Étiquette : Makhzen

  • Situation politique en Algérie et Sahara Occidental : Les hallucinations de Tahar Ben Jelloun

    Le pro sioniste écrivain marocain Tahar Ben Jelloun, enb faux rêveur estime dans une tribune publié sur le site marocain 360.ma ; que le départ du Président Bouteflika, signifiera que l’Algérie laisse tomber la cause sahraouie.

    Intitulé « Le Polisario est dans les bagages de Bouteflika » l’article passe totalement à côté de la réalité algérienne, dans la mesure où la position constante de l’Algérie de défendre les causes des peuples à l’autodétermination, n’est jamais liée à une personne mais bel et bien aux principes de la glorieuse révolution du premier novembre.

    Si Ben Jelloun est soucieux du Hirak algérien, il aurait dû soutenir celui du Rif et s’opposer à l’emprisonnement de Zefzafi. Ben Jelloul en amnésique, nous révèle que le Maroc ne demande pas mieux que de voir l’Algérie se développer, au moment où le Makhzen écoule quotidiennement des tonnes de kif en Algérie.

    Tahar Ben Jelloun accuse d’ailleurs le Président Bouteflika d’avoir créé et structuré le Polisario, à l’époque ou il était ministre des AE sous le règne du Feu Président Boumediene.

    Sur ce registre, le larbin des lobbys sionistes dira : »Toute sa politique à l’étranger a été marquée par la défense et le soutien des séparatistes.

    Ainsi, si effectivement il quitte le pouvoir sous la pression de la rue, c’est toute sa politique qui sera désavouée et mise à la poubelle. Il s’en ira, le Polisario dans ses bagages ».

    Aujourd’hui, il est clair, que le Makhzen et ses larbins en Algérie, sont derrière cette campagne de dénigrement et d’intox visant Ramtane Lamamra, que Rabat craigne qu’il sera le successeur de Bouteflika.

    Algérie Tout Heure, 20 mars 2019

    Tags : Maroc, Algérie, Bouteflika, Ramtane Lamamra, Tahar Benjelloun, Makhzen,

  • Qui décide réellement au Maroc ?

    Témoignage par Ahmed Benseddik

    – Ingénieur de l’Ecole Centrale de Paris

    – Ancien directeur général de la station thermale de Moulay Yacoub

    – Initiateur de la commémoration du 1200ème anniversaire de la fondation de la ville de Fès

    Ce témoignage est issu de ma propre expérience avec le roi et le palais avec deux projets d’envergure et d’intérêt national que j’ai conçus et présentés au roi (le premier en mains propres et un autre au cabinet royal). Une fois les projets avortés par son entourage malgré ses instructions, le roi reste silencieux et n’assume pas sa responsabilité.

    J’avais présenté au roi en 2006, qui l’a approuvé, un projet de mise à niveau de Moulay Yacoub, unique station thermale du Maroc, en coopération avec Aix le Bains. Lorsque j’ai révélé que le directeur médical a exercé pendant 12 ans sans autorisation légale et que le bâtiment présente un risque d’effondrement, il fallait étouffer le scandale, avorter le projet (malgré les décisions royales) et m’accuser de manque de respect au Roi. Le nom du roi devient un instrument de vengeance aux mains de son entourage et au diable la santé et la vie des citoyens.

    Le projet des 12 siècles de Fès, avec un budget de 350.000.000 DH s’est transformé en un scandale politico-financier doublé d’un ratage médiatique et une honte historique. Le Haut-Commissaire Mr Saad KETTANI, étranger au monde culturel, est un ex-banquier qui avait vendu Wafabank à la holding royale ONA. Même le chambellan du Roi confirme que ce choix royal est une compensation de prestige. L’intérêt financier privé du roi et son entourage l’a emporté sur l’intérêt national. Pire, Mr KETTANI a ignoré superbement les ordres écrits du roi dont ma nomination en tant que directeur exécutif tout comme il a méprisé la commission nationale décidée par le roi.

    Le roi et le palais ont répondu par le silence et le mépris à ma grève de la faim, mes lettres ouvertes (la dernière date de juillet 2010), à la protestation de la presse, du parlement, des organes de Droits de l’Homme y compris le très royal Conseil Consultatif des Droits de l’Homme. La seule réaction est une menace d’un appel anonyme et nocturne. Je suis encore en vie…

    Bien avant wikileaks, le conseiller royal (très marginalisé) Abbès JIRARI m’a résumé la situation ainsi : « Le Roi est incapable de réparer les injustices commises par les tyrans qui l’entourent ». La majidisation de l’économie et la fouadisation(*) de la politique, orchestrées par le Makhzen plus que par l’Etat moderne, sont les conséquences d’une architecture de gouvernance où les pouvoirs du roi et donc du palais, sont absolus, illimités et sans contrôle et l’appétit de l’argent sans fin. La monarchie, institution à la légitimité historique et à laquelle les Marocains sont attachés en tant que pivot de cohésion et d’équilibre, se trouve menacée par ces dérives paradoxalement royales !!

    (*Majidi : directeur du secrétariat particulier du roi / Fouad Himma : ami du roi.)

    Source : Blog d’Ahmed Benseddik, 4 avril 2013

    Tags : Maroc, Makhzen, Fouad Ali El Himma, Mounir Majidi, palais royal,

  • Maroc : une mère rifaine dénonce l’état de santé de son fils emprisonné

    La mère de Hassan Barba, détenu politique rifain a appelé les autorités marocaines et les défenseurs des droits humains à sauver son fils emprisonné à Fès .

    Dans une interview accordée à Alyoum24, la mère de Hassan Barba, a signalé que son fils « Hassan est le plus jeune détenu du mouvement rifain. Il est né le 26/03/1997 et son état de santé est très détérioré ».

    « Hassan souffre de maladies chroniques, notamment de tuberculose et de maladies rénales », a précisé cette mère meurtrie par l’injustice commise contre son fils d’à peine 22 pritemps.

    Pour sa part, la sœur de Hassan a également accusé l’administration d’avoir privé son frère du droit de se faire examiner par le médecin.

    Pour rappel, Hassan Barba avait été condamné, en 2018, à 20 ans de prison par le tribunal de première instance d’Al Hoceima, après les événements du 26 mars 2017, à la suite de son inculpation pour avoir incendié des installations publiques dans le contexte de manifestations du Hirak rifain.

    Tags : Maroc, Makhzen, Rif, Hirak, Hassan Barba,

  • Italie : une politicienne révèle comment le Maroc utilise des jeunes prostituées pour recruter des lobbyistes

    Nombreux sont ceux qui se demandent pourquoi l’ensemble de la presse et des élites françaises sont trop complaisants à l’égard du Maroc. Alors que pour l’Algérie ils vomissent les pires des critiques, pour le royaume médiéval des Alaouites ils ne réservent que des adulations et des compliments.

    Les connaisseurs du sujet savent trop bien que les Français sont tombés dans le piège des orgies nocturnes et des soirées arrosées du palais de La Mamonia. Dans les années 1980, l’actuel directeur de l’Institut du Monde Arabe, Jack Lang, qui a empêché il y a quelques semaines la chanteuse sahraouie Aziza Brahim de se produire, a largement occupéla une de la presse française. Il aurait été pris en flagrant délit de pédophilie à Marrakech. Il a aurait été arrêté par la police marocaine et libéré après une intervention du palais marocain. À l’époque, il était ministre de la Culture.

    militanteLe mystérieux hacker Chris Coleman nous a fourni la preuve que les Marocains organisait ces programmes de séduction en prenant en charge tous les frais et coûts. Pour ceux qui ne visitent pas le Maroc, une Marocaine résidente et ancienne députée en Italie apportent des détails sur l’une des méthodes des ambassades marocaines en Europe pour gagner la sympathie et le soutien des personnalités du monde politique et culturel.

