Étiquette : Maghreb

  • Algérie-Libye : Espérances nouvelles

    Claire, constante et ferme, la position de l’Algérie sur la crise libyenne ne souffre aucune ombre. Elle préconise son règlement par la voie politique et pacifique à travers un dialogue inclusif entre toutes les factions libyennes, loin du fracas des armes et des ingérences étrangères auxquels les récents et dangereux développements de la situation ont failli les mener irrémédiablement, si ce n’était la réaction vigoureuse des adversaires de la solution radicale.

    Réactivant sa diplomatie non seulement pour écarter les dangereuses dérives d’un affrontement fratricide notamment sur ses voisins immédiats, mais également et surtout pour faire prévaloir la raison sur la passion et les intérêts étroits, l’Algérie a participé à la conférence internationale sur la Libye à Berlin où le président Tebboune a insisté sur l’impératif d’un cessez-le-feu entre les deux parties belligérantes, d’imposer un embargo sur les armes et d’œuvrer à la reprise du dialogue sous l’égide des Nations unies.

    Elle a, quelques jours plus tard, organisé sur son sol la réunion des ministres des Affaires étrangères des pays voisins de la Libye afin d’accompagner les Libyens dans la redynamisation du processus de règlement politique de la crise à travers un dialogue inclusif.

    L’offensive diplomatique algérienne ne s’est pas arrêtée en si bon chemin et travaille à démailler le jeu des puissances étrangères, principale pierre d’achoppement dans la cristallisation d’une solution pacifique.

    «L’Algérie continuera de jouer un rôle moteur dans la résolution le plus rapidement possible de la crise en Libye», a déclaré le ministre algérien des Affaires étrangères, Sabri Boukadoum, à Brazzaville à l’occasion du 8e sommet du Comité de haut niveau de l’Union africaine sur la Libye.

    L’Algérie a, en effet, toujours œuvré pour une implication plus grande de l’UA dans le traitement du dossier libyen. De son côté, le Premier ministre Abdelaziz Djerad à déclaré à l’ouverture des travaux du CHN de l’UA qu’«il n’est pas logique de marginaliser l’Afrique dans une question qui touche un Etat membre de l’UA et qui connaît une guerre fratricide».

    La stratégie algérienne, dont l’objectif est d’éloigner les affres de la guerre et préserver l’unité et la souveraineté de la Libye, est aussi limpide que sa position, dorénavant mieux appréciée par les différents acteurs.

    «Les gens nous écoutent maintenant, beaucoup mieux qu’avant», a ainsi constaté Boukadoum pour mieux souligner les espérances nouvelles pour une solution pacifique.

    Horizons, 31 jan 2020

    Tags : Algérie, Libye, Tripoli, Haftar, GNA, MAghreb,

  • COMBAT DU SAHARA OCCIDENTAL ET DE LA PALESTINE: La même indifférence des Occidentaux

    «Dhrabni ou bka, sbakni ou chka» Il m’a frappé et a pleuré, il m’a devancé et s’est plaint de moi».

    Ce proverbe du terroir maghrébin illustre plus que mille discours, la «sortie» du Royaume du Maroc qui a rappelé «en consultation» son ambassadeur pour des faits qui, a postériori, sont de sa responsabilité. S’il est vrai que s’attaquer à un attribut de souveraineté tel que le drapeau est monnaie courante par les temps qui courent, il n’est que de voir le sort périodique du drapeau américain victime des colères arabes et plus largement musulmanes. Il n’en demeure pas moins que c’est un précédent qui ne nous garantit nullement de la récidive. Tout est parti de l’actualité de cette semaine qui a été marquée par deux événements importants. D’abord la conférence d’Abudja concernant la cause sahraouie et ses conséquences indirectes sur les relations de l’Algérie avec le Maroc, ensuite, le feuilleton des négociations israélo-palestiniennes jalonnées par la construction de milliers de logements de colonisation sur les territoires occupés depuis 1967.

    Les symboles de l’Etat algérien profanés au Maroc

    En moins d’une semaine les symboles de l’Etat algérien au Royaume du Maroc ont été bafoués. Le deuxième incident eut lieu la veille du 1er Novembre La double agression contre l’ambassade à Rabat et le consulat à Casablanca est un élément inacceptable car lourd de conséquences. Dans le même ordre on ne peut que s’interroger sur le manque de réaction des autorités consulaires qui n’ont pas bougé le petit doigt quand l’intrus est rentré posément en escaladant la barrière, a grimpé par la gouttière,a pris son temps devant un drapeau qui rechignait à se laisser faire. Quand quelqu’un rentre chez vous, la moindre des choses est de le sortir par tous les moyens… Les Algériens considèrent que l’atteinte à notre drapeau national, surtout un 1er Novembre, n’est pas un acte isolé. Il est très possible que les événements aient été programmés.

    Pour rappel et comme l’écrit Tayeb Belghiche du journal El Watan, dans un discours prononcé le 11 octobre dernier devant les deux Chambres réunies, le roi Mohammed VI a clairement donné le feu vert au passage à l’action: «Au lieu d’attendre les attaques de nos adversaires pour riposter, il faut plutôt les acculer à la défensive en prenant les devants, en anticipant les événements et en y répondant de manière positive», ajoutant plus loin: «Par conséquent je vous exhorte tous, encore une fois, à une forte mobilisation, une vigilance de tous les instants et des initiatives efficaces aux niveaux interne et externe pour contrecarrer les ennemis de la nation où qu’ils se trouvent et pour déjouer les stratagèmes illégitimes auxquels ils ont recours.» (1)

    Tayeb Belghiche s’interroge sur l’expansionnisme marocain qui dit-il, «a pris en otage le Grand Maghreb,. Jusqu’à quand? L’alternative est claire et tous les Maghrébins de bonne foi et de bonne volonté ne peuvent que la comprendre, sinon la soutenir: faisons le Maghreb avec ceux qui sont prêts. (…) L’Algérie ne peut pas continuer à faire preuve de retenue quand l’arrogance du gouvernement marocain n’a pas de limite. Il ne s’agit pas seulement d’un incident diplomatique en contrôlant ses dommages collatéraux, ajoute encore notre source, car il s’agit de l’avenir de tous les peuples maghrébins». (1)

    Dans une déclaration du ministère des Affaires étrangères il a été rappelé à l’ambassadeur du Royaume du Maroc la «demande pressante» formulée, vendredi dernier, auprès du chargé d’affaires de son ambassade pour obtenir le «plus rapidement possible» des explications circonstanciées sur «la violation inacceptable des locaux consulaires algériens à Casablanca et la profanation impardonnable de l’emblème national, le jour même de la célébration du déclenchement de la glorieuse Révolution du 1er Novembre». (…) Hamid Enaânaâ, l’homme par qui le scandale est arrivé, a agi seul et qu’il est aux arrêts en attendant d’être présenté, le 20 novembre, devant le procureur. Suffisant pour éteindre le feu de la colère en Algérie? Pas sûr. (…), le MAE a demandé officiellement à l’ambassadeur marocain que les autorités algériennes soient associées, «selon une forme appropriée et conformément à la pratique internationale», à l’enquête pour déterminer les faits et s’assurer que les suites appropriées ont été engagées après cet incident «particulièrement grave». Il a été rappelé à l’ambassadeur que l’Algérie n’accorde pas de crédit à la thèse de l’«incident isolé» et encore moins au «fait divers»». (2)

    Justement à Abudja, la Conférence africaine de solidarité avec la lutte du peuple sahraoui a ponctué la fin de ses travaux par une déclaration plutôt «hard» à l’égard du Maroc mais aussi de… l’Union africaine. Ayant pris acte de l’incapacité de l’UA à faire entendre raison au Maroc, qui continue d’occuper le Sahara occidental et de réprimer son peuple, syndicats, ONG et sociétés civiles ont décidé d’aller aux avant-postes. Ainsi, il a été décidé de mettre en place un mouvement de solidarité pour l’indépendance du Sahara (Asmows) qui se chargera de mener le combat multiforme pour la décolonisation de ce territoire. Ce mouvement africain de solidarité se propose aussi de collaborer avec ses homologues d’Europe, d’Amérique latine et d’Australie pour la promotion de la cause sahraouie. La Conférence a par ailleurs apporté son soutien aux positions des gouvernements d’Afrique du Sud, d’Algérie et du Nigeria par rapport à la cause sahraouie, et a exprimé sa volonté de faire en sorte que ces positions aillent dans le sens d’une «isolation» du Maroc, comme cela avait été fait auparavant pour le système de l’apartheid.» (3)

    Cependant, une prise de conscience se fait jour en Europe et même aux Etats-Unis. On sait que le lobby marocain aidé par le lobby sioniste est arrivé jusqu’à présent à bloquer les prérogatives de la Minurso quant à sa mission de surveillance des droits de l’homme dans les territoires sahraouis occupés. D’autre part, on apprend que le président de la Coordination des comités et des associations européennes de soutien au peuple du Sahara occidental (Eucoco), Pierre Galand, a affirmé que le rapport Charles Tannock adopté récemment par le Parlement européen (PE) est «très clair» sur la violation des droits de l’homme dans les territoires sahraouis occupés et sur la spoliation des richesses naturelles du Sahara occidental soulignant que ce rapport «est aussi clair dans sa partie réservée à la spoliation par le Maroc des ressources naturelles du Sahara occidental». Tout en rappelant les décisions adoptées par le PE en relation avec la suspension des accords dans le secteur de la pêche avec le Maroc au regard des violations des droits des Sahraouis dans les territoires occupés, il s’est dit «choqué» de constater que «l’Espagne a signé un préaccord sur la pêche avec Rabat». «C’est choquant d’autant plus que ce préaccord est survenu au moment où l’opinion internationale vient d’apprendre la découverte d’un charnier de victimes sahraouies et que Madrid était au courant de ce drame, a souligné M.Galand.» (4)

    Le feuilleton du drame palestinien

    L’analogie entre Sahraouis et Palestiniens est troublante. On a tout dit du drame palestinien qui perdure depuis près d’un siècle. Voilà une cause pour la dignité d’un peuple qui accepte de vivre sur le cinquième de sa terre originelle et qui voit chaque jour les perspectives d’un Etat palestinien s’éloigner. Un nouveau round de négociations sans lendemain se déroule sous nos yeux. Israël construit sur les terres palestiniennes tout en déclarant négocier. (5)

    Selon une dépêche de l’AFP on apprend qu’Israël a proposé que le tracé de la barrière de séparation serve de base pour les discussions de paix, et non les lignes d’avant 1967, comme le réclament les Palestiniens, Les négociateurs israéliens ont proposé à leurs homologues palestiniens que cette barrière, dont le tracé se trouve à 85% en Cisjordanie, isolant 9,4% du territoire palestinien, Jérusalem-Est compris (chiffres ONU), serve de point de départ aux discussions, selon le quotidien Yediot Aharonot et la radio publique israélienne.

