Étiquette : répression

  • Maroc : De la selectivité dans les droits de l’Homme

    Par Rachid Oufkir

    Je ne comprends pas cette ambivalence et cette conception « communatariste » absurde, venant de ceux qui empruntent le langage des droits de l’Homme clament à haute voix, publiquement, les principes de justice , d’équité et qui luttent pour l’égalité, exclusivement pour leur catégorie d ‘appartenance , qu’elle soit idéologique ou ethnique tout en s’amusant à réclamer l’opposée (le déni de droit , la répression, l’état policier, la prison…) pour autrui !

    Cette visée sectariste se traduit dans les formules utilisées :
     » tout ce que je demande , c’est de m’épargner moi, et mes semblables mais tu peux réprimer les autres, tu peux même les écraser . Je m’en branle ! Ils le méritent. Cela ne me regarde pas ! »

    Ou quand on observe un sahraoui porter le drapeau sahraoui en plein casablanca, le reflexe est de dire : « le makhzen aurait dû emprisonner ce dernier et relacher le militant rifain, pacifiste et patriote qui luttent pour ses droits légitimes « .

    Ou encore ceux qui appércient les miltiants rifains en fonction de leur conviction politique et de leur orientation. A ce propos, je cite Farid A.L.
    « le makhzen n’a arrêté ni le marxiste, ni le léniniste, ni le trotskiste, ni les Guevariste, ni le salafiste, ni l’adhérent d’une officine politique, ni l’ internationaliste, ni non plus l’amazigh .Le makhzen a arrêté les enfants du devoir rifain … les enfants de Mulay Muhand, [ Le makhzen ne fait pas de distinction, il réprime le rifain parce qu’il est rifain] »

    Un principe d’action se doit d’être tout terrain, général, universel applicable à tous, ou ne l’est pas.

    Est-il juste de revendiquer auprés d’un Etat policier, un traitement préférentiel pour soi, pour une catégorie spécifique à l’exclusion de l’autre, sachant que tout le monde est logé à la même enseigne !???

    Est-il juste d’éprouver de l’indifférence et du je-m’enfoutisme envers une réprssion policière qui ne se passe pas chez soi ? Est il juste de souhaiter le déni de droit, le durcissement de l’oppression d’une population parce qu’on n’en fait pas partie ?

    Au moins sur le plan formel, sur le plan de la profession de foi, quand on plaidoie pour l’état de droit, on ne doit pas chipoter cette condition exclut le de sectarisme et la mise en équation des droits universels

    Quand cette attitude vient des professionnels de droit, c’est la grande catastrophe.

    Je conçois le fait qu’on ne peut s’impliquer partout ( pour des questions de compétence d’énergie et de temps), de revendiquer des droits subjectifs/catégoriels mais je ne conçois nullement le fait de se placer sur le terrain du droit, et de réclamer pour autrui , qui sont tout aussi vulnérables, l’opposé de ce qu’on réclame pour soi !

    Pour moi cela relève d »une certaine collaboration , de la délation et d’une bassesse sans nom.

    Tags : Maroc, Makhzen, Rif, Hirak, droits de l’homme, Sahara Occidental, répression,

  • Quand le magazine français « Le Point » fait ridiculement la propagande superlative pour le régime marocain

    Édito. Le magazine français « Le Point » annonce que le Maroc est « une nouvelle puissance ». Quand un magazine est au service d’un régime répressif et policier, il n’exerce pas le journalisme, mais le mercenariat.

    Ce n’est pas le cas. La réalité est tout une autre. Il n’est pas à la Une des pages de couverture; ce n’était jamais en tête des bulletins d’information; ce n’était jamais le sujet des débats des experts de la télévision. Mais le magazine français « Le Point » connu pour ses prises de position en faveur du régime marocain et ses articles maniérés pour embellir l’image du palais royal a annoncé sur la largeur de sa couverture de cette semaine: « Maroc. La nouvelle puissance ». Une blague ? Un canular ? Une fumisterie ? Non, c’est ce que vraiment « Le Point » fait connaître, il s’agit d’une enquête, le Maroc est la nouvelle puissance.

    Oui, le Maroc qui est devancé par des pays exsangues et en guerre comme la Palestine, l’Irak ou la Libye dans le classement de développement humain publié par le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) est une nouvelle puissance, c’est « Le Point » qui le dit, le porte-drapeau du régime marocain au sein de la presse française, un torchon peu soucieux de sa crédibilité, mais également peu scrupuleux. N’est ce pas le même magazine qui a tenté un procès contre deux médias français indépendants pour avoir dénoncé la collusion entre certains journalistes français et le pouvoir marocain en 2015 ? Oui, c’est « Le Point » qui -contre toutes les normes déontologiques- a voulu réduire au silence ses confrères « Orient XXI » et « Arrêt Sur Images ». Une affaire qui en dit long de l’ampleur de l’idylle entre « Le Point » et le pouvoir marocain.

    Peut-être, « Le Point » qui voit vaches noires en bois brûlé quand il s’agit du régime marocain, veut faire croire à ses lecteurs que les 70 % des Marocains qui veulent quitter leur pays à cause de la corruption et de la pauvreté selon le sondage international réalisé par Arab Barometer est un signe avant-coureur de la venue d’une nouvelle puissance.

    Il convient de souligner également à cet égard, que lors de la violente répression qui s’est abattue sur la population rifaine en 2017 pour éradiquer le mouvement du Hirak et les centaines d’arrestations des militants pacifistes, « Le Point » a publié un article de Tahar Ben Jelloun qui n’a aucune pertinence et rempli de stéréotype et de mensonges pour tordre les faits.

    En fin de compte, les journalistes du magazine « Le Point » qui trahissent sciemment l’honneur de leur métier, doit-on leur rappeler que le journalisme, le vrai, c’est celui qui est au service des dominés, des persécutés et des sans-voix. Le « journalisme » qui est au service d’un régime répressif et policier, ce n’est absolument pas du journalisme, mais ça s’appelle le mercenariat. De rien.

    Source : Le Courrier du Rif, 11 jui 2019

    Tags : Maroc, Makhzen, Le Point, marocleaks, Mohammed VI, répression,

  • Maroc : Exécution sommaire en plein centre de Casablanca

    Vous vous rappelez le communiqué de la DGSN (Direction générale de la sûreté nationale) sur un inspecteur de police qui a ouvert le feu aux premières heures du dimanche contre deux « individus », un homme et une femme, les tuant sur le coup ?

