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  • Maroc : Mohammed VI, le riche « roi des pauvres »

    Par Orilio Leaks

    En 2019 encore des familles au Maroc vivent dans la préhistoire sous le règne d’une monarchie, «une créature» de la France dont mettait à la tète du pouvoir un tyran prédateur qui a pris le contrôle de l’économie du Maroc dans l’arbitraire le plus absolu.

    Il s’est livré à une sorte de hold-up à l’encontre de l’économie de son pays. Une prise de contrôle de tous les secteurs clés, un coup d’État économique larvé où l’apparence de légalité s’est employée à masquer l’ampleur de l’arbitraire.

    Le secteur économique marocain ressemble désormais à un village Potemkine qui dissimulerait les prédations royales. Une stratégie d’accaparement marquée par la corruption effrénée de ses proches.

    La monarchie marocaine a instauré parmi les élites dirigeantes une véritable « culture de la docilité». Mais, surtout, elle fait peur : lorsqu’elle s’abat, la disgrâce royale condamne socialement mais aussi financièrement et professionnellement.

    Au Maroc, la monarchie demeure le seul pouvoir dictatorial. Elle continue de prospérer puisqu’elle a eu la bonne idée de transformer, depuis des décennies, la vie publique et les institutions en un théâtre d’ombres. Les excès du roi sont protégés par une omerta que nous avons décidé de briser. Nous démontons non seulement les mécanismes d’un système, mais aussi les ressorts psychologiques internes qui ont transformé le prétendu « roi sur des pauvres » en un véritable « roi prédateur ».

    Le chef d’Etat le (roi) Mohammed VI et son entourage semblent avoir repris à leur compte : « Le bien ne fait pas de bruit ; le bruit ne fait pas de bien». Le roi est désormais le premier banquier, assureur, exportateur, agriculteur de son pays. Il contrôle également le secteur de l’agroalimentaire et d’alcool, de la grande distribution et de l’énergie. Une prise de contrôle feutrée. Pourtant, l’enrichissement effréné du souverain et de quelques hommes à son service peut avoir des conséquences politiques incalculables, au moment où la population est touchée de plein fouet par cette prédation royale qui l’appauvrit et fragilise les classes moyennes. C’est pourquoi leurs agissements ont partie liée avec le silence et l’ignorance.

    Tags : Maroc, Mohammed VI, roi des pauvres, peuple marocain, pauvreté, roi prédateur, spoliation pillage, 

  • Maroc : Les Marocains sont, d’après une récente enquête internationale, l’un des peuples les plus malheureux de la planète.

    L’année passée, une autre enquête également internationale, a placé les Marocains, quasi en tête des peuples les plus corrompus, menteurs, hypocrites et traîtres à la parole donnée.

    Cela est un constat de terrain fait par des organisations internationales dont la crédibilité et le sérieux sont reconnus.

    De plus, les Marocains, dans leur écrasante majorité – et de fait elle est écrasante et je dirais même etouffante – sont réfractaires à la démocratie, à la liberté et à la solidarité avec les exclus et les opprimés.

    De fait, lorsqu’un individu marocain ou un groupe de citoyens se révoltent contre les injustices et la tyrranie et sont jetés dans les geôles de la dictature, il se trouve des millions de Marocains pour les accabler et justifier leur emprisonnement.

    Les Marocains sont par ailleurs racistes et antisémites.

    Racistes contre les Noirs, que ces personnes soient marocaines ou de récente établissement au Maroc.

    Ils sont antisémites et se cachent derrière le conflit israelo-palestinien pour distiller leurs sentiments anti juifs.

    Cet antisémitisme qui se manifeste par des paroles et expressions devenues anodines telles que « Juif 7achak », comme on l’exprime lorsqu’on parle d’un chien ou d’un cochon ou par Lihoudil bali (Juif usé ), fait partie des us marocaines depuis des siècles.

    Chez les plus « savants » ou plus exactement les plus militants, cette attitude antisémite se justifie par la
     » felonie et la traîtrise » des Juifs de Medine à l’encontre des traités que les fils d’Abraham avaient signés avec le prophète.

    Ces mêmes militants antisémites qui ont empoisonné la rue marocaine, rappellent sans cesse les « crimes » commis par les Juifs, assassins des prophètes.

    Aujourd’hui, au Maroc, le point de non retour est atteint dans le domaine des intolérances et de la haine contre les minorités ou les femmes qui osent encore défier ce fascisme nourri par un islam wahabite rétrograde et réactionnaire.

    Et aucune sensibilité moderniste, politique, culturelle ou humaniste ne semble aujourd’hui en mesure de contrer le cancer islamiste intolérant qui gangrene la société marocaine dans son ensemble.

    Tous les progressistes ont peur de l’étendue de la mainmise de l’islamisme sur les espaces sociaux du Maroc.

    Même le palais royal qui a opté pour l’islamisation de la société marocaine à travers son alignement inconditionnel sur les positions et les discours des descendants de Qoreich, « gardiens des liens saints de l’islam », a durci ses discours et ses pratiques émergeant aux textes du Hadith et du Coran.

    Il n’y a guère, le conseil supérieur des oulamas du Maroc présidé par Mohammed VI a émis une fatwa condamnant de mort l’apostat, sans que le souverain marocain trouve quelque chose à dire face à cet édit fasciste.

    Chaque année qui passe, le Maroc, peuple et dirigeants, s’enfonce dans l’abîme des intolérances, de l’hypocrisie et du mensonge collectif.

    Source: Bruxellois, sûrement!

    Tags : Maroc, malheur, pauvreté, misère,

  • Scènes de vie des enfants dans le Royaume du bon Roi Mohammed VI du Maroc

    Cela ne se passe pas dans les années 1950, mais à notre époque dans un douar à quelque 50 km de Marrakech, la ville ocre enchantée des Mille et une Nuit !

    Non ces images ne sont pas prises en Somalie, mais bien dans un Marocqui mène depuis trop longtemps une politique irresponsable en matière des soins de santé. Pendant que la classe sociale makhzénienne et ultra libérale envoie leurs enfants faire des course chez Zara, où font la fête au Festival Mawazine, où encore quand les touristes français se cultivent au Festival de Fès, nous nous contenteront d’observer ici que tous ces enfants qui ont les dents abimées par la pollution de l’eau par les phosphates exploités pas très loin de là…Ces phosphates qui enrichissent les amis du Roi Mohammed VI et qui servent à la fabrication d’engrais chimiques puissants.

    Leur santé ne préoccupent guère les élites corrompues du Makhzen et ne réagissent pas aux conséquences des dangers des nombreuses maladies qu’il ne pourront de toute manière jamais être soignées par manque de moyens financiers principalement, mais aussi par manque d’un abandon des infrastructures….

    Soulignons également les coûts exorbitants des médicaments et des soins au Maroc est un handicap majeur à l’état alarmant des soins de santé dans ce pays. Ces médicaments sont vendus au Maroc 3 fois le prix qu’ils sont vendus en Europe. Les hausses sur les médicaments, encore récentes, quant à elles, persistent malgré le discours humanitaire de solidarité. Des zones d’apartheid, dans les douars crasses et les no man’s lands subsistent et offensent ! Et à long terme toute l’industrie marocaine du médicament perdra en compétitivité laissant le marché de ce pays aux flibustiers des multinationales du médicament.

    Last Night in Orient

    Tags : Maroc, Mohammed VI, Makhzen, enfance, pauvreté, misère, précarité, analphabétisme,

  • Maroc : La source de fierté des marocains

    A TOUS CEUX QUI SONT FIER DU MAROC : Vous êtes fiers de QUOI ??

    – Fiers d’avoir un pays specialiste du SEXE qui a détrôné la Thaïlande?

    – Fiers d’être originaire d’un pays de tourisme sexuel ?

    – Fiers d’être originaire d’un pays dont le régime fait recours au lobby sioniste pour réaliser ses dessseins hégémoniques ?

    – Fiers d’appartenir à un pays connu pour être la chasse gardée de la France?

    – Fiers d’être originaire d’un pays où la prostitution est la principale source de vie autant dans les villes que dans les villages ?

    – Fiers d’être originaire d’un pays connu pour être la Mecque des pédophiles?

    – Fiers d’être originaire d’un pays où il n’y a que des Mosquées à la place des hôpitaux et les dispensaires ?

    – Fiers d’être originaires d’un pays surnommé « le Royaume du Cochon » ? Où les marocains musulmans élèvent le porc et où on en trouve aussi dans le marché central d’Agadir, par exemple. C’est quasiment du jamais vu dans un pays musulman (Normalement un touriste va dans un pays pour découvrir sa culture, pour respecter ses traditions etc. Et là c’est l’inverse, le Maroc abandonne une partie de ses principes pour s’adapter aux habitudes des étrangers…)

    -Fiers de produire des merguez de cochon made in Morocco?

    – Fiers d’être originaire d’un ROYAUME où les la majorité des terres appartiennent à des étrangers ?

    – Fiers d’être originaire d’un pays qui aménage les villes spécialement pour les touristes, remplies de magnifiques hôtels mais où derrière ce décor se cache des bidonvilles délaissés ? ( Au Maroc tout va bien. Sauf le marocain. Vous vantez les belles maisons, belles résidences etc du Maroc, mais qui y vit ? Ce sont les retraités francais ….

    -Fiers des marocains qui vivent soit dans les toilettes publiques, soit dans les bidonvilles soit dans les grottes comme à la préhistoire )

    – Fiers d’être originaires d’un pays dernier au Maghreb en matière scolaire ?