    En outre, Israël veut conserver certaines colonies juives isolées de Cisjordanie – Beit El, Psagot et Nokdim, selon les mêmes sources. Interrogé, un porte-parole du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu n’a pas confirmé ces informations, indiquant qu’il ne commentait pas les négociations en cours, sur lesquelles le secrétaire d’Etat américain John Kerry a imposé aux deux parties un black-out médiatique. La question du statut de Jérusalem a également été abordée, Interrogé sur ce point, un haut responsable israélien a indiqué sous couvert de l’anonymat qu’Israël avait ´´dit clairement aux Palestiniens que Jérusalem resterait unifiée sous souveraineté israélienne´´.(6)

    La construction de nouvelles unités d’habitation dans les colonies israéliennes en Cisjordanie occupée, y compris dans la ville sainte d’El Qods, se poursuit sans relâche. L’Etat hébreu a lancé dimanche de nouveaux appels d’offres pour la construction d’environ 2000 nouveaux logements dans les Territoires palestiniens occupés en 1967, selon «La Paix maintenant», une organisation non gouvernementale israélienne, opposée à la construction de colonies en Palestine occupée, ces appels d’offres concernent 1859 unités d’habitation en Cisjordanie dont 828 à Jérusalem-Est, El Qods, occupée, mais aussi annexée par Israël en 1967. La Paix maintenant critique les pratiques du gouvernement israélien. «Chaque fois que Netanyahu fait un petit pas vers la paix, il en fait deux grands pour faire en sorte qu’il soit plus difficile de parvenir à la paix, a déploré l’ONG.» (7)

    Que fait Abou Mazen? Il va protester pour la millième fois. Lors d’une réunion du comité exécutif de l’OLP, jeudi à Ramallah, en Cisjordanie occupée, une réaction ferme à la poursuite de la colonisation a été décidée. Pendant ce temps «La pizza» -objet de négociations- rétrécit mais les affaires des dirigeants politiques sont plus que jamais prospères…

    La réalité du pouvoir marocain et le Grand Maghreb

    C’est un fait que le pouvoir marocain est dans une mauvaise passe qui le conduit à la diversion; le peuple souffre le martyre, s’appauvrit de plus en plus pendant que le roi s’enrichit de plus en plus. Deux journalistes de talent, Catherine Graciet et Eric Laurent, ont analysé dans un ouvrage la prédation royale. Depuis son accession au trône en 1999, écrivent-ils, Mohammed VI a pris le contrôle de l’économie du Maroc dans l’arbitraire le plus absolu. Une stratégie d’accaparement marquée par la corruption effrénée de ses proches. Au Maroc, en 2012, la monarchie impose toujours le silence et le secret sur ses agissements, ce qui a rendu notre enquête souvent délicate à mener. La monarchie marocaine a instauré parmi les élites dirigeantes une véritable «culture de la docilité». Mais, surtout, elle fait peur: lorsqu’elle s’abat, la disgrâce royale condamne socialement mais aussi financièrement et professionnellement. Ils connaissent notre attachement sincère au Maroc et à son peuple. (…) Au Maroc, la monarchie demeure le seul pouvoir. Elle continue de prospérer puisqu’elle a eu la bonne idée de transformer, depuis des décennies, la vie publique et les institutions en un théâtre d’ombres. Les excès du roi sont protégés par une omerta que nous avons décidé de briser avec ce livre.» (8)

    «En juillet 2009, le magazine américain Forbes créa la surprise (…) le roi du Maroc, Mohammed VI, faisait une surprenante apparition à la septième place, avec une fortune évaluée à 2,5 milliards de dollars. Il devançait des rivaux en apparence pourtant plus richement dotés, comme l’émir du Qatar, (…) dont la fortune, selon Forbes, était six fois inférieure à celle du souverain marocain. En 2009, la crise financière mondiale survenue un an plus tôt avait frappé de plein fouet l’ensemble des revenus, y compris ceux des plus fortunés. Pourtant, Mohammed VI, dont la fortune avait doublé en cinq ans, semblait mystérieusement échapper à ces aléas…Dans le rapport mondial sur le développement humain élaboré par le Pnud, l’agence des Nations unies pour le développement, couvrant la période 2007-2008, le Maroc est en effet classé au 126e rang (sur 177 États) du point de vue du «développement humain», et le taux de pauvreté du pays atteint 18,1%. Pour ne rien arranger, en 2008, la dette publique du Maroc a bondi de 10% en un an, pour atteindre 11,9 milliards d’euros, soit 20% du PIB. Le classement de Forbes ne faisait que soulever pudiquement un coin du voile sur l’ampleur d’une fortune royale en vérité beaucoup plus importante. Surtout, il taisait ou ignorait les moyens mis en oeuvre pour parvenir à amasser une telle richesse.»(8)

    L’utopie de l’Union maghrébine basée sur des malentendus
    Dans ces conditions comment peut-on parler d’Unité maghrébine quand les conditions minimales ne sont pas réunies. Pour le roi, ««les ennemis de la nation» ne sont autres que les Algériens. D’ailleurs, depuis son accession au trône, il a développé un discours extrêmement agressif contre l’Algérie, un discours qui, au lieu d’inciter à l’apaisement, pousse au contraire à créer un climat de tension».

    «Depuis sa création [l’UMA] en février 1989 à Marrakech, les pays membres ont signé entre eux seulement 37 traités et accords. Or, l’Algérie en a ratifié 29, la Tunisie 28, la Libye 27, la Mauritanie 25 et le Maroc seulement 8. Ce sont là des chiffres qui soulignent clairement le désintérêt du royaume pour la construction maghrébine. Il est surtout en train de vivre avec un rêve moyenâgeux: le Grand Maroc et son corollaire, l’expansionnisme colonial. (..) Le régime de Rabat doit faire son choix et définitivement. Veut-il le «Grand Maroc» ou le «Grand Maghreb»?» (1)

    Il y va de l’avenir de la région. Les peuples doivent comprendre que leur salut est dans l’unité. Nous partageons beaucoup de valeurs. Dans le monde actuel si on reste divisés, nous allons devenir des poussières d’Etat. L’arrogance du Maroc qui se croit intouchable n’est pas fortuite elle provient du soutien inconditionnel de la France qui a fait du Maroc son pré carré.

    A bien des égards il fait office par sa politique inhumaine, par sa répression sans fin comme un second Israël dans la région, n’a -t-il pas avec l’aide d’experts israéliens fait un mur d’apartheid? Il est vrai que son impunité internationale le place au-dessus du droit international en ignorant les aspirations du peuple sahraoui et plus largement du peuple marocain à vivre libre dans la dignité.

    1. Provocations marocaines contre l’Algérie: Le Roi veut-il la guerre? El Watan le 05.11.13

    2. L’ambassadeur du Maroc convoqué au MAE…El Watan le 04.11.13

    3. Hassan Moali: La Conférence d’Abuja El Watan le 02.11.13

    4. http://www.elwatan.com/international/territoires-occupes-pierre-galand-brandit-le-rapport-tannock-05-11-2013-233895_112.php

    5. C.E. Chitour: Le calvaire du peuple palestinien. Editions Casbah 2013

    6. Israël propose la barrière de séparation comme base des discussions de paix le 05.11.13

    7. http://www.elwatan.com/international/2000-nouveaux-logements-en-cisjordanie-netanyahu-piege-la-visite-de-john-kerry-05-11-2013-233890_112.php

    8. Catherine Graciet, Eric Laurent. Le Roi prédateur Editions du Seuil p.5-7 mars 2012

    Professeur Chems Eddine Chitour

    Ecole Polytechnique enp-edu.dz

    Source : Blog Chitour, 9 nov 2013

    Tags : Maroc, Algérie, Sahara Occidental, Palestine, Maghreb, ONU, UE,

  • Le Maroc jalouse le protagonisme de l’Algérie dans la région

    Face aux succès de la diplomatie algérienne, le Maroc peine à trouver des motifs pour se faire repérer. Au Mali, la médiation d’Alger a été décisive. En Libye, la position de l’Algérie a freiné les velléités belliqueuses du zaïm turque qui s’était vu obligé de dépêcher son ministre des affaires étrangères en vue de mesurer le pouls à Alger. Une simple déclaration du nouveau président algérien a bouleversé l’échiquier libyen.

    Ce scénario inattendu a provoqué des ravages au Maroc. Le chef de la diplomatie marocaine se fait inviter dans la question libyenne. « Le Maroc préoccupé par l’escalade militaire » au même temps qu’il affirme que son pays s’oppose à toute intervention militaire en Libye.

    « L’Algérie se met en évidence : Tebboune a reçu Fayez Serraj (président GNA Libye) et Cavusoglu (MAE Turquie). Où est la diplomatie marocaine », se demande Hibapress presqu’en larmes.

    Yabiladi, pour sa part, a écrit : « Dossier libyen : Où se situe le Maroc dans la mobilisation internationale ? ».

    C’est une question qui dérange au plus haut point au Maroc. L’Algérie n’est pas n’importe qui. Elle est la première puissance au Maghreb et sa politique extérieure a été saluée par toute la planète. D’autres pays, comme le Maroc, sont connus pour leurs croisades conjointes avec la France en Afrique et leur dévouement à défendre les intérêts des puissances étrangères.

    Tags : Algérie, Maroc, Libye, Maghreb, Sahel, Mali,

  • Tous africains

    Coup de boule n°84

    Par Nadir Dendoune, mars 2019 (siné mensuel)

    Je sais : c’est pas très objectif mais j’aimerais que tout le monde pense comme ma mère. Quatre-vingt-deux piges, et autant d’années à apprendre à aimer son prochain, peu importe d’où il vient, peu importe la couleur de sa ganache. Elle écoute dès qu’elle peut Radio Soleil, sa radio de cœur, un pont entre la France et son bled, l’Algérie.

    Un jour, I’animateur s’est mis à parler du racisme qui touche les Noirs au Maghreb. Ma mère a dit en kabyle : « Pourquoi cette haine ? » Depuis une quinzaine d’années, de graves incidents se multiplient contre les populations noires en Afrique du Nord. Du Maroc à la Libye, en passant par l’Algérie. On ne compte plus les ratonnades policières, les lynchages, les humiliations et autres faits divers affligeants.

    Les médias commencent à parler de ce sujet longtemps resté tabou et, sur place, des associations se bougent le fion. En 2016, une campagne de sensibilisation a été menée conjointement par des militants antiracistes algériens, marocains, tunisiens et mauritaniens dans leurs pays respectifs réunis dans le collectif Ni oussif ni azzi, baraka et yezzi (en français « Ni esclave, ni nègre, stop, ça suffit »).

    En octobre 2018, le Parlement tunisien a voté une loi punissant le racisme que peuvent subir les populations du Sud, souvent de peau sombre, et les migrants subsahariens. C’est un bon début. Des Africains qui s’en prennent à d’autres Africains. Comme chez nous, en Europe, sur fond de misère sociale, on s’en prend aux plus fragiles, aux derniers arrivés. Là-bas aussi, on oublie d’éduquer les gens. Pourtant, comme le dit ma mère : « On est tous les mêmes… sous le même soleil. »

    Tags : Maghreb, Afrique, subsahariens, racisme, migration,

  • En Europe, les marocains se font passer pour algériens pour salir l’image du pays voisin

    Par Moustafa El Harrachiya(*)

    Les marocains mènent une campagne de désinformation sans précédent contre l’algérie et les algériens. Dans tous les pays où les algériens sont très minoritaires voire en nombre dérisoire (USA, BELGIQUE, PAYS-BAS, ALLEMAGNE, ESPAGNE etc.. ), ils dénigrent notre histoire et notre culture. Tous nos héros nationaux (Emir Abdelkader, Tarek Ibn Ziad, Bouamama…) sont marocains ou d’origine marocaine.

    Pour se donner de l’importance et une grandeur qu’ils n’ont jamais eue, ils disent que l’Algérie était sous domination marocaine et que c’est la France qui a spolié le royaume de ses territoires algériens. (Eh oui, il faut le faire et être vraiment éhonté pour oser dire ça). Ils disent que le sahara occidental était aussi spolié par les espagnoles et qu’il appartenait à ce soi-disant royaume fantomatique marocain.

    Sur le plan culturel, alors là ils y vont très fort. Ecoutez bien: ils disent que le Raï est d’origine marocaine, el Andalous aussi. Ils disent que toute la musique algérienne s’inspire de la culture marocaine, sans elle on est rien. Khaled, Hasni, Reda, Taliani, Bilal deviennnent tous marocains ou d’origine marocaine. Nouri Kouffi, est un voleur des succès marocains dont « jay à la aoudou ».

    Du coup, les marocains nous ont appris dzeghride (les youyous), ils nous ont ramené le burnous (eh oui les deux symboles de l’Algérie deviennent marocains), le couscous est né à Oujda (et non pas à Blida par Jean Baptiste Ferrero en 1835 qui découvrit le ksouksou), la merguez est en passe de devenir marocaine, comme Hamoud Boualem.