    Selon les premiers éléments de l’enquête, lit-on dans ce communiqué, un inspecteur de police est intervenu pour « interpeller » quatre personnes en « état d’ébriété », deux filles et deux jeunes hommes, « présumés impliqués dans des activités criminelles et de possession par l’un d’entre eux d’une arme blanche ».

    Et le communiqué de rajouter : « Face à une résistance farouche de la part des prévenus, le policier a été contraint d’user de son arme de service, tirant deux balles qui ont atteint mortellement un jeune homme et une fille parmi les mis en cause ».

    Ça c’était le récit officiel de la DGSN…. jusqu’à hier. Le policier vient d’être suspendu. Ce qui signifie que vraisemblablement, la police a eu enfin le temps de visionner un enregistrement vidéo qui circule sur les réseaux sociaux.

    Dans cette vidéo on ne voit personne menacer le policier avec une « arme blanche », et encore moins lui opposer une « farouche résistance ». D’ailleurs le communiqué de la DGSN ne dit à aucun moment que l’individu abattu a utilisé sa supposée arme blanche, il parle uniquement de « port ».

    Sur cette vidéo, de mauvaise qualité, on voit un brouhaha autour d’un homme gisant par terre, sûrement mort, puis une échauffourée. On aperçoit aussi la silhouette d’une fille qui s’agite au milieu d’une foule de curieux. A un moment donné, apparaît un homme, qui n’est pas le policier, qui pousse violemment la fille par terre avant que le flic ne lui loge à bout portant une balle dans le corps. Tout se passe vite, moins d’une minute.

    Que s’est-il passé alors ? Si le policier vient d’être suspendu, c’est que le fragile récit débité par la DGSN dans son communiqué, et publié en trombe pour le dédouaner, a convaincu ses concepteurs qu’il ne tient pas la route.

    La police a-t-elle eu connaissance de témoignages à chaud, qui circulaient sur YouTube tout juste après la mise à mort de ces deux jeunes, et qui affirment que le policier « n’était pas dans son état normal », c’est-à-dire qu’il était ivre ? C’est possible.

    Voilà le récit des faits tels que rapportés par une source anonyme, qui connait les lieux du drame. Et on est loin de la version relatée par la DGSN.

    1. il n’a jamais été question d’interpellation de quatre délinquants « présumés impliqués dans des activités criminelles et de possession par l’un d’entre eux d’une arme blanche ». Tout ça c’est une construction légendée de la DGSN pour dédouaner le flic.

    2. L’inspecteur de police se trouvait dans la boîte de nuit de l’hôtel Transatlantique de Casablanca, dans le quartier de Derb Omar, quand il a eu une altercation avec un voisin de bar. Les deux hommes, tous les deux en état d’ébriété, sont alors sortis dans la rue pour en découdre. Et là, dans la rue, c’est le drame. Le policier, un inspecteur de police principal de la brigade d’investigation relevant du district de police d’Anfa, sort son arme de service et abat froidement le jeune homme.

    3. Une femme qui se trouvait également à l’intérieur du bar de l’hôtel commence à s’agiter en voyant la première victime par terre. C’est elle qu’on voit dans la vidéo. Elle n’avait, assure notre source, aucune relation ni avec le jeune homme mort ni avec le policier. Un fait qu’il faudra recouper. La fille semble reprocher quelque chose au policier. A ce moment, un troisième intervenant, qui n’est pas le flic, la pousse par terre et alors le policier tire sur elle alors à bout portant, la tuant sur le champ.

    Maintenant les questions : Pourquoi personne n’évoque l’homme qui jette la fille par terre avant que le policier ne la tue ? Qui est-il ? Selon notre source, il s’agirait du videur de la boîte de nuit de l’hôtel Transatlantique.
    Et pourquoi tous les récits ne font pas mention de l’hôtel Transatlantique où tout a commencé ?

    Notre source avance une explication. Ou plutôt deux.

    1. Premièrement, le vrai propriétaire de l’hôtel Transatlantique serait un gros ponte du régime.

    2. Deuxièmement, le Transatlantique, dont la boîte de nuit bénéficie d’une généreuse mansuétude des autorités locales qui lui permettent de rester ouverte après les horaires permis, héberge une bonne partie de la Garde royale quand le roi se déplace à Casablanca.

    Conclusion : Qu’un policier tire sur un dangereux malfrat menaçant avec une arme, blanche ou à feu, laisse généralement les Marocains indifférents, tellement ils sont exaspérés par la montée de l’insécurité dans leurs quartiers (YouTube est plein de vidéos montrant des policiers abattant des malfaisants armés de couteaux).

    Mais dans cette affaire tout porte à croire qu’il s’agit bel et bien d’une exécution sommaire que la DGSN a essayé dans un premier temps de camoufler en interpellation qui aurait mal tourné.

    Source : Ali Lmrabet

    Tags : Maroc, police, répression, DGSN,

  • Emotion et consternation à El Aaiun après le décès du rappeur Said Allili

    Les habitants de la ville d’El Aaiun, capitale occupée du Sahara Occidental ont exprimé leur émotion et leur consternation suite à l’annonce du décès du rappeur Said Allili.

    Dans tous les médias locaux, on parle largement de cette disparition survenue vendredi 21 juin 2019.

    La confirmation de la mort de Said dans les eaux de l’Atlantique avec un groupe de jeunes sahraouis qui essayaient d’atteindre les côtes des Iles Canaries, a ému les habitants. Dans les réseaux sociaux on ne parle que de ce malheureux incident qui a coûté la vie au jeune rappeur qui animait les soirées militantes de la ville martyre d’El Aaiun, source d’orgueil et fief de la résistance sahraouie contre l’occupation marocaine.

    Les sahraouis ont condamné la politique de répression visant à vider les territoires occupés du Sahara Occidental de sa jeunesse à cause de son militantisme et son combat pacifique pour le droit à l’autodétermination.