    – Fiers d’être originaire d’un pays qui fait la couverture du magazine « CHOC» ou autres magazines avec des photos choquantes ?

    – Fier d’être originaire d’un pays qui recule dans le classement des pays développés, et qui s’approche dans le classement des pays «sous-développés» ?

    – Fiers d’être originaires d’un pays qui torture quotidiennement des Marocains qui osent ouvrir leur bouche contre le « Makhzen » ? ( Pas de liberté d’expression)

    – Fiers d’être originaires d’un pays où l’on baise encore la main du ROI à la queue leu leu ?

    – Fiers d’être originaires d’un pays dont la police rackette les pauvres ouvertement ?

    – Fiers d’être originaires d’un pays qui dépassent tous les records en corruption ?

    – Fiers d’être originaires d’un pays où l’Etat reste silencieux face à des actes graves juste pour le profit économique ?

    – Fiers d’être originaires d’un pays où son peuple vit dans la misère pendant que le Roi grimpe dans les listes du magazine Forbes ? (Roi des Pauvres, mais roi très riche).

    – Fiers d’être originaires d’un pays où son drapeau a été dessiné par le general Lyautey?

    -fiers d’avoir un hymne monarchique dont la musique est faite par Leo Morgan ?

    – Fiers d’être originaires d’un pays où son Roi musulman qui quemande la bénédiction d’un rabbin sioniste ?

    -fiers d’avoir un  Roi marocain qui a une demi sœur juive (Hedva Selaa) qu’il ne veut pas reconnaître et accueillir?

    – Fiers d’être originaires d’un pays où on expulse des Marocains les pauvre marocains de leur propre terrain pour y construire comme d’habitude des complexes touristiques dans le but de développer de développer le tourisme sexuel?

    – Fiers d’être originaires d’un pays où tous les Marocains veulent fuir par tous les moyens, des enfants jusqu’aus plus grands, qui se cachent sous les camions pour atteindre l’Europe ?

    – Fiers d’avoir un roi dont l’homosexulité fait la une de la presse internationale?

    Avec tout ça, vous arrivez toujours à avoir un sentiment de fierté pour votre pays d’origine?

    – Fiers de voir les femmes d’Essaouira mourir dans une bousculade pour quelques kilos de farine?

    – Fiers de voir votre roi se prosterner devant les monarchies du Golfe pour quémander une aide financière?

    – Fiers d’avoir près de 500 prisonniers politiques dans les géôles du Makhzen?

    – Fiers de voir les fourgonnettes de la police écraser les manifestants à Jerada?

    – Fiers d’avoir un roi qui a trahi la Nation Arabe en livrant à Israël des enregistrements sur les débats d’un sommet arabe organisé au Maroc?

    – Fiers de tuer des emfants et des femmes dans un pays arabe et musulman, le Yémen?

    – Fiers d’appartenir à un pays en conflit avec tous ses voisins?

    – Fiers d’un pays qui tue et réprime un peuple arabe et musulman, le peuple sahraoui, et se prosterne devant ceux qui occupent Ceuta et Melilla?

    Tags : Maroc, Makhzen, Mohammed VI, répression, pauvreté, analphabétisme, fierté,

  • Maroc : La face cachée de Marrakech

    Derrière sa clinquante vitrine, la ville ocre abrite encore de nombreux quartiers défavorisés où une grande population de démunis tente en vain de vivre dignement.

    Par Hicham Bennani

    Le Pacha. Une des plus grandes discothèques d’Afrique qui attire des visiteurs du monde entier. Entrée : 200 dirhams. Prix d’une bouteille de vodka : 1 200 dirhams. Il est 3 heures du matin. Plus de deux mille fêtards se trémoussent dans une ambiance house-électro. Danseurs et danseuses professionnels à moitié nus aguichent la foule. L’euphorie et le faste sont de mise. Parfois même à l’extrême. On se croirait en Europe.

    A l’extérieur, sur l’avenue Mohammed VI, l’artère principale de Marrakech qui regroupe palaces, grands hôtels, restaurants et cafés de luxe, des enfants font la manche. Parmi eux, Aïcha quémande désespérément une petite pièce. Cette Marrakchia âgée de huit ans n’a pas le choix. Elle habite Diour El Boune, un quartier populaire en plein Marrakech. En ce 17 mars 2009, à l’aube, Aïcha rapporte un maigre butin (65 dirhams) à son père, maçon de son état. Situé à cinq kilomètres de la place Jamaâ El Fna, Diour El Boune est constitué de 13 000 habitations. Construites dans l’anarchie totale, elles sont toutes plus laides les unes que les autres. «Il suffit de donner un pot-de-vin au moqqadem de la région pour construire sa maison», dénonce un passant.

    Les parias. Ici, il n’y a pas d’école, pas d’hôpital et un seul poste de police qui ne peut couvrir à lui seul toute la p1000308sécurité. Les enfants sont désœuvrés et livrés à eux-mêmes. «Pas étonnant que des mômes disparaissent de temps en temps, ils sont sans doute attirés par la richesse des étrangers», pense un habitant, en faisant référence à la pédophilie qui sévit à Marrakech. Ce dernier travaille comme porteur dans un grand hôtel juste derrière Diour El Boune. Le plus grave, c’est que ce patelin dans la ville est loin d’être le plus mal loti. Encore plus proche du centre, on trouve Douar Al Fakhara dans le quartier de Aïn Etti. Plus de 30 000 personnes y vivent dans des conditions exécrables. «Nous sommes entassés à dix dans un cinquante mètres carrés», témoigne un jeune chômeur.

    Les revenus d’un foyer vont de 500 à 3 000 dirhams. Ceux qui en ont les moyens installent l’électricité, les autres vivent, le soir, à la bougie. Bâties en terre ou en pisé, les demeures ne garantissent aucun confort ni sécurité. Il y a un peu plus d’un mois, un homme de 75 p1000367ans et sa petite fille de 12 ans ont trouvé la mort à Douar Al Fakhara suite à l’effondrement du toit de leur maison après les fortes pluies de cet hiver. «Comme les ruelles sont mal conçues et non goudronnées, l’ambulance ne peut approcher certains endroits», constate un officier de police.

    Dans un terrain vague parsemé d’ordures, un homme en guenilles puise l’eau d’un puits. «Venez voir où nous vivons, personne ne se soucie de nous. Jugez par vous-même, c’est la Somalie !». Il est vrai que l’allée où survit sa famille, située en face des résidences de luxe d’un certain Miloud Chaâbi, est digne des pays les plus pauvres. Pas d’eau, pas d’électricité, pas d’égoûts pour une soixantaine de personnes. Une simple bouteille de gaz et une moquette en piteux état, c’est ce que possèdent Mohamed et sa famille. «Toute la rue a étép1000373 inondée pendant les intempéries», raconte sa femme, indignée. La liste des lieux dont ne parlent jamais les circuits touristiques pourrait s’arrêter là. Malheureusement, le pire est à venir… Toujours à «Kech» (comme l’appelle les jeunes branchés), à Sidi Youssef Ben Ali, non loin du Golf Royal, le Douar Slitine qui borde la route, n’a rien à envier aux quartiers insalubres de Casablanca. Qui a dit qu’il n’y avait plus de bidonvilles à Marrakech ? Plus de 300 personnes vivent au milieu d’immondices dans des cabanes en tôle sans aucun service de base. «Toutes les maladies du monde se trouvent ici.

    Le soir, dans le noir total, on a peur, parce qu’il n’y aucune sécurité et nos enfants se font régulièrement mordre par des serpents», déplore une vieille dame. «Heureusement que nous pouvons avoir de l’eau potable, mise à notre disposition par le propriétaire d’un ryad, à trois kilomètres d’ici», explique son mari. En plein cœur du douar, un homme au visage très marqué par la misère, enchevêtré dans un taudis fait de poubelles et d’objets en tout genre, hurle son désespoir : «Ils ont rasé ma maison et j’ai été obligé de m’installer ici. Ils m’ont donné 5000 dirhams de dédommagement. Je respecte tout le monde et je n’ai jamais rien fait de mal», avant de conclure, en sanglots : «Dieu, la patrie, le roi!»

    Affreux, sales et méchants. Pendant que l’immobilier ne cesse de se développer à p1000380Marrakech, d’autres zones délaissées par les pouvoirs publics restent figées. C’est le cas de Mhamid, une région d’environ 20 000 habitants qui jouxte les logements flambant neuf du groupe Addoha. Au Douar Soltane, on se croirait au Moyen Age. Les badauds doivent se rendre au château d’eau pour s’approvisionner. Il n’y a aucun conduit souterrain pour évacuer les eaux usées. Les constructions en terre tombent en ruine.

    «Si le sultan Moulay Hassan voyait dans quel état est devenu son palais, il se retournerait dans sa tombe», rumine un septuagénaire qui a grandi dans le douar. Autre lieu, autre paysage déplorable. Le Douar Iziki offre un décor pathétique. Toujours à 5 ou 6 kilomètres de Jamaâ Al Fna, cet endroit est connu pour abriter des garages automobiles bon marché. Plus de 2000 personnes y vivent dans l’insalubrité. De petites ruelles où le cambouis et les eaux usées se déversent en un sillon mènent à un petit local en carton où s’effectuent toutes sortes de trafics. «L’endroit est réputé pour son haschich et les filles qui habitent ici sont des prostituées», confie un gaillard enduit de graisse de voiture.