    Nos patisseries fines commencent à devenir d’origine marocaine. LES MAROCAINS SONT EN TRAIN DE NOUS VOLER TOUT CE QUI FAIT NOTRE FIERTE ET NOTRE HISTOIRE. Par ailleurs, tous les délinquants et tout comportement incivique des marocains se fait sous le sceau algérien. Ils nous salissent en se faisant passer pour nous. Beaucoup de citoyens des pays que j’ai cité plus haut, pensent que l’algérien est dangereux non pas parce qu’ils ont eu affaire à nous mais à des marocains vicieux qui se font passser pour nous! Ils communiquent et désinforment d’une manière organisée et coordonnée.

    Aux autorités algériennes et aux algériens de mener une contre-offensive, en dénonçant ouvertement les sales manoeuvres marocaines. Que les ambassades soient informées de cette imposture. Les algériens à l’étranger ne sont pas visibles contrairement aux idées reçues car ils s’intègrent facilement aux populations locales du fait de leur degrés appréciable de leur instruction, ce qui n’est pas le cas des marocains qui vivent en communauté et d’une manière très archaïque comme des bergers.

    Pire encore, TOUS les algériens qui ont lié une relation amicale avec les marocains ont été TRAHIS. Les hommes qui ont épousé des marocaines et qui ont des biens, sont pour la plupart malades et décèdent en léguant leur biens à leur épouses du makhzen.

    Mes sources? Des diplomates algériens qui ont gardé les doléances des algériens vivant à l’étranger. Un exemple, regardez comment Amelle Chahbi, cette marocaine qui se grime en femme kabyle, qui se fait passer pour une algérienne, pour nous déshonorer.

    Si j’écris ce message c’est que le moment est grave et que si nous ne faisons rien, les marocains nous détruiront que par la communication. Ils sont persuadés que les mensonges d’aujourd’hui deviennent une vérité demain. Alors répondez du tac au tac à leur mensonge et remettez les à leur place de bergers éhontés et vassaux. Laissons-les adorer et se prosterner pour leur roi, nous notre Dieu est l’unique soubhanou et qu’à lui seul nous nous prosternons. Eux ils sont maudits, nous, nous sommes bénis!

    (*) Toute opinion n’engage que son auteur

    Tags : Maroc, Algérie, couscous, Maghreb,

  • Le Maroc n’a jamais défendu militairement les territoires qu’il revendique en Mauritanie, en Algérie, au Sahara Occidental ni à Ceuta et Melilla.

    Hassan II n’a jamais voulu brûler ses doigts en faisant la cuisine. Ce qu’il voulait c’est un plat prêt à manger. Sans penser à l’indigestion qui pourrait s’en découler.

    Lors de la naissance du Front Polisario le 10 mai 1973, les quotidiens marocains, dont l’officieux Matin du Sahara, ont publié intégralement le communiqué sahraoui proclamant la lutte armée contre le colonialiste espagnol et le 7 août 1973, le quotidien Al-Alam, organce central du Parti Istiqlal qui revendique le Grand Maroc, a publié une dépêche sur deux accrochages entre les maquisards sahraouis et les troupes espagnols dans la région de Rio de Oro et Dhar3 El Kelba. La dépêche portait le titre de « Les combattants résistent contre le colonialisme espagnol au Sahara Occidental occupé » (voir image ci-dessus).

    A ce moment-là, les autorités marocaines n’ont pas pensé apporter leur soutien en vue d’expulser les colonialistes espagnols. Au contraire, le roi Hassan II a mené une violente campagne de répression contre les militants sahraouis qui se trouvaient sur le territoire marocain.

    A aucun moment de l’histoire, le Maroc n’a défendu militairement le Sahara Occidental, ni les territoires qu’il revendique en Algérie, en Mauritanie, au Mali comme il a renoncé à défendre Ceuta et Mellila, les deux enclaves « espagnoles » situées au coeur même de son territoire, les Iles Zaffarines et les rochers de Badis. Au contraire, la monarchie alaouite n’a jamais cessé de conspirer avec les forces coloniales contre les combattants marocains et algériens qui étaient prêts à poursuivre la guerre jusqu’à la libération de tout le Maghreb.

    Une fois libérés, le Sahara Occidental et l’Algérie, le roi Hassan II, poussé par des graves erreurs psychologiques, stratégiques et militaires, croyant que les sahraouis et les algériens n’allaient pas défendre leurs territoires, a décidé d’occuper les postes évacués par les français et les espagnols. Rabat n’a pas fait de même avec la Mauritanie en raison du refus français et du territoire du Sahara Espagnol qui s’interposait.

    Hassan II n’a jamais voulu brûler ses doigts en faisant la cuisine. Ce qu’il voulait c’est un plat prêt à manger. Sans penser à l’indigestion qui pourrait s’en suivre.

    Tags : Maroc, Sahara Occidental, Algérie, Grand Maroc, Mauritanie, Tindouf, Front Polisario, Maghreb,

  • Selon Brahim Ghali, le peuple marocain est « frère ». Rien n’est moins faux !

    A l’occasion du congrès des femmes sahraouies, le président sahraoui a fait une déclaration qui a fait écho dans la presse marocaine. Selon lui, les marocains sont un « peuple frère ». C’est dire que la diplomatie joue parfois des mauvais tours jusqu’au point de pousser à des déclarations aussi mensongères que pathétiques.

    Les marocains, un « peuple frère » ? Dans les rêves de Brahim Ghali, parce que dans la réalité, les marocains sont le pire ennemi non seulement du peuple sahraoui, mais aussi de tous les peuples du Maghreb. Leur soutien au mensonge du « Grand Maroc » qui a été réduit du Fleuve Sénégal à Lagouira, malgré qu’il n’y a aucune présence marocaine dans cette dernière, en est une preuve.

    Ils ont refusé de se battre avec les peuples de la région contre le colonialisme et lorsque les mauritaniens, les algériens et les sahraouis ont réussi à expulser le colonisateur, les marocains sont arrivés pour revendiquer la terre pour laquelle ils ont refusé de se battre.

    Qui a conspiré avec les français et les espagnols contre Jeich Attahrir, l’Armée de Libération ? Le Maroc, et rien que le Maroc. Mohammed V et son fils Hassan II ont désarmé les combattants marocains qui étaient prêts à poursuivre le combat contre le colonialisme en Algérie, au Sahara Espagnol et en Mauritanie.

    Bernés par la propagande du Makhzen, les marocains se croient supérieurs à tous les peuples de la région, alors que c’est le Maroc qui enregistre les taux les plus élevés en pauvreté, analphabétisme et misère. Le seul peuple dont les prostituées ont investi la planète entière c’est le Maroc.Une arrogance cultivée par la régime au point que leur Premier Ministre n’hésite pas à déclarer que le Maroc fait mieux que la France dans plusieurs domaines.

    Tags: Maroc, Sahara Occidental, Polisario, Makhzen, peuple marocain, Maghreb,

  • Maroc: Note sur le traitement par la presse Algérienne du discours du Trône du 30/07/2008

    Note sur le traitement par la presse Algérienne du discours du Trône du 30/07/2008

    I. Le traitement par la presse Algérienne

    1. Articles étudiés

    1. Salima Tlemçani : « Le Roi du Maroc fustige la fermeture des frontières avec l’Algérie : la colère de Mohammed VI », El Watan, 31/07/2008.

    2. Djalal Bouati, « Mohammed VI accuse l’Algérie de perpétrer une sanction collective contre son pays », El khabar, 31/07/08

    3. Saïd Oussad, « Forcing », Liberté, Editorial, 31/07/2008.

    4. Nadia Benakli « Mohammed VI adjure Alger de rouvrir les frontières », L’Expression 31/07/2008.

    5. Kamal Aït Bessaï ; « le Roi du Maroc veut tendre la main à l’Algérie », Jeune-Indépendant, 31/07/2008.

    6. Mohammed Zaaf, « Tendue ou rigide c’est kif-kif », Jeune-Indépendant, 31/07/2008.

    7. Ali Babès, « Algérie, Maroc : le Roi revient sur les frontières », Le Quotidien d’Oran.

    8. Mourad M’Hamed ; « Mohammed VI renouvelle son appel pour la réouverture des frontières avec l’Algérie », Echourouk, 31/07/2008.

    2. Analyse des articles de la presse Algérienne

    Les différents titres de la presse algérienne ont traité le discours Royal en partant des mêmes postulats et de la même méfiance à l’égard le Maroc. Ils ont tout d’abord procédé à une interprétation basée sur le prisme de lecture habituel à la presse Algérienne et une réponse indignée au geste d’ouverture du Maroc ; ensuite, les journalistes ont essayé de « répondre » aux propos de Sa Majesté (tels que interprétés par eux-mêmes)

    a. La lecture biaisée du discours

    Les passages concernant les relations avec l’Algérie et la question du Sahara ont été présentés comme l’élément le plus important du discours du Trône. A titre d’illustration selon Le Quotidien d’Oran, la ville de Fès avait même été choisie symboliquement pour lancer ce qu’il a considéré comme un « appel vers l’Algérie ».

    Ces passages du discours ont ainsi été considérés comme un appel solennel de la part de Sa Majesté lancé à l’Etat Algérien pour la réouverture des frontières dans la continuité des appels lancés par le Royaume dans les mois précédents. Au moment ou Sa Majesté n’a fait que constater « l’incompatibilité » de la situation actuelle avec ce que devraient être les relations entre les deux pays.

    L’appréciation du ton du discours par les publications Algériennes n’a pas échappé à la tendance à la sur-interprétation tendancieuse du discours. Tandis que seule l’Expression y a décelé des propos conciliants, les autres publications ont relevé une hausse de ton de la part de Sa Majesté envers l’Algérie. El Watan a souligné « la colère du Roi » dans son article à la une illustré par une photo de Sa Majesté avec des traits tendus. Les autres journaux ont multiplié les termes renvoyant à un durcissement des propos de Sa Majesté qui aurait « fustigé » ou « accusé » l’Algérie de procéder à une « sanction collective contre son peuple » cf. El Khabar.

    b. Eléments de réaction aux propos de Sa Majesté.

    Les publications Algériennes ont puisé dans le même registre habituel pour répondre à certaines affirmations ; évoquant ainsi la responsabilité du Maroc dans la situation actuelle à travers le rappel de l’épisode de 1994 : le Maroc, suite aux attentats de Marrakech avait rétabli les visas pour l’entrée des ressortissants Algériens.

    Toutes les publications Algériennes ont, sans exception, défendu systématiquement la position de leur Gouvernement en soulignant la nécessité d’un traitement global des dossiers en suspens entre les deux pays ; et affirmant dans le but d’influencer l’opinion publique algérienne, que la réouverture des frontières est une nécessité plus Marocaine qu’Algérienne, présentant des intérêts unilatéraux. Sa Majesté serait ainsi plus préoccupé par les problèmes économiques et sociaux que connaît la région de l’Oriental que par un réel rétablissement des relations entre les deux pays.

    Les bonnes dispositions du Maroc manifestées par le discours Royal sont traitées avec une grande méfiance. Les journalistes Algériens y voient des manœuvres dilatoires – faisant référence à une « malice politique…. » – visant à présenter l’Algérie comme responsable de la situation actuelle et à « manipuler l’opinion publique internationale »( sic) en postulant une relation directe entre la question du Sahara et l’état des relations entre les deux pays.

    II. Synthèse

    Le commentaire du discours Royal ne déroge pas à la structure du discours de la presse Algérienne vis-à-vis du Maroc et des ses institutions :

    1. Le poids de l’histoire : la presse algérienne puise régulièrement dans l’histoire pour chercher des épisodes par lesquels elle pourrait étayer ses jugements sur le Maroc. La guerre des sables, l’interception de l’avion du FLN par l’armée française durant la guerre de libération, les incidents de 1994 sont autant des épisodes de l’histoire Algéro-Marocaine interprétés et contés fallacieusement de manière à rejeter toute responsabilité sur le Maroc.

    2. L’unanimité des discours. Dans tout ce qui relève des relations avec le Maroc, la presse Algérienne est unanime sur l’essentiel ne s’écartant pas de la position officielle ; l’élément nationaliste devient prédominant et catalyseur du discours. Autant, la presse algérienne retrouve une certaine marge de liberté quand elle traite d’autres sujets, elle suit une ligne officielle dans tout ce qui concerne le Maroc.

