Étiquette : Terrorisme

  • Il n’y a pas de conditions propices pour réintégrer les anciens djihadistes au Maroc (Think tank)

    Selon une étude conjointe publiée par Egmont Institute et la Fondation Konrad Adenauer Stiftung, deux think tanks belge et allemand respectivement, les autorités marocaines procèdent incessament au démantèlement de cellules terroristes avant qu’ils ne passent à l’acte, ce qui pourrait induire à des erreurs et à « l’emprisonnment de personnes qui n’ont été impliquées dans aucune activité terroriste ».

    Le Maroc a renforcé son dispositif sécuritaire en créant le Bureau central d’investigation judiciaire (BCIJ) et en déployant 50.000 informateurs gérés par le Ministère de l’Intérieur. Ces mesures pourraient imposer un contrôle excessif sur la société marocaine allant jusqu’à affecter le liberté d’expression, la liberté de la presse et d’autres libertés civiles au nom de la lutte contre le terrorisme. L’étude cite un rapport de Human Rights Watch publié en 2017 dénonçant la pratique de la torture sur des personnes soupçonnées de terrorisme.

    En 2014, les autorités marocaines ont renforcé le code pénal avec des lois plus sévères dont des peines allant de 5 à 15 ans de prison et 45 000 euros d’amende pour tout Marocain qui rejoint ou tente de rejoindre une organisation armée non étatique, à l’intérieur ou à l’extérieur du Maroc. Dans cette même lignée, il a mis en place un programme de dé-radicalisation dans les prisons connu sous le nom de « Reconciliation » conçu pour les djihadistes marocains rapatriés ainsi que ceux qui n’ont jamais quitté le pays.

    Le programme, qui dure quatre mois, comprend des conseils psychologiques, des enseignements théologiques et des outils nécessaires à la réinsertion dans la société. Dans sa première version en 2016, 25 détenus volontaires ont bénéficié de ce programme. En 2018, ce chiffre est passé à 300. Ceux qui réussissent le programme sont libérés par décret royal de grâce.

    Mais, selon les analystes européens, ce programme est limité au séjour en prison des personnes concernées, mais, une fois libérés, il leur est difficile de réintégrer la société en raison du manque d’emploi et d’une position économique et culturelle leur permettant de faire partie de la société. Après tout, beaucoup de Marocains qui ont rejoint les rangs de l’État islamique n’avaient pas ce sentiment d’appartenance à la société et étaient issus d’un milieu social, économique et culturel très bas.

    A part ce programme de réconciliation, ajoute l’analyse, le Maroc n’a pas conçu d’autre programme spécifique pour les ex-combattants rapatriés. A cela il convient d’ajouter que le royaume chérifien n’a pas résolu le problème des citoyens à double nationalité ni répondu au débat sur les femmes et les enfants. Ni celui des orphelins des ex-combattants, car dans les camps syriens, plus de 2500 enfants solitaires sont en train d’attendre une réponse des gouvernements européens ainsi que de ceux d’Afrique du Nord.

    Une autre particularité du cas marocain est que 80% des recrutements de djihadistes ont été effectués via les réseaux sociaux, Facebook et Twitter, car en raison du contrôle serré de la situation dans les rues et dans la société marocaine, il est difficile de le faire en personne comme c’était le cas dans d’autres pays du Maghreb tels que la Tunisie et l’Égypte.

    Tags : Maroc, BCIJ, lutte antiterroriste, terrorisme, djihadistes, retour, répression, réintégration, Syrie, Irak,

  • Maroc: Deux ressortissants suisses abandonnés par leur pays

    Le Maroc communique beaucoup sur le sujet de la menace terroriste au point qu’une instrumentalisation du sujet est envisageable en raison du faible niveau de la menace.

    Pressentant la fin de Daech, Rabat a multiplié les annonces de démantèlement de cellules terroristes. Le nombre d’annonces était en contradiction avec les appels à des offres touristiques qui dessinent le royaume comme un paradis pour les vacances.

    L’exagération de la menace terroriste est justifiée par la volonté de Rabat de s’accaparer les richesses du territoire du Sahara Occidental et d’imposer le silence de l’Occident sur ses excès en matière de violations des droits de l’homme.

    C’est ainsi que le jugement des prétendus assassins des deux jeunes scandinaves, Maren Ueland et Louisa Jespersen, a été remué. Le but est de rappeler l’existence d’une menace terroriste souvent exagérée en vue d’entretenir un sentiment durable d’insécurité.

    Les autorités de Rabat ont agité cette affaire à un moment où elles sont acculées sur deux fronts : Le Rif, où des activistes sociaux ont été condamnés à 20 ans de prison, et le Sahara Occidental où le Conseil de Sécurité met la pression en vue de mettre fin à un conflit qui empoisonne la région depuis plus de 43 ans et où le Maroc s’accommodait d’un statu quo devenu insupportable pour la communauté internationale et les peuples de la région.

    Dans le cas des deux touristes randonneuses égorgées et décapitées dans la région de Marrakech, il s’agit d’un banale crime de droit commun que les autorités marocaines ont déguisé en attentat terroriste dans le but d’entretenir la menace terroriste, d’une part, et d’éviter ses répercussions sur les recette du tourisme, un secteur vital pour le pays.

    Cependant le scénario créé en vue de faire passer cette version manque de pièces convaincantes. D’abord, de nombreux observateurs se demandent pourquoi les inculpés ont tenu à documenter leur crime d’abord en filmant les faits, ensuite en publiant une vidéo où ils déclarent leur allégeance à Daech avec les visages à découvert. On dirait des criminels qui tiennent à laisser des preuves de leur crime.