  • Migration, Rif, Afrique, service militaire: le Maroc illibéral reprend la main

    Joseph Paoli

    25 octobre 2018

    Le Maroc est un pays de grands changements déclarés et de lents changements effectifs. Ce mélange dissonant d’attitudes contraires a cependant, depuis presque trente ans, créé et maintenu un équilibre aussi improbable qu’indéniable. L’ampleur du changement proclamé servait de guide au changement réel, qui poursuivait son chemin à petit pas, parfois claudiquant, et pourvoyait en espoir ceux qui s’y étaient engagés, la plupart de bonne foi. D’une certaine manière, le Maroc politique a vécu au superlatif depuis la dernière décennie du règne d’Hassan II. Pour qu’un tel fonctionnement procure la paix publique, dans un pays de fortes inégalités, de contrôle social plus ou moins pesant et de transition démocratique inaccomplie, et parvienne, vaille que vaille, à intégrer la plupart des acteurs politique comme ceux de la société civile et une large partie des citoyens, il faut qu’il y ait un discours du changement cohérent et audible et que les faits à même de le démentir ne s’accumulent pas de manière flagrante. Depuis quelques mois, ce discours est en panne et les faits contredisant les perspectives ouvertes se sont accumulés à tel point qu’ils les ont largement obscurcies.

    Il y a eu au moins six discours marquants et porteurs d’espoir (du moins pour les libéraux), six grandes narrations, depuis les années 1990 : le discours sur les droits de l’homme, le discours sur l’alternance (et partant sur « la transition démocratique »), le discours sur le développement humain, le discours sur la nouvelle Constitution, le discours sur l’avenir africain du pays et, intégré à celui-ci, le discours sur la nouvelle politique migratoire. C’est, bien sûr, peu de dire que les dispositions libérales et pluralistes de la nouvelle Constitution (2011) n’ont pas été mises en œuvre. Cependant, on s’attendait à cette lenteur et à une accumulation d’impasses. Personne n’avait jamais envisagé, par exemple, que l’égalité entre les hommes et les femmes, proclamée par ladite Constitution, aboutirait à une discussion orientée vers l’adoption d’une loi abrogeant leur inégalité devant l’héritage. Il était clair que ce n’était qu’un « reminder » dépourvu d’agenda. Ce qui se passe depuis quelques mois, en revanche, est plus préoccupant, parce qu’il y avait quelques bonnes raisons de penser que ça ne devait pas arriver.

    Il y a eu, tout d’abord, la répression du Hirak, le mouvement de protestation dans le Rif découlant directement de l’inefficacité et, pire encore, de l’ineffectivité avérée et persistante des politiques publiques destinées à développer la région. Il n’est pas question, ici, de revenir sur l’étiologie de ce mouvement social ni de se prononcer sur la pertinence et la perspicacité de toutes les actions entreprises. On se bornera à constater que le Hirak comme ses personnalités et, plus largement, ses acteurs ont été traités comme les membres d’une conspiration portant atteinte à la sécurité de l’Etat. Le leader du mouvement a été condamné à vingt ans de prison. Il risquait la peine de mort (précisons qu’elle n’est plus en usage au Maroc bien que non abolie). Le constat est simple : lorsqu’une protestation légitime des citoyens est traitée comme une sédition, même si elle s’accompagne d’une certaine « casse », on se situe hors des cadres de la démocratie, laquelle ne réside pas, et de loin, dans la seule application du droit (ce qui peut être l’attribut de toutes sortes de régimes) mais dans l’impérieuse nécessité du dialogue. Le contraste avec le traitement du Mouvement du 20 février, au moment de ce que l’on s’est plu à nommer « le Printemps arabe », est frappant. La stratégie des gouvernants avait alors été d’éviter la répression désordonnée et obtus et de promouvoir le changement, même s’il s’agissait d’une variation sur la célèbre formule de Lampedusa selon laquelle « il faut que tout change pour que tout reste comme c’est » (dans le cas du Maroc, ce fut plutôt : « il faut que tout change pour que tout ne change pas trop vite »). L’attitude face au Hirak illustrait, au contraire, un raidissement des gouvernants ou une montée de l’influence des gouvernants adepte du raidissement. Ce n’était pas bon signe.

    Durant l’été, est arrivée la nouvelle du rétablissement du Service militaire. Celui-ci a été annoncé dans un contexte de focalisation des politiques publiques sur la jeunesse et son éducation, qui ont, elles aussi, assez largement échoué. L’Armée apporterait une formation et des valeurs à des jeunes qui n’en auraient pas. En général, la plupart des militaires professionnels sont d’accord pour considérer que ce n’est pas leur métier ; leur métier, réside dans la défense active du pays, généralement par la projection ponctuelle, sur des théâtres d’opération extérieurs, de combattants (de préférence) expérimentés. Il en découle que tout ce qu’une Armée peut offrir à la jeunesse de son pays, c’est de la discipline et les valeurs rugueuses qui lui sont liées. S’agissant du Maroc et après la répression du Hirak, on ne pouvait trouver de message plus négatif à donner à cette jeunesse : la contrainte par corps pour compenser l’échec des politiques la concernant. L’annonce elle-même a témoigné d’un rare amateurisme du point de vue de la communication politique ou d’un profond dédain vis-à-vis de l’opinion publique. Un projet d’une telle portée sociétale peut-il être annoncé et adopté par un gouvernement sans la moindre concertation avec la société civile, sans le moindre débat public préalable, sans la moindre discussion ? Au-delà de la déception démocratique qu’une telle attitude provoque, se pose la question de la faisabilité de la chose et donc de la précipitation de l’annonce. Le Maroc, on le sait, compte une importante communauté résidant à l’étranger, en grande partie composée de binationaux. Tous les jeunes gens appartenant à cette communauté devront-ils interrompre leur vie dans leurs pays de résidence pour aller faire leur service militaire au Maroc, y compris ceux qui n’en parlent que pas ou mal la langue ? Devront-ils, sinon, renoncer à s’y rendre tant qu’ils n’auront pas dépassé quarante ans, âge à partir duquel ils ne seront plus soumis à cette obligation ? On imagine ce que représenterait pour le Maroc une telle coupure avec une partie de sa diaspora. Des listes d’exemptions complètes ou temporaires ont, cependant, fini par circuler : il y aurait les Marocains résidant à l’étranger, les binationaux, les enfants uniques, les mariés, les étudiants, les titulaires d’un emploi… Sans doute, faudra-t-il attendre la rédaction et le vote de la loi pour savoir ce qui sera retenu. Toutefois, le Gouvernement semble être pris entre deux positions également dommageables : soit il met en œuvre l’essentiel des exemptions évoquées et le service militaire apparaît bel et bien comme une servitude inégalitaire imposée aux catégories déscolarisées et sans emplois, considérées comme potentiellement dangereuses ; soit il adopte une conception égalitaire et celle-ci devra alors inclure les Marocains résidants à l’étranger, les étudiants, les titulaires d’un emploi, ce qui créera vraisemblablement un large mécontentement parmi les groupes sociaux qui estiment devoir en être exemptés. Dans les deux cas, il n’en sortira pas indemne et personne n’en tirera aucun gain.