    En Italie, Imane Fadil, modèle d’origine marocaine, est décédée le 1er mars. Lorsqu’elle a été hospitalisée, elle a déclaré que quelqu’un l’avait empoisonnée. Les services de sécurité italiens ont trouvé des traces de produits chimiques toxiques dans son sang.

    Imane Fadil a été un témoin clé dans le procès de l’ancien Premier ministre Silvio Berlusconi pour abus de pouvoir et incitation à la prostitution de mineurs dans le Rubygate, pour laquelle il a été condamné le 24 juin 2013 à 7 ans de prison et à l’interdiction à vie de toute fonction publique. En 2015, la Cour suprême italienne a confirmé l’acquittement du dirigeant de Forza Italia en partageant l’avis de la Cour d’appel, qui a jugé que Berlusconi n’avait aucune raison de savoir que les filles étaient mineures à l’époque.

    Selon Souad Sbai, président de l’Association des femmes marocaines en Italie, l’ambassade du Maroc à Rome a manipulé ces jeunes Marocaines en vue d’organiser des soirées où le sexe et l’alcool était roi. Les filles arrivent comme stagiaires à l’ambassade du Maroc à Rome. Elle leur fournit des appartements luxueux qu’ils ne peuvent se permettre nulle part ailleurs en Italie et là, elles sont utilisés comme hameçon dans la récolte de lobbyistes.

    Lorsque l’une d’elles tente de se débarrasser de ce milieu, elle est persécutée par les autorités marocaines. Même se elles retournent au Maroc pour se cacher, ils finissent par les retrouver, dit Sbai.

    Dans une interview à la presse italienne, Sbai accuse directement et sans hésitation l’ambassade du Maroc. « Il y a des responsabilités dans les milieux de la haute diplomatie marocaine avec lesquels Imane a travaillé. Je suis ces histoires depuis 2010. Beaucoup de belles filles marocaines, comme Ruby, comme elle, sont arrivées en Italie ces dernières années et il est facile d’imaginer ce qu’il faut faire. Réunions, films, chantage. Cela n’est pas arrivé seulement à Berlusconi. Il est connu et son histoire a été révélée, mais de nombreuses personnes de haut niveau ont été chantées et menacées « , a-t-elle déclaré. « Imane a probablement voulu faire marche arrière, elle est devenue un problème et ils l’ont éliminée. « Mais il n’y a pas qu’elle, a-t-elle ajouté. Deux de celles qui ont quitté cet environnement sont venues nous demander de l’aide, d’autres sont retournées se cacher au Maroc, mais tôt ou tard ils les retrouvent. C’est pourquoi nous aussi, avec l’Association des femmes marocaines d’Italie, nous deviendrons partie civile si, comme je l’espère, un procès est organisé pour la mort d’Imane », a déclaré Mme Sbai.

    Tags : Maroc, lobbying, lobby, Makhzen, prostitution, ambassa de Rome, chantage, Sahara Occidental,

  • Maroc : Zefzafi fixe les conditions d’une sortie pour la crise du Rif

    Prison d’Oukacha, Casablanca, Maroc

    Dans une lettre adressée à son père, Nasser Zefzafi refuse de discuter avec ce qu’il appelle les « bourtiques politiques » et il appelle à « un dialogue sincère et objectif avec ceux qui détiennnent le pouvoir »

    « La conjoncture oblige l’État à bien réfléchir aux solutions sérieuses et efficaces et les conséquences de l’intransigeance qui ne lui servira à rien ». a-t-il affirmé. « La Patrie est au-dessus de toute cacophonie et la credibilité de l’État se trouve dans la réalisation des revendications populaires et la démocratie dans l’écoute de la voix du peuple ». a-t-il ajouté.

    Pour sortie de la crise du Rif, Zefzafi a fixé quatre conditions au régime alaouite :

    1) La libération de tous les prisonniers politiques.

    2) Abandonner les poursuites contre les Rifaines et les Rifains de l’intérieur et de diaspora.

    3) Satisfaire les revendications de la population du Rif.

    4) Poursuivre et juger tous ceux qui sont impliqués dans les violations et les crimes contre l’humanité commis dans le Rif.

    Pour rappel, plus de 500 militants rifains croupissent dans les géôles du Makhzen. Leur seul crime est d’avoir revendiqué la construction d’un hôpital pour les malades du cancer et un établissement pour les études universitaires.

    Leurs conditions de détention se dégradent quotidiennement et les qutorités d’occupation marocaines continuer de faire fi des appels des organisations des droits de l’homme. Leur seul souci est de faire payer ces militants le fait d’avoir osé manifester pacifiquement.

    Tags : Maroc, Makhzen, Rif, Hirak, Nasser Zefzafi, droits de l’homme, répression,

  • Maroc : « Un drame a fondé mon héritage » (Sam Touzani)

    Acteur, humoriste, auteur, metteur en scène, etc.: Sam Touzani, né il y a 45 ans, n’est plus à présenter. Ce qu’on ignore parfois, ce sont ses rapports difficiles avec le pays d’où viennent ses parents, le Maroc. Explications.

    Comment vos parents se sont-ils retrouvés en Belgique?

    C’était en 1965. Mon père vient d’un village berbère, Bni Touzine, à 30 km de Nador, dans le Rif; ma mère est de Tanger. Ils étaient de milieu modeste et analphabètes. Mon père, passé en Algérie française, avait combattu à 16 ans et demi en Italie pendant la Seconde Guerre mondiale, à Monte Cassino. Quatre de leurs enfants sont nés au Maroc, trois, dont moi, à Bruxelles. J’en profite pour tirer mon chapeau: comment ils ont pu élever tant d’enfants avec si peu de moyens, un père manœuvre, une mère femme de ménage, c’est inouï!

    Pourquoi refusez-vous d’aller au Maroc?

    A cause d’un vrai drame qui a eu lieu en 1972 et qui m’a marqué à vie. Ma mère s’était rendue avec une grande sœur au consulat du Maroc à Bruxelles pour obtenir des cartes d’identité. Pour rentrer au pays, c’était l’idée initiale de tous les Marocains immigrés, celle du retour. Après, avec les enfants nés ici, ces projets se sont souvent évanouis. Là, donc, on a exigé un bakchich et ma maman, indignée, a refusé. Des gorilles ont surgi, les ont giflées devant tout le monde puis les ont traînées dans les caves pour les tabasser avant de finir par les jeter sur le trottoir. Personne n’avait levé le petit doigt pour elles. Elles ont dû aller à l’hôpital, ont porté plainte, et ensuite subi des menaces pendant des semaines de flics marocains en civil. J’avais 4 ans. C’est mon héritage.

    Votre père n’était pas un opposant?

    Non, il avait, comme beaucoup de Rifains, une grosse méfiance de ce qui venait du «makhzen» (pouvoir pyramidal autour de la personne royale). Ils ont alors tenté d’acheter mes parents pour éviter un procès, ils ont offert un million de francs belges, une somme énorme en 1972, mais ma mère a refusé, elle a dit non à l’oppression, à l’injustice, au dictateur. Tout ce que je suis devenu depuis lors, c’est à partir de cet ancrage-là. Je précise que nous avons été aidés par des opposants, Abdelrahmane Cherradi et Mohamed el-Baroudi. Ce dernier était un compagnon de Mehdi Ben Barka, le grand leader de l’opposition marocaine assassiné en 1966 en France.

    Comment le makhzen entend-il contrôler l’immigration?

