Étiquette : Mohammed VI

  • Mohammed VI, le Pablo Escobar du Maroc

    Cannabis : l’enquête qui dérange

    Le gouvernement refuse de collaborer avec l’ONUDC pour réaliser une nouvelle enquête sur la culture et la production de cannabis dans le Rif.
    Si, depuis quelques années, les reportages journalistiques se multiplient dans le Rif, les données fiables et exhaustives sur la production de cannabis au Maroc restent rares. La dernière enquête menée par les autorités marocaines en collaboration avec l’ONUDC (Office des Nations-Unies contre la drogue et le crime) a été réalisée il y a six ans (cartographie complète des cultures, calcul des rendements, enquête sociologique, etc.). Mais depuis 2005, plus rien…

    Une nouvelle enquête conjointe devait être réalisée en 2010 afin d’actualiser ces données. Mais elle n’a pas vu le jour, comme le regrette l’Organe international de contrôle des stupéfiants (OICS), dans son rapport annuel rendu public le 2 mars dernier. L’OICS « encourage le Gouvernement et l’UNODC à prendre toutes les mesures nécessaires pour que cette enquête soit réalisée dès que possible ».

    Que s’est-il passé ? Contacté par Lakome.com, le siège de l’ONUDC (basé à Vienne) s’explique :

    “En 2010, les préparatifs pour la nouvelle enquête étaient bien avancés. Cependant, et malgré un accord initial, le gouvernement marocain n’est pas allé au bout de son engagement. Aucune explication supplémentaire n’a été fournie par le gouvernement ».

    Egalement contacté par Lakome.com, le ministère de l’Intérieur n’a pas répondu à nos sollicitations.

    Culture en hausse pendant la transition monarchique

    Les chiffres du rapport 2010 de l’OICS (56 000 hectares de culture au Maroc en 2009) sont annoncés au conditionnel et correspondent aux chiffres distillés périodiquement par le ministère de l’Intérieur. Ils montrent que les campagnes d’éradication menées par les autorités semblent porter leurs fruits.

    Estimée à 70 000 hectares en 1993, 90 000 hectares en 1999 ¹ et 173 000 en 2003, la culture de cannabis au Maroc serait retombée à fin 2010 à 46 000 hectares². Des données encourageantes mis qui, justement, interrogent sur le refus des autorités marocaines de mener cette nouvelle enquête conjointe.

    Concernant la culture du cannabis, les rapports entre le Maroc et les différents organismes internationaux ont toujours été tendus, les autorités considérant les données récoltées comme étant « hautement confidentielles » rapporte l’OFDT ¹. La première enquête complète réalisée dans le royaume remonte à 1994. Deux ans plus tôt, Hassan II lançait sa « guerre contre la drogue » et l’Europe, qui examinait la demande marocaine d’adhésion à l’UE, commandait un rapport à l’Observatoire géopolitique des drogues (OGD).

    La publication par le journal français Le Monde en novembre 1995, d’un article à propos de la version originale de ce rapport eu l’effet d’une véritable bombe. Extraits :

    « La volonté politique de s’attaquer à la drogue semble se limiter à des effets d’annonce, destinés à maintenir l’image du pays », affirme le document. Contrairement à la version de Rabat, « le développement du commerce international du haschisch marocain n’est pas le seul fait de trafiquants européens, arrivés dans le royaume chérifien sur les pas des hippies des années 70 », note l’OGD […]

    « La corruption assure aux réseaux de trafiquants l’appui des « protecteurs, que l’on peut trouver associés au trafic à tous les niveaux, du plus humble fonctionnaire des douanes aux proches du Palais, en passant par tous les échelons de l’administration centrale, des administrations locales, des organisations politiques ou des institutions élues », précise encore le rapport. « Aucun des réseaux qui sont parvenus à conquérir un réel poids économique et politique n’a pu le faire sans la bienveillance des autorités », note l’étude.

    A l’en croire, « de hauts représentants ou des proches du pouvoir », apparaissant « tantôt comme protecteurs ou comme commanditaires », sont impliqués dans les filières d’exportation du cannabis. Un ancien gouverneur de Tanger, Karim Laalj, aurait ainsi « joué un rôle déterminant dans la structuration des réseaux de trafiquants », avant d’être écarté, dès les débuts de la « guerre à la drogue », pour être nommé à la tête de la Caisse nationale de sécurité sociale.

    Parmi « les principaux protecteurs » supposés de réseaux de trafiquants, le rapport, dans une première version remise en février 1994, citait une liste de personnalités, établie « par ordre d’importance politique ».

    Y figuraient notamment les noms de deux membres de la famille royale un beau-frère, une cousine, de deux anciens ministres, d’un député devenu ministre. Les patronymes d’une série de présidents de chambres locales de commerce et d’industrie, de dirigeants de sociétés, de maires et de députés, complétaient cette liste. Mais, à sa lecture, l’UE a commandé une version édulcorée du rapport d’où les noms de ces personnalités jamais condamnées par la justice ont disparu. « Le quadrillage efficace du territoire par l’administration interdit à tout autre pouvoir de s’exercer », constate néanmoins l’étude qui souligne la place essentielle du trafic de drogue dans l’économie nationale. »

    Cet article valu à son auteur, Erich Inciyan, ainsi qu’au directeur de la publication, Jean-Marie Colombani, un procès au pénal intenté en France par le Palais royal pour « offense à un Chef d’Etat étranger ». L’avocat d’Hassan II sur cette affaire n’était autre que l’actuel ministre de la Justice, Mohammed Naciri.

    Condamnés par les tribunaux français en appel en 1997 et en cassation en 1998, à l’issue d’un procès kafkaïen, les journalistes du Monde ont finalement eu gain de cause en 2002 grâce à un arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme, qui estimait que cette condamnation était contraire à la liberté d’expression et au droit d’informer. Cette décision européenne obligea la France en 2004 à supprimer de son code pénal le délit « d’offense à un Chef d’Etat étranger ».

    L’Observatoire géopolitique des drogues (OGD), lui, fut fermé et son fondateur, Alain Labrousse, intégra l’Observatoire français des drogues et toxicomanies (OFDT), pour qui il réalisa un nouveau rapport en 2001 sur le cannabis au Maroc, en collaboration avec Lluis Romero du Centre d’Etude Rurale et d’Agriculture Internationale (CERAI).

    Enquêtes avec l’ONUDC

    En février 2003, le gouvernement et l’ONUDC ont signé un accord de coopération pour réaliser la première enquête conjointe. Il y en eu trois au total (2003, 2004, 2005). Mais en 2005, le bureau de l’ONUDC à Rabat ferma sans explications et les enquêtes, pourtant réalisées annuellement dans les autres régions productrices de drogue, s’arrêtèrent elles-aussi.

    Ce qui ne veut pas dire que le travail est complètement stoppé depuis. Les autorités disposent toujours du matériel mis à disposition à l’époque pour ces enquêtes, notamment les images satellite SPOT, et les directions provinciales de l’Agriculture continuent leur travail sur le terrain, dans le cadre d’une politique plus globale de « développement intégré » de la région, menée par l’Agence de Promotion et de Développement du Nord (APDN).

    L’OICS, toujours dans son dernier rapport, félicite le Maroc pour ses efforts mais « l’engage » aussi à partager ces données avec la communauté internationale.

    La susceptibilité des autorités marocaines sur la problématique du cannabis – et sur celle, plus large, de la « question rifaine » – ne touche pas que les organismes internationaux. Certains habitants de la région en font toujours les frais, lorsqu’il s’agit de dénoncer la corruption liée au trafic ou d’aider les journalistes à enquêter sur le terrain. Il y a eu notamment le cas d’Hamid Naïmi, fondateur d’un journal local à Nador en 1998 et exilé à l’étranger depuis 2005 après avoir été condamné à trois ans de prison pour « diffamation ». Mohammed Bouhcini, humble commerçant à Ouazzane qui, en 2004, goûta aux joies de l’arrestation et de l‘emprisonnement arbitraires pour avoir servi de « guide » à une journaliste de Tel Quel.

    Plus près de nous, il y a bien sûr l’affaire Chakib El Khyari, infatiguable militant rifain arrêté en février 2009, peu de temps après le « coup de filet de Nador » (arrestation de plusieurs responsables sécuritaires locaux). Dans la ligne de mire du régime pour avoir dénoncé sans relâche la corruption et l’implication de hauts responsables dans les trafics de la région, il a été victime lui aussi d’accusations fantaisistes de la part des autorités. Au terme d’un procès inique, digne d’une époque pourtant officiellement révolue, Chakib El Khayri a été condamné à trois ans de prison et continue aujourd’hui de purger sa peine à la prison de Meknès.

    ¹ Rapport sur la situation du cannabis dans le Rif marocain (2001) – OFDT

    ² Taieb Charkaoui, ministre de l’Intérieur, devant la Chambre des Conseillers le 6 décembre 2010

    Source : Lakome

    Tags : Maroc, Mohammed VI, cannabis, Kif, haschich, drogue, trafic, ONUDC,

  • Maroc : Annahj Addimocrati : marxisme à la marocaine

    La voix radicale

    Abdellah El Harif, Secrétaire national d’Annahj Addimocrati depuis 2004.

    Extrême gauche. Le parti marxiste-léniniste Annahj Addimocrati s’apprête à rendre hommage aux martyrs qui ont marqué son histoire. Retour sur un courant politique qui a su faire entendre sa voix, malgré les intimidations des pouvoirs publics.

    «Aujourd’hui, le Maroc est victime d’une crise politique très grave, parce que le peuple n’est pas représenté», déplore Abdellah El Harrif, secrétaire national d’Annahj Addimocrati (la Voie Démocratique). Avec tous les membres de son parti, cet ancien militant de l’organisation marxiste Ilal Amam prépare activement «La journée des martyrs» qui aura lieu le 5 décembre prochain. «Nous avons beaucoup de mal à obtenir une salle afin de tenir ce meeting, les autorités nous mettent les bâtons dans les roues, se plaint El Harrif. Au pire des cas, la rencontre n’aura pas lieu dans une salle publique». Ce rendez-vous annuel aura pour thème central les martyrs d’Annahj et leur combat. Le cas de Abdelatif Zeroual sera tout particulièrement mis en avant. Ce dernier faisait partie des principaux dirigeants d’Ilal Amam. Arrêté et transféré à la prison de Derb Moulay Cherif en 1974, il a été torturé à mort. Jusqu’à présent, personne ne sait où se trouve son corps. Annahj compte une cinquantaine de sections éparpillées dans différentes villes du royaume. Mais «notre poids ne se mesure pas à notre nombre car nos militants sont très actifs», précise Mohamed Belatik, membre du secrétariat national du parti. Ce syndicaliste à la CDT (Confédération démocratique du travail) ajoute : «notre force, c’est que nos militants sont des hommes de terrain. Ils travaillent dans des organismes comme l’AMDH (Association marocaine des droits humains). Il y a beaucoup de fédérations que nous dirigeons». Ceci explique en partie que, lors des communales de 2009, Annahj avait fait entendre ses opinions politiques alors qu’il avait pourtant boycotté les élections.

