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  • Algérie : Disette et recommandation

    par Abdou BENABBOU

    La période de disette que traverse le pays a imposé la nécessité de lever le voile sur les profondes anomalies qui n’ont cessé de couver dans le bercail des grandes entreprises publiques nationales. Au moment où d’ex-hauts responsables politiques sont sonnés par de lourdes condamnations pour de graves nonchalances dans leurs gestions, il était inconséquent de garder les yeux fermés sur une configuration économique pétrifiée sinon permissive qui caractérisait l’administration et l’ensemble des biens de la communauté.

    Sœurs jumelles et complices, la corruption et la bureaucratie aux noms outrageusement vagues, par délibération morbide, ont été le frein au développement et les nourrices de l’ensemble des injustices que le peuple a dû consommer en silence. Ce sont aussi elles les principales résultantes de la perte de la stature de l’Etat et du ternissement de la confiance des Algériens en leurs dirigeants.

    Il est su par tout le monde que la chansonnette de l’homme qu’il faut à la place qu’il faut n’a été qu’un trompe-l’œil et un slogan pour faire bonne figure face à une masse populaire sachant à quoi s’en tenir. Qu’un diplomate algérien en fonction dans une importante capitale européenne avoue qu’il n’avait pour mission que celle de porter les valises familiales suffit à indiquer la nature et l’esprit de la marche débridée du pays. Il suffit de scanner la composante humaine de l’administration et des entreprises pour dévoiler la nature des recrutements et découvrir les truchements familiaux et amicaux qui ont dénaturé le cours normal de l’évolution du pays. Celle des antennes algériennes et des représentations à l’étranger suggère colère et désolation.

    Il est presque prêté à rire quand on découvre qu’un simple appariteur d’une représentation ne doit son nid douillet et fructueux qu’à une très forte et haute recommandation.

    On comprend alors pourquoi le chef de l’Etat fait d’un lever du voile son premier cheval de bataille et pourquoi sa première visée concerne les mastodontes de l’économie algérienne.

    Le Quotidien d’Oran, 7 oct 2020

    Tags : Algérie, corruption, institutions, réformes, anomalies, système, Bouteflika, malversation, vol,

  • Algérie : Retour aux sources

    Dans un message prononcé en son nom par un de ses conseillers à l’ouverture d’un séminaire organisé hier sous le thème « la constitution au service du citoyen », Abdelmadjid Tebboune a réitéré sa volonté d’expurger le processus électoral, notamment en ce qui concerne les scrutins législatif et local, de l’un de ses vices les plus pernicieux, qui a fini par éroder la crédibilité du suffrage : le système des quotas. Le président de la République s’est engagé personnellement à tout mettre en œuvre pour démanteler ce stratagème, instauré en 1997 par ceux que feu Mohamed Boudiaf appelait les décideurs, dans l’intention apparente d’éviter le scénario des élections législatives du 26 décembre 1991.

    Erigé en règle tacite, mais appliqué à la lettre par un régime clientéliste, ce système n’a pas seulement montré ses limites, il a surtout dénaturé l’évolution démocratique au profit d’une classe politique, dominée par les opportunistes de tous bords et les carriéristes invétérés. Les dégâts causés par cette pratique totalitaire que l’on s’évertuait à dissoudre dans un multipartisme factice, sont parmi les premières raisons, qui ont fait sortir les Algériens dans la rue, un certain 22 février 2019.

    Conscient de la gravité de la situation, le chef de l’Etat a marqué sa détermination à en finir une bonne fois pour toutes avec ce genre de méthode, qui a transformé l’exercice démocratique en une opération formatée et accessoirisée avec la complicité de partis politiques servant d’alibi. Pour réussir, il est appelé à aller au fond du problème.

    L’émergence d’une nouvelle classe de jeunes élus doit se faire en dehors des réseaux encore actifs, dont les leviers de commande sont toujours entre les mains des résidus de la Issaba. En revenant sur la récente installation de la commission chargée de revoir le régime électoral, et en tenant à assurer qu’elle « est composée d’experts en droit et de représentants du ministère de l’intérieur, Abdelmadjid Tebboune a certainement voulu se limiter à l’aspect légal, pour ne pas donner l’occasion aux spéculateurs de monter au créneau et l’accuser de pratiquer le même « jeu » que son prédécesseur déchu. Il sait pertinemment qu’un projet destiné à garantir la transparence et la régularité des futures élections, restera toujours un projet, s’il n’est pas accompagné d’un profond assainissement de la scène politique en général.

    « Encadrer le financement des élections pour faire respecter la volonté populaire et en finir définitivement avec les quotas afin de donner les mêmes chances à tous les candidats engagés dans la compétition électorale », constitue certes une barrière de protection, qui pourrait contribuer largement à la protection des voix des citoyens, comme l’entend le président de la République, mais sa résistance sera tributaire des mécanismes mis en œuvre pour éradiquer et à jamais l’intrusion de l’argent sale dans la politique.

    « Dans l’Algérie nouvelle, personne ne sera protégé, personne ne bénéficiera de l’impunité, de l’immunité, l’argent proviendra uniquement du travail, de la création de richesse pour que le citoyens puisse constater un changement réel », a souligné le conseiller à la Présidence dans sa lecture du message transmis par le chef de l’Etat. Effacer le préjudice matériel et moral porté à l’Etat par les pratiques mafieuses cautionnées par la Issaba, et réinstaurer la confiance entre le peuple et ses institutions ; une œuvre immense qui attend Abdelmadjid Tebboune, et un retour aux sources imposé par la conjoncture.

    Mohamed Mebarki

    L’Est Républicain, 6 oct 2020

    Tags : Algérie, Abdelmajid Tebboune, Consitution, corruption, gabégie, malversation, institutions, Etat de droit, élections, référendum,