    Il y a eu longtemps les «amicales», ces associations marocaines dans les divers pays d’immigration où des barbouzes faisaient la loi. Les mosquées, aussi, ou les professeurs de religion islamique. Une toile tentaculaire. Et les gens avaient peur, surtout qu’ils rentraient les étés au Maroc. Pensez que des gens disparaissaient ! Maintenant, l’omerta continue dans les familles marocaines mais c’est plus policé, c’est en costume trois-pièces. Mohammed VI n’est pas sanguinaire. Mais on continue à étouffer tout projet de résistance dans l’œuf. Depuis que les immigrés ont le droit de vote, le Maroc s’assure l’allégeance des élus d’origine marocaine, il n’y a que cinq d’entre eux qui refusent cette mascarade. Il y a des élus qui sont des agents marocains dans les trois grands partis traditionnels. Mais des Belges y participent aussi, comme Philippe Moureaux, qui a organisé naguère des soirées en faveur de la «marocanité» du Sahara occidental payées par des deniers belges !

    Et la Belgique entretient de bons rapports avec le royaume…

    Cela cache quels intérêts? Qui a peur de la démocratie au Maroc chez nos politiques? Il y a 250 militants du mouvement du 20 Février (dans le sillage des «printemps arabes» en 2011, NDLR) qui sont en prison et personne n’en parle ! Le roi est l’une des plus grosses fortunes au monde, il est plus riche que l’émir du Qatar, selon le magazine Forbes, c’est le premier assureur au Maroc, premier banquier, premier propriétaire terrien, etc. cela sur le dos du peuple, c’est honteux. Mais cela ne durera pas, on va vers la fin de la monarchie…

    BAUDOUIN LOOS

    A lire dans Le Soir version papier, ce samedi 22 février 2014, mon reportage dans la région de Nador (Rif), et aussi un article sur la volonté du Maroc de contrôler les populations de l’immigration marocaine.

    Source : Blog de Baudoin Loos, 21 fév 2014

    Tags : Maroc, Makhzen, Sam Tousani,  Rif, Hirak,

  • Claude Moniquet, candidat aux élections européennes, accusé d’avoir conspiré contre la presse libre au Maroc

    Selon le site belge lalibre.be, Claude Moniquet, co-fondateur et directeur d’un centre d’expertise stratégique et sécuritaire à Bruxelles, emmènera l’une des Listes Destexhe aux élections du 26 mai prochain en tant que tête de liste au parlement bruxellois.

    Jusqu’au début des années 2000, Claude Moniquet cumule les emplois de journaliste et d’agent de renseignement (1).

    « Il fut aussi agent clandestin pour la DGSE, le service de renseignement extérieur de la France. A l’heure de solliciter la confiance de l’électeur bruxellois, il assure que c’est au début des années 2000 qu’il a mis un terme à cette activité de renseignement pour une puissance étrangère », ajoute la même source.

    Cependant, ce que la presse belge ignore, c’est que M. Moniquet a travaillé aussi à la solde du Maroc en tant que lobbyiste et a participé dans la mise à mort du Journal Hebdomadaire, un magazine marocain indépendant qui se battait pour la liberté de presse au royaume chérifien.

    Dans le numéro du 3 décembre 2005, Le Journal Hebdomadaire publie un dossier mettant en cause l’objectivité d’une étude de l’ESISC (Centre européen de recherches, d’analyses et de conseil en matière stratégique) sur le Polisario. Claude Moniquet, directeur du centre, décide alors de porter plainte (2).

    Le 16 février 2006, le tribunal de première instance de Rabat condamne Aboubakr Jamaï, alors directeur de publication du Journal Hebdomadaire et Fahd Iraqi, journaliste du même support, à payer trois millions de dirhams conjointement à l’ESISC et à une peine maximale prévue par le Code la presse de 50 000 dirhams chacun.

    Suite à cette affaire, Aboubakr Jamaï quitte ses fonctions au sein du journal. Il ne revient, pour occuper la fonction d’éditorialiste, qu’en septembre 2009.

    Le 30 septembre 2009, la cour de cassation confirme le jugement en appel rendu contre Aboubakr Jamaï et Fahd Iraqi. Ils doivent payer 3 millions de dirhams à Claude Moniquet à titre de dommages et intérêts. Le 16 octobre, un huissier de justice se présente dans les locaux du journal afin d’annoncer la saisie des comptes bancaires de la société Trimédia, -en charge de la gestion de l’hebdomadaire- et de ses avoirs auprès de son diffuseur Sapress.

    Acculé par le Makhzen, Aboubakr Jamaï quitte le Maroc. Dans une conférence de presse organisée à Bruxelles en octobre 2013 (voir vidéo), il revient sur les détails de l’opération menée conjointement par les autorités marocaines et M. Moniquet pour donner le tir de grâce au magazine Journal Hebdo.

    Transcription de la déclaration d’Aboubakr Jamaï sur M. Moniquet :

    « Claude Moniquet est à la tête d’une espèce de think-tank qui s’appelle l’ESISC. Fin 2005, il a publié un rapport sur le Polisario absolument aberrant où il explique que le Polisario était une organisation terroriste. Nous, on a pris ce rapport comme étant quelque chose de grave parce que la logique de l’autonomie c’était une logique de discussion avec le Polisario et vous ne discutez pas avec quelqu’un que vous traitez de terroriste. Ça n’a pas de sens. Donc, pour nous, la signification politique de la publication de ce rapport, il ne faisait pas de doute que ce monsieur l’avait fait sur commande. D’ailleurs, ça s’est justifié plus tard puisqu’il s’occupe de la communication de l’ambassade du Maroc vis-à-vis des eurodéputés. J’ai reçu un email d’un de ses employés qui dit « nous nous occupons de la communication de l’ambassade vis-à-vis des institutions européennes ».

    On a pris ce rapport et on en a parlé à des spécialistes de l’affaire du Sahara qui nous ont dit « ce rapport est nul » et nous avons conjecturé, c’est vrai, on a dit que ça ne peut qu’être payé.

    Il a décidé de porter plainte. Il était question qu’il sorte un droit de réponse que nous avions accepté sans aucun problème. Il a refusé et il a préféré porter plainte au Maroc alors qu’il peut le faire en France puisqu’il est de nationalité française et que le journal était vendu en France. Là, sa réputation aurait été sauvegardée puisqu’il y a une justice qui est considérée comme un peu plus indépendante que la marocaine.

    Ce qui est important de rappeler ici, c’est qu’il est passé par le processus de la citation directe. Vous avez deux façons de faire lorsque vous voulez porter plainte pour diffamation. Soit, vous passez par un procureur et donc la police judiciaire, qui enquête et qui appuie votre cas, soit, vous allez directement chez un juge et ça doit être jugé. Dans ce cas-là, le procureur de la République, ou du Roi en ce qui nous concerme, peut ne pas prendre position et dire « moi je n’ai pas d’avis particulier là-dessus ». Et dans notre cas à nous, parce que M. Benabdallah qui est toujours ministre et qui, à l’époque était ministre de la communication, a fait le tour des popotes en expliquant que c’était une histoire privée, qu’il n’avait rien à voir là-dedans. Pas du tout. Le procureur du roi a totalement appuyé la demande de Moniquet à qui on a été condamnés à payer 5 millions de DH, à peu près 400.000 euros et de m’interdire l’exercice de la profession de journaliste pendant 10 ans. Et le procureur du roi a appuyé cette demande très démocratique de ce citoyen français qui vit à Bruxelles. Al’issue de cela, j’étais condamné à payer 3 millions de DH, à peu près 250.000 euros. N’ayant pas les moyens de le faire, j’ai dû démissionner de mon poste de directeur de la publication du Journal hebdomadaire et de quitter le Maroc. Je l’ai fait lorsque l’huissier se plantait chez moi. J’ai été condamné en première instance, en appel et j’ai attendu vraiment jusqu’à ce qu’on vienne saisir mes meubles. A ce moment-là, il fallait que je parte ».