    Le mois d’août a également été marqué par le retour de la traque aux migrants subsahariens. Alors que le Maroc s’était, non sans panache, engagé en 2013 dans une politique volontariste de régularisation de ces derniers, avec une deuxième vague de régularisation lancée en 2016, cette reprise soutenue de la traque et des déplacements forcés vers le sud du pays, voire des expulsions sommaires, semble indiquer, sinon un pur et simple revirement dans la politique suivie depuis cinq ans, du moins un coup d’arrêt à celle-ci. Ainsi qu’en ont témoigné de nombreuses victimes et des acteurs associatifs bien informés, ces opérations ont été menées avec brutalité et n’ont pas toujours pris la peine de distinguer entre les migrants régularisés et ceux qui ne l’étaient pas, entre les migrants et les réfugiés, c’est-à-dire des personnes immatriculées par le Haut-commissariat aux réfugiés des Nations-Unies et donc protégées par le droit international. La rétention des personnes à déplacer, notamment à Tanger, a eu lieu et continue sans doute à avoir lieu dans des conditions dégradantes d’entassement et de maltraitance. Le prétexte de lutter « contre les réseaux de trafic humain » ne change rien au fait que c’est une population particulièrement vulnérable qui s’est trouvée à nouveau et maltraitée et stigmatisée ; du reste, c’est bien cette population que l’on entend contrôler et non les dits réseaux, puisque le but poursuivi – en premier lieu par l’Europe qui fait pression sur le Maroc – est tout simplement d’empêcher les Africains de traverser la Méditerranée, que ce soit par eux-mêmes ou avec l’aide d’autrui. Cette attitude des autorités marocaines apparaît en flagrante contradiction, non seulement avec les principes humanistes avancés pour faire valoir la nouvelle politique migratoire du pays, mais aussi avec sa politique africaine, qui s’était notamment prévalu de l’accueil fraternel fait aux habitants du continent. En témoigne le discours du roi tenu à Addis-Abeba, le 31 janvier 2017, alors que le Maroc réintégrait l’Union africaine. De fait, l’attitude actuelle des autorités marocaines, brutale, indécente et indiscriminée, ne peut manquer d’avoir des répercussions sur la perception du pays par ses voisins du Sud. Comme il est impensable, par son ampleur et sa durée, que cette traque soit un simple et accidentel emballement de l’appareil sécuritaire, une question de fond se pose : pourquoi le Maroc est-il prêt à risquer de mettre à mal son image, sa diplomatie et ses intérêts en Afrique ? Peut-être est-ce une réaction au piétinement du processus d’adhésion à la CEDEAO, la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest ; peut-être aussi une partie des acteurs influents de la gouvernance du pays est-elle en train de parvenir à faire prévaloir l’idée que le partenariat avec l’Europe passe avant la poursuite d’un destin africain. Dans ce cas, participer au gardiennage des frontières européennes d’outre Méditerranée est incontestablement plus important que se préoccuper du sort et des souffrances des migrants subsahariens.

    Ce gardiennage renforcé des frontières européennes a provoqué, le 25 septembre dernier, la mort d’une jeune marocaine qui tentait de rejoindre l’Espagne, avec un groupe de compatriotes, sur une petite embarcation. Les garde-côtes de la Marine royale ont ouvert le feu sur celle-ci. Trois autres personnes ont été blessées. Les autorités ont déclaré qu’il s’agissait de stopper l’embarcation et que les garde-côtes ignoraient la présence de passagers à son bord. Sans épiloguer sur ce qu’il y a de douteux dans cette explication – comment les garde-côtes pouvaient-ils ne pas envisager qu’il y ait des passagers dans un lieu où ils sont habitués à patrouiller, précisément pour intercepter les migrants ? – on évoquera seulement l’aspect le plus déconcertant et le plus révélateur de ce drame : le silence officiel qui l’a suivi. Le Chef du Gouvernement et les ministres, les hauts gouvernants du pays n’ont pas éprouvé le besoin d’exprimer ne serait-ce que leur compassion. Pour bien comprendre ce que cette attitude a, tout à la fois, d’étonnant et de révélateur, il suffit d’imaginer ce qui se serait passé en France si un corps militarisé, dans une opération de police, avait blessé mortellement une étudiante de vingt ans tentant de franchir une limite interdite sans constituer une menace pour personne. Même les pires des partisans de l’ordre auraient éprouvé le besoin de dire quelque chose de vaguement humain. Le ministre de l’Intérieur aurait parlé, le ministre des Armées aurait parlé, le Premier ministre aurait parlé et probablement aussi le Chef de l’Etat. Ils auraient parlé par réelle compassion, sans doute, par calcul politique, certainement, ou tout simplement par obligation, par devoir en un mot. Pourquoi ? Parce qu’ils se seraient sentis, parce qu’ils se sentent tenu par l’opinion, y compris par l’opinion minoritaire, de leurs concitoyens. Il est clair qu’au Maroc, sur certains sujets, les gouvernants ne se sentent pas tenu par l’opinion ou ne croient tout simplement pas qu’il existe un devoir politique de parler. Sans doute les excès de parole, de propos et de commentaires rendent-ils le débat démocratique parfois inaudible et insupportable, mais, à tout prendre, cela vaut mieux, bien mieux que le silence.

    Dans un récent article, un éditorialiste marocain, Zouhair Yata, posait la question : « Le Maroc va mal, mais que faire ? ». Diffusé sur Facebook, son éditorial a recueilli de nombreux commentaires, positifs aussi bien que négatifs. Les commentaires négatifs prenaient l’éditorialiste à partie, affirmant que le Maroc était bel et bien en marche vers un avenir digne de lui. Sans doute le Maroc a-t-il accompli plusieurs étapes considérables depuis une trentaine d’années et sans doute a-t-il le potentiel et la volonté d’aller plus loin. Il n’en demeure pas moins que, pour le moment, il est à l’arrêt. Les grands discours qui soutenaient les petits pas sont pris à revers par un subit raidissement des autorités. Dans cette immobilité crispée, tout ce qui ne va pas dans la machinerie qui faisait avancer le pays devient cruellement visible, et notamment la persistance d’une culture politique et d’une pratique gouvernementale foncièrement illibérales et non démocratiques.