    Les islamistes et eux

    A l’époque, ce parti de la gauche radicale s’était vu interdire l’accès à la télévision et aux médias officiels et avait distribué des tracts à tout va. «Cette année, nous avons fait une campagne plus active que les années précédentes. Nous avons appelé à des sit in qui se sont déroulés en même temps dans les différentes régions du pays», explique El Harrif. «Au début, les gens ne voulaient pas de tracts, ils pensaient que nous voulions les inciter à voter, mais lorsqu’on leur expliquait qu’on boycottait les élections, ils étaient très intéressés», poursuit celui qui est à la tête du parti depuis 2004 et en est à son deuxième mandat. Seuls les islamistes d’Al Adl Wal Ihssane (Justice et spiritualité) ont également boycotté les dernières élections. Mais ils n’ont entrepris aucune action pour faire entendre leur voix. «Nos idéaux sont radicalement opposés, mais Annahj a le mérite d’avoir maintenu ses idées, c’est pourquoi ils ont boycotté les élections», nous déclare Fathallah Arsalane, porte-parole d’Al Adl Wal Ihssane. Pour El Harrif, il n’y a pas suffisamment de forces capables de faire converger le champ politique vers un changement. «Al Adl Wal Ihssane a une idéologie bourgeoise qui n’est pas anti-capitaliste et où l’islam n’est qu’une couverture». Il pense donc qu’Al Adl Wal Ihssane ne représente pas les vrais intérêts des marginalisés. «C’est leur point de vue. Ils ne nous enlèveront pas que notre premier principe est l’équité», rétorque Arsalane. Pour résumer la situation, le militant Mohamed Belatik indique que les islamistes et les partis en général ne se soucient pas du problème de la lutte des classes qui est «le véritable enjeu de la démocratie, ce n’est pas eux la contradiction principale : au niveau politique, c’est le régime, au niveau économique, c’est le capitalisme.»

    A cause de leurs idées qui contrecarrent le régime, les membres d’Annahj sont de moins en moins tolérés. Plusieurs militants avaient été arrêtés puis relâchés, le 4 avril dernier lors d’un sit-in de protestation contre les grandes puissances capitalistes. Lors des élections, des membres du parti ont également été intimidés. «Nous ne sommes pas d’accord avec leur position aux élections. Le boycott n’est pas un choix politique envisageable dans la durée, c’est mauvais pour le pays», pense Sâadeddine El Othmani, président du Conseil national du PJD (Parti de la justice et du développement). Pour l’ancien secrétaire général, «un parti politique ne peut pas avoir une crédibilité en dehors des élections, même si elles sont biaisées.» Tout comme Al Adl Wal Ihssane, les doctrines du PJD et d’Annahj sont fondamentalement différentes. Toutefois, «la différence est un droit. Nous n’avons jamais eu de problèmes avec eux», tempère El Othmani. Et pour cause, contrairement à des partis de l’Administration comme le PAM (Parti authenticité et modernité), Annahj n’a jamais eu pour but ultime d’éliminer les islamistes. Mais quels rapports entretient cette alliance marxiste-léniniste avec les principaux partis marocains ?

    Divergences gauchistes

    «Nous avons des rapports avec la gauche. Mais qu’est-ce que la gauche ?», se demande El Harrif, qui considère que «l’USFP (Union socialiste des forces populaires) et le PPS (Parti du progrès et du socialisme) ne font plus partie de la gauche. Ils sont allés très loin dans le sens de devenir des partis liés à l’Administration comme le parti de l’Istiqlal.» Contacté par Le Journal Hebdomadaire, Ismaïl Alaoui, secrétaire général du PPS, assimile ces propos à des «insultes». Il réplique : «Ils ne font pas partie de la gauche, nous ne sommes la marionnette de personne, nous sommes un parti qui opère en toute objectivité et en toute indépendance. Leurs déclarations ne nous empêcheront pas de dormir». Ismaïl Alaoui rappelle qu’Annahj est un parti issu d’anciens du PPS qui avaient quitté le parti au moment de la grande crise du gauchisme au Maroc. «Il y a certainement eu un renouvellement de génération et ce sont des militants que je ne connais pas.» Et d’approfondir : «Ce sont des gauchistes déclarés, ils ont des attitudes extrémistes. Ils considèrent que le Maroc reste un pays de dictature et que tout ce qui se fait ne vaut pas la peine d’être fait. C’est un point de vue que nous respectons, mais auquel nous n’adhérons absolument pas.» L’ancien ministre de l’Education nationale du gouvernement Youssoufi, ajoute tout de même qu’Annahj a sa place sur la scène politique car tous les partis ont droit à la parole. «Nous estimons que nous sommes des démocrates convaincus et nous essayons d’être des démocrates conséquents.»

    Hassan Tariq, membre du bureau politique de l’USFP, ne «peut pas imaginer une carte politique sans Annahj. Il existe une gauche de la gauche dans le monte entier, elle est très intéressante et aide à redéfinir la mouvance sociale démocrate», soutient, visiblement très convaincu, cet ancien secrétaire général de la Chabiba Ittihadia. Il affirme qu’en tant que socialiste et social démocrate «je n’ai définitivement pas de problème avec l’existence d’une gauche de la gauche aux discours de principes de valeurs humaines très importants.» De son côté, El Harrif estime qu’«il n’est pas exclu qu’il y ait des militants honnêtes au sein de l’USFP. Nous ne sommes pas sectaires dans la lutte. C’est le parti lui-même qui nous pose problème puisqu’il est très makhzénien.»

    Sans pour autant condamner Annahj, les principaux partis n’entretiennent aucune relation avec lui. Mais en quoi ses positions virulentes turlupinent-elles les grands partis ? En liberté depuis 1992 après avoir passé dix-sept ans derrière les barreaux, que pense El Harrif du système monarchique en place ? «Je me bats pour un régime démocratique. Je pense que le régime actuel n’est pas démocratique», se contente de répondre l’intéressé. Concernant l’épineuse question du Sahara, les positions d’Annahj n’ont pas bougé d’un iota : «La question du Sahara est importante. Mais elle détourne le peuple des vrais problèmes du Maroc, avance Mohamed Belatik, ce qui intéresse le peuple, c’est sa situation sociale, son pouvoir d’achat et l’Enseignement». Pour conclure, El Harrif préfère citer ses mentors : «Lénine disait que toutes les nations opprimées par l’empire tsariste avaient le droit à l’auto-dermination. C’est exactement notre position.»

    Hicham Bennani

    Le Journal Hebdomadaire, novembre 2009

    Tags : Maroc, Makhzen, Mohammed VI, gauche, Annahj Addimocrati, La Voie Démocratique,

  • Maroc – Mohamed VI, roi divorcé avec 5,7 milliards de dollars, 600 véhicules et 12 palais

    Le roi du Maroc n’a jamais caché son mode de vie ostentatoire ni son désir de ressembler à un roi moderne, loin du conventionnalisme. À plus d’une occasion, il a fait les gros titres à cause de ses caprices opulents (comme la montre aux mille diamants qu’il portait il y a quelques jours), de sa façon de s’habiller et même de son mariage raté avec la princesse Lalla Salma, qui n’a pas été vue depuis un an.

    Il est le fils de Hassan II et depuis son intronisation il y a 19 ans, sa fortune ne fait qu’augmenter. Selon le magazine Forbes, il possède 5,7 milliards de dollars, ce qui en fait l’un des monarques les plus riches du monde, le cinquième homme le plus riche du continent africain et, bien entendu, l’homme qui a le plus d’argent au Maroc.

    Mohamed VI possède également un autre type de patrimoine: les palais, symbole de la magnitude des fortunes monarchiques depuis des années, et possède douze sous son nom et son domaine. Le plus grand, Dar-al-Mahkzen, est situé dans la capitale, Rabat, et se dresse comme une ville à part entière. Il est conçu de manière à satisfaire tous les besoins de la famille: cimetière, centre médical, abattoir, écuries, piscines, terrains de tennis ou de golf et même une forêt.

    À cela s’ajoute sa collection de plus de 600 véhicules. Tout cela dans un pays où, malgré sa croissance économique au cours de la dernière décennie, la population est toujours soumise à la pauvreté, au machisme et à un faible niveau d’éducation.

    Sa vie privée n’est pas à l’abri du scandale non plus. Son mariage raté avec la princesse Lalla Salma a suscité toutes sortes de rumeurs. L’arrivée à la cour de Salma marqua un avant et un après dans les coutumes rigides du palais. En fait, elle est devenue la première épouse d’un souverain marocain à qui un titre royal a été accordé et qu’il a présentée sans voile. Un autre détail qui a impressionné les Marocains est la décision du roi de dissoudre le harem royal, symbole historique du pays. Toutes les concubines de son père, feu Hassan II, ont dû quitter le palais et ont été relogées dans des maisons et des appartements, avec une pension viagère inclue.

    Pour l’instant, Lalla Salma est «disparue» depuis le 12 décembre 2017, bien qu’une journaliste marocain ait affirmé l’avoir vue il y a quelques semaines à Portofino, en Italie, avec ses deux fils: l’héritier du trône, Moulay Hassan et Lalla Khadija. En outre, il y a quelques mois, ils ont déclaré que le roi Mohamed VI et son clan lui avaient donné une fortune pour vivre splendidement, dans un ostracisme absolu, bien sûr, et sans pouvoir parler de sa relation avec le monarque.

    Source : Informalia

    Tags : Maroc, Mohammed VI, Lalla Salma

  • Maroc : 40 militants du mouvement rifain, y compris les principaux dirigeants, sont toujours incarcérés

    Quarante militants du mouvement rifain Hirak, y compris leurs principaux dirigeants, sont toujours incarcérés dans différentes prisons marocaines après « la troisième grâce accordée aux Rifains », selon l’agence espagnole EFE qui dit avoir l’information de sources des familles des détenus.

    Toutefois, des sources du Conseil national des droits de l’homme et de l’association Tafra, formée par des parents des prisonniers rifains, ont confirmé à EFE qu’il y avait au moins vingt autres Rifans parmi les graciés mais qui n’apparaissent pas comme des prisonniers du Hirak car ils sont considérés comme des prisonniers pour des crimes de droit commun (violence de la rue, en général) et non politique.

    Ainsi, les Rifains graciés hier (5 juin) soir étaient plus de quatre-vingts et leur libération, survenue dans la nuit du dernier jour du Ramadan, a provoqué des scènes de joie et de célébration qui ont duré plusieurs heures dans la ville d’Al Hoceima, où des cris de « Vive le Rif » ou de « Plutôt la mort que l’humiliation » ont été entendus, observe EFE.

    Le vice-président de Tafra, Bubker Yauhari, a expliqué à EFE qu’il n’y avait pas eu une demande de grâce de la part des libérés ou une mesure de grâce de la part du roi, une demande qui est habituelle avant ces libérations.

    Et quant aux leaders de la contestation du Rif, il n’y a pas eu de clémence pour le noyau dirigeant du Hirak, y compris son dirigeant, Nasser Zefzafi, ainsi que Nabil Ahamjik ou Mohamed Jellul, note l’agence espagnole.

    Ceux-ci, ainsi que d’autres dirigeants de deuxième rangée, purgent des peines de dix à vingt ans de prison dans différentes prisons du nord du pays (Tánger, Tetuán, Fès, Taza, Nador et Al Hoceima, entre autres), vers lesquels ils ont été transférés de Casablanca pour les rapprocher de leurs familles peu après le prononcement du procès en appel, qui a confirmé toutes les condamnations prononcées en première instance.

    Ce mouvement de rapprochement n’a pas réussi à briser les dirigeants du Hirak: Zefzafi s’est cousu les lèvres pendant deux jours pour protester contre le verdict rendu en appel, tandis que plusieurs autres ont mené de longues grèves de la faim pour la même raison, atteignant -certains d’entre eux- ( Mohamed Al Asrihi et Rabie Al Ablaq) un état critique, témoigne la même agence.

    Source : Courrier du Rif

    Tags : Maroc, Rif, Hirak, Makhzen, Mohammed VI, répression,

  • Maroc: L’effondrement du mythe de « l’exception marocaine »

    Aziz Chahir

    Vive le peuple « et » État corrompu « , ont crié la foule de manifestants rassemblés dans les rues de Rabat, capitale du Maroc Des milliers de manifestants se sont récemment ralliés pour la libération des prisonniers politiques, dans un mouvement lancé par le collectif des familles des prisonniers de Hirak .