    Tags : Maroc, Makhzen, Le Journal Hebdomadaire, Claude Moniquet, élections européennes, Aboubakr Jamaï, presse, répression,

    [youtube https://www.youtube.com/watch?v=SZOS0LK5x58&w=560&h=315]
  • Mohamed VI : l’érosion constante de l’image du roi du Maroc

    Mohamed VI met la pédale douce sur ses voyages à l’étranger, mais les commentaires d’un acteur célèbre sur sa vie privée ou sa montre à plus d’un million d’euros continuent de nuire à sa réputation

    Assis entre son fils, le prince Moulay Hassan, et Melania Trump, le roi Mohamed VI (55 ans) s’est endormi trois fois le 11 novembre tandis que le président français Emmanuel Macron prononçait son discours à l’occasion du centenaire de la fin de la Première Guerre mondiale. Les caméras ont capté ce moment et les images du monarque dans les bras de Morphée, fulminé du regard par le président Donald Trump, ont fait le tour du monde. Des centaines de médias, de la chaîne de télévision yankee Fox News au journal péruvien El Comercio, les ont reproduites sur leurs sites ouèbe.

    La presse marocaine, en revanche, a omis de faire écho à la courte sieste qui a suscité des milliers de commentaires sur les réseaux sociaux, dont beaucoup de la part de Marocains. Les sujets du monarque plaisantent, mais dans les maisons de Casablanca ou de Rabat ils s’interrogent aussi sur la cause de ce sommeil prématuré : a-t-il eu une mauvaise nuit, est-il malade, fatigué, prend-il des médicaments qui le provoquent ? Il n’y a pas eu de réponse à ces questions, mais le ministère marocain des Affaires étrangères a fait circuler, pour compenser les dégâts, une photo dans laquelle Trump a été vu saluant cordialement le souverain alaouite.

    Alors que le Makhzen pensait avoir surmonté le faux-pas parisien, le malheur suivant s’est produit pour le monarque. Une fois de plus, la presse marocaine l’ignore, mais au Maroc on n’a parlé que de ça et la vidéo sur laquelle elle est basée a battu des records d’audience. Bachir Skiredj, Tangérois de 79 ans, est l’un des acteurs les plus populaires du Maroc : le roi Hassan II, père de Mohamed VI, lui a commandé plusieurs pièces. Il a côtoyé la famille royale pendant des années. Formé en France et en Espagne, il a travaillé avec les frères Tonetti [les 2 clowns d’Espagne les plus fameux de la seconde moitié du siècle dernier, NdT], s’est produit dans ces deux pays européens et aux USA où il possède deux chaînes de télévision locales.

    Noms d’oiseaux et bandes vidéo

    Allongé sur le canapé rouge de sa maison de Tanger, Skiredj est apparu au milieu du mois dans une vidéo répondant à des questions sur la vie privée de Mohamed VI. Ce qu’il dit du roi pourrait relever du code pénal marocain. Les propos de l’acteur sont parsemés d’insultes envers le souverain.

    La vidéo et ses insultes ont été téléchargées sur YouTube et Facebook et depuis, Skiredj n’arrête pas de s’excuser dès qu’il voit un micro. “Les mots qui m’ont été attribués sont haineux, dit-il. “Jamais dans l’histoire du Maroc les Skiredj, fidèles serviteurs de la famille royale, n’ont osé les prononcer”, ajoute-t-il. Il les a prononcées mais parce qu’il a été drogué, explique-t-il, par deux jeunes hommes, Issam et Khalid, qu’il a dénoncés et qui auraient même été arrêtés à Tétouan. Une petite poignée de médias ont repris les excuses présentées par l’acteur – la plupart omettent le sujet – mais à aucun moment ils n’expliquent quels termes il a utilisé pour outrager Mohamed VI.

    Quelles étaient les intentions des personnes qui ont enregistré le vidéo ? Probablement se venger des conditions de travail tristement célèbres que l’acteur leur a offertes pour travailler dans un spectacle. Celui qui ne pourra plus travailler au Maroc est probablement Skiredj lui-même, selon les spéculations des milieux journalistiques à Rabat et Casablanca. L’épisode de Skiredj s’ajoute aux épisodes précédents qui ont érodé l’image de la monarchie.

    Le magazine espagnol ¡Hola! a révélé en mars dernier que Mohamed VI avait divorcé de sa femme, la princesse Lalla Salma, qui n’a pas été vue en public depuis presque un an. Bien que légal, le divorce d’un chef d’Etat n’est pas entièrement bienvenu dans une société musulmane conservatrice comme le Maroc. C’est peut-être pour cela que le makhzen n’a jamais confirmé les révélations de ¡Hola!

    Début septembre, le roi est apparu sur une photo dans laquelle il montrait à son poignet, comme l’a révélé le compte Instagram Luxury Life, une montre Nautilus de l’horloger suisse Patek Philippe, d’une valeur de 1,2 million de dollars (1,05 million d’euros) en raison des diamants dont elle est sertie. A cette occasion, une partie de la presse a répercuté l’information qui a même atteint les habitants des misérables bidonvilles d’Errigui et d’Eljadid dans la banlieue de Casablanca. Alors, lorsque les forces de sécurité ont tenté de les expulser à la fin du mois, ils sont descendus dans la rue et certains manifestants ont montré avec indignation leur montre devant la caméra, déclarant qu’ils les avaient payées un prix ridicule, moins de cinq euros.

    Dans les manifestations populaires « il y a un changement de ton devant le monarque », a noté le journaliste indépendant Reda Zaireg en octobre dans le journal en ligne Yabiladi. « (…) La critique est désormais plus directe et prend des proportions sans précédent, ce qui constitue un rejet de l’État et de ses symboles », a-t-il ajouté. Il conclut par un pronostic risqué : « la monarchie n’apparaît plus inexpugnable ».

    De J’aime à Je n’aime pas

    Alifpost, petit journal en ligne destiné à un public marocain, mais dont le siège est à Grenade, est allé jusqu’à exiger le mois dernier que la famille royale Alaoui “rembourse une partie de la dette qu’elle a contractée avec le peuple (…)”. “Nous attendons de la monarchie qu’elle renonce à une partie de ses richesses au profit du peuple marocain “, a-t-il écrit. « Il ne s’agit pas de faire des dons directs aux comptes courants des citoyens, mais de prendre des initiatives concrètes dont bénéficie la nation, à commencer par les jeunes qui s’immolent par le feu ou se noient dans la Méditerranée, en la traversant pour chercher une vie meilleure ». La fortune du roi irait chercher loin. Le magazine US Forbes estime qu’elle s’élève à quelque 5,7 milliards de dollars (5 017 millions d’euros).

    L’information sur le monarque, et pas seulement celle de la montre de luxe, est souvent agrémentée dans les journaux en ligne de commentaires peu respectueux, parmi lesquels se faufilent d’autres commentaires élogieux, généralement écrits par une légion d’internautes à la solde du makhzen. Même les discours et les actes de Mohamed VI affichés sur YouTube suscitent maintenant plus de Je n’aime pas que de J’aime. C’est pourquoi le ministre de la Communication, Mohamed Laarej, a publié en septembre un communiqué avertissant que “le directeur de la publication est tenu de ne diffuser aucun contenu qui constitue un délit (…)”.

    Malgré ce récent discrédit de l’institution monarchique, de nombreux Marocains continuent à compter sur elle pour résoudre leurs problèmes quotidiens. La preuve en est que pour remettre une lettre avec leurs pétitions, il y a des citoyens qui n’hésitent pas à sauter sur l’entourage royal, le forçant parfois à s’arrêter pour ne pas lui marcher dessus. Le dernier procès pour ce crime a eu lieu à Salé fin septembre, et l’accusé a été condamné à pas moins de dix ans de prison parce qu’il s’est également heurté aux policiers qui l’ont arrêté.