    Source: telos-eu.com

    Tags : Maroc, social, monarchie, constitution, répression, Hirak, Rif, Jerada, Zagora,

  • Rapport RSF : Sahara Occidental trou noir de l’information

    Dans son rapport sur la liberté de la presse au Sahara occidental, Reporters sans frontières (RSF) révèle un territoire coupé du monde, véritable trou noir de l’information, devenu une zone de non-droit pour les journalistes.

    La section espagnole de Reporters sans frontières (RSF) présente ce 11 Juin à Madrid son nouveau rapport intitulé “Sahara Occidental, un désert pour le journalisme”, qui constitue le premier travail de recherche jamais réalisé sur la liberté de la presse dans ce territoire non-autonome.

    Une histoire oubliée

    Le silence entourant la zone est principalement lié à la persécution et à la répression constantes des journalistes sahraouis qui s’efforcent de faire leur métier en dehors des circuits officiels marocains, mais aussi à l’impossibilité pour les journalistes étrangers de travailler dans la région.

    Le Maroc applique une politique de refoulement quasi systématique de la presse étrangère qui tente de se rendre au Sahara occidental et punit très sévèrement les journalistes citoyens qui essaient de donner une version autre du discours officiel sur les réseaux sociaux. Ces différents blocages ont transformé le Sahara occidental au fil des ans en un véritable trou noir de l’information.

    “Plus personne ne parle du Sahara occidental”, explique Alfonso Armada, président de RSF Espagne. “Le territoire qui n’est ni en guerre ni en paix, est désormais abordé uniquement sous l’angle humanitaire par les médias étrangers alors que le conflit se perpétue sans issue depuis quatre décennies.”

    Témoignages

    Le rapport qui examine les histoires de journalistes sahraouis emprisonnés et souvent condamnés à de très lourdes peines donne pour la première fois la parole à ces acteurs essentiels pour la paix dans la région ainsi qu’à des spécialistes du conflit.

    Le document analyse aussi le rôle essentiel des médias internationaux, notamment espagnols et français, dans l’oubli collectif entourant la question du Sahara occidental, mais aussi relativement à la responsabilité du Front Polisario, représentant reconnu par l’ONU du peuple sahraoui, dont la communication se limite parfois à une simple propagande répétitive, que les jeunes journalistes sahraouis commencent à remettre en question.

    Enfin, le rapport présente une nouvelle génération de journalistes sahraouis qui surmonte tant bien que mal ces obstacles et constitue une nouvelle source d’information précieuse pour la presse étrangère et les organisations internationales.

    Le Maroc, occupe la 135ème position du Classement Mondial de la Liberté de Presse de RSF.

    Source : RSF

    Tags : Sahara Occidental, Maroc, médias, information, presse, répression,

  • Agustin Gomez Acosta (CGT-E) : « Le Maroc est émaillé de luttes réprimées violemment »

    Agustin Gomez Acosta, militant de la CGT espagnole, y anime la commission Maghreb. Petit tour d’horizon avec lui de l’actualité des résistances sociales et syndicales au Maroc.

    Alternative libertaire : Comment expliquer qu’au Maroc la mobilisation populaire n’ait jamais atteint le niveau de la Tunisie ou de l’Égypte ?

    Agustin : En premier lieu, la monarchie alaouite est le principal et plus fidèle allié des États-Unis, de la France et de l’Union européenne dans la zone. Bien que Moubarak et Ben Ali l’aient été aussi, dans le passé la Tunisie et surtout l’Égypte sont passés par des phases de nationalisme en conflit ouvert avec l’Occident, à l’époque de Nasser en particulier. Cette réalité a laissé dans la conscience collective du peuple de ces pays un important sentiment anti impérialiste. Le Maroc, au contraire, a toujours été un allié fidèle.

    En deuxième lieu, l’État marocain a cultivé l’ignorance, l’analphabétisme et la marginalisation de l’identité amazigh, pourtant majoritaire au sein de la population marocaine. Le niveau culturel des peuples égyptiens et tunisiens est à cet égard substantiellement supérieur.

    En troisième lieu, le Mouvement du 20 Février n’a pas eu la force suffisante de renverser la monarchie alaouite. Au Maroc, les revendications sociales étaient les mêmes qu’en Tunisie et en Égypte mais ne demandaient pas la chute de la monarchie.

    Pourquoi ?

    Agustin : L’État marocain comporte des caractéristiques particulières qui permettent au pouvoir des marges de manœuvres plus importantes. Sa base de soutien, à la différence des dictatures de Ben Ali et Moubarak, n’est pas seulement le fait d’un État moderne centralisé à outrance avec ses institutions répressives (police, justice, armée, bureaucratie). Le régime marocain repose sur la permanence des coutumes héritées du sultanat, de ses relations féodales et de vassalisation.

    Ces pratiques pénètrent toute la société à travers un réseau large de « petits roitelets » aux ordres du monarque. C’est ce concept de fidélité aveugle et inébranlable que l’on nomme le Makhzen. Au Maroc, il existe officiellement de nombreux partis, syndicats, associations. Des élections ont lieu régulièrement. Toute une démocratie de façade, selon les critères occidentaux, prévaut. En même temps, le Makhzen, système hybride entre l’État moderne, hérité du colonialisme, et le sultanat, basé sur un pouvoir théocratique et la vassalité, est un pouvoir absolu avec un roi au dessus des lois et de toute constitution. Mohamed VI est le prince des croyants et son pouvoir ne peut être remis en cause.

    Ces facteurs expliquent que la réponse du roi face au Mouvement du 20 Février ait été la répression. Dans le même temps, en promulguant une réforme constitutionnelle, le roi s’est assuré l’image d’un monarque éclairé, à l’écoute des revendications du peuple. Par l’entremise de cette nouvelle constitution plus « libérale » (du moins en apparence), il a réussi à diviser l’opposition et à gagner à sa cause nombre de partis de « gauche ». Un exemple : à la tête du récent Conseil national des droits de l’homme a été nommé un ancien prisonnier politique d’Hassan II et des « années de plomb ». Le message est en tout cas très clair : les espaces démocratiques au Maroc sont ceux que le roi tolère. Un autre exemple symptomatique de cet état de fait : au Maroc, tu peux assister à une répression violente dans les manifestations, comme ce fut le cas cet été, à l’occasion de la libération du pédophile espagnol Diego Galan. Quelques jours après, le roi ayant reconnu qu’il s’agissait là d’un erreur (évidemment pas la sienne mais celle d’un de ses sujets, en l’occurrence le ministre de la Justice), les manifestations sur le même thème ont été soudainement encouragées.