    La population du Rif, a été choquée quand la cour d’appel a confirmé le mois dernier les peines de prison pouvant aller jusqu’à 20 ans de prison pour des dizaines de militants du mouvement /Hirak. Le meneur de la protestation Nasser Zefzafi, à l’intérieur de la prison d’Oukacha, a cousu les lèvres pour dénoncer le verdict.

    Craignant des troubles sociaux, l’Etat marocain a été contraint de laisser la marche se dérouler.

    À l’aube d’un nouveau Printemps arabe, le Maroc traverse une crise politique majeure. Le roi commence à faire l’objet de critiques acerbes, en particulier sur les médias sociaux, ce qui était extrêmement rare dans le passé.

    Critique croissante

    En raison de leur proximité géographique, les Marocains sont parfaitement conscients de ce qui se passe en Algérie, où un soulèvement anti-gouvernemental semble avoir revitalisé les mouvements sociaux dans le pays.

    Les manifestants à Rabat dénonçaient des procès politiques expéditifs, qui vont à l’encontre du discours officiel de la démocratie et de la résilience face au Printemps arabe. La théorie de « l’exception marocaine » mise en avant par les partisans du régime, y compris certaines chancelleries occidentales, ne résiste plus à l’examen minutieux de la réalité sociale.

    Au sein même de l’establishment politique, les voix critiques se font de plus en plus entendre. Ils dénoncent les excès et les défauts du régime, même s’ils ne ciblent pas ouvertement la monarchie.

    « Le Maroc est au milieu d’une situation confuse qui touche toutes les catégories sociales (…). Nous notons également un recul des grands changements subis par le Maroc depuis le début des années 2000 et la Constitution de 2011 », a déclaré l’ancien ministre socialiste Nabil Benabdallah, compte rendu de la marche, par Akhbar al Yaoum.

    Face à un climat politique insoutenable, le régime et ses affiliés persistent obstinément à décrire le Maroc comme un havre de paix et une stabilité politique dans la région.

    En 2011, les manœuvres proactives de la monarchie ont permis de contenir les manifestations; une constitution révisée a été approuvée par 98% des électeurs après un référendum organisé au moyen de la propagande officielle. Les autorités n’ont même pas hésité à mobiliser des imams de mosquées pour encourager les votes favorables.

    Un nouveau printemps arabe?

    Le Maroc est maintenant exposé à une vague de manifestations qui pourrait marquer le nouveau Printemps arabe, notamment à des manifestations qui ont conduit à l’expulsion spectaculaire d’Omar al Bachir au Soudan et au retrait forcé d’Abdelaziz Bouteflika en Algérie.

    Mais si le Soudan et l’Algérie sont des autoritaires, les régimes militaires, le Maroc reste un hybride énigmatique: une monarchie héréditaire qui supervise de près les efforts de démocratisation.

    Un examen attentif de la situation politique du Maroc met en évidence les symptômes d’un soulèvement imminent, similaires à ceux du Soudan et de l’Algérie. Il est prudent de dire que les manifestations sociales vont augmenter, même si elles sont présentes pour être sporadiques et intermittentes.

    Plusieurs facteurs rapprochent le Maroc de ce type de troubles, notamment la crise socio-économique actuelle, l’affaiblissement des islamistes légalistes du PJD (Parti de la justice et du développement, qui dirige le gouvernement de coalition), la honte portée contre le système judiciaire après les condamnations arbitraires Les militants du Hirak et la réduction de la liberté d’expression et d’association. Un autre facteur est la vulnérabilité de l’appareil de sécurité, qui tente de réprimer violemment les manifestations pacifiques.

    Parmi les facteurs décisifs des soulèvements populaires, trois méritent d’être soulignés: le retrait des «élites médiatrices», y compris les élus locaux, les dirigeants syndicaux et les ONG; les conflits d’identité, tels que le conflit sur la langue et la culture amazigh (ou berbère); et le recours disproportionné à la répression policière, qui peut finalement renforcer le mouvement de protestation.

    Saisir l’occasion

    Ces trois mécanismes sont déjà opérationnels, à des degrés divers. Tous auraient besoin d’un catalyseur, tel que la mort d’un dirigeant du Rif en grève de la faim, pour que le mouvement soit ravivé. Cette convergence de facteurs pourrait à tout moment conduire à une flambée de troubles sociaux violents.
    Quel acteur saisira l’occasion d’établir le pouvoir et d’utiliser ces facteurs à son avantage? Avec l’arrivée d’un nouveau printemps arabe, le régime vacille sous la forte pression de manifestations de masse.

    En cautionnant la répression – à la fois policière et judiciaire – le roi Mohammed VI a mis fin au mythe qu’il s’était personnellement efforcé de créer : le mythe de « l’exception marocaine ». Cela rend de plus en plus imaginable le scénario d’un soulèvement populaire violent.

    Source : Middle Eats eye

    Traduction : Rachid Oufkir

    Tags : Maroc, Mohammed VI, Printemps arabe, exception marocaine,

  • Le roi du Maroc aime fréquenter des bars gays d’Amsterdam (médias)

    Le roi Mohammed VI du Maroc a visité fréquemment des bars gays d’Amsterdam + VIDEO

    (Utrecht, Pays-Bas) – Selon le radiodiffuseur néerlandais NOS, le flamboyant roi marocain Mohammed VI a effectué une visite inattendue à Amsterdam le dimanche 2 avril 2017.

    Les autorités néerlandaises n’étaient absolument pas au courant de la visite surprise de quatre heures du monarque au Pay-Bas et ce n’est que lorsque les paparazzi salivants ont découvert l’arrêt secret de l’entourage royale dans la plus ancienne discothèque gay du centre-ville d’Amsterdam que le gouvernement a tenté de déterminer quels étaient les plans du roi arabe.

    Mark van der Linden, rédacteur en chef chez Royalty Magazine et correspondant principal de NOS, a déclaré à l’AFP que le roi du Maroc, Mohammed VI, qui avait hérité du titre de famille «Amir al-Mu’minin» – qui signifie littéralement le commandant des fidèles – a, pendant son séjour, visité les sites historiques d’Amsterdam, tels que le canal Herengracht, le Leidseplein et le Spijker Bar, une discothèque gay de premier plan. M. Lindem a ajouté que le roi marocain était un visiteur qui fréquentait cette boîte de nuit.

    Apparemment, Mark Rutte, le Premier ministre néerlandais, a tenté de rencontrer le roi âgé de 53 ans, mais il a été informé par la suite de son départ soudain pour Monaco. Il y a eu beaucoup de polémique dans les réseaux sociaux au sujet des tenues lurides du roi Mohammed.

    Source : IUVM PRESS

    Tags : Maroc, Mohammed VI, gay, homosexuel, Spijker Bar, Amsterdam, NOS,

  • Maroc : Le roi et le mystère de la disparition des richesses nationales

    Opinion. Mohammed VI, alias « le roi des pauvres», fait désormais partie du cercle des monarques les plus riches du monde. Il doit ce statut à un mariage contre nature entre pouvoir et affaires.

    Pour le quinzième anniversaire de son intronisation, Mohammed VI a prononcé un discours dans lequel il s’est interrogé «où sont passées les richesses du Maroc ? Et à qui ont-elles profité ?! »

    A peine la question posée qu’elle a enflammé les réseaux sociaux, avec un flot ininterrompu de réponses ou l’ironie le disputait au sarcasme et à l’hilarité. Pour la plupart des commentateurs, une seule réponse s’impose : « Le roi des pauvres les a volées ! », en clin d’œil au surnom décerné au souverain, par la presse française, au lendemain de son accession au pouvoir, en 1999.

    Pour la première fois, Mohammed VI reconnaissait publiquement, l’ampleur des disparités sociales, résultant d’une répartition inéquitable des richesses et avouait l’existence de « signes de pauvreté, de fragilité sociale et de graves inégalités parmi les Marocains. »

    A l’accroissement de la pauvreté et du chômage, est venu s’ajouter une spécificité du règne de Mohammed VI, la montée en flèche des inégalités. Dans son dernier rapport sur le développement humain, publié en 2014, l’ONU, classe le Maroc au cent vingt-neuvième (129°) rang, derrière des pays comme la Palestine et l’Irak, deux pays ravagés par la guerre et les attentats. Des résultats, dont le journal électronique Lakome, disait en 2013 qu’ils suscitent des interrogations sur l’Initiative Nationale du Développement Humain (INDH) créée il y a huit (8) et qui a coûté, à ce jour, pas moins de onze (11) milliards de Dirhams, soit un milliard trois cent millions (1.300.000.000) de Dollars américains.

    «Le roi des pauvres»

    Suprême paradoxe du règne de Mohammed VI, après avoir été intronisé « Roi des pauvres », ce dernier est devenu, en quelques années, l’un des monarques plus riches au monde. Sa fortune a, en effet, explosé de cinq cents pour cent (500%), passant de cinq cents (500) millions de Dollars, à son intronisation, selon le journal Marianne,à deux milliards et demi (2.500.000.000) de Dollars, en 2013, selon le magazine Forbes.

    Poeple with Money, la revue financière, a classé le locataire du « Bienheureux Méchouar », le palais royal de Rabat, au sommet de sa liste des « rois les plus riches », avec un revenu annuel estimé à cent vingt-huit millions (128.000.000) de Dollars. Le magazine a attribué cette augmentation exponentielle des revenus de l’intéressé, à son implication directe dans plusieurs projets d’investissement.

    Toutefois, aucun de ces magazines ne mentionne le détail qui tue: Mohammed VI est celui des dirigeants qui coûte plus cher à son peuple que d’autres chefs d’Etats de pays bien plus riches que le Maroc.

    La monarchie plus coûteuse du monde

    La fortune de Mohammed VI suscite colère et indignation. En l’absence de statistiques pointues la concernant, certains marocains prennent pour argent comptant, les chiffres publiés. D’autres au contraire, en doutent et avancent que la fortune réelle est bien plus conséquente que ce qu’on veut bien publier.

    Un chiffre cependant, fait l’unanimité, celui du budget de la monarchie. Il tient une place à part dans la loi de finance du pays.

    Le gouvernement dirigé par les islamistes du Parti de la Justice et du Développement (PJD), dont on sait qu’il avait plaidé pour l’austérité, afin de compenser les effets de la crise économique mondiale, sur le Maroc, n’a pas hésité à gratifier d’un million (1.000.000) de dollars d’augmentation, le budget 2014 du palais royal, faisant passer ce dernier à deux milliard cinq cent quatre-vingt cinq millions et quatre cent quarante sept mille (2.585.447.000) Dirhams soit environ trois cent neuf millions (309.000.000) de Dollars, comme le spécifie la rubrique « Sa Majesté le Roi » de la loi de finance marocaine. Un chiffre qui inclut la rubrique «Frais du Souverain » d’un montant de soixante et un millions (61.000.000) de Dollars. Des chiffres dévolus à un seul homme et qui échappent à toute reddition des comptes. A titre de comparaison, le budget de la monarchie marocaine, représente cinq fois celui de la Grande-Bretagne, un pays au moins vingt (20) fois plus riche que le Maroc. Ce à quoi il faut ajouter que cinq (5) millions de marocains survivent avec moins de dix (10) Dirhams, soit moins de un Dollar dix-neuf (1,19) par jour, dans un pays où le salaire minimum est de moins de cinquante-cinq (55) Dirhams, soit six Dollars cinquante-huit (6,58) par jour.
    Un budget « sacré » et « occulte »

    Pour ajouter à l’indignation, le budget royal ne fait l’objet d’aucune discussion, ni en coulisses, ni lors des commissions préparatoires, ni en séance plénière, faisant des deux chambres législatives de simples outils d’enregistrement dès lors qu’il s’agit de la monarchie. Pour illustrer le propos, en novembre 2013, le budget du palais a été voté par la Chambre des représentants en huit (8) minutes et il n’aura fallu que deux (2) minutes à la Chambre des Conseillers, la deuxième chambre, pour en faire de même. Et comme il est désormais la coutume, l’adoption du budget s’accompagne d’applaudissements et d’un retentissant :

    « Dieu bénisse le roi et lui prête longue vie ! »

    On l’aura compris, la sacralisation de la monarchie interdit toute discussion de son budget et les parlementaires préfèrent jouer la chaise vide, lors du vote de celui-ci.