    La bonne réputation du Commandeur des croyants, autre titre détenu par Mohamed VI, s’est détériorée non seulement dans son royaume mais aussi en France, le pays le plus proche du Maroc. Jusqu’à présent, les autorités marocaines se plaignaient fréquemment de la presse espagnole, qu’elles comparaient à la presse française, qu’elles qualifiaient de “plus responsable”. Les choses ont changé. “Mohamed VI, un roi très absent“, titrait le quotidien catholique parisien La Croix en avril dernier. “Maroc : Le roi Mohammed VI s’amuse et ça se voit sur Instagram“, titrait la couverture de l’hebdomadaire Le Nouvel Observateur. Les deux médias et quelques autres ont enfin raconté ses longs séjours à l’étranger, notamment en France entre Paris et le château familial de Betz.

    Mais celle qui décroche la palme de l’information irrévérencieuse est sans aucun doute la la radio publique France-Inter qui a aussi le fort taux d’audience, surtout ses informations matinales, écoutées par 3,8 millions d’auditeurs. Au cours des deux derniers mois, elle a consacré trois chroniques humoristiques matinales à Mohamed VI. Dans la première, le chroniqueur Anthony Bellanger le décrit comme “un roi virtuel pour ses sujets”, ajoutant qu’il était “tombé amoureux” d’un boxeur de 32 ans nommé Abou Azaitar. Un mois plus tard, Charline Vanhoenacker concluait sa chronique radio satirique par l’allusion suivante à l’attachement supposé du souverain pour les lieux de fête : « Bref, le roi est nu, mais debout sur le bar de la discothèque ». Enfin, l’humoriste Aymeric Lompret a reproduit, avec force blagues*, ce qui aurait pu être, le 15 novembre, la conversation entre le roi et Macron à bord du TGV marocain qu’ils ont inauguré ensemble. Ces pilules d’humour sont inimaginables sur la Radio Nacional de España, l’équivalent espagnol de France-Inter.

    La presse française est cependant quelque peu déphasée lorsqu’elle rend compte du Maroc. Depuis l’été, Mohamed VI a réduit ses voyages à l’étranger et a augmenté son activité dans son royaume dans une tentative évidente d’améliorer son image. A cause d’accrocs comme la vidéo de Skiredj, cet effort n’a peut-être pas encore eu l’effet escompté.

    *Exemple : « – M6 : des TGV , j’en prends chaque soir 4 ou 5. -Brigitte :Comment ça ? -M 6 : ben oui des cocktails TGV : Tequila-Gin-Vodka » [NdT]

    Source : Tlaxcala, 24 nov 2018

    Tags : Maroc, Mohammed VI, Makhzen, TGV, Macron, France,

  • L’histoire d’un journal qui déplaisait au roi du Maroc

    Le Journal hebdomadaire, vous connaissez? Mais oui, cette publication marocaine qui eut ses heures de gloire, entre sa naissance en 1997 et son décès en 2010… Un journal pas comme les autres, au Maroc. Indépendant et compétent. Gênant, donc. Qui devait mourir, et qui est mort.

    Une conférence originale s’est tenue à Bruxelles, à l’Espace Magh, le samedi 16 février dernier. De nombreux acteurs de cette expérience originale se sont en effet retrouvés pour l’évoquer, à l’initiative de Radouane Baroudi(1).

    Pourquoi donc des hommes et des femmes ont-ils un jour lancé un organe que Hassan Bousetta, admiratif, a appelé « une voix critique dans un contexte d’unanimisme imposé, un travail de transgression de l’ordre politique balisé par des lignes rouges »? Les anciens du Journal en conviennent: c’est Hassan II qui, dans un souci d’ouverture, a permis en fin de règne que l’expérience prenne son envol. Quitte à le regretter? En tout cas, a avancé Aboubakr Jamaï, directeur du Journal, «c’était une des premières fois qu’une entreprise privée marocaine appuyait un projet éditorial respectant la déontologie d’une presse libre tout en ayant le souci de faire du bénéfice. C’est original car, au Maroc, c’est l’un ou l’autre… ».

    De quoi une presse libre devrait-elle donc parler? « Nous avons assumé notre « naïveté », a .expliqué Jamaï. Nous considérions que si la Constitution dit que le pouvoir c’est le roi, notre contrat était de parler de celui ou de ceux qui ont un impact sur la vie des gens, de là où le pouvoir se trouve. On nous a accusés de « vendre » en mettant le roi en scène (il est vrai qu’un quart des couvertures lui était consacrée), mais pourquoi les Marocains achètent-ils un journal qui fait de l’investigation à propos du roi? Les gens s’intéressent à la politique quand on les prend pour des adultes. »

    « On a cru que c’était le dernier numéro! »

    Ali Lmrabet, rédacteur en chef peu après la période initiale, en 98-99, raconte: « On a essayé de faire “autre chose”, sous Hassan II. En se demandant comment asticoter le régime. On a écrit des dossiers. Sur Ben Barka (assassiné à Paris en 1965), sur Abraham Serfaty (juif marocain d’extrême gauche longtemps exilé). A l’époque, ces choses-là étaient en principe impossibles! On essayait des sujets que les autres n’osaient pas traiter. Comme les droits de l’homme. Lorsque nous avons publié l’interview que j’avais faite à Paris de Malika Oufkir (fille aînée du général qui avait tenté un coup d’Etat contre Hassan II en 1972, le roi se vengeant ensuite sur toute sa famille), on a cru que c’était le dernier numéro! »

    Fadel Iraki, assureur de son état et, surtout, principal actionnaire du Journal hebdomadaire, confirme l’anecdote. « Je ne me suis jamais mêlé du contenu éditorial, c’était même une condition que j’avais posée pour mettre de l’argent dans cette expérience. La seule fois que Aboubakr Jamaï m’a appelé, c’était pour la une sur Malika Oufkir. Il m’a dit qu’on risquait de se faire interdire une fois pour toutes. J’ai lui ai dit, vas-y si c’est ce que tu veux. »

    Ces péripéties funestes qui datent de Hassan II auraient pu – dû – s’arrêter avec Mohammed VI, qui a succédé à son père en juillet 1999. Mais c’est tout le contraire qui s’est produit! « Nos vrais ennuis ont commencé avec « M6 » en 2000, a souligné Aboubakr Jamaï. Avec notre interview de Mohamed Abdelaziz, chef du Polisario (les indépendantistes du Sahara occidental, pestiférés au Maroc), et un dossier sur la connivence entre une partie de la classe politique et les putschistes des années 70. On a été interdit deux fois, puis on a subi une répression judiciaire basée sur des dossiers fabriqués de diffamation. Mon exil est dû à un Français de Bruxelles qui nous a fait un procès. Je suis parti quand un huissier est venu frapper à ma porte, je devais 250.000 euros… Et je ne parle pas du boycott économique (la pub…) pratiqué par les entreprises publiques mais aussi par la plupart des privées qui craignaient pour leurs contrats. Finalement, notre modèle économique a vécu car le roi l’a souhaité »…

    « On m’a dit: ”Aboubakr doit partir” »