    Pour instrumentaliser l’affaire davantage, les autorités de Rabat ont procédé à l’accusation de deux ressortissants suisses qui ont élu résidence au Maroc. Deux ressortissants d’un pays qui ne pourra pas être défendu par un magistrat de leur pays d’origine faute de convention judiciaire avec la Suisse. L’avocat marocain chargé de la défense de Kevin Zoller Cuervos n’a eu accès au dossier que 4 jours avant l’annonce du jugement qui a été reporté à nouveau ce matin.

    En visant des ressortissants suisses, le Maroc veut éviter le scénario déjà vécu dans l’affaire connue sous le nom de Belliraj en référence au citoyen belgo-marocain emprisonné au Maroc et accusé d’avoir importé des armes de la Belgique dans le but de les remettre à des terroristes en Algérie. Bruxelles a dépêché à l’époque une équipe de spećialistes pour étudier le dossier et a conclu qu’il n’y avait aucune preuve matériel si ce n’est des déclarations obtenues sous la torture.

    Les autorités marocaines ont forcé les détenus marocains dans cette affaire à déclarer qu’ils ont visionné des films de propagande avec Kevin et que ce dernier a amené certains membres à s’entraîner au tir dans un champ avec des cartouches à blanc et a même recruté des subsahariens avec lesquels il projetait de rejoindre les branches de Daech au nord du Mali, selon les déclaration du patron du BCIJ marocain, Abdelhak Khiame. Une histoire cousue de fil blanc.

    Kevin Zoller n’est pas la première victime de la mal appellée justice marocaine. Labbas Sbaï, un chirurgien marocco-suisse a été emprisonné en 2006 et en 2010 pour la simple raison d’avoir dénoncé les trafics illicites pratiqués et qui portaient atteinte au complexe touristique qu’il avait créé dans sa région de Zagora.

    Tags : Maroc, terrorisme, Kevin Zoller Cuervos, Maren Ueland, Louisa Jespersen,

  • Pour les américains, le Maroc n’est pas un pays sûr

    Pour les Etats-Unis, il est très probable que les endroits touristiques au Maroc soient l’objet d’attentats terroristes. Par conséquent, Washington appelle ses ressortissants à faire preuve de « prudence » et « vigilance ».

    Selon des médias marocains, qui citent une note du Département d’Etat américain, les citoyens américains désirant visiter ces jours-ci le royaume chérifien ont été invités à observer une «prudence accrue» en raison vue la possibilité de voir ces endroit ciblés par des terroristes.

    Le Département d’État américain prévient que les terroristes n’avertissent pas lorsqu’ils vont commettre leurs méfaits, rappellant que les lieux touristiques, les centres commerciaux et les établissements administratifs sont autant des cibles privilégiés des actes terroristes.

    En publiant ces notes sécuritaires, les Etats Unis emboîtent ainsi le pas à la France et au Royaume-Uni qui avaient déjà appelé leurs citoyens en partance pour le Maroc à la «plus grande vigilance», notamment à la suite de l’assassinat de deux touristes scandinaves dans la région de l’Atlas par des terroristes se revendiquant du groupe autoproclamé Etat islamique (Daech/EI).

    Tags : Maroc, Etats-Unis, terrorisme, Daech, Etat Islamique, Département d’Etat,

  • Wikileaks : La situation des musulmans en France inquiètent les USA

    Le Département d’État de Washington conseille à la France de « donner una place aux musulmans » :

    Dans un câble diplomatique classé secret, l’ambassade américaine à Paris analyse, à travers plusieurs angles, la situation de l’islamisme radicale en France. Elle est inquiète à cause de ce qu’elle appelle « la marginalisation, l’exclusion et la discrimination dont sont victimes les musulmans de France inquiètent les américains ».

    Dans une note datée du 17-08-2005, et mis en ligne par Wikileaks le 2 décembre 2010, les analystes de l’ambassade américaine à Paris dressent un tableau peu reluisant du traitement réservé par les locataires de l’Elysée à cette catégorie de la population enfermée dans « des banlieues pauvres » situées à « l’extérieur des grandes villes de France ». Et même si les américains reconnaissent que la France réussit tant bien que mal à contrer la menace terroriste de l’extrémisme islamiste, ils ne manquent pas, néanmoins, de souligner que l’Hexagone comprend plus de « 9000 activistes » susceptibles d’alimenter à n’importe quel moment des filières du « Djihadisme ».

    Même la situation précaire des prisons françaises a été passée à la loupe. La note, qui cite des observations « confidentielles » des Renseignements Généraux Français précise que « pas moins de 50 % des détenus sont de confession musulmane ! Les mauvaises conditions carcérales et la détresse sociale de ces détenus ont créé un terrain idéal pour les recruteurs de l’islamisme radical ».

    Selon le câble diplomatique américain, 44 % des prisonniers convertis à l’islam tombent sous le charme de la tendance salafiste et 49 % de ces nouveaux salafistes n’ont jamais obtenu un diplôme dans leur vie. Plus étonnant encore, ce mémo révèle que les conversions à l’islam prospèrent au sein même de l’armée française où récemment  » 3,5 % de militaires français, y compris des officiers, s’étaient convertis à l’islam ».

    Non obstant, les diplomates américains nuancent ce constat. Pour eux, pour l’heure, rien ne prouve que ces conversions sont liées à des « raisons idéologiques ». Le mémo américain n’omet pas également de souligner que la France ne contrôle pas parfaitement le discours religieux produit en Hexagone par des imams dont la majorité ne parlent même pas français et, d’ailleurs, à peine 20 % d’entre eux, disposent de la nationalité française. Tous ses éléments constituent pour les services américains des ingrédients dangereux susceptibles d’alimenter une crise sécuritaire à même de nuire aux intérêts des Etats-Unis. Et ce risque demeure toujours important tant que les autorités publiques françaises rechignent à accepter la communauté musulmane comme une partie intégrante de « la société française ».