    Source: Maroc Leaks

  • La visite de MBS à Alger et à Tunis provoque la polémique

    À Alger, une pétition circule pour dénoncer la visite du prince héritier. À Tunis, la société civile appelle à manifester contre sa venue. À Rabat, où il ne passera pas, on analyse les raisons d’un « boycott »

    ALGER – Mohammed ben Salmane a entamé jeudi aux Émirats arabes unis une tournée à l’étranger sur « instruction » de son père, le roi Salmane, « soucieux de renforcer les relations du royaume aux niveaux régional et international » et de poursuivre « la coopération et les contacts avec les pays frères dans l’ensemble des domaines », selon un communiqué du cabinet.

    Mais à Alger, la visite du prince héritier saoudien, annoncée par son cabinet pour le 6 décembre, fait réagir médias et réseaux sociaux.

    « Le prince héritier cherche une légitimité ‘‘arabe et islamique’’ dans la crainte que ses rivaux prennent le pouvoir par la force et le privent de la fonction de gardien des deux lieux saints de l’islam en remplacement de son père vieillissant », écrit le site d’information Algérie Patriotique.

    Le même journal électronique considère qu’à travers cette visite, dans le cadre d’une tournée dans plusieurs pays arabes, « Mohammed ben Salmane cherche à se refaire une virginité auprès des ‘‘frères arabes’’, en donnant sa version des tenants et des aboutissants de cette affaire [l’assassinat du journaliste Jamal Khashoggi] qui a confirmé la nature brutale et sauvage du régime saoudien ».

    Selon des médias américains, la CIA n’a plus de doutes sur la responsabilité de Mohammed ben Salmane dans le meurtre. Mais le président Donald Trump a assuré mardi que l’agence américaine de renseignement extérieur n’avait « rien trouvé d’absolument certain », et réaffirmé son soutien aux dirigeants du royaume.

    Après la position de Donald Trump, « il est difficile de ne pas voir cette tournée régionale comme un tour d’honneur », a déclaré à l’AFP Kristin Diwan de l’Arab Gulf States Institute à Washington. « Se rendre dans des pays amis oblige ces États à manifester leur soutien au prince héritier, et sert à rallier un soutien régional avant le G20 », selon elle.

    Une pétition, signée par un peu plus d’un millier de personnes, a été lancée par des internautes algériens exigeant l’annulation de cette visite. « À cause des nombreuses victimes qui, comme nos frères du Yémen, doivent ressentir notre solidarité d’Algériens dignes de songer à leur vulnérabilité, les autorités algériennes sont interpellées pour ne pas convenir à des crimes non encore élucidés ».

    Le président du Mouvement pour la société de la paix (MSP, islamistes), Abderrezak Makri, a déclaré aux médias qu’« accueillir le prince héritier durant cette période n’est favorable ni à l’image de l’Algérie, ni à sa réputation ».

    Pour Makri, MBS est responsable de « la mort d’enfants et de civils au Yémen, de l’emprisonnement de beaucoup de prédicateurs, de juristes et d’hommes de culture au Royaume et, dernièrement, de l’assassinat ‘‘daechien’’ de Djamel Khashoggi ».

    Le leader du parti islamiste a également expliqué que le prince héritier venait à Alger pour « peut-être rassurer l’Algérie sur la chute des prix du pétrole et qu’il ambitionne de la transformer en république bananière ».

    L’Algérie dépend principalement de ses ressources en hydrocarbures et chaque chute du prix du baril menace fortement ses équilibres économiques.

    Les autorités algériennes n’ont pour le moment pas confirmé cette visite.

    Colère en Tunisie

    En Tunisie, où MBS doit arriver mardi 27 décembre, une cinquantaine d’avocats ont été chargés par des journalistes, des blogueurs et des activistes de porter plainte devant les tribunaux tunisiens dans le but de s’opposer à cette visite.

    Dans une lettre ouverte au président tunisien, Béji Caïd Essebsi, le Syndicat national des journalistes tunisiens dénonce cette visite, la qualifiant de « provocation » et de « violation criante des principes de la révolution de 2011 ».

    « Le sang de Khashoggi n’a pas encore séché. L’assassin Mohammed ben Salmane n’est pas le bienvenu en Tunisie », a dénoncé Neji Bghouri, président du syndicat des journalistes.

    Dans cette lettre, le SNJT parle du prince héritier saoudien comme d’un « véritable danger pour la paix et la sécurité dans le monde » et un « ennemi de la liberté d’expression ».

    Alors que le conseiller à la présidence Noureddine ben Ticha a affirmé à l’antenne de Mosaïque FM que « MBS était le bienvenu en Tunisie, à l’image des autres dirigeants arabes », des militants ont appelé à une manifestation devant le palais présidentiel à Carthage mardi, jour de l’arrivée du prince héritier.

    Le Maroc, « boudé » et « boycotté »

    Au Maroc, où aucun déplacement n’est prévu, Tel Quel s’interroge sur les raisons d’un « boycott » : « Officiellement, il n’existe aucune tension entre Rabat et Ryad, qui a nommé, le 18 novembre, un nouvel ambassadeur au Maroc en la personne d’Abdellah ben Saad Al Ghariri », note le magazine qui rappelle qu’un mois plus tôt, le roi Mohammed VI recevait le ministre de l’Intérieur saoudien.

    En juin, le soutien de Riyad au trio nord-américain États-Unis-Mexique-Canada au détriment du Maroc pour l’organisation de la Coupe du monde de 2026 avait toutefois été mal reçu à Rabat. D’autant que, comme le rappelle Tel Quel, « le conseiller du roi Salmane et le président du comité olympique saoudien et de l’Union des associations arabes de football (UAFA) avaient indirectement critiqué le Maroc à travers des sorties médiatiques ».

    « Cela permet de jauger la qualité des relations entre le Maroc avec ses partenaires du Golfe. Autrefois alliés indéfectibles, leurs relations avec le Maroc se sont grandement détériorées suite au renforcement de la position de Mohamed ben Salmane, et surtout en raison de la neutralité du Maroc dans la crise du Qatar », avait à l’époque déclaré un analyste sportif marocain à Middle East Eye. 

    Le site d’informations le Desk estime que cette situation montre combien « les différends entre Rabat et Riyad n’ont pas été aplanis ». Le site rappelle aussi que début juillet « des sources saoudiennes avaient annoncé que le roi Salmane avait annulé son traditionnel séjour estival à Tanger en raison du coup de froid dans les relations entre les deux royaumes ».

    Source

  • Injustices sociales et contestations politiques au Maghreb

    Les révoltes au Maghreb s’inscrivent dans un contexte caractérisé par l’arrivée de nombreux jeunes sur le marché du travail, par des économies incapables de répondre à leurs demandes et par des institutions politiques délégitimées. Provoquées initialement par la répercussion de l’augmentation du prix des matières premières sur les prix des produits de consommation de base, ces révoltes auraient pu se transformer en émeutes de la faim et se terminer par des arrestations massives dans le cadre d’une politique de répression. Mais, à la différence du passé, elles se sont transformées en un soulèvement pacifique, dans la plupart des pays concernés, et insurrectionnel en Libye. L’incapacité des forces de police à rétablir l’ordre a contraint l’armée à jouer un rôle d’arbitre entre les révoltés et les présidents pris à parti par la population. En Egypte et en Tunisie, très habilement, celle-ci a exploité l’opportunité qui lui était offerte de réapparaître comme l’alliée du « peuple ». Ce choix stratégique partait du constat que le précédent algérien des années 1990 serait inapplicable dans des pays dépourvus des moyens considérables financiers issus de la vente des hydrocarbures. En somme, ces révoltes démontrent que les modes de domination fondés sur la peur, voire la terreur, ne garantissent plus la stabilité d’un régime ; en même temps, elles soulignent les limites du modèle clientéliste fondé sur la cooptation des élites et la redistribution arbitraire des ressources. Considérés par les populations comme des organisations mafieuses et confrontés à ces bouleversements, les régimes autoritaires semblent dépourvus de moyens susceptibles de répondre aux défis que posent la démographie, les revendications démocratiques et la révolution internet. Les révoltes du Maghreb permettent de jeter un regard nouveau sur le fonctionnement, et en particulier sur les modes de concentration des richesses, devenus insupportables pour des populations contraintes, pour la majorité, de vivre avec des moyens dérisoires.

    Des révoltes sociales prévisibles

    En un demi-siècle, la population du Maghreb a été multipliée par 3,4, passant de 25,7 millions d’habitants en 1950 à 77,8 millions en 2001. L’espérance de vie a gagné 25 ans (de 42 à 67 ans), à l’exception de la Mauritanie où celle-ci ne dépasse pas 50 ans.

    Cette révolution démographique a pour conséquence une augmentation de la population des 20-40 ans de 23 millions en 2000 à 28 millions en 2010. Cette tranche d’âge représente désormais 36% de la population totale et il faudra attendre 2030 pour la voir diminuer, et ne plus représenter que 33 %. Certes, à long terme la pression démographique, en particulier le poids des jeunes dans la pyramide des âges, déclinera en raison de la chute du taux de natalité.

    Et cela en raison de la diminution du taux de fécondité, passé de 7 à 8 enfants par femme en 1970 à moins de 3 en 2000. Mais, pour lors, la tranche d’âge des 20-40 ans est confrontée à la faiblesse de la création d’emplois dont le rythme est inférieur à la croissance de la population. Compte tenu du niveau de chômage au Maghreb, les pays de cette région devront créer quelque 22 millions d’emplois au cours des deux prochaines décennies pour occuper à la fois les chômeurs et les nouveaux venus sur le marché du travail.

    Si l’on peut considérer qu’une partie des  jeunes femmes seront contraintes à sortir de la population active pour des raisons familiales (en 2000, la participation des femmes à la population active était de 31% en Algérie, 43% au Maroc et 39% en Tunisie), il n’en demeure pas moins que quelques millions d’individus se retrouvent confrontés à une absence d’emplois. De façon prévisible, les défis que pose le stress démographique se situent à plusieurs niveaux. A court terme, la région devra faire face à la consolidation d’un chômage de masse aux conséquences politiques et sociales explosives (le basculement des chômeurs diplômés dans les mouvements de contestation politique était prévisible), le développement exponentiel des projets migratoires et le développement d’une économie informelle. La contestation en Libye montre que même dans ce pays, le stress démographique a pu servir de terreau à la mobilisation contre le régime : en 1973 la population libyenne est estimée à 2 millions d’habitants ; elle atteint en 5,6 millions en 1995 dont 1,7% de moins de quinze ans. Le rajeunissement de la population est évident et inhérent à un taux d’accroissement annuel de 4,21%, un des plus élevés du monde arabe. A cette augmentation démographique s’ajoute une urbanisation accélérée.  En 1950, la population urbaine représentait 20 % de la population totale, 26% en 1960, 45% en 1970, 62% en 1980 et 80% en 1995.  Dans cette perspective le développement de la pauvreté au Maghreb ne pouvait que s’accroître : on compte 5,3 millions de personnes au Maroc et 9 millions d’Algériens sont considérés comme vivant au-dessous du seuil de pauvreté ! Pis : le taux de pauvreté, qui avait reculé de 21 à 13% au cours de la période 1984-1992, a grimpé à 19% en 2000.