    Mais le combat a été plutôt long car le Journal a fait de la résistance. Ali Lmrabet quittait certes l’hebdo en 1999 car il estimait, contrairement à Jamaï, que le « makhzen » (le système de pouvoir pyramidal à partir du roi) ne se réformerait pas avec le nouveau roi. L’histoire lui donna raison. « On m’a dit: ”Aboubakr doit partir”, a raconté Fadel Irak; c’était mon seul pouvoir, celui de décider qui était directeur; j’ai refusé. Il y a ensuite eu la censure à propos du Sahraoui Abdelaziz: on a publié des pages blanches et atteint un record de 70.000 exemplaires vendus au lieu de 25.000, on a dû refuser de la pub! Mais cela a vite changé: l’interdiction de décembre 2000 dura cinq à six semaines en raison du papier sur la gauche des années 70 en phase avec les putschistes. En fait, personne ne voulait qu’il soit su que la gauche et les militaires avaient pactisé contre Hassan II ! Il a fallu une brève grève de la faim d’Aboubakr à Paris pour qu’on puisse reparaître mais la pub s’est réduite comme peau de chagrin et on a commencé des procès en cascade. Jusqu’au moment où cela ne fut plus possible, et que survienne une décision de justice de liquidation. »

    Omar Brouksy, qui participa à l’aventure entre 2001 et 2010, n’a pas donné une explication très différente, au contraire. « Aboubakr misait sur le lectorat: on allait parler du vrai pouvoir; ce qui était ressenti comme une menace par le régime car on était vraiment indépendant, ce qui suffisait pour déranger. Notre second point fort: nous n’étions pas un tract antirégime; on partait de l’info, on donnait la parole à toutes les sensibilités, surtout les minorités. Car le Maroc n’est pas une démocratie, l’accès aux infos fiables n’est guère aisé, c’était notre force avec aussi des infos recoupées, démontrées. »

    Et d’ailleurs, conclura-t-il, rien n’a vraiment changé. « Actuellement, les thématiques restent les mêmes, malgré la nouvelle constitution, malgré le printemps arabe: l’autoritarisme, la prééminence de la monarchie, la non-indépendance de la justice, les détentions politiques (plus de cent militants du 20 février sont encore en prison), les atteintes à la liberté d’expression, les pressions économiques qui continuent, tout est toujours là. »

    « On en a pris plein la gueule »

    Que deviennent les journalistes courageux? (2) Ils ont le loisir de méditer: après un séjour en prison, Lmrabet a été condamné en 2005 à une peine inconnue au code pénal, une interdiction d’exercer le métier de journaliste pour dix ans; Aboubakr Jamaï doit toujours payer des centaines de milliers d’euros d’amendes et vit en Espagne; Omar Brouksy, reconverti à l’Agence France Presse, s’est vu retirer son accréditation il y a quelques mois pour avoir écrit dans un reportage que les candidats du PAM (Parti authenticité et modernité) étaient « proches du palais royal », ce qui est pourtant une banalité bien connue au Maroc; quant à l’assureur Fadel Iraki, il a subi un redressement fiscal énorme pour prix de son engagement dans le Journal hebdomadaire.

    Il fallait que ces choses soient dites. Comme l’a précisé mi-figue mi-raisin Aboubakr Jamaï, « on a été utilisé comme punching-ball, pour faire un exemple, et on en a pris plein la gueule. La presse marocaine fonctionne avec le bâton et la carotte, on a subi le bâton, d’autres profitent de très grosses carottes, il y a beaucoup de directeurs de publication qui en profitent bien ». Il n’est pas étonnant, dès lors, que le même homme lâche ce jugement amer: « Maintenant, on peut dire que l’état de la presse marocaine est pire que dans les années 90 ». BAUDOUIN LOOS

    (1) Il est symptomatique que la rencontre ait eu lieu en Belgique et non au Maroc, mais il est vrai qu’elle n’a pu se tenir qu’en raison de la volonté et de la ténacité du réalisateur Radouane Baroudi, fils de l’exilé politique Mohamed el-Baroudi, qui avait quitté son pays en 1963 et est mort en Belgique en 2007 sans avoir jamais revu son pays. Les efforts de Radouane Baroudi ont été récompensés: le public, plus d’une centaine de personnes, a répondu présent, ainsi que la plupart de ses invités, passionnants. Mais parmi les plus de cent vingt élus belges d’origine marocaine de tous niveaux politiques, seuls trois ont assisté aux travaux: les sénateurs PS Hassan Bousetta (qui a même présidé une partie de la conférence) et Ahmed Laaouej, président de l’Espace Magh, ainsi que le député Ecolo Fouad Lahssaini.

    (2) Ali Lmrabet dirige un journal en ligne: www.demainonline.com et Aboubakr Jamaï participe à l’expérience journalistique de fr.lakome.com/

    Tags : Maroc, Makhzen, Mohammed VI, Le Journal Hebdomadaire, Aboubakr Jamaï, Radouane Baroudi, Ali Lmrabet, Fadel Iraki, presse, Demain Online,
  • MAROC: Le risotto, plat préféré de Mohammed VI

    MAROC: Mohammed VI, l’intouchable?

    Vous n’allez pas écrire que le roi aime le risotto? », supplie le cuisinier du restaurant italien d’un grand hôtel de Marrakech, éperdu d’avoir laissé échapper ce secret défense devant une journaliste. Et cet habitué du palais qui regrette d’en avoir trop dit: dans un moment d’exaltation, il vient en effet de louer la bonté de Mohammed VI, qui fait la lecture tous les jours à un ami malade. Mais surtout, qu’on ne le cite pas: « Sa Majesté pourrait me soupçonner de flagornerie… » A l’heure où les faits et gestes de la plupart des têtes couronnées sont aussi médiatisés que ceux des stars de cinéma, il est interdit de parler du monarque marocain, même pour en dire du bien.

    Qui est cet homme de 48 ans qui règne depuis près de douze ans sur le royaume chérifen? Regard noir, cheveux ras, toujours l’ombre d’une barbe sur un visage impénétrable. Alors que le Maroc est à son tour gagné par la fièvre démocratique qui s’empare du monde arabe, il sera peut-être le seul dirigeant de la région à avoir su désamorcer la révolte à temps. En Occident, il incarne la modernité et l’ouverture. Mais, dans son royaume, il est l’objet d’une étrange vénération. « Faire un portrait du roi, vous n’y pensez pas ‘.C’est impossible. Le rencontrer? Il serait plus facile de voir Dieu… », s’exclame un diplomate proche du palais. Le roi est le secret le mieux gardé du royaume. Le sujet tabou par excellence, l’une des dernières lignes blanches – avec la question du Sahara occidental – que la presse ne doit franchir sous aucun prétexte. Il y a deux ans, l’hebdomadaire « Tel Quel » a été interdit pour avoir osé évaluer le bilan du monarque. Le sondage montrait pourtant que 91% des Marocains le jugeaient positif ou très positif!

    Comme le Seigneur des Ténèbres dans « Harry Potter », Mohammed VI est celui dont on ose à peine prononcer le nom. Pourquoi tant de mystère? Pourquoi ce respect qui semble s’imposer à tous? Bien sûr, « le peuple l’aime ». Le 1er juillet, les Marocains ont plébiscité par référendum son projet de révision constitutionnelle, avec un enthousiasme et un score (98%) qu’un Ben Ali ou un Kadhaf n’obtenaient qu’en bourrant les urnes et en achetant les voix. Mais cette popularité n’explique pas à elle seule la « sanctuarisation » de celui que l’on surnomme ici « M6 ». Le roi lui-même entend se protéger. Surtout, sa cour et la classe dirigeante marocaine travaillent de concert pour le soustraire aux curiosités. Plus encore aujourd’hui, en ces temps troubles de printemps arabe aux révoltes contagieuses, il faut gommer l’homme pour consolider le mythe.