    En plein cœur du douar, une mare vert-noirâtre de déchets toxiques, mélange de bitume et d’excréments, est laissée à l’abandon. Ici, le réalisateur italien Ettore Scola aurait trouvé un décor idéal pour ses films mettant en scène des pouilleux. Pourtant, nous sommes loin de la fiction. Toutes les zones évoquées font partie intégrante de Marrakech. Mais il n’existe aucun plan d’urbanisme qui leur soit associé. Chômeurs, employés dans la restauration ou dans de grands hôtels, ouvriers, prostituées, dealers et gredins y cohabitent. Le pauvre côtoie le riche.

    «La situation de Marrakech représente ce que le Maroc est en train de vivre : de plus en plus de développement alors que les couches défavorisées sont laissées pour compte», constate un marchand de la place Jamaâ Al Fna. Même le centre de la ville ocre n’est pas épargné par le fossé entre les différentes classes sociales qui ne cesse de s’aggraver. Dans le mellah, ancien quartier juif de la médina, les vols, agressions et cambriolages sont monnaie courante. Comme dans toutes les villes des pays en voie de développement, Marrakech n’échappe pas à la règle des quartiers insalubres. Pourvu qu’ils ne se développent pas à la même vitesse que les investissements.

    Le Journal Hebdomadaire, numéro 388, mars 2009.

    Tags: Maroc, Marrakech, Makhzen, pauvreté, précarité, Le Journal Hebdomadaire,

  • Une affiche du Roi du Maroc tristement éloquente

    Au Maroc, l’image vendue à l’extérieur est trompeuse ete loin de la réalité. Le paradis marocain affiché à la une de la presse française est pulvérisé par la réalité quotidienne des marocains exprimée par cette photo prises par un citoyen qui a relevé le contraste entre une affiche du roi et les conteneurs de poubelle qui débordent d’ordure.

    Cette affiche illustre les deux Maroc de Mohammed VI : la richesse des uns et la misère des autres. La photo a été publié sur facebook et les commentaires en disent largement sur le sentiment des marocains. « Le photographe qui a pris cette photo mérite sans doute un prix », « le roi des ordures », « la basura con la basure (l’ordure avec les ordures) ».

    Un autre commentaire relève carrément de l’insolite : il dévoile la grave anismosité des marocains envers leurs frères algériens. Il dit « aussi sale que l’Algérie ». C’est dire l’effect nocif laissé par la propagande du régime contre les voisins de l’Est.

    Tags : Maroc, Mohammed VI, pauvreté, saleté, ordures, affiches, propagande,

  • Injustices sociales et contestations politiques au Maghreb

    Les révoltes au Maghreb s’inscrivent dans un contexte caractérisé par l’arrivée de nombreux jeunes sur le marché du travail, par des économies incapables de répondre à leurs demandes et par des institutions politiques délégitimées. Provoquées initialement par la répercussion de l’augmentation du prix des matières premières sur les prix des produits de consommation de base, ces révoltes auraient pu se transformer en émeutes de la faim et se terminer par des arrestations massives dans le cadre d’une politique de répression. Mais, à la différence du passé, elles se sont transformées en un soulèvement pacifique, dans la plupart des pays concernés, et insurrectionnel en Libye. L’incapacité des forces de police à rétablir l’ordre a contraint l’armée à jouer un rôle d’arbitre entre les révoltés et les présidents pris à parti par la population. En Egypte et en Tunisie, très habilement, celle-ci a exploité l’opportunité qui lui était offerte de réapparaître comme l’alliée du « peuple ». Ce choix stratégique partait du constat que le précédent algérien des années 1990 serait inapplicable dans des pays dépourvus des moyens considérables financiers issus de la vente des hydrocarbures. En somme, ces révoltes démontrent que les modes de domination fondés sur la peur, voire la terreur, ne garantissent plus la stabilité d’un régime ; en même temps, elles soulignent les limites du modèle clientéliste fondé sur la cooptation des élites et la redistribution arbitraire des ressources. Considérés par les populations comme des organisations mafieuses et confrontés à ces bouleversements, les régimes autoritaires semblent dépourvus de moyens susceptibles de répondre aux défis que posent la démographie, les revendications démocratiques et la révolution internet. Les révoltes du Maghreb permettent de jeter un regard nouveau sur le fonctionnement, et en particulier sur les modes de concentration des richesses, devenus insupportables pour des populations contraintes, pour la majorité, de vivre avec des moyens dérisoires.

    Des révoltes sociales prévisibles

    En un demi-siècle, la population du Maghreb a été multipliée par 3,4, passant de 25,7 millions d’habitants en 1950 à 77,8 millions en 2001. L’espérance de vie a gagné 25 ans (de 42 à 67 ans), à l’exception de la Mauritanie où celle-ci ne dépasse pas 50 ans.

    Cette révolution démographique a pour conséquence une augmentation de la population des 20-40 ans de 23 millions en 2000 à 28 millions en 2010. Cette tranche d’âge représente désormais 36% de la population totale et il faudra attendre 2030 pour la voir diminuer, et ne plus représenter que 33 %. Certes, à long terme la pression démographique, en particulier le poids des jeunes dans la pyramide des âges, déclinera en raison de la chute du taux de natalité.

    Et cela en raison de la diminution du taux de fécondité, passé de 7 à 8 enfants par femme en 1970 à moins de 3 en 2000. Mais, pour lors, la tranche d’âge des 20-40 ans est confrontée à la faiblesse de la création d’emplois dont le rythme est inférieur à la croissance de la population. Compte tenu du niveau de chômage au Maghreb, les pays de cette région devront créer quelque 22 millions d’emplois au cours des deux prochaines décennies pour occuper à la fois les chômeurs et les nouveaux venus sur le marché du travail.

    Si l’on peut considérer qu’une partie des  jeunes femmes seront contraintes à sortir de la population active pour des raisons familiales (en 2000, la participation des femmes à la population active était de 31% en Algérie, 43% au Maroc et 39% en Tunisie), il n’en demeure pas moins que quelques millions d’individus se retrouvent confrontés à une absence d’emplois. De façon prévisible, les défis que pose le stress démographique se situent à plusieurs niveaux. A court terme, la région devra faire face à la consolidation d’un chômage de masse aux conséquences politiques et sociales explosives (le basculement des chômeurs diplômés dans les mouvements de contestation politique était prévisible), le développement exponentiel des projets migratoires et le développement d’une économie informelle. La contestation en Libye montre que même dans ce pays, le stress démographique a pu servir de terreau à la mobilisation contre le régime : en 1973 la population libyenne est estimée à 2 millions d’habitants ; elle atteint en 5,6 millions en 1995 dont 1,7% de moins de quinze ans. Le rajeunissement de la population est évident et inhérent à un taux d’accroissement annuel de 4,21%, un des plus élevés du monde arabe. A cette augmentation démographique s’ajoute une urbanisation accélérée.  En 1950, la population urbaine représentait 20 % de la population totale, 26% en 1960, 45% en 1970, 62% en 1980 et 80% en 1995.  Dans cette perspective le développement de la pauvreté au Maghreb ne pouvait que s’accroître : on compte 5,3 millions de personnes au Maroc et 9 millions d’Algériens sont considérés comme vivant au-dessous du seuil de pauvreté ! Pis : le taux de pauvreté, qui avait reculé de 21 à 13% au cours de la période 1984-1992, a grimpé à 19% en 2000.

    En outre, le secteur agricole se porte mal. En effet, au Maroc, 41% de la population vit dans les campagnes, 40% en Algérie et 36% en Tunisie, soit 30 millions de personnes.  La population active agricole atteint 8 millions d’individus ; elle représente 34% de la population active totale au Maroc, 23,5% en Tunisie et 23,6% en Algérie. La part du secteur agricole dans le PIB, en 2003, est de 11% en Algérie, 13% en Tunisie et 18,3% au Maroc. Bien que le secteur agricole demeure toujours très important au Maghreb, il ne parvient pas à assurer la sécurité alimentaire. On estime à 3,8 millions le nombre de personnes en situation de malnutrition. En 2002, ce chiffre correspond à 1% de la population tunisienne, 5,6% de la population algérienne et 6,8% de la population marocaine. Le monde rural est d’autant plus poussé à partir vers les villes que son accès aux infrastructures (eau, santé) est très réduit : 56% de la population rurale a accès à l’eau potable au Maroc (99% de la population urbaine) ; 31% a accès à des services sanitaires (83% des urbains). En Tunisie, 60% de la population rurale a accès à l’eau potable (94% des urbains) et 62% à des services sanitaires. La population rurale a connu une amélioration de ses conditions de vie mais elle reste confrontée à des problèmes de pauvreté et de sous-emploi. La migration interne vers la ville et l’économie informelle prospère se comprennent mieux au regard de cette situation.  Dans une région comme le Rif, l’une des plus pauvres du Maroc, l’activité économique principale est la culture du cannabis : 75% des villages, soit 96 000 familles ou 800 000 personnes, s’y consacrent. Certes la culture du cannabis fixe les populations et apporte un complément de revenus pour les familles mais elle détruit l’écosystème ! A terme les conséquences pour l’environnement sont dramatiques : destruction des forêts, déboisement, utilisation massive d’engrais minéraux au détriment d’engrais organiques. Selon le GERIF, le cannabis est responsable de la disparition de 1000 ha de forêts par an : entre 1967 et 1987, 40% de la superficie couverte par les forêts a disparu. Dans cette perspective, les revenus issus de l’économie de la drogue fixent pour l’instant les populations mais il est à craindre que la destruction de l’écosystème et la faillite des projets de développement de cultures alternatives ne conduisent les populations du Rif à migrer. Au Maroc, la « rurbanisation » s’accompagne de l’émergence de « béton ville » où se créent des bidonvilles. En 2003, un recensement estimait à 886 le nombre de bidonvilles répartis sur 18 villes moyennes. Jusque-là méconnus, les bidonvilles, notamment ceux de Casablanca, sont devenus un enjeu de politique publique et de sécurité à la suite des attentats commis dans cette ville et à Madrid.