    Tags : France, Wikileaks, terrorisme, radicalisation, Islam,

  • Maroc : « Une radicalisation à la portée de tous »

    par Orilio Leaks

    Au Maroc : Allez donc voir les douze visages des islamistes et le patrimoine historique de pensée islamique sur Google. Et on se reparle très représentatif de la réalité.

    Je ne suis jamais simplificateur, dans les années 90, par exemple, j’ai annoncé déjà le rôle que le régime marocain et les mouvements islamistes, joueraient dans le terrorisme et la radicalisation, eux-mêmes créés, entretenus, financés et entraînés par la mafia de régime autoritariste corrompu marocain: les nouvelles générations, politisées contre le socialisme dictatorial et néo-patriarcal, pourraient changer la société.

    Mais le recours à une morale passéiste rendait difficile la possibilité d’échapper au patriarcat. Les années 1990 jusqu’à 2019 confirmèrent quelque part mon diagnostic : la pensée radicale des islamistes et le chantage de la mafia de régime avec le terrorisme, la drogue et l’émigration clandestine et partout, ce fut des partis de régime, n’ayant à la bouche que les mots de démocratie, d’égalité et la lutte de terrorisme qui sévirent, sans état d’âme , bestialement!!!

    Au Maroc le barbarisme islamiste dépasse l’imaginaire: Le jour où les groupes terroristes occupaient la scène politique, le gouvernement, le parlement, les administrations publiques, les partis politiques, les écoles, les universités, la justice, les mosquées. Le Maroc devient le nouveau territoire de l’identité de la fabrication du radicalisme et le terrorisme à raison de chantage et collecte des aides, dons par des milliards de dollars des pays occidentales que la mafia de pouvoir fait plein les poches et les comptes bancaires. Ce qui est meurtrier, c’est de définir son identité contre l’autre.

    Le phénomène de la radicalisation parmi les jeunes, où une majorité est à présent, tentée par le choix d’un idéal identitaire extrême aux conséquences violentes et destructrices, s’inscrit dans un cadre global d’interrogation sur la montée du fanatisme religieux marocain traduit des interrogations politiques, sociales, culturelles posées par la montée de ce phénomène notamment « Une radicalisation à la portée de tous » ou encore « Cette pépinière de mafia de régime pour la radicalisation au Maroc ce qui nous donne ces barbares actes sur l’humanité, les animaux, l’environnement.

    Les attentats euro-méditerranéens et le dernier crime terroriste d’Imlil sur deux jeunes innocentes touristes Louisa Vesterager Jespersen et Maren Ueland, les deux touristes lâchement assassinées violées, massacrées. « La gorge tranchée et la tète coupé », leurs seul péché qu’elles ont aimé visiter le Maroc et vivre l’expérience d’escalader les montagnes du mont Toubkal, que la paix soit avec leurs âmes.

    Cela montre le niveau suprême de sauvagerie et nazisme contre les différents découvrant la réalité des terroristes islamistes marocains contrairement à la propagande de la mafia de régime concernant la lutte de terrorisme !!! Le fait que les prétendus barbares marocains auteurs de ce crime aient laissé des traces en publiant une vidéo d’allégeance à Daech une semaine avant leur méfait et en laissant une carte d’identité sur le lieu du crime. « Comme s’ils voulaient se délatter ».

    Selon de nombreuses opinions exprimées sur les réseaux sociaux, les autorités marocaines ont fait recours à cette méthode en 2011 en commandant l’explosion du Café Argana à la Place Jamaa El Fna à Marrakech dans le but de justifier la répression du mouvement 20 Février né dans le contexte du Printemps Arabe.

    Au Maroc l’islamisme et la mafia de régime dictatorial les deux faces d’un même malheur historique, cette pièce théâtrale s’est mis en place : d’un côté le régime dictature, de l’autre, le fascisme religieux, avec une alliance tacite entre le dictateur et les extrémistes. Le dictateur utilise les extrémistes pour se débarrasser du mouvement démocratique et social. Mais lorsque les extrémistes veulent le pouvoir, une confrontation se produit quand ils prétendent lutter contre le terrorisme surtout dans ses versions islamistes fondamentalistes. Ils disposent par ailleurs de machines bien rodées pour pratiquer le chantage dirigé aussi bien contre le monde occidental que contre leurs pays « frères ». Il le fait en fait contre des groupes qu’il à lui-même créee, entretenus. Il les « vendent » au moment opportun, avec de juteux dividendes, au plus offrant…

    Source

    Tags : Maroc, Makhzen, radicalisation, islamisme, terrorisme,

  • Ali Aarrass : torturé au Maroc et abandonné par la Belgique

    Ali Aarrass : quand la Belgique abandonne certains de ses citoyens…

    Abdellah BOUDAMI

    Source: Politique, 6/01/2012

    Jeudi 24 novembre 2011, Ali Aarrass se tient seul devant ses juges. C’est alors la neuvième audience de son procès, au Tribunal de Rabat. Et c’est à ce moment, alors que ses avocats et ses proches se sont retiré le temps d’une pause, que le verdict est prononcé : il est condamné à quinze ans de prison. Ne comprenant pas l’arabe, ce n’est que lorsque ses avocats le rencontrent qu’il prend la mesure de l’injustice de la peine. En effet, Ali Aarrass est innocent… Rappelons les faits qui jalonnent cette saga politico-judiciaire et qui ont mené Ali Aarrass de la prison espagnole à la torture marocaine, en passant par l’indifférence belge.

    Arrestations et non-lieu

    Ali Aarrass est né en 1962 à Melilla, une des deux enclaves espagnoles au Maroc (avec Ceùta), et est arrivé en Belgique en 1977, où il obtient la nationalité belge La nationalité marocaine étant inaliénable, tout Marocain qui acquiert la nationalité belge devient automatiquement belgo-marocain, indépendamment de sa propre volonté. Ce n’est qu’en 2005 qu’il retourna vivre auprès de son père, à Melilla.