    « Sous Hassan II, on avait peur du roi, aujourd’hui, on a peur pour lui », avaient coutume de dire les Marocains au début du règne de Mohammed VI. Désormais, face au pays qui gronde, l’élite marocaine a aussi peur pour ses privilèges et se retranche derrière la monarchie consensuelle, ses rites et ses fastes. La hiba, ce sentiment de crainte et de déférence qui faisait courber l’échine aux sujets de Hassan II, a rejailli sur son fils parce que le makhzen, l’« Etat » marocain, y trouve son compte. Il suffit pour s’en convaincre d’observer ces directeurs d’entreprise qui, recevant un coup de fil du palais, se dressent soudain au garde-à-vous alors que leur interlocuteur ne peut pas les voir… Dans ce pays où l’identité nationale s’est construite autour de la monarchie, M6 a beau avoir abdiqué son caractère sacré, il reste magique aux yeux de ses sujets. Après le résultat du référendum, malgré la chaleur de l’été, l’aristocratie respire. C’est la monarchie et la vénération qu’elle suscite chez les Marocains qui retarde l’heure des comptes.

    Voilà pourquoi, dès qu’on pose la question la plus anodine sur Sa Majesté, on vous regarde comme si vous aviez commis la pire des inconvenances. Il ne faut pas donner un « corps au roi ». L’homme, pourtant, a une histoire, lourde et pleine de secrets. Il fallait le voir le 17 juin dernier.

    C’était le jour le plus important de son règne. Mais, comme souvent, il donnait l’impression de vouloir être ailleurs… Ce soir-là, vers 20 heures, le Commandeur des Croyants s’engage à limiter ses pouvoirs et à instaurer une monarchie parlementaire. Un discours historique. Mais le roi avale péniblement sa salive et se lance dans une récitation fastidieuse des articles de loi, les yeux rivés sur ses papiers. « Cher peuple, je m’adresse à toi pour renouveler notre pacte par une nouvelle Constitution… » M6 a toujours détesté parler en public. Son premier discours, il l’a prononcé en tremblant à l’âge de 7 ans devant des agriculteurs, sous le regard impitoyable de son père.

    L’ombre d’Hassan II est toujours là, écrasante. Et chaque péroraison ravive le souvenir de ces moments solennels où l’effroi le disputait à l’ennui quand le petit Mohammed n’était que le figurant de son célèbre géniteur. En 1974, à 10 ans, il avait été chargé de le représenter à l’enterrement de Georges Pompidou. Un enfant habillé d’une djellaba blanche et coifé d’un tarbouch grenat, l’air perdu sur les bancs de Notre-Dame. « J’avais l’impression d’être une petite virgule rouge dans la cathédrale… », dira plus tard Mohammed VI. Ce 17 juin 2011 aussi, devant les caméras qui filment ses promesses de « révolution tranquille », il a l’air au supplice. Engoncé dans un costume trop ajusté, flanqué pour symboliser la pérennité de la monarchie des deux héritiers du trône, son fils, le prince Moulay el-Hassan, et son frère, le prince Moulay Rachid, aussi rai de que lui. Et puis il y a ce trône démesuré, rose et doré, qui se profile derrière lui, comme une menace. Avant d’y accéder, Mohammed VI a beaucoup enduré.

    Son père Hassan II n’a jamais vu en Mohammed un fils, mais un successeur. Dès sa plus tendre enfance, il l’oblige à assister à toutes les audiences royales, tout en lui interdisant d’y prononcer un mot. Lorsque le prince a un accident de voiture à l’âge de 22 ans, il lâche: « L’inquiétude du roi a été supérieure à celle du père… Je voyais vingt années d’éducation, deformation complètement anéanties. » Pour le former au métier de roi, Hassan II a appliqué les méthodes héritées de son père, Mohammed V. Contrôle serré des résultats scolaires, sélection sévère de ses camarades de classe – qui sont aujourd’hui devenus ses conseillers -, surveillance étouffante de ses loisirs… Mais Hassan II y a ajouté une dose de cruauté. Il convoque son fils à 5 heures du matin pour le sermonner, l’humilie publiquement. Sur les photos d’époque, on voit le jeune Mohammed, petit garçon tendre et rêveur, qui se tient craintif aux côtés de son père, avec ce rictus d’inconfort qui ne le quittera plus, comme s’il redoutait toujours de recevoir une correction. « Dans la société marocaine, Freud, nous ne connaissons pas, a dit un jour Hassan II dans une interview au «Figaro». On manipule ses enfants directement, même si ça fait mal aune jointure… »

    C’est cette violence, exercée par un père à la fois haï et admiré, qui a façonné le futur roi et son rapport au pouvoir. « Comme si Hassan II avait voulu faire payer à son fils le fait qu’un jour il allait lui succéder », explique un proche. La perversité du monarque est inépuisable. Ainsi il laisse entendre au prince héritier qu’il pourrait bien céder le trône à son cousin, le prince Moulay Hicham, un brillant jeune homme qu’il élève comme son fils depuis la mort de son père, et qui se montre passionné par cette chose publique qui assomme tant le petit Mohammed. Dans ces rivalités d’enfance vont naître les prémices d’une dissidence qui sera d’autant plus nocive pour le futur roi qu’elle vient du cercle le plus intime du palais. Plus tard, Moulay Hicham, qui appelle de ses voeux une réforme de la monarchie, ne ménagera pas ses critiques contre Mohammed VI. La presse, qu’il aime autant que son cousin la fuit, l’appellera « le prince rouge ».

    Lorsque Hassan II meurt, le 23 juillet 1999, Mohammed VI semble vouloir tourner la page noire du régime chérifen qui, loin des résidences luxueuses où le roi son père recevait ses amis, enfermait et torturait ses opposants. Il choisit d’habiter les palais que son père boudait, fuit ceux qu’il aimait. A Rabat, il réside dans sa villa Dar Salam, aux Sablons, et non au palais royal. Déboulonner la statue du commandeur, exister enfin.

    Les Marocains accueillent ainsi la réhabilitation de l’opposant Abraham Sarfati, un leader prosahraoui de confession juive, et la destitution de Driss Basri, le détesté ministre de l’Intérieur d’Hassan II qui était aussi chargé de surveiller le prince, comme le signe d’une ère nouvelle. Pour les jeunes, c’est l’heure de l’espoir et des slogans: « Génération M6 », « le roi des pauvres » … La censure allège son carcan sur la presse. Même des membres du premier cercle du roi, comme Hassan Aourid, collaborent à ces nouveaux journaux où soufle un vent de liberté. Le fils veut apurer le passif du père. En 2004, il crée une instance, Equité et Réconciliation, chargée de faire la lumière sur les « années de plomb » de l’ère Hassan II . La commission épluche plus de 16 800 dossiers et entend 200 victimes. Il lance aussi une réforme du Code de la Femme qui instaure l’égalité entre les époux. Pourtant, la parenthèse enchantée fnit par se refermer. Les journaux irrévérencieux envers la monarchie sont privés de publicité. Certains mettent la clé sous la porte. Les organisations des droits de l’homme – tout en reconnaissant que l’étau de la répression se desserre – continuent à dénoncer les traitements subis par les détenus.