    En 2012, Printemps arabe oblige, un groupe d’activistes avait bien essayé de protester contre l’énormité du budget concerné et son opacité, en se réunissant devant l’enceinte du parlement à Rabat. La violence avec laquelle la manifestation fut dispersée fut telle, qu’elle a dissuadé quiconque de contester, à ce jour, cette autre « sacralité ».
    « Nous en sommes encore à la préhistoire en matière de transparence des finances publiques lorsqu’il s’agit du budget de la monarchie ! » Commente, désabusé l’économiste Najib Akesbi.

    Sujets, «Sponsors» et «clients» en même temps

    La constitution de 2011, conçue en pleine tourmente activiste, avait retiré le terme «sacré» dans sa description de la personne du roi. Mais dans la réalité, les décisions royales ne sont sujettes ni à discussion, ni à contestation et le chef de l’Etat conserve sa mainmise sur les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire. Il est également le chef des armées, des services de sécurité, des institutions religieuses et des chaînes publiques d’information. Enfin, premier investisseur, il contrôle au moyen de ses innombrables projets, le monde des affaires et de la finance.

    Le roi le plus coûteux du monde, est aussi le plus nanti de ses homologues, en raison du mariage incestueux du pouvoir, aux affaires et à la finance. Il est à la tête de la plus grande compagnie du pays, la Société Nationale d’Investissements (SNI) dont les champs d’activités vont de la banque, aux produits de première nécessité, en passant par les assurances, la communication, l’immobilier, les mines, les énergies renouvelables, l’agriculture, l’hôtellerie, la distribution et la commercialisation. Au point que les sujets royaux sont également les clients qui participent à décupler sa fortune. Catherine Graciet et Eric Laurent, auteurs du « Roi prédateur » paru en 2012, décrivent très bien cette dérive de celui qu’ils appellent « le roi des bonnes affaires » :« C’est ainsi que le gouvernement et l’administration marocaine octroient de plus en plus de passe-droits aux entreprises de Mohammed VI, quand trente-deux millions de marocains ne sont plus seulement les sujets du souverain mais aussi ses clients : électricité, téléphonie, alimentation, etc., tous s’approvisionnent auprès de ses sociétés. Une forme habile et insidieuse de ce que d’aucuns nomment le « nouvel impôt royal ». Un système économique non pas « étatisé » mais en quelque sorte « royalisé ». Le Maroc est bel et bien devenu un cas unique. La plupart des dirigeants pillent leur pays en confisquant à leur peuple les richesses. Au Maroc c’est le peuple qui, chaque jour que Dieu fait, enrichit le roi en achetant les produits de ses entreprises. »

    Pour qui sonne le glas?

    Lors de son dernier discours, le roi s’est interrogé où avaient bien pu passer les richesses du Maroc. Mohamed Sassi, universitaire et politicien de gauche a, en guise de réponse, exigé du roi qu’il renonce à ses privilèges, expliquant qu’il s’agissait là « d’un devoir moral, dicté par la vie en démocratie », avant d’ajouter :« Si vous deviez refuser de renoncer à ces privilèges, sachez que toute réforme que vous pourriez entreprendre, loin de conduire à une catharsis et au progrès, ne résoudra aucun problèmes de fond, pas plus qu’elle ne servira d’exemple aux autres institutions du pays et à ses décideurs ! »

    Un appel qui se sera perdu, emporté encore une fois, comme tant d’autres, par le vent. Depuis son accession au trône, Mohammed VI n’a jamais accepté de renoncer à la moindre parcelle des pouvoirs exorbitants qu’il détient, pas plus qu’il n’a accepté de rendre une partie de son immense fortune. Même les rares concessions politiques ont du lui être arrachées par la pression de la rue. Et quand bien même, le monarque tire la sonnette d’alarme, à propos des inégalités que l’on sait, il n’en est pas moins, le premier responsable, celui pour qui, pourrait bien sonner le glas.

    Ali Anouzla (traduit de l’arabe par Salah Elayoubi)

    Source : Demain Online, 22 août 2014

    Tags : Maroc, Mohammed VI, richesse nationale, fortune,

  • Maroc : fils de son père

    Mohammed VI règne maintenant depuis douze ans. Un règne marqué à la fois par la continuité et la rupture avec les trente-huit années au pouvoir de son père. Hassan II s’est employé à bâtir une monarchie suffisamment solide et respectée pour qu’elle soit maître des institutions et du jeu politique. Un absolutisme cultivé avec la même intransigeance par Mohammed VI, mais qui semble s’appliquer à des champs différents.

    L’absolutisme royal d’Hassan II était résolument politique et visait à assurer la pérennité de la monarchie marocaine. L’absolutisme de Mohammed VI s’exerce, lui, essentiellement dans le domaine de l’économie et ne s’accompagne d’aucune stratégie politique pour assurer l’avenir de la dynastie qu’il incarne. Comprendre le coup d’État économique et financier auquel s’est livré Mohammed VI suppose d’abord de bien cerner sa personnalité et les relations (conflictuelles) qu’il a entretenues avec son père. Cela implique également de pénétrer dans les coulisses de cet univers qui se dérobe à tous les regards: celui de la dynastie alaouite.

    La proximité est souvent trompeuse, car elle donne l’illusion de la compréhension. Les élites françaises, de droite comme de gauche, croient connaître cette monarchie parce qu’elle règne sur un pays situé à trois heures d’avion de Paris. Invitées régulièrement dans les palaces de Marrakech et de Fès, elles reçoivent les confidences biaisées des hommes supposés proches du roi. Pourtant, derrière les hauts murs ocre qui ceinturent les palais, ce sont les mêmes intrigues et les mêmes mystères, soigneusement cachés, qui continuent de peser, de planer, d’un roi à l’autre. Les rumeurs se propagent constamment, la vérité jamais.

    Au tout début de son règne, Mohammed VI envisagea d’ouvrir au public un certain nombre de palais. Les attentats meurtriers de Casablanca, survenus en 2003 et qui firent quarante-cinq morts, mirent un terme à ses bonnes intentions. Il se retrancha comme son père à l’intérieur de ses forteresses luxueuses, peuplées de serviteurs silencieux qui ressemblent à des ombres. C’est ainsi que Mohammed VI commença à se glisser dans les habits d’Hassan II. Quand l’on demandait à ce dernier quelle activité il aurait aimé exercer s’il n’avait pas été roi, il répondait immédiatement: « Historien.» Pour une raison évidente: dès son plus jeune âge, il fut confronté aux aléas de l’Histoire et savait mieux que quiconque que, sans coup de pouce du destin, le pouvoir lui aurait définitivement échappé.

    La France exerce sur le Maroc un protectorat depuis 1912. En 1953, exaspérée par ses positions favorables à l’indépendance, elle décide de déposer puis d’envoyer en exil le sultan Mohammed Ben Youssef, futur Mohammed V et père d’Hassan. Un épisode qui marquera à jamais ce dernier. Les autorités françaises installent à sa place un petit cousin du sultan déchu, Mohammed Ben Arafa. L’homme est trop falot pour s’imposer et, trois ans plus tard, Paris doit se résigner au retour du sultan et à l’indépendance du pays.

    Mohammed V est le vingt et unième descendant de la dynastie alaouite, au pouvoir depuis 1659, dont les membres seraient des descendants du prophète Mahomet. Mais il devient le premier roi du pays en 1957. La même année, il désigne son fils âgé de 29 ans, l’homme fort du régime, comme prince héritier. Une décision inspirée par ce dernier et son conseiller, Mehdi Ben Barka. Première entorse voulue par le futur Hassan II avec la tradition. Jusqu’alors, en effet, le souverain était choisi par les oulémas.

    Quarante ans plus tard, en veine de confidences, il déclara : « J’ai passé la plus grande partie de mon règne à essayer de réduire le nombre d’aléas qui pèsent sur la royauté.» Traduit en clair, cela signifie: « J’ai imaginé, pensé et façonné cette monarchie dans chacune de ses composantes, pour qu’elle soit durable et indiscutée.»

    Sous sa houlette, le pouvoir royal devient pouvoir absolu puisque le roi détient à la fois le pouvoir temporel et le pouvoir spirituel. Chacune de ses décisions est sacrée. Son goût pour l’histoire le conduit à comprendre que celle-ci n’est qu’une construction subjective. Hassan II adorait Alexandre Dumas, dont il rénova, sur ses propres deniers, la propriété. L’écrivain avait écrit: « L’Histoire est un portemanteau sur lequel j’accroche mes histoires.»

    Hassan II le paraphrasant aurait pu affirmer: « L’Histoire est le portemanteau auquel j’accroche les symboles et les institutions que j’ai choisis pour légitimer et conforter mon pouvoir.» Peu après son arrivée sur le trône, il va tourner le dos à la modernité et s’employer à «retraditionnaliser» le royaume.

    En mettant ses pas, paradoxalement, dans ceux des colonisateurs français. Un intellectuel marocain, Abdallah Laroui, qui s’était pourtant rallié à Hassan II, en dresse une analyse éclairante: «Les réformes, souvent hautement symboliques, induites par la présence des étrangers furent effacées l’une après l’autre […]. L’ère de la modernisation des esprits était terminée. Archivistes et historiographes se plongèrent dans les vieux documents, poursuivant un mouvement imaginé par les nationalistes euxmêmes, mais à des fins opposées, pour ressusciter le protocole ancien, décrit en détail par maints ambassadeurs et voyageurs étrangers. Par petites touches fut reconstitué “le Maroc qui fut”, tant de fois exhibé par l’administration coloniale pour mettre en valeur son œuvre réformatrice1.»