    Durant ces longues années passées en Belgique, Ali effectua son service militaire et travailla dans plusieurs secteurs avant d’ouvrir son propre commerce, une papeterie à Bruxelles. Très apprécié, honnête et généreux, c’était un homme respecté dans le quartier. C’est donc comme un coup de tonnerre que sonna l’annonce de son arrestation en Espagne, en novembre 2006. Relâché sous caution, et faisant l’objet d’une enquête pour trafic d’armes, il fut arrêté à nouveau, en avril 2008, sur base d’éléments provenant de la justice marocaine.

    “Absolument rien n’a été fait au niveau du ministère des Affaires étrangères pour sauver le citoyen belge.”

    Cette dernière lança plusieurs mandats d’arrêts internationaux, et les justifia en invoquant des preuves émanant d’interrogatoires dans le cadre de l’affaire Belliraj, un Belgo-Marocain comme Ali Aarass, qui est accusé d’avoir commandité des attentats.

    Le procès Belliraj ayant été cette farce que l’on sait (on a pu voir dans les câbles Wikileaks que, aussi bien du côté américain que belge, il n’y avait pas de doutes quant au caractère inique du procès Belliraj, sans compter les accusations de torture), la justice belge refusa d’extrader les hommes arrêtés en Belgique. L’Espagne diligenta une enquête sous la direction du célèbre juge Baltazar Garzon, connu pour sa rigueur et son inflexibilité. Il ne trouva absolument aucun fait à charge de Ali Aarrass et délivra un non-lieu en mars 2009.

    Pourtant, et c’est ce qui causait la perplexité de ses proches et de ses avocats, Ali Aarrass était maintenu en détention, en isolement, et la justice espagnole délégua au Conseil espagnol des ministres la décision de l’extrader ou pas vers le Maroc. Le Conseil postposa cette décision jusqu’en novembre 2010.

    Extradition et torture

    Malgré les grèves de la faim et les protestations (la campagne « Free Ali » se mit doucement en place et tenta de sensibiliser citoyens, médias et politiques à propos de l’affaire), le Conseil des ministres en Espagne décida, le 19 novembre 2010, d’accepter d’extrader Ali Aarrass vers le Maroc. Tout de suite, ses avocats portèrent l’affaire au niveau de l’ONU, laquelle décida, via son Haut-Commissariat aux Droits de l’Homme, de demander la suspension de l’avis d’extradition.

    Passant outre, l’Espagne extrada Ali Aarrass le 14 décembre 2010, sans même que sa famille ou ses avocats ne soient prévenus. En effet, c’est par la presse qu’ils furent mis au courant. Ali Aarrass disparut de longues semaines, sans que personne ne sache où il se trouvait… L’attitude du gouvernement belge est sidérante. Absolument rien n’a été fait au niveau du ministère des Affaires étrangères pour sauver le citoyen belge.

    Dans un premier temps, lorsqu’Ali Aarrass était en Espagne, la Belgique justifiait son inaction dans le dossier par le fait que l’Espagne est un État démocratique et qu’il fallait donc lui faire entière confiance. Dans un second temps, après l’extradition au Maroc, l’État belge invoqua la loi selon laquelle un citoyen ayant la double nationalité, lorsqu’il met les pieds dans le pays de son autre nationalité, ne reçoit aucune aide consulaire ou action particulière du gouvernement belge. Les réponses (ou non-réponses, le plus souvent) de Steven Vanackere sont restées cohérentes tout au long des interpellations (à l’instar de celle de Zoé Genot du groupe Ecolo- Groen !) : il refusa d’agir.

    “Et c’est cette question de la double nationalité que soulève avec encore plus d’acuité l’affaire Aarrass.

    Dans la mesure où il était certain que Ali Aarrass allait subir des tortures au Maroc, et que par conséquent des droits humains fondamentaux allaient être bafoués, on peut se poser la question de la pertinence, dans le chef de l’État belge, à mettre en balance d’une part une loi sur l’aide consulaire qui date du XIXe siècle, et d’autre part des droits humains élémentaires. Tabassages en règle, viols à l’aide de bouteille, chocs électriques, privations de sommeil, injections de produits chimiques, rien ne sera épargné à Ali Aarrass. Il sera forcé et contraint de signer des aveux (en arabe !) dans lesquels il est censé reconnaître, après quelques jours d’interrogatoires, des faits qu’il avait pourtant niés pendant plus de trois ans.

    En avril 2011, commença alors un procès-farce parsemé de vices de procédure et de manquements flagrants aux droits de la défense : les pièces du dossier qui sont à sa décharge seront escamotées, les plaintes pour torture n’aboutiront pas, la conversation téléphonique dans laquelle Belliraj innocente Ali Aarrass n’apparaîtra jamais, la confrontation d’Ali Aarrass avec un autre accusé censé avoir prononcé son nom lors des interrogatoires, confrontation durant laquelle cet accusé nie le connaître, sera écartée sans plus de détails… Et les plaidoiries pourtant brillantes des avocats d’Ali Aarrass resteront lettre morte. Ainsi, après être passé par la sinistre DST marocaine, Ali Aarrass vécut aussi la triste réalité des procès politiques au Maroc : des juges d’instruction à la botte du pouvoir et des audiences de procès toujours reportées, afin de fatiguer la campagne « Free Ali » et de saper les ressources – financières et morales – des amis solidaires d’Ali Aarrass. Tout ceci, sous l’oeil complice des autorités belges et européennes…

    L’indifférence des autorités

    Parmi les quelques soutiens qu’a reçus Ali Aarrass au long de son calvaire figure l’appel du citoyen belgo-turc Bahar Kimyongür. Ce dernier sait fort bien de quoi il parle, puisqu’il a souffert également du piège de la double nationalité. En effet, pour permettre l’extradition vers la Turquie de Bahar Kimyongür, les autorités belges avaient orchestré en 2006 une machination visant à le faire arrêter aux Pays-Bas, où il n’aurait plus pu bénéficier de la protection que lui conférait en Belgique sa nationalité belge. Et c’est cette question de la double nationalité que soulève avec encore plus d’acuité l’affaire Aarrass.