    En outre, le secteur agricole se porte mal. En effet, au Maroc, 41% de la population vit dans les campagnes, 40% en Algérie et 36% en Tunisie, soit 30 millions de personnes.  La population active agricole atteint 8 millions d’individus ; elle représente 34% de la population active totale au Maroc, 23,5% en Tunisie et 23,6% en Algérie. La part du secteur agricole dans le PIB, en 2003, est de 11% en Algérie, 13% en Tunisie et 18,3% au Maroc. Bien que le secteur agricole demeure toujours très important au Maghreb, il ne parvient pas à assurer la sécurité alimentaire. On estime à 3,8 millions le nombre de personnes en situation de malnutrition. En 2002, ce chiffre correspond à 1% de la population tunisienne, 5,6% de la population algérienne et 6,8% de la population marocaine. Le monde rural est d’autant plus poussé à partir vers les villes que son accès aux infrastructures (eau, santé) est très réduit : 56% de la population rurale a accès à l’eau potable au Maroc (99% de la population urbaine) ; 31% a accès à des services sanitaires (83% des urbains). En Tunisie, 60% de la population rurale a accès à l’eau potable (94% des urbains) et 62% à des services sanitaires. La population rurale a connu une amélioration de ses conditions de vie mais elle reste confrontée à des problèmes de pauvreté et de sous-emploi. La migration interne vers la ville et l’économie informelle prospère se comprennent mieux au regard de cette situation.  Dans une région comme le Rif, l’une des plus pauvres du Maroc, l’activité économique principale est la culture du cannabis : 75% des villages, soit 96 000 familles ou 800 000 personnes, s’y consacrent. Certes la culture du cannabis fixe les populations et apporte un complément de revenus pour les familles mais elle détruit l’écosystème ! A terme les conséquences pour l’environnement sont dramatiques : destruction des forêts, déboisement, utilisation massive d’engrais minéraux au détriment d’engrais organiques. Selon le GERIF, le cannabis est responsable de la disparition de 1000 ha de forêts par an : entre 1967 et 1987, 40% de la superficie couverte par les forêts a disparu. Dans cette perspective, les revenus issus de l’économie de la drogue fixent pour l’instant les populations mais il est à craindre que la destruction de l’écosystème et la faillite des projets de développement de cultures alternatives ne conduisent les populations du Rif à migrer. Au Maroc, la « rurbanisation » s’accompagne de l’émergence de « béton ville » où se créent des bidonvilles. En 2003, un recensement estimait à 886 le nombre de bidonvilles répartis sur 18 villes moyennes. Jusque-là méconnus, les bidonvilles, notamment ceux de Casablanca, sont devenus un enjeu de politique publique et de sécurité à la suite des attentats commis dans cette ville et à Madrid.

    L’économie informelle joue un rôle très important en Afrique du Nord. Selon différents rapports elle contribue, au Maroc par exemple, pour 17% à la production de la richesse nationale et, dans certaines branches comme le bâtiment et les travaux publics, le secteur informel occupe 52% de la main d’œuvre, 40% de la production et 55% de la valeur ajoutée. Les femmes sont très présentes dans l’économie informelle en particulier dans les fonctions d’aide familiale et de travailleuse à domicile. En milieu rural, elles sont mises à contribution « dans l’artisanat, les travaux de la laine, la vannerie et la poterie » ; elles constituent une main d’œuvre « quasi gratuite ».  En 1985, en Algérie l’emploi informel était estimé à 25% de l’emploi total hors agriculture ; il est passé à plus de 40% en 2001 ! En 2003, la population active d’Algérie s’élevait à 8,7 millions d’individus sur lesquels 2 millions étaient officiellement chômeurs. Environ 2,5 millions d’individus exercent une activité dans le secteur informel dont un million recensés comme chômeurs.

    D’insupportables injustices sociales

    Dans ce contexte social, la concentration des richesses soulève un problème politique majeur : celui de la redistribution des ressources financières. Depuis les indépendances, l’absence d’institutions politiques susceptibles d’exercer un contrôle démocratique sur les ressources de l’Etat a généré des situations d’hégémonie économique parmi certains acteurs politiques, situations largement dénoncées et remises en question par les contestataires du printemps arabe. Les révélations de Wikileaks soulignent ce que les populations de la région connaissaient déjà des pratiques généralisées et institutionnalisées de corruption. A l’instar de la Grèce, seul un aveuglement volontaire de l’Union européenne et des institutions internationales, explique le maintien, jusqu’au printemps arabe, d’une perception enchantée de la région. Ainsi, et en dépit des études critiques sur ce pays, notamment celles de Béatrice Hibou, la Tunisie de Ben Ali a longtemps représenté le « meilleur élève » du Maghreb. Parmi les facteurs assurant la promotion du régime, la dimension du « succès » économique de la Tunisie était constamment mise en relief afin de mieux marquer la différence avec les pays voisins, pourtant plus riches mais moins développés. Ainsi pour certains : « le président Ben Ali a repris les choses en main, redressé la barre, ramené l’espoir dans le cœur de la population, insufflé aux dirigeants d’entreprises et aux acteurs économiques la passion de bâtir et le goût de se surpasser » (Brissette, Dupont, Guitouni 2003) ! Comme le souligne la mission économique de l’Ambassade de France à Tunis en juin 2007 : « Entre 1995 et 2006, le PIB de la Tunisie a augmenté de 4,8%  par an en moyenne. La croissance s’est élevée à 5,4% en 2006 et les autorités prévoient 6% ». Ces taux de croissance expliquent en partie la bonne image de la Tunisie, même si la dynamique est alimentée par la croissance des crédits. Mais pour l’opposant au régime, derrière ces chiffres se cachent la mainmise d’un clan, celui des Trabelsi, sur les rouages de l’ensemble des secteurs économiques. De même derrière l’image rassurante de l’Egypte de Moubarak, le journal The Guardian, souligne que la richesse des Moubarak est estimée à plus de 30 milliards de dollars. Certes, au regard des avoirs de la famille Kadhafi (plus de 100 milliards de dollars), la Tunisie et l’Egypte font pâle figure. Pour les Libyens, la mainmise des Kadhafi sur la richesse du pays est une histoire ancienne dasn, laquelle il faut chercher les raisons du refus de Qadhafi de quitter le pouvoir comme l’ont fait Ben Ali et Moubarak. A la différence de ces derniers, Kadhafi est le fondateur d’un régime et le gardien d’un système là où les autres n’en ont été que les heureux successeurs. Pour Qadhafi, la Libye, c’est lui ; et autant dire que, s’il devait la perdre, ce serait pour la laisser dans l’état où il l’a trouvée, c’est-à-dire dans la misère…La résistance du clan Kadhafi à suivre le chemin de Ben Ali et Moubarak a tenu principalement au refus de reconnaître que la Libye n’est pas leur propriété.

    Aussi lorsque Seif el Islam annonçait que « La Libye [serait] un pays moderne, avec des infrastructures modernes, un PND  élevé. Ses citoyens [auraient] le meilleur niveau de vie de la région. La Libye [aurait] des relations proches avec le reste du monde, avec l’Afrique, un partenariat avec l’Union européenne. Elle [adhérerait] à l’OMC… » (Le Figaro, 8 décembre 2007), seuls ses partenaires commerciaux européens et asiatiques le prenaient au sérieux. Pour les Libyens, ces propos confirmaient que la démocratie et la liberté ne figuraient pas dans l’agenda politique du successeur désigné de Mouammar Kadhafi. En somme, la Libye resterait la propriété du clan. Pourtant, en avril 2008, Seif el Islam, faisait valoir que son groupe, Al-Ghad Média Group (la chaîne satellitaire al Libi, la radio Eman al Libi, les journaux Quryna et Oea) était nécessaire à la société libyenne qui avait besoin de « plusieurs médias qui abordent la corruption ». Effectivement, entre 2007 et 2008, le pays expérimente une relative « libéralisation » de ses médias. Mais dès mai 2009, un décret du gouvernement met un terme à cette expérience en nationalisant son groupe. Quelques mois plus tard, vingt journalistes travaillant pour Al Ghad sont arrêtés et détenus durant plusieurs jours. De façon symbolique, quatre journalistes travaillant à radio Benghazi sont également arrêtés pour avoir dénoncé en direct les pratiques de corruption au sein du gouvernement et surtout le massacre de la prison d’Abou Salim en 1996. Jusque-là, seule Internet permettait d’aborder ces sujets. Des forums, comme celui sur le développement humain, possèdent un site exclusivement consacré à la corruption en Libye. Mais selon l’Union internationale des télécommunications, seuls 5,5% de la population ont accès à internet… La Libye, comme l’Algérie, nous montrent que la rente pétrolière ne protège pas des révoltes.

    En effet, des émeutes secouent l’Algérie régulièrement mais aucune n’est parvenue à impulser une dynamique de révolte susceptible de catalyser les griefs et les doléances qui traversent la société algérienne.  Ainsi, en 2004, le prix administré de gaz butane augmentait, passant de 170 à 300 dinars. En janvier 2005, en plein hiver, des émeutes que la presse qualifie « d’émeutes du gaz » éclatent dans la wilaya de Djelfa et se répandaient dans le centre et l’Ouest du pays. Depuis cette date, le sud de l’Algérie est l’objet de soulèvements réguliers portés par un sentiment d’injustice : au nom de quoi la principale source de revenus extérieurs du pays – en l’occurrence les hydrocarbures – serait-elle contrôlée, gérée et distribuée par des élites « étrangères » aux régions pétrolifères (en fait venues de la capitale Alger) et non par ceux qui y vivent ? Pour la première fois, la population exprime son droit au contrôle de la principale ressource et réclame des comptes au gouvernement sur le choix de ses dépenses.  Pourquoi la région la plus riche en ressources énergétiques n’est-elle pas mieux dotée en infrastructures civiles ? Pour les émeutiers, la raison réside dans leur identité berbère. En mai 2008, dans la vallée du Mzab, la ville de Berriane est devenue le symbole de l’affrontement entre Arabes et Berbères. Dans les rues de cette ville ont manifesté des personnes convaincues que le montant de la redistribution de la richesse pétrolière est liée à l’appartenance ethnique ou raciale. Après la contestation et la violence des islamistes est venu celui de la revanche des terroirs, de la Kabylie au Mzab. En 2006, selon une étude de l’Agence nationale de l’aménagement du territoire (Anat) pour le compte du ministère de l’Emploi et de la Solidarité nationale, plus de 177 communes (sur les 1200 que comptent l’Algérie) sont considérées comme défavorisées ; elles se situent pour 11% dans les régions du Nord, 53% dans les Hauts Plateaux et 36% dans la région du Sud. Le revenu des ménages y varie de 5000 à 10 000 dinars/mois (50 à 100 euros). En fait, entre 1989 et 2003, le salaire moyen a baissé de 20%, « engendrant un sentiment d’appauvrissement qui ne s’est pas dissipé quand la situation économique s’est améliorée et que des augmentations de salaires ont été effectuées » (p. 32). Traumatisée par l’effondrement du prix du baril de pétrole en 1986, la population algérienne a gardé de cette période, la conviction que la richesse pétrolière est aléatoire : dans les années 1990, 25 % de la population était considérée comme pauvre, 4 millions de personnes vivant au-dessous du seuil de pauvreté, c’est-à-dire avec un dollar par jour ; 22 % étaient privés d’accès à un point d’eau potable. Épuisée par la guerre civile, la population n’a ni la force ni l’énergie pour se révolter.

    Plutôt que de chercher à renverser un président, qui n’est pas perçu comme le symbole du pouvoir, les salariés ont préféré exploiter le contexte révolutionnaire pour négocier des augmentations ! A la différence de l’UGTT qui a basculé du côté des opposants au régime de Ben Ali, les syndicats algériens ont défendus leurs catégories professionnelles, privant les sans-emplois d’un outil de mobilisation sans pareil.  Contre toute attente, l’Algérie ne se soulève pas. En dépit des centaines de manifestation (2000 pour l’année 2010) qui ont eu lieu, aucune ne s’est transformée en mouvement de masse : elles sont pour la plupart sectorielles et ne réclament pas le départ de Bouteflika mais des augmentations de salaires ! Alors que l’on cherche à comprendre comment la Tunisie et l’Egypte sont parvenues de façon inattendue à chasser leurs présidents respectifs, on s’interroge sur l’incapacité de l’Algérie à produire une action collective pacifique susceptible  de la faire basculer dans le camp des pays en transition.