    Source : Le Roi prédateur

    Tags : Maroc, Mohammed VI, Hassan II, dictature, despotisme, répression, enrichissement,

  • Maroc : Mohammed VI, l’Etat c’est lui

    Ahmed R. Benchemsi

    En 9 ans, le Maroc a bougé comme jamais. Mais uniquement grâce à Mohammed VI – qui exerce, malgré les apparences, un pouvoir absolu et étroitement personnel. Est-ce normal ? Est-ce sain ? Est-ce acceptable ?“

    Le régime voulu par nous est celui d’une monarchie agissante qui ne saurait être cantonnée dans un concept forcément réducteur, ni dans des prérogatives exécutives, législatives ou judiciaires”. Ainsi s’exprimait Mohammed VI le 30 juillet 2007, dans un discours du trône dont le ton autoritaire est resté dans toutes les mémoires. Le roi du Maroc, c’est lui-même qui le dit, se voit donc comme une force agissante multiforme. A voir ses formidables prérogatives institutionnelles, il en a très largement les moyens. Au point qu’on se demande, aujourd’hui, ce qu’il laisse aux autres. Force est de le constater : quasiment tout ce qui a “bougé” au Maroc, après 9 ans de règne de Mohammed VI, a été directement inspiré par le roi. Au prix d’une personnalisation extrême du pouvoir, qui n’a qu’un rapport lointain avec les aspirations démocratiques du nouveau règne…

    La révolution El Himma

    Commençons par la politique. Interrogé sur sa spectaculaire démission du poste de ministre délégué à l’Intérieur pour se présenter à la députation des Rhamna, Fouad Ali El Himma a ingénument déclaré au magazine Jeune Afrique : “J’en ai parlé à Sa Majesté qui m’a répondu : j’ai eu la même idée que toi, vas-y !”. Voilà donc la confirmation qu’on cherchait : le redéploiement politique d’El Himma est une stratégie signée (au minimum cosignée) Mohammed VI. Une stratégie qui, moins d’un an après son lancement, a déjà bouleversé de fond en comble le spectre politique du royaume. L’ami du roi est en train de monter un parti dont la future et inévitable puissance va redistribuer toutes les cartes. Déjà, les élites (les vraies, celles qui avaient déserté les partis depuis 30 ans) accourent ventre à terre. Alors que les autres partis sont désespérément en quête d’adhérents de qualité, Si Fouad se permet de filtrer sévèrement leur adhésion. Etrange situation : un parti n’est même pas encore né que chacun est convaincu de sa possible victoire aux législatives suivantes… Et pourquoi tout cela ? Parce que Si Fouad est un “ami de 30 ans” de Mohammed VI, pardi ! Cette étiquette lui aura suffi pour réaliser, aux Rhamna en 2007, un score triomphant, sans aucune mesure avec celui de tous les autres candidats du royaume.Lui, évidemment, creuse le sillon sans complexe. Non content de s’afficher à la sortie du Parlement dans la décapotable du roi (conduite par Mohammed VI lui-même), il déclare à qui veut l’entendre que son programme politique est construit sur le développement des plus “historiques” des initiatives royales : la Moudawana, l’Instance équité et réconciliation et le rapport du cinquantenaire. Message d’El Himma : “La seule politique qui vaille la peine d’être suivie est celle de Sa Majesté ; élites, ralliez-vous à mon panache makhzénien et ensemble, nous referons la révolution du roi et du peuple… par les urnes !”. Et voilà comment la scène politique, censée être indépendante de la royauté, est en train de se reconfigurer autour d’elle. Chapeau l’artiste !

    Miraculeuses impulsions royales

    Sur le plan économique, la prééminence royale est encore plus limpide. Bien sûr, il y a au Maroc un secteur privé florissant, et bon nombre de groupes industriels qui font du très bon travail. Mais le premier d’entre eux, l’ONA/SNI, appartient à qui vous savez. Et il n’est pas exempt de critiques, notamment sur les situations de monopole ou de contrôle absolu qu’il exerce sur diverses filières stratégiques (sucre, acier, lait, huiles…). Il y a aussi la finance, où certains “tycoons” marocains se débrouillent bien. Mais gare à ceux, comme Othman Benjelloun, qui prétendraient disputer le leadership à Sa Majesté ! Ils se verraient, comme lui, contraints de ployer l’échine, voire de lutter pour leur survie… En matière de business comme en matière politique, Mohammed VI entend donc conserver sa souveraineté (dans le sens que le philosophe Carré de Malberg donnait à la souveraineté, à savoir “un pouvoir qui n’en admet aucun au-dessus de lui, ni en concurrence avec lui”). L’Etat, c’est lui ? Eh bien l’économie aussi !Et ça fonctionne pareil pour tous les champs d’activité, pour peu que le roi s’y intéresse. Après des décennies de pataugeage, le football marocain est ainsi aux portes d’une révolution… parce que le roi a décidé de créer une ambitieuse “Académie Mohammed VI” dédiée à son développement – académie à laquelle les plus gros investisseurs publics et privés du pays se sont, bien entendu, greffés séance tenante. Même des secteurs qui fonctionnent très bien sans impulsion royale peuvent voir leurs règles bouleversées pour peu que Mohammed VI s’en mêle. Ainsi des festivals musicaux. Culturellement, leur foisonnement et leur incontestable réussite, depuis une dizaine d’années, sont à mettre au crédit d’une poignée de courageuses sociétés privées d’événementiel. Mais en 2008, le festival Mawazine de Rabat s’est retrouvé coiffé par Mounir Majidi, secrétaire particulier de Sa Majesté et gérant de sa fortune. Instantanément, le budget a flambé comme jamais dans l’histoire des festivals. Depuis, se désolent mezzo voce les opérateurs culturels, “la barre a été fixée tellement haut que nous allons avoir un mal fou à suivre”.

    Gouvernement technocrate ? Non, royal !

    Sur le plan des infrastructures, les plus grands succès des 9 dernières années sont tous, là encore, des chantiers directement lancés par Mohammed VI, gérés par des structures managériales créées et coiffées sans intermédiaire par Mohammed VI. Avec des résultats indéniablement remarquables (voir “Le boom de la technostructure”, p.63). Mais tout de même… N’y a-t-il vraiment personne d’autre que Sa Majesté pour initier des méga-chantiers de la sorte ? Le gouvernement, notamment ?Soyons justes : l’équipe ministérielle en place depuis octobre 2007 compte plusieurs profils compétents et dynamiques qui jouent un certain rôle dans le décollage économique du royaume. Mais tous ces profils ont été choisis, voire imposés par le roi. Au grand mépris de la “méthodologie démocratique” qui veut que le gouvernement soit constitué par les partis majoritaires au Parlement. Ou, histoire de donner le change, au prix d’“adhésions partisanes”… suspectes. Ainsi de la grotesque séquence Akhannouch-Benkhadra, ministres MP un jour, puis ministres RNI le lendemain (c’était pendant les deux jours précédant la formation du gouvernement) qui restera pour longtemps le summum du non-sens politique. Benkhadra est une spécialiste de l’énergie et Akhennouch un puissant opérateur économique, c’est ce qui les qualifiait pour devenir ministres. Le reste n’était que décorum peu crédible… Autre cas, celui de Karim Ghellab. Malgré son bilan indéniablement flatteur de ministre des Transports et de l’Equipement, il est toujours considéré avec suspicion et défiance par ses “frères” de l’Istiqlal, qu’il a rejoint “sur ordre” en 2002. Tant pis pour eux : il a la confiance du roi, et c’est la seule explication valable à son maintien au gouvernement en 2007.En général, c’est simple : à chaque fois qu’un organe a un rôle important à jouer dans le développement économique, il est retiré aux ministres issus du monde politique et confié aux “technocrates” – déguisés en politiques ou pas. C’était le cas, par exemple, de la puissante Agence de l’investissement, retirée au Premier ministre istiqlalien Abbas El Fassi pour être confiée au faux Usfpéiste et vrai technocrate Ahmed Chami…Finalement, même le gouvernement Jettou n’aura pas été une expérience heureuse… selon les critères royaux. Tout apolitique ait-il été, l’ancien Premier ministre avait fini par se faire apprécier par les partis, grâce à son talent de conciliateur. De plus, il a coordonné pendant 5 ans, et avec brio, le travail de ceux qui “bougeaient” parmi ses ministres, toutes étiquettes confondues. Cela n’a pas empêché d’incessantes cabales montées contre lui par l’entourage royal, qui lui reprochait… son excessive popularité ! Finalement, la configuration El Fassi (un Premier ministre de façade issu du monde politique, mais le “travail sérieux” directement coiffé par le roi et ses hommes) semble mieux convenir au Palais. Quitte à imposer au pays un chef de gouvernement ridicule à force d’être inopérant…

    Abbas ou le masochisme politique

    Tout cela étant dit, il faut reconnaître deux choses. Primo : même anti-démocratiques, les choix du roi sont généralement judicieux et justifiés par les compétences de ses “poulains”. Secundo : la classe politique s’est tellement habituée aux couleuvres qu’elle les avale désormais sans s’en rendre compte, voire… en redemande ! Abbas El Fassi, à cet égard, est un cas sans précédent de masochisme politique. Avant les législatives 2007, qui ont vu son parti triompher, il déclarait : “Je soutiens Sa Majesté le roi, quoi qu’il décide”. Pendant, il déclarait : “Mon seul programme, c’est le discours du trône”. Et après, il déclarait : “Sa Majesté m’a prodigué des conseils et des orientations que je respecterai à la lettre”. Plaignons-nous, dans ces conditions, que Mohammed VI double l’Etat et les institutions… Ce sont elles qui le réclament !! Quand le roi s’est offert deux mois de vacances pendant le premier semestre 2008, et que le gouvernement et l’activité législative se sont retrouvés suspendus pendant 6 mois faute d’intérêt royal, aucun membre du gouvernement n’a protesté, même à mots couverts ! Mieux (ou pire) : finalement tenu le 8 juillet (à Oujda, ce qui a obligé plusieurs ministres à modifier leurs agendas en catastrophe), le premier Conseil des ministres de l’année a expédié 60 projets de loi… en 60 minutes chrono. Soit une moyenne d’un projet de loi par minute !…

    ….et le peuple en redemande !

    Et le peuple, que pense-t-il de cet absolutisme royal sans fard ? Eh bien… il en redemande !! Lors d’une enquête menée par un pool de sociologues, 95% des Marocains interrogés ont estimé que le roi devrait avoir… plus de pouvoir ! Au vu de la Constitution, c’est tout bonnement impossible. Depuis son accession au trône, Mohammed VI n’a pas encore eu l’occasion de consulter son peuple par référendum. Son père l’avait fait 8 fois, et le score du “oui” avait toujours été compris entre 96 et 100% ! Qu’adviendra-t-il quand Mohammed VI demandera à son peuple de valider une de ses réformes ? Aurons-nous droit aux mêmes scores crypto-staliniens ? C’est hélas à redouter – et la démocratie risque de s’en trouver orpheline.C’est un fait : à part le trône, les Marocains ne croient plus en rien. Et notamment pas à la politique (37% de participation aux dernières législatives !!), ni à la justice, ni à l’administration territoriale – dont c’est le rôle de régler les problèmes de la population. Pas étonnant qu’à chaque fois que des Marocains protestent publiquement contre quelque chose, le roi est présent en force : encensé dans des slogans, son portrait brandi à bout de bras, etc. Pas étonnant non plus qu’à chaque fois que Mohammed VI s’offre un petit bain de foule, lors de ses nombreux déplacements dans les provinces, il reçoive une pluie d’enveloppes sur la tête, contenant toutes sortes de doléances. “N’est-ce pas la preuve que le peuple aime son roi ?”, disent les plus zélés des courtisans. Non, c’est la preuve que la royauté est la seule institution crédible aux yeux des Marocains, à l’exclusion de toutes les autres. Si c’est un motif de fierté pour le Palais royal, ce n’en est pas un pour un Maroc qui aspire à la démocratie.Avec tout cela, évidemment, les espaces de contestation (nécessaires au fonctionnement de toute démocratie) se sont réduits comme peau de chagrin. La presse joue plus ou moins son rôle – et encore, elle ne cesse de déjouer les chausse-trappes. Mais le peuple ? Avec une telle unanimité autour de l’omnipotence royale, on pourrait croire que les très rares voix discordantes seraient tolérées, puisque condamnées de toute façon à la marginalité. Même pas ! Les procès pour “atteinte à la sacralité du roi” se sont multipliés ces dernières années, au point où des ONG des droits de l’homme en ont fait un thème de campagne qui a transcendé les frontières du royaume. La presse finit toujours par s’en sortir, avec plus ou moins de casse, et la plupart des “détenus des sacralités” ont fini par être relâchés. Le “système” de Mohammed VI est indéniablement plus souple que celui de feu Hassan II. De la dictature, on est passé à l’autocratie. Mais ce n’est pas parce que cette dernière est éclairée, ni parce qu’elle est productive, qu’on devrait s’en contenter…

    Bilan.