    En effet, chez nombre de Belgo-Marocains, on a le sentiment prégnant d’être traité comme des citoyens de seconde zone, ne bénéficiant pas des mêmes droits que les Belges « de souche ». Dans un contexte marqué par une islamophobie rampante, par des thèses racistes de plus en plus assumées et relayées, par une guerre « antiterroriste » qui justifie les lois d’exception, la figure du bouc émissaire arabo-musulman qui ne peut pas jouir pleinement de sa citoyenneté interpelle nombre de Belges, notamment ceux qui sont issus de l’immigration. L’indifférence des autorités belges depuis le début des événements ne peut que conforter cette impression.

    Tags : Maroc, Belgique, Ali Aarrass, torture, terrorisme, Belliraj, Espagne,

  • Maroc : La suisse jette deux de ses ressortissants aux chiens

    La justice des Pays Bas et de la Belgique s’est opposé à la déportation au Maroc d’anciens terroristes qui ont purgé leur peines parce qu’au Maroc ils risquent d’être torturés et  les condamnations de la justice marocaine sont basées sur des confessions obtenues par la force.

    C’est un fait connu, le système judiciaire marocain souffre de manque d’indépendance et continue d’être un obstacle face aux efforts de réforme et développement du pays. Les juges n’ont pas la moindre indépendance du Ministère de Justice, et les responsables du ministère utilisent l’intervention directe, les expectatives dans la carrière et la pression politique pour influer sur les décisions. Il est souvent manipulé par le pouvoir à des fins politiques et géopolitiques. Si dans certains pays, le pouvoir utilise  l’armée ou la police pour contrôler les politiques, au Maroc, il utilise le système judiciaire. C’était le cas dans le dernier procès des activistes rifains qui ont pris des peines de 20 ans pour avoir revendiqué un hôpital d’oncologie et une université dans la ville d’Al Hoceima.

    Les machinations politiques et mises en scène visaient les politiques et journalistes en particulier. Des enjeux géo-politiques ont poussé le pouvoir marocain à ajouter une nouvelle victime : des ressortissants européens.

    Dans le cadre de l’instrumentalisation de la menace terroriste, deux ressortissants suisses ont été emprisonnés. L’un d’eux vient d’être condamné à 10 ans de prison sur la base d’un récit qui n’est accompagné d’aucune preuve matérielle.

    Le jeune suisse, Nicholas P., va passer 10 ans de prison dans des conditions épouvantables : mauvaise nourriture, hygiène précaire, au milieu de dangereux criminels… pour la simple raison d’avoir été lâché par son pays natal, la Suisse.

    Ce jeune n’a rien fait. Par conséquent, sa place n’est pas en prison au Maroc. Dix ans de prison risquent de ramollir son cerveau, détruire à jamais sa vie, écraser son moral et périr sous l’effet de la dépression et l’angoisse, et finira, probablement, par se donner la mort.

    Son pays d’origine doit exiger la vision de son dossier et l’évaluation des preuves qui ont conduit à sa condamnation. C’est la moindre des choses.

    Tags : Maroc, Suisse, terrorisme, instrumentalisation, menace terroriste, touristes scandinaves,

  • Algérie : Dynamiques et nuances du champ littéraire algérien

    par Khalid Lyamlahy

    Comment réagit un champ littéraire face à une crise politique majeure ? En projetant cette question dans le contexte algérien de la « décennie noire », l’ouvrage de Tristan Leperlier analyse les dynamiques qui façonnent les lettres algériennes à l’épreuve de la violence.

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    Tristan Leperlier, Algérie, les écrivains dans la décennie noire.

    CNRS, 344   p., 25 €

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    À la fois « multilingue et transnational », le champ littéraire algérien convoque dans la période étudiée (1988-2003) des problématiques aussi diverses que l’autonomie par rapport aux champs politique et intellectuel, le clivage linguistique ou encore la position des écrivains. En adoptant une méthodologie interdisciplinaire (entre étude littéraire et analyse sociologique) et translinguistique (couvrant les productions littéraires en arabe et en français), Tristan Leperlier offre un panorama complexe et pluridimensionnel du champ littéraire algérien. Si la définition de « l’écrivain algérien » et l’expression de « guerre civile », comme le rappelle l’auteur dans son introduction, font encore l’objet de nombreux débats, la perception du champ par ses acteurs semble un peu plus évidente. De l’analyse littéraire à la recherche documentaire, en passant par les entretiens semi-directifs, Tristan Leperlier soumet le champ littéraire algérien à un exercice de relecture critique et de recontextualisation transnationale. Au « sens héroïque » d’une parole algérienne incarnée par le célèbre « dis et meurs » de Tahar Djaout, cité en exergue de l’ouvrage, il répond en resituant les écrivains dans un espace de lutte dynamique, nuancé, voire instable.

    Dans le premier chapitre, le sociologue interroge, à la lumière de la crise provoquée par la guerre civile, le statut de l’écrivain algérien comme « parangon de l’intellectuel ». À l’heure où la crise algérienne est internationalisée et où l’idée de l’engagement se heurte à diverses formes de censure et de violence, l’écrivain algérien perd son statut éminent d’intellectuel autonome et représentatif. Loin de signaler une « dépolitisation », la distance prise par les écrivains avec le champ politique pendant et après les émeutes d’octobre 1988 correspond, selon Leperlier, à une évolution du champ littéraire algérien qui projette les journalistes à l’avant-garde de la contestation politique. Cette évolution, que l’auteur qualifie de « chant du cygne de l’écrivain comme parangon de l’intellectuel », est tributaire de trois facteurs majeurs : la position des écrivains, leur autonomie par rapport au pouvoir, leur rapport au champ intellectuel.