    L’économie informelle joue un rôle très important en Afrique du Nord. Selon différents rapports elle contribue, au Maroc par exemple, pour 17% à la production de la richesse nationale et, dans certaines branches comme le bâtiment et les travaux publics, le secteur informel occupe 52% de la main d’œuvre, 40% de la production et 55% de la valeur ajoutée. Les femmes sont très présentes dans l’économie informelle en particulier dans les fonctions d’aide familiale et de travailleuse à domicile. En milieu rural, elles sont mises à contribution « dans l’artisanat, les travaux de la laine, la vannerie et la poterie » ; elles constituent une main d’œuvre « quasi gratuite ».  En 1985, en Algérie l’emploi informel était estimé à 25% de l’emploi total hors agriculture ; il est passé à plus de 40% en 2001 ! En 2003, la population active d’Algérie s’élevait à 8,7 millions d’individus sur lesquels 2 millions étaient officiellement chômeurs. Environ 2,5 millions d’individus exercent une activité dans le secteur informel dont un million recensés comme chômeurs.

    D’insupportables injustices sociales

    Dans ce contexte social, la concentration des richesses soulève un problème politique majeur : celui de la redistribution des ressources financières. Depuis les indépendances, l’absence d’institutions politiques susceptibles d’exercer un contrôle démocratique sur les ressources de l’Etat a généré des situations d’hégémonie économique parmi certains acteurs politiques, situations largement dénoncées et remises en question par les contestataires du printemps arabe. Les révélations de Wikileaks soulignent ce que les populations de la région connaissaient déjà des pratiques généralisées et institutionnalisées de corruption. A l’instar de la Grèce, seul un aveuglement volontaire de l’Union européenne et des institutions internationales, explique le maintien, jusqu’au printemps arabe, d’une perception enchantée de la région. Ainsi, et en dépit des études critiques sur ce pays, notamment celles de Béatrice Hibou, la Tunisie de Ben Ali a longtemps représenté le « meilleur élève » du Maghreb. Parmi les facteurs assurant la promotion du régime, la dimension du « succès » économique de la Tunisie était constamment mise en relief afin de mieux marquer la différence avec les pays voisins, pourtant plus riches mais moins développés. Ainsi pour certains : « le président Ben Ali a repris les choses en main, redressé la barre, ramené l’espoir dans le cœur de la population, insufflé aux dirigeants d’entreprises et aux acteurs économiques la passion de bâtir et le goût de se surpasser » (Brissette, Dupont, Guitouni 2003) ! Comme le souligne la mission économique de l’Ambassade de France à Tunis en juin 2007 : « Entre 1995 et 2006, le PIB de la Tunisie a augmenté de 4,8%  par an en moyenne. La croissance s’est élevée à 5,4% en 2006 et les autorités prévoient 6% ». Ces taux de croissance expliquent en partie la bonne image de la Tunisie, même si la dynamique est alimentée par la croissance des crédits. Mais pour l’opposant au régime, derrière ces chiffres se cachent la mainmise d’un clan, celui des Trabelsi, sur les rouages de l’ensemble des secteurs économiques. De même derrière l’image rassurante de l’Egypte de Moubarak, le journal The Guardian, souligne que la richesse des Moubarak est estimée à plus de 30 milliards de dollars. Certes, au regard des avoirs de la famille Kadhafi (plus de 100 milliards de dollars), la Tunisie et l’Egypte font pâle figure. Pour les Libyens, la mainmise des Kadhafi sur la richesse du pays est une histoire ancienne dasn, laquelle il faut chercher les raisons du refus de Qadhafi de quitter le pouvoir comme l’ont fait Ben Ali et Moubarak. A la différence de ces derniers, Kadhafi est le fondateur d’un régime et le gardien d’un système là où les autres n’en ont été que les heureux successeurs. Pour Qadhafi, la Libye, c’est lui ; et autant dire que, s’il devait la perdre, ce serait pour la laisser dans l’état où il l’a trouvée, c’est-à-dire dans la misère…La résistance du clan Kadhafi à suivre le chemin de Ben Ali et Moubarak a tenu principalement au refus de reconnaître que la Libye n’est pas leur propriété.

    Aussi lorsque Seif el Islam annonçait que « La Libye [serait] un pays moderne, avec des infrastructures modernes, un PND  élevé. Ses citoyens [auraient] le meilleur niveau de vie de la région. La Libye [aurait] des relations proches avec le reste du monde, avec l’Afrique, un partenariat avec l’Union européenne. Elle [adhérerait] à l’OMC… » (Le Figaro, 8 décembre 2007), seuls ses partenaires commerciaux européens et asiatiques le prenaient au sérieux. Pour les Libyens, ces propos confirmaient que la démocratie et la liberté ne figuraient pas dans l’agenda politique du successeur désigné de Mouammar Kadhafi. En somme, la Libye resterait la propriété du clan. Pourtant, en avril 2008, Seif el Islam, faisait valoir que son groupe, Al-Ghad Média Group (la chaîne satellitaire al Libi, la radio Eman al Libi, les journaux Quryna et Oea) était nécessaire à la société libyenne qui avait besoin de « plusieurs médias qui abordent la corruption ». Effectivement, entre 2007 et 2008, le pays expérimente une relative « libéralisation » de ses médias. Mais dès mai 2009, un décret du gouvernement met un terme à cette expérience en nationalisant son groupe. Quelques mois plus tard, vingt journalistes travaillant pour Al Ghad sont arrêtés et détenus durant plusieurs jours. De façon symbolique, quatre journalistes travaillant à radio Benghazi sont également arrêtés pour avoir dénoncé en direct les pratiques de corruption au sein du gouvernement et surtout le massacre de la prison d’Abou Salim en 1996. Jusque-là, seule Internet permettait d’aborder ces sujets. Des forums, comme celui sur le développement humain, possèdent un site exclusivement consacré à la corruption en Libye. Mais selon l’Union internationale des télécommunications, seuls 5,5% de la population ont accès à internet… La Libye, comme l’Algérie, nous montrent que la rente pétrolière ne protège pas des révoltes.

    En effet, des émeutes secouent l’Algérie régulièrement mais aucune n’est parvenue à impulser une dynamique de révolte susceptible de catalyser les griefs et les doléances qui traversent la société algérienne.  Ainsi, en 2004, le prix administré de gaz butane augmentait, passant de 170 à 300 dinars. En janvier 2005, en plein hiver, des émeutes que la presse qualifie « d’émeutes du gaz » éclatent dans la wilaya de Djelfa et se répandaient dans le centre et l’Ouest du pays. Depuis cette date, le sud de l’Algérie est l’objet de soulèvements réguliers portés par un sentiment d’injustice : au nom de quoi la principale source de revenus extérieurs du pays – en l’occurrence les hydrocarbures – serait-elle contrôlée, gérée et distribuée par des élites « étrangères » aux régions pétrolifères (en fait venues de la capitale Alger) et non par ceux qui y vivent ? Pour la première fois, la population exprime son droit au contrôle de la principale ressource et réclame des comptes au gouvernement sur le choix de ses dépenses.  Pourquoi la région la plus riche en ressources énergétiques n’est-elle pas mieux dotée en infrastructures civiles ? Pour les émeutiers, la raison réside dans leur identité berbère. En mai 2008, dans la vallée du Mzab, la ville de Berriane est devenue le symbole de l’affrontement entre Arabes et Berbères. Dans les rues de cette ville ont manifesté des personnes convaincues que le montant de la redistribution de la richesse pétrolière est liée à l’appartenance ethnique ou raciale. Après la contestation et la violence des islamistes est venu celui de la revanche des terroirs, de la Kabylie au Mzab. En 2006, selon une étude de l’Agence nationale de l’aménagement du territoire (Anat) pour le compte du ministère de l’Emploi et de la Solidarité nationale, plus de 177 communes (sur les 1200 que comptent l’Algérie) sont considérées comme défavorisées ; elles se situent pour 11% dans les régions du Nord, 53% dans les Hauts Plateaux et 36% dans la région du Sud. Le revenu des ménages y varie de 5000 à 10 000 dinars/mois (50 à 100 euros). En fait, entre 1989 et 2003, le salaire moyen a baissé de 20%, « engendrant un sentiment d’appauvrissement qui ne s’est pas dissipé quand la situation économique s’est améliorée et que des augmentations de salaires ont été effectuées » (p. 32). Traumatisée par l’effondrement du prix du baril de pétrole en 1986, la population algérienne a gardé de cette période, la conviction que la richesse pétrolière est aléatoire : dans les années 1990, 25 % de la population était considérée comme pauvre, 4 millions de personnes vivant au-dessous du seuil de pauvreté, c’est-à-dire avec un dollar par jour ; 22 % étaient privés d’accès à un point d’eau potable. Épuisée par la guerre civile, la population n’a ni la force ni l’énergie pour se révolter.