    Pour résumer, il est clair que rien ne bouge au Maroc sans l’assentiment royal. Le Makhzen n’est pas remis en cause par la collaboration active de la grande majorité des partis, syndicats, associations, mais aussi caciques, indics de la police dans les quartiers. Un réseau qui est présent à travers tout le pays dans l’unique et seul but de servir le roi.

    En dépit de cette réalité, personne ne peut bâillonner les luttes du peuple. Luttes qui ont poussé Mohamed VI à faire voter, via un référendum, cette nouvelle constitution. Une constitution sans légitimité aucune, avec un taux d’abstention record de 70 %. Le Mouvement du 20 Février continue à agir dans la rue, à se mobiliser. La réponse invariable du Makhzen à son égard, intimidations, terreur et répression, mettent à nue sa vraie nature et son caractère dictatorial.

    Peux-tu nous dresser un panorama du mouvement social et syndical marocain ?

    Agustin : Tout d’abord, il faut avoir en tête que la plupart des luttes populaires au Maroc sont spontanées, auto-organisées et avant tout locales. Le Mouvement du 20 Février a constitué le plus important changement au sein de la situation politique marocaine depuis des décennies. Mobilisations de masse dans plus de cent villes, actions coordonnées et création de comités de soutien dans les quartiers. Le peuple marocain exprimait, malgré la répression, son désir de changement, de liberté, de dignité et de justice sociale. Bien que la répression ait fait un certain nombre de morts (par exemple à Safi ou à Ait Bouayach), le pouvoir a pris soin d’éviter un bain de sang. Le pouvoir a, par une nouvelle constitution, tenté de répondre politiquement à la colère. Il a aussi facilité l’accession au pouvoir des islamistes modérés du Parti pour la justice et la démocratie (PJD), pour désamorcer une des composantes du mouvement social marocain. Ces facteurs expliquent la perte de vitesse de ce Mouvement du 20 Février. Malgré tout, la lame de fond de cette mobilisation persiste. Et le 22 février prochain une journée d’action, sur tout le territoire, a été proposée.

    Au niveau des mouvements sociaux, l’ANDCM (Association nationale des diplômés chômeurs du Maroc) continue à résister et maintient au niveau local un militantisme actif. L’AMDH (Association marocaine des droits de l’homme) poursuit, de son côté, son inlassable travail de dénonciation des violations continues des Droits de l’Homme et apporte son soutien aux luttes sociales et populaires.

    Au sein du mouvement ouvrier, la consolidation de secteurs anti bureaucratiques et combatifs au sein du syndicat majoritaire, l’UMT (Union marocaine du travail) a été réelle notamment dans l’enseignement, l’agriculture et l’administration publique. Les luttes de défense de la réforme agraire et contre la marginalisation de ce que l’on appelle le « Maroc oublié » (zones de l’Est du pays essentiellement) sont permanentes. Dans les universités aussi ont eu lieu des grèves mais les divisions au sein du mouvement estudiantin, du fait du sectarisme de certains secteurs, a fait que cela a manqué de coordination.

    La résistance amazigh (berbère), très divisée et diverse, a perdu de son intensité, notamment du fait de la reconnaissance de son identité et de sa langue par la nouvelle constitution.

    En résumé, les luttes et résistances sont avant tout spontanées, dispersées. Cette réalité est due avant tout à la nature même des organisations syndicales, sociales et politiques caractérisées par son allégeance au régime alaouite et au fait qu’elles demeurent, majoritairement, autoritaires, bureaucratiques et corrompues.

    Peux-tu revenir, plus en détail, sur les luttes significatives de ces derniers mois ?

    Agustin : En dépit de la pesanteur des appareils syndicaux, ce qui est positif c’est que les luttes sociales et syndicales sont constantes. Elles se terminent ici, elles commencent ailleurs. Ces derniers mois, des révoltes ont eu lieu à Targuist, dans la province de Al Hoceïma ou encore à Demnate, Khenifra ou Taza. A Ouarzazate, les mineurs se sont mis en grève. En 2012, c’était le quartier populaire de Sidi Youssef Ben Ali de Marrakech qui se soulevait. Tout le territoire est émaillé de ces luttes réprimées violemment à chaque fois par le pouvoir.

    Le problème c’est que ces luttes manquent de coordination et ne s’étendent pas à cause des bureaucraties syndicales qui font tout pour freiner les mouvements. A Ouarzazate, par exemple, les instances de la CDT (Confédération démocratique du travail) sont intervenues directement dans le conflit pour paralyser la grève des mineurs et ont négocié avec les patrons en lieu et place de la CDT locale beaucoup trop offensive.

    Une autre lutte significative a été celle des habitants et habitantes d’Imider contre la pollution des nappes phréatiques par la Société métallurgique d’Imider (SMI), qui appartient à Managem (holding royale) et qui exploite une mine d’argent. Cette lutte, longue de plusieurs années, est exemplaire à plus d’un titre : fonctionnement assembléiste, solidarité active et implication des femmes.

    Un dernier exemple de lutte, celle menée par le secteur agricole de l’UMT qui a réussi ces derniers mois à imposer aux patrons des exploitations des droits nouveaux pour les ouvriers et ouvrières agricoles (revalorisations salariales, inscription à la sécurité sociale, respect des droits syndicaux).

    Dans ce Maroc en lutte, existe-il des organisations se réclamant du mouvement libertaire et de ses pratiques ?

    Agustin : Il n’existe pas à proprement dit d’organisation au niveau national. Par contre, ici et là, des libertaires font des choses. Il y a eu de nombreuses tentatives, par exemple, de mise sur pied des centres culturels libertaires. Dernièrement, à Casablanca et à Rabat ont été créés des collectifs libertaires qui agissent sur le terrain culturel et musical, et dans l’art en général. Un collectif « Guérilla Cinéma » fait des choses pertinentes. Plus généralement, ce qui est intéressant c’est qu’au sein de la jeunesse avancent les idées d’autonomie, d’auto-organisation, les réflexes de fonctionnement horizontal et de rejet des logiques de partis.