    Après un rappel des principales mouvances politiques en Algérie dans les années 1980, Leperlier examine la thèse d’un « silence des intellectuels » lors des émeutes. L’image de « l’intellectuel au service et en avant du peuple » est confrontée non seulement au statut d’élite sociale des écrivains et à leur libéralisation progressive, mais aussi à la difficulté de critiquer le FLN, comme le suggère le cas « typique » de Kateb Yacine et son « soutien critique » au régime algérien. Si l’on assiste à une « culturalisation de la politique » (dans le sens où des enjeux culturels, tels que la langue et la culture berbères, sont désormais pensés comme politiques et identitaires), la fin du monopole étatique sur la culture ouvre la voie à une « repolitisation » progressive des écrivains algériens, accélérée au contact de la presse et sous la pression d’une visibilité accrue des islamistes.

    Pendant la guerre civile, Leperlier note « une relative stabilité des oppositions » entre écrivains « pro-islamistes » et « anti-islamistes », ces derniers étant répartis à leur tour entre « radicaux », soutenant l’arrêt par l’armée du processus électoral, et « dialoguistes », rejetant cette intervention et prônant un dialogue politique. Partant d’une analyse statistique permettant de regrouper les polarités majeures du champ littéraire algérien, Leperlier montre que le rapport des écrivains au régime est fonction de plusieurs variables, dont la formation, l’écart générationnel, la visibilité politique, le degré d’intériorisation du rôle d’intellectuel, et surtout le type de capital littéraire. La guerre civile révèle également une opposition entre intellectuels « généralistes », intervenant au nom des valeurs universelles, et intellectuels « spécifiques » (historiens, politologues, etc.), le faisant à partir de leurs spécialités. Les échos de cette opposition se prolongent en France où la réception d’un texte polémique comme FIS de la haine de Rachid Boudjedra révèle, selon Leperlier, un cas limite de « formation transnationale » d’un intellectuel « alibi », bénéficiant de la valorisation littéraire et de la réappropriation de son discours dans le contexte français.

    Le deuxième chapitre présente une critique de l’idée, développée en France et alimentée par certains en Algérie, selon laquelle la guerre civile était avant tout une opposition entre arabophones et francophones. Si la question linguistique est un lieu de tensions évident, marqué notamment par la domination de la littérature de langue française et l’échec de l’arabisation dans le champ littéraire, Leperlier investit les raisons qui ont poussé les écrivains algériens à la considérer comme centrale et soutient que leurs prises de position politiques trouvent leurs origines plutôt dans « l’internationalité littéraire », à savoir le type et la portée internationale de leur capital.

    Observant que les écrivains dits « anti-islamistes » sont représentés aussi bien parmi les arabophones que parmi les francophones, Leperlier montre également que le champ littéraire algérien a résisté au clivage linguistique à travers des dynamiques transversales mettant en cause l’étanchéité des deux pôles, à l’image de l’opposition entre Rachid Boudjedra et Tahar Ouettar qui structure le sous-champ de langue arabe, ou des efforts de Tahar Djaout pour reconnaître Ouettar dans le sous-champ de langue française. Pour Leperlier, la rupture entre ces deux auteurs et la promotion du clivage linguistique par le second marquent symboliquement la formation de l’idée d’« une guerre des langues ». À la faveur d’une « synchronisation des enjeux » entre champs universitaire, journalistique, et littéraire, la question linguistique devient un élément central dans la perception de la crise.

    La thèse principale développée ici consiste à considérer la guerre des langues comme une « prophétie auto-réalisatrice » ; en d’autres termes, « la guerre civile n’est pas essentiellement une guerre des langues, mais elle l’est devenue ». Dans un contexte où le mouvement islamiste est non reconnu tantôt dans sa dimension politique, tantôt dans sa violence culturelle, la guerre civile interdit la nuance et, constamment nourrie par la logique de la terreur et des rumeurs, favorise à la fois l’illisibilité politique et la lecture de la crise comme guerre culturelle et linguistique.

    Enfin, en analysant l’évolution de la production en arabe et en français pendant la période, Leperlier montre que la crise a surtout impacté la seconde, délocalisée en France, confirmant ainsi l’importance du rapport à l’international comme facteur d’opposition entre les écrivains algériens. Ce phénomène de « bipolarisation » se reflète également au niveau des genres littéraires, avec la domination du roman dans le sous-champ de langue française et la progression notoire de la poésie dans le sous-champ de langue arabe.

    Si la question de l’engagement politique sert de fil rouge à l’ouvrage, elle est traitée dans le troisième chapitre à partir du « genre lisière » qu’est le témoignage. Dans les années 1990, la résurgence de la figure de l’écrivain-témoin est favorisée par deux facteurs essentiels : le besoin transnational d’un savoir authentique sur l’Algérie et la situation de crise renouvelant la question de l’engagement. En s’inspirant de la typologie wébérienne, Leperlier distingue « trois gestes d’engagement » : « l’attestation » ou « l’affirmation d’un propos politique explicite » ; « l’évocation », définie comme « un engagement pour autrui » ; et « l’interrogation », geste opposé à l’éthos du témoignage et impliquant la mise en cause des valeurs attestées ou l’éloignement du souci d’évocation. Le reste du chapitre est consacré à une analyse illustrée de chaque geste.