    Plutôt que de chercher à renverser un président, qui n’est pas perçu comme le symbole du pouvoir, les salariés ont préféré exploiter le contexte révolutionnaire pour négocier des augmentations ! A la différence de l’UGTT qui a basculé du côté des opposants au régime de Ben Ali, les syndicats algériens ont défendus leurs catégories professionnelles, privant les sans-emplois d’un outil de mobilisation sans pareil.  Contre toute attente, l’Algérie ne se soulève pas. En dépit des centaines de manifestation (2000 pour l’année 2010) qui ont eu lieu, aucune ne s’est transformée en mouvement de masse : elles sont pour la plupart sectorielles et ne réclament pas le départ de Bouteflika mais des augmentations de salaires ! Alors que l’on cherche à comprendre comment la Tunisie et l’Egypte sont parvenues de façon inattendue à chasser leurs présidents respectifs, on s’interroge sur l’incapacité de l’Algérie à produire une action collective pacifique susceptible  de la faire basculer dans le camp des pays en transition.

    En effet, force est de constater que, depuis 2003, le gouvernement consacre 50 % de la fiscalité pétrolière à des transferts sociaux (770 milliards de dinars), soit environ 13 % du PIB, pour corriger les effets destructeurs du contre-choc pétrolier (1986-2001). Les résultats sont là : le taux de pauvreté est tombé à 4,9 % de la population totale pour 12,1 % en 2000. Il n’en reste pas moins que, si la pauvreté a reculé, la précarité demeure le lot de la majorité : 4 millions de personnes (la moitié de la population active) ne disposent d’aucune protection sociale et demeurent employés dans l’économie informelle (secteur des services, agriculture et bâtiment) ; 500 000 jeunes quittent prématurément le système scolaire sans aucune formation puisqu’ils constatent que le taux de chômage augmente avec le niveau d’étude (17% des chômeurs ont un diplôme du supérieur).

    Le traumatisme de la guerre civile hante toujours les familles algériennes qui ne souhaitent pas s’engager dans un processus de contestation politique par crainte d’une régression vers une situation de violence. A la différence de la Tunisie et de l’Egypte, les jeunes, s’ils manifestent, ne bénéficient pas de la compréhension sympathique de leurs parents. Les autorités algériennes exploitent habilement la peur des familles de voir l’Algérie à nouveau basculer dans la violence. Le deuxième facteur qui distingue l’Algérie est la certitude que l

    Les révoltes au Maghreb s’inscrivent dans un contexte caractérisé par l’arrivée de nombreux jeunes sur le marché du travail, par des économies incapables de répondre à leurs demandes et par des institutions politiques délégitimées. Provoquées initialement par la répercussion de l’augmentation du prix des matières premières sur les prix des produits de consommation de base, ces révoltes auraient pu se transformer en émeutes de la faim et se terminer par des arrestations massives dans le cadre d’une politique de répression. Mais, à la différence du passé, elles se sont transformées en un soulèvement pacifique, dans la plupart des pays concernés, et insurrectionnel en Libye. L’incapacité des forces de police à rétablir l’ordre a contraint l’armée à jouer un rôle d’arbitre entre les révoltés et les présidents pris à parti par la population. En Egypte et en Tunisie, très habilement, celle-ci a exploité l’opportunité qui lui était offerte de réapparaître comme l’alliée du « peuple ». Ce choix stratégique partait du constat que le précédent algérien des années 1990 serait inapplicable dans des pays dépourvus des moyens considérables financiers issus de la vente des hydrocarbures. En somme, ces révoltes démontrent que les modes de domination fondés sur la peur, voire la terreur, ne garantissent plus la stabilité d’un régime ; en même temps, elles soulignent les limites du modèle clientéliste fondé sur la cooptation des élites et la redistribution arbitraire des ressources. Considérés par les populations comme des organisations mafieuses et confrontés à ces bouleversements, les régimes autoritaires semblent dépourvus de moyens susceptibles de répondre aux défis que posent la démographie, les revendications démocratiques et la révolution internet. Les révoltes du Maghreb permettent de jeter un regard nouveau sur le fonctionnement, et en particulier sur les modes de concentration des richesses, devenus insupportables pour des populations contraintes, pour la majorité, de vivre avec des moyens dérisoires.

    Des révoltes sociales prévisibles
    En un demi-siècle, la population du Maghreb a été multipliée par 3,4, passant de 25,7 millions d’habitants en 1950 à 77,8 millions en 2001. L’espérance de vie a gagné 25 ans (de 42 à 67 ans), à l’exception de la Mauritanie où celle-ci ne dépasse pas 50 ans.

    Cette révolution démographique a pour conséquence une augmentation de la population des 20-40 ans de 23 millions en 2000 à 28 millions en 2010. Cette tranche d’âge représente désormais 36% de la population totale et il faudra attendre 2030 pour la voir diminuer, et ne plus représenter que 33 %. Certes, à long terme la pression démographique, en particulier le poids des jeunes dans la pyramide des âges, déclinera en raison de la chute du taux de natalité.

    Et cela en raison de la diminution du taux de fécondité, passé de 7 à 8 enfants par femme en 1970 à moins de 3 en 2000. Mais, pour lors, la tranche d’âge des 20-40 ans est confrontée à la faiblesse de la création d’emplois dont le rythme est inférieur à la croissance de la population. Compte tenu du niveau de chômage au Maghreb, les pays de cette région devront créer quelque 22 millions d’emplois au cours des deux prochaines décennies pour occuper à la fois les chômeurs et les nouveaux venus sur le marché du travail.

    Si l’on peut considérer qu’une partie des  jeunes femmes seront contraintes à sortir de la population active pour des raisons familiales (en 2000, la participation des femmes à la population active était de 31% en Algérie, 43% au Maroc et 39% en Tunisie), il n’en demeure pas moins que quelques millions d’individus se retrouvent confrontés à une absence d’emplois. De façon prévisible, les défis que pose le stress démographique se situent à plusieurs niveaux. A court terme, la région devra faire face à la consolidation d’un chômage de masse aux conséquences politiques et sociales explosives (le basculement des chômeurs diplômés dans les mouvements de contestation politique était prévisible), le développement exponentiel des projets migratoires et le développement d’une économie informelle. La contestation en Libye montre que même dans ce pays, le stress démographique a pu servir de terreau à la mobilisation contre le régime : en 1973 la population libyenne est estimée à 2 millions d’habitants ; elle atteint en 5,6 millions en 1995 dont 1,7% de moins de quinze ans. Le rajeunissement de la population est évident et inhérent à un taux d’accroissement annuel de 4,21%, un des plus élevés du monde arabe. A cette augmentation démographique s’ajoute une urbanisation accélérée.  En 1950, la population urbaine représentait 20 % de la population totale, 26% en 1960, 45% en 1970, 62% en 1980 et 80% en 1995.  Dans cette perspective le développement de la pauvreté au Maghreb ne pouvait que s’accroître : on compte 5,3 millions de personnes au Maroc et 9 millions d’Algériens sont considérés comme vivant au-dessous du seuil de pauvreté ! Pis : le taux de pauvreté, qui avait reculé de 21 à 13% au cours de la période 1984-1992, a grimpé à 19% en 2000.

    En outre, le secteur agricole se porte mal. En effet, au Maroc, 41% de la population vit dans les campagnes, 40% en Algérie et 36% en Tunisie, soit 30 millions de personnes.  La population active agricole atteint 8 millions d’individus ; elle représente 34% de la population active totale au Maroc, 23,5% en Tunisie et 23,6% en Algérie. La part du secteur agricole dans le PIB, en 2003, est de 11% en Algérie, 13% en Tunisie et 18,3% au Maroc. Bien que le secteur agricole demeure toujours très important au Maghreb, il ne parvient pas à assurer la sécurité alimentaire. On estime à 3,8 millions le nombre de personnes en situation de malnutrition. En 2002, ce chiffre correspond à 1% de la population tunisienne, 5,6% de la population algérienne et 6,8% de la population marocaine. Le monde rural est d’autant plus poussé à partir vers les villes que son accès aux infrastructures (eau, santé) est très réduit : 56% de la population rurale a accès à l’eau potable au Maroc (99% de la population urbaine) ; 31% a accès à des services sanitaires (83% des urbains). En Tunisie, 60% de la population rurale a accès à l’eau potable (94% des urbains) et 62% à des services sanitaires. La population rurale a connu une amélioration de ses conditions de vie mais elle reste confrontée à des problèmes de pauvreté et de sous-emploi. La migration interne vers la ville et l’économie informelle prospère se comprennent mieux au regard de cette situation.  Dans une région comme le Rif, l’une des plus pauvres du Maroc, l’activité économique principale est la culture du cannabis : 75% des villages, soit 96 000 familles ou 800 000 personnes, s’y consacrent. Certes la culture du cannabis fixe les populations et apporte un complément de revenus pour les familles mais elle détruit l’écosystème ! A terme les conséquences pour l’environnement sont dramatiques : destruction des forêts, déboisement, utilisation massive d’engrais minéraux au détriment d’engrais organiques. Selon le GERIF, le cannabis est responsable de la disparition de 1000 ha de forêts par an : entre 1967 et 1987, 40% de la superficie couverte par les forêts a disparu. Dans cette perspective, les revenus issus de l’économie de la drogue fixent pour l’instant les populations mais il est à craindre que la destruction de l’écosystème et la faillite des projets de développement de cultures alternatives ne conduisent les populations du Rif à migrer. Au Maroc, la « rurbanisation » s’accompagne de l’émergence de « béton ville » où se créent des bidonvilles. En 2003, un recensement estimait à 886 le nombre de bidonvilles répartis sur 18 villes moyennes. Jusque-là méconnus, les bidonvilles, notamment ceux de Casablanca, sont devenus un enjeu de politique publique et de sécurité à la suite des attentats commis dans cette ville et à Madrid.