    Mohammed VI. Ses succès, ses échecsLes dossiers clés de ses 9 ans de règne

    Le 30 juillet 1999 s’ouvrait la “nouvelle ère”. 9 ans plus tard, elle n’est plus si nouvelle que ça. Sur certains plans (infrastructures, droits des femmes, Sahara), des succès ont été enregistrés, et l’optimisme est permis. Sur d’autres (démocratie, liberté d’expression, affairisme de quelques privilégiés…), le bilan est plus douteux. TelQuel fait le point.

    “Le régime voulu par nous est celui d’une monarchie agissante qui ne saurait être cantonnée dans un concept forcément réducteur, ni dans des prérogatives exécutives, législatives ou judiciaires”. Ainsi s’exprimait Mohammed VI le 30 juillet 2007, dans un discours du trône dont le ton autoritaire est resté dans toutes les mémoires. Le roi du Maroc, c’est lui-même qui le dit, se voit donc comme une force agissante multiforme. A voir ses formidables prérogatise finit toujours par s’en sortir, avec plus ou moins de casse, et la plupart des “détenus des sacralités” ont fini par être relâchés. Le “système” de Mohammed VI est indéniablement plus souple que celui de feu Hassan II. De la dictature, on est passé à l’autocratie. Mais ce n’est pas parce que cette dernière est éclairée, ni parce qu’elle est productive, qu’on devrait s’en contenter…

    Le boom de la technostructure

    Pas de doute possible : en termes d’infrastructures, le Maroc de Mohammed VI a fait un énorme bond en avant. Electrifié à 80% et raccordé à l’eau potable à 70%, le monde rural est déjà méconnaissable par rapport à ce qu’il était à la fin de l’ère Hassan II. Et les 100%, nous promet-on, seront atteints avant 2010. Les autoroutes, elles aussi, ont explosé. Alors qu’en 1999, seuls les 100 km de Casa-Rabat étaient fonctionnels (en plus de deux petits tronçons, Rabat-Fès et Rabat-Larache), le réseau autoroutier marocain, aujourd’hui long de 850 km, est le second plus étendu du continent après l’Afrique du Sud. Et nous visons les 1200 km en 2012.Comment oublier, aussi, le port de Tanger Med qui a fait couler tellement d’encre ? Il commence déjà à étouffer le port espagnol voisin de Sebta (peut-être était-ce même le premier objectif). Et Tanger Med 2 est en chantier. Quand il sera achevé, le Maroc sera doté du plus grand complexe portuaire d’Afrique, un des douze plus grands au monde. Une aubaine pour le Nord du royaume, région longtemps abandonnée aux trafiquants et contrebandiers, qui est en train de s’industrialiser à toute vitesse. Grâce à l’attrait du méga port et de la zone franche installée à proximité (dans laquelle Renault-Nissan a prévu d’installer l’une de ses plus grandes usines – objectif d’ici 2 ans : 200 000 voitures produites par an), 150 000 emplois devraient être créés d’ici 2015.Sur le plan touristique, aussi, le boom est manifeste. Les 10 millions de visiteurs attendus en 2010 devraient être au rendez-vous, sachant que nous en sommes déjà à 8, et que les recettes ont plus que doublé entre 2003 et 2007. Pareil pour l’immobilier : depuis 2003, l’offre de logements excède la demande – grâce, notamment, à la politique de libéralisation du foncier public, cédé à des tarifs très avantageux à ceux qui présentent des programmes immobiliers d’envergure (ce qui ne va d’ailleurs pas sans créer des frictions entre magnats de l’immobilier – cf. les incessantes polémiques Chaabi-Sefrioui…)Autre point fort de l’activisme technocratique impulsé par Mohammed VI : l’incroyable transformation qu’ont subie les villes de Marrakech et Tanger, méconnaissables depuis que le wali Mohamed Hassad, surnommé “le bulldozer”, a reçu carte blanche royale. Avec le très ambitieux programme de réaménagement de la baie du Bouregreg (doté de 30 milliards de dirhams), Rabat devrait suivre la même voie. En attendant le plus gros morceau : Casablanca. Le projet de Marina près de la mosquée Hassan II et celui de “l’avenue royale” – qui va complètement reconfigurer le centre d’affaires – promettent déjà de bouleverser bien des choses…En ce qui concerne les infrastructures, la “méthode M6” tranche radicalement avec celle de feu son père. Depuis le début du nouveau règne, les “visions” et autres “plans stratégiques” se succèdent : “émergence” (pleins feux sur les secteurs porteurs, dont l’offshoring et l’aéronautique), “plan Azur”… jusqu’au tout dernier “Plan Maroc Vert”, qui promet de moderniser l’agriculture marocaine. Bref, le royaume des chantiers fonctionne enfin à coups de business plans et d’objectifs datés et chiffrés. Une authentique révolution. D’après Jean-René Fourtou, président de Vivendi, une des multinationales les plus impliquées dans le boom économique du Maroc, “avec Mohammed VI, on parle développement et avenir du royaume, sans perdre de temps”. C’est aussi pour ne pas perdre de temps que tous les chantiers pharaoniques du nouveau règne sont gérés par des agences paraétatiques directement coiffées par le roi, et dont l’activité et les comptes échappent à toute forme de contrôle parlementaire. Ce n’est pas démocratique pour deux dirhams, mais quand on voit le niveau des députés, on se dit que ce n’est peut-être pas plus mal…

    Chronique de la misère politique

    A son arrivée sur le trône, le jeune et enthousiaste Mohammed VI s’est retrouvé flanqué du vieux et ronchon Youssoufi. Et d’un improbable gouvernement “gauche-droite-divers”, aussi amorphe qu’englué dans les luttes de pouvoir. Enfin, “de pouvoir”… On se comprend. Le pouvoir, il était encore chez Driss Basri, fin 1999, et c’était une excuse commode pour justifier l’inconséquence de Youssoufi et de ses camarades. Il a fallu un trait de plume pour excommunier le grand vizir, et peu de temps pour découvrir que privés de leur “méchant” préféré, les politiques, soudain sans excuse, étaient complètement déboussolés. Exit Youssoufi, dès les élections suivantes.En 2002, conforté par une configuration parlementaire aussi atomisée qu’ingérable, Mohammed VI confie le gouvernement à l’apolitique Driss Jettou. Les politiques, évidemment, se déclarèrent outrés par tant de mépris pour le “verdict démocratique des urnes”. Que croyez-vous qu’ils firent ? Ils s’entretuèrent pour les postes, les honneurs et les Mercedes S500 intérieur cuir. Comble du tragi-comique : Abbas El Fassi, qui devient ministre d’Etat sans objet à titre de “consolation”.5 ans plus tard, le scénario est pire encore. Après que les législatives 2007 ont accouché d’une nouvelle carte politique, aussi atomisée et ingérable que la précédente (comment aurait-il pu en être autrement ?), la primature est confiée à Abbas El Fassi. Unique argument : l’Istiqlal, son parti, s’est classé premier (d’une courte tête) devant le PJD. Quant à l’incompétence et au manque de personnalité dramatiques du nouveau Premier ministre… ce sont, paraît-il, les dommages collatéraux d’une “logique démocratique” pure, mais loin d’être parfaite. Résultat : la nomination du gouvernement El Fassi échappe totalement à son supposé “chef” – et on se retrouve, à nouveau, avec un patchwork de partisans et de technocrates plus ou moins “colorés”, choisis souverainement par le Palais.Le PJD, lui, s’est pris une gifle inattendue en septembre 2007. Tout le monde (à commencer par son propre état-major) estimait la victoire du parti islamiste acquise. Las. Il est arrivé deuxième – et a intelligemment choisi de ne pas figurer au gouvernement, alors que les autres partis faisaient assaut de petitesses pour rejoindre la barque El Fassi.Finalement, le seul évènement politiquement significatif de ces 9 ans de règne aura été la démission de son poste de ministre délégué à l’Intérieur, peu avant les législatives 2007, de Fouad Ali El Himma, “ami de 30 ans” de Mohammed VI. Après avoir décroché sans coup férir le siège de député des Rhamna (et avoir constitué dans la foulée un groupe parlementaire “pivot”, auquel est subordonnée la confiance au gouvernement El Fassi), El Himma prépare ouvertement le terrain à un nouveau parti “techno-monarchiste”. El Himma se permet même le luxe d’imposer de sérieux filtres à l’entrée de son “Mouvement pour tous les démocrates”. Le passage au parti politique est, paraît-il, imminent. A l’heure qu’il est, on ne sait pas encore si les communales de juin 2009 constitueront (ou pas) un galop d’essai pour “l’ami du roi”. Mais l’objectif, le vrai, est déjà clairement affiché : les législatives 2012. On se retrouvera alors face un duel inédit : les islamistes, menés par “l’intégriste” Benkirane contre le néo-Makhzen, mené par le “champion royal” El Himma. Tout bien réfléchi… c’est tant mieux. Enfin, les lignes de partage entre les forces politiques réelles du royaume deviendront claires.

    Femmes : libérées, mais toujours ignorantes

    La réforme de la Moudawana est sans aucun doute la plus grande réalisation de Mohammed VI. Et il fallait du courage pour la faire, cette réforme : trois ans auparavant, un plan gouvernemental aux objectifs similaires avait fait descendre un million de personnes dans la rue. Il a fallu l’onction du Commandeur des croyants pour que “ça passe”… Résultat : un nouveau code du statut personnel, à la fois révolutionnaire et islamo-compatible, si on fait l’effort d’Ijtihad (interprétation des textes sacrés) nécessaire. Une réforme majeure, capitale, que l’Histoire inscrit déjà au crédit de Mohammed VI.Sauf que beaucoup d’hommes ne font aucun effort de compréhension, et ne veulent même pas entendre parler de la réforme de la Moudawana. A commencer par certains juges, qui tirent éperdument sur la corde des “dérogations” autorisées par la nouvelle loi. L’âge plancher du mariage est ainsi fixé, pour les femmes, à 18 ans, sauf dérogation justifiée par… on ne sait trop quoi, d’ailleurs. Dans certaines régions, cette exception est toujours la règle, et les mariages de mineures continuent presque au même rythme qu’avant. Autre possibilité offerte par la nouvelle loi : celle, pour les femmes, de se marier sans le consentement de leur père, dont l’accord était indispensable jusqu’en 2003. Aujourd’hui encore, pourtant, la très grande majorité des fiancées choisissent de se faire accompagner par leur père pour accomplir les formalités administratives du mariage. Tenaces traditions…En milieu rural et parmi les couches populaires les plus défavorisées, les femmes ignorent quasiment tout de leurs nouveaux droits, faute de campagne de communication massive (et en darija) qui les leur expliquerait. Les femmes peuvent désormais avoir l’initiative du divorce, mais dans leur esprit, c’est toujours une opération très complexe, soumise au bon vouloir du mari. Une étude récente atteste que deux agressions sur trois commises contre des femmes sont le fait de leurs époux.Les mentalités mettront donc du temps, beaucoup de temps à changer. Mais l’homme de la rue, même mécontent, est tout de même conscient que l’évolution est irréversible, et que le changement instauré par le nouveau roi est historique. En témoigne cette plaisanterie populaire, parue peu après la réforme : “Mohammed V a libéré le Maroc, Hassan II a libéré le Sahara, et Mohammed VI a libéré ta mère”…