    En effet, force est de constater que, depuis 2003, le gouvernement consacre 50 % de la fiscalité pétrolière à des transferts sociaux (770 milliards de dinars), soit environ 13 % du PIB, pour corriger les effets destructeurs du contre-choc pétrolier (1986-2001). Les résultats sont là : le taux de pauvreté est tombé à 4,9 % de la population totale pour 12,1 % en 2000. Il n’en reste pas moins que, si la pauvreté a reculé, la précarité demeure le lot de la majorité : 4 millions de personnes (la moitié de la population active) ne disposent d’aucune protection sociale et demeurent employés dans l’économie informelle (secteur des services, agriculture et bâtiment) ; 500 000 jeunes quittent prématurément le système scolaire sans aucune formation puisqu’ils constatent que le taux de chômage augmente avec le niveau d’étude (17% des chômeurs ont un diplôme du supérieur).

    Le traumatisme de la guerre civile hante toujours les familles algériennes qui ne souhaitent pas s’engager dans un processus de contestation politique par crainte d’une régression vers une situation de violence. A la différence de la Tunisie et de l’Egypte, les jeunes, s’ils manifestent, ne bénéficient pas de la compréhension sympathique de leurs parents. Les autorités algériennes exploitent habilement la peur des familles de voir l’Algérie à nouveau basculer dans la violence. Le deuxième facteur qui distingue l’Algérie est la certitude que l

    Les révoltes au Maghreb s’inscrivent dans un contexte caractérisé par l’arrivée de nombreux jeunes sur le marché du travail, par des économies incapables de répondre à leurs demandes et par des institutions politiques délégitimées. Provoquées initialement par la répercussion de l’augmentation du prix des matières premières sur les prix des produits de consommation de base, ces révoltes auraient pu se transformer en émeutes de la faim et se terminer par des arrestations massives dans le cadre d’une politique de répression. Mais, à la différence du passé, elles se sont transformées en un soulèvement pacifique, dans la plupart des pays concernés, et insurrectionnel en Libye. L’incapacité des forces de police à rétablir l’ordre a contraint l’armée à jouer un rôle d’arbitre entre les révoltés et les présidents pris à parti par la population. En Egypte et en Tunisie, très habilement, celle-ci a exploité l’opportunité qui lui était offerte de réapparaître comme l’alliée du « peuple ». Ce choix stratégique partait du constat que le précédent algérien des années 1990 serait inapplicable dans des pays dépourvus des moyens considérables financiers issus de la vente des hydrocarbures. En somme, ces révoltes démontrent que les modes de domination fondés sur la peur, voire la terreur, ne garantissent plus la stabilité d’un régime ; en même temps, elles soulignent les limites du modèle clientéliste fondé sur la cooptation des élites et la redistribution arbitraire des ressources. Considérés par les populations comme des organisations mafieuses et confrontés à ces bouleversements, les régimes autoritaires semblent dépourvus de moyens susceptibles de répondre aux défis que posent la démographie, les revendications démocratiques et la révolution internet. Les révoltes du Maghreb permettent de jeter un regard nouveau sur le fonctionnement, et en particulier sur les modes de concentration des richesses, devenus insupportables pour des populations contraintes, pour la majorité, de vivre avec des moyens dérisoires.

    Des révoltes sociales prévisibles
    En un demi-siècle, la population du Maghreb a été multipliée par 3,4, passant de 25,7 millions d’habitants en 1950 à 77,8 millions en 2001. L’espérance de vie a gagné 25 ans (de 42 à 67 ans), à l’exception de la Mauritanie où celle-ci ne dépasse pas 50 ans.

    Cette révolution démographique a pour conséquence une augmentation de la population des 20-40 ans de 23 millions en 2000 à 28 millions en 2010. Cette tranche d’âge représente désormais 36% de la population totale et il faudra attendre 2030 pour la voir diminuer, et ne plus représenter que 33 %. Certes, à long terme la pression démographique, en particulier le poids des jeunes dans la pyramide des âges, déclinera en raison de la chute du taux de natalité.

    Et cela en raison de la diminution du taux de fécondité, passé de 7 à 8 enfants par femme en 1970 à moins de 3 en 2000. Mais, pour lors, la tranche d’âge des 20-40 ans est confrontée à la faiblesse de la création d’emplois dont le rythme est inférieur à la croissance de la population. Compte tenu du niveau de chômage au Maghreb, les pays de cette région devront créer quelque 22 millions d’emplois au cours des deux prochaines décennies pour occuper à la fois les chômeurs et les nouveaux venus sur le marché du travail.

    Si l’on peut considérer qu’une partie des  jeunes femmes seront contraintes à sortir de la population active pour des raisons familiales (en 2000, la participation des femmes à la population active était de 31% en Algérie, 43% au Maroc et 39% en Tunisie), il n’en demeure pas moins que quelques millions d’individus se retrouvent confrontés à une absence d’emplois. De façon prévisible, les défis que pose le stress démographique se situent à plusieurs niveaux. A court terme, la région devra faire face à la consolidation d’un chômage de masse aux conséquences politiques et sociales explosives (le basculement des chômeurs diplômés dans les mouvements de contestation politique était prévisible), le développement exponentiel des projets migratoires et le développement d’une économie informelle. La contestation en Libye montre que même dans ce pays, le stress démographique a pu servir de terreau à la mobilisation contre le régime : en 1973 la population libyenne est estimée à 2 millions d’habitants ; elle atteint en 5,6 millions en 1995 dont 1,7% de moins de quinze ans. Le rajeunissement de la population est évident et inhérent à un taux d’accroissement annuel de 4,21%, un des plus élevés du monde arabe. A cette augmentation démographique s’ajoute une urbanisation accélérée.  En 1950, la population urbaine représentait 20 % de la population totale, 26% en 1960, 45% en 1970, 62% en 1980 et 80% en 1995.  Dans cette perspective le développement de la pauvreté au Maghreb ne pouvait que s’accroître : on compte 5,3 millions de personnes au Maroc et 9 millions d’Algériens sont considérés comme vivant au-dessous du seuil de pauvreté ! Pis : le taux de pauvreté, qui avait reculé de 21 à 13% au cours de la période 1984-1992, a grimpé à 19% en 2000.

    En outre, le secteur agricole se porte mal. En effet, au Maroc, 41% de la population vit dans les campagnes, 40% en Algérie et 36% en Tunisie, soit 30 millions de personnes.  La population active agricole atteint 8 millions d’individus ; elle représente 34% de la population active totale au Maroc, 23,5% en Tunisie et 23,6% en Algérie. La part du secteur agricole dans le PIB, en 2003, est de 11% en Algérie, 13% en Tunisie et 18,3% au Maroc. Bien que le secteur agricole demeure toujours très important au Maghreb, il ne parvient pas à assurer la sécurité alimentaire. On estime à 3,8 millions le nombre de personnes en situation de malnutrition. En 2002, ce chiffre correspond à 1% de la population tunisienne, 5,6% de la population algérienne et 6,8% de la population marocaine. Le monde rural est d’autant plus poussé à partir vers les villes que son accès aux infrastructures (eau, santé) est très réduit : 56% de la population rurale a accès à l’eau potable au Maroc (99% de la population urbaine) ; 31% a accès à des services sanitaires (83% des urbains). En Tunisie, 60% de la population rurale a accès à l’eau potable (94% des urbains) et 62% à des services sanitaires. La population rurale a connu une amélioration de ses conditions de vie mais elle reste confrontée à des problèmes de pauvreté et de sous-emploi. La migration interne vers la ville et l’économie informelle prospère se comprennent mieux au regard de cette situation.  Dans une région comme le Rif, l’une des plus pauvres du Maroc, l’activité économique principale est la culture du cannabis : 75% des villages, soit 96 000 familles ou 800 000 personnes, s’y consacrent. Certes la culture du cannabis fixe les populations et apporte un complément de revenus pour les familles mais elle détruit l’écosystème ! A terme les conséquences pour l’environnement sont dramatiques : destruction des forêts, déboisement, utilisation massive d’engrais minéraux au détriment d’engrais organiques. Selon le GERIF, le cannabis est responsable de la disparition de 1000 ha de forêts par an : entre 1967 et 1987, 40% de la superficie couverte par les forêts a disparu. Dans cette perspective, les revenus issus de l’économie de la drogue fixent pour l’instant les populations mais il est à craindre que la destruction de l’écosystème et la faillite des projets de développement de cultures alternatives ne conduisent les populations du Rif à migrer. Au Maroc, la « rurbanisation » s’accompagne de l’émergence de « béton ville » où se créent des bidonvilles. En 2003, un recensement estimait à 886 le nombre de bidonvilles répartis sur 18 villes moyennes. Jusque-là méconnus, les bidonvilles, notamment ceux de Casablanca, sont devenus un enjeu de politique publique et de sécurité à la suite des attentats commis dans cette ville et à Madrid.

    L’économie informelle joue un rôle très important en Afrique du Nord. Selon différents rapports elle contribue, au Maroc par exemple, pour 17% à la production de la richesse nationale et, dans certaines branches comme le bâtiment et les travaux publics, le secteur informel occupe 52% de la main d’œuvre, 40% de la production et 55% de la valeur ajoutée. Les femmes sont très présentes dans l’économie informelle en particulier dans les fonctions d’aide familiale et de travailleuse à domicile. En milieu rural, elles sont mises à contribution « dans l’artisanat, les travaux de la laine, la vannerie et la poterie » ; elles constituent une main d’œuvre « quasi gratuite ».  En 1985, en Algérie l’emploi informel était estimé à 25% de l’emploi total hors agriculture ; il est passé à plus de 40% en 2001 ! En 2003, la population active d’Algérie s’élevait à 8,7 millions d’individus sur lesquels 2 millions étaient officiellement chômeurs. Environ 2,5 millions d’individus exercent une activité dans le secteur informel dont un million recensés comme chômeurs.

    D’insupportables injustices sociales
    Dans ce contexte social, la concentration des richesses soulève un problème politique majeur : celui de la redistribution des ressources financières. Depuis les indépendances, l’absence d’institutions politiques susceptibles d’exercer un contrôle démocratique sur les ressources de l’Etat a généré des situations d’hégémonie économique parmi certains acteurs politiques, situations largement dénoncées et remises en question par les contestataires du printemps arabe. Les révélations de Wikileaks soulignent ce que les populations de la région connaissaient déjà des pratiques généralisées et institutionnalisées de corruption. A l’instar de la Grèce, seul un aveuglement volontaire de l’Union européenne et des institutions internationales, explique le maintien, jusqu’au printemps arabe, d’une perception enchantée de la région. Ainsi, et en dépit des études critiques sur ce pays, notamment celles de Béatrice Hibou, la Tunisie de Ben Ali a longtemps représenté le « meilleur élève » du Maghreb. Parmi les facteurs assurant la promotion du régime, la dimension du « succès » économique de la Tunisie était constamment mise en relief afin de mieux marquer la différence avec les pays voisins, pourtant plus riches mais moins développés. Ainsi pour certains : « le président Ben Ali a repris les choses en main, redressé la barre, ramené l’espoir dans le cœur de la population, insufflé aux dirigeants d’entreprises et aux acteurs économiques la passion de bâtir et le goût de se surpasser » (Brissette, Dupont, Guitouni 2003) ! Comme le souligne la mission économique de l’Ambassade de France à Tunis en juin 2007 : « Entre 1995 et 2006, le PIB de la Tunisie a augmenté de 4,8%  par an en moyenne. La croissance s’est élevée à 5,4% en 2006 et les autorités prévoient 6% ». Ces taux de croissance expliquent en partie la bonne image de la Tunisie, même si la dynamique est alimentée par la croissance des crédits. Mais pour l’opposant au régime, derrière ces chiffres se cachent la mainmise d’un clan, celui des Trabelsi, sur les rouages de l’ensemble des secteurs économiques. De même derrière l’image rassurante de l’Egypte de Moubarak, le journal The Guardian, souligne que la richesse des Moubarak est estimée à plus de 30 milliards de dollars. Certes, au regard des avoirs de la famille Kadhafi (plus de 100 milliards de dollars), la Tunisie et l’Egypte font pâle figure. Pour les Libyens, la mainmise des Kadhafi sur la richesse du pays est une histoire ancienne dasn, laquelle il faut chercher les raisons du refus de Qadhafi de quitter le pouvoir comme l’ont fait Ben Ali et Moubarak. A la différence de ces derniers, Kadhafi est le fondateur d’un régime et le gardien d’un système là où les autres n’en ont été que les heureux successeurs. Pour Qadhafi, la Libye, c’est lui ; et autant dire que, s’il devait la perdre, ce serait pour la laisser dans l’état où il l’a trouvée, c’est-à-dire dans la misère…La résistance du clan Kadhafi à suivre le chemin de Ben Ali et Moubarak a tenu principalement au refus de reconnaître que la Libye n’est pas leur propriété.