    L’engagement dit d’attestation est approché d’abord à travers les cas de Rachid Mimouni et de Yasmina Khadra. Si le premier exploite les ressorts du réalisme magique et du roman à thèse au profit de l’attestation politique, le second utilise les conventions du polar et le dispositif de l’enquête pour défier l’explication journalistique et sociologique de la crise. Les cas de Malika Boussouf, Aïssa Khelladi et Maïssa Bey servent à analyser le modèle du témoignage du journaliste à partir de trois perspectives complémentaires : une « éthique de vérité et de lutte » héroïque chez la première, un « anti-héroïsme » doublé d’une mise en jeu des codes du journalisme et du témoignage chez le deuxième, et un « héroïsme de libération » basé sur le pouvoir de la parole et la langue du corps chez la troisième.

    L’engagement d’évocation est abordé principalement à travers la littérature algérienne féminine, dont le développement bénéficie du travail fondateur d’Assia Djebar autour de « la possibilité d’un dire féminin » et du dialogue avec les disparus. Si Ahlam Mosteghanemi joue sur l’héroïsation de l’écriture féminine, Soumya Ammar-Khodja, parmi d’autres, explicite la perception du témoignage comme un « genre genré ». Leperlier analyse également la nostalgie de l’Algérie coloniale à travers les thèmes du métissage culturel (Abdelkader Djemaï), de la tolérance religieuse (Leïla Sebbar), du raffinement intellectuel (Ammar-Khodja), ou encore de la thématisation de la nostalgie andalouse sur fond de croisement linguistique et de transmission mémorielle (Waciny Laredj).

    L’engagement d’interrogation est aussi lié à l’ambiguïté du questionnement politique et à la quête d’une autonomie littéraire. Si Mohammed Dib articule la question de l’engagement à « un souci d’universalité » et à « une collaboration active du lecteur », Salim Bachi mobilise le topos de l’errance pour fragiliser l’éthique de la lutte et mettre en doute la valeur d’engagement.

    Dans le dernier chapitre de son ouvrage, Leperlier souligne l’ambivalence de l’espace éditorial français qui accueille et offre une tribune aux écrivains algériens tout en favorisant leur « ghettoïsation » sous une étiquette nationale, des logiques économiques et des règles hiérarchiques. Après un rappel des facteurs et des enjeux de l’exil, expérience souvent synonyme de déclassement social et de difficultés professionnelles, il observe que les écrivains exilés (près d’un quart des écrivains de la période) sont perçus en France, dans les années 1990 surtout, comme algériens et restent peu intégrés au champ littéraire français, la guerre civile provoquant ainsi « une forte auto-identification nationale ».

    Est ainsi nuancé le « soupçon mercantile » pesant aussi bien sur les écrivains algériens pour leur manque d’authenticité que sur les éditeurs français pour leur ethnocentrisme. Partant du cas de Timimoun de Boudjedra, roman basé sur « une esthétique de l’antithèse » qui renforce et met à distance les clichés exotiques, Leperlier estime que les œuvres de la période, à quelques exceptions près, sont des « Janus regardant seulement avec plus ou moins d’intensité vers l’une ou l’autre rive ». Partant, la manipulation exercée par l’édition et la réception françaises doit être nuancée par la volonté d’engagement des écrivains algériens et le caractère hétéroclite du paysage éditorial et critique en France.

    Les dernières pages se tournent vers l’expérience de la revue Algérie Littérature/Action, créée en 1996 par Marie Virolle et Aïssa Khelladi. Portée par un capital économique français et une volonté de reconstruire l’autonomie du champ littéraire algérien, la revue souffre – après la guerre civile – des contraintes du marché local en termes de lectorat et de professionnalisation. Pour Leperlier, la fin de la guerre civile se caractérise par un double phénomène de « relative dépolitisation » et de « dépolarisation ». La réintégration des mouvances d’opposition et la réinstauration d’une politique du livre favorisent un rebond de l’édition. Du point de vue linguistique, le retour du français répond à « une volonté de réancrer la littérature algérienne de langue française sur le sol algérien » et s’accompagne d’une diplomatie d’influence française, notamment avec l’Année de l’Algérie en France en 2003. L’expérience des maisons d’édition El-Ikhtilef et Barzakh marque la création en Algérie d’un « pôle autonome d’avant-garde » qui s’oppose à l’esthétique du témoignage, tout en élaborant une ligne éditoriale variée et une stratégie d’alliance internationale.

    Fruit d’un travail considérable de recherche doctorale, Algérie, les écrivains dans la décennie noire est une contribution majeure aux études littéraires et sociologiques sur l’Algérie contemporaine. En s’intéressant aux prises de position des écrivains algériens et à la circulation de leurs œuvres et de leurs idées en contexte de crise politique, l’ouvrage se lit comme une enquête savante qui résiste aussi bien à la simplification qu’à la systématisation. Néanmoins, on peut y relever quelques choix discutables, tels que la juxtaposition de figures littéraires de stature et de positionnement différents (Mimouni et Khadra ; Dib et Bachi), le manque de développement de certaines analyses textuelles (surtout pour les auteurs moins médiatisés) ou encore la focalisation sur les expériences et les stratégies particulières des écrivains dominants dans le champ littéraire tels que Boudjedra et Ouettar. Par ailleurs, l’appel de Leperlier à nuancer l’ethnocentrisme éditorial et critique français vis-à-vis de la littérature algérienne semble se heurter, d’une part au maintien continu de la France comme lieu d’influence et de légitimation des plumes algériennes, et d’autre part au traitement inégal de ces dernières, faisant de la quête même de l’autonomie littéraire une autre ligne de fracture dans le champ littéraire algérien. Ceci étant, une telle étude a le mérite d’ajouter une pierre à l’édifice des recherches sur la littérature nord-africaine, qui doivent plus que jamais se pencher sur la question du multilinguisme et de l’impact des crises locales et régionales sur le champ littéraire maghrébin.