    Dans les zones berbères (dans le Rif en particulier), enfin, les pratiques de fédéralisme et d’assembléisme font partie intégrante de la tradition populaire. Des concepts comme parlementarisme, partis, syndicats, y sont perçus comme étrangers car hérités artificiellement du colonialisme.

    Propos recueillis par Jérémie Berthuin (AL Gard)

    Source : Alternative Libertaire, 3 déc 2013

    Tags : Maroc, Mohammed VI, Makhzen, répression, Mouvement 20 février, printemps arabe,

  • Maroc : 40 militants du mouvement rifain, y compris les principaux dirigeants, sont toujours incarcérés

    Quarante militants du mouvement rifain Hirak, y compris leurs principaux dirigeants, sont toujours incarcérés dans différentes prisons marocaines après « la troisième grâce accordée aux Rifains », selon l’agence espagnole EFE qui dit avoir l’information de sources des familles des détenus.

    Toutefois, des sources du Conseil national des droits de l’homme et de l’association Tafra, formée par des parents des prisonniers rifains, ont confirmé à EFE qu’il y avait au moins vingt autres Rifans parmi les graciés mais qui n’apparaissent pas comme des prisonniers du Hirak car ils sont considérés comme des prisonniers pour des crimes de droit commun (violence de la rue, en général) et non politique.

    Ainsi, les Rifains graciés hier (5 juin) soir étaient plus de quatre-vingts et leur libération, survenue dans la nuit du dernier jour du Ramadan, a provoqué des scènes de joie et de célébration qui ont duré plusieurs heures dans la ville d’Al Hoceima, où des cris de « Vive le Rif » ou de « Plutôt la mort que l’humiliation » ont été entendus, observe EFE.

    Le vice-président de Tafra, Bubker Yauhari, a expliqué à EFE qu’il n’y avait pas eu une demande de grâce de la part des libérés ou une mesure de grâce de la part du roi, une demande qui est habituelle avant ces libérations.

    Et quant aux leaders de la contestation du Rif, il n’y a pas eu de clémence pour le noyau dirigeant du Hirak, y compris son dirigeant, Nasser Zefzafi, ainsi que Nabil Ahamjik ou Mohamed Jellul, note l’agence espagnole.

    Ceux-ci, ainsi que d’autres dirigeants de deuxième rangée, purgent des peines de dix à vingt ans de prison dans différentes prisons du nord du pays (Tánger, Tetuán, Fès, Taza, Nador et Al Hoceima, entre autres), vers lesquels ils ont été transférés de Casablanca pour les rapprocher de leurs familles peu après le prononcement du procès en appel, qui a confirmé toutes les condamnations prononcées en première instance.

    Ce mouvement de rapprochement n’a pas réussi à briser les dirigeants du Hirak: Zefzafi s’est cousu les lèvres pendant deux jours pour protester contre le verdict rendu en appel, tandis que plusieurs autres ont mené de longues grèves de la faim pour la même raison, atteignant -certains d’entre eux- ( Mohamed Al Asrihi et Rabie Al Ablaq) un état critique, témoigne la même agence.

    Source : Courrier du Rif

    Tags : Maroc, Rif, Hirak, Makhzen, Mohammed VI, répression,

  • Maroc : fils de son père

    Mohammed VI règne maintenant depuis douze ans. Un règne marqué à la fois par la continuité et la rupture avec les trente-huit années au pouvoir de son père. Hassan II s’est employé à bâtir une monarchie suffisamment solide et respectée pour qu’elle soit maître des institutions et du jeu politique. Un absolutisme cultivé avec la même intransigeance par Mohammed VI, mais qui semble s’appliquer à des champs différents.

    L’absolutisme royal d’Hassan II était résolument politique et visait à assurer la pérennité de la monarchie marocaine. L’absolutisme de Mohammed VI s’exerce, lui, essentiellement dans le domaine de l’économie et ne s’accompagne d’aucune stratégie politique pour assurer l’avenir de la dynastie qu’il incarne. Comprendre le coup d’État économique et financier auquel s’est livré Mohammed VI suppose d’abord de bien cerner sa personnalité et les relations (conflictuelles) qu’il a entretenues avec son père. Cela implique également de pénétrer dans les coulisses de cet univers qui se dérobe à tous les regards: celui de la dynastie alaouite.

    La proximité est souvent trompeuse, car elle donne l’illusion de la compréhension. Les élites françaises, de droite comme de gauche, croient connaître cette monarchie parce qu’elle règne sur un pays situé à trois heures d’avion de Paris. Invitées régulièrement dans les palaces de Marrakech et de Fès, elles reçoivent les confidences biaisées des hommes supposés proches du roi. Pourtant, derrière les hauts murs ocre qui ceinturent les palais, ce sont les mêmes intrigues et les mêmes mystères, soigneusement cachés, qui continuent de peser, de planer, d’un roi à l’autre. Les rumeurs se propagent constamment, la vérité jamais.

    Au tout début de son règne, Mohammed VI envisagea d’ouvrir au public un certain nombre de palais. Les attentats meurtriers de Casablanca, survenus en 2003 et qui firent quarante-cinq morts, mirent un terme à ses bonnes intentions. Il se retrancha comme son père à l’intérieur de ses forteresses luxueuses, peuplées de serviteurs silencieux qui ressemblent à des ombres. C’est ainsi que Mohammed VI commença à se glisser dans les habits d’Hassan II. Quand l’on demandait à ce dernier quelle activité il aurait aimé exercer s’il n’avait pas été roi, il répondait immédiatement: « Historien.» Pour une raison évidente: dès son plus jeune âge, il fut confronté aux aléas de l’Histoire et savait mieux que quiconque que, sans coup de pouce du destin, le pouvoir lui aurait définitivement échappé.

    La France exerce sur le Maroc un protectorat depuis 1912. En 1953, exaspérée par ses positions favorables à l’indépendance, elle décide de déposer puis d’envoyer en exil le sultan Mohammed Ben Youssef, futur Mohammed V et père d’Hassan. Un épisode qui marquera à jamais ce dernier. Les autorités françaises installent à sa place un petit cousin du sultan déchu, Mohammed Ben Arafa. L’homme est trop falot pour s’imposer et, trois ans plus tard, Paris doit se résigner au retour du sultan et à l’indépendance du pays.