    Aussi lorsque Seif el Islam annonçait que « La Libye [serait] un pays moderne, avec des infrastructures modernes, un PND  élevé. Ses citoyens [auraient] le meilleur niveau de vie de la région. La Libye [aurait] des relations proches avec le reste du monde, avec l’Afrique, un partenariat avec l’Union européenne. Elle [adhérerait] à l’OMC… » (Le Figaro, 8 décembre 2007), seuls ses partenaires commerciaux européens et asiatiques le prenaient au sérieux. Pour les Libyens, ces propos confirmaient que la démocratie et la liberté ne figuraient pas dans l’agenda politique du successeur désigné de Mouammar Kadhafi. En somme, la Libye resterait la propriété du clan. Pourtant, en avril 2008, Seif el Islam, faisait valoir que son groupe, Al-Ghad Média Group (la chaîne satellitaire al Libi, la radio Eman al Libi, les journaux Quryna et Oea) était nécessaire à la société libyenne qui avait besoin de « plusieurs médias qui abordent la corruption ». Effectivement, entre 2007 et 2008, le pays expérimente une relative « libéralisation » de ses médias. Mais dès mai 2009, un décret du gouvernement met un terme à cette expérience en nationalisant son groupe. Quelques mois plus tard, vingt journalistes travaillant pour Al Ghad sont arrêtés et détenus durant plusieurs jours. De façon symbolique, quatre journalistes travaillant à radio Benghazi sont également arrêtés pour avoir dénoncé en direct les pratiques de corruption au sein du gouvernement et surtout le massacre de la prison d’Abou Salim en 1996. Jusque-là, seule Internet permettait d’aborder ces sujets. Des forums, comme celui sur le développement humain, possèdent un site exclusivement consacré à la corruption en Libye. Mais selon l’Union internationale des télécommunications, seuls 5,5% de la population ont accès à internet… La Libye, comme l’Algérie, nous montrent que la rente pétrolière ne protège pas des révoltes.

    En effet, des émeutes secouent l’Algérie régulièrement mais aucune n’est parvenue à impulser une dynamique de révolte susceptible de catalyser les griefs et les doléances qui traversent la société algérienne.  Ainsi, en 2004, le prix administré de gaz butane augmentait, passant de 170 à 300 dinars. En janvier 2005, en plein hiver, des émeutes que la presse qualifie « d’émeutes du gaz » éclatent dans la wilaya de Djelfa et se répandaient dans le centre et l’Ouest du pays. Depuis cette date, le sud de l’Algérie est l’objet de soulèvements réguliers portés par un sentiment d’injustice : au nom de quoi la principale source de revenus extérieurs du pays – en l’occurrence les hydrocarbures – serait-elle contrôlée, gérée et distribuée par des élites « étrangères » aux régions pétrolifères (en fait venues de la capitale Alger) et non par ceux qui y vivent ? Pour la première fois, la population exprime son droit au contrôle de la principale ressource et réclame des comptes au gouvernement sur le choix de ses dépenses.  Pourquoi la région la plus riche en ressources énergétiques n’est-elle pas mieux dotée en infrastructures civiles ? Pour les émeutiers, la raison réside dans leur identité berbère. En mai 2008, dans la vallée du Mzab, la ville de Berriane est devenue le symbole de l’affrontement entre Arabes et Berbères. Dans les rues de cette ville ont manifesté des personnes convaincues que le montant de la redistribution de la richesse pétrolière est liée à l’appartenance ethnique ou raciale. Après la contestation et la violence des islamistes est venu celui de la revanche des terroirs, de la Kabylie au Mzab. En 2006, selon une étude de l’Agence nationale de l’aménagement du territoire (Anat) pour le compte du ministère de l’Emploi et de la Solidarité nationale, plus de 177 communes (sur les 1200 que comptent l’Algérie) sont considérées comme défavorisées ; elles se situent pour 11% dans les régions du Nord, 53% dans les Hauts Plateaux et 36% dans la région du Sud. Le revenu des ménages y varie de 5000 à 10 000 dinars/mois (50 à 100 euros). En fait, entre 1989 et 2003, le salaire moyen a baissé de 20%, « engendrant un sentiment d’appauvrissement qui ne s’est pas dissipé quand la situation économique s’est améliorée et que des augmentations de salaires ont été effectuées » (p. 32). Traumatisée par l’effondrement du prix du baril de pétrole en 1986, la population algérienne a gardé de cette période, la conviction que la richesse pétrolière est aléatoire : dans les années 1990, 25 % de la population était considérée comme pauvre, 4 millions de personnes vivant au-dessous du seuil de pauvreté, c’est-à-dire avec un dollar par jour ; 22 % étaient privés d’accès à un point d’eau potable. Épuisée par la guerre civile, la population n’a ni la force ni l’énergie pour se révolter.

    Plutôt que de chercher à renverser un président, qui n’est pas perçu comme le symbole du pouvoir, les salariés ont préféré exploiter le contexte révolutionnaire pour négocier des augmentations ! A la différence de l’UGTT qui a basculé du côté des opposants au régime de Ben Ali, les syndicats algériens ont défendus leurs catégories professionnelles, privant les sans-emplois d’un outil de mobilisation sans pareil.  Contre toute attente, l’Algérie ne se soulève pas. En dépit des centaines de manifestation (2000 pour l’année 2010) qui ont eu lieu, aucune ne s’est transformée en mouvement de masse : elles sont pour la plupart sectorielles et ne réclament pas le départ de Bouteflika mais des augmentations de salaires ! Alors que l’on cherche à comprendre comment la Tunisie et l’Egypte sont parvenues de façon inattendue à chasser leurs présidents respectifs, on s’interroge sur l’incapacité de l’Algérie à produire une action collective pacifique susceptible  de la faire basculer dans le camp des pays en transition.

    En effet, force est de constater que, depuis 2003, le gouvernement consacre 50 % de la fiscalité pétrolière à des transferts sociaux (770 milliards de dinars), soit environ 13 % du PIB, pour corriger les effets destructeurs du contre-choc pétrolier (1986-2001). Les résultats sont là : le taux de pauvreté est tombé à 4,9 % de la population totale pour 12,1 % en 2000. Il n’en reste pas moins que, si la pauvreté a reculé, la précarité demeure le lot de la majorité : 4 millions de personnes (la moitié de la population active) ne disposent d’aucune protection sociale et demeurent employés dans l’économie informelle (secteur des services, agriculture et bâtiment) ; 500 000 jeunes quittent prématurément le système scolaire sans aucune formation puisqu’ils constatent que le taux de chômage augmente avec le niveau d’étude (17% des chômeurs ont un diplôme du supérieur).

    Le traumatisme de la guerre civile hante toujours les familles algériennes qui ne souhaitent pas s’engager dans un processus de contestation politique par crainte d’une régression vers une situation de violence. A la différence de la Tunisie et de l’Egypte, les jeunes, s’ils manifestent, ne bénéficient pas de la compréhension sympathique de leurs parents. Les autorités algériennes exploitent habilement la peur des familles de voir l’Algérie à nouveau basculer dans la violence. Le deuxième facteur qui distingue l’Algérie est la certitude que le départ de Bouteflika n’annoncera pas l’avènement de la démocratie. Les révoltes du début des années 1990 ont envoyé Chadli Bendjedid en résidence surveillée ; il y est toujours et l’Algérie n’est pas démocratique pour autant. Chacun sait que toute mesure que le Président prend n’est que l’émanation d’une partie du pouvoir et que sans les militaires, il ne saurait y avoir de transition véritable. Quant à l’idée de combattre l’armée, elle n’est plus exprimée par personne depuis la défaite de la guérilla islamiste. Enfin, la passion du politique, qui caractérisait l’Algérie et qui en avait fait un pays précurseur de la transition démocratique dans les années 1989-1991, s’est complètement éteinte. La présidence de Bouteflika s’est construite sur le retour de « l’homme providentiel » et non sur l’édification d’institutions politiques susceptibles d’aider la société algérienne à résoudre ses conflits de façon pacifique. La population l’a très bien compris également. Elle ne réclame pas son départ maisveut profiter des surplus de la rente pétrolière. De plus, la guerre en Libye permet au pouvoir de souligner les dérives possibles d’une révolte populaire et notamment les ingérences internationales.

    Si la Libye est un repoussoir pour la société algérienne, le Maroc constitue sans doute un espoir. Les réformes promises par le roi Mohammed VI, obligent l’Algérie à se réformer également : prise entre la révolution démocratique tunisienne et les réformes constitutionnelles marocaines, Alger ne pourra demeurer longtemps dans ce pseudo calme plat. Avec habileté, la monarchie marocaine est parvenue à se distinguer des autres pays de la région. Alors que le mouvement du 20 février 2011 cherche à rappeler au Maroc qu’il partage les mêmes symptômes (et donc court les mêmes risques), la monarchie est parvenue à se distinguer de ses voisins. Dans la foulée du discours royal du 17 juin, le royaume a organisé le 1er juillet un référendum sur la Constitution, qui sera approuvée par 98 % des votants. A la surprise générale, alors que les bureaux de vote semblaient vides dans les grandes villes, le ministre de l’Intérieur confirmait l’estimation du taux de participation à plus de 70 %… Ce chiffre soulève de nombreuses interrogations tant la participation politique est habituellement faible. Un sondage réalisé en 2007 quelques mois avant les élections législatives (taux de participation de 37 %), l’ONG marocaine Daba révélait que 73 % des sondés disaient « ne pas s’intéresser du tout » ou « un peu » à la scène politique marocaine mais que 90 % des personnes interrogées étaient concernées par la lutte contre le chômage. Si ce référendum ne met pas un terme à la contestation politique au Maroc, force est de reconnaître qu’il permet au royaume chérifien de démontrer que le recours à un arsenal politique est une arme efficace pour neutraliser ses adversaires. Ces derniers ne sont pas en reste dans un royaume qui est loin d’être un havre de justice. Selon les indicateurs du PNUD, le Maroc est classé 126e, son taux de pauvreté est de 18,1%, 5 millions d’habitants vivent avec 10 dinars par jour (un euro) ; le salaire minimum est de 55 dinars par jour (5 euros). A l’opposé, la richesse de la monarchie est estimée à 2,5 milliards de dollars. Elle était estimée à 500 millions de dollars en 2000… La Société nationale d’investissement qui a absorbé l’Omnium nord-africain et dont l’actionnaire majoritaire (60%) est la Copropar, est en fait une filiale à 100 % des groupes Siger et Ergis, une holding de la famille royale, présidée par Mohamed El Majidi. Les participations de la SNI sont multiples (mines, acier, ciment, supermarché, assurances, énergies renouvelables (Nareva), emballages (Sevam), mobilier (Primarios), textiles (Compagnie chérifienne des textiles), sucre et huile de table (Cosmar), centrale laitière.La SNI possède des participations estimées à 48,3% dans l’Attijariwafa Bank. La holding familiale a des alliances locales avec Lafarge, Danone, Renault, etc. A ce capital s’ajoute, un patrimoine composé de terres agricoles, de 12 palais royaux, d’un parc automobile évalué à 7 millions de dollars, de 1 100 postes budgétaires, de 70 millions de dollars par an, et d’une rente mensuelle de 160 000 euros, versée à la famille royale (monarque et ses frères et sœurs). Dans un contexte de contestations sociales et politiques, l’inventaire de la richesse de la monarchie résonne de façon particulière au sein de la société marocaine. A la suite des révélations de Wikileaks, si la monarchie n’est pas la principale « propriétaire du royaume », elle apparaît cependant comme un acteur hégémonique qui fait bien peu pour lutter contre la corruption. « Les pratiques de corruption qui existaient sous Hassan II se sont institutionnalisées sous Mohamed VI » écrit le consul des Etats-Unis à Casablanca… Pour le mouvement du 20 février, deux noms sont fréquemment cités comme responsables de ces pratiques de corruption : Fouad Ali Al Himma, ami du roi et homme influent du PAM (Parti de l’authenticité et de la modernité), et Mohamed Mounir Ali Majidi, président de la holding royale. L’Office chérifien du phosphate (OCP) échappe en partie à la vindicte populaire. Le décret qui, depuis le protectorat, autorisait l’OCP à verser une partie des bénéfices de l’exploitation du phosphate à la monarchie, a été abrogé. Sous Hassan II, le groupe OCP, nationalisé en 1973, faisait, pour l’opposition, figure de symbole des « caisses occultes » ; en 2008, il est devenu une société anonyme. Dorénavant, l’analyse de sa gouvernance s’inscrit dans celle des industries extractives opérant dans un environnement politique faiblement institutionnalisé. La dénonciation de la concentration des richesses au profit de la monarchie a provoqué un désengagement de certaines participations royales. Il n’en reste pas moins que la nouvelle Constitution maintient le monarque dans des prérogatives qui lui assurent son hégémonie dans les affaires du Maroc. Ceci dit, le roi bénéficie au sein de la population d’un attachement qui fait défaut à tous les chefs d’Etat de la région : dans le discours populaire, c’est l’entourage du monarque qui soulève l’indignation et non sa personne.

