fois. L’ancien frère-conseiller de Abdelaziz Bouteflika a, d’autre part, été cité dans les déclarations faites par Tahkout (durant les enquêtes dont il a fait l’objet), au sujet du financement occulte de la campagne électorale pour le cinquième mandat. «L’invitation» de contribuer au financement de cette campagne venait de Saïd Bouteflika, et c’est également lui qui semblait gérer cette opération par hommes de confiance interposés. L’un d’entre eux s’est avéré être Ali Haddad, lequel n’a, cependant, pas hésité à évoquer publiquement le rôle joué par le frère de Bouteflika durant cette période.

    Face au juge, l’ancien patron de l’ETRHB avait livré des détails sur la manière dont avait débuté la collecte destinée au financement du cinquième mandat. «Il m’avait demandé de garder l’argent à mon niveau, car la période était très sensible», avait, alors, déclaré Ali Haddad.

    D’autres hommes d’affaires jugés durant le procès de l’automobile ont enfoncé, à leur tour, Saïd Bouteflika en déclarant que l’ordre de contribuer au financièrement de la campagne électorale venait de lui, mais en révélant également qu’il était informé des privilèges qui leur ont été octroyés.
    D’autres hommes d’affaires, dont l’instruction demeure toujours en cours (les frères Eulmi et Benhammadi en font partie), ont fait, eux aussi, des déclarations similaires.

    «Toutes les pistes, tous les témoignages mènent à Saïd Bouteflika», commentent des avocats constitués pour la défense des prévenus incarcérés pour obtention d’avantages. «La logique voudrait que de nouvelles instructions soient ouvertes à l’encontre de l’ancien frère-conseiller de Abdelaziz Bouteflika, car toutes les cartes se jouaient à son niveau. Il était le véritable détenteur du pouvoir et c’est de lui qu’émanaient toutes les instructions en faveur des hommes d’affaires.»

    Interrogés sur le sujet, les avocats de Saïd Bouteflika nous ont affirmé qu’ils n’avaient été informés d’aucune ouverture d’instruction dans le cadre de nouvelles affaires. «Il ne serait pas étonnant qu’une nouvelle affaire survienne. On entend son nom cité par plusieurs prévenus», soutiennent, par contre, ces derniers.

    Durant le procès de l’automobile, Saïd Bouteflika avait été amené au tribunal de Sidi-M’hamed à la demande du juge qui avait interrompu l’audience en attendant son arrivée. Face au juge, celui-ci avait refusé de répondre aux questions qui lui étaient posées. Vêtu de la tenue carcérale attribuée aux détenus après leur condamnation, il a gardé le silence jusqu’au bout.

    Les avocats chargés de la défense des deux anciens Premiers ministres, Ouyahia et Sellal, et des hommes d’affaires qui comparaissaient durant ce procès, ont considéré ce geste comme une «entrave au bon fonctionnement de la justice». «Les prévenus, ont-ils déclaré, ont le droit de garder le silence durant leur procès, c’est aussi un moyen de défense. Mais lorsqu’ils comparaissent en qualité de témoins, et c’était le cas de Saïd Bouteflika, ils sont obligés de répondre aux questions qui leur sont posées, auquel cas ce geste est considéré comme étant une manière d’empêcher la justice d’effectuer son travail». Aucune suite n’avait été donnée à cet évènement. En sera-t-il de même dans les autres dossiers ?

    A. C.

    Tags : Algérie, Hirak, corruption, Saïd Bouteflika, Ouyahia, Sellal,

  • Algérie : Dialogue et refondation de l’Etat

    Tout est pratiquement à refaire pour rattraper la double décennie de gabegie et de dilapidation des ressources nationales, toute vouée à l’enrichissement illimité de la poignée de prédateurs et provoquant un séisme social et économique d’une rare intensité.

    Le désastre est incommensurable. Il a aggravé la lourde facture du terrorisme estimée à 20 milliards de dollars en destruction des infrastructures économiques et socio-éducatives.

    Il a aussi contribué à approfondir la fracture irrémédiable entre la caste des corrompus et le peuple privé de son droit au développement, au discrédit des institutions nationales et la poussée fiévreuse de l’algéro-pessimisme, brandi en arme de déstabilisation par les faiseurs de chaos. Tout est donc à refaire pour remettre en ordre l’Etat national menacé dans ses fondements historiques, institutionnels et unitaires.

    En toute urgence, le dialogue national inclusif s’impose pour restaurer la confiance, loin de toute discrimination et marginalisation. La main tendue au hirak «béni» et le cycle de rencontres avec les personnalités influentes, des responsables de partis politiques et des médias s’inscrivent dans cette démarche consensuelle pour concrétiser la volonté de «changement radical des fondements de notre démocratie et de l’édification d’une démocratie réelle», a affirmé le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, lors de la rencontre avec des directeurs de journaux et de chaînes de télévision.

    «Il est de mon devoir de le faire pour briser la glace entre les Algériens», a-t-il souligné, «prêt» à rencontrer l’ancien président de la République, Liamine Zeroual, que des «circonstances particulières» l’ont empêché de faire le déplacement à Alger.

    Cette convergence se traduit concrètement dans les consultations entreprises avec toutes les personnalités influentes, «qu’elles soient du hirak ou non», sollicitées pour donner leur avis sur l’élaboration de la nouvelle Constitution confiée au comité d’experts dirigé par Ahmed Laraba.

    «Cette Constitution marquera le début de l’étape fondamentale», a déclaré le président de la République. Elle sera soumise à l’appréciation de toutes les catégories de la société, avant son adoption par les deux chambres du Parlement et son passage par la voie référendaire sous la supervision de l’Autorité nationale indépendante des élections. Elle constitue l’acte de naissance de la nouvelle République.

    Horizons, 25 jan 2020

    Tags : Algérie, Hirak, tebboune, Liamine Zeroual,