    M6 rattrapé par le fantôme d’Hassan I I . Par les lourdeurs de la monarchie et d’une courtisanerie d’un autre âge. Comment résister lorsque vos anciens amis d’enfance se prosternent devant vous, que vous vivez dans un monde où l’on dore à l’or fin les sabots de vos chevaux et que vous pouvez d’un froncement de sourcil décider des fortunes ou du malheur de vos sujets? « J’ai changé », admettra le roi lui-même dans l’un de ses rares entretiens avec la presse. En douze ans de règne, le jeune homme timide et compatissant a goûté à l’ivresse du pouvoir absolu. Un diplomate raconte qu’en recevant certains dirigeants occidentaux il se laisse parfois aller à leur rappeler que leurs pouvoirs respectifs ne sont pas soumis aux mêmes échéances… « Mon rythme est celui du Maroc. Ce n’est pas nécessairement le même que celui que veulent nous imposer, avec arrogance et ignorance, certains observateurs transformés en procureurs. »

    Aujourd’hui, les plus téméraires murmurent qu’il a mauvais caractère. Une colère du roi et toute la géographie du pouvoir marocain se trouve bouleversée. Telle éminence, autrefois incontournable, devient un sous-fifre. La disgrâce peut conduire à l’exil. « Mais le pire, raconte un membre du sérail qui a fait les frais des bouderies royales, c’est quand vous n’êtes même pas congédié. Vous l’apercevez encore, mais lui ne vous voit plus. Vous faites antichambre en vous gavant de clubsandwichs au homard, vous prenez du poids, malheureux, en espérant regagner ses faveurs. Cela peux durer des mois. » Ces disgraciés, on les croise, mal peignés, presque en deuil, dans les salons de la haute bourgeoisie marocaine. Il y a même une série de noms pour désigner leur triste condition: le moharem, le roi ne le voit plus ; le penek, il ne lui parle plus… Les bannis sont privés de fêtes nomades et de voyages officiels. Les autres évaluent en permanence leur cote à un mot gentil, un regard appuyé. « Exactement comme au temps de son père, lorsqu’on chronométrait ses poignées de main », se souvient un familier d’Hassan II.

    Surtout, « le roi des pauvres », qui voulait pourtant rompre avec les habitudes de son père grand amateur de bijoux et de Rolls, ne cache désormais plus ses goûts de luxe. Il a ses habitudes dans les boutiques de la rue Saint-Honoré à Paris et de Madison Avenue à New York. Son garage compte plusieurs centaines de véhicules – dont les voitures de collection héritées d’Hassan II – parquées dans un écrin de verre et d’acier. Sa dernière folie? La construction du magnifique hôtel Royal Mansour à Marrakech, qu’il a supervisée lui-même jusqu’aux plus infimes détails. Les suites les plus luxueuses, vitrines des chefs- d ‘ oeuvre de l’artisanat marocain, abritent souvent la famille royale et sont facturées plusieurs dizaines de milliers d’euros la nuit.

    Est-ce le désir de surpasser son père qui explique cette frénésie? En 2008, le magazine « Forbes » a classé Mohammed VI au 7e rang des fortunes royales, loin devant la reine d’Angleterre et l’émir du Koweït, avec un patrimoine estimé à 2,5 milliards de dollars. Selon les calculs du magazine, l’entretien et la maintenance des douze palais royaux coûteraient 1 million de dollars par jour. « Hassan II se servait de son argent pour consolider son pouvoir, M6 maximise ses richesses, il est de son temps », décrypte un grand banquier marocain. Indécente richesse, dans un pays où 5 millions de personnes vivent avec moins d’un euro par jour? Les Marocains, pourtant, accusent la cour plutôt que le roi. Et en particulier ses deux plus proches conseillers, Fouad Ali el-Himma et Mounir Majidi: les deux principales têtes de Turcs des manifestants du mouvement contestataire dit « du 20 février ».

    Les deux hommes sont les piliers du « système M6 ». « Si vous voulez faire des affaires au Maroc, il vous faudra obligatoirement passer par le roi, Fouad Ali el-Himma ou Mounir Majidi, secrétaire particulier du roi et patron de la holding Siger, qui s’occupe des intérêts économiques de la famille royale », explique – dans un câble récemment révélé par WikiLeaks – un homme d’affaires proche du palais, non pour le déplorer mais simplement pour indiquer aux Américains la marche à suivre. « La holding royale Siger contrôle les entreprises privées, notamment en captant l’épargne marocaine et l’argent de la Caisse de Dépôt et de Gestion. Résultat: M6 est le premier banquier et le premier assureur du pays. On assiste à une véritable «monarchisation” de l’économie », se désole l’ancien journaliste Aboubakr Jamaï.

    Aujourd’hui, pourtant, Fouad Ali el-Himma et Mounir Majidi font partie de ces parias à qui le roi n’adresse presque plus la parole. Cette captation des richesses par le palais a exaspéré le « makhzen économique », autrement dit la grande bourgeoisie marocaine. L’un deMohammed 6: le monarque funambuleMohammed 6: le monarque funambule

    ses représentants enrage: « Les nouveaux conseillers bling-bling du roi ont pété les plombs. Nous, au moins, nous avons l’argent discret, un peu comme la bourgeoisie lyonnaise, si vous voulez. Et ils nous ont fait honte. » A entendre cet homme d’affaires, le roi a compris le message: pour l’instant, « son peuple » lui a fait la politesse de croire que seuls ses deux conseillers étaient responsables des maux dont soufre le Maroc. Jusqu’à quand? Et l’homme d’affaires de la vieille école de paraphraser Giuseppe Tomasi, qui décrit dans « le Guépard » une Sicile aux prises avec les tourments de la révolution: « Aujourd’hui, au Maroc, pour que rien ne change, ce que nous voulons tous, il faut que tout change. La Constitution, mais surtout la redistribution des richesses. » Pour qu’un jour le prince héritier, le jeune Moulay al-Hassan, puisse assumer, avec moins de difcultés que le roi, l’héritage de son père.

    Sara Daniel

    EMINENCES CRITIQUÉES Deux conseillers du roi sont aujourd’hui dans le collimateur des contestataires: Mounir Majidi, son secrétaire particulier (surnommé « 3M »), homme clé de l’économie marocaine, et Fouad Ali el-Himma, son ex-ministre de l’Intérieur (ami d’enfance, « sélectionné » pour aller en classe avec le jeune Mohammed au Collège royal).

    L’EPOUSE Ingénieur en informatique, la princesse Lalla Salma est la première épouse d’un monarque marocain à avoir été présentée publiquement au peuple. Un journal marocain a été réprimandé par le palais pour avoir divulgué que son plat préféré était le tajine aux carottes et qu’elle aimait se promener pieds nus dans la résidence royale. Elle ne porte pas le voile.

    LE GRAND-PÈRE Le grand-père de M6, Mohammed V, qui dut s’exiler parce qu’il s’opposa à la domination française du Maroc, était adoré par les Marocains, qui le considéraient comme « le Père de la nation marocaine moderne ». Il pourrait recevoir de façon posthume le titre de « Juste des Nations » en reconnaissance de son action pour la protection des juifs marocains durant la Shoah.

    L’OMBRE DU PERE Hassan II a régné trente-huit ans (1961-1999). Et a formé son fils à la dure dès son plus jeune âge. En 1967 (ci-dessus), le petit Mohammed se tient à ses côtés lors de la commémoration de l’indépendance du Maroc. En 1976, il assiste à une conférence de presse à Paris (à droite). Au printemps dernier, M6 s’est engagé à modifier la Constitution héritée de son père, mais il a gardé le titre de Commandeur des Croyants, qui en fait une personnalité « inviolable et sacrée ».

    “M6” EN CINQ DATES 21 août 1963 Naissance à Rabat. 23 juillet 1999 Proclamé roi du Maroc. Juillet 2009 Grâce de 25 000 détenus pour les dix ans du règne. 1er juillet 2001 Référendum approuvant la réforme de la Constitution. 7 octobre 2011 Des élections législatives anticipées sont prévues.

    VENERATION Ce 30 juillet, comme chaque année, la cérémonie d’allégeance au roi, la Bay’a, viendra clôturer la fête du Trône. Le monarque y apparaît juché sur un étalon pour être le seul à ne pas toucher terre, protégé du soleil par un parasol. Oulémas, walis, ministres, hauts fonctionnaires et parlementaires se courbent à son passage en criant: « Que Dieu te bénisse, Majesté! » Les serviteurs du palais répondent: « Sa Majesté vous a accordé sa bénédiction. »

    Source, Août 2011