    Source : En attendant Nadeau

    Tags : Algérie, presse, journalisme, journalistes, décennie noire, terrorisme,

  • Maroc : Lahcen Tofli, l’instrument du Makhzen pour ses faux procès

    Lahcen Tolfi, le président de la Cour d’appel de Casablanca devait prendre sa retraite cette année, mais il a été prié de rester dans le but de conduire le procès contre les prisonniers rifains dont le seul crime a été de revendiquer un hôpital et une université dans une région longtemps marginalisée par les autorités marocaines.

    Comme d’habitude, Tofli n’a pas déçu ses manipulateurs. En toute naturalité, il a confirmé les lourdes peines prononcées par le tribunal de première instance.

    L’homme de choc du Makhzen est appelé à intervenir dans les situations difficiles où les autorités doivent faire preuve de fermeté et de cruauté. C’était le cas lors des attentats du 16 mai 2003 à Casablanca, ce qui pousse à croire que ce procès n’était qu’une mise en scène pour couvrir une opération exécutée par les services secrets en vue de crier au loup du terrorisme.

    Il a aussi dirigé une autre mise en scène à Casablanca en 2014 lors du procès de la prétendue cellule dormante d’Al Qaïda  composée, selon les autorités, de 3 saoudiens et 7 marocains qui projettaient, tenez-vous bien, de perpéttrer des « actes « terroristes » au Maroc et dans le détroit de Gibraltar ». Selon l’acte d’accusation, la cellule dormante du réseau d’Al-Qaïda « avait pour mission d’attaquer à l’explosif des bateaux de l’OTAN en Méditerranée, notamment des unités de la Marine américaine et britannique ». Une accusation aussi fausse que celle lancée contre les activistes rifains.

    Tags : Maroc, Lahcen Tofli, justice, Rif, Hirak, terrorisme,

  • Pays-Bas : L’Agence Nationale Antiterroriste NCTV met en garde contre une campagne de financement pour un orphelinat au Maroc

    La Coordination Nationale Antiterroriste NCTV [Le Coordinateur National pour la Sécurité et la Lutte Contre le Terrorisme] qui dépend des services néerlandais, a mis en garde plusieurs municipalités néerlandaises contre une campagne de collecte « douteuse » pour un orphelinat au Maroc.

    Selon NCTV, un extrémiste saoudien est impliqué dans ce projet mené par la fondation Salaam Foundation Eindhoven. En outre, selon l’autorité de sécurité, il est difficile de savoir d’où provient l’argent. 300.000 euros ont déjà été levés en peu de temps.

    L’organisation humanitaire islamique Salaam Foundation d’Eindhoven a collecté 300 000 euros pour la construction de l’orphelinat en peu de temps. Dans une vidéo de recrutement, de nombreux prédicateurs hollandais salafistes demandent que de l’argent soit donné au projet. L’objectif est de « donner l’impression » que l’argent a été collecté par des musulmans néerlandais, alors que selon la NCTV, il est généralement admis que « ces organisations et leurs partisans ne sont pas suffisamment décisifs pour réunir un tel montant ». Dans son message, le coordinateur de la lutte contre le terrorisme suggère que l’argent vient de l’étranger.

    Pas de transparence

    Le responsable de la Fondation Salaam, Amar Nejjar, est décrit par la NCTV comme « une personne importante qui parvient à mobiliser des fonds en Arabie saoudite et dans les États du Golfe ». En outre, il n’y a « aucune transparence sur la manière dont le montant a été collecté et sur l’identité des donateurs ». La raison pour laquelle les financiers étrangers souhaitent financer un projet au Maroc via les Pays-Bas reste floue.

    L’extrémiste saoudien Mohammed al-Arifi est considéré par le NCTV comme le promoteur du projet. Dans une vidéo de la Fondation Salaam, il a appelé ses partisans à donner de l’argent. Al-Arifi avait précédemment exprimé son soutien au djihad armé en Syrie.

    La collecte de fonds est organisée par Islaam.tv, une chaîne Internet qui organise chaque année des dizaines d’événements caritatifs et en collecte souvent des tonnes. Sadaqa TV est un autre acteur majeur de la collecte de fonds islamique aux Pays-Bas. Cette chaîne Internet provient de la famille Salam à Tilburg, qui fait l’objet d’un blanchiment d’argent. Le FIOD étudie, entre autres, l’origine de l’argent que la famille a recueilli.

    Questions du conseil de Rotterdam

    À Rotterdam, un événement bénéfice de Sadaqa TV a soulevé des questions précédentes. La conseillère Tanya Hoogwerf, très vivable, a mis en doute la collecte pour une mosquée de Rotterdam. Le conseil municipal n’a vu aucune raison pour une enquête plus approfondie. Hoogwerf se sent renforcée par le message de la NCTV auquel elle a été confrontée. « Maintenant que le coordinateur du terrorisme pense également qu’il est irréaliste de lever des montants aussi élevés, il est temps de soumettre ces collections à une enquête sur Bibob, afin d’empêcher la collecte de fonds étrangers avec lesquels les salafistes renforcent leur position ».

    La NCTV a envoyé un message pour informer les municipalités des développements nationaux, a déclaré un porte-parole. « Les municipalités jouent un rôle majeur dans la prévention de la radicalisation. Si nous rencontrons des informations dans des sources ouvertes qui les intéressent, nous les partageons. »Cependant, les municipalités peuvent difficilement prendre des mesures contre le financement étranger. Tout au plus peuvent-ils demander aux organisations du financement.

    Ahmed Oulhaj, de la Salaam Foundation, a déclaré dans une réaction que les doutes concernant les fonds recueillis étaient « déplacés ». « Apparemment, la NCTV sous-estime l’implication humanitaire de la communauté musulmane aux Pays-Bas. » La fondation invite la NCTV à un entretien.

    nrc.nl, 3 avr 2019