    Flux et reflux de l’islamisme radical

    Dans les derniers temps de Hassan II déjà, le couvercle de la marmite se soulevait par à-coups, laissant échapper d’inquiétantes fumées exhalant des bouillonnements de la foi. A sa mort, le couvercle a instantanément sauté. A l’avènement de Mohammed VI, les Marocains ont d’abord été aiguillés sur une fausse piste : les provocations du cheikh Yassine (réclamant le remboursement de la dette extérieure par les biens royaux “spoliés au peuple”) et de sa fille (déclarant préférer une improbable république califale à la monarchie) se sont finalement révélées sans conséquence majeure.Puis très vite, on s’est mis à trouver les gens d’Al Adl Wal Ihsane bien gentils, vu tout ce qui circulait : salafistes, jihadistes, takfiristes… L’Etat avait beau réformer le champ religieux à tout va (contrôle des mosquées, requalification des imams, lancement de “Radio Coran Mohammed VI” – ce nom… – et même la sortie à grand bruit d’un contingent d’“imamettes”), rien n’y faisait. Ça grouillait de plus belle, ça se politisait à vue d’œil… et ça explosait de temps en temps, malgré la répression féroce. Et dès que ça se calmait là, ça chauffait ailleurs ! Ainsi, après deux ans d’exactions et de tortures post-16 mai 2003 (notamment au tristement célèbre centre de torture de Témara, sorte de réminiscence “spécial barbus” de Derb Moulay Cherif), on a fini par penser que le danger terroriste était écarté. Mais à un prix exorbitant, que le général Laânigri, même écarté et humilié, n’en finit plus de payer…Et c’est là que Yassine resurgit, prophétisant l’apocalypse avant fin 2006 ! Tout nouveau ministre de l’Intérieur, Chakib Benmoussa surprend son monde en adoptant, à l’égard des militants d’Al Adl, une attitude aussi subtile qu’efficace : ficher tout le monde sans brutaliser personne, barrant ainsi la route à la victimisation et la martyrologie. Bravo ! Vu qu’il ne s’est rien passé en 2006, Yassine “le visionnaire” s’est largement décrédibilisé auprès de ses troupes. Ses dernières rodomontades (“le triptyque Dieu/la Patrie/le Roi est une grande blague”, a-t-il récemment déclaré à une télé saoudienne) ne risquent pas d’y changer grand-chose.Et boum : en 2007, ça rééxplose ! Mais cette fois, l’affaire semble plus sérieuse. Côté “méchants”, on sent la touche d’Al Qaïda, les ceintures d’explosifs, les cellules transnationales et les instructions via le Web. Côté “gentils” (car les flics le sont devenus, applaudis par la rue à l’ahurissement général), on se professionnalise : décapités par la capture de leurs chefs avant d’avoir pu passer à l’attaque, les apprentis terroristes n’ont d’autre issue que de se suicider à l’explosif (mais en plein centre-ville de Casa quand même). Du coup, on est dans l’état d’alerte permanent, et le moindre pétard de Achoura fait sursauter d’effroi les grands-mères. La menace, aujourd’hui, vient du sud : Al Qaïda s’est installée au Sahara, et promet l’enfer au “Maghreb islamique”. Pour l’instant, c’est surtout l’Algérie qui paie : un peu moins de 100 morts depuis mars 2007. Mais gare ! Les adeptes de Ben Laden fonctionnent toujours ainsi : de longues périodes d’hibernation… avant une soudaine déflagration. Que le dieu de la raison nous protège.

    Liberté d’expression : cavalcade en terrain miné

    D’abord, les bons points : depuis 2005, le pôle audiovisuel public a été réorganisé et regroupé sous la houlette d’un même groupe, aux règles administratives assouplies. Résultat : une “TNT” marocaine offrant un bouquet de 7 chaînes publiques. En 1999, on en était à deux. L’audiovisuel a aussi été ouvert aux privés, d’où une floraison de radios et, prochainement (promet-on) un afflux de télés privées. Pas de doute, cela dit : la liberté d’expression, la vraie, celle qui s’embarrasse le moins d’autocensure, reste l’apanage de la presse écrite. Et là-dessus, malgré d’indéniables avancées, la situation est loin d’être rose.Jusqu’au 23 juillet 1999, et malgré la courte vue de certains journalistes indépendants, mythifiant l’ancien roi pour mieux stigmatiser son successeur, il était impensable d’écrire “Hassan II” sans le préfixe “Sa Majesté”. Certes, le fameux “Que Dieu Le Glorifie” n’était plus de rigueur dans les dernières années du feu Pharaon, mais tout de même… Le maximum de l’audace consistait alors à brûler Basri en sorcellerie tout en condamnant des années de plomb sans inspirateur ni responsable suprême. Le jour de la mort de Hassan II, un verrou psychologique a sauté. Les plus jeunes journalistes (ceux qui n’ont pas vécu l’apogée des affres hassaniennes), soudain libérés de la “peur du père”, ont osé. Et osé, et osé encore, au plus grand mépris d’un code de la presse régressif, mais auquel plus personne ne faisait désormais attention. Le salaire du roi, la vie des princes et princesses, les témoignages détaillés de tortures, le trafic de drogue, les tribunes aux indépendantistes sahraouis… aucun tabou ne semblait plus pouvoir résister à l’impétuosité des jeunes rebelles du clavier.C’est comme si, à la mort du chef, le terrain de la liberté d’expression avait été déserté par l’armée de la répression politique… Les plus téméraires se sont lancés corps et âmes, et non sans une certaine griserie, sur ce nouveau terrain d’apparence libéré. Mais d’apparence seulement, car les troupes hassaniennes avaient pris soin, avant de le déserter, de le truffer de mines anti-journalistes. Sans en fournir, évidemment, la cartographie.La première mine a sauté en 2000, quand Le Journal s’est aventuré à titiller l’armée en plaçant le valeureux capitaine Adib, pourfendeur de la corruption chez les militaires, sur un piédestal. Au premier prétexte venu (l’accusation de Youssoufi de velléités régicides passées), les couteaux sont sortis, et Le Journal (et aussi Demain et Assahifa, dans la foulée) ont été interdits. Une indignation mondiale plus tard, les trois journaux réapparaissaient, mais dans un climat désormais plus tendu.Depuis, c’est la guerre froide, et presse et pouvoir ont appris à s’apprivoiser mutuellement, non sans sérieux dommages. Ali Lmrabet, décidément trop turbulent au goût du Palais, a fini par être emprisonné, puis interdit d’exercice pendant 10 ans. En 2005, le temps des procès insignifiants soldés par des amendes exorbitantes est venu : 2 millions de dirhams pour TelQuel, puis 3 pour Le Journal, contraignant son directeur Aboubakr Jamaï à l’exil. En 2007, enfin, les procès politiques ont réapparu. Mais sur des thèmes plus fuyants, ne garantissant pas un soutien unanime aux “coupables” d’expression libre. Ainsi de l’affaire Nichane, qui vit le magazine arabophone interdit pendant 3 mois, et son ancien directeur, ainsi qu’une de ses journalistes, condamnés à 3 ans avec sursis pour avoir osé rapporter comment les Marocains riaient de la religion. Malaise et islamisme rampant… Avec l’affaire Ariri (directeur d’Al Watan Al An, accusé avec l’un de ses journalistes – Mustapha Hormatallah, emprisonné 7 mois – de publication de documents classés “secret défense”), l’armée a cherché, elle aussi, à imposer ses limites. Quant au Palais, il reste plus chatouilleux que jamais. Pour avoir osé s’interroger sur l’utilité des élections dans un système où le roi, in fine, détient tous les pouvoirs, l’auteur de ces lignes a été incarcéré deux jours, les deux magazines qu’il dirige (TelQuel et Nichane) saisis, et un procès lui a été intenté pour “manquement au respect dû à Sa Majesté le roi”. Après de multiples reports, le procès est toujours en cours à l’heure où ces lignes sont écrites…En 2008, les amendes exorbitantes ont fait leur grand come-back avec l’affaire Al Massae. Pour avoir imprudemment accusé un substitut du procureur (non nommé) de “perversion sexuelle”, le quotidien arabophone a été lourdement condamné. Si le verdict de culpabilité était somme toute logique, les dommages-intérêts exorbitants auxquels a été condamné Al Massae sont un record absolu : 6 millions de dirhams !! A l’heure où ces lignes sont écrites, l’affaire est encore en appel, tandis que l’Etat serre vigoureusement la vis contre Al Jazeera, dont le bureau à Rabat, après le retrait d’accréditation de son directeur, est menacé de fermeture…Avec tout cela, il faut néanmoins souligner une chose : la presse n’est pas sans ressources, et elle se défend vigoureusement à chaque attaque, engrangeant un large soutien de la communauté internationale. Certains disent que le règne de Mohammed VI est une ère noire pour la presse, arguant que jamais autant de procès n’ont été intentés aux journalistes. C’est oublier un peu vite que sous Hassan II, au temps où les journalistes étaient raflés et tabassés comme de vulgaires gauchistes, les procès étaient un luxe que personne n’osait espérer. Et que désormais, à chaque nouveau procès, la presse soude ses rangs et en sort plus forte. Bref, entre surchauffes et périodes d’accalmie, le combat continue…

    L’affairisme effréné des M6 boys

    Au début, on trouvait ça plutôt bien, que les affaires royales se fassent ouvertement. Il faut dire que sous Hassan II, on ne savait quasiment rien de ces choses-là, et il n’était pas rare que de pleines valises de cash frappées du sceau alaouite circulent entre Casa et Rabat, en dehors de toute comptabilité… L’omerta régnait et Siger (anagramme de “régis” – roi, en latin, et nom du holding contrôlant les affaires royales, dont l’ONA) ressemblait plus à une énorme caisse noire qu’à un groupe économique moderne. Puis Mohammed VI est arrivé, affichant la volonté de dépoussiérer et rationaliser les méthodes de gestion de son gigantesque héritage. On a d’abord commencé par saluer la volonté de transparence impulsée par le jeune roi, et pilotée par son secrétaire particulier et homme de confiance Mounir Majidi. Les affaires royales allaient désormais se faire au grand jour, et dans les règles de l’art, annonçait-on.Mais la machine n’a pas tardé à s’emballer. Les opérations capitalistiques et financières d’envergure (avec à leur tête, la création par fusion/absorption du monstre bancaire Attijariwafa) se sont enchaînées et le groupe s’est invité dans les secteurs économiques les plus porteurs du pays : énergie, assainissement, télécoms… Au point que la question s’est vite imposée : quel est le but de tout ça ? S’agirait-il, en fin de compte, de faire une OPA sur l’économie marocaine ? Et si la transparence n’était qu’un moyen de donner bonne conscience à des gens qui parlent de patriotisme économique (notamment en défendant le concept de “champions nationaux”, rempart contre la mondialisation) alors qu’il ne s’agit en fait que de voracité ? Aujourd’hui, Siger est de loin le holding le plus puissant du pays et sa tête de pont l’ONA, à elle seule, représente l’équivalent de 8% du PIB. Grâce à sa force de frappe bancaire et au soutien sans faille de la CDG, le holding royal remodèle le capitalisme marocain à sa convenance. C’est devenu tellement énorme que l’argument moral (un chef d’Etat n’a pas à faire des affaires, quelles que soient les circonstances) est tout simplement devenu inaudible.Quant aux “règles de l’art”, corollaire supposé de la transparence, elles sont loin d’être observées dans la conduite des business royaux. La libre concurrence, notamment, n’est plus qu’un slogan dès que quelqu’un s’avise de “gêner” la suprématie royale dans les affaires. Ainsi, le banquier Othman Benjelloun s’est-il vu traîner plus bas que terre parce qu’il avait eu l’audace de penser concurrencer Sa Majesté, en lui raflant la majorité du capital de la SNI, puis de l’ONA. 6 ans et une défaite boursière cuisante plus tard (due à des pressions politiques sur les détenteurs de titres SNI), Benjelloun n’a pas fini de panser ses plaies. Grâce à son génie propre des affaires, il a su redresser le cap de son groupe, menacé de sombrer suite à la vindicte royale. Mais il garde un profil bas, et a définitivement compris la leçon : la libre entreprise, oui, mais à condition de ne jamais oublier qui est le “boss”…Quant à Mounir Majidi, l’homme lige du capitalisme royal, il est désormais sur orbite et se permet des incursions dans la vie publique. Pour son premier contact avec le monde de la culture, il a spectaculairement accru le budget du festival Mawazine, attirant à Rabat une brochette sans précédent de stars planétaires – Whitney Houston à leur tête. Majidi se frotte aussi au sport, en coiffant la très ambitieuse “Académie Mohammed VI de football”, censée former les stars marocaines de demain. Bombardé président du FUS (Fath Union Sport), il ambitionne aussi de doter la capitale d’un “sports and business center” de dimensions européennes. Pour ce faire, il a voulu acquérir un gigantesque terrain au centre de Rabat… au dirham symbolique ! Certes en échange d’infrastructures sportives qu’il offrirait à la capitale, mais avec un cahier des charges scandaleusement vague. Les mauvaises habitudes sont toujours là…