    Mohammed V est le vingt et unième descendant de la dynastie alaouite, au pouvoir depuis 1659, dont les membres seraient des descendants du prophète Mahomet. Mais il devient le premier roi du pays en 1957. La même année, il désigne son fils âgé de 29 ans, l’homme fort du régime, comme prince héritier. Une décision inspirée par ce dernier et son conseiller, Mehdi Ben Barka. Première entorse voulue par le futur Hassan II avec la tradition. Jusqu’alors, en effet, le souverain était choisi par les oulémas.

    Quarante ans plus tard, en veine de confidences, il déclara : « J’ai passé la plus grande partie de mon règne à essayer de réduire le nombre d’aléas qui pèsent sur la royauté.» Traduit en clair, cela signifie: « J’ai imaginé, pensé et façonné cette monarchie dans chacune de ses composantes, pour qu’elle soit durable et indiscutée.»

    Sous sa houlette, le pouvoir royal devient pouvoir absolu puisque le roi détient à la fois le pouvoir temporel et le pouvoir spirituel. Chacune de ses décisions est sacrée. Son goût pour l’histoire le conduit à comprendre que celle-ci n’est qu’une construction subjective. Hassan II adorait Alexandre Dumas, dont il rénova, sur ses propres deniers, la propriété. L’écrivain avait écrit: « L’Histoire est un portemanteau sur lequel j’accroche mes histoires.»

    Hassan II le paraphrasant aurait pu affirmer: « L’Histoire est le portemanteau auquel j’accroche les symboles et les institutions que j’ai choisis pour légitimer et conforter mon pouvoir.» Peu après son arrivée sur le trône, il va tourner le dos à la modernité et s’employer à «retraditionnaliser» le royaume.

    En mettant ses pas, paradoxalement, dans ceux des colonisateurs français. Un intellectuel marocain, Abdallah Laroui, qui s’était pourtant rallié à Hassan II, en dresse une analyse éclairante: «Les réformes, souvent hautement symboliques, induites par la présence des étrangers furent effacées l’une après l’autre […]. L’ère de la modernisation des esprits était terminée. Archivistes et historiographes se plongèrent dans les vieux documents, poursuivant un mouvement imaginé par les nationalistes euxmêmes, mais à des fins opposées, pour ressusciter le protocole ancien, décrit en détail par maints ambassadeurs et voyageurs étrangers. Par petites touches fut reconstitué “le Maroc qui fut”, tant de fois exhibé par l’administration coloniale pour mettre en valeur son œuvre réformatrice1.»

    Source : Le Roi prédateur

    Tags : Maroc, Mohammed VI, Hassan II, dictature, despotisme, répression, enrichissement,

  • Maroc : Mohamed Bouhennouch, âgé de 15 ans, condamné à 15 ans de prison ferme

    Mohamed Bouhennouch, lorsqu’il a été condamné à 15 ans de prison ferme en 2017 par un juge marocain, était un enfant de 15 ans, condamné à 15 ans de prison ferme, flagrante coïncidence qui choque extrêmement tout un chacun sauf les ennemis de l’humanité et les partisans de la dictature.

    Mohamed Bouhennouch, l’enfant de 15 ans a comparu devant le juge dans le tribunal de Casablanca comme un quidam accusé d’atteinte à la sécurité de l’État. Il n’a été entendu par le juge qu’avec la présence d’un traducteur, puisqu’il ne maîtrise que le rifain. «Monsieur le Juge, je vais vous raconter aujourd’hui une histoire très triste. A cause de l’horreur que j’ai vécu, je ne trouve aucun mot pour commencer», ainsi s’est exprimé l’enfant Bouhennouch pour entreprendre son plaidoyer devant le juge «C’était le premier jour du Ramadan, à 6 heures du matin, lorsque je me suis réveillé aux cris de mes frères et de mes parents, je croyais que c’était le tremblement de terre. Il s’est avéré plus tard qu’ils sont venus pour m’arrêter» a-t-il raconté de son arrestation.

    L’enfance et l’immaturité ne semblent plus un rempart contre la torture dans un État policier. «L’un d’eux m’a dit: « Profite du soleil parce que tu ne le verras plus désormais ». Et quand je suis arrivé à Casablanca, j’ai été battu. Même si j’étais un meurtrier, Monsieur le Juge, ils n’auraient pas dû me traiter de la sorte», insiste l’enfant Mohamed Bouhennouch.

    Le malheureux mineur rifain tombé dans les mains d’un régime impitoyable et inhumain a révélé dans le tribunal et devant tout le monde que des éléments de la Direction générale de la Sûreté nationale lui avaient demandé de faire des déclarations qui condamnent les leaders de la contestation du Rif Nasser Zefzafi et Nabil Ahamjik, en échange de la clémence dans la poursuite intentée contre lui. L’enfant Bouhennouch peut-être espérait-il avec sa révélation trouver la justice chez un juge qui est tout sauf indépendant !

    Il a expliqué au juge qu’il a beaucoup souffert depuis son arrestation en évoquant l’horreur qu’il a vécu dans l’avion: des «menaces de la part de membres de la DGSN de me tuer en me jetant de l’avion qui me transférait d’Al Hoceima à Casablanca».

    Le pauvre petit a fait aussi lors de son discours dans le tribunal une déclaration difficile à encaisser, il a fait connaître qu’il a souhaité, dans un moment d’incertitude, que la voiture de police -qui le transférait de l’aéroport de Casablanca vers un destin inconnu-, soit renversée pour qu’il meure en martyr.

    Le mineur de 15 ans s’est trouvé sous le poids de l’une des plus graves accusations et de plus dans un État policier : atteinte à la sécurité de l’État, a nié toutes les accusations qui pesaient sur lui. Et avant de terminer son discours dans le tribunal de la honte, Bouhennouch a révélé qu’il a rédigé un livre dans sa cellule en rifain qu’il a intitulé « 5 jour dans les ténèbres » dans lequel il raconte les souffrances et les brimades qu’il a subies au siège de La brigade nationale de la police judiciaire.

    Quelle était la décision du juge ? Il a condamné Mohamed Bouhennouch à 15 ans de prison ferme au nom du roi Mohamed Six.

    F.B

    Tags : Maroc, Rif, Hirak, répression, Mohamed Bouhennouch,