    L’économie informelle joue un rôle très important en Afrique du Nord. Selon différents rapports elle contribue, au Maroc par exemple, pour 17% à la production de la richesse nationale et, dans certaines branches comme le bâtiment et les travaux publics, le secteur informel occupe 52% de la main d’œuvre, 40% de la production et 55% de la valeur ajoutée. Les femmes sont très présentes dans l’économie informelle en particulier dans les fonctions d’aide familiale et de travailleuse à domicile. En milieu rural, elles sont mises à contribution « dans l’artisanat, les travaux de la laine, la vannerie et la poterie » ; elles constituent une main d’œuvre « quasi gratuite ».  En 1985, en Algérie l’emploi informel était estimé à 25% de l’emploi total hors agriculture ; il est passé à plus de 40% en 2001 ! En 2003, la population active d’Algérie s’élevait à 8,7 millions d’individus sur lesquels 2 millions étaient officiellement chômeurs. Environ 2,5 millions d’individus exercent une activité dans le secteur informel dont un million recensés comme chômeurs.

    D’insupportables injustices sociales
    Dans ce contexte social, la concentration des richesses soulève un problème politique majeur : celui de la redistribution des ressources financières. Depuis les indépendances, l’absence d’institutions politiques susceptibles d’exercer un contrôle démocratique sur les ressources de l’Etat a généré des situations d’hégémonie économique parmi certains acteurs politiques, situations largement dénoncées et remises en question par les contestataires du printemps arabe. Les révélations de Wikileaks soulignent ce que les populations de la région connaissaient déjà des pratiques généralisées et institutionnalisées de corruption. A l’instar de la Grèce, seul un aveuglement volontaire de l’Union européenne et des institutions internationales, explique le maintien, jusqu’au printemps arabe, d’une perception enchantée de la région. Ainsi, et en dépit des études critiques sur ce pays, notamment celles de Béatrice Hibou, la Tunisie de Ben Ali a longtemps représenté le « meilleur élève » du Maghreb. Parmi les facteurs assurant la promotion du régime, la dimension du « succès » économique de la Tunisie était constamment mise en relief afin de mieux marquer la différence avec les pays voisins, pourtant plus riches mais moins développés. Ainsi pour certains : « le président Ben Ali a repris les choses en main, redressé la barre, ramené l’espoir dans le cœur de la population, insufflé aux dirigeants d’entreprises et aux acteurs économiques la passion de bâtir et le goût de se surpasser » (Brissette, Dupont, Guitouni 2003) ! Comme le souligne la mission économique de l’Ambassade de France à Tunis en juin 2007 : « Entre 1995 et 2006, le PIB de la Tunisie a augmenté de 4,8%  par an en moyenne. La croissance s’est élevée à 5,4% en 2006 et les autorités prévoient 6% ». Ces taux de croissance expliquent en partie la bonne image de la Tunisie, même si la dynamique est alimentée par la croissance des crédits. Mais pour l’opposant au régime, derrière ces chiffres se cachent la mainmise d’un clan, celui des Trabelsi, sur les rouages de l’ensemble des secteurs économiques. De même derrière l’image rassurante de l’Egypte de Moubarak, le journal The Guardian, souligne que la richesse des Moubarak est estimée à plus de 30 milliards de dollars. Certes, au regard des avoirs de la famille Kadhafi (plus de 100 milliards de dollars), la Tunisie et l’Egypte font pâle figure. Pour les Libyens, la mainmise des Kadhafi sur la richesse du pays est une histoire ancienne dasn, laquelle il faut chercher les raisons du refus de Qadhafi de quitter le pouvoir comme l’ont fait Ben Ali et Moubarak. A la différence de ces derniers, Kadhafi est le fondateur d’un régime et le gardien d’un système là où les autres n’en ont été que les heureux successeurs. Pour Qadhafi, la Libye, c’est lui ; et autant dire que, s’il devait la perdre, ce serait pour la laisser dans l’état où il l’a trouvée, c’est-à-dire dans la misère…La résistance du clan Kadhafi à suivre le chemin de Ben Ali et Moubarak a tenu principalement au refus de reconnaître que la Libye n’est pas leur propriété.

    Aussi lorsque Seif el Islam annonçait que « La Libye [serait] un pays moderne, avec des infrastructures modernes, un PND  élevé. Ses citoyens [auraient] le meilleur niveau de vie de la région. La Libye [aurait] des relations proches avec le reste du monde, avec l’Afrique, un partenariat avec l’Union européenne. Elle [adhérerait] à l’OMC… » (Le Figaro, 8 décembre 2007), seuls ses partenaires commerciaux européens et asiatiques le prenaient au sérieux. Pour les Libyens, ces propos confirmaient que la démocratie et la liberté ne figuraient pas dans l’agenda politique du successeur désigné de Mouammar Kadhafi. En somme, la Libye resterait la propriété du clan. Pourtant, en avril 2008, Seif el Islam, faisait valoir que son groupe, Al-Ghad Média Group (la chaîne satellitaire al Libi, la radio Eman al Libi, les journaux Quryna et Oea) était nécessaire à la société libyenne qui avait besoin de « plusieurs médias qui abordent la corruption ». Effectivement, entre 2007 et 2008, le pays expérimente une relative « libéralisation » de ses médias. Mais dès mai 2009, un décret du gouvernement met un terme à cette expérience en nationalisant son groupe. Quelques mois plus tard, vingt journalistes travaillant pour Al Ghad sont arrêtés et détenus durant plusieurs jours. De façon symbolique, quatre journalistes travaillant à radio Benghazi sont également arrêtés pour avoir dénoncé en direct les pratiques de corruption au sein du gouvernement et surtout le massacre de la prison d’Abou Salim en 1996. Jusque-là, seule Internet permettait d’aborder ces sujets. Des forums, comme celui sur le développement humain, possèdent un site exclusivement consacré à la corruption en Libye. Mais selon l’Union internationale des télécommunications, seuls 5,5% de la population ont accès à internet… La Libye, comme l’Algérie, nous montrent que la rente pétrolière ne protège pas des révoltes.

    En effet, des émeutes secouent l’Algérie régulièrement mais aucune n’est parvenue à impulser une dynamique de révolte susceptible de catalyser les griefs et les doléances qui traversent la société algérienne.  Ainsi, en 2004, le prix administré de gaz butane augmentait, passant de 170 à 300 dinars. En janvier 2005, en plein hiver, des émeutes que la presse qualifie « d’émeutes du gaz » éclatent dans la wilaya de Djelfa et se répandaient dans le centre et l’Ouest du pays. Depuis cette date, le sud de l’Algérie est l’objet de soulèvements réguliers portés par un sentiment d’injustice : au nom de quoi la principale source de revenus extérieurs du pays – en l’occurrence les hydrocarbures – serait-elle contrôlée, gérée et distribuée par des élites « étrangères » aux régions pétrolifères (en fait venues de la capitale Alger) et non par ceux qui y vivent ? Pour la première fois, la population exprime son droit au contrôle de la principale ressource et réclame des comptes au gouvernement sur le choix de ses dépenses.  Pourquoi la région la plus riche en ressources énergétiques n’est-elle pas mieux dotée en infrastructures civiles ? Pour les émeutiers, la raison réside dans leur identité berbère. En mai 2008, dans la vallée du Mzab, la ville de Berriane est devenue le symbole de l’affrontement entre Arabes et Berbères. Dans les rues de cette ville ont manifesté des personnes convaincues que le montant de la redistribution de la richesse pétrolière est liée à l’appartenance ethnique ou raciale. Après la contestation et la violence des islamistes est venu celui de la revanche des terroirs, de la Kabylie au Mzab. En 2006, selon une étude de l’Agence nationale de l’aménagement du territoire (Anat) pour le compte du ministère de l’Emploi et de la Solidarité nationale, plus de 177 communes (sur les 1200 que comptent l’Algérie) sont considérées comme défavorisées ; elles se situent pour 11% dans les régions du Nord, 53% dans les Hauts Plateaux et 36% dans la région du Sud. Le revenu des ménages y varie de 5000 à 10 000 dinars/mois (50 à 100 euros). En fait, entre 1989 et 2003, le salaire moyen a baissé de 20%, « engendrant un sentiment d’appauvrissement qui ne s’est pas dissipé quand la situation économique s’est améliorée et que des augmentations de salaires ont été effectuées » (p. 32). Traumatisée par l’effondrement du prix du baril de pétrole en 1986, la population algérienne a gardé de cette période, la conviction que la richesse pétrolière est aléatoire : dans les années 1990, 25 % de la population était considérée comme pauvre, 4 millions de personnes vivant au-dessous du seuil de pauvreté, c’est-à-dire avec un dollar par jour ; 22 % étaient privés d’accès à un point d’eau potable. Épuisée par la guerre civile, la population n’a ni la force ni l’énergie pour se révolter.