    Insondable pauvreté…

    La lutte contre la pauvreté est la grande affaire de Mohammed VI. Dès son avènement, il s’est attaché à donner corps à une certaine fibre sociale, devenue sa première marque de fabrique. Fondation Mohammed V, “Tous unis pour aider les démunis”… Le “roi des pauvres” a incontestablement payé de sa personne, sillonnant le royaume et n’hésitant pas à serrer les plus miséreux dans ses bras, sous l’œil incrédule des cameramen. Mais la politique de charité institutionnelle s’est vite essoufflée, à mesure que les sarcasmes sur le mode “harira pour tous” s’accentuaient.En mai 2005, changement de cap : le roi lance l’Initiative nationale pour le développement humain (INDH), rapidement rebaptisée par la rue “l’indihach” (la stupéfaction). Son principe est, en effet, difficile à croire : les collectivités territoriales et les relais locaux du ministère de l’Intérieur (chioukh, caïds, moqaddems, etc.) sont appelés à travailler main dans la main avec la société civile, les ONG, et toutes les structures non gouvernementales qui ont à cœur de faire reculer la pauvreté, en lançant des projets de développement tous azimuts. Et Mohammed VI entend y mettre les moyens : 10 milliards de dirhams en 5 ans. Objectif : réduire le taux de pauvreté de moitié d’ici 2010.Nous sommes mi-2008, et aucun bilan d’étape global n’a encore été dressé. Il faut dire que le concept, malgré la propagande intensive déployée pour le servir, n’est pas encore vraiment clair. Qu’est-ce qui relève de l’INDH et qu’est-ce qui n’en relève pas ? Devant ce flou, les inévitables magouilles ont commencé à fleurir, et beaucoup d’édiles véreux ou d’ONG peu recommandables apposent le label INDH sur tout et rien, juste pour parer des intérêts inavouables des atours royaux. Pas mal de choses, néanmoins, ont été réalisées ; en témoigne l’inlassable activisme du roi, qui a parcouru des dizaines de milliers de kilomètres à la rencontre des plus défavorisés de ses sujets. Une citerne d’eau, un nouveau dispensaire à inaugurer ? Le “roi des pauvres” accourt. A tel point que certains l’ont surnommé “inaugurator”. Mais quel est l’impact réel de tout cela sur la pauvreté, toujours endémique ? Personne, jusqu’ici, n’a été en mesure de le chiffrer avec exactitude…Un dernier mot là-dessus : l’INDH est présentée par l’entourage royal comme un “chantier de règne”, voire “le projet de société de Sa Majesté”. A priori, ce n’est pas une mauvaise idée. Faire reculer la pauvreté, quoi de plus noble ? Mais ce qu’on appelle “projet de société”, c’est une idée dont la réalisation change la face d’un pays, oui, mais aussi une idée clairement formulée, que tout le monde comprend clairement. Sans cela personne n’y adhérera jamais. Or, “Al moubadara al wataniya li-tanmiya al bachariya”… c’est tout sauf un emballage marketing séduisant. Demandez à n’importe qui dans la rue de vous expliquer de quoi il s’agit, vous n’aurez pas deux réponses identiques ! Eh oui, la communication est indissociable de l’action et ça, le Palais refuse toujours mordicus de le comprendre…

    Sahara : le Maroc reprend la main

    Manhasset, c’est fini ! C’est du moins ce que la direction du Polisario a déclaré en juin 2008, après 4 rounds de négociations infructueuses avec le Maroc dans cette banlieue new-yorkaise. En cause : “L’alignement sur les thèses marocaines” (dixit le Polisario) du Hollandais Peter Van Walsum, envoyé spécial du secrétaire général de l’ONU dans la région. Le malheureux avait eu le tort d’estimer “irréaliste” l’aspiration à l’indépendance du Sahara, lui préférant un accord politique dans le cadre de l’autonomie sous souveraineté marocaine. Malgré ce blocage temporaire (avec ou sans Van Walsum, le processus finira bien par reprendre, faute d’alternative), le Maroc conserve un avantage indéniable “là où ça compte” : chez les grandes démocraties occidentales. “Sérieux”, “crédible”… on ne compte plus les éloges décernées au plan d’autonomie marocain par Washington, Paris et Madrid. En gros : à nous la monnaie et le drapeau, aux Sahraouis la gestion d’à peu près tout le reste, selon des modalités ouvertes à la discussion. En comparaison, le “plan” du Polisario fait piètre figure. Improvisé en catastrophe la veille (!) de la remise du plan marocain au secrétaire général des Nations Unies, en avril 2007, il ne propose rien de notable, hormis une promesse peu convaincante de “partager les ressources naturelles du territoire”, une fois l’indépendance acquise. Avec son plan d’autonomie, peaufiné dans le plus grand secret, Rabat a frappé fort, et a spectaculairement renversé la vapeur. Depuis le cessez-le-feu de 1991, et notamment depuis l’arrivée au pouvoir de Mohammed VI, le Maroc perdait peu à peu sa crédibilité sur ce dossier, accréditant l’opinion générale que le royaume n’arrivait pas à se dépatouiller de sa mauvaise foi. A tel point qu’en 2002, nous avons entendu le boulet siffler à nos oreilles, quand James Baker, ancien secrétaire d’Etat américain et toujours influent auprès de l’administration Bush, a cherché à forcer la main au Maroc en imposant un plan de règlement désastreux pour notre sacro-sainte “intégrité territoriale”. Aujourd’hui, avec ce plan d’autonomie très intelligemment ficelé, nous avons clairement repris la main, et les grandes puissances nous soutiennent. Cela suffira-t-il pour forcer la main à l’Algérie, qui s’accroche mordicus à ce “joker régional” que l’affaire du Sahara a toujours représenté pour elle ? “Le Maroc ne saurait être otage ou prisonnier des calculs d’autrui”, a déclaré Mohammed VI dans son discours du trône de 2007. C’est pourtant le cas depuis 33 ans que dure ce conflit. Un conflit qui pourrait tout aussi bien se prolonger éternellement… à moins que les grandes puissances ne s’en mêlent sérieusement, au-delà de leur soutien affiché au Maroc. Si le dossier évolue en notre faveur, ce n’est pas forcément à Manhasset que ça se passera…

    Tel Quel, 18 nov 2008

    Tags : Maroc, Mohammed VI, monarchie, Sahara Occidental,  Fouad Ali El Himma,

  • Quarante prisonniers du mouvement rifain Hirak continuent dans les prisons marocaines

    Javier Otazu

    Rabat, 5 juin (EFE) .- Quarante militants du mouvement Hirak Rif, y compris leurs principaux dirigeants, sont toujours incarcérés dans différentes prisons marocaines après la troisième grâce accordée par le roi Mohamed VI au Maroc, rapporte EFE citant des sources de leurs familles.

    Hier, à l’occasion de la fin du Ramadan, le monarque a gracié soixante d’entre eux « en tenant compte de la situation familiale et humaine des personnes condamnées », selon un communiqué du ministère de la Justice.

    Toutefois, des sources du Conseil national des droits de l’homme et de l’association Tafra, formée par les parents des prisonniers du Rif, ont confirmé à Efe qu’il y avait au moins vingt autres Rifans parmi les grâciés mais qui n’apparaissent pas comme des prisonniers du Hirak car ils sont considérés comme des prisonniers pour des crimes de droit commun (violence de la rue, en général) et non politiques.

    Ainsi, les rifains graciés hier soir étaient plus de quatre-vingts et leur libération, survenue dans la nuit du dernier jour du Ramadan, a provoqué des scènes de joie et de fête qui ont duré plusieurs heures dans la ville d’Alhoceima, où des cris ont été entendus de « Vive le Rif » ou de « plutôt la mort, que l’humiliation ».

    Le vice-président de Tafra, Boubker Jaouhari, a expliqué à Efe qu’il n’y avait pas eu de demande de grâce de la part des libérés, demande qui est habituelle avant ces libérations.

    Le pardon d’hier est le troisième octroyé par le roi Mohammed VI aux prisonniers du Rif, qui, au moment de la répression maximale, atteignait plus de 700 personnes, dont plusieurs mineurs.

    Le premier pardon a été accordé en juillet 2017, deux mois après que la police ait réprimé d’une main forte lors des interventions dans le Rif; plus tard, il y a eu un autre grand pardon le 21 août 2018, lorsque 188 prisonniers ont été libérés.

    Mais ni à l’époque ni à présent, il n’y a eu de clémence pour le noyau dirigeant du Hirak, y compris son dirigeant, Naser Zafzafi, ainsi que Nabil Ahamyik ou Mohamed Yelul.

    Ceux-ci, ainsi que d’autres dirigeants de deuxième rang, purgent des peines de dix à vingt ans de prison dans différentes prisons du nord du pays (Tánger, Tetuán, Fès, Taza, Nador et Alhucemas, entre autres), vers lesquels ils ont été transférés de Casablanca pour les rapprocher de leurs familles peu après le prononcé du procès en appel, qui a confirmé toutes les condamnations prononcées en première instance.

    Ce mouvement de rapprochement n’a pas réussi à faire plier les dirigeants du Hirak: Zafzafi a cousu les lèvres pendant deux jours pour protester contre le verdict en appel, tandis que plusieurs autres ont mené de longues grèves de la faim pour la même raison.

    Pour Bubker Yauhari, la « solution » au « climat politique dégradé et instable » passe maintenant par un nouveau sursis pour le noyau dirigeant du Hirak, une initiative décriée par la situation intérieure du pays et le contexte international.

    Les demandes de grâce pour les rifains ont été nombreuses dans le pays et ont été sollicitées par des hommes politiques (y compris certains ministres), journalistes et intellectuels, qui ont toujours insisté sur le caractère pacifique du mouvement Hirak, à l’exception de quelques événements exceptionnels.

    Tous les regards se tournent vers les deux prochaines dates (la fête du sacrifice, au début du mois d’août, ou la fête du trône, le 21 du même mois), durant lesquelles le monarque accorde généralement les plus grand nombre de pardons.

    Les protestations dans le Rif contre la marginalisation politique historique, le manque d’opportunités économiques et l’isolement ont commencé fin 2016 après la mort dans un camion poubelle du jeune Mohcin Fikri, à qui la police avait réquisitionné une cargaison illégale de poisson.

    Ces manifestations ont duré plusieurs mois et ont conduit des dizaines de milliers de personnes à manifester dans toute la région du Rif. Elles ont également suscité une vague de sympathie dans le reste du Maroc et sont ainsi devenues l’un des moments les plus critiques du règne de Mohamed VI qui fête cette année son 20 anniversaire sur le trône. EFE

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