    Conclusion
    Les révoltes du Maghreb ouvrent un champ des possibles jusque-là inimaginable ; celui d’une transition de ces pays vers la démocratie. Si les populations, en particulier en Libye et en Syrie, sont parvenues à vaincre le sentiment de peur qui les paralysait, le régime syrien se maintient et amène ce pays chaque jour un peu plus au bord de la guerre civile. De façon prévisible, avec toute l’énergie du désespoir, Kadhafi s’est efforcé de faire basculer la Libye dans une guerre civile qui lui apparaissait comme le dernier recours pour sa survie. S’inspirant du modèle algérien des années 1990, les services de sécurité, syrien et yéménite par exemple, savent que dans une confrontation armée, les révoltés du printemps arabe n’auront aucune chance de triompher d’une confrontation armée si aucune aide étrangère ne leur est apportée. Mais pour en arriver à ce point, il faut parvenir à faire basculer les manifestants pacifiques dans une logique d’insurrection armée, à l’instar des Libyens de Benghazi. L’Algérie hier, la Libye et la Syrie aujourd’hui, soulignent combien les périodes de transition politique peuvent être violentes et sans garanties d’avancées démocratiques. Il reste à comprendre, et surtout à aider, les processus à l’œuvre en Tunisie et en Egypte afin d’offrir des perspectives politiques solides et plausibles à une région en proie à de grandes incertitudes.

    Références
    •    BRISSETTE Y., DUPONT L. et GUITOUNI M.,  La Tunisie de ben Ali. Québec, Carte blanche, 2003, p.116.
    •    CATUSSE M., DESTRENEAU B., VERDIER E., L’Etat au face aux débordements du social au Maghreb, Paris, Karthala, 2010.

    •    FERRIE J.-N., DUPRET B., « La nouvelle architecture constitutionnelle et les trois désamorçages de la vie politique marocaine », Confluences Méditerranée, n°78, 2011.

    •    HIBOU B., « La Tunisie en révolution ? », Politique africaine, n°121, 2011.

    •    VERMEREN P.,  Maghreb : les origines de la révolution démocratique, Paris, Pluriel, 2011.

    •    MARTINEZ L., « Maghreb : vaincre la peur de démocratie », Les Cahiers de Chaillot, 2009.

    Source

    Tags : Maghreb, politique, contestation, pauvreté, chômage, jeunesse

    e départ de Bouteflika n’annoncera pas l’avènement de la démocratie. Les révoltes du début des années 1990 ont envoyé Chadli Bendjedid en résidence surveillée ; il y est toujours et l’Algérie n’est pas démocratique pour autant. Chacun sait que toute mesure que le Président prend n’est que l’émanation d’une partie du pouvoir et que sans les militaires, il ne saurait y avoir de transition véritable. Quant à l’idée de combattre l’armée, elle n’est plus exprimée par personne depuis la défaite de la guérilla islamiste. Enfin, la passion du politique, qui caractérisait l’Algérie et qui en avait fait un pays précurseur de la transition démocratique dans les années 1989-1991, s’est complètement éteinte. La présidence de Bouteflika s’est construite sur le retour de « l’homme providentiel » et non sur l’édification d’institutions politiques susceptibles d’aider la société algérienne à résoudre ses conflits de façon pacifique. La population l’a très bien compris également. Elle ne réclame pas son départ maisveut profiter des surplus de la rente pétrolière. De plus, la guerre en Libye permet au pouvoir de souligner les dérives possibles d’une révolte populaire et notamment les ingérences internationales.

    Si la Libye est un repoussoir pour la société algérienne, le Maroc constitue sans doute un espoir. Les réformes promises par le roi Mohammed VI, obligent l’Algérie à se réformer également : prise entre la révolution démocratique tunisienne et les réformes constitutionnelles marocaines, Alger ne pourra demeurer longtemps dans ce pseudo calme plat. Avec habileté, la monarchie marocaine est parvenue à se distinguer des autres pays de la région. Alors que le mouvement du 20 février 2011 cherche à rappeler au Maroc qu’il partage les mêmes symptômes (et donc court les mêmes risques), la monarchie est parvenue à se distinguer de ses voisins. Dans la foulée du discours royal du 17 juin, le royaume a organisé le 1er juillet un référendum sur la Constitution, qui sera approuvée par 98 % des votants. A la surprise générale, alors que les bureaux de vote semblaient vides dans les grandes villes, le ministre de l’Intérieur confirmait l’estimation du taux de participation à plus de 70 %… Ce chiffre soulève de nombreuses interrogations tant la participation politique est habituellement faible. Un sondage réalisé en 2007 quelques mois avant les élections législatives (taux de participation de 37 %), l’ONG marocaine Daba révélait que 73 % des sondés disaient « ne pas s’intéresser du tout » ou « un peu » à la scène politique marocaine mais que 90 % des personnes interrogées étaient concernées par la lutte contre le chômage. Si ce référendum ne met pas un terme à la contestation politique au Maroc, force est de reconnaître qu’il permet au royaume chérifien de démontrer que le recours à un arsenal politique est une arme efficace pour neutraliser ses adversaires. Ces derniers ne sont pas en reste dans un royaume qui est loin d’être un havre de justice. Selon les indicateurs du PNUD, le Maroc est classé 126e, son taux de pauvreté est de 18,1%, 5 millions d’habitants vivent avec 10 dinars par jour (un euro) ; le salaire minimum est de 55 dinars par jour (5 euros). A l’opposé, la richesse de la monarchie est estimée à 2,5 milliards de dollars. Elle était estimée à 500 millions de dollars en 2000… La Société nationale d’investissement qui a absorbé l’Omnium nord-africain et dont l’actionnaire majoritaire (60%) est la Copropar, est en fait une filiale à 100 % des groupes Siger et Ergis, une holding de la famille royale, présidée par Mohamed El Majidi. Les participations de la SNI sont multiples (mines, acier, ciment, supermarché, assurances, énergies renouvelables (Nareva), emballages (Sevam), mobilier (Primarios), textiles (Compagnie chérifienne des textiles), sucre et huile de table (Cosmar), centrale laitière.La SNI possède des participations estimées à 48,3% dans l’Attijariwafa Bank. La holding familiale a des alliances locales avec Lafarge, Danone, Renault, etc. A ce capital s’ajoute, un patrimoine composé de terres agricoles, de 12 palais royaux, d’un parc automobile évalué à 7 millions de dollars, de 1 100 postes budgétaires, de 70 millions de dollars par an, et d’une rente mensuelle de 160 000 euros, versée à la famille royale (monarque et ses frères et sœurs). Dans un contexte de contestations sociales et politiques, l’inventaire de la richesse de la monarchie résonne de façon particulière au sein de la société marocaine. A la suite des révélations de Wikileaks, si la monarchie n’est pas la principale « propriétaire du royaume », elle apparaît cependant comme un acteur hégémonique qui fait bien peu pour lutter contre la corruption. « Les pratiques de corruption qui existaient sous Hassan II se sont institutionnalisées sous Mohamed VI » écrit le consul des Etats-Unis à Casablanca… Pour le mouvement du 20 février, deux noms sont fréquemment cités comme responsables de ces pratiques de corruption : Fouad Ali Al Himma, ami du roi et homme influent du PAM (Parti de l’authenticité et de la modernité), et Mohamed Mounir Ali Majidi, président de la holding royale. L’Office chérifien du phosphate (OCP) échappe en partie à la vindicte populaire. Le décret qui, depuis le protectorat, autorisait l’OCP à verser une partie des bénéfices de l’exploitation du phosphate à la monarchie, a été abrogé. Sous Hassan II, le groupe OCP, nationalisé en 1973, faisait, pour l’opposition, figure de symbole des « caisses occultes » ; en 2008, il est devenu une société anonyme. Dorénavant, l’analyse de sa gouvernance s’inscrit dans celle des industries extractives opérant dans un environnement politique faiblement institutionnalisé. La dénonciation de la concentration des richesses au profit de la monarchie a provoqué un désengagement de certaines participations royales. Il n’en reste pas moins que la nouvelle Constitution maintient le monarque dans des prérogatives qui lui assurent son hégémonie dans les affaires du Maroc. Ceci dit, le roi bénéficie au sein de la population d’un attachement qui fait défaut à tous les chefs d’Etat de la région : dans le discours populaire, c’est l’entourage du monarque qui soulève l’indignation et non sa personne.

    Conclusion

    Les révoltes du Maghreb ouvrent un champ des possibles jusque-là inimaginable ; celui d’une transition de ces pays vers la démocratie. Si les populations, en particulier en Libye et en Syrie, sont parvenues à vaincre le sentiment de peur qui les paralysait, le régime syrien se maintient et amène ce pays chaque jour un peu plus au bord de la guerre civile. De façon prévisible, avec toute l’énergie du désespoir, Kadhafi s’est efforcé de faire basculer la Libye dans une guerre civile qui lui apparaissait comme le dernier recours pour sa survie. S’inspirant du modèle algérien des années 1990, les services de sécurité, syrien et yéménite par exemple, savent que dans une confrontation armée, les révoltés du printemps arabe n’auront aucune chance de triompher d’une confrontation armée si aucune aide étrangère ne leur est apportée. Mais pour en arriver à ce point, il faut parvenir à faire basculer les manifestants pacifiques dans une logique d’insurrection armée, à l’instar des Libyens de Benghazi. L’Algérie hier, la Libye et la Syrie aujourd’hui, soulignent combien les périodes de transition politique peuvent être violentes et sans garanties d’avancées démocratiques. Il reste à comprendre, et surtout à aider, les processus à l’œuvre en Tunisie et en Egypte afin d’offrir des perspectives politiques solides et plausibles à une région en proie à de grandes incertitudes.

    Références

    •    BRISSETTE Y., DUPONT L. et GUITOUNI M.,  La Tunisie de ben Ali. Québec, Carte blanche, 2003, p.116.•    CATUSSE M., DESTRENEAU B., VERDIER E., L’Etat au face aux débordements du social au Maghreb, Paris, Karthala, 2010.

    •    FERRIE J.-N., DUPRET B., « La nouvelle architecture constitutionnelle et les trois désamorçages de la vie politique marocaine », Confluences Méditerranée, n°78, 2011.

    •    HIBOU B., « La Tunisie en révolution ? », Politique africaine, n°121, 2011.

    •    VERMEREN P.,  Maghreb : les origines de la révolution démocratique, Paris, Pluriel, 2011.

    •    MARTINEZ L., « Maghreb : vaincre la peur de démocratie », Les Cahiers de Chaillot, 2009.

    Source

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