    Plutôt que de chercher à renverser un président, qui n’est pas perçu comme le symbole du pouvoir, les salariés ont préféré exploiter le contexte révolutionnaire pour négocier des augmentations ! A la différence de l’UGTT qui a basculé du côté des opposants au régime de Ben Ali, les syndicats algériens ont défendus leurs catégories professionnelles, privant les sans-emplois d’un outil de mobilisation sans pareil.  Contre toute attente, l’Algérie ne se soulève pas. En dépit des centaines de manifestation (2000 pour l’année 2010) qui ont eu lieu, aucune ne s’est transformée en mouvement de masse : elles sont pour la plupart sectorielles et ne réclament pas le départ de Bouteflika mais des augmentations de salaires ! Alors que l’on cherche à comprendre comment la Tunisie et l’Egypte sont parvenues de façon inattendue à chasser leurs présidents respectifs, on s’interroge sur l’incapacité de l’Algérie à produire une action collective pacifique susceptible  de la faire basculer dans le camp des pays en transition.

    En effet, force est de constater que, depuis 2003, le gouvernement consacre 50 % de la fiscalité pétrolière à des transferts sociaux (770 milliards de dinars), soit environ 13 % du PIB, pour corriger les effets destructeurs du contre-choc pétrolier (1986-2001). Les résultats sont là : le taux de pauvreté est tombé à 4,9 % de la population totale pour 12,1 % en 2000. Il n’en reste pas moins que, si la pauvreté a reculé, la précarité demeure le lot de la majorité : 4 millions de personnes (la moitié de la population active) ne disposent d’aucune protection sociale et demeurent employés dans l’économie informelle (secteur des services, agriculture et bâtiment) ; 500 000 jeunes quittent prématurément le système scolaire sans aucune formation puisqu’ils constatent que le taux de chômage augmente avec le niveau d’étude (17% des chômeurs ont un diplôme du supérieur).

    Le traumatisme de la guerre civile hante toujours les familles algériennes qui ne souhaitent pas s’engager dans un processus de contestation politique par crainte d’une régression vers une situation de violence. A la différence de la Tunisie et de l’Egypte, les jeunes, s’ils manifestent, ne bénéficient pas de la compréhension sympathique de leurs parents. Les autorités algériennes exploitent habilement la peur des familles de voir l’Algérie à nouveau basculer dans la violence. Le deuxième facteur qui distingue l’Algérie est la certitude que le départ de Bouteflika n’annoncera pas l’avènement de la démocratie. Les révoltes du début des années 1990 ont envoyé Chadli Bendjedid en résidence surveillée ; il y est toujours et l’Algérie n’est pas démocratique pour autant. Chacun sait que toute mesure que le Président prend n’est que l’émanation d’une partie du pouvoir et que sans les militaires, il ne saurait y avoir de transition véritable. Quant à l’idée de combattre l’armée, elle n’est plus exprimée par personne depuis la défaite de la guérilla islamiste. Enfin, la passion du politique, qui caractérisait l’Algérie et qui en avait fait un pays précurseur de la transition démocratique dans les années 1989-1991, s’est complètement éteinte. La présidence de Bouteflika s’est construite sur le retour de « l’homme providentiel » et non sur l’édification d’institutions politiques susceptibles d’aider la société algérienne à résoudre ses conflits de façon pacifique. La population l’a très bien compris également. Elle ne réclame pas son départ maisveut profiter des surplus de la rente pétrolière. De plus, la guerre en Libye permet au pouvoir de souligner les dérives possibles d’une révolte populaire et notamment les ingérences internationales.

    Si la Libye est un repoussoir pour la société algérienne, le Maroc constitue sans doute un espoir. Les réformes promises par le roi Mohammed VI, obligent l’Algérie à se réformer également : prise entre la révolution démocratique tunisienne et les réformes constitutionnelles marocaines, Alger ne pourra demeurer longtemps dans ce pseudo calme plat. Avec habileté, la monarchie marocaine est parvenue à se distinguer des autres pays de la région. Alors que le mouvement du 20 février 2011 cherche à rappeler au Maroc qu’il partage les mêmes symptômes (et donc court les mêmes risques), la monarchie est parvenue à se distinguer de ses voisins. Dans la foulée du discours royal du 17 juin, le royaume a organisé le 1er juillet un référendum sur la Constitution, qui sera approuvée par 98 % des votants. A la surprise générale, alors que les bureaux de vote semblaient vides dans les grandes villes, le ministre de l’Intérieur confirmait l’estimation du taux de participation à plus de 70 %… Ce chiffre soulève de nombreuses interrogations tant la participation politique est habituellement faible. Un sondage réalisé en 2007 quelques mois avant les élections législatives (taux de participation de 37 %), l’ONG marocaine Daba révélait que 73 % des sondés disaient « ne pas s’intéresser du tout » ou « un peu » à la scène politique marocaine mais que 90 % des personnes interrogées étaient concernées par la lutte contre le chômage. Si ce référendum ne met pas un terme à la contestation politique au Maroc, force est de reconnaître qu’il permet au royaume chérifien de démontrer que le recours à un arsenal politique est une arme efficace pour neutraliser ses adversaires. Ces derniers ne sont pas en reste dans un royaume qui est loin d’être un havre de justice. Selon les indicateurs du PNUD, le Maroc est classé 126e, son taux de pauvreté est de 18,1%, 5 millions d’habitants vivent avec 10 dinars par jour (un euro) ; le salaire minimum est de 55 dinars par jour (5 euros). A l’opposé, la richesse de la monarchie est estimée à 2,5 milliards de dollars. Elle était estimée à 500 millions de dollars en 2000… La Société nationale d’investissement qui a absorbé l’Omnium nord-africain et dont l’actionnaire majoritaire (60%) est la Copropar, est en fait une filiale à 100 % des groupes Siger et Ergis, une holding de la famille royale, présidée par Mohamed El Majidi. Les participations de la SNI sont multiples (mines, acier, ciment, supermarché, assurances, énergies renouvelables (Nareva), emballages (Sevam), mobilier (Primarios), textiles (Compagnie chérifienne des textiles), sucre et huile de table (Cosmar), centrale laitière.La SNI possède des participations estimées à 48,3% dans l’Attijariwafa Bank. La holding familiale a des alliances locales avec Lafarge, Danone, Renault, etc. A ce capital s’ajoute, un patrimoine composé de terres agricoles, de 12 palais royaux, d’un parc automobile évalué à 7 millions de dollars, de 1 100 postes budgétaires, de 70 millions de dollars par an, et d’une rente mensuelle de 160 000 euros, versée à la famille royale (monarque et ses frères et sœurs). Dans un contexte de contestations sociales et politiques, l’inventaire de la richesse de la monarchie résonne de façon particulière au sein de la société marocaine. A la suite des révélations de Wikileaks, si la monarchie n’est pas la principale « propriétaire du royaume », elle apparaît cependant comme un acteur hégémonique qui fait bien peu pour lutter contre la corruption. « Les pratiques de corruption qui existaient sous Hassan II se sont institutionnalisées sous Mohamed VI » écrit le consul des Etats-Unis à Casablanca… Pour le mouvement du 20 février, deux noms sont fréquemment cités comme responsables de ces pratiques de corruption : Fouad Ali Al Himma, ami du roi et homme influent du PAM (Parti de l’authenticité et de la modernité), et Mohamed Mounir Ali Majidi, président de la holding royale. L’Office chérifien du phosphate (OCP) échappe en partie à la vindicte populaire. Le décret qui, depuis le protectorat, autorisait l’OCP à verser une partie des bénéfices de l’exploitation du phosphate à la monarchie, a été abrogé. Sous Hassan II, le groupe OCP, nationalisé en 1973, faisait, pour l’opposition, figure de symbole des « caisses occultes » ; en 2008, il est devenu une société anonyme. Dorénavant, l’analyse de sa gouvernance s’inscrit dans celle des industries extractives opérant dans un environnement politique faiblement institutionnalisé. La dénonciation de la concentration des richesses au profit de la monarchie a provoqué un désengagement de certaines participations royales. Il n’en reste pas moins que la nouvelle Constitution maintient le monarque dans des prérogatives qui lui assurent son hégémonie dans les affaires du Maroc. Ceci dit, le roi bénéficie au sein de la population d’un attachement qui fait défaut à tous les chefs d’Etat de la région : dans le discours populaire, c’est l’entourage du monarque qui soulève l’indignation et non sa personne.

    Conclusion
    Les révoltes du Maghreb ouvrent un champ des possibles jusque-là inimaginable ; celui d’une transition de ces pays vers la démocratie. Si les populations, en particulier en Libye et en Syrie, sont parvenues à vaincre le sentiment de peur qui les paralysait, le régime syrien se maintient et amène ce pays chaque jour un peu plus au bord de la guerre civile. De façon prévisible, avec toute l’énergie du désespoir, Kadhafi s’est efforcé de faire basculer la Libye dans une guerre civile qui lui apparaissait comme le dernier recours pour sa survie. S’inspirant du modèle algérien des années 1990, les services de sécurité, syrien et yéménite par exemple, savent que dans une confrontation armée, les révoltés du printemps arabe n’auront aucune chance de triompher d’une confrontation armée si aucune aide étrangère ne leur est apportée. Mais pour en arriver à ce point, il faut parvenir à faire basculer les manifestants pacifiques dans une logique d’insurrection armée, à l’instar des Libyens de Benghazi. L’Algérie hier, la Libye et la Syrie aujourd’hui, soulignent combien les périodes de transition politique peuvent être violentes et sans garanties d’avancées démocratiques. Il reste à comprendre, et surtout à aider, les processus à l’œuvre en Tunisie et en Egypte afin d’offrir des perspectives politiques solides et plausibles à une région en proie à de grandes incertitudes.

    Références
    •    BRISSETTE Y., DUPONT L. et GUITOUNI M.,  La Tunisie de ben Ali. Québec, Carte blanche, 2003, p.116.
    •    CATUSSE M., DESTRENEAU B., VERDIER E., L’Etat au face aux débordements du social au Maghreb, Paris, Karthala, 2010.

    •    FERRIE J.-N., DUPRET B., « La nouvelle architecture constitutionnelle et les trois désamorçages de la vie politique marocaine », Confluences Méditerranée, n°78, 2011.

    •    HIBOU B., « La Tunisie en révolution ? », Politique africaine, n°121, 2011.

    •    VERMEREN P.,  Maghreb : les origines de la révolution démocratique, Paris, Pluriel, 2011.

    •    MARTINEZ L., « Maghreb : vaincre la peur de démocratie », Les Cahiers de Chaillot, 2009.

    Source

    Tags : Maghreb, politique, contestation, pauvreté, chômage, jeunesse

    e départ de Bouteflika n’annoncera pas l’avènement de la démocratie. Les révoltes du début des années 1990 ont envoyé Chadli Bendjedid en résidence surveillée ; il y est toujours et l’Algérie n’est pas démocratique pour autant. Chacun sait que toute mesure que le Président prend n’est que l’émanation d’une partie du pouvoir et que sans les militaires, il ne saurait y avoir de transition véritable. Quant à l’idée de combattre l’armée, elle n’est plus exprimée par personne depuis la défaite de la guérilla islamiste. Enfin, la passion du politique, qui caractérisait l’Algérie et qui en avait fait un pays précurseur de la transition démocratique dans les années 1989-1991, s’est complètement éteinte. La présidence de Bouteflika s’est construite sur le retour de « l’homme providentiel » et non sur l’édification d’institutions politiques susceptibles d’aider la société algérienne à résoudre ses conflits de façon pacifique. La population l’a très bien compris également. Elle ne réclame pas son départ maisveut profiter des surplus de la rente pétrolière. De plus, la guerre en Libye permet au pouvoir de souligner les dérives possibles d’une révolte populaire et notamment les ingérences internationales.

    Si la Libye est un repoussoir pour la société algérienne, le Maroc constitue sans doute un espoir. Les réformes promises par le roi Mohammed VI, obligent l’Algérie à se réformer également : prise entre la révolution démocratique tunisienne et les réformes constitutionnelles marocaines, Alger ne pourra demeurer longtemps dans ce pseudo calme plat. Avec habileté, la monarchie marocaine est parvenue à se distinguer des autres pays de la région. Alors que le mouvement du 20 février 2011 cherche à rappeler au Maroc qu’il partage les mêmes symptômes (et donc court les mêmes risques), la monarchie est parvenue à se distinguer de ses voisins. Dans la foulée du discours royal du 17 juin, le royaume a organisé le 1er juillet un référendum sur la Constitution, qui sera approuvée par 98 % des votants. A la surprise générale, alors que les bureaux de vote semblaient vides dans les grandes villes, le ministre de l’Intérieur confirmait l’estimation du taux de participation à plus de 70 %… Ce chiffre soulève de nombreuses interrogations tant la participation politique est habituellement faible. Un sondage réalisé en 2007 quelques mois avant les élections législatives (taux de participation de 37 %), l’ONG marocaine Daba révélait que 73 % des sondés disaient « ne pas s’intéresser du tout » ou « un peu » à la scène politique marocaine mais que 90 % des personnes interrogées étaient concernées par la lutte contre le chômage. Si ce référendum ne met pas un terme à la contestation politique au Maroc, force est de reconnaître qu’il permet au royaume chérifien de démontrer que le recours à un arsenal politique est une arme efficace pour neutraliser ses adversaires. Ces derniers ne sont pas en reste dans un royaume qui est loin d’être un havre de justice. Selon les indicateurs du PNUD, le Maroc est classé 126e, son taux de pauvreté est de 18,1%, 5 millions d’habitants vivent avec 10 dinars par jour (un euro) ; le salaire minimum est de 55 dinars par jour (5 euros). A l’opposé, la richesse de la monarchie est estimée à 2,5 milliards de dollars. Elle était estimée à 500 millions de dollars en 2000… La Société nationale d’investissement qui a absorbé l’Omnium nord-africain et dont l’actionnaire majoritaire (60%) est la Copropar, est en fait une filiale à 100 % des groupes Siger et Ergis, une holding de la famille royale, présidée par Mohamed El Majidi. Les participations de la SNI sont multiples (mines, acier, ciment, supermarché, assurances, énergies renouvelables (Nareva), emballages (Sevam), mobilier (Primarios), textiles (Compagnie chérifienne des textiles), sucre et huile de table (Cosmar), centrale laitière.La SNI possède des participations estimées à 48,3% dans l’Attijariwafa Bank. La holding familiale a des alliances locales avec Lafarge, Danone, Renault, etc. A ce capital s’ajoute, un patrimoine composé de terres agricoles, de 12 palais royaux, d’un parc automobile évalué à 7 millions de dollars, de 1 100 postes budgétaires, de 70 millions de dollars par an, et d’une rente mensuelle de 160 000 euros, versée à la famille royale (monarque et ses frères et sœurs). Dans un contexte de contestations sociales et politiques, l’inventaire de la richesse de la monarchie résonne de façon particulière au sein de la société marocaine. A la suite des révélations de Wikileaks, si la monarchie n’est pas la principale « propriétaire du royaume », elle apparaît cependant comme un acteur hégémonique qui fait bien peu pour lutter contre la corruption. « Les pratiques de corruption qui existaient sous Hassan II se sont institutionnalisées sous Mohamed VI » écrit le consul des Etats-Unis à Casablanca… Pour le mouvement du 20 février, deux noms sont fréquemment cités comme responsables de ces pratiques de corruption : Fouad Ali Al Himma, ami du roi et homme influent du PAM (Parti de l’authenticité et de la modernité), et Mohamed Mounir Ali Majidi, président de la holding royale. L’Office chérifien du phosphate (OCP) échappe en partie à la vindicte populaire. Le décret qui, depuis le protectorat, autorisait l’OCP à verser une partie des bénéfices de l’exploitation du phosphate à la monarchie, a été abrogé. Sous Hassan II, le groupe OCP, nationalisé en 1973, faisait, pour l’opposition, figure de symbole des « caisses occultes » ; en 2008, il est devenu une société anonyme. Dorénavant, l’analyse de sa gouvernance s’inscrit dans celle des industries extractives opérant dans un environnement politique faiblement institutionnalisé. La dénonciation de la concentration des richesses au profit de la monarchie a provoqué un désengagement de certaines participations royales. Il n’en reste pas moins que la nouvelle Constitution maintient le monarque dans des prérogatives qui lui assurent son hégémonie dans les affaires du Maroc. Ceci dit, le roi bénéficie au sein de la population d’un attachement qui fait défaut à tous les chefs d’Etat de la région : dans le discours populaire, c’est l’entourage du monarque qui soulève l’indignation et non sa personne.

    Conclusion

    Les révoltes du Maghreb ouvrent un champ des possibles jusque-là inimaginable ; celui d’une transition de ces pays vers la démocratie. Si les populations, en particulier en Libye et en Syrie, sont parvenues à vaincre le sentiment de peur qui les paralysait, le régime syrien se maintient et amène ce pays chaque jour un peu plus au bord de la guerre civile. De façon prévisible, avec toute l’énergie du désespoir, Kadhafi s’est efforcé de faire basculer la Libye dans une guerre civile qui lui apparaissait comme le dernier recours pour sa survie. S’inspirant du modèle algérien des années 1990, les services de sécurité, syrien et yéménite par exemple, savent que dans une confrontation armée, les révoltés du printemps arabe n’auront aucune chance de triompher d’une confrontation armée si aucune aide étrangère ne leur est apportée. Mais pour en arriver à ce point, il faut parvenir à faire basculer les manifestants pacifiques dans une logique d’insurrection armée, à l’instar des Libyens de Benghazi. L’Algérie hier, la Libye et la Syrie aujourd’hui, soulignent combien les périodes de transition politique peuvent être violentes et sans garanties d’avancées démocratiques. Il reste à comprendre, et surtout à aider, les processus à l’œuvre en Tunisie et en Egypte afin d’offrir des perspectives politiques solides et plausibles à une région en proie à de grandes incertitudes.

    Références

    •    BRISSETTE Y., DUPONT L. et GUITOUNI M.,  La Tunisie de ben Ali. Québec, Carte blanche, 2003, p.116.•    CATUSSE M., DESTRENEAU B., VERDIER E., L’Etat au face aux débordements du social au Maghreb, Paris, Karthala, 2010.

    •    FERRIE J.-N., DUPRET B., « La nouvelle architecture constitutionnelle et les trois désamorçages de la vie politique marocaine », Confluences Méditerranée, n°78, 2011.

    •    HIBOU B., « La Tunisie en révolution ? », Politique africaine, n°121, 2011.

    •    VERMEREN P.,  Maghreb : les origines de la révolution démocratique, Paris, Pluriel, 2011.

    •    MARTINEZ L., « Maghreb : vaincre la peur de démocratie », Les Cahiers de Chaillot, 2009.

    Source

    Tags : Maghreb, politique, contestation, pauvreté, chômage, jeunesse